MÉMOIRE ORIGINAL Biais mnésique associé à l’humeur dépressive : quelques réflexions critiques F. COLOMBEL (1) Memory bias and depression : a critical commentary Summary. The purpose of this paper is to describe experiments or theoretical studies which are interested in the depressive mood effect on the emotional information processing. More precisely, our goal is to determine which factors govern the emergence of a memory bias in depression. Literature findings – Numerous authors revealed a phenomenon called « mood congruence memory » by which congruent information is better memorized than non-congruent information. Hence, this phenomenon means that memory efficiency is biased by the congruence of the material to memorize and the emotional state. The corpus of research in this area is considerable and our purpose is not to describe it exhaustively but to indicate the different methodological approaches. The first part of this paper deals with the presentation of the studies written by the late 1980s. Mood-congruent bias seems to be a reliable phenomenon in depressed subjects especially in explicit memory tasks (ie tasks where subjects are consciously trying to retrieve information in carrying out the tasks) such as free recall or recognition (11, 20, 39). By the 1990s, several authors developed an alternative cognitive view of depression, using Graf and Mandler’s distinction between integration (ie activation or priming) and elaboration (23). According to these authors, integration is demonstrated when a past experience facilitates performance on a task which does not require deliberate recollection of that experience. In contrast, elaboration is a strategic process, comprising the linking of a word to other material in memory to form new relationships. Elaboration can be assessed by an explicit memory task such as free or cued recall. Taken together, a part of the results (19, 20, 24, 26, 39) confirmed the presence of an explicit but not an implicit memory bias in depression. However, as Roediger and McDermott (33) pointed out, the interpretation of non-significant findings in implicit memory tends to be uncertain. Watkins et al. (39) themselves advocated a hint of a mood-congruity effect in the implicit task. Obviously, their implicit memory results required corroboration of other implicit memory measures. Recently, several others recent studies, using the same kind of tasks, have found evidence of an implicit memory bias in depression (16, 34, 35, 40). So, it is apparent that the above studies have yielded variable findings. Thus, there is evidence indicating that several different memory processes may contribute to implicit memory tasks performance. Given this discrepant evidence of implicit memory bias, few authors (10, 13, 14, 17) decided to investigate the issue further and used a primed lexical decision task with both sub- and suprathreshold priming as a measure of implicit memory. Indeed, unlike the word completion task (see 9, 31, 36 for reviews), it permits the separate the contributions of automatic and strategic processes. If priming occurs due to subthreshold presentation, when subject’s awareness of the primes is restricted, then this would indicate that the priming effect is automatic and independent of conscious, strategic processes. On the other hand, if priming occurs with suprathreshold presentation (ie when primes are within awareness), then the priming effect may involve both automatic and strategic processes. In this view, Bradley et al. (10, 13, 14) are the first who used a primed lexical decision task with both sub and suprathreshold priming to investigate the memory bias in depression. Results from these three studies indicate that non-clinical depressed individuals showed a depression-congruent implicit memory bias in the subthreshold but not in the suprathreshold priming condition, (1) Université Paris-Sud XI, CRESS, équipe « Psychologie des Pratiques Physiques », bâtiment 335, 91405 Orsay cedex. Travail reçu le 1er décembre 2005 et accepté le 18 janvier 2006. Tirés à part : F. Colombel (à l’adresse ci-dessus). 242 L’Encéphale, 33 : 2007, Mai-Juin, cahier 1 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 242-8, cahier 1 Biais mnésique associé à l’humeur dépressive : quelques réflexions critiques while clinically depressed individuals showed such a bias in both priming conditions. The study of Colombel et al. (17), using a non-clinical sample, confirmed these results suggesting that the lack of depression-congruent effect in suprathreshold priming for non-clinical subjects might be due to the use of strategic processes which counteract the negative bias in automatic priming found in the subthreshold condition. Key words : Cognition ; Depression ; Emotion ; Explicit memory ; Implicit memory ; Memory bias. Mots clés : Biais mnésique ; Cognition ; Dépression ; Émotion ; Mémoire explicite ; Mémoire implicite. Avant d’aller plus avant, il paraît indispensable de définir les concepts d’émotion, d’humeur et de dépression, puis d’établir clairement leurs distinctions. Ainsi, selon Kirouac (25), il est usuel de désigner par « processus affectifs » tous les états qui font appel à des sensations de plaisir et déplaisir liées à la tonalité agréable/désagréable. Émotions, humeurs et sentiments pourraient alors se regrouper sous le simple vocable d’états affectifs. Cependant, le terme « d’émotion » est plus souvent utilisé en référence à un état affectif bref et intense, alors que les termes « d’humeur » ou « d’état » sont utilisés pour décrire un état affectif moins intense mais plus prolongé. Par ailleurs, le terme de dépression est répertorié par l’association américaine de psychiatrie [DSM IV (1)] dans la catégorie des troubles de l’humeur. De ce fait, en référence à ces définitions, nous utiliserons indifféremment les termes de dépression, d’humeur dépressive ou même d’état émotionnel. Selon l’effet de congruence avec l’humeur, on observe une meilleure mémorisation de l’information congruente, c’est-à-dire voisine ou identique à l’état d’humeur ponctuel du sujet. Cet effet implique que l’efficacité de la mémorisation est biaisée par la congruence entre l’état émotionnel du sujet et la valence émotionnelle du matériel étudié. Il s’avère que l’émergence d’un effet de congruence associé à l’humeur dépressive a été mise en évidence dans des conditions parfois confuses. En effet, le corpus de recherches dans ce domaine est très important et si notre objectif n’est pas d’en rendre compte ici de manière exhaustive, il est plutôt d’indiquer les différentes approches théoriques et méthodologiques utilisées. INTRODUCTION RECHERCHES EN MÉMOIRE EXPLICITE DES ANNÉES 1980 De par sa réussite incontestable dans l’étude des activités centrales, la psychologie cognitive a posé les bases d’un renouveau de la recherche sur les émotions. D’une manière très générale, trois types de biais cognitifs dus à des émotions sont généralement décrits : les biais d’interprétation, les biais attentionnels et les biais mnésiques. Dans la littérature, les deux premiers sont le plus souvent associés à l’anxiété. En revanche, les troisièmes, auxquels nous allons nous intéresser, sont particulièrement bien observés chez les sujets dépressifs. Une attention particulière sera également portée à l’anxiété, cette dernière étant très fréquemment associée à l’humeur dépressive. Ainsi, il sera possible de dissocier ses effets éventuels de ceux liés spécifiquement à la dépression. D’une manière générale, ces recherches consistent à présenter aux sujets une série de mots ou de phrases qui varient du point de vue de leur valence émotionnelle et à en demander un rappel un peu plus tard. Les indices de mémoire incluent généralement l’exactitude du rappel, l’exactitude de la reconnaissance ou la vitesse de rappel et opposent toujours les données correspondant au matériel positif à celles correspondant au matériel négatif. Certaines recherches utilisent des sujets non cliniques, le plus souvent des étudiants, dont le niveau de dépression a été auto-évalué à l’aide d’un questionnaire du type du Beck Depression Inventory [BDI (7, 22, 30)]. On parle alors de sujets dépressifs non cliniques ou encore de dysphoriques. D’autres s’intéressent à des individus pour lesquels Résumé. Cet article a pour objectif de rendre compte des recherches empiriques s’intéressant aux influences de l’humeur dépressive sur le traitement de l’information émotionnelle. Plus précisément, il cherche à déterminer, à travers les recherches disponibles, quels sont les facteurs qui président à l’émergence d’un effet de congruence avec l’humeur dépressive. Le corpus de recherches dans ce domaine est très important et l’objectif n’est pas ici d’en rendre compte de manière exhaustive mais plutôt d’indiquer les différentes approches méthodologiques utilisées. Ainsi, il s’avère que de nombreuses recherches observent l’émergence d’un biais mnésique associé à la dépression en situation de mémorisation explicite. Cependant, les résultats concernant la mémoire implicite sont relativement nouveaux et l’interprétation de la nature des processus associés à cette situation est beaucoup plus controversée (15). Aussi, le biais mnésique observé dans certaines expériences n’a-t-il pu être interprété comme étant la preuve de la mise en jeu de processus exclusivement automatiques. Finalement, quelques recherches récentes (10, 13, 14, 17) ont révélé l’apparition de l’effet de congruence avec l’humeur dépressive dans la condition d’amorçage subliminal, et permet donc de proposer que la mise en jeu de processus automatiques soit responsable de son apparition. Ainsi semble-t-il possible, à l’issue de cette revue de questions, de soutenir l’idée que le biais mnésique associé à la dépression apparaît de manière automatique, ou à tout le moins dans des conditions où les processus cognitifs impliqués sont à forte composante automatique. 243 F. Colombel un diagnostic psychiatrique de dépression a été porté (11, 12). Toutes ces recherches, excepté celles de Gotlib et Mc Cann (22) et de Pietromonaco et Markus (30), mettent en évidence un plus faible rappel des informations positives et/ou un meilleur rappel des informations négatives. Sur la base de ces résultats, différents auteurs (8, 18, 21) englobent les recherches impliquant des sujets cliniques et non cliniques et concluent en faveur de la mise en évidence d’un effet de congruence avec l’humeur, associé à la dépression. Néanmoins, la méta-analyse conduite par Matt et al. (28) sur l’effet de congruence avec l’humeur établit des conclusions quelque peu différentes. En effet, si elle met également en évidence une moins bonne mémorisation des items positifs pour les sujets dysphoriques par rapport au groupe contrôle, elle ne montre globalement pas de différence de rappel pour le matériel négatif entre ces mêmes sujets. Les sujets dysphoriques, selon Matt et al., mémorisent aussi bien l’information positive que négative. Par ailleurs, les sujets cliniques impliqués dans les différentes études incluses dans la méta-analyse de Matt et al. rappellent significativement moins d’items positifs et plus d’items négatifs que les sujets contrôles. Selon Matt et al. (28), les sujets dysphoriques comme les sujets cliniques ne se comportent pas de la même manière que les sujets contrôles. La valence émotionnelle agit donc de manière différentielle. Cependant, si un effet de congruence est clairement mis en évidence chez les sujets dépressifs cliniques, ce n’est pas le cas des sujets dysphoriques. En effet, si ces derniers se différencient du groupe contrôle du point de vue du matériel positif, ce n’est pas le cas pour le matériel négatif qui n’est pas mieux mémorisé par les sujets dysphoriques que par les sujets contrôles. On parle alors d’un effet d’asymétrie du traitement de l’information émotionnelle chez les sujets dysphoriques. Matt et al. (28) concluent qu’un effet de congruence n’a été mis en lumière que chez les sujets dépressifs cliniques. Dans leur revue de la question, Singer et Salovey (38) font une analyse critique de la littérature proche des conclusions de Matt et al. (28). En effet, ils ne relèvent qu’un petit nombre d’éléments en faveur d’un biais mnésique chez les sujets dysphoriques. Ils expliquent ces résultats par le fait que les sujets non cliniques utilisés sont sélectionnés sur la base de scores au BDI qui ne seraient pas considérés comme indiquant une dépression lors d’une utilisation clinique de ce questionnaire. Souvent, les recherches s’intéressant à la dépression non clinique considèrent les participants comme « dépressifs non cliniques » ou « dysphoriques » à partir de scores au BDI (21 items) de 8 ou 9 alors que Beck et son équipe, concepteurs du questionnaire d’auto-évaluation, évoquent une dépression clinique à partir d’un score égal à 17 (BDI 21 items). Il est donc tout à fait possible que ce soit la sévérité de la dépression qui explique les différences de résultats obtenus plutôt que le diagnostic psychiatrique. D’une manière générale, un biais mnésique associé à la dépression a été mis en évidence dans les recherches des années 1980, malgré l’obtention de certains effets d’asymétrie. 244 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 242-8, cahier 1 DISSOCIATION DES SITUATIONS DE MÉMORISATIONS EXPLICITE ET IMPLICITE Dans les années 1990, plusieurs études ont pour objectif de mieux comprendre les conditions d’apparition de l’effet de congruence associé à l’humeur. C’est ainsi qu’elles recherchent si cet effet habituellement observé dans les tâches classiques de mémoire explicite est retrouvé dans les tâches de mémoire implicite. Pour cela, les auteurs s’appuient sur la distinction établie par Graf et Mandler (23) entre les processus d’intégration et d’élaboration. En effet, selon ces auteurs, les performances dans les tests explicites dépendent principalement de l’élaboration de l’information à mémoriser, c’est-à-dire de processus de recherche conscients et contrôlés alors que les performances dans les tests implicites dépendent plutôt de l’activation de la représentation pré-existante de cette information et donc de processus d’intégration. Les résultats manquent de cohérence. En effet, cinq études (19, 20, 24, 26, 39) ne mettent en évidence aucune influence de la valence émotionnelle du matériel sur les performances implicites alors que dans les mêmes conditions, un effet de congruence avec l’humeur apparaît en mémoire explicite. Par ailleurs, les études de Bazin et al. (4, 5) et Baños et al. (2) ne révèlent aucun biais mnésique associé à la dépression, que ce soit en situation de mémorisation explicite ou implicite. Toutefois, Bazin et al. (5) reconnaissent eux-mêmes la possibilité qu’un effet du matériel puisse avoir interféré avec les performances des sujets lors de la tâche de mémoire explicite et ne considèrent donc pas qu’une interprétation puisse être réalisée sur la base des résultats relatifs au test de mémoire explicite. Les résultats concernant les épreuves de mémoire implicite ne présentent, en revanche, aucun biais dû à l’effet du matériel et peuvent être exploités. Finalement, les résultats des cinq premières études, et sans doute de la sixième (5), peuvent être interprétés dans le sens d’une dissociation entre la mémoire explicite et la mémoire implicite induite par la charge affective du matériel utilisé. Plus récemment, quelques équipes de chercheurs (13, 14, 15, 16, 34, 35, 40) ont mis en évidence un effet de congruence associé avec la dépression en situation de mémorisation implicite. Watkins et al. (40) obtiennent effectivement un effet de congruence avec l’humeur lors d’une tâche conceptuelle de mémoire implicite (association libre) chez des sujets dépressifs cliniques alors qu’ils n’obtenaient pas d’effet similaire lors de la précédente étude (39) utilisant une épreuve de complètement de trigrammes. Tout comme Beato et Fernandez (6), ces auteurs utilisent la distinction établie par Roediger et Blaxton (32) entre les tests de nature perceptive et les tests de nature conceptuelle pour expliquer leurs résultats. C’est ainsi que le biais mnésique associé à la dépression peut être observé dans des tests de mémoire explicite, ces derniers étant de nature conceptuelle (rappel, reconnaissance) et lors d’épreuves conceptuelles de mémoire implicite (association libre ou catégorielle). L’interprétation de Roediger et McDermott (33) et Watkins et al. (40) privilégie donc la nature des tests utilisés plutôt que la notion d’intentionnalité. Cette explication est toutefois problématique L’Encéphale, 2007 ; 33 : 242-8, cahier 1 Biais mnésique associé à l’humeur dépressive : quelques réflexions critiques puisque d’autres auteurs obtiennent un biais mnésique associé à la dépression dans des tâches perceptives de mémoire implicite. C’est ainsi que Ruiz-Cabellero et Gonzalez (34, 35) utilisent une tâche de rappel libre pour tester la mémoire explicite et une tâche de complètement de fragments pour tester la mémoire implicite chez des sujets dysphoriques. Dans la première étude de 1994 (34), il est demandé aux sujets de lire une liste de mots qui feront plus tard l’objet d’un test de mémoire. Parce que les sujets s’attendent à être testés sur le matériel appris, ils ont peutêtre réalisé qu’ils pouvaient utiliser le matériel et ont alors employé des stratégies explicites pour compléter les fragments. Les résultats, mettant en évidence un effet de congruence avec l’humeur, ne peuvent donc pas être interprétés sans ambiguïté. C’est pourquoi les auteurs réalisent une deuxième expérience (34) incluant les deux conditions d’encodage (intentionnel et accidentel) afin de vérifier l’éventuelle contamination du test de mémoire implicite par des stratégies explicites. Tout comme en 1994, Ruiz-Caballero et Gonzalez (35) établissent dans l’étude de 1997 l’existence d’un effet de congruence associé à la dépression en mémoires explicite et implicite. Par ailleurs, Colombel (16) compare également les performances d’individus dysphoriques à celles d’individus contrôles lors de situations de mémorisation explicite et implicite tout en manipulant le niveau d’élaboration du matériel lors de l’encodage (encodage superficiel, profond ou référentiel). Les résultats mettent en évidence un biais sélectif spécifique chez les sujets dépressifs dans des conditions d’encodage référentiel en situation de mémorisation explicite et implicite. Ainsi, en mémoire implicite, on observe, d’une part, une différence significative entre les sujets dépressifs et contrôles, en faveur des sujets dépressifs, quant au complètement des items descriptifs négatifs et, d’autre part, un meilleur complètement des items descriptifs positifs que négatifs pour le groupe contrôle. En résumé, l’existence du biais en mémoire explicite est souvent démontrée dans la littérature. En revanche, les choses sont beaucoup moins claires pour le biais en mémoire implicite : certaines études (2, 4, 5, 19, 20, 24, 26, 39) n’obtiennent pas ce biais alors que d’autres font état de l’apparition d’un biais mnésique associé à la dépression en situation de mémorisation implicite (13, 14, 15, 16, 34, 35, 40). Cet état des lieux, relativement nouveau, pose la question des conditions d’émergence précises du biais associé à la dépression en situation de mémorisation implicite. D’une manière générale, différentes dimensions semblent varier à travers les études impliquant la mémoire implicite et empêchent de ce fait une bonne compréhension des conditions d’apparition du biais mnésique associé à la dépression (3). On peut évoquer la nature du test (complètement de trigrammes, complètement de fragments, associations verbales), le statut des dépressifs (cliniques, dysphoriques ou induits), le type de matériel utilisé (mots émotionnels, mots neutres, mots auto-référentiels) ou le niveau de traitement (conceptuel ou perceptif). Dans le but de cerner le plus précisément possible les conditions d’émergence du biais en situation de mémori- sation implicite, quelques auteurs se sont focalisés sur l’étude de la nature des processus impliqués. NATURE DES PROCESSUS ET APPARITION DU BIAIS MNÉSIQUE ASSOCIÉ À LA DÉPRESSION Si l’existence de dissociations entre les tâches de mémoire implicite et celles de mémoire explicite n’est pas remise en cause, les interprétations relatives à la nature des processus mis en jeu lors de ces tests sont beaucoup plus controversées. Ainsi, les études « traditionnelles » menées sur les dissociations mnésiques reposent toutes sur la même logique implicite selon laquelle il existerait une correspondance exacte entre les tâches utilisées et les processus qu’elles sont supposées révéler. Comme on a pu le constater, on considère depuis Schacter (36) que les tests directs de la mémoire, tels que le rappel et la reconnaissance, reflètent le souvenir conscient, intentionnel tandis que les mesures indirectes, telles que le complètement de mots, révèlent les effets automatiques de la mémoire et évaluent la mémoire implicite [pour une revue de questions, voir (31)]. L’interprétation des résultats repose dès lors sur l’hypothèse selon laquelle les tâches impliquent la mise en œuvre de processus cognitifs purs. Bien sûr, les chercheurs étaient conscients du fait que cette assertion n’était qu’une simplification (9), même si elle semblait fonctionner à merveille et a suscité un grand nombre de recherches intéressantes. Les résultats des dernières recherches citées [mise en évidence d’un biais mnésique associé à la dépression en situation de mémorisation implicite (13, 14, 15, 16, 34, 35, 40)] pourraient donc, selon cette logique, être interprétés comme étant la preuve de la mise en jeu de processus automatiques lors de l’apparition du biais mnésique associé à la dépression. Ainsi, le biais mis en évidence lors de la tâche de complètement de fragments serait supposé refléter précisément les influences mnésiques automatiques. Cependant, certains auteurs ont montré qu’il était possible que des processus stratégiques viennent influencer les performances aux tests de mesures indirectes. Il semble également possible que les mesures directes de la mémoire puissent être affectées par des influences non conscientes (27). Ces observations empiriques ont conduit de plus en plus à considérer que l’isomorphisme entre tâches et processus représentait une simplification trop grossière et par conséquent inadéquate (29, 31). Actuellement, il semble qu’il soit plus approprié de baser les recherches sur la mémoire sur l’hypothèse selon laquelle la plupart des tâches mettent en jeu des processus conscients et non conscients dans des proportions variables. Cette dissociation entre processus stratégiques et automatiques pourrait donc être une piste explicative intéressante qui permettrait de clarifier les conditions d’apparition du biais mnésique associé à la dépression. Quelle est la nature des processus qui permettent d’obtenir un biais mnésique associé à l’humeur ? Dans cette perspective, Bradley et al. (10, 13, 14) sont les premiers à utiliser une tâche de décision lexicale avec amorçage de répétition (tâche implicite de nature percep245 F. Colombel tive) pour tester l’apparition d’un biais mnésique en situation de mémorisation implicite. Les situations expérimentales qui reposent sur la mise en évidence d’un processus d’amorçage supposent qu’un item-amorce peut influencer la réponse d’un sujet à un item-cible. Le phénomène observé de facilitation ou d’inhibition est généralement interprété en relation avec l’hypothèse d’un double processus automatique et stratégique. Pour leur part, Bradley et al. utilisent deux conditions d’amorçage : une condition d’amorçage supraliminal permettant au sujet de traiter consciemment l’amorce et pouvant donc mettre en jeu des processus automatiques et stratégiques, et une condition d’amorçage subliminal ne permettant pas un traitement conscient de l’amorce et ne mettant donc en jeu que des processus automatiques. L’amorçage supraliminal est défini par un SOA (Stimulus Onset Asynchrony, c’est-àdire le temps qui sépare la présentation de l’amorce et du masque) très long (7 min) dû à la présentation par bloc des amorces lors de la première phase de l’expérience. L’amorçage subliminal repose, quant à lui, sur l’utilisation d’un SOA de 28 ms, suivi d’un masque de même durée. Ce seuil ne devrait pas permettre aux sujets d’identifier consciemment les amorces. Toutefois, les auteurs prévoient, à la suite de la tâche de décision lexicale, un test de détection puis un test de discrimination afin de s’assurer que les amorces ne sont pas identifiées de manière significativement différente du hasard. Dans leur étude de 1994, Bradley et al. mettent en évidence, chez des sujets non cliniques dysphoriques, un biais en mémoire implicite pour le matériel congruent avec la dépression lorsque l’amorçage est subliminal mais pas lorsqu’il est supraliminal. Il apparaît donc que des processus automatiques sont mis en jeu lors de l’apparition de ce biais. Ces résultats contrastent avec ceux de l’étude de 1995, réalisée sur une population clinique, qui met en évidence un biais en mémoire implicite dans les deux conditions d’amorçage (supraliminal et subliminal). Cette étude porte à la fois sur une population de dépressifs cliniques et sur une population de patients anxieux cliniques. La tâche de décision lexicale est identique à celle utilisée dans l’étude de 1994. La tâche de mémoire explicite est une épreuve de rappel libre. Les résultats indiquent que l’anxiété ne se trouve associée à aucun biais mnésique. La dépression clinique, quant à elle, est associée à un biais mnésique en situation de mémorisation explicite et en situation de mémorisation implicite, dans des conditions d’amorçage supraliminal et subliminal. Pour expliquer les différents résultats observés au cours de ces deux études (10, 14), les auteurs suggèrent que l’effet dû à l’amorçage automatique pourrait refléter une vulnérabilité caractéristique de la dépression clinique, vulnérabilité que les sujets dysphoriques pourraient neutraliser par la mise en place de processus stratégiques alors que les sujets cliniques seraient incapables d’utiliser de telles stratégies. L’étude réalisée en 1996 compare une nouvelle fois les performances de sujets cliniques et de sujets dysphoriques à celles de sujets contrôles lors d’une tâche de décision lexicale impliquant un amorçage supraliminal et un amorçage subliminal. Le matériel est composé d’items congruents avec la dépression ainsi que d’items neutres. Les résultats de cette étude 246 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 242-8, cahier 1 confirment ceux obtenus lors des recherches de 1994 et 1995. En effet, un biais mnésique émerge chez le groupe dysphorique uniquement dans la condition d’amorçage subliminal alors qu’il apparaît chez le groupe de dépressifs cliniques dans les conditions d’amorçage subliminal et supraliminal. De la même manière, Scott, Mogg et Bradley (37) utilisent une tâche de décision lexicale incluant une condition d’amorçage de répétition et une condition d’amorçage sémantique (SOA de 56 ms ou de 2 000 ms). Ils mettent en évidence un biais mnésique associé à l’humeur dépressive chez des sujets dysphoriques en situation d’amorçage sémantique seulement dans la condition SOA court (56 ms). Ces résultats sont interprétés comme mettant en évidence le rôle des processus automatiques dans l’apparition du biais mnésique associé à la dépression. Enfin, plus récemment, Colombel et al. (17) ont élaboré un paradigme d’amorçage de répétition (tâche de décision lexicale) permettant d’examiner la possibilité que l’émergence de l’effet de congruence avec l’humeur dépressive soit due à la mise en jeu de processus automatiques. C’est ainsi que cette expérience a également comporté deux conditions d’amorçage : un amorçage supraliminal et un amorçage subliminal. L’analyse globale des résultats indique un effet de congruence avec l’humeur dépressive dans la condition d’amorçage subliminal et non dans la condition d’amorçage supraliminal. Tout se passe comme si la mise en jeu exclusive de processus automatiques permettait l’apparition d’un biais mnésique. Ces résultats suggèrent que les sujets dysphoriques sont capables, grâce à l’utilisation de stratégies, de compenser le biais mnésique « automatique » révélé par la condition d’amorçage subliminal, cette dernière ne permettant pas la mise en jeu de processus stratégiques. Ce point de vue est conforme aux résultats obtenus par Bradley et al. dans les recherches de 1994 et 1996 sur une population de dépressifs non cliniques et permet de considérer que l’absence de biais mnésique réside dans le fait que les dépressifs sans diagnostic clinique seraient capables de déployer des stratégies défensives qui les « protégeraient » des conséquences d’un effet de congruence avec l’humeur dépressive. Les sujets dépressifs cliniques seraient, pour leur part, incapables d’utiliser de telles stratégies ou les utiliseraient de manière inefficace (13, 14). Cependant, on ne sait pas si c’est le statut du diagnostic psychiatrique ou la sévérité de la dépression, ou encore une combinaison des deux qui détermine le fait qu’apparaisse ou non un biais mnésique en condition d’amorçage supraliminal. À notre connaissance, seules deux études (34, 35) ont mis en évidence un biais mnésique en situation de mémorisation implicite « classique » chez des sujets sans diagnostic clinique. Bradley et al. comparent cette situation expérimentale à celle d’amorçage supraliminal. En effet, toutes les deux impliquent des processus stratégiques et automatiques. De plus, il s’agit bien de deux tests de mémoire implicite, les consignes ne faisant pas référence à la récupération intentionnelle d’informations précédemment présentées. Les scores au BDI des sujets dépressifs non cliniques des études de L’Encéphale, 2007 ; 33 : 242-8, cahier 1 Biais mnésique associé à l’humeur dépressive : quelques réflexions critiques Ruiz-Caballero et Gonzalez (34, 35) sont respectivement de 19,45 (σ = 7,73) (expérience 1, 1994), 16,19 (σ = 5,05) (expérience 2, 1994) et de 18,14 (σ = 4,53). Ils sont sensiblement plus élevés que ceux utilisés dans les expériences de Bradley et al. (13, 14) qui sont respectivement de 13 et 9, ou encore de celui de la recherche de Colombel et al. (17) qui est de 14,91 (σ = 5,99). De ce fait, il se pourrait que ce soit plutôt la sévérité de la dépression et non le diagnostic clinique qui détermine prioritairement l’apparition ou non du biais mnésique associé à la dépression. Cette proposition d’explication nécessite bien évidemment la mise en place de nouvelles recherches permettant d’éprouver à nouveau ce phénomène. Bradley et al. (13) proposent un autre type d’interprétation relative aux différences observées entre les sujets dépressifs cliniques et les sujets dépressifs non cliniques. Selon eux, la sévérité de la dépression pourrait influencer la durée, c’est-à-dire la persistance de l’effet d’amorçage vis-à-vis du matériel négatif. En effet, les recherches de Bradley et al. (13, 14) et Colombel et al. (17) présentent les amorces supraliminales lors d’un test précédant de plusieurs minutes la tâche même de décision lexicale. Les amorces subliminales, pour leur part, sont présentées juste avant les cibles. Cette procédure expérimentale incite donc Bradley et al. (13) à suggérer que les sujets dépressifs cliniques montrent une activation ou un effet d’amorçage relativement persistant (ce qui permet l’émergence du biais dans la condition d’amorçage supraliminal) alors que les dépressifs non cliniques présenteraient un amorçage moins persistant vis-à-vis du matériel congruent et que les sujets contrôles ne montreraient pratiquement pas d’effet d’amorçage vis-à-vis de l’information négative. CONCLUSION Aujourd’hui, sept recherches empiriques défendent la conception théorique selon laquelle il serait possible de mettre en évidence un biais mnésique en situation de mémorisation implicite (10, 13, 14, 17, 34, 35, 40). Elles permettent de préciser les conditions d’apparition du biais mnésique et de soutenir l’idée selon laquelle le biais mnésique associé à la dépression apparaît de manière automatique, ou à tout le moins dans des conditions où les processus cognitifs impliqués sont à forte composante automatique. Le biais pourrait être plus ou moins neutralisé par l’action de processus stratégiques (15). Par ailleurs, il apparaîtrait plus facilement chez les sujets souffrant de dépression sévère. Deux pistes explicatives demandant à être éprouvées sont alors proposées. La première considère que les sujets dépressifs cliniques ont du mal à mettre en place ou à utiliser de manière adéquate les stratégies capables de neutraliser le biais. La seconde propose que ces sujets cliniques montrent une activation ou un effet d’amorçage relativement persistant, permettant au biais d’apparaître même lorsque l’intervalle de présentation entre l’amorce et la cible est relativement long. Références 1. AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION. Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, fourth edition (DSM IV). Washington : American Psychiatric Association, 1994. 2. BANOS RM, MEDINA PM, PASCUAL J. Explicit and implicit memory biases in depression and panic disorder. Behav Res Ther 2001 ; 39 : 61-74. 3. 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