4VINCENT MACAIGNE EN MANQUE
Il était une fois une société dans laquelle les gens d’en haut auraient accumulé argent, pouvoir et
culture. Ils auraient pris la relève de gouvernements incapables d’organiser une vie collective loin du
désordre et de la violence. Leurs hiérarchies et leurs espaces séparés suppléent alors à l’absence de
projet collectif : mieux vaut tenir éloigné et sauvegarder que livrer à l’incertitude les trésors de la vie
humaine que représentent l’amour et les chef-d’œuvre de la culture. L’argent, le pouvoir et la culture
sont devenus une seule et même puissance, un seul et même espace, la même image glorieuse d’une
réussite et d’une exaltation qui ne se partagent pas, ou avec parcimonie en organisant le sentiment
de manque et le désir insatisfait.
Pourtant, si les gens d’en haut vivent dans un monde aussi euphorique qu’auto-satisfait, leur monde
est à bout de souffle, sans perspective, sans volonté autre que sa propre célébration et sa toute-
puissance répétée. Toute la culture européenne a été privatisée, mise sous clé pour la sauvegarder.
L’ennui menace et la joie manque. Alors il ne reste plus qu’aux gens d’en haut, pour conserver
quelque chose de vital, de vivant, que l’auto-destruction – qu’enfin à nouveau il advienne quelque
chose. Détruire la famille, détruire le désir, affronter la rage en s’offrant aux gens d’en bas. Lorsque
la joie manque, seule la destruction réveille la vie.
Vincent Macaigne place En Manque dans une fondation privée qui a mis tout l’art européen sous
coffre fort. Mais l’auteur, acteur, réalisateur et metteur en scène ne critique pas, n’expose pas la
métaphore savante d’une société figée dans ses certitudes et où quelques-uns organisent la misère
des autres. Il fait du théâtre lui-même l’occasion de sortir des cadres, des certitudes, des manies.
Il part à la recherche éperdue d’un nouveau désir de vivre, ensemble et hors des contraintes si
longtemps imposées qu’elles paraissent naturelles et nécessaires, adressant à ceux venus à sa
rencontre l’urgence d’un renouveau pour éviter l’effondrement, sortir de l’angoisse et s’arracher à
la solitude.
PRÉSENTATION
En manque © Mathilda Olmi