LE DEVELOPPEMENT DURABLE : UN ENJEU DE SOCIETE ALEXANDRE MINDA Institut d’Etudes Politiques de Toulouse SOMMAIRE I - LE DEVELOPPEMENT DURABLE, UNE NOTION EN DEBAT II - HISTORIQUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE III - LES PROBLEMES CONTEMPORAINS D’ENVIRONNEMENT IV - VERS UN AUTRE MODELE DE DEVELOPPEMENT ? V - GOUVERNANCE ET DEVELOPPEMENT DURABLE I - Le développement durable, une notion en débat A l’origine de la notion de développement durable “Un développement qui répond aux besoins du présent , sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs” Gro Harlem Brundtland, « Notre avenir à tous », Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987 S’entendre sur les mots Jusqu à la période indépendance du Tiers Monde, la croissance et le développement se confondaient et servaient à qualifier les transformations de longue période des économies des pays « avancés ». Il faut attendre le milieu du XX ème siècle pour voir la notion de développement se distinguer de celle de croissance par sa prétention à intégrer certains aspects du bien-être non immédiatement économique. Le terme anglais, sustainable development a été traduit par la Commission Brundtland comme « développement soutenable ». Est soutenable ce qui peut être supporté ou encore plaidé par des arguments recevables. Dans les deux cas, on est loin du sens suggéré par le terme originel. Pour éviter les malentendus qui peuvent survenir certains ont préféré l’expression de « développement durable ». Est durable ce qui est de nature à durer longtemps. Mais il reste à souligner ce qu’il convient ou s’impose de rendre durable : le développement lui-même, ou certaines activités particulières ? Dans les deux cas, il reste encore à préciser comment et pourquoi. Le développement durable, une notion pertinente ? Plusieurs auteurs n’ont pas manqué d’exprimer leurs doutes quant à la pertinence de la notion de développement durable. Pour l’anthropologue Gilbert Rist la définition que donne le rapport Brundtland « prétend que « le présent » a des « besoins » auxquels il faut répondre sans empêcher les générations suivantes de satisfaire les leurs. Mais comment identifier ces fameux « besoins »? D’autres auteurs ont contesté l’idée sous-jacente du développement durable, à savoir la possibilité dune croissance illimitée. A une conception quantitative du développement, ils opposent une conception qualitative. Pour l’économiste Michel Béaud, le développement soutenable doit être un « développement humain sans croissance ». D’autres comme Nicholas Georgescu-Roegen et Serge Latouche préconisent une décroissance soutenable ( recul de l’économie monétaire, développement de la solidarité et des services sociaux, renforcement de la coopération …) Les trois piliers du développement durable Le développement durable procède d’une démarche qui vise à répondre aux besoins d’aujourd’hui sans pour autant hypothéquer l’avenir, grâce à une meilleure prise en compte de l’environnement dans le développement économique et le progrès social Cet objectif impose de modifier les modes de production et de faire évoluer les pratiques de consommation LES TROIS PILIERS DU DEVELOPPEMENT DURABLE Pilier économique Objectifs d’une croissance plus qualitative Pilier social Satisfaction des besoins humains, répondre à des objectifs d’équité et de cohésion sociale (santé, logement, éducation, culture, …) Pilier environnemental Préserver, améliorer et valoriser l’environnement et les ressources naturelles La dimension plurielle du développement durable LES TROIS DIMENSIONS DU DEVELOPPEMENT DURABLE Importance des interactions entre le système économique et la biosphère Intégration des objectifs d’équité dans le temps et dans l’espace Prise en compte des effets à long terme II - Historique du développement durable Stockholm et Club de Rome (1972) Stockholm, 1972 Conférence des Nations Unies sur l’Environnement croissance économique Lien prudence écologique entre équité sociale Club de Rome, 1972 Les limites de la croissance Modélisation des impasses de la croissance Création du PNUE, du PNUD { Stockholm, 1972 « Une seule Terre » Principe 2 Les ressources naturelles de la Terre incluant l’air, l’eau, les sols, la flore et La faune (…) doivent être sauvegardées pour les générations actuelles et futures par une utilisation planifiée et une gestion prudente. Principe 5 Les ressources non renouvelables du globe doivent être exploitées de telle façon qu'elles ne risquent pas de s'épuiser et que les avantages retirés de leur utilisation soient partagés par toute l'humanité. Les propositions de la commission Brundtland (1987) Pour la Commission Brundtland, le développement soutenable suppose de : Favoriser la croissance et en modifier la qualité. Satisfaire les besoins essentiels en ce qui concerne l’emploi, l’alimentation, l’énergie, l’eau, la salubrité. Maîtriser la démographie. Préserver et mettre en valeur les ressources naturelles. Réorienter les techniques et gérer les risques. Le sommet de la terre de Rio (1992) 1992 : le Sommet de la Terre, Rio, 182 États 27 principes, dont celui de pollueur - payeur Extraits des 27 principes de la déclaration de Rio L'homme est au centre des préoccupations (1) dans le respect des générations présentes et futures (3). ... La protection de l'environnement est partie intégrante du processus de développement (4) elle est conditionnée par la lutte contre la pauvreté (5) et concerne tous les pays (6) selon des responsabilités communes mais différenciées (7). … Les modes de production et de consommation non viables (non durables) doivent être éliminés (8) au profit de ceux qui seraient viables dont la diffusion doit être favorisée (9). Le public doit être impliqué dans les décisions (10) Kyoto et le problème des gaz à effets de serre (1997) 1997 : le Protocole de Kyoto Objectif : stabiliser le niveau d’émission global Pays s’engagent à réduire leur niveau d’émission de GES Problème : USA refusent de ratifier alors qu’ils sont les premiers émetteurs au monde, de même que la Chine Une application concrète : le marché des droits à émissions, qui est entré en vigueur en Europe en 2005 L’implication des entreprises (2000) 2000 : le programme Global Compact à l’initiative de Koffi Annan Code de conduite volontaire 4 thèmes, 10 principes Droits de l’homme 1 les entreprises doivent encourager et respecter la promotion des droits de l’homme universellement proclamés 2 les entreprises doivent s’assurer qu’elles ne sont pas complices de violations de ces droits Conditions de travail 3 Les entreprises doivent reconnaître le droit d’association et de revendication collective. 4 Elles doivent proscrire tout travail forcé ou obligatoire 5 Elles ne doivent pas recourir au travail des enfants 6 Elles doivent s’abstenir de toute discrimination Environnement 7 Les entreprises doivent adopter un principe de précaution face à l’environnement 8 soutenir des initiatives pour promouvoir une plus grande responsabilité vis-à-vis de l’environnement 9 encourager le développement et la diffusion de techniques qui préservent l’environnement Lutte contre la corruption 10 Les entreprises doivent lutter contre toute forme de corruption, y compris extorsion de fonds et pots de vin Johannesburg = Rio + 10 2002 : Sommet de la Terre à Johannesburg, 189 pays, 10 000 délégués, 400 ONG Chantiers prioritaires : L’eau (3,5 milliards d’hommes sans eau potable ou sans assainissement > objectif : réduire ce nombre de 50%) L’énergie (et l’émission de GES) La lutte contre le SIDA et les maladies tropicales Les produits agricoles (cf.OMC) La Biodiversité (forêts, écosystèmes, mamifères, poissons…) Résultats décevants en matière d’engagements par les États Forte avancée des entreprises : partenariats publics-privés (PPP) III - Les problèmes contemporains d’environnement L’effet de serre Evolution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère au 21ème siècle : 2 à 4 fois plus importante qu’avant l’ère industrielle Les émissions de CO2 en 2002 en tonnes par habitant Evolution de la température moyenne à la surface de la Terre au 21ème siècle : températures plus élevées que pendant les 1000 dernières années Fonte des pôles, hausse du niveau des mers Catastrophes liées à des événements climatiques Catastrophes naturelles d’origine climatique depuis 1950 1950-1959 13 1960-1969 16 1970-1979 29 1980-1989 44 1990-1999 72 1992-2001 64 41,2 54,1 79,4 126,1 425,4 362 Coût économique en Mds de $ valeur de 2001 80 80 450 70 70 400 400 60 60 350 350 300 nombre 50 50 44 40 250 200 40 30 29 30 20 20 10 72 13 16 100 300 250 150 200 100 150 50 100 0 50 1950-1959 1960-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 0 0 1950-1959 1960-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 © 2002 Groupe de Recherche GéoRisques, Munich Re x4 x 6,7 450 mds $ nombre comparaison (1992-01) / 60s nombre Coût économique Pollution de l’air, urbaine, transfrontière Les ressources en eau qualité, quantité 1 milliard de personnes n’ont pas accès physiquement ou financièrement à un approvisionnement en eau potable 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à des systèmes d’assainissement L’accès à l’eau conditionne le développement, l’accès à l’éducation Dans 20 ans, la quantité d’eau potable disponible par personne aura diminué d’1/3, diminution imputable pour 20% au changement climatique En 2050, 50% de la population mondiale sera en situation de pénurie totale d’eau 2,2 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l’utilisation d’une eau impropre à la consommation 1ère cause de mortalité dans le monde Des ressources en eau mal réparties Environnement marin et exploitation des ressources halieutiques Dégradation des sols, diminution de la fertilité Gestion des risques et des accidents Gestion des forêts, de la faune et de la flore sauvages Disparition des forêts primaires (1%/an) Exploitation du bois Cultures d’exportation (ex : huile de palme) mais impacts lourds Biodiversité, Migrations, puits de carbone, exodes vers les bidonvilles Corruption, Exploitations illégales Gestion des déchets Bruit et qualité de vie IV - Vers un nouveau mode de développement ? Economiser l’énergie et décarboniser l’économie et la société La planète a mis 100 millions d’années pour accumuler le gaz, le charbon, le pétrole ….. En un siècle, l’homme en a brûlé la moitié ! Si on ne fait rien, la consommation d’énergie pourrait augmenter de plus de 60 % d’ici à 2030 par rapport à 2000. Il faut absolument économiser beaucoup d’énergie et cela d’autant plus que des ressources d’hydrocarbures sont en voie d’épuisement. En jargon d’économiste, cela signifie abaisser l’intensité énergétique du PIB (elle a déjà baissé de 1,7 % en moyenne par an depuis 1995, mais cela est insuffisant). Comment économiser l’énergie ? Transformer l’habitat Renforcement de l’isolation Développer l’eau chaude solaire Aides pour la rénovation du parc immobilier ancien Développer les transports collectifs le ferroutage, les pistes cyclables Surconsommation d’appareils électriques Supprimer les systèmes de mise en veille Imposer des normes plus strictes pour les appareils producteurs de froid Automobile propre Véhicule plus léger, à faible émission de CO2, voiture électrique ? Comment décarboniser l’économie ? Développer l’énergie solaire Développer l’énergie éolienne Développer la petite hydraulique Chauffage, eau chaude, Électricité (Coût ?) Danemark, Off-shore ? Esthétique ?, Stockage ? Pays en développement Biomasse (brûler le bois, végétaux, déchets organiques) Problème : dépense d’énergie, surfaces ? Diminuer les hydrocarbures des produits de consommation Imprimante en amidon de maïs Hydrogène N’existe pas à l’état naturel GES si produit à partir d’hydrocarbures Faible rendement à partir d’énergies renouvelables Recycler les matières premières et dématérialiser l’économie Collecte sélective des déchets et recyclage des emballages Vers une logique de location ? Automobiles, photocopieurs, ordinateurs, meubles Chaînes alimentaires industrielles Parcs éco-industriels Déchets nucléaires Stockage, transport L’urbanisation accélérée Les villes concentrent près de la moitié de la population mondiale, une proportion qui grimpe à plus de 80 % dans les pays industrialisés. Elles dévorent les ressources naturelles et déversent déchets et pollutions. L’extension des villes à la périphérie augmentent le trafic automobile et les nuisances qui l’accompagnent. Dans les pays en développement, la croissance urbaine est plus importante. Emergence de Mégapolis : en 2015, Bombay (27,4 millions); Lagos (24 millions); Shangai (23 millions). Or, moins de 35 % de ces villes traitent les eaux usées et plus de la moitié de déchets ne sont pas ramassés. Vers une ville durable ? Une maison solaire à la campagne ou un appartement en ville ? Eco-quartiers Modèle d’habitat à densité intermédiaire, économie d’énergie, gestion des déchets …. Ville de courte distance Regrouper les lieux de travail, d’habitation, les commerces, les loisirs Rendre plus attractive les petites villes et les communes rurales Infrastructures, Fiscalité ? La question démographique Une croissance démographique inégale Maîtriser la croissance démographique des pays en développement Elever le niveau d’éducation Permettre aux femmes d’accéder aux services de planification familiale Mettre en place un système de soins de base Rôle de la démocratie La question de l’eau Limiter le gaspillage de l’eau Favoriser les systèmes d’irrigation à basse pression Goutte-à-goutte Normes plus strictes sur les appareils électro-ménagers Machine à laver Limiter les gaspillages d’eau domestique Chasse d’eau à débit variable, Récupération des eaux de pluies Techniques de désalinisation Coût ? Les champs de l’agriculture durable Production rentable durable et vivable De la révolution verte à la révolution bleue ? Qualité et diversité des modes de production, des produits et des services Alimentation et santé Valorisation de l’espace rural Quel avenir pour la politique agricole commune ? V - Gouvernance et développement durable POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES ET DEVELOPPEMENT DURABLE OBJECTIFS DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES RAISONS ETHIQUES Protection de la nature Préserver la biosphère MAINTIEN DU BIEN-ETRE La dégradation de l’environnement nuit au bien-être (santé par exemple) RAISONS ECONOMIQUES La dégradation de l’environnement a un coût Les investissements respectueux de l’environnement sont sources d’efficience économique Les raisons de l’intervention de l’Etat dans le champ environnemental Possibilité technique de définir et d’appliquer des droits de propriété sur l’environnement Difficulté de déterminer les dommages subis (cf. santé) Les problèmes environnementaux impliquent de nombreux agents ce qui rend irréaliste une solution strictement juridique Les instruments d’intervention Les interdictions Amiante, mercure, Rejet d’huiles Les normes Normes d’émission, Normes de procédé, Certification qualité, environnementale (ISO) Les écotaxes Les permis négociables PPP, TIPP, 4x4 Ecosubventions Droits à polluer Les labels Le label AB Le label rouge Principe de prévention Principes de précaution Principes d’éducation En guise de conclusion Nécessité d’agir globalement et rapidement Mobilisation des acteurs privés, des ONG, des collectivités locales Développement durable Volonté politique Transferts Nord-Sud Le développement durable pour qui ? les êtres humains les pays du nord les humains contemporains les pays du sud les générations futures acteurs « faibles » la nature et les autres êtres vivants