– 105 –
ne voit pas que ce phénomène puisse aller
en diminuant, à en observer l’ampleur
croissante des implantations par investis-
sements directs à l’étranger (IDE). Le total
des IDE des firmes représentait 6,5 % du
PIB mondial en 1985, puis en 2000 trois
fois plus, soit 17 % du PIB mondial, selon
la Commission des Nations unies pour le
commerce et le développement (CNUCED).
Si cela tient à la libéralisation des mouve-
ments de capitaux, il est important de rap-
peler aussi que cela concerne les régions
industrielles : les pays industrialisés reçoi-
vent plus de 70% des IDE et en sont à l’ori-
gine à hauteur de 95 %.
Il y a par là davantage qu’une sensibilité
de l’économie au trafic maritime : on peut
souligner une dépendance croissante en
revenu et à court terme.
Cela tient d’abord à la concentration des
firmes transnationales par croissance
externe et fusion acquisition. En 1995, le
produit des entreprises vendues a égalé le
montant du commerce international. Ces
acteurs ont pour les principaux, le poids
économique d’une nation.
Cela tient ensuite à l’impact de l’activité
interne de ces acteurs. La santé de l’écono-
mie dépend du commerce “intra-firme” :
ensemble des échanges internationaux
entre les filiales d’un même groupe, ou
entre les filiales et la maison-mère qui
découlent de la concentration des firmes
transnationales. Les échanges intra-firmes
représentent au moins 30 % des échanges
internationaux de la France, et 50 % de
ceux des États-Unis.
Cela tient enfin au comportement de pro-
duction des entreprises industrielles. Ces
firmes transnationales de taille croissante,
avec les IDE réduisent leurs coûts en seg-
mentant la production, selon un choix
d’implantation par IDE optimisé par
région. Une voiture low cost verra son
moteur construit dans un premier pays,
assemblée à la carrosserie dans un
deuxième, pour que cette voiture soit ven-
due dans un troisième.
Cette combinaison de dépendances se
développe de la manière suivante. Les
chaînes logistiques dépendent des flux
maritimes. Ces chaînes sous-tendent les
échanges intra-firmes. Les échanges intra-
firmes constituent une part croissante du
commerce mondial. La compétitivité des
prix oblige à réduire les stocks : la produc-
tion et le transport se font à flux tendus.
Le transport maritime devient crucial pour
la production. La production des plus
grandes firmes est devenue, par le fait de
leur taille, un enjeu de court terme pour
l’économie des pays-centres, où résident
les sociétés mères, comme pour celle des
pays-hôtes où résident des entreprises
liées. La défaillance simultanée, provo-
quée par une interruption du transport
maritime, dans plusieurs firmes transna-
tionales, aurait assez rapidement des
effets systémiques (effets de dominos).
Ceci fonde une part de l’exposition à court
terme de l’économie à l’activité maritime :
les flux maritimes portent les flux tendus
de l’économie mondialisée.
Il existe, de ce fait, une dépendance de
long terme de l’économie envers la mer.
L’aménagement des espaces se trouve
influencé. Les unités de production sont et
seront implantées au plus près des termi-
naux maritimes, dans les agglomérations
portuaires, car les cargaisons, sont atten-
dues à leur destination avec un minimum
de retards et de ruptures de charges. Cela
explique un autre phénomène qui est l’at-
traction maritime dans l’aménagement
des espaces, manifesté par un surdévelop-
pement économique des zones du littoral
et des agglomérations portuaires. En 1995,
seuls 30 % de la population résidaient à
plus de 500 km des côtes. Il est à prévoir
qu’en 2025, c’est à moins de 200 km des
côtes, que se trouveront 70 % de la popu-
lation mondiale. Les principales villes du
monde se trouvent déjà dans cette frange,
qui produit les trois quarts du PNB de la
planète.
De paire avec cette concentration, les loi-
sirs se tournent fortement vers la mer
puisqu’en France, en 2005, le chiffre d’af-
faires de la construction de navires de plai-
sance a atteint celui de la construction de
navires marchands.
Un exemple d’approche macroéconomi-
que est de nature à confirmer ces élé-
ments : les récentes estimations de crois-
sance économique par département selon
l’INSEE pour 2006, montrent un écart
jusqu’à 0,5 % du PIB en croissance annuali-
sée, entre les départements littoraux et les
départements continentaux. L’économie
connaît une sensibilité forte et de court
terme envers le trafic maritime, le revenu
global est corrélé, à court, moyen et long
termes, à la fiabilité et à la performance de
l’activité maritime, et l’activité économi-
que se déplace vers les régions littorales et
portuaires.
[ La dépendance énergétique sollicite
fortement l’espace maritime. ]
Les échanges énergétiques (pétrole, gaz
et charbon) transitent à 80 % par les mers
et les détroits stratégiques et 40 % des
échanges énergétiques mondiaux passent
par le détroit de Malacca.
Mesurée par la part importée de l’énergie
consommée, la dépendance énergétique
concerne l’Amérique du Nord, l’Europe et
l’Asie, qui consomment 70 % du pétrole,
dont les réserves se situent, pour les deux
tiers, au Moyen-Orient. Le développement
économique de pays comme la Chine et
l’Inde, accélère la demande de pétrole en
présence d’une offre insuffisante. Ainsi le
taux de croissance des besoins en pétrole
de la Chine est passé de + 7,6 % en 2003
à + 15,8% en 2005.
Les surcapacités de production de pétrole
des années quatre-vingt, après les deux
chocs pétroliers, ont disparu et
aujourd’hui, l’ensemble de la chaîne
pétrolière est sous tension. La capacité de
production excédentaire, évaluée de 1,5 à
deux millions barils par jour, ne suffirait
pas à couvrir l’arrêt brutal de la production
d’un grand pays fournisseur comme l’Iran
(production de 2,7 millions barils par
jour).
Des tensions importantes apparaissent
sur les prix. Le Brent est passé de 25 USD
en juillet 2003 à 80 USD en août 2006. L’in-
quiétude des marchés est réelle.
Pour les États, sont à l’ordre du jour du G8,
à Saint-Pétersbourg, en juillet 2006 et du
sommet de l’OTAN à Riga des 28-29
novembre 2006, les points suivants :
– assurer les besoins énergétiques ;
– sécuriser les approvisionnements ;
– limiter les effets néfastes sur l’environ-
nement.
La hausse des cours rentabilise des inves-
tissements très lourds. Plusieurs milliers
de plates-formes sont en exploitation et le
pétrole off shore représente 35 % de la pro-
duction mondiale. Selon l’Agence interna-
tionale de l’énergie, la hausse du Brent
provoquera le maintien de la part mon-
diale de production des pays producteurs
non-OPEP, par exploitation de l’off-shore à
hauteur de 80 % de la croissance de la pro-
duction.