Session 2 : Approche fonctionnelle et services écosystémiques : aspects écologiques et
socio-économiques
Conversation avec Loïc Fauchon
Président honoraire du Conseil Mondial de l’Eau. Il est également Président Directeur Général du Groupe des
Eaux de Marseille. Administrateur de l’agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse. Membre du Panel sur
l’eau et les désastres (HELP/UNSGAB).
Les crises se cachent les unes derrières les autres. Ou plutôt, sont-elles comme les wagons d’un même
train, celui du développement, qui subissent les à coups des dérèglements de tous ordres que subit la
planète. Crise écologique masquée par celle de l’économie, crise hydrique subissant celle de l’énergie.
Et pourtant il nous faut respirer, boire, manger, s’éclairer, se soigner, apprendre pour vivre dans la paix
et la dignité. L’interdépendance des économies, une mondialisation débridée ne font qu’accroître le
sentiment de fragilité du lien entre ressource de plus en plus rare et population de plus en plus
nombreuse. A cela s’ajoute évidemment l’instantanéité de la production médiatique et cette perception
que la crise, et la catastrophe sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus meurtrières. Face à ce
qu’il ressent comme des menaces permanentes et incontrôlées, le citoyen du monde demande, exige,
une sorte de sécurité basée sur le risque zéro. Zéro sécheresse, zéro inondation, zéro cyclone, zéro
tsunami, le domaine de l’eau est caractéristique de ce désir de sécurisation durable. Cette sécurité là
n’est pas essentielle, car nul ne peut prétendre à maîtriser durablement les errements de l’homme dans
sa relation avec la Nature. Face à la pression toujours plus forte de la démographie, de l’urbanisation,
et de l’évolution du climat, une nouvelle forme de « sécurisation » s’impose pour faire cesser cette
« souffrance de l’eau ». Cette sécurisation de l’eau s’inscrit dorénavant parmi les nécessités
stratégiques du futur, au même titre que la sécurisation nucléaire, alimentaire, ou maritime. La
sécurisation de l’eau, c’est d’abord la capacité à assurer à chacun une vie quotidienne digne. C’est
garantir l’eau nécessaire pour nourrir la population planétaire. Mais aussi promouvoir une eau saine
pour réduire radicalement le nombre de décès liés aux maladies hydriques. Assurer à la fois une
double sécurité alimentaire et sanitaire. C’est ensuite la sécurité économique, mais aussi sociale, afin
de disposer des masses d’eau correspondant aux exigences qu’imposent l’élévation des niveaux de vie,
et les désirs de consommation d’une majorité de la population planétaire. Le développement est
consommateur d’eau et les gouvernements ont l’obligation d’imposer de strictes politiques de
régulation de la demande, selon le précepte de consommer moins en gérant mieux et en favorisant les
usages les plus économes. Et nous avons enfin à imposer une sécurisation écologique. C’est un devoir
compris et accepté par tous que l’eau doit être restituée à la nature dans un état acceptable pour le
maintien des écosystèmes et le respect de la biodiversité. C’est aussi une obligation morale envers les
générations futures.
Enfin il faut garder présent à l’esprit que pour sécuriser l’eau aujourd’hui et surtout demain, nous
devons associer son sort à celui de l’énergie. D’abord parce que les mêmes pauvres sont exclus de
l’accès à l’eau et à l’électricité. Ensuite parce que l’énergie est pour l’eau un préalable et l’inverse
aussi. Le monde a besoin d’un paquet « eau-energie » sur fond de changement du climat. Sécuriser ce
qui est indispensable à la vie et en premier lieu la somme des ressources en eau nécessaires est une
condition préalable à une croissance harmonieuse des décennies à venir. Une croissance, basée sur la
maîtrise de l’eau et de l’énergie, suffisante, équitable et respectueuse de l’homme et de la nature.