La fin du Creusot ou l`art d`accommoder les restes

La fin du Creusot ou l’art d’accommoder les restes, Octave Debary
Résumé :
En une génération, plusieurs formes muséographiques ont accompagnées la fin d’un système
paternaliste et la perte du travail. L’impossible exposition des objets industriels a mené à une
nouvelle forme muséographique : celle de l’Ecomusée. On expose ici des homme et non des
objets, dans un musée vivant… Ce musée aura permis de raconter son histoire, de se
constituer une mémoire puis, un musée traditionnel est venu remplacé l’écomusée… Le temps
que le musée a mis pour exposer son histoire est le même que le passé a mis pour se
constituer en mémoire… mais n’est-ce pas le propre de ce type de musée que de venir trop
tard ? La théâtralisation de son oubli est-elle la seule reconversion possible pour
l’industrie ?
Les visites de musée sont svt décevantes, nous donnant l’impression de nous montrer que des
restes. Les musées exposent des objets qui sont excuse à la théâtralisation.
Depuis 1780 puis depuis l’arrivé des Schneider au Creusot en 1836, on peut se demander
quelle histoire écrire : celle d’un fief du capitalisme écrasé par la féodalité ou celle d’une
paternalisme réussi ? Après 1970, le déclin industriel et la mort de Charles Schneider (4ème
génération au Creusot), la question se renverse et le partenalisme est démantelé. La fin du
travail annoncée mène les pratique industrielles à se transformer en pratiques « culturelles et
patrimoniales ». On ne produit plus, on raconte. Il y a trop de restes (matériels et humains)
pour que l’on brûle tout sans que cela pose de problème. On envisage alors de mettre tous
les restes dans une grande boîte, de faire un musée. Pourtant, les gens constituent une
trop grande part des restes pour que l’on puisse envisager un musée comme les autres.
La solution est alors de faire un musée vivant avec des gens qui racontent leur histoire,
pour l’oublier. En racontant leur histoire, à l’échelle de la ville donc de l’entreprise, les
gens vont la mettre en scène, le rejouer, la reformuler, la dépasser… dans un grand
spectacle de l’oubli !L’histoire du Creusot est l’histoire d’un oubli !
1.A Schneider : une famille, une entreprise, une ville ?
En 1836, les frères Schneider arrivent au Creusot, village de 800 habitants regroupant mines,
forges et fonderies. Le sol est riche en minerai de fer et en houille mais plusieurs entreprises
ont fait faillite successivement. L’entreprise des Schneider, par son expansion rapide, va
devenir l’une des plus importantes de France au XIXe. Pendant 4 génération, le destin ce
cette famille sera lié à celui de la ville. En 1836, ils créent une société en commandite par
actions et en deviennent gérants et responsables. Les intérêts de la famille sont alors liés à
ceux de l’entreprise et cette confusion naît la tentation historiographique de réduire
l’histoire du Creusot à celle des Schneider.
L’entreprise est une « usine intégrée » qui fonctionne de l’extraction à la transformation des
métaux (rails, tôles, ponts, locomotives, machines, armes…). La particularité des
Etablissements Schneider repose sur l’organisation de son système de production : ils ont tout
construits des écoles aux hôpitaux en passant par logements, loisirs, églises…. Les
populations rurales sont alors éduquées par eux et logées dans un habitat pensé autour de
l’usine. Le Creusot apparaît alors comme une sorte de terre féodale où les lots
entoureraient le réserve du maître. C’est ce que les historiens désigne par le paternalisme
industriel : le bonheur du peuple ne peut être dissocié de la réussite de l’entreprise. Le
Creusot est alors désigné comme une ville-usine dont le centre est l’usine. Les édifices publics
créés par les patrons assurent les axes de liaisons entre les quartiers… La ville est ainsi
dépendante de l’usine et la scolarisation par ex. assure qu’une réserve de travailleurs soit
formée. L’omnipotence des Schneider est marquée par des monuments : statue dans chaque
forge, château habités par la famille. Leur présence est aussi religieuse : chaque Schneider
donne son prénom à une église. Les postes importants, politique y compris, sont occupés par
les membres de la famille et les proches. Scheider est à la fois une famille, une ville et une
entreprise. En 1856, une pétition demande même que le Creusot devienne Schneiderville.
Avec son expansion, l’entreprise va s’étendre hors du Creusot… En 1930, sur 125000
employés, seul 10 000 le sont au Creusot. En 1960, le groupe regroupe 40 sociétés, 2 milliards
de chiffre d’affaire, 65 000 personnes.
La mort de Charles Schneider
En 1960, Charles Schneider meurt sans descendance masculine directe. Déclin annoncé ou
coup du destin, le capital de l’entreprise est divisé à la mort de l’homme. Le démantelement
du paternalisme va suivre. Une réorientation de la politique indstrielle du site du Creusot
commence et le Groupe Schneider devient une S.A..
1.B
Dons
Un marteau-pilon
Le marteau-pilon à vapeur a été breveté au Creusot. D’abord il impressionne par sa taille
immense et on accourt pour le voir (1841), il est ensuite dépassé et mis de côté (années 1960).
En 1969, il est sorti de l’usine est érigé dans la ville, consolidant sa dimension
monumentale et historique. Ainsi, la ville érige une preuve de son histoire glorieuse.
L’industrie se débarasse ainsi de “restes trop encombrants“ en en faisant dont à la
municipalité. Ce transfert, par une déprivatisation, en préfigure d’autres. Alors que
l’usine se désengage de la production, la ville va progressivement se transformer en
musée.
Démantèlement
L’année 1970 est un tournant : l’absence des Schneider à la tête du groupe mène à la vente de
tous les actifs non-industriels : écoles, logements, églises, hôpital… Les pouvoirs publics les
recupèrent. Le changement est radical car l’usine possédait les 3/4 de la ville. Les
professeurs… doivent repasser des examens pour pouvoir entrer dans l’éducation nationale
En 1970, le groupe n’est pas en phase de déclin et le désengagement dans le non-industriel
signifie simplement la fin d’une logique qui superpose l’accumulation d’un capital en un seul
endroit.
Un château
Le château de la Verrerie, jusqu’alors résidence des Schneider, devient aussi une propriété
municipale. L’histoire se dévoile car il était un lieu caché, un lieu de pouvoir, un espace
fermé. Les grilles étaient surveillées, le lieu intriguait… L’importance du château provoque
un embarras chez le nv propriétaire : il est impossible d’investir cet espace… on ne
trouvait pas de projet adéquat car on n’avait jamais pensé que château et usine puissent être
dissociés. L’oubli semble impossible ! Comment concilier un symbole patronal avec une
nvlle dimension publique ? La municipalité décide alors de conserver le château en en
faisant un musée.
2.A
Un projet de musée
En 1970, alors que les Schneider refusent d’aider à reconstruire un théâtre dans la ville, on
prend conscience qu’il faut faire évoluer la ville par rapport à l’industrie. On se rend compte
qu’il se passe des choses nouvelles dans la ville, et un centre d’action culturellle sont créés.
Lyonnet, premier président de ce centre, deçu par son conformisme, tente de réaliser dans le
projet du Musée au Château de la Verrerie ce qu’il ne trouve pas au centre. Il fait appel à
une personne extérieure, Marcel Evrard qui présente des expositions sur l’art africain.
La municipalité demande à Marcel Evrard, qui a travaillé au Musée de l’Homme de Paris de
s’occuper de ce musée. Il est à la recherche d’un lieu pour exposer son travail autour de l’art
et la mairie lui propose un centre d’accueil en échange de sa participation au musée. Cette
logique va mener à une approche conciliant histoire industrielle et approche artistique. En
1971, la municipalité passe une convention avec Evrard pour la création d’un Musée de
l’Homme et de l’Industrie. Il fait une rencontre décisive avec Hugues de Varine
Les prémices d’une démarche politique
Le musée futur a besoin de la caution des élus, érudits, associations et enseignants locaux.
Varine pense que le musée doit d’abord être associé à la population. La mobilisation
recherchée est pourtant un échec. Incrédulité, indifférence, cynisme voire mépris dominent et
le musée est perçu comme une dépense inutile. Le musée semble dans une impasse : il
arrive même encore à Lilian Schnieder d’occuper une partie du château alors qu’il a été
vendu à la municipalité : elle téléphone à la concierge et lui dit “préparez mes appartements,
j’arrive demain !“. Evrard et Combier (futur président du musée, opposé aux Schneider)
prévoient non seulement de récupérer les lieux mais également d’exposer des objets, les
meubles des Schneider… Evrard pensait créer une fondation Schneider et demander à la
famille de tout léguer. Pourtant, ces legs sont impossibles : on ne se dépossède pas de son
histoire aussi facilement… c’était une coupure effrayante entre la famille et les lieux.
Personne n’arrive à demander clairement à Mme Schneider de quitter les lieux.
Le départ définitif des Schneider du château coïncide avec l’entrée de Marcel Evrard. En
1972 ont lieu les premiers travaux pour transformer la demeure en musée.
Faire un musée ?
Les difficultés de transformation du château se fondent sur le refus de faire entrer ce qui
vit tjs dans une temporalité muséale ! L’usine fonctionne encore et c’est là que l’histoire
s’écrit, pense-t-on alors. On refuse de transférer l’histoire des humains vers des objets.Il
est ici question de la mort d’un temps délégué aux objets… Les humains sont dépossédés
de l’histoire en les objets doivent la raconter ! Pourtant, au Creusot, ni l’usine et les
Schneider ne sont morts ! On se demande alors ce que l’on va bien pouvoir exposer à la
Verrerie.
2.B
Un instrument de développement communautaire
En l’absence d’objet à exposer, le musée va déplacer son objet. En 1970, le Creusot opère
un regroupement intercommunal et le projet du musée est élargi. Deux bases sont lancées :
marquer la fin du paternalisme et créer un outil pour faire naître la communauté
urbaine.
Vers une évolution culturelle
Le musée va s’affirmer comme un instrument politique dont Hugues de Varine, dans une
mouvance mondiale de redéfinition du rôle et des principes des musées, sera l’un des
principaux penseurs. On veut d’un musée révolutionnaire, décolonisé culturellement. Varine
croit en une révolution culturelle, à une lutte des classes culturelle. L’utilisation de
ressources humaines et du patrimoine doit servir au développement communautaire
contre l’impérialisme culturel.Il veut également coupé les liens entre dirigeant et dirigé.
Libérer l’homme dans les musées revient alors à libérer les objets. Au Creusot, son premier
principe est de faire correspondre l’espace du musée à celui de la Communaté Urbaine :
le bâtiment est remplacé par un territoire, celui de la communauté.La communauté tout
entière constitue un musée vivant dont le public est en permanence à l’intérieur : le
musée n’a pas de visiteur mais des habitants ! Tous les objets se trouvant dans la
communauté font également partie du musée.Il faut des acteurs à cette révolution et la
population va être mobilisée par ses membres les plus actifs (ses leaders).
Marcel Evrard, de son côté, s’occupe de la part artistique. Il veut mettre en place des
dispositifs pour que les gens réfléchissent au travers de l’art, que l’invisible devienne visible.
Le musée devient alors un musée des questions où l’objet est le monde du travail qui est
questionné dans son rapport à l’art.La libération de l’objet, là encore, devient la libération
de l’homme (du paternalisme NDM).
Le projet du musée, selon ces principes, devient plus ambitieux et grandit.
3.A
Une histoire impossible, un musée impossible : l’Ecomusée
La volonté de promouvoir un travail en association avec la population implique des structures
différentes des musées habituels. Les conditions d’une révolution par le musée engagent
une révolution du musée. Un cadre administratif composé de 3 comités est créé :
1. Un comité des usagers (représentants de la population)
2. Comité scientifique (recherche…)
3. Comité de gestion (financement, administration)
Les ambitions révolutionnaires du projet et les exigences de reconnaissance (pour avoir
des subventions) locales et nationales en font un musée radicalement nouveau. Mais est-
ce encore un musée ? L’idée est qu’un musée de territoire ne doit pas avoir de
collection… les autorités muséales répondent qu’un musée sans collection n’est pas un
musée. Au Creusot, les syndicalistes refuse de faire un musée d’une histoire encore
vivante et, au plan national, le concept n’est pas accepté. Le projet doit alors trouver un
autre modèle muséal. On imagine alors un projet qui puisse servir de caution et on
l’appelle écomusée. Sa tutelle est confiée au Ministère naissant (dans un flou institutionnel)
de l’Environnement. Le musée du Creusot prend le nom d’Ecomusée de la Communauté
Urbaine du Creusot-Montceau-Les-Mines. Mais que veut dire cette nouvelle
dénomination ?
Le recours à l’ethnologie
Avant même qu’il n’est des objets à exposer, le musée du Creusot est déjà un musée
d’ethnologie. C’est Henri Rivière qui introduit l’ethnologie au Creusot où il voit une façon
d’appliquer un savoir muséographique réservé jusque là au monde rural, à l’histoire
industrielle.On s’inspire en ffet de la muséographie du monde rural de l’époque : les
musées en plein air, les écomusées.
Le trajet des écomusées
Ces musées en plein air correspondent à la volonté de créer à Paris un musée centralisé des
arts et traditions populaires. Ce projet hante la muséologie du XXème dont Rivière. Ce
musée, pour Rivière participe à la volonté de dépasser les différences de classes. La valeur de
la société traditionnelle semble grandir car, plus le passé disparaît, plus sa valeur grandit.
L’ethnologie semble condamnée à découvrir son objet au moment où il disparaît.
Les premières expériences de musées ouverts en Europe datent de 1870 (Stockholm et le
musée Nordique, bois de Boulogne…). On cherche à proposer aux villes des espaces de loisir
touit en animant des secteurs ruraux en déclin.
La politique de sauvegarde des objets de l’ethnologie peut être comparée à la sauvegarde de la
nature. L’écologie mène à l’écologie de l’homme. Varine trouve le terme d’ecomusée pour
lier concept de nature et de musée en plein air…
La participation de la population comme acte de conservation
Les musée en plein air, dans des parcs naturels, existent à l’époque (1970). Hugues de
Varine, uniquement pour tenter de faire reconnaître son projet, fait des notes bidon qui
tentent de faire du Musée de l’homme et de l’industrie un écomusée, de part sa
proximité avec la parc du Morvan !
Rivière tente de définir l’écomusée : entre écologie naturelle et humaine, l’écomusée se
compose d’un “musée de l’espace“ ouvert et d’un “musée du temps“ couvert. La question
centrale de la participation de la population est également posée : on pense ne pas
pouvoir travailler sans sa caution.
En 1975, Rivière définit encore différemment l’écomusée : un musée pas comme les
autres tripartite (conservatoire, laboratoire, école) construit par des experts et une
population. Rivière refusera pourtant, qqs années plus tard, la mise en place de statuts qui
auraient permis aux usagers de définir et réaliser les projets du musée. L’idée un peu
utopique de Rivière est d’avoir non pas des figurants mais des vrais exécutants
continuant é vivre normalement ! Rivière, de façon contradictoire rappelle la nécessité
d’éviter de muséifier les populations.
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