Politiques culturelles et réglementation des industries de la culture : Gisèle Sapiro
bilan des travaux et perspectives de recherche
l’origine des politiques culturelles de nombreux pays, notamment les Pays-Bas, la Suède et la France.
En France, elle a également convergé avec la politique de décentralisation (Lebovics, 1999).
2.
A
PPROCHES
L’étude des politiques publiques en matière culturelle s’est développée depuis une vingtaine
d’années. Une revue leur est entièrement consacrée, l’International Journal of Cultural Policy. On peut
évoquer différents types d’approche des politiques publiques en matière culturelle, selon les
disciplines concernées : science politique, histoire, droit, science de la communication, économie,
sociologie.
2.1 La politique culturelle comme objet : les travaux de science politique
L’approche la plus complète des politiques culturelles en tant que telles a été élaborée par les
politistes depuis les années 1980 (Saez 1985 ; voir aussi la synthèse de Ioana Popa 2006 sur ce site).
Ces travaux s’intéressent non seulement aux pratiques spécifiques d’intervention de l’État, mais aussi
aux modalités de leur légitimation. La légitimation suppose la constitution et l’institutionnalisation
d’un domaine d’intervention publique et un accord stable et durable entre les différents acteurs
sociaux. Ce domaine peut en outre être redéfini selon les enjeux socio-politiques du moment. Vincent
Dubois (1999) a étudié ainsi le processus par lequel la culture est devenue une catégorie d’intervention
publique en France, processus qui implique non seulement l’intégration et l’institutionnalisation d’un
ensemble d’interventions, mais aussi le redécoupage de compétences administratives, l’existence d’un
corps d’agents de l’État et d’un personnel d’encadrement, la fixation de pratiques professionnelles,
l’élaboration d’un discours (textes, rapports administratifs, etc.). La politique culturelle élaborée par le
premier ministère de la Culture (fondé en 1959) a mis en œuvre un projet de démocratisation de
l’accès à la culture, qui se fondait sur une alliance avec les professionnels de la culture contre d’une
part les pratiques culturelles d’amateurs, d’autre part la culture de masse produit de l’essor des
industries culturelles (Urfalino, 1996). L’une des transformations majeures survenues, du point de vue
du mode de légitimation, dans les années 1980, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France, tient
dans la redéfinition de la conception de la « démocratie culturelle » : elle implique une reconnaissance
et une valorisation du relativisme et de la diversité des cultures (régionales, communautaires, etc.), et
de la remise en cause des hiérarchies culturelles établies (Dubois, 1999). Dans ce changement des
modes de légitimation de l’intervention publique, les industries culturelles occupent une place
stratégique : d’une part, la politique publique d’aide à ces secteurs (et particulier du cinéma) est
inscrite dans le cadre de la lutte contre l’impérialisme culturel américain ; d’autre part, elle contribue à
réconcilier la culture avec l’économie, le soutien de l’État aux industries culturelles étant présenté
comme revêtant un intérêt non seulement symbolique mais aussi économique.