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Histoire de la Gauche communiste
Tome II
1919-1920
Du Congrès de Bologne du P.S.I au second Congrès de l'Internationale communiste
Editions Il Programma Comunista - 1972
Traduction et numérisation par Gérard Colling
Depuis que nous avons repris le travail de ce volume, les historiens “officiels” - en
particulier les penseurs de la classe dominante, ses idéologues actifs, desquels Marx et Engels
écrivaient dans “l'Idéologie allemande” qu'“ils font de l'élaboration des illusions de cette classe
sur elle-même leur principale profession” - ont rectifié le tir de leur triste bataille d'arrière-garde
à l'encontre du spectre renaissant avec ténacité d'une Gauche communiste. En conséquence, le
plan originel de ce volume s'est notablement élargi.
La contre-offensive actuelle, historiographique seulement en apparence, de l'opportunisme
en habit d'académicien, ne pouvant plus ignorer l'existence de la Gauche ou se limiter à la
couvrir d'injures, pour effacer la honte du rôle que celle-ci en tant que majorité a joué dans la
formation d'abord puis dans la direction du parti communiste d'Italie, a dû assumer la tâche
ingrate de l'expulser du courant marxiste ; et c'est une contre offensive qui, comme toutes les
glorieuses campagnes de ce type d'intelligentsia, se développe sur autant de fronts que
l'opportunisme a de facettes - dans la phase actuelle de déstalinisation de la contre révolution
stalinienne.
Abandonnant les grossières manières plébéiennes de la phase précédente pour celles plus
civilisées exigées par le bon ton de la concurrence pacifique, du commerce à avantage mutuel et
des voies parlementaires et nationales au socialisme, les historiens des Boutiques Obscures [du
nom de la rue ou est localisé le siège du PC stalinien] (dont le grand pontife est Paolo Spriano,
assisté du couple Lepre-Levrero) se sont lancés dans la fabrication d'un “léninisme” s'appuyant
sur les deux faux et mensongers piliers dont le premier serait l'invention des soviets (et de leur
vertu thaumaturgique), et le second celui de l'empirisme et même du machiavélisme tactique -
tour de passe-passe avec lequel un groupe de jeunes arrivistes du PCI établit la filiation directe
entre Lénine (au moyen de l'identification des soviets avec... les conseils de fabrique, ou avec
d'autres produits de l'inépuisable “créativité” des masses) et l'ordinovisme d'une part, et le “parti
nouveau” de Togliatti de l'autre. Il peut sembler paradoxal, bien que ce ne le soit pas, que
l'historiographie trotskyste minoritaire, qui se nourrit de cette élégante opération de chirurgie
plastique, dont la condamnation de la Gauche comme étant un maximalisme extrémiste (à la
manière de Ferri) ne constitue qu'une variante, s'emploie à son tour à construire une énième
nouvelle généalogie Lénine-Gramsci... Corvisieri, à l'exclusion cette fois de Palmiro [Togliatti,
ndt] (nous nous excusons de nommer les personnes : pour ces soi-disant marxistes, on le sait,
l'histoire n'est pas le théâtre de forces anonymes et collectives, les classes, mais de dynasties
“intellectuelles”, les individus). Dans un cas comme dans l'autre, la Gauche, coupable
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d'“obsession particulariste” (rôle primordial du parti de classe, anti-démocratisme de principe)
sort déshonorée de la scène, épisode fortuit et vaguement folklorique du mouvement
révolutionnaire marxiste: le parterre, satisfait, pousse un soupir de soulagement.
Il y a toujours place pour un soupçon d'historiographie hétérodoxe au sein de la grande
libéralité de la contre-révolution stalino-déstanilisatrice. Après les censeurs, les amoureux
déçus: y appartiennent ceux qui font grâce à la Gauche de la juger comme l'unique courant
digne du nom de marxiste dans l'Italie de l'après 1re guerre mondiale, et parallèlement lui
reprochent d'avoir repoussé par sa “position de principe abstentionniste” entêtée, une masse
fantomatique de communistes d'opérette, retardant ainsi la scission de Livourne (pontife unique,
Luigi Cortesi; nous laissons de côté ceux qui prétendant se réclamer directement du
“bordiguisme”, cherchent cependant dans l'arsenal de la psychanalyse la clé de sa rupture
manquée avec le PSI à Bologne et avec l'IC aux premiers signes de sa parabole dégénérescente)
; y appartiennent, admirateurs et admiratrices... avec réserves, ceux qui découvrent un
“marxisme occidental” dans lequel enfermer la Gauche, l'accolant en vrac aux tribunistes
hollandais, aux conseillistes allemands, aux spontanéistes-ouvriéristes latins et anglo-saxons,
contre lesquels celle-ci s'est battue, comme nous l'avons déjà souvent dit, constamment -
mystification qui sert aux uns à abattre de son piédestal le “marxisme oriental” et “asiatique”
barbare des bolcheviks, et sert aux autres à confirmer en seconde instance notre condamnation,
en compagnie des précédents (à l'exclusion bien sûr de l'“Ordine Nuovo”), en tant que
coupables d'anti-bolchevisme!
Ainsi, faux orthodoxes et présumés hétérodoxes non seulement déforment l'histoire pour de
vulgaires intérêts de boutiques, mais travaillent à défigurer, ne pouvant pas le démolir, l'unitaire
et invariant bloc de granit du marxisme, comme théorie et comme praxis.
Nous sommes suffisamment immodestes pour nous reconnaître les seuls à nous relever de la
misère de ces reconstructions ad usum delphini, nées sur le tronc de la plus catastrophique
défaite du mouvement ouvrier international en un siècle et demi d'histoire et taillées sur mesures
pour en empêcher la compréhension, ici comme dans toutes les autres manifestations du combat
politique.
Nous ne proposons pas des “découvertes” savoureuses, des “innovations” géniales, des
“exégèses” audacieuses ; nous reprenons le fil rouge de 1848, de 1850, de 1864, de 1871 (pour
rappeler quelques étapes capitales), qui a été renoué à Petrograd et à Moscou, après la violente
rupture des Unions Sacrées, avec l'inflexible rigueur, le dogmatisme déclaré, l'orgueilleuse
intransigeance des années de l'“Iskra” et du “Que faire” ainsi que des années de guerre entre les
Etats, d'assauts au pouvoir, de guerre civile - avec la rigueur, le dogmatisme, l'intransigeance
que nous aurions voulu voir appliquée à la énième puissance (ceci étant notre unique désaccord
avec le bolchevisme, “plante de tous les climats”) dans cet Occident pourri de démocratie
parlementaire, imbibé de pacifisme social, malade de fédéralisme et d'autonomisme. C'est sur ce
fil - comme le prouvent les textes ici rassemblés - que la Gauche, seule en Occident, a marché
avec l'Internationale ressuscitée sur les bases de granit de “L'Etat et la révolution”, “Le renégat
Kautsky”, “Terrorisme et Communisme”; c'est sur ce fil que ne se sont jamais alignés, ni ne
l'auraient pu sans le concours de circonstances exceptionnelles, malgré les efforts surhumains
des protagonistes d'Octobre, les susnommés représentants d'un pseudo marxisme occidental -
non seulement les réformistes déclarés, les maximalistes ou les Indépendants, mais aussi les
conseillistes, ouvriéristes, ordinovistes, spontanéistes, en somme immédiatistes (1) - dont la
terrible “inertie historique” a barré la route à la révolution en Europe, empêchant en même
temps l'éclatante révolution double de Russie de conclure son cycle à l'échelle mondiale, comme
seul cela était possible, et à son état-major de rester fidèle à lui-même jusqu'à la limite de ses
forces. Ce fil rouge (revendiqué par les bolcheviks et par nous comme au-dessus des
contingences de temps et d'espace, et impératif pour tout communiste sous tous les cieux et à
tout moment), nous n'avons pu empêcher qu'il ne se perde, de même que les bolcheviks n'ont
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pas réussi à le tenir fermement jusqu'au bout; mais nous n'acceptons pas de le considérer perdu
pour toujours.
L'histoire militante du mouvement ouvrier est faite de hauts et de bas, d'épopées et de
tragédies: de ceci, l'année qui va d'août 1919 à août 1920 constitue un brûlant condensé. Nous
en réévoquons les épisodes avec patience et émotion: non par scrupule historiographique ou par
luxe académique, mais pour les exigences de la lutte future, en en tirant un enseignement - le
même que nous avions alors anticipé à travers le diagnostic des forces agissant à l'échelle
mondiale et de leur nécessaire disposition - au lieu de nous incliner devant le sentiment banal du
“ceci devait arriver”.
Il en est sorti la trame - que nous ne prétendons ni complète, ni parfaite, et qui ne porte
aucune signature comme il convient aux représentants d'une classe qui n'a ni droit ni encore
moins propriété à revendiquer - d'une histoire véridique, donc anticonventionnelle, du
mouvement communiste, emmêlée aux événements d'un mouvement ouvrier capable d'écrire
des pages glorieuses lors de journées d'authentique grandeur. Nous la dédions à la mémoire de
la splendide génération de militants révolutionnaires d'alors, pour qu'elle resurgisse, comme elle
ne peut manquer de le faire, muni de l'intégralité de ses armes de batailles et, finalement, de
victoire.
Note explicative:
Pour faciliter la lecture, les comparaisons et les éclaircissements, nous avons inséré les
documents d'époque dans le corps du texte ou en appendice à la fin des chapitres, des rappels
précis des uns aux autres, donnant un relief particulier aux textes des années 1919-20 qui
développent des arguments à peine effleurés ou non encore approfondis dans le volume
précédent, et les corrélant aux textes ou thèses rigoureusement parallèles de la 3e Internationale.
Les deux derniers chapitres dédiés au mouvement communiste mondial et au 2e congrès de
Moscou forment un seul bloc ; que le lecteur non pressé le considère comme un tout unique.
I
Rappelant le passé et anticipant le futur
Les volumes 1 et 1 bis de l'Histoire de la Gauche précèdent ce 2e volume de respectivement
6 et 8 ans. Il est donc nécessaire de reprendre le fil de l'exposé alors interrompu en en tirant le
bilan tout en regardant au-delà des frontières chronologiques au sein desquelles nous restons
pour l'instant: les lendemains du 2e Congrès de l'Internationale Communiste.
Partant des origines du mouvement prolétarien international et des origines de sa diffusion en
Italie, nous avons vu se délimiter autour des années 1880 et prendre corps à partir de 1910 un
courant de gauche révolutionnaire qui, dans la période précédant immédiatement la guerre de
1914-1918, s'appuie sur de sûres bases théoriques et développe une incessante bataille pratique
par la lutte contre le double révisionnisme réformiste et syndicaliste, remettant en ordre les
concepts fondamentaux comme le rapport entre parti et organisations économiques, entre
programme maximum et revendications minimum, entre centre dirigeant du parti et
organisations périphériques, entre socialisme et culture, entre socialisme et religion (et à fortiori
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églises constituées), entre socialisme et maçonnerie, ou encore sur les questions brûlantes des
blocs électoraux, des limites de l'action parlementaire et de la position du parti face à
l'irrédentisme.
L'éclatement de la guerre non seulement n'affaiblit pas la combativité de cette extrême-
gauche, mais elle la revigora et donna un caractère d'urgence lucide et passionné à cette
polémique. Les citations contenues dans l'exposé et encore plus dans les textes reproduits dans
les annexes des 2 volumes précédents, prouvent que face à l'honnête mais bancal et en tout cas
théoriquement insuffisant neutralisme de la direction du PSI, et à la débandade frileuse d'une
droite ne supportant aucune discipline envers les directives centrales, la Gauche a défendu, dans
la presse adulte et jeune, et lors de nombreuses réunions de parti, des thèses identiques à celles
que la Gauche internationale de Zimmerwald et Kienthal soutint dans cette même phase
historique.
On doit à la continuité de cette bataille théorique et pratique que dès la première annonce de
la Révolution russe et de la prise du pouvoir par les bolcheviks, le courant de gauche ait pu la
saluer, non pour des raisons d'adhésion rhétorique, ni par un enthousiasme éphémère comme ce
fut le cas pour des Lazzari et Serrati, mais à cause d’une totale convergence de positions
théoriques et de dispositions tactiques, et de la reconnaissance de la confirmation - et non pas la
modification ou l'ajournement ou pire encore le démenti (comme le prétendit Gramsci) - des
points cardinaux de la doctrine marxiste sur les problèmes de la conquête violente du pouvoir,
de la destruction de l'appareil d'État capitaliste, de l'instauration de la dictature de classe, et de
sa réalisation par le travail du parti communiste unique, par la terreur rouge comme son
nécessaire prolongement, ainsi que du caractère non national ou local mais mondial de la phase
historique ouverte par ce grandiose événement. C'est à cette continuité que l'on doit le fait que,
dès les premiers jours de “paix”, la Gauche ait pu, tant dans la presse centrale que lors de
réunions nationales du parti, ou à travers l'hebdomadaire “Il Soviet”, lancer une offensive
ardente tant contre la droite ouvertement gradualiste et démocratique, que contre l'équivoque
“centre” maximaliste, à la phraséologie révolutionnaire retentissante mais liée par de solides fils
au réformisme sous le masque mensonger d'un appel inconséquent à la subversion (exprimé
clairement par le mot d'ordre prétentieux et désorientateur de “grève expropriatrice” et par la
prétention de constituer à froid les soviets en en rédigeant les... statuts), et que l'on doit
également d'avoir pu être l'auteur d'un travail de martèlement des bases théoriques du marxisme
révolutionnaire et de sa vision du passage du pouvoir capitaliste au pouvoir prolétarien, ainsi
que de la revendication de la doctrine et du programme de fondation de la 3e Internationale, et la
constitution du premier réseau organisé national qui sera le Parti Communiste d'Italie.
C'est dans ce cadre que nous avons mis en évidence l'absence de liens entre les thèses de la
Fraction qui s'appela “abstentionniste” (essentiellement pour se distinguer de la Fraction des
maximalistes s'autoproclamant communistes) et les positions des groupes anarcho-syndicalistes
contre lesquelles elle s'était au contraire battue avec une rigueur et une fermeté qui n'a eu aucun
équivalent dans aucun parti ou groupe en Europe ou ailleurs (et contre la dangereuse illusion de
pouvoir constituer avec eux un front d'unité prolétarienne), et avait en même temps sonné
l'alarme dès le début sur les rêves du groupe de l'“Ordine Nuovo” quant à la possibilité de
construire la nouvelle société pierre sur pierre au sein de l'ancienne, ou pire encore, au sein de la
fabrique, éludant le problème central du pouvoir et, pire encore, celui du parti politique.
Face à une situation internationale et nationale qui voyait les masses prolétariennes
descendre sur le terrain d'une lutte ouverte contre l'ennemi de classe accablé des lauriers de
l'épouvantable carnage de la guerre, et qui voyait le parti socialiste courir derrière le fantôme
des succès électoraux en sacrifiant par là-même la préparation révolutionnaire du prolétariat à
une prise du pouvoir - que le courant du “Soviet” ne pensait pas prochaine, mais dont il savait
qu'elle ne serait jamais possible si perdurait l'équivoque d'un parti révolutionnaire en paroles et
légaliste dans les faits -, la Gauche communiste indiqua que la tactique de l'abstentionnisme
électoral - sur des bases non seulement différentes mais opposées à celles des idéologies
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anarchistes ou syndicalistes - était le plus efficace catalyseur du processus de séparation tant des
réformistes que des faux révolutionnaires maximalistes, ainsi que du dépassement de
l'équivoque paralysante d'une fausse unité. C'était l'indicateur d'un processus organique de
sélection des partis communistes à partir du vieux tronc de la social-démocratie d'avant-guerre;
en ce sens, un moyen instrumental subsidiaire par rapport aux discriminants fondamentaux,
traités par les bolcheviks autant dans des pages immémorables que dans l'incendie de la guerre
civile.
Mais il était aussi un pont jeté vers la reconnaissance, que nous espérions possible, de la
nécessité d'adopter dans l'Occident capitaliste une tactique et une méthode de lutte auxquelles la
perpétuation des illusions et habitudes démocratiques et parlementaires profondément
enracinées obligeaient de recourir, afin de rompre impitoyablement avec tout révisionnisme et
social-démocratisme ouvert ou masqué. Ce n'était donc pas l'abstentionnisme qui nous
définissait: c'était la totale convergence de principe avec les bolcheviks - pour lesquels, du reste,
lors de déclarations sans équivoque pendant ces années et tout d'abord en 1919, la question de
l'utilisation pour des buts révolutionnaires de la tribune parlementaire et du mécanisme
électoral, ou vice versa de leur répudiation, passait en dernier (et ne pouvait être décidé une fois
pour toutes) face aux points cardinaux de la doctrine: parti, insurrection, dictature, terreur rouge.
La suite de l'exposé et de la documentation en annexe montrera comment, pendant les dix-
huit mois qui précédèrent Livourne, toutes ces positions centrales, défendues dans leur
intégralité par notre seul courant, se définirent toujours plus clairement, et comment les faits
eux-mêmes nous portèrent nous - contre tous les faux dévots à Moscou - sur la voie de la
constitution du parti communiste d'Italie, section - et rien d'autre que section - de la 3e
Internationale. Elle montrera aussi que c'est internationalement que la “grande occasion” de la
crise de l'après-guerre fut perdue, non pas dans le sens où la prévision de l'incendie
révolutionnaire mondial ne se réalisa pas, mais dans le sens où elle ne put éviter qu'à la
prévalence des forces conservatrices de classe ne s'associe la totale dégénérescence de la classe
révolutionnaire, de sa doctrine et de son organisation lors de ce puissant conflit, dévalant la
pente et finissant par se précipiter dans le gouffre de la contre-révolution stalinienne et post-
stalinienne, avec une classe qui a perdu la boussole et peine douloureusement à la retrouver, et
avec des partis qui prétendent la diriger mais, surtout là où ils sont restés pléthoriques, servent
l'idéologie et la force de la classe ennemie.
C'est pourquoi le sens de la longue bataille de la Gauche entre 1919 et 1926 fut concentré
dans l'effort d'empêcher que, pour ce qui dépendait de nous - c'est à-dire du parti, conscience et
organe de la classe - cette issue catastrophique ne soit réservée aux généreux prolétaires
d'Europe et du monde, et pourquoi il est nécessaire d'en revenir aux origines des divergences qui
s'ouvrirent dans ce qui apparaissait comme, et était, un bloc unique, en 1919-1920, et que l'on
vit peu à peu prendre des directions différentes puis opposées.
• • •
La Première Guerre mondiale terminée en 1918 fut suivie par la terreur du verbe
révolutionnaire qui fit trembler le monde bourgeois au cours des brûlantes années 1919-20.
Au cours des années 1914, 1915, 1916 et en partie en 1917, l'opinion publique formée alors
comme aujourd'hui par la publicité des journaux, qui s'est enrichie depuis lors des derniers
moyens de fabrication à faible coût de la Béotie populaire, ne s'arrêtait pas tant au fait que la
philanthropique civilisation capitaliste ait généun massacre général, que sur le fait que le
spectre qui s'était levé en 1848 sur une civilisation et une culture aussi misérables - le socialisme
révolutionnaire qui en avait confié la palingénésie à la classe des sans-patrie - ne se soit
dégonflé lors des premières heures d'août 1914 dans le naufrage du conformisme chauvin.
A la fin de 17, l'incendie inattendu provenant de la traînée de poudre partie de l'Octobre de
Petrograd et de Moscou, avait à nouveau réveillé le fantôme effrayant qui troublait les rêves des
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