Apprentissage de l’échographie pulmonaire C. ARBELOT L’échographie est une technique transversale particulièrement bien adaptée à l’anesthésie réanimation-polyvalente, disponible 24 heures sur 24, le matériel étant disponible dans à peu près toutes les zones où nous sommes amenés à intervenir (réanimation, bloc pour l’ALR/les cathéters, SSPI, déchoquages, maternité). Notre capacité à nous « adapter » rapidement aux dispositifs ou aux machines (nouveau respirateur comme nouvel appareil d’échographie) fait de cette spécialité un atout. Les appareils étant à disposition, nous sommes familiers avec leur utilisation et avec le visionnage d’images d’échographie (principalement échographie cardiaque, guides à l’ALR et/ou à la pose de cathéters, FAST écho par exemple). La simplicité, la fiabilité et la faisabilité immédiate 24 heures sur 24 au lit du patient font de cet outil le compagnon idéal de nos pratiques professionnelles quelle que soit notre zone d’exercice. Cependant, il conviendra de respecter quelques règles : une formation de base solide en échographie (de type DU/DIU ciblée bien évidemment sur la pratique la plus fréquente de l’opérateur), de l’humilité d’autant plus que l’opérateur est débutant (ne pas aller contre le bon sens et les autres données clinico-biologiques). Le nettoyage soigneux des sondes et de l’appareil particulièrement dans les zones « à risque » comme la réanimation - doit faire partie intégrante de l’examen. Des travaux portant sur l’apprentissage de l’échographie de « débrouillage », en dehors de l’échographie pulmonaire proprement dite, font appel à une formation mixte à la fois théorique et pratique. Dans un travail comparé aux résultats d’un radiologue, on retrouve une bonne concordance après formation de deux heures et demie théoriques et de trois fois deux heures pratiques chez des réanimateurs, le diagnostic de pathologie fréquemment retrouvé en réanimation étant l’épanchement pleural, l’épanchement intra-abdominal, la cholécystite, la dilatation des voies biliaires intra-hépatiques, la dilatation des voies urinaires, une pathologie chronique rénale, une thrombose veineuse profonde [1]. Le diagnostic de l’hémopéritoine en urgence semble, lui, acquis en 15 à 30 examens d’après les travaux de Shackford [2], de même que l’analyse du cadran sous-costal droit [3] dont la sensibilité est à 100 % après 25 examens. D’autres examens « ciblés » semblent avoir des courbes d’apprentissage encore plus courtes comme la détection d’un placement correct de cathéter central (estimé acquis en 2 heures de pratique) [4], la détection d’un épanchement pleural acquise en quelques examens [5] ou encore la recherche d’un signe échographique pulmonaire en moins de dix examens comme retrouvé dans les travaux de Picano [6] et de Gargani [7] sur des cardiologues à la recherche de signes de gravité d’OAP. Fig. 1. On évalue les signes de gravité d’un OAP selon une estimation semi-quantitative du nombre de lignes B, opérateur expérimenté versus novice (ordonnée), après dix examens [8]. Délocalisant l’apprentissage de l’échographie dans les véhicules du SAMU, Noble et al. [9] ont conduit un travail intéressant sur la détection de signes en faveur de pneumothorax et d’OAP après une heure de formation théorique et sur vidéo auprès de 27 médecins (30 % ayant déjà pratiqué de l’échographie générale, 14 % ayant plus d’un an d’expérience et 7 % ayant déjà pratiqué l’échographie pulmonaire). Le seul vrai travail publié concernant l’échographie pulmonaire est le travail de Tutino. Il rapporte des temps d’apprentissage longs (7 mois) mais probablement dus au fait d’une volonté de concordance parfaite novice/expérimenté [10]. Leur protocole consiste en un jour de cours théorique et vingt heures d’entraînement pratique. Correspondance : Réanimation Polyvalente, GH Pitié-Salpétrière, Université Pierre et Marie Curie Paris-6, France, e-mail : [email protected] 1 [4] Maury E., Guglielminotti J., Alzieu M., Guidet B., Offenstadt G. - Ultrasonic examination: an alternative to chest radiography after central venous catheter insertion? Am. J. Respir. Crit. Care Med., 2001 ; 164(3) : 403-405. [5] Doelken P., Strange C. - Chest ultrasound for “Dummies”. Chest, 2003 ; 123(2) : 332-333. [6] Picano E., Frassi F., Agricola E., Gligorova S., Gargani L., Mottola G. - Ultrasound lung comets: a clinically useful sign of extravascular lung water. J. Am. Soc. Echocardiogr., 2006 ; 19(3) : 356-363. [7] Gargani L. - Lung ultrasound: a new tool for the cardiologist. Cardiovasc. Ultrasound, 2011 ; 9 : 6. [8] Bedetti G., Gargani L., Corbisiero A., Frassi F., Poggianti E., Mottola G. - Évaluation of ultrasound lung comets by hand-held echocardiography. Cardiovasc. Ultrasound, 2006 ; 4 : 34. [9] Noble V.E., Lamhaut L., Capp R., Bosson N., Liteplo A., Marx J.S., Carli P. - Évaluation of a thoracic ultrasound training module for the detection of pneumothorax and pulmonary edema by prehospital physician care providers. BMC Med. Educ., 2009 ; 9 : 3. [10]Tutino L., Cianchi G., Barbani F., Batacchi S., Cammelli R., Peris A. - Time needed to achieve completeness and accuracy in bedside lung ultrasound reporting in intensive care unit. Scand. J. Trauma. Resusc. Emerg. Med., 2010 ; 18 : 44. [11]Bouhemad B., Liu Z.H., Arbelot C., Zhang M., Ferarri F., Le-Guen M., Girard M., Lu Q., Rouby J.J. - Ultrasound assessment of antibiotic-induced pulmonary reaeration in ventilatorassociated pneumonia. Crit. Care Med., 2010 ; 38(1) : 84-92. Fig. 2. Notre expérience pratique (en pratique routinière, le médecin en apprentissage ne réalisant pas des échographies systématiques quotidiennes mais lorsque l’indication pour la prise en charge du patient le nécessite) quant à elle retrouve, après une formation théorique de deux heures et 10 échographies en binôme, un temps moyen d’acquisition d’une concordance correcte (estimée par un score Kappa > 0,5) portant sur le score de LUS (Lung Ultrasound Score) [11], le diagnostic final retenu ainsi que les propositions thérapeutiques. Conclusion L’apprentissage de l’échographie pulmonaire semble relativement rapide. Il convient cependant de définir quelle concordance avec le médecin expert est souhaitée : est-ce l’impact diagnostique et/ou thérapeutique attendu ou la concordance parfaite des images obtenues ? Cette formation préliminaire doit-elle se faire de façon « forcée » en intensifiant les examens réalisés auprès des patients ou de façon routinière lorsque la prise en charge du patient le requiert ? Dans tous les cas, comme pour les autres formations d’échographie, il convient de savoir poser les bonnes questions, de savoir rester humble en intégrant les résultats obtenus dans un algorithme clinico-biologique et de mettre en place un complément formel et solide de l’apprentissage rapide au lit du patient dans le cadre d’un apprentissage en formation médicale continue ou dans le cadre de la formation aux internes. Bibliographie [1] Chalumeau-Lemoine L., Baudel J.L., Das V., Arrivé L., Noblinski B., Guidet B., Offenstadt G., Maury E. - Results of short-term training of naive physicians in focused general ultrasonography in an intensive-care unit. Intens. Care Med., 2009 ; 35(10) : 1767-1771. [2] Shackford S.R., Rogers F.B., Osler T.M., Trabulsy M.E., Clauss D.W., Vane D.W. - Focused abdominal sonogram for trauma: the learning curve of non-radiologist clinicians in detecting hemoperitoneum. J. Trauma., 1999 ; 46(4) : 553-562 (discussion 562-564). [3] Kendall J.L., Shimp R.J. - Performance and interpretation of focused right upper quadrant ultrasound by emergency physicians. J. Emerg. Med., 2001 ; 21(1) : 7-13. 2