Les dermatoses paranéoplasiques Marie-Sylvie Doutre Bordeaux Brive 18 juin 2011 Dermatoses apparaissant avant ou en même temps que l’affection maligne et évoluant de façon parallèle, régressant avec le traitement et réapparaissant lors d’une récidive Mais …. Dermatoses associées avec une fréquence significative avec un cancer La physiopathologie n’est le plus souvent pas bien connue. Les manifestations dermatologiques pourraient être dues à - la sécrétion par la tumeur de diverses substances en particulier des facteurs de croissance - des anomalies métaboliques dues à la tumeur - des mécanismes immunologiques (réaction croisée Ag tumoraux-Ag cutanés) On peut classer les dermatoses paranéoplasiques selon - les hypothèses physiopathologiques évoquées - les aspects cliniques - le caractère plus ou moins « obligatoire » de l’association avec une affection malignes Certaines dermatoses paranéoplasiques doivent conduire à la recherche « acharnée » d’une affection maligne associée L’acanthosis nigricans et les syndromes apparentés L’aspect clinique est assez proche de celui des AN non malins mais - apparition chez un adulte - extension des lésions - atteinte des muqueuses et des régions palmoplantaires - association à d’autres lésions cutanées La papillomatose cutanée floride L’hyperkératose palmaire filiforme acquise (Il existe également des formes plantaires et des formes diffuses) Le syndrome de Leser-Trelat La pachydermatoglyphie ou Tripe palms L’ostéo-arthropathie hypertrophiante Ces différentes manifestations sont isolées ou le plus souvent associées chez un même patient, très probablement dues à la sécrétion de facteurs de croissance épidermique Association préfèrentielle avec des cancers digestifs (estomac) et pulmonaires L’acrokératose paranéoplasique de BAZEX Associée préférentiellement à un cancer des voies aérodigestives supérieurs L’érythème nécrolytique migrateur ou syndrome du glucagonome Biopsie cutanée: aspect en « tranche napolitaine » Parakératose Epiderme « pâle » : neutrophiles sous-cornés, spongiose, nécroses kératinocytaires et dyskératose (couches superficielles) Œdème dermique, hyperplasie vasculaire, infiltrat inflammatoire polymorphe Altération de l’état général +++ Diabète insulino-requérant dans 90% des cas Troubles neuro- psychiques (20% des cas) - Dosage du glucagon - Imagerie pancréatique >> tumeur du pancréas à partir des ilots alpha de Langerhans , maligne dans 80 % des cas. Bien que le plus souvent associé à un glucagonome, l’érythème nécrolytique migrateur peut aussi être dû à - une maladie coeliaque - une pancréatite chronique - une cirrhose alcoolique - une malabsorption ou une carence en zinc Il existe aussi des dermatoses paranéoplasiques exceptionnelles mais spectaculaires - l’erythema giratum repens - l’ hypertrichose lanugineuse acquise Le pemphigus para-néoplasique Atteinte muqueuse sévère souvent initiale + lésions cutanées polymorphes , lésions maculopapuleuses en cocarde, bulles, papules lichénoïdes… Histologie « atypique »: acantholyse discrète ou absente,nécroses kératinocytaires,vacuolisation de l’assise basale… Auto-AC dirigés contre divers Ag (desmogléines 3 et 1,périplakine, desmoplakines 1 et 2, envoplakine…) Association avec - Proliférations lymphoïdes +++ (lymphomes non Hodgkiniens ,LLC, maladie de Waldenstrom…) -Autres tumeurs Pronostic très sévère - cancer associé - sévérité des lésions et résistance aux traitements - atteinte de la muqueuse respiratoire (bronchiolite obstructive oblitérante) Le pemphigus paranéoplasique s’intégre dans le PAMS (Paraneoplastic Autoimmune Multiorgan Syndrome) Il existe d’autres dermatoses « non obligatoires » pouvant être dues à diverses étiologies mais dont la fréquente association avec des affections malignes justifie leur recherche, d’autant que les autres causes sont absentes Quelques exemples… Les thrombophlébites migratrices , en « fil de fer » L’ichtyose acquise L’eczéma craquelé Le syndrome carcinoïde (syndrome de Björk) Les dermatoses neutrophiliques Le syndrome des ongles jaunes Un érythème palmaire Des nécroses digitales … Dermatomyosite et cancer Quoi de neuf? - Il existe une fréquence significative de cette association est mais avec des chiffres variables Zampieri Autoimmun Rev 2010 De 13 à 42 % , ces chiffres variant selon l’origine des patients et le bilan effectué Classiquement , le diagnostic de DM est fait avant ou simultanément à celui du cancer mais après. - Cette association se retrouve aussi avec les dermatomyosites amyopathiques Gerami J Am Acad Dermatol 2006 Revue de la littérature de 291 DMA >> 41 affections malignes (14%) Cao Clin Rheumatol 2009 16 DMA >> 4 cancers (25%) Azuma Mod Rheumatol 2010 15 DMA >> 3 cancers (20%) - Le type de cancer est également variable avec l’origine des patients Ovaire, poumons , tractus digestif (colon),sein Zahr Curr Rheumatol Rep 2011 Estomac au Japon Azuma Mod Rheumatol 2010 Carcinome naso-pharyngé en Asie Huang Br J Dermatol 2009 - Les facteurs prédictifs sont aussi variables en fonction des études mais on retrouve souvent - l’ âge > 50 ans - le sexe masculin - le début brutal des signes cutanés et /ou musculaires - une augmentation de la VS Fardet Medicine 2009 et des nécroses cutanées - Il existe des anticorps paraissant spécifiques de cette association AC antinucléaires anti p155/140 dépistés par IF sur cellules Hep 2 et détectés par western blot dirigés contre un auto-Ag impliqué dans la transcription nucléaire (TIF 1- g) Targoff Arthritis Rheum 2006 Chinoy Ann Rheum Dis 2007 Selva-O’Callaghan Medicine 2010 Kaji Rheumatology 2007 52 DM 7 DM avec AC >> 5 cancers (71%) 45 DM sans AC >> 5 cancers (11%) Hamaguchi Arch Dermatol 2011 376 DM 25 DM avec AC >> 17 cancers (68%) 351 DM sans AC >> 22 cancers (6,2%) Chez les patients ayant ces AC, - lésions cutanées « classiques » des DM Dans l’étude de Kaji (Rheumatol 2007), fréquence de l’érythème flagellé - pas de pneumopathie interstitielle Ces mêmes AC sont également observés dans les DM de l’enfant, mais le contexte est différent Targoff Arthritis Rheum 2006 Gunawardena Rheumatology 2008 D’autres AC ont aussi être mis en évidence de façon spécifique dans les DM de l’adulte , non retrouvés dans les autres collagénoses - AC anti Mi2 : DM classique sans atteinte pulmonaire interstitielle et sans cancer - AC anti CADM-140 : DM amyopathique avec atteinte pulmonaire interstitielle Ces 3 types d’AC sont mutuellement exclusifs Gunawardena Rheumatol 2009 Vasculites et tumeurs solides, y-a-t-il un lien? Association fréquente entre les vasculites cutanées ou cutanéo-systémiques et des hémopathies malignes mais avec des tumeurs solides? Plusieurs articles récents sur cette possible association avec des approches différentes Solans-Laque J Rheumatol 2008 Diagnostic la même année d’une vasculite cutanée ou cutanéo-systémique et d’une tumeur solide (voies urinaires, poumons , tube digestif) dans 15 cas Chez 13 malades, évolution parallèle Podjasek J Am Acad Dermatol 2010 Diagnostic la même année d’une vasculite cutanée et d’une tumeur solide (poumons, voies urinaires, sein, colon) chez 17 patients Marie Presse Med 2010 132 vasculites cutanées - 74 chez des sujets < 65 ans - 58 chez des sujets > 65 ans Pas de différences cliniques Pas de différences de fréquence des causes médicamenteuses et infectieuses cancers + fréquents chez les sujets > 65 ans (p:0.02) >> pas de particularités cliniques ou histologiques ,si ce n’est l’âge >> association significative ou hasard ??? Des études complémentaires sont nécessaires 2 revues générales sur les dermatoses paranéoplasiques Abreu Velez et al Dermatol Ther 2010;6:662-75 Ehst et al Curr Probl Surg 2010;47:384-445