Analyse de scenario Clostridium difficile ARLIN PACA Anne LORY Jean Christophe DELAROZIERE ARLIN PACA Hôpital SAINTE MARGUERITE 270 Bd de Ste Marguerite 13009 MARSEILLE Tél. : 04 91 74 57 67 [email protected] Introduction Clostridium difficile est responsable de 15 à 25 % des diarrhées post-antibiotiques, et de plus de 95 % des cas de colites pseudomembraneuses (CPM). C’est la première cause de diarrhées infectieuses nosocomiales chez les adultes ; les infections à C. difficile (ICD) diagnostiquées à l’hôpital sont d’origine nosocomiale dans plus de 70 % des cas, survenant volontiers sous forme d’épidémies dans des services à risque (réanimation, maladies infectieuses, hématologie et gériatrie). Cau niveau mondial on assiste à l’émergence et à la dissémination sous forme épidémique d’un clone particulièrement virulent de C. difficile, dénommé 027 en référence à son profil par PCR-ribotypage. Cette souche 027 a été isolée dans quelques établissements de santé français en 2005, et a été à l’origine d’une situation épidémique signalée dans la région Nord-Pas de Calais. Son émergence dans la région PACA au cours de l’année 2013 a motivé ce travail. L’isolement de la souche par culture est une étape préalable indispensable pour pouvoir caractériser un clone épidémique la souche 027 est responsable d’une hyperproduction de toxines A et B. Le rôle du laboratoire est de réaliser un diagnostic rapide d’ICD par l’utilisation de tests immunoenzymatiques détectant les toxines A et/ou B. Le diagnostic de certitude du clone épidémique 027 repose sur l’identification de son profil par PCR-ribotypage. La confirmation est réalisée par le Centre national de référence des anaérobies et son réseau de laboratoires experts. La contamination à C. difficile a lieu par voie oro-fécale et la transmission de personne à personne s’effectue directement par manuportage ou à partir de l’environnement contaminé. En milieu hospitalier, la facilité d’acquisition de C. difficile s’explique par : - la très forte dissémination des souches dans l’environnement des patients ayant une ICD - la résistance élevée et la persistance prolongée des spores de C. difficile sur des supports inertes, l’environnement constituant ainsi un réservoir très important - la promiscuité des patients - la pression de sélection par les antibiotiques, responsable d’une diminution de la résistance à la colonisation qui favorise l’acquisition et l’implantation de C. difficile. Les antibiotiques incriminés sont les céphalosporines de 2ème et 3ème génération, la clindamycine, les macrolides, l’amoxicilline + acide clavulanique, les fluoroquinolones - le retard à la mise en place de mesures de prévention de sa dissémination. C’est sur l’ensemble de ces points que nous allons construire notre analyse de scénario 2 Méthode L’approche méthodologique retenue est celle de l’analyse de scénario relative à des infections à Clostridium difficile. Présentation de la méthode Il s’agit d’une approche par problème qui consiste à analyser un problème ou un dysfonctionnement survenu dans un autre établissement, afin de mettre en place des actions visant à éviter sa survenue. Un problème est défini comme la différence entre la situation existante et la situation attendue. Toutes les causes du problème doivent être soigneusement envisagées et analysées. Les causes principales (absence de certaines barrières ou barrières non opérationnelles) doivent être identifiées et prouvées. Des solutions ciblées sur les causes principales peuvent alors être envisagées, testées puis mises en œuvre. Cette approche méthodologique comporte plusieurs avantages. C’est une démarche participative, anticipative, déculpabilisante puisqu’elle consiste à analyser un problème survenu dans un autre établissement. Elle est peu contraignante pour les professionnels en termes de disponibilité. Cette approche a le mérite d’aller à la rencontre des professionnels, d’être à leur écoute, de les impliquer dans une démarche de gestion des risques, d’introduire une culture de la sécurité, de faciliter la communication entre les différents acteurs d’un même programme de prévention et enfin d’avoir une bonne réactivité. Cette approche a pour inconvénient d’étudier et de se préparer qu’à un nombre limité de scénarios prévisibles et qui ne se réaliseront pas forcément dans le futur. A qui proposer une analyse de scénario ? A chaque établissement de santé volontaire, à des équipes d’unités de soins sélectionnées sur proposition de l’équipe opérationnelle d’hygiène, par choix raisonné (lieu d’épidémie, lieu de survenue d’un cas d’infection grave, services à risque, situations dangereuses déjà identifiées et faisant ou pas l’objet d’un plan d’amélioration, etc.). Responsable de la démarche Le projet est placé sous la responsabilité de l’équipe opérationnelle d’hygiène et/ou de la structure en charge de la gestion des risques, qui désignera (ont) un responsable de la démarche extérieur au service concerné par l’exercice. L’animation de l’analyse de scénario sera conduite par un animateur formé à la méthode. Organisation de la démarche Comment Sélection et présentation des scénarii Les scénarii proposés concernent tous des défauts dans la mise en œuvre de la stratégie de prévention et dans l’application des mesures recommandées. Ils sont issus de cas cliniques réels. Les cas sélectionnés sont de gravité différente, certains sans conséquence pour le patient /résident (incidents), d’autres avec des conséquences cliniques ou paracliniques (cas incidents où l’accident est évité de justesse soit par récupération des erreurs, soit par chance). Tous les cas sont présentés selon le même modèle : - description des circonstances de survenue des défauts de soins (patient/résident, soins et professionnels de santé concernés, environnement, etc.), - description des conséquences des défauts de soins, - enseignements tirés dans un but de prévention. Participants : L’analyse de scénario est dirigée par l’animateur et le responsable de la démarche préalablement formé à la méthode. Sont invités à participer à l’analyse de scénarios les professionnels du service présents et disponibles avec, si possible, un représentant de l’encadrement, de chaque catégorie professionnelle (par exemple : 3 médecin, infirmier, interne, aide-soignant, kinésithérapeute, brancardier, etc.) et de chaque équipe (matin, après-midi, nuit). La présence du ou des correspondants en hygiène de l’unité de soins est souhaitable. Quand L’analyse doit être programmée à un horaire favorable pour les différents professionnels et à l’avance pour que chaque professionnel puisse se rendre disponible. Support de collecte des données Les données collectées pendant l’analyse de scénario seront notées par l’animateur, ou mieux, par un de ses proches collaborateurs, sur une grille de recueil appropriée. Durée 45 minutes pour un scénario, réparties de la façon suivante : 1. Introduction [5 minutes] L’animateur présentera les objectifs de cette analyse de scénario. Dans l’unité où s’est déroulé le scénario : - Identification des défauts de soins dans le scénario étudié et des facteurs ayant contribué à la survenue de ces défauts (défauts de système). - Identification des défenses présentes. - Identification des défenses présentes et opérationnelles. - Identification des défenses absentes. Dans l’unité de soins participante : - Evaluation des vulnérabilités dans le service. - Identification de solutions pour renforcer la maîtrise de ce risque infectieux. L’animateur rappellera l’importance des défauts dans la mise en œuvre de la stratégie de Prévention et dans l’application des mesures recommandées et de leurs conséquences. 2. Présentation du cas [5 minutes] Le scénario sélectionné sera présenté aux participants par l’animateur. 3. Questions - Discussion [35 minutes] Après la présentation du cas, l’animateur soulignera l’importance d’une analyse précise des causes afin d’apporter des actions correctives efficaces. La recherche des causes doit être méthodique. Les différents types de défauts de soins et de défenses possibles pour ce scénario devront être recherchés par « remue-méninges ». L’animateur peut aider les participants à identifier les erreurs ou les défenses, s’il le juge nécessaire. L’animateur posera les questions suivantes aux participants : Que s’est-il passé dans l’événement exposé ? Quelles ont été les défaillances ? Quelles étaient les barrières en place ? Quelles autres défenses auraient permis d’éviter l’incident ? 4 L’animateur proposera ensuite aux participants d’étudier la possibilité de survenue d’un tel scénario dans leur service, en posant les questions suivantes : Ce type de scénario est-il déjà survenu dans le service ? Si c’est le cas, quelles actions d’amélioration ont été proposées ? Si ce type de scénario ne s’est pas déjà produit, le risque de survenue dans le service est il probable, rare, extrêmement rare ou extrêmement improbable ? Quelles sont les défenses actuelles susceptibles d’éviter la survenue d’un tel scénario ? Quelles sont les défenses supplémentaires qui pourraient renforcer la sécurité ? Est-il possible de les mettre en œuvre ? L’animateur clôturera la séance en remerciant les participants et en rappelant les conclusions tirées de cette analyse de scénario. Analyse des données et retour d’information Cette étape doit permettre d’examiner les résultats obtenus et de guider la réflexion vers la recherche d’améliorations possibles. Un retour d’information, sous la forme d’un rapport écrit standardisé et/ou d’une présentation orale, vers l’ensemble des professionnels impliqués dans cette thématique doit être envisagé par l’animateur. Contexte réglementaire prévention du risque infectieux : · Circulaire N°DHOS/E2/DGS/RI/2009/272 du 26 août 20 09 relative à la mise en œuvre du programme national de prévention des infections nosocomiales 2009/2013. . Le programme national pour la sécurité des patients 2013-2017 (PNSP) propose quatre grandes priorités notamment, le renforcement de la déclaration des événements indésirables dans un objectif d’alerte et de retour d’expérience ainsi que la formation, la culture de sécurité et l’appui aux acteurs de santé en matière de sécurité des soins. . L’instruction DGOS/PF2/2013/298 du 12 juillet 2013 relative au Programme national pour la sécurité des patients. · SF2H, Ministère de la santé et des sports, HCSP. Surveiller et prévenir les infections associées aux soins. Hygiènes 2010 ; XVIII(4) : 1-175. · Décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé. Références spécifiques Clostridium difficile Ansm. La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques. 2013/03, 15 pages. CClin Paris-Nord. Conduite à tenir pour l'élimination des excreta. 2013, 2 pages. HCSP. Avis relatif à la maîtrise de la diffusion des infections à Clostridium difficile dans les établissements de santé français. 2008, 11 pages. CClin Paris-Nord. Vous (ou l'un de vos proches) avez une infection à Clostridium difficile. 2006, plaquette. CClin Paris-Nord. Mesures de prévention et de maîtrise de la diffusion des infections à Clostridium difficile dans les établissements de santé. Fiche technique. 2006, 4 pages. 5 Scénarii Scénario 1 Monsieur X, 86 ans, est hospitalisé depuis 3 jours dans un service de médecine après une intervention pour pose de pacemaker. Le 4 mai l’équipe soignante rapporte l’apparition de diarrhées. 2 jours plus tard son voisin de chambre, Mr Y, 78 ans a lui aussi de la diarrhée. Devant ces 2 tableaux une coproculture avec recherche de clostridium difficile s’avère positive. 3 autres cas apparaîtront dans le service dans la semaine suivante. Scénario 2 Vous recevez dans votre service un patient porteur de Clostridium difficile traité par antibiotique depuis 8 jours. Le patient n’a plus de diarrhée. Ce patient est continent mais semi dépendant, il utilise un bassin de lit. L’établissement n’est pas équipé d’un lave bassin. Ce patient est en chambre seule sans précautions particulières. Deux jours après le traitement antibiotique arrive à sa fin. Devant des symptômes respiratoires le médecin du service le met sous Rocéphine pour une « bronchite ». Le vendredi soir suivant, le patient a de nouveau une diarrhée. Le lundi suivant un patient dans une chambre voisine débute une diarrhée. La coproculture confirme le diagnostic de clostridium difficile. 6 Grille d’analyse des défenses Date de l’analyse………………………………………… Participants…………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. Numéro du scénario retenu………………………….. Analyse de ce qui s’est passé dans le scénario Principal défaut de soins ? …………………………………………………………………….. …………………………………………………………………….. …………………………………………………………………….. Autres défauts de soins ? …………………………………………………………………….. …………………………………………………………………….. …………………………………………………………………….. Facteurs contributifs ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Défenses qui auraient pu éviter cet événement ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Analyse de ce qui pourrait se passer dans votre unité de soins ? Probabilité de survenue d’un tel scénario Extrêmement probable Probable Rare Extrêmement rare Principales défenses existantes ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………… Principales vulnérabilités existantes ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………… Propositions d’améliorations ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………… 7 Analyse des défenses dans le scénario Principaux défauts de soins Retard au diagnostic Retard à la mise en place des précautions complémentaires d’hygiène type CD Retard à la mise en chambre individuelle Autres défauts de soins Observance médiocre des précautions standard Mauvaise gestion des excrétas Bionettoyage déficient Facteurs contributifs Manque de matériel de protection Epuisement des professionnels – ratio de soignants Non présence d’un lave bassin Mauvaises pratiques d’antibiothérapie Défenses qui auraient pu éviter cet événement Diagnostic rapide Signalement de tout CD à l’EOH par le laboratoire Existence d’un protocole « clostridium difficile » Mise en place PCC devant toute diarrhée Mise en place de PCC « clostridium difficile » Renforcement du bionettoyage (protocole eau de javel) Organisation de l’hygiène des mains par savon doux (chambre tampon par exemple) Limitation de la prescription des antibiotiques dans le service Plan de gestion des épidémies Mise en place d’un secteur de cohorting avec équipe dédiée Evénement évitable Durée et ampleur de l’épidémie aurait pu être réduites Limitation des récidives 8 Identification des défenses Scénario Oui Non Ici Oui Non Prévention au quotidien pour les patients diarrhéiques Les patients diarrhéiques sont mis en chambre seule Ils sont mis en PCC L’usage d’un lave bassin est possible dans le service Les bassins de lit disposent de protections individuelles (type Carebag ) Les toilettes sont réalisées avec du matériel à usage unique (carré de toilette) Les savons utilisés sont de préférence de type codex Diagnostic et signalement de clostridium difficile Les professionnels médicaux et paramédicaux de l’établissement sont sensibilisés à la détection clinique du CD (notion d’antibiothérapie) lors de diarrhée Une recherche de CD sur coproculture est faite devant une diarrhée Chaque CD fait l’objet d’un signalement sans délai à l’EOH Plan local de maîtrise des épidémies L’établissement dispose d’un plan local de maîtrise des épidémies Si l’épidémie est importante ce plan prévoit un cohorting/ secteur dédié Mise en place des mesures en cas d’épidémie de clostridium difficile Il existe une procédure précisant la conduite à tenir en cas de CD Si elle existe elle stipule : Une signalétique est posée sur la porte du patient Le patient est mis en chambre seule et en PCC Hygiène des mains par lavage simple après tout contact avec le patient ou son environnement ( suivie d’une friction par PHA) Le bio-nettoyage de l’environnement est fait avec un détergent simple suivi d’une désinfection avec un protocole eau de javel (solution d’hypochlorite de sodium à 0,5% de chlore actif) Porter des gants dès l’entrée en chambre et les éliminer avant de sortir de la chambre Mettre une surblouse à manches longues dès l’entrée en chambre. L’enlever avant de sortir. Eliminer dans les DASRI 2 à 3 bio-nettoyages/jour de la chambre du patient sont réalisés Le matériel de toilette (cuvette) est nettoyé au détergent puis désinfecté à l’eau de javel ou mieux entretenu dans un lave-bassin si thermo résistant Les bassins de lit sont entretenus dans un lave-bassin A défaut nettoyés puis désinfectés à l’eau de javel (solution d’hypochlorite de sodium à 0,5% de chlore actif) Les bassins de lit sont utilisés avec des protections Procéder rapidement à l’évacuation des selles Les petits Dispositifs Médicaux (brassard, thermomètre) sont laissés en chambre Tout le matériel à Usage Unique (gants, sur blouses…) est mis en DASRI Le linge est mis dans des sacs spécifiques avant d’être traité en buanderie Arrêt de toute prescription antibiotique si possible (sauf pour le traitement de l’ICD) La levée des PCC est faite quand la diarrhée a disparu Information Information du patient et de la famille est faite Information de tout le personnel est réalisée (jour, nuit, transversal) L’information d’un éventuel service d’aval est faite Evaluation 9