Aude SOUBRIER (2010897) Master Sciences du Langage Université Lumière Lyon 2 Description des langues Juin 2007 ‘Phonologie et morphologie de l’ikposo de Doumé (Togo, région des Plateaux)’ Directeur : Denis Creissels Informatrice : Marie Evenyo Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Je tiens avant tout à remercier Marie Evenyo pour sa disponibilité, sa patience (surtout pour les tons) et sa bonne humeur. Les séances de travail ont vraiment été très agréables. Je remercie également mon directeur Denis Creissels pour ses nombreux conseils, ainsi que tous les gens du laboratoire Dynamique Du Langage qui ont pu m’aider, de près ou de loin. J’aimerais aussi remercier Coleen Anderson pour son aide et son accueil chaleureux dans le réseau des linguistes liés à l’ikposo. Enfin, mes pensées vont à Mariana Frontini, à ma mère et à Stéphane pour leur aide et leur soutien dans la dernière ligne droite. -2- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 I Introduction Ce travail, effectué dans le cadre du Master 2 de Sciences du Langage de l’Université Lumière Lyon 2, constitue l’aboutissement d’une première étape de la description de la langue ikposo du Togo, appartenant à la famille kwa. Il a été l’occasion d’apprendre le travail avec une informatrice et de découvrir la langue et de se familiariser avec elle. Il s’agissait ici d’établir les bases phonologiques et morphologiques de la langue. L’approche est descriptive mais l’objectif est aussi de garder un regard typologique. Une première partie donnera une brève description du pays, de la langue et de ses divisions dialectales, ainsi que de la méthodologie. Les deux parties suivantes s’attacheront à la phonologie de la langue, d’une part segmentale et d’autres part tonale. Puis les premiers résultats de l’étude morphologique seront exposés pour le syntagme nominal et le syntagme verbal. Enfin, nous verrons les perspectives qu’offre ce travail. Mes deux principales sources bibliographiques sont Anderson (1999) et Eklo (1987). Comme j’y fait constamment référence, les dates de publication ne seront plus indiquées, afin d’alléger le texte. -3- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 II C ontexte de l’étude Cette partie a pour but de présenter le contexte global de l’étude, ce qui donne un résultat assez hétérogène. Nous verrons tout d’abord une brève description démographique et linguistique du Togo, une présentation de la langue ikposo et de ses dialectes ainsi que les précédents travaux sur le sujet. Ensuite, concernant ce travail à proprement parler, je présenterai mon informatrice, la méthodologie et les conventions employées. II.1 Quelques aspects du Togo 1 Le Togo est l’un des plus petits pays d’Afrique, 56 790 km2, constitué d’une bande de terre d’environ 550 km sur 130 entre le Ghana à l’ouest, le Bénin à l’est et le Burkina Faso au nord. La population compte 6 143 000 habitants (2005). La capitale est Lomé, située sur le golfe de Guinée. Le pays est divisé en cinq régions : les Savanes, la Kara, le Centre, les Plateaux et la Région Maritime. La population est très diversifiée avec plus de 40 ethnies et langues différentes, sans qu’il n’y ait un groupe majoritaire. Les plus nombreux sont les Ewés, au sud, et les Kabiyés, au nord, 1 L’essentiel des informations de cette partie provient du site de l’Université de Laval au Québec : http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/afrique/togo.htm -4- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 dont les langues sont parlées respectivement par 20% et 16% de la population. Les langues du Togo appartiennent majoritairement à la famille Niger-Congo dans les branches kwa (comme l’éwé et l’ikposo), gur (comme le kabiyé), mandingue et ouest-atlantique (comme le peul). Les langues kwa et gur représentent à elles seules plus de 90% des langues du Togo. La langue officielle, suite à la colonisation, est le français. C’est la langue de la législation, de l’administration et la principale langue de l’éducation. L’éwé et le kabiyé ont le statut de langues nationales et sont les seules langues à être enseignées à l’école à côté du français, mais uniquement au niveau de l’école maternelle et de façon marginale. Le mina, forme véhiculaire de l’éwé, sert de langue de communication à travers tout le Togo. L’histoire du Togo et les dominations successives qu’il a connues au cours des XIXe et XXe siècles ne seront pas approfondies ici. Cependant elles sont répercutées dans les langues et sont surtout visibles au niveau du lexique. Pour l’ikposo, on note de nombreux emprunts venant de l’éwé et de l’anglais. En effet, l’anglais était la langue utilisée par les Allemands pendant leur domination de 1880 à 1914. Puis la partie ouest du pays fut sous domination anglaise alors que le reste du pays – et ensuite tout le pays – devint une colonie française. On trouve donc aussi des emprunts au français. Le corpus compte même un emprunt au portugais avec sáfwɪ ‘clé’ (de chave) qui doit dater du XVIème siècle, époque à laquelle les portugais pratiquaient un commerce actif au Togo. Enfin le lexique contient des lexèmes dont la structure font immédiatement penser à des emprunts, sans que j’ai pu déterminer leurs langues d’origine, qu’elles soient parmi celles citées ou d’autres. II.2 La langue ikposo et revue bibliographique Le terme utilisé dans ce travail pour désigner la langue étudiée est ‘ikposo’. D’autres noms lui sont données dans d’autres études, notamment kposo, kposso et akposso. Littéralement, ‘akposo’ désigne le peuple et ‘ikposo’ la langue, ‘kposo’ étant la base nominale commune. Il semble qu’aujourd’hui le terme ‘ikposo’ soit le plus couramment utilisé par les chercheurs travaillant sur cette langue.2 2 Par exemple, Eklo, sous la direction de Creissels, a utilisé kposso, mais tenait au terme ikposo, parce que c’est le terme utilisé par les locuteurs eux-même. Anderson a utilisé akposso, mais lors de communications personnelles récentes, elle a insisté sur le fait que ikposo désigne la langue et akposo le peuple. La thèse de Afola-Amey, publication la plus récente sur la langue, utilise le terme ikposso. Personnellement, je préfère l’orthographe ikposo à ikposso parce qu’elle ne fait pas référence à l’orthographe française. -5- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 II.2.1 Classification Le groupe akposo, dont la langue appartient au groupe kwa, se situe essentiellement dans la région des Plateaux, sud-ouest du Togo, dans les préfectures de Wawa et Amou, et une partie au Ghana. Les chiffres concernant la population varient selon les sources. Eklo, en 1987, propose le chiffre de 200 000 habitants. Anderson, en 1999, donne 100 000 locuteurs pour le Togo et 5 000 pour le Ghana. La SIL en 20023 indique une population de 155 000 personnes pour le Togo et de 7 500 personnes pour le Ghana, sans préciser s’il s’agit de population ethnique ou de locuteurs. Le schéma présenté en (1) montre l’affiliation génétique de la langue donné par le site de la SIL. Le chiffre entre parenthèses représente le nombre de langues appartenant au groupe cité. Les trois autres langues apparentées à l’ikposo au dernier niveau sont l’Adangbe, l’Igo et le Tuwuli. (1) Niger-Congo (1514) > Atlantic-Congo (1418) > Volta-Congo (1344) > Kwa (80) > Left Bank (30) > Kposo-Ahlo-Bowili (4) > Ikposo A partir de la branche kwa, on voit en (2) la classification donnée par Blench (2001). 3 http://www.ethnologue.com/show_language.asp?code=kpo -6- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (2) Recent classification of Kwa languages (Blench, 2001) Central Tano Tano Bia South Guang Akan Nzema-Ahanta Anyi, Baule, Anuf Efutu-Awutu Larteh-Cherepong-Anum Northern Guang Ga Dangme Lelemi-Lefana Siwu-Lolobi Likpe, Selee Logba Anii, Adele Proto-Kwa Na-Togo Avatime Nyangbo-Tafi Kposo, Igo, Wuli Kebu, Animere Ka-Togo Ewe Gen, Aja Fon-Phla-Phera Gbe II.2.2 Divisions dialectales et bibliographie L’ikposo se divise ensuite en cinq ou six dialectes selon les sources. Le logbo, l’uma, l’uwi, le litimé et l’ikponu sont cités par Eklo. Le site de la SIL ajoute l’amou-oblou. Mon travail porte sur la variante uwi parlée à Doumé, dépendant de la préfecture de Wawa. Les précédents travaux sur l’ikposo portent sur différents dialectes. La variante Litimé de Tomégbé est jusqu’à présent la mieux décrite avec deux linguistes, Jacqueline Alubue Eklo dont la thèse de 1987, à Grenoble, est une description générale de la langue (phonologie, morphologie, syntaxe) et Christine Afola Amey, dont la thèse (2002), à Paris, donne une analyse textuelle d’un point de vue psycholinguistique. Elle a également écrit un mémoire de DEA, une étude géolinguistique, à l’Université de Lomé. Je n’ai malheureusement pas encore eu accès à ces deux dernières sources. -7- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 La variante uwi reste peu décrite. On peut trouver un article de Wolf de 1909 dans la revue Anthropos, qui est une première ébauche de description. Plus récemment, Anderson a publié en 1999 un article sur l’harmonie vocalique de l’ikposo en travaillant avec des locuteurs du groupe de villages Okou-Onga-Otandjobo. J’ai également eu accès à un lexique plus récent, à l’état de manuscrit et donc non publié, de Anderson. Sur le dialecte de Amou-Oblo, il y a un dictionnaire, non publié également, de Jacques Rongier. Sur la différence entre ces deux principaux groupes dialectaux, on peut citer une note de Anderson : ‘Afola-Amey has supported the argument that Akposso can be split into two main dialects of which Uwi and Litimé each charcterize the main differences between the two dialect groupings. Anderson, Dozeman, Hatfield and Kluge [1992], a sociolinguistic survey conducted among the Akposso between May and September of that year, shows a 79-81% intelligibility between the two major dialects based on a 122 word list drawn from ‘Les listes lexicales kwa’ [1983].’ La thèse de Eklo et l’article de Anderson sont mes deux principales sources bibliographiques. Aussi, lorsqu’elles seront citées dans la suite du texte, la référence ne sera pas donnée afin d’alléger la présentation. Un lexique comparatif entre ces deux sources et mes propres données est en cours de réalisation. II.3 Présentation de la méthodologie et de mon informatrice Ce travail a été constitué à partir de données récoltées auprès d’une seule locutrice, Marie Evenyo, une femme de 45 ans, née au Togo, dans le village de Doumé où elle a passé sont enfance. Elle a appris l’ikposo dans sa famille et son village, puis le mina à l’école maternelle et enfin le français à l’école secondaire. Elle vit en France depuis l’âge de 15 ans. Elle garde le contact avec l’ikposo en le parlant avec sa tante, également sur la région lyonnaise. Elle parle français avec ses enfants, mais ceux-ci comprennent quelques mots d’ikposo. Comme je n’ai travaillé qu’avec une seule locutrice, la description donnée dans ce travail est par conséquent une description idiolectale. Ceci est à prendre en compte pour certains aspects de la description et pour des comparaisons éventuelles. Lors d’un premier travail constituant un mini-mémoire pour le Master 1, l’étude d’un texte enregistré m’avait permis d’avoir un premier contact avec la langue et de découvrir un large -8- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 panel de ses caractéristiques, sans pour autant les approfondir. Pour ce présent travail, je me suis limitée pour la récolte de données à des séances d’élicitation. En effet, j’ai voulu me concentrer sur l’étude de la phonologie, de la tonologie et un peu de morphologie. Une grande partie des données élicitées pour ce travail l’a été à partir des données présentées dans l’article de Anderson. Notamment, les listes de noms ont été systématiquement élicitées éventuellement dans un but de comparaison inter-villages. Pour illustrer les analyses, j’ai essayé de diversifier les exemples. Toutefois comme le corpus est relativement réduit, il était inévitable que le même exemple serve pour des points différents. II.4 Conventions Dans les transcriptions, les tons haut H, moyen 2 M2, bas L, montant R et descendant F sont rendus respectivement par les diacritiques é, ē, è, ě, ê et le ton moyen M n’est pas marqué. Les abréviations suivantes ont été utilisées : * = impossible ? = douteux = frontière morphémique 1, 2, 3 = 1ère, 2ème, 3ème personne A = approximante ACP = accompli C = consonne COORD = coordinateur DEF = défini DEFPL = défini pluriel DEM = démonstratif DIM = diminutif DISC = discursif FOC = marque de focalisation FUT = futur INAC = inaccompli INCH = inchoatif LOC = locatif N = nasale NEG = négatif O = objet P = pluriel PL = pluriel Poss = possessif PREP = préposition S = singulier V = voyelle X = oblique -9- Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 III Les segments s egments III.1 Consonnes Le tableau des consonnes ci-après présente les phonèmes attestés en ikposo de Doumé. La transcription utilise les symboles de l’API. Les oppositions permettant de les constituer comme phonèmes ne sont pas présentées ici. Seuls les cas problématiques seront discutés ultérieurement. L’approximante labio-palatale [ɥ] est entre crochets car elle constitue une variante contextuelle de la labio-vélaire /w/. Cependant comme il s’agit de la seule variante contextuelle, et qu’elle a été classée comme phonème pour le dialecte de Tomégbé par Eklo, j’ai préféré la conserver dans le tableau de présentation des consonnes. Pour une description des conditions de son apparition, voir la partie III.2.2. Elle est classée avec les labiales par économie pour éviter de créer une colonne pour un seul élément – non phonologique de surcroît. Labiales Alvéolaires Palatales Vélaires Labiovélaires sourde p t c k kp sonore b d ɟ g gb m n ɲ ŋ sourde f s sonore v z [ɥ] l j ɰ Occlusives Nasales Fricatives Approximantes w Table 1 – Consonnes Parmi les autres consonnes, deux sont rares et apparaissent dans des mots empruntés. Comme ces mots sont néanmoins utilisés spontanément, ces consonnes sont considérées comme faisant partie du système. En (3) nous voyons les mots de notre liste contenant /p/ – les trois - 10 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 premiers viennent de l’anglais – et en (4) le seul mot contenant /ŋ/ – qui vient de l’éwé. (3) (4) péjə̀ púsù pɔ́mpɪ ̀ pámpló pàpá ‘avocat’ ‘chat’ ‘pompe’ ‘bambou’ ’papa’ ŋlo ‘Ecris !’ III.2 La question des approximantes Les approximantes sont au nombre de cinq [ɥ, l, j, ɰ, w] définies respectivement comme labio-palatale, alvéolaire latérale, palatale, vélaire et labio-vélaire. Parmi elles trois de ce qu’on appelle semi-consonnes ou semi-voyelles [j, ɥ, w] correspondant phonétiquement aux voyelles [i, y, u] avec une réalisation plus fermée. La question est de savoir quelle est le statut phonologique de ces semi-consonnes et quelles relations elles entretiennent. III.2.1 Les approximantes vélaire ‘ɰ’ et latérale alvéolaire ‘l’ Bien que je n’ai pas de paire minimale opposant l’approximante vélaire /ɰ/ à l’approximante labio-vélaire /w/, elles peuvent se rencontrer dans le même contexte vocalique. (5) ɪ ́ɰɛ̄ áwɛ́ ɔ́ɰlɔ ɔ́wʊ́ ‘couteau’ ‘casserole’ ‘poule’ ‘saison sèche’ De plus /ɰ/, contrairement à [ɥ] comme on va le voir dans la partie suivante, ne semble pas limitée à un contexte vocalique particulier. Ces deux faits permettent de la considérer comme un phonème. Par ailleurs, il semble que l’opposition puisse être neutralisée : ‘There is loss of contrast for the velar approximates [ɰ and w] when they fall between back rounded vowels. People argue over whether to write ‘snake’ ɔ́ɰɔ : some want to write it ɔ́ɰɔ and others ɔ́wɔ.’ (Anderson, communication personnelle) Ce contexte – entre deux voyelles d’arrière – est intéressant d’un autre point de vue : l’approximante peut être élidée, si le mot est trissyllabique, comme on peut le voir en (6). - 11 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Ceci sera plus longuement discuté dans la partie sur la longueur vocalique et les séquences de voyelles (III.3.2). (6) ɔ́ɰɔ ɔ́ɔkʊ ɔ́ɔvjû ɔ́ɰɔ ɔ́ɰɔ serpent serpent moitié íku serpent petit ɔ́ɰɔ ívjû ‘serpent’ ‘moitié de serpent’ ‘petit serpent’ Par contre, l’approximante vélaire [ɰ] se dénote par le fait qu’elle ne peut pas se trouver dans la position CAV mais seulement CV, ce qui rend la classe des approximantes hétérogène. L’approximante latérale n’appelle pas de remarque particulière. Elle peut se rencontrer en position CV et en position CAV, sans restriction par rapport aux voyelles environnantes. Dans cette dernière position, elle est toujours d’origine lexicale et ne peut provenir, au contraire des semi-consonnes, d’une réduction de voyelle. La comparaison des deux noms présentés en (7) permet de penser que le même processus d’élision entre deux voyelles d’arrière identiques s’est passé pour ‘ombre’. Par contre la situation est complètement lexicalisée puisqu’on ne peut introduire la latérale : *ʊ́lʊlɥá. (7) ʊ́ʊlɥá ɔ́lʊlɥá ‘ombre’ ‘(qch de) frais’ III.2.2 Les semi-consonnes [ɥ], /j/ et /w/ Alors que la phonologie segmentale de l’ikposo est relativement simple, le statut des approximantes, surtout celui de l’approximante labio-palatale, pose problème. Une seule paire minimale pousse Eklo à conclure que la labio-palatale est bien un phonème distinct de ‘w’ pour le parler de Tomégbé : ‘L’identité phonologique de /ɥ / ressort des oppositions suivantes : ɥ/j jī ‘entrer’ ɥì ‘lier’ ɥ/w xɥē ‘décharger’ xwē ‘être proche’ La reconnaissance du phonème /ɥ / pose un problème d’analyse dans notre parler. En effet on pourrait supposer que /ɥ / et /w/ sont des variantes d’un même phonème, car ils apparaissent dans des contextes généralement différents. On a toutefois un cas où /ɥ / s’oppose à /w/ : voir ci-dessus. - 12 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Nous nous en tenons donc à la seule opposition relevée pour identifier /ɥ / comme phonème ; sa réalisation est une labio-palatale.’ Typologiquement, [ɥ] est en effet très rare, et ce d’autant plus dans une langue qui ne possède pas la voyelle correspondante [y]. Aussi, lorsque les conditions d’apparition sont généralement très contraintes, il est difficile de se résoudre à le considérer comme un phonème. Dans le parler de Doumé, les verbes de la paire citée par Eklo ne sont pas utilisés4. L’analyse qui suit, à condition de bien distinguer les niveaux (lexical vs morphonologique) et les positions (CV vs CAV), arrive à la conclusion que [ɥ] est une variante contextuelle de /w/. Les cas des trois semi-consonnes seront traités en parallèle. III.2.3 Les semi-consonnes en position CV L’opposition de la palatale et de la labio-vélaire dans ce contexte ne fait aucun doute. Les deux sons peuvent être en contact avec les mêmes voyelles, et aucun des deux n’est restreint à un contexte particulier. Par contre, d’après les données pour ce mémoire, il faudrait également poser [ɥ] comme phonème pour le parler de Doumé, si l’on se base sur la paire quasi-minimale suivante. Les deux verbes sont conjugués afin que l’harmonie vocalique prouve que les voyelles des verbes ont bien le même timbre. (8) á-wɪ ́nɪ á-ɥɪ ́ wɪ ̌nɪ ɥɪ ̌ 3S.ACP-grandir 3S.ACP-peindre grandir peindre ‘Il a grandi’ ‘Il a peint.’ ‘Grandis !’ ‘Peins !’ Cependant, un certain nombre d’arguments contredisent la conclusion qu’on pourrait tirer de cette paire minimale. En effet il faut noter que la labio-palatale en position CV est toujours suivie d’une voyelle haute d’avant (9). (9) 4 ɥɪ ̌ ɥi ɥì úɥí ‘peindre’ ‘rentrer’ ‘fumer (poisson)’ ‘herbe/paille’ Mon informatrice utilise se ‘décharger’ et kple ‘être proche’. - 13 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 D’autre part, alors que les séquences [jɥ] dans un lexème sont relativement fréquentes suivies d’une autre voyelle [-haute] (10), les séquences [jɥɪ] ou [jɥi] ne sont pas lexicales et n’apparaissent que dans le résultat d’une réduction vocalique ou après élision (11). La séquence *jw n’est pas attestée. (10) (11) ʊ́jɥɛ́ ɔ̀jɥɛ̀ jɥə ‘boa’ ‘bois sec’ ‘allumer’ ájɥɪɰa á-jɔ jɥivù ɪ ́ɰa jɥə ìvù 3S.ACP-prendre viande allumer feu ‘Elle a pris la viande.’ ‘Allume le feu !’ Donc si l’on reste au niveau lexical, on peut faire l’hypothèse d’une contrainte selon laquelle la séquence [jɥ] est réalisée [ɥ] devant une voyelle d’avant haute. Si cette hypothèse se vérifie, le cas de [ɥ] en position CV ne serait donc qu’un cas particulier de la position CAV. III.2.4 Les semi-consonnes en position CAV Dans cette position également on trouve [ɥ] dans des contextes similaires à /w/. Mais ici aussi, il est important de faire la distinction entre le niveau lexical et le niveau morphonologique avant de prendre une décision sur le statut de la labio-palatale. Les exemples (12) et (13) montrent ces contextes similaires dans la chaîne parlée rapide. (12) (13) Niveau lexical Niveau morphonologique ássɥawʊ̀ ni ́ nakɔ́swalɪ swa swa á-sɥa àwʊ̀ ní 3S.ACP-suspendre vêtement déjà na-kɔ́sʊ álɪ 1S.ACP-regarder village ‘Il a déjà suspendu le vêtement.’ ‘J’ai regardé le village.’ ádɪ ́ kállɥâ nalwá lwágbêdɪ ̀ lwá ádɪ ́ ká-lɥâ na-lʊ́ pluie ASP-pleuvoir 1S.ACP-porter manioc ‘Il pleut.’ àgbèdɪ ̀ ‘J’ai porté le manioc.’ - 14 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Mais ici encore, on voit que pour ‘suspendre’ et ‘pleuvoir’, la labio-palatale fait partie du lexème alors que pour ‘regarder’ et ‘porter’, la labio-vélaire n’apparaît qu’après réduction vocalique. III.2.4.a Au niveau lexical Lorsqu’on regarde uniquement les lexèmes, on s’aperçoit que la labio-palatale n’apparaît que précédée d’une consonne alvéolaire /s, z, l/ (14) ou de l’approximante palatale /j/ comme on l’a vu en (10). Le corpus ne compte pas de mot avec /t, d, n/ suivi d’une approximante. Mais on peut faire l’hypothèse qu’elles se conduiraient comme les autres alvéolaires. Ces mêmes consonnes – les alvéolaires – ne sont jamais suivies de /w/. (14) sɥa lɥɛ sɥə̀ ‘suspendre’ ‘laver5’ úzɥə́ lʊlɥa élɥé ‘pencher’ ‘plat6’ ‘frais’ ‘il est courbé7’ Il est difficile de savoir si la voyelle qui suit l’approximante a une influence ou non dans le choix de celle-ci. En effet, je n’ai pour l’instant pas de mot contenant la séquence C[+alvéolaire]A[ɥ ou w]V[+arrière]. Par conséquent on ne peut pas savoir si une voyelle [-arrière] est nécessaire à la présence de la labio-palatale. Au niveau lexical, les consonnes palatales suivantes /c, ɟ, ɲ/ ne provoquent pas l’apparition de la labio-palatale : (15) ɪ ́ɲwà éɟwə cwě ‘pigeon’ ‘souffle’ ‘verser’ Toutefois, le corpus ne compte pas de mot avec une structure syllabique C[+palatale]AV[+avant,+haute]. Il est possible que dans ce contexte l’approximante serait la labiovélaire. Par contre, comme on l’a vu (10), l’approximante palatale provoque bien l’apparition de la labio-palatale et la séquence *jw n’est pas attestée. L’hypothèse supplémentaire est que les séquences [jɥi] et [jɥɪ] dans un lexème soient réalisées simplement [ɥi] et [ɥɪ] (III.2.3). Les palatales ne constitueraient donc pas un groupe homogène, puisque l’approximante palatale a un comportement différent des autres. 5 ‘Laver un être humain’ Plat préparé avec de la farine de maïs grillé. 7 Ce verbe n’apparaît dans le corpus qu’avec les marques de personne et d’aspect. On ne peut donc pas savoir encore s’il est montant ou bas en isolation. 6 - 15 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Quant à l’opposition entre l’approximante palatale /j/ et la labio-vélaire /w/, il n’est pas possible pour l’instant de savoir si elles sont en distribution complémentaire ou non en position CAV, lorsqu’il s’agit d’un lexème. En effet, le corpus ne compte que deux mots avec /j/ (16). On ne trouve pas /w/ dans des contextes similaires, mais on ne peut guère en tirer de conclusion. (16) úbjə́ ívjû ‘larme’ ‘petit’ III.2.4.b Au niveau morphonologique Lors de la rencontre de deux voyelles dans la chaîne parlée rapide, on observe soit une réduction, soit une élision d’une des deux voyelles. Pour le problème du statut de la labiopalatale [ɥ], nous allons nous concentrer sur des exemples ‘verbe – objet’ où c’est la voyelle finale du verbe qui est réduite ou élidée au profit de la voyelle initiale de l’objet. Plus précisément, seuls les cas de réduction vocalique des voyelles d’arrière nous intéressent ici. La règle générale est que les voyelles d’arrière /u, ʊ, o, ɔ/ se réduisent vers l’approximante labio-vélaire /w/ et les voyelles d’avant hautes vers la palatale /j/ (17) – alors que les autres voyelles [-hautes, -arrières] sont simplement élidées. Au niveau tonal, c’est le ton de la voyelle finale du premier mot qui est conservée. (17) nakw kwédínî kw na-k kʊ́ ájá vé ljɔ̀ lj tɔ́ édínî á-já vé lì ɔ́tɔ́ 1S.ACP-balayer maison 3S.ACP-attendre sauter dépasser trou ‘J’ai balayé la maison.’ ‘Elle a sauté par-dessus le trou.’ Dans certains contextes la réduction ne se fait pas vers la labio-vélaire mais vers la labiopalatale [ɥ]. Le contexte de cette variation semble assez clair. La consonne précédant l’approximante doit être alvéolaire /t, d, n, s, z, l/ (18) ou palatale /c, ɟ, ɲ, j/ (19) et la voyelle qui suit doit être [+avant, +haute] /i, ɪ/, à l’exception de la palatale /j/, après laquelle la voyelle se réduit en [ɥ] quelle que soit la voyelle suivante (20). (18) án nɥɪ ́ɰɛ̄ ́ nallɥɪ ́ɰâ ́ á-nɔ́ ɪ ́ɰɛ̄ na-lʊ́ 3S.ACP-aiguiser couteau 1S.ACP-porter cochon ‘Il a aiguisé le couteau.’ ɪ ̀ɰà ‘J’ai porté le cochon.’ - 16 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (19) áccɥícû á-cɔ́ (20) éɟɥ ɟɥi ɟɥisí é-ɟo ísí 3S.ACP-tailler bois ícû 3S.ACP-cuire igname ‘Il a taillé du bois.’ ‘Il a cuit l’igname.’ ájjɥagbèdì á-jɔ àgbèdì 3.ACP-prendre manioc ‘Il a pris le manioc.’ (21) nalw lwɔ́ lwɔ́vlɛ̂ na-lʊ́ ɔ̀vlɛ̀ 1S.ACP-tresser pagne ‘J’ai tressé le pagne.’ Le comportement des consonnes alvéolaires et palatales lors de ce phénomène de réduction permet de les regrouper dans une seule classe naturelle qu’on peut appeler ‘consonnes d’avant’, par analogie aux voyelles. Il faut remarquer que ce regroupement n’est possible qu’au niveau morphonologique, puisque comme on l’a vu en III.2.4.a, les deux groupes ne se conduisent pas de la même manière au niveau lexical. Deux exemples contredisent cette analyse en (22). Le contexte est cependant un peu particulier, puisque la structure syllabique est CAAV au lieu de CAV comme dans les exemples précédents. Il faudrait donc admettre que la position CAAV ne peut être remplie par la labio-palatale, bien que je ne vois pas d’explication – articulatoire ou autre – pour justifier cette différence avec les syllabes CAV. (22) éŋlw ŋlwɪ ŋlwɪvɪ ́ é-ŋlo dɔ́kɪtèɰ ɰlwɪ lwɪnâkà ɪ ́vlɪ ́ dɔ́kɪtà é-ɰlo ɪ ́nâ-kà 3S.ACP-écrire lettre médecin 3S.ACP-opérer mère-grand ‘Il a écrit une lettre.’ ‘Le médecin a opéré la grand-mère.’ - 17 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 III.2.4.c Interaction entre les niveaux lexicaux et morphonologique Enfin, il est intéressant de voir comment est gérée l’interaction entre les deux niveaux lexical et morphonologique qui viennent d’être approfondis. (23) nassɥɔvlɛ̀ ɥɔ na-sɥa ɔ̀vlɛ̀ 1S.ACP-suspendre pagne ‘J’ai suspendu le pagne.’ (24) éccɥɪ ́vɪ ́ écwé ɪvɪ 3S.ACP-verser eau ‘Il a versé l’eau.’ L’exemple (23) montre que la labio-palatale provenant du niveau lexical est conservée au niveau morphonologique même quand le contexte demanderait la labio-vélaire lors d’une réduction vocalique. Par contre, dans l’exemple (24) ci-dessus, la labio-vélaire provenant du niveau lexical n’est pas conservée. Cet exemple peut être par ailleurs un indice en faveur de l’hypothèse présentée plus haut selon laquelle la séquence C[+palatale]AV[+avant,+haute] appellerait la labio-palatale plutôt que la labio-vélaire dans la position de l’approximante. Toutefois, comme il ne s’agit encore une fois pas du même niveau d’analyse, il vaut mieux être prudent tant qu’on a pas plus de données. Pour résumer, considérer [ɥ] comme une variante contextuelle de /w/ paraît être une analyse assez solide à condition de toujours séparer les différents niveaux d’analyse, lexical vs morphonologique et les positions CV vs CAV (et CAAV). Bien qu’allant à l’encontre de la règle des paires minimales, une telle analyse serait satisfaisante d’un point de vue typologique, l’approximante labio-palatale étant un phonème très rare dans les langues, d’autant plus lorsque celles-ci n’ont pas la voyelle d’avant haute arrondie correspondante. - 18 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Les conditions d’apparition de [ɥ] sont récapitulées dans le tableau suivant : position CAV Contextes niveau lexical position CAAV niveau morphonologique (avec réduction vocalique) C[alvéolaire] _V[+haute, +avant] ɥ ɥ C[alvéolaire] _V[-i, ɪ] ɥ w ɥ (j → Ø/_ ɥ V[+haute, +avant]) ɥ C[palatale] _V[+haute, +avant] ? ɥ C[palatale] _V[-i, ɪ] w w autres cas w w j _V w On remarque que dans le tableau la position CV n’est pas représentée. C’est qu’elle est réanalysée comme une position CAV dans le contexte particulier d’un lexème de forme [jɥi] ou [jɥɪ] à la suite duquel /j/ est élidée. Si cette hypothèse est confirmée pour le dialecte uwi, une écriture phonologique devrait ne pas conserver ɥ. Pour les transcriptions de ce mémoire, toutefois, j’ai conservé le symbole. Quant à /j/ et /w/ l’opposition est phonologique en position CV. En position CAV, après réduction vocalique, la distribution est complémentaire. Par contre, en position CAV au niveau lexical, les données manquent pour conclure sur leur statut. III.3 III.3.1 Les voyelles Système à 10 voyelles Contrairement au dialecte ikposo litimé – avec Tomegbé comme référence pour ce travail et la thèse de Eklo comme source de documentation – qui a un système à 9 voyelles /i, ɪ, e, ɛ, a, - 19 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 o, ɔ, u, ʊ/, le dialecte des uwi a un système à 10 voyelles, déjà attesté par Anderson (1999). Les voyelles s’opposent selon le degré d’aperture (haut, moyen, bas), l’avancement (avant, central, arrière) et le trait + ou – ATR (+ ou – tendues). Les voyelles d’arrière sont arrondies. Pour une économie de présentation, la seule voyelle basse a est classée avec les moyennes, dans une catégorie générale ‘non hautes’. Antérieures Centrales +ATR -ATR Hautes i ɪ Non hautes e ɛ +ATR ə Postérieures -ATR a +ATR -ATR u ʊ o ɔ Table 2 – Voyelles Deux caractéristiques vocaliques sont citées par Anderson (p.186) comme n’étant pas contrastives : la longueur et la nasalité. Le paragraphe suivant (III.3.2) est consacré en partie à la question de la longueur. Quant à la nasalité, il ne semble pas en effet qu’elle ait de valeur distinctive. On remarque toutefois qu’elle apparaît toujours avec les voyelles hautes d’arrière en finale de mot ; il s’agit peut-être d’un trait redondant. III.3.2 Longueur vocalique et séquences de voyelles Ces deux questions, qui à première vue paraissaient se rejoindre pour le parler de Doumé, sont en réalité deux problèmes distincts. Avant de proposer une analyse, les passages traitant de ces points dans les précédentes publications sur l’ikposo vont être exposés. Anderson remarque donc simplement que la longueur n’est pas phonologique pour le parler uwi. Sur la question des séquences de voyelle, Eklo (p.34) remarque pour le parler de Tomegbé : ‘Quelques unités lexicales semblent présenter la séquence VV. (…) En fait les réalisations peuvent varier selon les locuteurs entre : /àɷ̀/ et /àwɷ̀ / ‘vêtement’, /òú/ et /òwú/ ‘auto’, /ɔ́ɔ/̄ et /ɔ́wɔ̄/ ‘serpent’, /ɪ ́ɪ/̄ et /ɪ ́jɪ/̄ ‘langue parlée’ Selon les critères phonologiques, et l’attestation dans d’autres lexèmes des séquences VwV, VjV, nous avons retenu cette réalisation ; les séquences VV n’étant pas attestées ailleurs dans la langue autrement que correspondant aux pronoms personnels.’ - 20 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Quant à la longueur de voyelles, elle montre bien que celle-ci a un rôle très important dans l’énonciation et la discursivité. L’interrogation est marquée par un allongement porteur d’un ton plus bas que la voyelle initiale – c'est-à-dire moyen si le ton de la voyelle est haut, bas si le ton de la voyelle est moyen. De même, le morphème de focalisation est court ou long selon qu’il concerne le sujet ou un autre constituant (p.129). En ce qui concerne mes propres données, les seules occurrences de séquences de voyelles peuvent être confondues avec des voyelles longues parce qu’il s’agit toujours de deux voyelles identiques (25). (25) ʊ́ʊlɥá ɔ́ɔkʊ́ ɔ́mɔ́ɔ ítóo ɪ ́vlɔ́ɔ ‘ombre’ ‘assiette’ ‘gorge’ ‘montagne’ ‘oiseau’ Travaillant avec une seule locutrice, je n’ai bien sûr pas pu comparer les réalisations de plusieurs locuteurs, comme l’a fait Eklo. En attendant plus de données, la description que je fais ici n’est donc valable qu’au niveau idiolectal. On observe toutefois déjà, pour certains mots, une variation libre entre séquence de voyelles et une séquence correspondante VAV. (26) ɔ́ɔkʊ́ ~ ɔ́ɰɔkʊ́ ɔ́ɔkʊ ~ ɔ́ɰɔkʊ ɔ́ɔvjû ~ ɔ́ɰɔvjû ‘assiette’ ‘moitié de serpent’ ‘petit serpent’ Cette variation n’est apparemment possible que pour les mots trissyllabiques. En effet, pour ɔ́ɰɔ ‘serpent’ la variante élidée *ɔ́ɔ a été refusée. Par contre, pour les autres noms donnés en (25), on ne peut pas insérer de consonne. Il semble que la possibilité d’avoir des suites de voyelles soit restreinte. En effet, il s’agit toujours de voyelles identiques, toujours de voyelles d’arrière, toujours de mots trissyllabiques, et toujours d’une suite de tons HM. Dans la morphonologie, le comportement des séquences de voyelles peut être divers, de même que pour les voyelles uniques (III.5). Je me contenterai de donner deux exemples différents, les données n’étant pas assez nombreuses pour obtenir une conclusion certaine – d’autant que celles-ci manquent également en ce qui concerne la rencontre de voyelles simples. - 21 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 En (27), dans un contexte où la première voyelle de la séquence doit être élidée, la seconde reste intacte, ce qui confirme l’idée de voyelles structurellement indépendantes. (27) étíwɛ́ étíɔkʊ́ étí-áwɛ́ étí-ɔ́ɔkʊ́ terre-casserolle terre-assiette ‘plat en terre’ ‘assiette en terre’ Par contre il est intéressant de voir en (28) l’élision et la réduction successives des deux ‘o’ finaux de ‘montagne’ au contact de ɪvɪ ‘eau’ alors que ce n’est pas le cas au contact de ɔbɛ̂ ‘rivière’ – on aurait pu s’attendre à *ɪ ́twɔ̂bɛ̂. Dans le premier cas, les deux voyelles finales de ‘montagne’ perdant leur statut de centre de syllabe, on remarque que la voyelle restante a pris leurs deux tons et porte donc un ton modulé descendant. (28) ítɥɪ ̂vɪ ítóɔbɛ̂ ítóo-ɪvɪ ítóo-ɔbɛ̂ montagne-eau montagne-rivière ‘l’eau de la montagne’ ‘la rivière de la montagne’ D’un point de vue phonétique, on voit une différence entre les séquences de voyelles et les voyelles longues : on note sur la courbe du signal une baisse de sonorité (l’amplitude du signal diminue) au milieu de la séquence VV, ce qui n’est généralement pas le cas dans les langues à longueur vocalique avérée. Ainsi, il n’y aurait donc pas de longueur vocalique au niveau lexical. Par contre, comme pour le dialecte de Tomegbé, l’opposition de longueur au niveau syntaxique/discursif semble très important. Cette caractéristique se remarque tout d’abord simplement en écoutant un texte, où les allongements sont fréquents. Par exemple, pour l’interrogation, on peut comparer émjé ‘aujourd’hui’ en (29) et (30), ou encore le verbe ‘manger’ allongé (31) avec sa forme habituelle ‘jɛ̌’. (29) émjé wèɟumolɪ ́ aujourd’hui 1P.FUT.manger.riz ‘Aujourd’hui on mange du riz.’ - 22 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (30) (31) – wèɟofwè – émjée 1P.FUT.partir aujourd’hui ‘- On part ! - Aujourd’hui ?’8 wʊ-na-mʊ ɛfwɛ bwakʊ wa-ɰa 1P-NEG.ACP-trouver endroit alors mʊ ɛ́kʊ́ jɛ́ɛ (…)9 1P.FUT-aller trouver chose manger.DISC ‘On ne sait pas où trouver la nourriture (…)’ Ainsi, bien que je n’ai pas encore travaillé de manière approfondie sur des textes, les quelques exemples à ma disposition montrent clairement que les longueurs sont relativement fréquentes. Ce thème, ainsi que l’expression discursive en général, devra être l’objet d’une étude ultérieure. III.3.3 Harmonie vocalique +/- ATR Il apparaît dans le tableau des voyelles une opposition entre les voyelles ayant le trait +ATR dont l’inventaire est /i, e, ə, o, u/ et les voyelles –ATR /ɪ, ɛ, a, ɔ, ʊ/. Cette opposition au niveau des segments vocaliques se retrouve au niveau lexical et au niveau morphonologique. III.3.3.a Au niveau lexical Ce phénomène est plus visible avec les noms, majoritairement dissyllabiques, qu’avec les verbes, majoritairement monosyllabiques. En effet, un nom est caractérisé par un trait + ou – ATR portant sur l’ensemble de l’unité. Ainsi les voyelles des noms constitués d’un seul morphème sont toutes soit +ATR comme en (32) soit –ATR (33). (32) (33) émú ófi útə́ ‘œil’ ‘mariage’ ‘salive’ áwɛ́ ɔ́fɪ ́ ɛ́kʊ́ ‘casserole’ ‘boisson’ ‘chose’ (+ATR) (–ATR) Trois noms dissyllabiques (34) et trois noms trissylabiques (35) de mon corpus ne respectent pas l’harmonie vocalique. Ces exceptions sont rares et sont souvent le fait d’emprunts qui n’ont pas (encore) assimilé les principes phonologiques de la langue. Si l’emprunt est transparent pour les deux premiers mots, je ne sais pas d’où peuvent provenir les autres. Pour 8 Cet exemple simule un dialogue. Il m’a été donné spontanément par mon informatrice pour m’expliquer la différence entre ‘émjé’ à voyelle courte et ‘émjée’ à voyelle longue. 9 La transcription et la glose de cette phrase sont incomplètes et incertaines ; elles reflètent seulement un début de travail sur des textes. efwe pourrait en réalité être efu ‘endroit’ suffixé par le défini cliticisé. - 23 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 le trissyllabe ‘manioc’, il ne faut pas non plus écarter l’hypothèse d’une ancienne composition avec fusion de voyelles, sur le modèle de ɪ ́nêɟə̄ ‘sœur’ (ɪ ́nâ-íjə̄ ‘mère-fille’). (34) (35) fláwə̀10 pámpló àwû (vs àwʊ̀) ‘fleur’ ‘bambou’ ‘muet (vs vêtement)’ àgbèdì àtíke àdʊ́kû ‘manioc’ ‘médicament’ ‘foulard’ D’après Anderson (pp.204-205), dans un nom composé comportant deux morphèmes avec un trait + ou – ATR différent, chacun des morphèmes garde son trait d’origine (36), ce que confirme mes propres données. (36) ɔ́fɪ ́-kó [ɔ́fɪ ́kó] ɔ́ɰlɔ́-vjû drink-gourd poule-petit ‘palm wine container’ ‘poussin’ Ceci permet éventuellement de distinguer les noms composés des noms trisyllabiques qu’on ne peut pas analyser morphologiquement, du moins en synchronie. La discussion de ce point sera approfondie dans la suite de ce travail. Pour la majorité des verbes, monosyllabiques, la question de l’harmonie ne se pose pas au niveau lexical. Les verbes dissyllabiques non composés obéissent généralement à l’harmonie ; je n’ai pas non plus d’explication pour la seule exception (37). (37) ádʊ́nə́ ‘C’est amer.’ Le tableau suivant montre la répartition des lexèmes nominaux et verbaux selon le trait +/– ATR. Bien sûr, seuls les lexèmes non composés ont été inclus. On remarque que le trait – ATR est beaucoup plus répandu, surtout chez les noms11. 10 Dans le dialecte litimé, le mot pour ‘fleur’ est également emprunté, mais au mina : sépōpō Une orthographe pratique, qui ne marquerait qu’un seul des traits + ou – ATR, devrait prendre en compte cette inégalité et marquer plutôt les voyelles +ATR. 11 - 24 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Noms N. dissyl. N. trissyl. Tot. N. V. monosyl. V. dissyl. Tot. V. Total - ATR 90 32 122 37 12 49 171 + ATR 50 12 62 31 8 39 101 disharmoniques 5 3 8 0 1 1 9 Total 145 47 192 68 21 89 281 Table 3 – Répartition +/- ATR des lexèmes III.3.3.b Au niveau morphonologique Une part importante des affixes, verbaux et nominaux, ont une alternance selon le trait +/ATR, qu’ils copient de la base lexicale. On peut parler ici de sous-spécification. (38) ó-ké-dê ɔ́-ká-kʊ́ 3S-INAC-pêcher 3S-INAC-balayer ‘Il est en train de pêcher.’ ‘Il est en train de balayer.’ Ainsi, ces affixes seront systématiquement donnés avec leur deux formes de surface. Le correspondant + ATR de /a/ n’est pas /ə/ comme attendu mais /e/. La voyelle centrale +ATR /ə/ a un statut particulier, et ses occurrences sont plus restreintes que les autres voyelles, notamment en n’alternant pas avec la centrale –ATR /a/, en ce qui concerne l’harmonie vocalique des affixes grammaticaux. Anderson (p.191) décrit ce phénomène et le juge remarquable12 : ‘I have mentioned above that /ə/ is limited in its distribution ; it never occurs word initially where all other vowels of both sets occur. It would also appear that /ə/, while contrasting with /a/ in roots, does not function as its harmonic counterpart as one would expect it to in harmonizing affixes. In these cases we see /a/ alternating instead with /e/. (…) To my knowledge, this is the first reported case of a ten vowel language where the contrastive counterpart of /a/ (viz. /ə/) is not also its harmonic counterpart in harmonizing affixes.’ 12 Il serait intéressant de voir si la paire quasi-minimale àwʊ̀ ‘vêtement’ et áwû ‘muet’ peut être mise en relation avec l’absence de la centrale tendue en position initiale de mot. Une éventuelle hypothèse diachronique serait que la première voyelle de ‘muet’ ait été tendue avant que le timbre de la centrale ne soit neutralisé au profit de ‘a’ cette position. L’autre principale hypothèse est bien sûr l’emprunt. - 25 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Pour des exemples de /a/ alternant avec /e/ dans des affixes, voir la section VII.2 sur la morphologie verbale. Les autres alternances correspondent à l’opposition phonologique, ce qui donne les ensembles suivants : + ATR /i, e, o, u/, - ATR /ɪ, ɛ, a, ɔ, ʊ/. III.3.4 ‘u’ et ‘ʊ’ : voyelles ‘par défaut’ ? L’hypothèse selon laquelle /u/ et /ʊ/ fonctionneraient comme des voyelles neutres ‘par defaut’ vient de l’observation des voyelles épenthétiques ou analysées comme telles. Le premier cas, où /u/ est clairement épenthétique, est celui de la première voyelle du nom sukû ‘école’ (39), emprunté à l’anglais. Comme la séquence de consonnes *sk n’est pas conforme à la phonologie de la langue, la voyelle ‘u’ a été introduite. Deux hypothèses sont possibles pour expliquer le timbre de la voyelle : soit il s’agit d’une copie de la voyelle suivante, soit l’épenthèse se fait par une voyelle ‘par défaut’. (39) sukû ‘école’ (de ‘school’) D’autres arguments en faveur de l’hypothèse de la voyelle neutre proviennent de certains morphèmes grammaticaux préposés à une base lexicale. En effet, un nombre important de ceux-ci ont la voyelle finale [+haute] et [+arrière] : (40) tʊ̀ nʊ̀ anʊ DEM PREP Poss1S 13 mʊ kʊ́ comme COORD 14 Les formes présentées ci-dessus sont celles apparaissant devant consonne ; les formes devant voyelle sont respectivement t-, n-, an-, mw-, k- : (41) éjə́du nɔ̀ɲɪ é-jə́du nʊ̀ ájɥawʊ̀ kájɔ sɥa ɔ́ɲɪ á-jɔ àwʊ̀ kʊ́ á-jɔ 3S.ACP-aider PREP mari 3S-prendre vêtement COORD ‘Elle aide son mari.’ ‘Il a pris le vêtement et l’a suspendu.’ 13 sɥa 3S-prendre suspendre Et les autres possessifs du paradigme I, utilisés pour tous les noms, alors que les possessifs de paradigme II sont réservés aux liens de parentés (voir VI.6). 14 Le statut de kʊ́ est loin d’être établi avec certitude et précision pour Doumé. Déjà pour Tomégbé, avant de l’analyser, Eklo parle de domaines d’emploi et de significations ‘aussi nombreux que divergents’. - 26 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (42) t-ɔ̀lʊ éví mwícû mw tʊ̀-ɔ́lʊ é-ví mʊ DEM-personne 3S.ACP-être_grand comme arbre ícû ‘Cette personne est grande comme un arbre.’ Comme ces morphèmes sont préposés à des noms – des verbes pour kʊ́ – commençant majoritairement par une voyelle, la forme la plus courante de ces morphèmes est celle finissant par une consonne. Pour obtenir la voyelle finale du morphème, il faut typiquement l’utiliser avec un nom CVCV, c'est-à-dire un emprunt. Mais, même devant consonne, il est apparemment possible que la voyelle soit absente pour la préposition nʊ̀ (43). La structure syllabique NCV15 qui en résulte est assez inhabituelle, ce qui contribue à l’hypothèse de la voyelle neutre épenthétique – plus instable que les autres. (43) naɰɛ́sɛ́ ntɔ̀ nt lwɛ́ na-ɰɛ̀sɛ̌ nʊ̀ tʊ̀-ɔ́lʊ jɛ́ 1S.ACP-parler PREP DEM-personne DEF ‘J’ai parlé à cette personne.’ De plus, si l’on considère la forme avec voyelle comme la forme de base, celle-ci est élidée et non pas réduite à l’approximante /w/ (ou [ɥ]) – à l’exception de mʊ ‘comme’ – ainsi que le voudrait la règle générale pour les voyelles d’arrière. Tous ces faits conduisent à penser qu’il est possible que la voyelle soit épenthétique devant consonne, plutôt qu’élidée devant voyelle, qui est le contexte le plus courant. Dans cette hypothèse de voyelle ‘par défaut’, la voyelle de ‘comme’ pourrait éventuellement être lexicale. Par contre, on constate que ces morphèmes sont spécifiés tonalement. Or si l’on admet que la voyelle est épenthétique, il faut également admettre que le ton, au niveau sous-jacent, n’est pas forcément rattaché à un élément vocalique. 15 Contrairement à mkpɔ́nʊ́ ‘miroir’, la nasale initiale de cette séquence ne porte pas de ton. - 27 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 III.4 III.4.1 Syllabes Structure de la syllabe La structure syllabique de l’ikposo est relativement simple. Les schèmes syllabiques largement attestés au niveau lexical sont : CV, V, CAV. Marginalement, les syllabes N, CVN sont également attestées lexicalement et les syllabes CAAV et NCV après opération phonologique. Chaque syllabe prononcée est accompagnée d’un ton. Les syllabes les plus fréquentes sont les CV où toutes les voyelles peuvent apparaître en V et les consonnes en C, à l’exception de /ŋ/ qui n’a été trouvé pour l’instant que dans ŋlo ‘écrire’, emprunté à l’éwé. Toutes les combinaisons de C et V ne sont pas forcément attestée dans mon lexique actuel, mais pour l’instant il ne semble pas émerger de restriction particulière16. Les syllabes V peuvent se rencontrer à l’initiale des noms où elles proviennent d’un ancien préfixe de classe, ainsi qu’à l’initiale des verbes où elles constituent un préfixe de personne ou de temps-aspect. Seule la voyelle centrale tendue /ə/ ne peut apparaître dans ces contextes. Pour la structure CAV, la consonne centrale ne peut être qu’une approximante [l, j, w, ɥ] à l’exception de /ɰ/ – pour la discussion de la distribution des approximantes dans cette position, voir la partie III.2. Dans ce schème, la position C ne semble pas avoir de restriction particulière. Les schèmes syllabiques N et CVN ont été trouvés dans des noms empruntés – m.kpɔ́.nʊ́ ‘miroir’17 et pám.pló ‘bambou (éwé)’. C’est le critère tonal qui a permis d’identifier la nasale initiale (ton moyen) de ‘miroir’ comme ayant le statut de syllabe. Si l’on préfixe le démonstratif, la nasale perd son ton et devient coda de la syllabe ainsi constituée (44), ce qui donne une autre occurrence d’une syllabe CVN. (44) tʊ̀m.kpɔ́.nʊ́ jɛ́ tʊ̀-mkpɔ́nʊ́ jɛ́ DEM-miroir DEF ‘ce miroir’ 16 A part pour la labio-palatale ‘ɥ’ qui a été traitée plus haut (III.2.2). Outre la structure inhabituelle du mot, le fait que les miroirs ne sont pas des objets traditionnels indique qu’il s’agit d’un emprunt. 17 - 28 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Les schèmes NCV et CAAV sont le résultat de réductions vocaliques dans le processus morphonologique. Pour NCV, on a vu le cas de ntɔ̀.lwɛ́ ‘à cette personne’ en (43). Les syllabes CAAV sont dues à la réduction d’une voyelle d’arrière dans un lexème CAV comme pour ŋlo ‘écrire’ dans é.ŋlwɪ.vlɪ ́ ‘il a écrit une lettre’, comme nous l’avons vu en (22). III.4.2 Nombre de syllabes III.4.2.a Pour les noms La grande majorité des noms non composés sont dissyllabiques (147/192), le reste étant trisyllabique. Il n’y a pas de noms ayant plus de trois syllabes hors composition. Une hypothèse est que les trisyllabes seraient d’anciens composés plus analysables synchroniquement. A part deux exceptions, ils obéissent tous à l’harmonie vocalique. III. III.4.2.b Pour les verbes La grande majorité des verbes non composés sont monosyllabiques (71/89)18. Là aussi, on peut émettre l’hypothèse, comme pour les noms, que les verbes dissyllabiques non décomposables synchroniquement proviennent néanmoins d’anciens composés. Ces verbes non décomposables obéissent tous à l’harmonie vocalique, comme ceux présentés en (45), y compris le seul emprunt à l’anglais ‘criticize’ que compte le corpus. (45) jə̌dú kpɛ̌tɛ̂ cəɰlə kɔ̀sʊ̌ klɪtɛ ‘aider’ ‘cueillir (fruits)’ ‘faire l’éloge’ ‘regarder’ ‘critiquer’ Les verbes comptant plus de deux syllabes sont forcément des composés ou des séries verbales. Et tous les verbes du corpus n’obéissant pas à l’harmonie vocalique sont des composés. III.5 Rencontres de voyelles Il y a en ikposo une fréquence importante de rencontres de voyelles. En effet, les syllabes sont ouvertes et une grande majorité des mots (noms et verbes conjugués) commencent également 18 La marge d’erreur est plus importante que pour les noms. En effet, il est plus difficile de vérifier la composition des verbes que des noms. Il est donc possible que certains composés verbaux m’aient échappé et soient rangés avec les indécomposables. - 29 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 par une voyelle. Lors de ces rencontres, si le résultat est de n’avoir plus qu’une seule voyelle, et donc plus qu’une seule syllabe, c’est toujours le ton associé à V1 qui est conservé. Les exemples en (46) illustrent la conservation du ton de V1. Le deuxième exemple est particulièrement intéressant de ce point de vue. Les deux voyelles finales ont été touchées – élision puis réduction – et les deux tons, haut et moyen, sont donc conservés en devenant un seul ton descendant. Bien que l’attention du lecteur ne sera pas attirée sur ce phénomène par la suite, ce dernier est observable pour une part importante des exemples de cette partie. (46) nakɔ́swalɪ nakɔ́sʊ ítɥɪ ̂ɰà álɪ ítóo ɪ ̀ɰà 1S.ACP-regarder village montagne cochon ‘J’ai regardé le village.’ ‘les cochons de la montagne’ Quant aux segments, il y a cinq possibilités : les deux voyelles sont conservées, V1 est réduite à une semi-consonne, V1 est élidée, V2 est élidée, V1 et V2 fusionnent pour donner une nouvelle voyelle. Nous allons examiner chacune de ces possibilités de plus près. III.5.1 Fusion de deux voyelles Il s’agit du cas le plus simple. En effet, le seul phénomène de fusion observé jusqu’à maintenant est celui de /a/ et /i/ donnant l’intermédiaire /e/. Il est limité à quelques lexèmes et n’est pas productif. Il n’est représenté dans le corpus que par les noms composés donnés en (47) – dont je suppose qu’ils sont recouverts par l’appellation ‘true noun-noun compounds’ de Anderson (p.204). Ces composés, lexicalisés, s’opposent aux constructions N-N en (48), qui utilisent les mêmes composants. Celles-ci par contre relèvent de la même question que les constructions exposées dans la partie III.5.4. (47) (48) i ́néɟə̄ ínévle ɪ ́lêvle íná-i ́ɟə̄ íná-ívle mère-fille mère-nombril père-nombril ‘sœur’ vs ‘grand-mère’ ‘grand-père’ ɪ ́ná i ́ɟə̄ íná ívle ílâ ívle mère mère nombril père nombril ‘le nombril de la mère’ ‘le nombril du père’ fille ‘la fille de la mère’ ɪ ́lâ- ívle 19 19 Le nom ívle signifie littéralement ‘nombril’. Ici il a un sens dérivé signifiant plus ou moins ‘lien, génération…’. Mais comme ce sens dérivé n’est pas bien défini, j’ai préféré gardé la glose littérale. - 30 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 III.5.2 Règle discursive non obligatoire : élision ou réduction de V1 Lorsqu’il n’y a pas de motivations particulières autres, c’est toujours la règle développée ici qui est appliquée dans les contextes d’élision ou de réduction de voyelles. Elle pourra être désignée dans la suite du texte comme ‘règle générale’. Formellement, la règle consiste en l’élision de V1 lorsque celle-ci n’est ni haute ni d’arrière et qu’elle appartient donc à l’ensemble /e, ɛ, e, a/. Le phénomène de réduction opère dans les autres cas20. Lorsque V1 est une voyelle d’avant haute {i, ɪ} elle se réduit en /j/ et lorsque V1 est une voyelle d’arrière {u, ʊ, o, ɔ}, elle se réduit en /w/ ou en [ɥ] – pour les conditions d’apparition du [ɥ], voir le paragraphe III.2. Lorsqu’il s’agit de deux voyelles d’arrière identiques, la règle peut être modifiée. En effet, dans ce cas, l’élision aussi bien que la réduction – qui est attendue – de V1 ont été observées (49). Mais il est difficile d’expliquer cette différence de comportement par les contextes. En effet, il ne peut pas s’agir d’une incompatibilité entre /z/ et l’approximante /w/, puisque l’on a par ailleurs ázwágbèdì ‘Il a pilé du manioc.’ de zù ‘piler’ et àgbèdì ‘manioc’. Il n’y a pas dans le corpus de cas similaire avec des voyelles hautes d’avant. (49) nálw lwɔ́ lwɔ́vlɛ̂ ázzɔ́bwɛ na-llɔ́ ɔ̀vlɛ̀ á-zzɔ́ 1S.ACP-tresser pagne 3S.ACP-dire bien ‘J’ai tressé le pagne.’ ɔbwɛ ‘Il a dit du bien (de quelqu’un).’ Pour l’instant, dans le corpus, la règle générale s’applique entre les verbes et leurs arguments sujet (50) et objet (51), entre les deux parties d’une construction génitivale (52), entre les nom et les numéraux (53). D’autres contextes émergeront sans aucun doutes plus tard, lorsque l’étude abordera d’autre catégories. (50) ɔ́vâwɔ́ ɪ ́vwené ɔ́vɛ̂ á-wɔ́ ɪ ́vʊ é-né soleil 3S.ACP-cacher plaie ‘Il fait nuit (litt. le soleil s’est caché.)’ 3S.ACP-percer ‘La plaie s’est ouverte.’ 20 Il y a en fait un continuum entre la conservation de V1 et V2 et l’élision ou la réduction de V1. Dans l’état intermédiaire, les deux voyelles semblent encore distinctes mais elles s’enchaînent très rapidement et sont toutes les deux au niveau tonal de V1. - 31 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (51) ákwɪ ́lá á-kʊ́ ékplɔ́ɰlɔ ɪ ́lá ékplé 3S.ACP-balayer barbe ‘Il s’est rasé la barbe.’ (52) ‘Elle a soulevé la poule.’ utukpajɪɰa anʊnajábwɪɰlɛ̀kʊ́ utukpə aj-ɪɰa anʊ-ɪ ́ná áj-àbwɪ ́ chèvre Poss1S-mère Poss3S-aiguille coudre chose Poss3S-viande ‘la viande de la chèvre’ (53) ɔ́ɰlɔ 3S.ACP-soulever poule ɔ́tɛ́la ɛ́kʊ́ ‘l’aiguille à coudre de ma mère’ émwɛ́fwâ ɔ́sjɛla ɔ́tá ɛ́la émú ɛ̀fwâ ɔ́sɪ ɛ́la lapin trois œil femme trois ‘trois lapins’ ɰlɛ̀ deux ‘deux yeux’ ‘trois femmes’ Bien qu’il n’y ait pas de raison formelle de ne pas considérer les numéraux comme des noms, dont ils ont la même structure syllabique par exemple, l’association nom + numéral diffère des constructions à deux noms – décrites en III.5.4. La première différence est linéaire, le nom tête étant ici en première position. La deuxième différence est morphonologique, puisque les règles d’élisions sont les règles générales et non pas les constructions N-N. Certains noms peuvent avoir un rôle similaire comme úluví ‘homme’ et ɔ́sɪ ‘femme’ (54). En effet, ces deux noms – qui ne se comportent pas non plus comme ceux des construction N-N – peuvent modifier d’autres noms pour indiquer le genre du référent. On pourrait considérer que les modifieurs numéraux et nominaux postposés au nom tête remplissent une fonction syntaxique adjectivale. (54) útjɔsɪ útjuluví úti ɔ́sɪ úti sorcier femme sorcier homme ‘sorcière’ úluví ‘sorcier’ Enfin, sur le caractère non obligatoire de ces règles d’élision et de réduction, il faut noter que, dans les mêmes contextes, le maintien des deux voyelles en présence est tout aussi possible qu’une réduction. Les motivations pour l’une ou l’autre possibilité semble être dues en partie au débit de parole, mais aussi à des raisons discursives, qui doivent être étudiées à partir de données textuelles. Par exemple, la phrase donnée en (55) ne compte qu’une réduction sur les deux possibles. Cependant, mon informatrice m’a confirmé que la phrase est tout à fait - 32 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 correcte avec les deux réductions ‘dɔ́kɪtèɰlwɪnâkà’ de même que celle avec l’autre élision ‘dɔ́kɪta éɰlwɪnâkà’. (55) dɔ́kɪtèɰlo ɪ ́nâkà dɔ́kɪtà é-ɰlo ɪ ́nâ-kà médecin 3S.ACP-opérer mère-grand ‘Le médecin a opéré la grand-mère.’ III.5.3 Elision ou réduction obligatoire Alors qu’on a vu que l’élision ou la réduction facultatives sont liées sans doute à des questions discursives, l’élision ou la réduction obligatoire s’expliquent plutôt par des raisons morphosyntaxiques. Elles se manifestent entre des bases lexicales et des morphèmes grammaticaux qu’on peut dès lors considérer comme liés – c'est-à-dire affixes ou clitiques. Le degré de cohésion reste à évaluer pour décider de l’une ou l’autre de ces appellations. Dans l’environnement verbal, l’élision ou réduction de V1 conduit par exemple à avoir deux séries d’indices sujets selon qu’ils se trouvent devant voyelle ou consonne. Le choix entre les deux processus n’est pas régulier : par exemple la voyelle d’avant haute de 1ère personne singulier est élidée alors que celle de la 2ème personne pluriel est réduite (56). Cette irrégularité sur un petit nombre de formes fait qu’il est préférable de simplement donner les deux paradigmes plutôt que de chercher une règle phonologique. Pour les paradigmes complets, voir en VII.2.1. (56) nɪ-ká-kʊ́ n-a-kʊ́ mɪ-ká-kʊ́ mj-a-kʊ́ 1S-INAC-balayer 1S-ACP-balayer 2P-INAC-balayer 2P-ACP-balayer ‘Je balaye.’ ‘J’ai balayé.’ ‘Vous balayez.’ ‘Vous avez balayé.’ Dans l’environnement nominal, le cas le plus clair est celui des possessifs de paradigme II (VI.6) – utilisés pour les liens de parentés – qui impose une élision de V2, c'est-à-dire la voyelle initiale du nom (57). C’est pour l’instant le seul cas de morphème grammatical préposé qui conserve sa voyelle au détriment de celle du nom. (57) anʊna anʊneɟə anʊ-ɪ ́ná anʊ-i ́néɟə̄ Poss1S-mère Poss1S-soeur ‘ma mère’ ‘ma sœur’ - 33 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 La voyelle de la préposition mʊ ‘comme’ est réduite à /w/ devant voyelle, comme on peut s’y attendre (58). Cependant, comme elle est peu employée dans le corpus, je ne suis pas sûre de si la réduction est discursive ou obligatoire. Le caractère grammatical de la préposition tendrait plutôt vers l’obligation, mais il s’agit toutefois d’une préposition plus ‘colorée’, avec plus de poids sémantique, que la préposition nʊ̀ par exemple, ce qui laisse la question ouverte. (58) t-ɔ̀lʊ éví mw-icû DEM-personne 3S.ACP-être_grand comme-arbre ‘Cette personne est grande comme un arbre.’ Pour le démonstratif tʊ̀, certains possessifs21 et la préposition nʊ̀, nous avons vu en III.3.4 l’hypothèse selon laquelle la voyelle finale pourrait être épenthétique devant consonne plutôt qu’élidée devant voyelle. Toutefois, si cette hypothèse était invalidée, alors le processus serait donc une élision obligatoire de la voyelle finale. III.5.4 Constructions nom-nom Avant d’aborder le thème de la rencontre de voyelle, nous allons voir une description de la construction nom-nom (N-N) qui nous intéresse. Deux constructions permettent de mettre deux noms en relation. La première correspond à la définition de la construction génitivale prototypique, dans laquelle ‘un constituant nominal se référant à un individu assume le rôle de dépendant de nom avec comme signification de restreindre l’ensemble des référents potentiels du nom tête à ceux qui ont une relation privilégiée à l’individu en question.’ (Creissels, 2006:141). Dans cette construction, l’ordre est dépendant – tête, et la tête est marquée par le possessif de 3ème personne du singulier. La deuxième construction – celle qui nous intéresse du point de vue de la rencontre de voyelles – correspond à la définition de la caractérisation, ‘modification sémantique consistant à restreindre le signifié d’un nom en le mettant en relation avec une notion, et non pas comme dans la construction génitivale prototypique avec un individu.’ (Creissels, 2006:142). Ces deux construction peuvent utiliser les mêmes lexèmes avec une opposition sémantique . Dans le premier cas, il s’agit d’une caractérisation, où le nom ‘chèvre’ exprime une notion 21 Ceux appartenant au paradigme I, c'est-à-dire le paradigme régulier. Voir en VI.6. - 34 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (type de viande), dans le deuxième cas, il s’agit d’une construction génitivale, où le nom ‘chèvre’ désigne un individu. (59) ùtùkpəɰa ùtùkpə ájɪ ́ɰa ùtùkpə-ɪ ́ɰa ùtùkpə áj-ɪ ́ɰa chèvre-viande chèvre Poss3S-viande ‘viande de chèvre’ ‘la viande de la chèvre’ Malheureusement, dans de nombreux cas, cette différence sémantique est soit absente soit inappréciable en isolation. Ainsi, pour les deux constructions suivantes, mon informatrice me donne la même traduction, sans distinction de sens. (60) édívɛ̂ édí ájɔ́vɛ̂ édí-ɔ́vɛ̂ édí palmier-ombre palmier Poss3S-ombre áj-ɔ́vɛ̂ ‘l’ombre du palmier’ ‘l’ombre du palmier’ La différence entre les deux constructions n’est pas seulement sémantique et morphologique, mais aussi syntaxique. La construction de caractérisation fonctionne comme un seul constituant, alors que la construction génitivale fonctionne comme deux constituant. On peut le voir avec la portée du possessif. Si on le préfixe au premier terme, dans le cas de la caractérisation, il portera sur l’ensemble de la construction, alors que pour le génitif il ne portera que sur le dépendant. (61) anevíɟawʊ̀ an-evíɟe anevíɟajáwʊ̂ àwʊ̀ an-evíɟe áj-àwʊ̀ Poss1S-enfant vêtement Poss1S-enfant Poss3S-vêtement ‘mes vêtements d’enfant’ ‘les vêtements de mon enfant’ La construction de caractérisation, construite donc par juxtaposition de deux noms dans l’ordre dépendant – tête, est un cas de rencontre de voyelles. Anderson (p.204) décrit le phénomène comme suit : ‘Akposso has a highly productive N-N construction. The first component of this construction consists of a noun whose form is identical to its citation form. The second component consists of a noun root minus its initial vowel and tone. Both components maintain their underlying ATR value.’ Cette construction semble effectivement très productive et est très bien représentée dans mon corpus. En plus des exemples (59) et (60), elle peut être illustrée par les exemples suivants : - 35 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (62) étíwɛ́ ɛ́tʊdɔ́ úɥídíni étí-áwɛ́ ɛ́tʊ-ádɔ́ úɥí-édíni terre-casserolle corps-calme paille-maison ‘casserole en terre’ ‘paix du corps’ ‘maison recouverte de paille’ Mais dans un certain nombre de cas, la voyelle initiale du 2ème mot n’est pas élidée. Soit les deux voyelles sont maintenues obligatoirement (63), soit c’est la voyelle finale du premier mot qui est élidée (64), bien que dans ce cas les voyelles peuvent également être maintenues. (63) ɔ́tá íɰa ɔ́tá ɪ ́ɰa lapin viande *ɔ́táɰa *ɔ́tɪ ́ɰa *ɔ́téɰa ‘viande de lapin’ (64) evíɟawʊ̀ ìɰɔ̀vɛ̂ ítóɔbɛ̂ evíɟe-àwʊ̀ ìɰà-ɔ́vɛ̂ ítóo-ɔbɛ̂ enfant-vêtement cochon-ombre montagne-rivière ‘vêtements d’enfant’ ‘l’ombre du cochon’ ‘rivière de montagne’ La motivation pour l’élision de V1 ou V2, ou le maintien des deux voyelles n’est pas clair. Plusieurs hypothèses sont à envisager. La première est que le résultat de la rencontre dépendrait uniquement de la qualité des voyelles en présence. Ceci implique que les règles morphonologiques soient différentes dans les constructions N-N que les règles générales exposées en III.5.2. Cette première hypothèse nécessite de vérifier chaque combinaison de voyelles entre deux noms et d’en observer le résultat. Ce travail a été commencé et est rendu dans le tableau de la page suivante. Toutefois, un nombre important des combinaisons possibles n’a pas pu être observé. En effet, j’ai travaillé par élicitation, à partir des constructions génitivales du français ‘x de y’. Or les combinaison regroupées ainsi en français ne peuvent pas forcément être exprimées par une construction N-N en ikposo. Il s’agira de le compléter au fur et à mesure de la suite de l’étude. Avec les données obtenues pour l’instant il n’est donc pas possible de voir si la qualité des voyelles suffit ou non à expliquer la situation. Une deuxième hypothèse est qu’il y ait plusieurs types de construction N-N avec une distinction, sémantique ou autre. Dans cette hypothèse, la caractérisation ne serait éventuellement qu’une construction N-N parmi d’autres. Toutefois, cela paraît difficile à tenir puisque des constructions parallèles n’ont pas forcément le même comportement, comme avec ùtùkpəɰa ‘viande de chèvre’ (élision de V2) et ‘ɔ́tá ɪ ́ɰa’ ‘viande de lapin’ (élision - 36 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 impossible), ou avec édívɛ́ ‘ombre du palmier’ (élision de V2) et ɪ ̀ɰɔ̀vê ‘ombre du cochon’ (élision de V1). Si la différence n’est pas au niveau sémantique, elle peut être au niveau de l’usage ; les combinaisons les plus utilisées seraient devenues plus figées et permettraient une élision alors que les combinaisons les moins utilisées ne le pourraient pas22. Il est bien entendu également possible que la résolution de la question soit différente des hypothèses soulevées précédemment. i i ɪ édíkū e úɥídíni ídíni ɛ a étíw étíwɛ́ úkpîvjù o ɔ u édíf dífɪ,́,́ útjuluví ʊ édív édívɛ̂ útjɔsɪ ɪ ɪ ́vlɪ ́cɛ e álɪalʊ23 evíɟawʊ̀ ɛ ʊ́lɛɰa ɛɰa ə ùtùkp ùtùkpəɰ kpəɰa əɰa a ɪ ̀ɰà ɪ ́ɰa ékpɔlʊ ɪ ̀ɰɔ̀vɛ̂ ɔ́ta ɪ ́ɰa o íwovjû ɔ ítɥɪ ̂ɰà ítɥɪ ̂vɪ ítóɔbɛ̂ ɔ́ɰɔku ɰɔku ɰɔ ɔ́ɰlɔwʊ́lʊ̂ ɔ́ɰɔvjû ɰɔvjû ɰɔ u ʊ ɛ́tʊvlɪ vlɪ ́ ɛ́tʊdɔ́ Elision de V1 Réduction de V1 Elision de V2 V1 = V2, une seule est conservée Conservation des deux voyelles 22 23 Pourtant la viande de lapin est par exemple tout aussi consommée que la viande de chèvre. La transcription n’est pas sûre entre la conservation des deux voyelles álɪ alʊ et la réduction de V1 áljalʊ. - 37 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 III.5.5 Frontières de mots Une conséquence des nombreuses élisions et réductions vocalique est l’impression de fluidité de l’ikposo, due à l’enchaînement des mots les uns aux autres. Au niveau de l’analyse, cela se reflète par la difficulté de décider ce qui constitue un ou plusieurs mots et si les morphèmes grammaticaux sont libres ou liés. Pour décider des frontières de mots, deux critères sont disponibles en ikposo : − L’harmonie vocalique. − L’élision ou la réduction vocalique, obligatoire ou non. Concernant l’harmonie vocalique, Anderson considère qu’elle ne peut se propager au-delà des limites du mot morphologique (p.202) : ‘As far as I have been able to ascertain, vowel harmony does not extend across word boundaries in Akposso. Rather, it appears that the spread of vowel harmony is restricted to the morphological word (and, as we shall see below, applies only to a limited extent within the morphological word). This may be due to a constraint in the language whereby the harmony of a morphological word is root controlled and the ATR quality of one root cannot interfere with the ATR quality of an adjacent root.’ L’harmonie vocalique est en effet toujours décidée par une base lexicale et ne peut s’étendre qu’à des affixes grammaticaux. Elle joue entre le verbe et ses préfixes de personne et de temps-aspect (VII.2), entre le nom et le suffixe cliticisé du défini (VI.5). Je ne suis pas sûre qu’elle agisse entre le nom et les préfixes de possessifs, les prépositions mʊ et nʊ̀, et le démonstratif. Ces points seront à vérifier par la suite. A priori, l’harmonie vocalique est l’indice le plus fort de la cohésion du mot. On peut donc considérer que le mot s’étend au moins jusqu’aux limites de celle-ci. Quant à l’élision ou la réduction, il faut distinguer bien sûr les cas où elle est obligatoire de ceux où elle ne l’est pas. Lorsqu’elle n’est pas obligatoire, il devrait s’agir de mots distincts, et l’élision ou la réduction peuvent s’expliquer par le débit de parole et éventuellement par des raisons discursives. Par contre lorsqu’elle est obligatoire – entre deux noms formant un composé, ou entre un lexème et un morphème grammatical – on peut considérer qu’il s’agit d’un seul mot, même si on n’observe pas d’harmonie vocalique. - 38 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Pour les morphèmes grammaticaux, deux niveaux de cohésion vis-à-vis de la base lexicale sont possibles. Par exemple, le défini réduit -ɛ́ ~ -é24 est porté par le dernier mot d’un groupe nominal, ce qui l’identifie comme clitique plutôt que suffixe. (65) 24 útj-é ɔ́lʊ wɪ ̌nj-ɛ́ sorcier-DEF personne grandir-DEF ‘le sorcier’ ‘l’adulte’ Par opposition à la forme complète jɛ́. - 39 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 IV Tonologie L’étude de la tonologie de la variante uwi de l’ikposo est encore à l’état d’ébauche. Certains domaines ne permettent pas de conclusion définitive, et d’autres n’ont pas encore été abordés. IV.1 Registres tonals IV.1.1 Quatre niveaux La thèse de Eklo (1987) sur le parler litimé de Tomegbé fait état de 3 niveaux (haut, moyen et bas). Par contre l’article de Anderson25 sur le parler uwi distingue 4 niveaux (haut, moyen, moyen 2 ‘lower mid-tone’ et bas) avec le ton M2 apparaissant seulement dans le contexte ‘après ton haut’ : ‘Akposso has three contrastive tones, high, mid and low. From a database of 175 monosyllabic verbs, 106 verbs form minimal pairs which include seven minimal triplets. (…) Nouns also have a three way contrast between high, mid, and low. After H, however, there is a fourth level tone, a lower mid-tone. There is also a high-to-low falling tone and a hight-to-mid falling tone after H.’ D’après mes propres données, on peut effectivement identifier 3 niveaux d’opposition en général et 4 pour les noms à la suite d’un ton H . (66) ísí ʊ́ɰlʊ ɛ́nɔ̄ ɛ́dɪ ̀ ‘igname’ ‘estomac’ ‘moustique’ ‘joie’ On peut se demander ce que deviendrait un ton M2 si, suite à l’élision du ton qui le précède, il se retrouve derrière un ton non haut. L’article de Anderson contient des données qui semblent correspondre à cette description (67). On peut supposer que les noms suivants sont des composés – et éventuellement reconnaître ɔ́sɪ ‘femme’ dans le premier malgré la différence de trait ATR. Il semblerait donc que l’obligation pour le ton M2 de suivre un ton haut ne soit valable qu’au niveau lexical et qu’il se maintienne à son niveau après un réarrangement morphonologique. 25 L’article ‘ATR vowel harmony in Akposso’ est centré sur l’harmonie vocalique. Il n’y a pas d’approfondissement de la question tonale. - 40 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (67) ósjetʃū ídìkū ‘young woman’ ‘tapped palm tree’ (Anderson, pp.195&210) Cette situation tonale – avec quatre niveaux d’opposition – est assez exceptionnelle. En effet, en général les langues comptant plus de 3 niveaux sont regroupées dans les mêmes zones géographiques comme le sud-ouest de l’Ethiopie ou le sud-ouest de la Côte d’Ivoire (Creissels, 1994:222). La région concernée, par contre, ne connaît pas ce phénomène, ce qui rend la variante uwi de l’ikposo atypique. IV.1.2 Modulations Selon Eklo, la variante litimé compte 3 modulations (haut-bas, haut-moyen et moyen-bas) ayant un statut phonologique et les tons modulés sont accompagnés d’une longueur vocalique. Pour la variante de Doumé, un seul ton modulé – descendant – a une valeur phonologique. Bien que l’on perçoive des différences de niveau, il semble qu’il n’y ait pas lieu de distinguer plusieurs modulés descendants. Les niveaux délimitant la modulation ne donne pas d’opposition significative. La hauteur initiale du ton peut dépendre de la syllabe précédente ; toutefois une analyse systématique manque sur ce point. Enfin, un ton bas est réalisé bas descendant en position finale. Un autre ton modulé – montant – apparaît également fréquemment dans les données. Mais on peut le considérer comme une variante du ton haut. En effet, il n’apparaît pratiquement que sur des verbes non préfixés par des marques de personnes et de temps-aspect26 – par exemple en isolation ou en fonction adjectivale. Les mêmes verbes à une forme finie sont réalisés avec un ton haut (68). Dans ce cas, le rôle de ce ton modulé montant pourrait être avant tout démarcatif. (68) wɪ ̌nɪ ɔ́lʊ grandir ‘Grandis !’ wɪ ̌nɪ á-wɪ ́nɪ na-wɪ ́nɪ personne grandir 3S.ACP-grandir 1S.ACP-grandir ‘adulte’ ‘Il a grandi.’ ‘J’ai grandis.’ Les modulations n’entraînent pas d’allongement vocalique. Les syllabes analysées par Anderson comme portant un ton modulé de haut à moyen sont réanalysées ici comme des séquences de voyelles. Alors qu’elle considère que ɔ́mɔ̂ ‘field mouse’ et ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ est une paire minimale s’opposant par les tons uniquement (haut à bas vs haut à moyen), un certain 26 On le voit également dans d’autres contextes, comme l’énumération. - 41 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 nombre d’arguments – exposés en III.4.2 – amènent à penser que ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ est en réalité un trissyllabe avec les tons HHM, ce qui permet entre autres de réduire le nombre de tonèmes à 5, avec un seul modulé – descendant. Une syllabe a donc 5 valeurs tonales possibles, qui seront désormais dénommées comme suit : ton haut H, ton moyen M, ton moyen proche de bas M2, ton bas L, ton descendant F. Bien que non phonologique, le ton montant R sera noté comme tel dans les transcriptions de ce travail. Les initiales des mots anglais ‘high, middle, low, rising, falling’ ont été choisies pour éviter des confusions possibles entre ‘moyen’ et ‘montant’ pour M. Dans les transcriptions, les tons H, M2, L, R et F sont rendus respectivement par les diacritiques é, ē, è, ě, ê et le ton moyen n’est pas marqué. IV.1.3 Tons et intonation L’influence entre les tons et l’intonation générale n’a pas été abordée dans le cadre de ce travail. Un exemple de l’interaction entre les deux niveaux peut néanmoins être donné à partir d’énumérations élicitées avec les numéraux. Le premier terme de l’énumération se termine par un franc ton ascendant. Mais le ton initial était haut ; il serait intéressant de voir ce que le même contexte donnerait avec un ton bas. A la fin de l’énumération, tous les tons sont abaissés et la dernière syllabe, même si elle n’a pas un ton bas sous-jacent, est prononcée beaucoup plus basse. On peut comparer le ton sur le ‘a’ de ‘trois’ en isolation (69) où il est moyen et en fin d’énumération (70) où il est infra-bas. (69) (70) edigbó ɛ̀fwâ ɛ̀la ‘un’ ‘deux’ ‘trois’ ɔ́tɛ́digbǒ, ɔ́tɛ́fwâ, ɔ́tɛ́la. [otɛlà] ‘un lapin, deux lapins, trois lapins.’ IV.2 Schèmes tonals des noms Pour les schèmes tonals des verbes, voir la partie VII.1.1, dédiée à ce thème. J’ai choisi de le traiter en morphologie verbale plutôt qu’en tonologie parce qu’il faut avoir recours à la morphologie pour identifier les catégories tonales des verbes. De plus, contrairement aux - 42 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 noms, les tons des verbes peuvent changer avec la morphologie, ce qui justifie le choix de ne pas les traiter ici. IV.2.1 Noms dissyllabiques Sur une base actuelle de 147 noms dissyllabiques, on peut distinguer 12 catégories tonales : HH, HM, HM2, HL, HF, MH, MM, MF, LH, LM, LL, LF. Le tableau suivant montre la répartition des dissyllabes – avec une distinction selon les noms avec une structure canonique (CVC et harmonie vocalique) et les autres, qui peuvent être soit des emprunts 27 , soit des termes de parenté, moins nombreux. structure syllabique C(A)VC(A)V et/ou disharmonie vocalique Total structure syllabique VC(A)V et harmonie vocalique HH 48 3 51 HM 32 1 33 LL 12 2 14 HM2 10 - 10 HF 9 - 9 HL 3 6 9 MM 6 - 6 LH 4 3 7 MF 3 1 4 LF 1 1 2 LM - 1 1 MH - 1 1 Total 128 19 147 Les catégories dont le premier ton est H sont largement les catégories les plus représentées. Et dans celles-ci, la catégorie principale du point de vue du nombre est HH, suivie de HM. Ceci 27 Un nom avec une structure canonique peut évidemment aussi être un emprunt, mais alors, je n’ai pas de critère formel pour l’envisager. - 43 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 permet de voir que le ton H est le plus courant dans les noms. Quelques exemples de ces catégories sont donnés de (71) à (74). (71) útí, édí, kpɔ́nɔ́, ʊ́bjá, ɪ ́vlá, ɔ́sɛ́… (HH) ‘pilon, joie, pain, pleurs, frère, queue’ (72) éɟwə, ɔ́va, ɔ́sɪ, ɪ ́ɰa, úti, úvle… (HM) ‘souffle, fonio cru, femme, viande, sorcier, sanglier’ (73) ɛ́gbā, ɛ́nɔ̄, íjə̄, útī, ɔ́nʊ̄, ɪ ́kplɛ̄… (HM2) ‘poitrine, moustique, fille, histoire, bagage, os’ (74) ɛ́kpà, ɛ́dɪ ̀, ɪ ́ɲwà, púsù, cɔ́cɪ ̀, kɔ́fɛ̀, pɔ́mpɪ ̀. (HL) ‘crocodile, joie, pigeon, chat, église, café, pompe’ La majorité des noms de la catégorie HL provient de l’anglais. Et dans l’autre sens, la majorité des emprunts à l’anglais se trouve dans cette catégorie. En effet, l’accent tonique de l’anglais sur la premier syllabe d’un nom est typiquement rendu dans une langue à tons par le schème HL. Parfois, ce phénomène fait que la catégorie redevient une catégorie relativement bien représentée dans la langue, comme ici où les noms HL d’origine ikposo sont relativement peu nombreux (3/9). Parfois, une catégorie tonale disparue réapparaît même de cette manière, comme c’est le cas en Tswana (Creissels, communication personnelle). Dans les catégories avec des tons identiques sur les deux syllabes, HH est très courant comme on l’a vu ; LL est relativement bien représentée (76), par contre les noms MM sont assez peu nombreux (75). (75) ɔbwɛ, ɛza, iɟo, ɪvɪ, ɔvlɔ, ɛbɛ. (MM) ‘bien, termite, dix, eau, sang, savon’ (76) àwʊ̀, ɔ̀jɔ̀, ɔ̀vlɛ̀, ɛ̀gà, ɪ ̀ɰà, ɲèɲè, ʊ̀ɟɔ̀… (LL) ‘vêtements, pou, pagne, argent, cochon, oncle, boue’ La catégorie MF comptent également peu de lexèmes (77). Parmi ceux-ci, le cas de l’emprunt sukû à l’anglais ‘school’ est à considérer en parallèle avec l’explication donnée pour les emprunts HL. En effet, la voyelle de la première syllabe est une voyelle épenthétique due au fait que la séquence [sk] de l’anglais est impossible en ikposo. C’est donc la deuxième voyelle qui porte le ton correspondant à l’accent tonique de l’anglais. Quant à la première voyelle, elle porte un ton M, qu’on peut considérer ‘neutre’. - 44 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (77) ɔcɔ̂, ɔbɛ̂, ukpî, sukû . (MF) ‘tôt, rivière, chien, école’ Les lexèmes de la catégorie HF sont donnés en (78). Comme nous l’avons vu lors de l’énumération des tonèmes, il n’y a pas d’opposition entre différents type de tons descendants. Les paires quasi-minimales avec ítóo ‘montagne’ et ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ ne concernent pas les tons mais le nombre de syllabes. (78) ívjû, ícû, ítô, ɔ́cɔ̂, ɔ́gbâ, ɔ́mɔ̂, ɔ́vɛ̂, ɪ ́lâ, péjə̂, ʊ́dɔ̂. (HF) ‘petit, bois, partie du corps28, tôt, plante29, petit rongeur30, fonio préparé, père, avocat, miel récolté31’ La catégorie LH contient également peu de lexèmes (79). Il faut en outre noter que la moitié de ces lexèmes sont des termes d’adresse de parenté et constituent régulièrement dans les langues des cas particuliers dans la phonologie. (79) àbwɪ ́, ɪ ̀lɪ ́, ògló, dàdá, fòfó, pàpá. (LH) ‘seringue, nuit, souris des champ, maman32, grand frère33, papa’ Les trois dernières catégories LF, LM et MH ne comptent respectivement que deux, un et un lexèmes (80). Sur ce déjà petit nombre de lexèmes, àklo et àwû ne respectent pas l’harmonie vocalique et tɔ̄nʊ́ a une structure CVCV. En plus du profil tonal, ces caractéristiques inhabituelles font qu’il est fort probable qu’il s’agisse d’emprunts. (80) àwû, ʊ̀gbâ (LF), àklo (LM), tɔ̄nʊ́ (MH) ‘muet, gorille, pirogue, aiguille à coudre’ IV.2.2 Trissyllabes Il faut bien entendu séparer les composés des trissyllabes non composés. Les schèmes tonals des premiers (qu’ils soient trissyllabes ou plus) dépendent des éléments les constituant. En général, il n’y a pas de changement, chaque morphème gardant ses tons d’origines, sauf dans 28 Il s’agit de la cavité située à la base du cou, au-dessus des os de la fourchette sternale. Plante utilisée pour faire de la teinture indigo pour les vêtements. 30 Anderson l’avait traduit par ‘field mouse’. Mon informatrice m’a dit qu’à Doumé le mot désigne effectivement un petit rongeur des champs mais pas la ‘souris des champs’. Pour ‘souris des champs’, elle donne le mot ògló traduit ‘rat’ par Anderson. 31 S’oppose à úsé qui désigne le miel dans la ruche. 32 Pour s’adresser à sa mère mais aussi à ses sœurs aînées. 33 Peut également servir pour s’adresser à son père dans le cas où la mère appelle son mari ainsi. Il est possible que papa soit un terme emprunté. 29 - 45 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 le cas d’une élision ou réduction vocalique, auquel cas c’est le ton de la première syllabe qui est conservé. Dans le corpus, 47 items sont considérés comme des trissyllabes non composés, bien qu’on puisse hésiter pour deux d’entre eux : (81) ɛ́gbatɛ́ ɔ̀vlɛ̀gba ‘épaule’ ‘type de plante’ Le premier, ‘épaule’ pourrait être composé à partir de ɛ́gbā ‘poitrine’ et le second, qui désigne une plante dont on se sert pour faire la teinture indigo des pagnes, pourrait justement être composé à partir de ɔ̀vlɛ̀ ‘pagne’. Dans les deux cas, je ne sais pas ce que pourrait signifier la deuxième partie de ces éventuels composés. Aussi, tant que je n’ai pas de certitude, je préfère les laisser dans cette catégorie. Donc, les 46 noms trissyllabiques de ce corpus se répartissent en 13 schèmes. On remarque tout de suite une hétérogénéité plus importante que pour les dissyllabes. Schème tonal Nb. LLL 7 Exemples ɪ ̀dàmà ‘natte’ àgbèdì ‘manioc’ ùkpə̀fò ‘cour’ ɛ̀wʊ̀nà ‘calebasse sauvage’ ɛ̀kpɛ̀tɛ̀ ‘sac en palmes’ dɔ̀kɪ ̀tà ‘médecin’ jàkàlɪ ̀ ‘piment’ HMH 7 ɔ́ɔzʊ́ ‘type d’arbre34’ ágʊgʊ́ ‘extérieur de la joue’ ɔ́ɔkʊ́ ‘assiette ʊ́ʊlɥá ‘ombre’ ádʊkʊ́ ‘genou’ ɪ ́nɪtɪ ́ ‘peur’ úluví ‘homme, mâle’ LLM HHM 34 6 5 ɛ̀kɔ̀tɔ ‘chapeau’ ɛ̀gàmɔ ‘piège (type piège-à-loup)’ ùtùkpə ‘chèvre’ ɔ̀vlɛ̀gba ‘type de plante’ ɛ̀kʊ̀tɛ ‘maison’ àkpàcɔ ‘poisson’ ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ ɪ ́wácɔ ‘cafard’ ítóo ‘montagne’ údúnu ‘maison’ Est utilisé comme médicament. - 46 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 ɪ ́vlɔ́ɔ ‘oiseau’ HHH 4 ɔ́sɛ́ɰá ‘bavardage’ álábó ‘intérieur de la joue’ étúlé ‘four’ ófwélé ‘(qch de) blanc’ HFL 2 ɔ́lɔ̂kʊ̀ ‘sel’ ídênù ‘type d’insecte35’ HHF 2 ɔ́wʊ́lʊ̂ ‘œuf’ édínî ‘intérieur de la maison’ HML 2 ɔ́zazʊ̀ ‘mouton’ ɛ́mɛkʊ̀ ‘ventre’ HMM 2 ídoɥi ‘fatigue’ ʊ́gbata ‘feuille’ LHF 1 àdʊ́kʊ̂ ‘foulard’ LHM 1 àtíke ‘médicament’ LLH 1 ɛ̀kpàcú ‘épervier’ MHH 1 mkpɔ́nʊ́ ‘miroir’ Bien qu’il soit difficile de faire des statistiques sur un si petit nombre, on peut remarquer que la répartition est assez différente de celle des dissyllabes. Alors que le schème HH était pour eux le plus courant, ici HHH est relativement peu représenté. Par contre les noms avec un ton bas initial sont plutôt nombreux par rapport aux dissyllabes. De même, les suites tonales LM ou MH, extrêmement rares pour les dissyllabes, ont l’air assez courantes pour les trissyllabes. Le fait que ces suites n’apparaissent couramment que sur les deux dernières syllabes des noms est un argument en faveur de l’hypothèse selon laquelle les trissyllabes proviendraient d’anciens composés. En effet, ces suites seraient moins surprenantes, puisqu’elles correspondraient à des suites formées par la morphologie. La suite tonale HM est représentée très souvent par une suite de voyelles. On a vu en III.3.2 qu’il était préférable de considérer ces suites comme des syllabes distinctes plutôt que comme des voyelles longues. 35 Petit et gênant, genre moucheron. - 47 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 V Morphologie V.1 Les classes de mots Une première distinction oppose les catégories ouvertes des catégories fermées. Les catégories ouvertes, lexicales, sont les noms, les verbes et les idéophones – ainsi que quelques adverbes. Les deux premières catégories constituent le noyau des parties consacrées à la morphologie nominale (VI) et verbale (VII). La troisième n’a été abordée que succinctement et un petit paragraphe seulement en rendra compte (V.1.1). La fonction adjectivale n’est pas représentée par une catégorie lexicale. Pour Tomegbé, Eklo affirme également (pp.41-42) qu’il n’y a pas lieu de reconnaître une classe d’adjectifs. ‘(…) la question de la qualification intervient au niveau de la dérivation ainsi qu’au niveau de la reconnaissance d’un syntagme qualificatif, pas au niveau de l’établissement des classes de lexèmes. Remarquons que la plupart des unités considérées traditionnellement comme ‘adjectifs’ répondent pleinement à la définition du lexème verbal’ Mais alors que dans le dialecte de Tomegbé, le lexème verbal doit subir une dérivation pour pouvoir assumer ce rôle adjectival, il n’y a pas de changement pour le dialecte de Doumé. Il semble que quelques noms peuvent également remplir une fonction adjectivale. Ces questions seront traitées dans la partie (VI.8). Les catégories fermées et grammaticales peuvent appartenir soit à l’environnement nominal soit à l’environnement verbal. Elles seront donc traitées respectivement avec les noms (VI) et les verbes (VII). V.1.1 Les adverbes et les idéophones Sur le sujet des adverbes, qui sont toujours difficiles à cerner, prenons d’abord une définition : ‘L’étiquette ‘adverbe’ telle qu’elle est traditionnellement utilisée n’est guère qu’un terme commode pour désigner les mots qui, pour une raison ou pour une autre, ne se rangent de manière évidente dans aucune des autres classes de mots.’ (Creissels, 2006:249) - 48 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Selon cette définition ‘négative’, le corpus compte deux adverbes que je ne peux ranger ni avec les noms ni avec les verbes. Il s’agit de nɪ ́ ‘déjà’ (82) et ámɛ ‘ainsi’ (83). Ils sont placés en fin de phrase et ne subissent pas l’harmonie vocalique à partir d’un autre lexème. Ils suivent les règles générales quant à l’élision ou réduction vocaliques. Enfin, ils n’ont pas de caractéristiques particulières qui pousseraient à le mettre dans une autre catégorie. Comme mon corpus est relativement restreint, surtout pour ce genre de mot qui apparaît plutôt dans des textes, seuls ces deux adverbes ont pour l’instant été relevés. Il est encore trop tôt pour décider s’il faut effectivement reconnaître une catégorie adverbiale ou non. (82) ásɥa àwʊ̀ nɪ ́ 3S.ACP-suspendre vêtement déjà ‘J’ai déjà suspendu le vêtement.’ (83) welí vlámɛ we-lí vlɛ̀ ámɛ 1P.ACP-fermer se_coucher ainsi ‘On s’est couché ainsi.’ Par contre, on peut distinguer une classe d’idéophones. Les idéophones se distinguent des autres classes de mot par leur structure phonologique et leur emploi syntaxique. Une des caractéristiques phonologiques de cette classe est qu’elle utilise énormément la réduplication, ce qui donne parfois des lexèmes à quatre syllabes, ce qui est impossible pour les autres catégories. Une autre caractéristique est que les idéophones admettent des structures syllabiques marginales. Ainsi, on peut trouver la séquence CAAV (84) qui n’apparaît pas au niveau lexical dans le reste de la langue, mais seulement au niveau morphonologique après réduction vocalique (III.4.1). Syntaxiquement, les idéophones se placent, comme les adverbes, en fin de phrase : (84) klwaklwa ‘s’utilise lorsqu’on peut toujours espérer quelque chose, mais qui n’arrivera pas’ (85) wa-ɰa fʊ́sʊ kákákáká 1P.ACP-aller chercher très_longtemps ‘On a cherché pendant très longtemps.’ (86) é-kélê nɛ̀nɛ̀ 3S.ACP-faire vite ‘Il s’est dépêché.’ - 49 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VI Morphologie et syntagme nominal VI.1 Morphologie nominale Nous avons vu dans la partie consacrée à la syllabe (III.4) que la structure de base du nom était dissyllabique V.C(A)V ou trissyllabique V.C(A)V.C(A)V. La structure C(A)V.C(A)V est le signe d’un emprunt. Nous allons voir dans cette partie quelques propriétés morphologiques des noms, dans le domaine de la dérivation. Les phénomènes de composition ne seront pas traités ici. En effet, il paraissait préférable de les envisager d’un point de vue morphonologique sur le thème de la rencontre de voyelle (III.5). VI.1.1 Dérivation de noms à partir de verbes Eklo a décrit pour Tomegbé des processus de dérivation permettant de former des noms à partir de verbes. On reconnaît également à Doumé que des noms et des verbes possèdent la même base lexicale. La forme nue du verbe correspond à cette base, le nom doit par contre lui ajouter une voyelle initiale. Je n’ai pas constitué un corpus suffisant pour pouvoir étudier de manière systématique la relation sémantique entre les noms et les verbes correspondants. La seule régularité qui ressort des données est qu’un verbe exprimant un état ou une qualité peut donner un nom désignant cet état ou une entité dans l’état en question en préfixant à la base les voyelles o- ou ɔ- selon l’harmonie vocalique du lexème. Les changements de tons entre le verbe et le nom n’ont pas encore été abordés. (87) á-bwɛ 3S.ACP-être_bien (88) ɔbwɛ bien á -lʊ́lɥǎ ɔlʊlɥǎ 3S.ACP-être_frais frais ‘C’est bien.’ ‘(qch. de) bien’ ‘C’est frais.’ ‘(qch. de) frais’ é-fwéle ófwélé á-lɔ́ ɔ́lɔ́ 3S.ACP-être_blanc blanc 3S.ACP-être_noir noir ‘C’est blanc.’ ‘(qch. de) blanc’ ‘C’est noir.’ ‘(qch. de) noir’ - 50 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VI.1.2 Suffixes dérivatifs Quelques trissyllabes peuvent être analysés comme des noms de structure V.C(A)V auxquels ont été ajouté un suffixe de dérivation. La différence entre un nom suffixé par un morphème de dérivation et une construction nom-nom (III.5.4), où la voyelle initiale du deuxième nom s’élide, est motivée par la reconnaissance ou non d’un nom indépendant pour la deuxième partie du mot. Par exemple j’ai considéré ɔ́ɰlɔvjû ‘poussin’ ou ukpîvjù ‘chiot’ comme une construction nom-nom avec une valeur de caractérisation parce que mon informatrice reconnaissait dans -vju le nom ívjû ‘petit’. Une traduction littérale pourrait donc être ‘petit de poule’ ou ‘petit de chien’. Notons que pour Tomegbé, Eklo considère au contraire l’équivalent -júū comme un dérivatif. Par contre pour les noms suivants (89), mon informatrice ne reconnaissait pas dans -ɟa et -cɔ un nom pouvant être utilisé seul. -ɟa et -cɔ sont donc considérés comme des suffixes dérivatifs à valeur respectivement locative et diminutive. (89) ékpe-ɟa ɔ́bɛ̂-cɔ áwɛ́-cɔ promenade-LOC rivière-DIM casserolle-DIM ‘lieu de promenade’ ‘ruisseau’ ‘petite casserole’ Le locatif -ja est apparu également dans ɪ ́vɪja ‘cimetière’ mais le premier morphème n’a pas été reconnu. Dans son article, Anderson le traduit par ‘furrow’. Enfin, d’autres éléments pourraient aussi être reconnus comme des dérivatifs nominaux. Tout d’abord, -kà exprime une idée de grandeur. Il est suffixé à ɪ ́ná ‘mère’ pour donner ɪ ́nâkà ‘grand-mère’. On le trouve également dans l’article de Anderson suffixé à úgbe ‘savanna’ pour donner úgbekà ‘large grasslands’. Pour ces deux lexèmes, elle le glose effectivement comme un dérivatif avec la valeur ‘qualitative’. Ensuite, -ɰa n’apparaît que dans un seul mot ɛ́tʊɰa ‘tout le corps’ mais on peut clairement identifier le premier morphème ɛ́tʊ ‘corps’. Apparemment -ɰa n’est pas un nom amoindri de sa voyelle initiale. Mon hypothèse est donc qu’il s’agisse d’un dérivatif à valeur totalisante. - 51 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Enfin, le suffixe -na est décrit par Eklo (p.51) comme ‘un dérivatif à valeur de constat, de jugement [permettant] de former une base nominale à valeur de constat, à partir d’un dérivé nominal de verbe à valeur de qualité.’ Parmi les exemples qu’elle donne, on trouve álɛ́na ‘manière, façon d’être’ que contient également mon corpus sous la forme tonale álɛna. Elle donne pour álɛ́ la signification ‘façon’. Un autre nom de mon corpus est ɔ́lʊ́ná ‘métier’ que mon informatrice, pour explication, m’a traduit littéralement ‘façon de faire de quelqu’un’. On pourrait donc le décomposer en ɔ́lʊ ‘personne’ suivi du dérivatif -na. Mais on remarque que les tons du dérivé sont différents de ceux des deux parties, ce qui jette un doute sur cette analyse. Il faut donc attendre plus de données pour confirmer ou infirmer l’existence de ce dérivatif pour le parler de Doumé. VI.2 Syntagme nominal Cette partie et celles qui suivent vont traiter de tous les morphèmes grammaticaux ou lexicaux, libres ou liés qui peuvent s’adjoindre au nom dans les limites du syntagme nominal. Comme il n’y a pas suffisamment de matière pour leur consacrer une partie entière, les prépositions seront incluses ici. L’ordre de ces morphèmes est rigide et est résumé dans le schéma suivant (90). Les morphèmes apparaissant dans la même colonne s’excluent mutuellement. Il s’agit bien sûr d’un schéma provisoire, puisqu’il ne se base que sur un nombre restreint de données. Aucun des composants autre que le nom n’est obligatoire. Quant à celui-ci, je ne sais pas s’il peut être sous-entendu, en cas d’anaphore par exemple. (90) démonstratif Préposition possessif défini singulier dépendants lexicaux NOM numéral (verbe ou nom) pluriel36 Les exemples de (91) et (92) ci-dessous illustrent l’ordre des morphèmes. Parmi toutes les combinaisons entre les morphèmes indiqués ici, celles du numéral suivi du défini, du possessif accompagné du défini et du possessif avec le pluriel n’ont pas été vérifiées. Il se 36 Le mot ‘pluriel’ renvoit à plusieurs morphèmes, dont celui du défini pluriel. - 52 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 peut donc qu’elles s’avèrent impossibles – bien que dans le cas du possessif avec le pluriel, ce serait étonnant. (91) naɰɛ́sɛ nʊ́ t-ɔ̀lw-ɛ́ 1S.ACP-parler PREP DEM-personne-DEF ‘J’ai parlé à cette personne.’ (92) ɔ́sjɛ̀fwâ wanɪ ̀ àwʊ̀ ɰlɛ̀ wanɪ ̀ ɪ ̀vlɛ̀ be ɛ̀fwâ femme-deux DEFPL vêtement coudre DEFPL araignée gros ‘les deux femmes’ ‘les vêtements cousus’ ‘deux grosses araignées’ VI.3 deux Les adpositions L’ikposo est un langue comportant aussi bien des préposition que des postpositions. Le corpus compte trois prépositions et une postposition. Les syntagmes dont elles sont la tête ont toujours dans le corpus une fonction de complément oblique du verbe. Je n’ai pas essayé de voir s’ils pouvaient également remplir la fonction de complément de nom. La première préposition mʊ ~ mw- ‘comme’ ne pose pas de problème à ce niveau d’analyse. Son sémantisme est transparent et elle est utilisée avec des constituants obliques. Toutefois, les seuls exemples à ma disposition viennent de phrases intransitives. (93) t-udúnu é-be mʊ sukû DEM-maison 3S.ACP-être_grand comme école ‘Cette maison est grande comme l’école.’ Les deux autres formes identifiées comme des prépositions nʊ̀ ~ n- et nʊ́ ~ n- 37 sont par contre problématiques. J’ai en effet un doute sur le fait qu’il s’agisse de prépositions différentes ou non. Elles portent des tons distincts mais c’est leur seule différence phonologique. Si l’on remplace le syntagme prépositionnel par un pronom, celui-ci sera le même quelle que soit la préposition utilisée dans la construction du verbe, comme on le voit en (96) et (97). Bien qu’on les trouve utilisées avec des verbes différents, ceux-ci sont trop peu nombreux pour l’instant pour en tirer une conclusion fiable. La forme nʊ́ a été utilisée pour introduire les compléments locatifs de provenance et de but des verbes ɲɪ ̌ ‘tomber’ et báfà ‘apporter’ ainsi que le destinataire du verbe ɰɛ̀sɛ̌ ‘parler. 37 On peut également les distinguer lorsqu’elle ont leur forme réduite puisque, selon la règle générale, c’est leur ton qui sera conservé et non pas celui de la voyelle suivante. - 53 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (94) á-ɲɪ ́ n-ícû 3S.ACP-tomber PREP-arbre ‘Il est tombé de l’arbre.’ (95) … báfà apporter n-údúnu PREP-maison ‘… pour l’apporter à la maison.’ (96) naɰɛ́sɛ nʊ́ t-ɔ̀lw-ɛ́ na-ɰɛ́sɛ fà á-ɰɛ́sɛ nʊ̀ 1S.ACP-parler PREP DEM-personne-DEF 1S.ACP-parler X3S 3S.ACP-parler X1S ‘J’ai parlé à cette personne.’ ‘Je lui ai parlé.’ ‘Il m’a parlé.’ La préposition nʊ̀ quant à elle a été utilisée pour le complément bénéficiaire de jə̌du ‘aider’: (97) éjə́du n-ɔ̀ɲɪ é-jə́du 3S.ACP-aider PREP-mari 3S.ACP-aider X3S 3S.ACP-aider X1S ‘Elle l’a aidé.’ ‘Il m’a aidé.’ ‘Elle a aidé son mari.’ fà é-jə́du nʊ̀ Les données de l’article de Anderson font également état d’une postposition lì ‘dans’ (98), qui peut être rapprochée de la postposition nɪ ̀ ‘dans’ de Tomegbé (Eklo, p.121). (98) ɔ́tá é-ɥi ɔ́tɔ́ lì lapin trou 3S.ACP-rentrer dans ‘The rabbit went into the hole.’ (Anderson, p.203) Mon corpus ne compte pas de données illustrant cette postposition dans un contexte spatial prototypique, mais elle apparaît néanmoins dans la phrase suivante : (99) anʊna kébû ɛ́lʊ́ li ̀ Poss1S-mère INAC-réflechir tête dans ‘Ma mère est en train de réfléchir.’ VI.4 Le démonstratif Il n’y a pas en ikposo plusieurs démonstratifs selon le degré d’éloignement entre la chose désignée et le locuteur. - 54 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Le démonstratif est préposé au nom avec les formes tʊ̀ devant consonne et t- devant voyelle. Sur ce point, la variante de Doumé est différente de celle de Tomegbé, puisque pour cette dernière, le démonstratif cɛ̀ est postposé au nom (Eklo, p.60). Très souvent, le démonstratif est accompagné du morphème de défini, postposé au nom comme en (100). Toutefois, ce n’est pas obligatoire et il peut également apparaître seul (101). Je ne sais pas si la présence du défini avec le démonstratif est conditionnée syntaxiquement ou uniquement discursivement. Dans le deuxième exemple, en effet, il se pourrait que le fait qu’il s’agisse d’une construction génitivale explique l’absence du défini. (100) tʊ̀-sukû jɛ́ t-ɔ̀lw-ɛ́ DEM-école DEF DEM-personne-DEF ‘cette école’ ‘cette personne’ (101) t-ùdúnu ájʊ́-púsù DEM-maison Poss3S-chat ‘le chat de cette maison’ Dans la variante de Tomegbé, le démonstratif a également une forme pronominale ɪ ̀cɛ̀ qui suffit pour assumer le rôle de constituant nominal. Je n’ai pas essayé d’éliciter des formes comme ‘celui-ci’ pour voir si le fonctionnement du démonstratif est similaire pour la variante de Doumé. VI.5 Le défini La marque de défini jɛ́ est la même que celle de Tomegbé et elle est également postposée au nom. Anderson (p.193) montre que le défini a deux formes. L’une est libre et ne subit pas d’harmonie vocalique, l’autre est liée et est suffixée au dernier élément du syntagme nominal, dont elle prend la valeur ATR. Le choix entre les deux formes est une question discursive. L’interaction entre cette forme cliticisée du défini et la voyelle finale du nom suit les règles générales d’élision et de réduction. De même le ton haut du défini est remplacé par le ton de la voyelle en question. (102) úti sorcier jɛ́ útj-e DEF sorcier-DEF ‘le sorcier’ ‘le sorcier’ - 55 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Pour exprimer un défini pluriel, ce n’est pas ce morphème qui est utilisé mais wanɪ ̀. Nous verrons celui-ci dans le paragraphe des marques de pluriel. Les contextes d’apparition du défini, et donc sa valeur sémantique précise, n’ont pas été étudiées. On remarque simplement qu’en élicitation un syntagme français défini ‘le x’ n’est pas forcément rendu en ikposo avec un syntagme ‘x jɛ́’. Dans les constructions génitivales, le nom tête n’est jamais suivi dans les données par le défini, comme l’illustre l’exemple (101). Je ne sais pas si le syntagme tùdúnu ájʊ́púsù jɛ́ aurait été possible. VI.6 Les possessifs Deux paradigmes de possessifs sont disponibles dans la langue. Le premier est utilisé pour la grande majorité des noms, le deuxième est réservé aux termes de parenté. Paradigme I Par. II àwù ‘vêtement’ ɪ ́ná ‘mère’ 1S an-awʊ̀ anʊ-na 2S án-âwʊ̀ á-na 3S áj-áwʊ ɔ́-ná 1P aw-awʊ̀ awʊ-nà 2P amj-awʊ̀ amjʊ-nà 3P àtàmj-awʊ̀ àtàmjʊ-nà Possessifs VI.6.1 Segments et tons des possessifs Les formes de 2ème et 3ème personne singulier sont différentes entre les deux paradigme. Pour le reste, la principale différence formelle porte sur l’élision vocalique. Alors que la voyelle - 56 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 finale du paradigme I est élidée, c’est la voyelle initiale du nom qui est élidée avec le paradigme II. Le paradigme I n’a pas été élicité entièrement avec un nom commençant par une consonne. Pour la 3ème personne singulier, la voyelle finale du possessif est bien [+haute, +arrière] et on peut supposer qu’aux autres personnes elle le serait aussi, sur le modèle du paradigme II. Par ailleurs l’absence d’un paradigme complet avec deux noms CVCV de traits ATR différents font que je ne sais pas si la deuxième voyelle du possessif s’harmonise avec le nom. Les quelques exemples du corpus (comme ájʊ́púsù (101)) ne sont pas suffisants pour une conclusion certaine. Au niveau tonal, on remarque une perturbation des tons du terme nominal par le possessif. Le cas le plus clair à la perception est l’abaissement tonal à moyen de ‘mère’ avec les possessifs de 1ère et 2ème personnes du singulier. En effet, il faut noter qu’il y a un doute sur les tons de la 1ère et 2ème personnes du pluriel. Le profil tonal est MML pour ‘vêtement’ et ‘mère’, mais il est HHF pour ‘chien’ : áwúkpî ‘notre chien’, ámjúkpî ‘votre chien’. Ici encore, comme les possessifs n’ont pas été utilisés avec des mots de chaque catégorie tonale, il est difficile de proposer une analyse pour l’instant. VI.6.2 Distribution des deux paradigmes de possessifs Le paradigme I constitue le paradigme régulier. La grande majorité des noms prennent les possessifs de ce paradigme. Le deuxième paradigme des possessifs est employé pour les relations familiales. Pour l’instant, l’emploi de ce paradigme a été confirmé pour ɪ ́ná ‘mère’, ɪ ́lâ ‘père’ et ɪ ́néjē ‘sœur’. Le nom ‘épouse’ se dit ájɪ ́si. On est tenté de voir dans cette forme l’association d’un possessif et de ɔ́si ‘femme’, bien que le résultat ne soit pas régulier. De plus les deux formes attendues pour ‘sa femme’ avec le possessif I et II ont été refusées (*ájɔ́si, *ájʊ́si). La 3ème personne singulier du possessif est également employée pour marquer la tête d’un constituant génitival. Les deux paradigmes peuvent remplir cette fonction : (103) evíɟe áj-áwʊ evíɟe ɔ́-na enfant Poss3S-vêtement enfant ‘les vêtements de l’enfant’ ‘la mère de l’enfant’ - 57 - Poss3S-mère Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VI.7 VI.7.1 Les marques de pluriel Pluriels réguliers Le pluriel peut être marqué par un morphème placé en fin de syntagme nominal, après les autres dépendants du nom. Il peut notamment succéder à un numéral. Le corpus contient pour l’instant seulement deux morphèmes de pluriel réguliers : nɪ et wánɪ. (104) àwʊ̀ ɰlɛ̀ nɪ àwʊ̀ ɰlɛ̀ wánɪ vêtement coudre PL vêtement coudre DEFPL ‘des vêtements cousus’ ‘les vêtements cousus’ Le morphème nɪ semble être utilisé pour marquer un pluriel indéfini alors que wánɪ est la marque du pluriel défini. Selon Anderson (p.204) les marques de pluriel sont plus nombreuses. Elle donne une liste de quatre morphèmes, ‘/dɪnɪ/, the (…) plural forms of the indefinite article, and also /wá/, /nɪ/, /wánɪ/, the definite plural forms’, et précise qu’ils fonctionnent différemment au niveau discursif. Toutefois le pluriel n’est pas systématiquement marqué. Lors de l’élicitation, lorsque je proposais des phrases incluant des syntagmes nominaux pluriels sans que l’accent soit mis sur cette pluralité, le plus souvent aucune marque de pluriel n’apparaissait. L’étude de la répartition entre l’absence de marque et des différents morphèmes doit être abordée à partir de contextes plus larges, avec des textes, et sort donc du cadre de ce travail. Elle est remise pour des travaux ultérieurs. VI.7.2 Pluriels irréguliers et anciennes classes nominales Certaines langues kwa sont parfois nommées ‘langues résiduelles’ parce qu’elles contiennent des vestiges d’anciennes classes nominales. En ikposo, la voyelle initiale des noms provient effectivement de classes nominales mais elle a été la plupart du temps lexicalisée si bien qu’elle n’a plus de fonction morphosyntaxique. Toutefois, un certain nombre de noms a échappé à cette lexicalisation et l’opposition singulier/pluriel continue de se faire par une opposition de voyelles initiales. - 58 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Pour le parler des villages Okou-Onga-Otandjobo, Anderson (p.195) identifie deux classes nominales. ‘In the first of these classes a singular /u/ ~ /ʊ/ corresponds with /a/ ~ /e/ in the plural. In the second noun class, limited to human beings, singular /o/ ~/ɔ/ corresponds to plural /a/. Note that in this class of nouns, in contrast with the class above, plural /a/ does not alternate harmonically, but shows up as a [-ATR] low with roots of both ATR sets.’ La situation de Tomegbé semble plus simple. Eklo ne distingue que deux groupes de noms, ceux qui forment leur pluriel en –a (ils sont tous –ATR) ceux qui forment leur pluriel en –e (ils sont tous +ATR). Par contre, la voyelle du singulier n’est pas déterminée. Le tableau suivant compare les données des trois variantes. Il reprend la classification de Anderson, qui est plus proche des données de Doumé. Normalement une ligne correspond à des noms provenant a priori d’un même étymon, mais à partir d’une simple observation de la ressemblance ; des erreurs sont donc très possibles. Parfois, j’ai regroupé des noms qui ne se ressemblent pas mais qui signifie la même chose et qui ont la même alternance singulierpluriel comme pour ‘enfant’. Lorsque plusieurs traductions sont données elles correspondent dans l’ordre aux trois auteures. Le tiret - correspond à une simple absence de données. La structure du tableau se veut avant tout pratique et lisible. Tomégbé (Eklo, p.59) Okou-OngaOtandjobo Doumé (Anderson, p.195) Sg. Pl. Sg. Pl. Sg. Pl. enfant úɥí éɥí úmlóo émlóo úví éví chien úkpì ékpì úkpî ékpî ukpî pl. régulier ~ ekpî garçon / mâle / homme úūní éēní úluví éluví úluví éluví ~ áluví sanglier - - úvle évle úvle pl. régulier gorille - - ʊ̀gbâ àgbâ ʊ̀gbâ pl. régulier personne du même âge - - ʊkpa akpa ʊkpa pl. régulier - 59 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 jumeau - - ʊ́kɔ́ ákɔ́ ʊ́kɔ́ ákɔ́ garçon, jeune homme óléēvì - ólevì álevì ólevì álevì jeune femme - - ósjetʃū ásjetʃū - - être humain / personne ɷ́ nɷ̄ ɷ̀ ánɷ̄ ɷ̀ ɔ́lʊ álʊ ɔ́lʊ álʊ femme ɔ́sɪ ̄ ásɪ ̄ ɔ́sɪ ásɪ ɔ́sɪ pl. régulier ~ ásɪ vache ɷ́ lɛ̄ɛ ̀ álɛ̄ɛ ̀ - - ʊ́lɛ álɛ poule ɔ́ŋɔ̀ áŋɔ̀ - - ɔ́ɰlɔ áɰlɔ oiseau ɪ ́vɔ́ɔ ̄ ávɔ́ɔ ̄ - - ɪ ́vlɔ́ɔ pl. régulier chèvre ìtùkpáà ètùkpáà - - utukpə pl. régulier Quelques remarques sont à faire pour la variante de Doumé. Pour le nom uluvi ‘homme’, deux pluriels irréguliers différents m’ont été données. Je ne sais pas s’il s’agit d’une variante libre ou motivée. Enfin, pour uvla ‘ver de terre’, mon informatrice n’a pas totalement rejeté le pluriel irrégulier evla mais elle le trouve très douteux. On remarque de toute façon que le pluriel régulier tend à être étendu. Plusieurs fois, le pluriel irrégulier ne m’a été donné que sur une question explicite de ma part. Lorsque l’accent n’est pas mis sur le pluriel, il est souvent régulier. Des trois parlers, l’ikposo de Doumé semble être celui qui a régularisé le plus de lexèmes. Il faut noter également que le pluriel irrégulier n’empêche pas le syntagme de comprendre une marque de pluriel régulière. Au contraire, le plus souvent, les deux marques de pluriel – régulière et irrégulière – sont utilisées conjointement. Le syntagme verbal peut donc compter jusqu’à trois indications de pluriel avec le pluriel irrégulier provenant d’anciennes classes nominales, un numéral, et une marque de pluriel régulière. - 60 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VI.8 Dépendants du nom lexicaux En dehors des morphèmes grammaticaux que nous venons de voir, le syntagme nominal peut également comporter un verbe ou un autre nom régi par la tête.. Nous allons d’abord présenter le cas des verbes puis celui des noms. VI.8.1 Verbes dépendants de nom En effet, comme l’a montré Eklo pour Tomegbé, il n’y a pas de classe adjectivale en ikposo, cette fonction étant assumée par des dérivations de verbes. La situation pour Doumé est légèrement différente, puisque les verbes peuvent accéder à cette fonction sans dérivation, juste à la forme nue (105). Ils sont postposés au nom. (105) wɪ ̌nɪ ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ vlu étí vlu grandir personne grandir pétrir terre pétrir ‘Grandis !’ ‘adulte’ ‘Pétris !’ ‘terre battue’ On peut se demander si certains des syntagmes résultant de cette construction ne constitueraient pas des composés, ou au moins des syntagmes figés, plutôt que des syntagmes pleinement productifs. En effet, ils désignent parfois des notions qui ne sont pas parfaitement réductibles à la somme du nom et du verbe le qualifiant. On peut par exemple mettre en parallèle ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ ‘adulte’ avec l’expression française ‘grande personne’, qui ne désigne pas seulement une personne grande. Toutefois, cette interrogation est à relativiser. Il n’y a en effet aucun critère formel – du moins pour l’instant – qui permettrait de dessiner une frontière entre des composés nom-verbe ou des syntagmes figés et des syntagmes qui serait le fruit de la construction productive. VI.8.1.a Comparaison avec la structure argumentale du verbe Dans cette position de dépendant du nom, le verbe peut modifier un nom qui correspond au rôle sémantique assumé normalement par son sujet – que le verbe soit intransitif (106) ou transitif (107) – ou un nom qui correspond au rôle sémantique de son objet (108). (106) údúnu be maison être_grand ‘grande maison’ úvle lɔ́ sanglier être_noir ‘sanglier noir’ - 61 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (107) ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀kʊ́ ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀ ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́ ɛ́kʊ́ ɔ́lʊ wà ɛ́sɛ́ chose coudre chose personne montrer chose ‘matériel de couture’ ‘enseignant (litt. la personne montrant les choses)’ (108) àwʊ̀ ɰlɛ̀ étí vlu ícû kpa ɛ́kʊ́ jɛ̀ vêtement coudre terre pétrir bois tailler chose manger ‘vêtements cousus’ ‘terre battue’ ‘bois taillé’ ‘nourriture’ On remarque en (107) que le verbe dépendant de nom peut avoir ses propres dépendants. En l’occurrence, dans ces deux syntagmes, il s’agit de son objet. Il serait intéressant de voir si le verbe peut dominer un autre de ses dépendants habituels – son sujet, des obliques, des adverbes – lorsqu’il modifie un nom. Ces deux syntagmes sont les seuls de mon corpus où le nom tête correspond au rôle sémantique du sujet d’un verbe transitif, et dans les deux cas le verbe est accompagné de son objet. On peut se demander si cela est obligatoire pour pouvoir interpréter le verbe dans une orientation active plutôt que passive. Par exemple est-ce que ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀ pourrait aussi bien être interprété comme ‘chose qui coud’ et ‘chose cousue’ ? VI.8.1.b Aspects des verbes dépendants de nom Il semble que le verbe dans cette fonction de dépendant de nom n’ait pas un aspect imposé. En effet, pour les verbes transitifs, dans étí vlu ‘terre battue’, l’aspect est accompli, alors que dans ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́ ‘enseignant’ l’aspect est inaccompli. Dans ɛ́kʊ́ jɛ̀ ‘nourriture’ le verbe dépendant exprime plutôt une propriété ‘qui peut être mangé, comestible’. Si la différence aspectuelle entre ‘terre battue’ et ‘enseignant’ peut aller de paire avec la différence d’orientation passive/active, la différence aspectuelle entre ‘terre battue’ et ‘nourriture’ ne peut pas reposer sur une distinction formelle. Dans ce cas la différence d’aspect doit être appréciée par l’interprétation du contexte ou par le caractère éventuellement figé de la construction. Pour les verbes intransitifs, l’aspect pour ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ ‘adulte’ est plutôt accompli – le processus de grandir étant arrivé à son terme. Par contre, les autres verbes, lɔ́ ‘noir’ ou be ‘grand’, correspondent, comme pour ‘manger’, à une propriété exprimant l’état ou la qualité. - 62 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Le tableau suivant résume la répartition des valeurs aspectuelles selon les critères syntaxiques de la construction. Les cases vides correspondent, selon le résultat d’une étude sur ce thème, soit à une impossibilité dans la langue, soit à une absence de données. Aspect accompli verbes inaccompli + nom tête = rôle intransitifs Aspect Propriété + sémantique du sujet verbes transitifs + nom tête = rôle sémantique de + + l’objet VI.8.2 Noms dépendants de noms Quelques noms peuvent également remplir cette fonction (109). Comme ils sont simplement juxtaposés au nom tête, on peut les confondre avec une construction de caractérisation. Le critère permettant de les distinguer est la réduction vocalique qui suit les règles générales (élision ou réduction de V1) à la différence de la caractérisation. Cette question a été approfondie dans la partie III.5. (109) úti sorcier úluví úti homme ‘sorcier’ ɔ́sɪ i ́néɟə̄ evíɟe sorcier femme sœur enfant ‘sorcière’ ‘sœur cadette’ Comme pour les verbes, le nom dans cette position peut être accompagné de ses propres dépendants, comme le montre l’exemple (110), où l’on reconnaît une construction étudiée dans la partie précédente (VI.8.1) : wɪ ̌nɪ ‘grandir’ est un verbe dépendant du nom ɔ́lu ‘personne’, lui-même dépendant de la tête ínéɟē ‘sœur’. (110) anʊ-nejə̄ Poss1S-sœur ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ personne grandir ‘ma sœur aînée’ - 63 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VII Morphologie et syntagme verbal Comme il a été annoncé en IV.2, les catégories tonales des verbes seront étudiées dans cette partie plutôt que dans la partie phonologie parce qu’elles sont liées avec les changements morphologiques. Nous allons d’abord voir les structures des verbes monosyllabiques et dissyllabiques, puis les morphèmes grammaticaux liés au verbe. VII.1 Structure verbale : syllabes et tons Les verbes se caractérisent par une structure monosyllabique C(A)V ou dissyllabique C(A)V.C(A)V. Les monosyllabes forment trois groupes s’opposant par les tons. A l’intérieur de ces groupes, les verbes fonctionnent tous de la même manière quant aux tons. Les dissyllabes doivent être séparés entre ceux qui peuvent donner lieu à une décomposition et ceux qui semblent constituer – du moins synchroniquement – un lexème unique. Nous verrons tout d’abord ceux qui sont a priori indécomposables, puis les rares composés. VII.1.1 Verbes monosyllabiques : trois catégories tonales Le premier groupe a un profil tonal montant pour le verbe en isolation (c'est-à-dire à l’impératif de 2ème personne du singulier). Dans la conjugaison, le ton du verbe est systématiquement haut. Sur un total de 77 verbes, le corpus compte 27 verbes dans ce groupe, qui est le plus représenté numériquement : (111) kʊ̌ ‘Balaye !’ jǐ zɔ̌ ‘Vends !’ ‘Dis !’ bǎ kplě ɥɪ ̌ ‘Viens!’ ‘Soulève !’ ‘Peins !’ Le deuxième groupe est caractérisé par un ton moyen en isolation. Il est représenté par 20 verbes dans mon corpus. Le ton moyen est toujours réalisé ainsi, que ce soit en isolation ou dans la conjugaison. C’est le profil le plus stable des trois. (112) mli vlu ‘Lève-toi !’ ‘Pétris !’ zɔ sɛ jɔ ɥi Appelle !’ ‘Décharge !’‘Prends !’ ‘Rentre !’ Le troisième groupe a un profil tonal bas en isolation. Il s’agit de la catégorie la plus instable tonalement. Selon les formes apparaissant dans le corpus, le ton du verbe peut être réalisé bas - 64 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (impératif, inchoatif 1ère et 2ème personne), haut (accompli, futur) ou descendant (inaccompli, inchoatif 3ème personne). Dans le corpus, ce groupe contient 16 verbes. (113) də̀ ‘Pêche !’ zù lɔ̀ sɛ̀ fwè ‘Pile !’ ‘Tombe !’ ‘Marche !’ ‘Sors !’ ɥì ‘Fume (du poisson) !’ Ici encore, comme pour les noms, on constate que le schème tonal à ton haut est le plus fréquent. Mais la différence avec les autres schèmes est moins importante que chez les noms, et les trois étant quand même relativement bien représentés. De plus, à la différence des noms, il n’y a pas une proliférations de schèmes tonals comptant seulement quelques unités. Par contre, la diversité tonale est plus grande chez les verbes dissyllabiques, comme nous le verrons par la suite. VII.1.2 Discussion du choix de la forme verbale de travail Pour ce travail, j’ai utilisé la forme d’impératif de 2ème personne du singulier comme forme de travail, parce qu’elle permet d’avoir la forme nue du verbe et d’observer l’opposition des trois catégories tonales. Toutefois, après coup, ce choix ne se révèle pas forcément le meilleur. En effet, pour un certain nombre de verbes, je n’ai pas pu obtenir de forme impérative principalement pour des raisons sémantiques – par exemple pour ‘fleurir’, ‘pourrir’, ‘être loin’… La forme donnée spontanément par la locutrice pour ces verbes était la 3ème personne singulier de l’accompli. Malheureusement, cette forme ne permet pas de distinguer les verbes du premier groupe de ceux du troisième groupe. Ainsi, dans mon corpus, 14 verbes n’ont pas été classés selon leur appartenance à ces deux groupes. L’exemple (114) montre qu’on ne peut pas déterminer si sɔ ‘fleurir’ est à ton montant ou à ton bas. Par contre, on est sûr – de même que pour les autres verbes indéterminés – qu’il ne s’agit pas d’un verbe à ton moyen. (114) ázɔ́ ‘Il a dit.’(cat. 1) ázɔ álɔ́ ásɔ́ ‘Il a appelé.’(cat. 2) ‘Il est tombé.’(cat. 3) ‘Il a fleuri.’( cat. ?) Une forme apparaissant dans le corpus qui aurait pu être choisie comme forme de base est la 3ème personne singulier de l’inchoatif parce qu’elle fonctionne a priori sémantiquement avec tous les verbes et qu’elle permet d’opposer les trois groupes tonals (115). L’inaccompli est l’autre tiroir qui permet d’opposer les tons des verbes (116), mais il est incompatible - 65 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 sémantiquement avec certains verbes, portant un aspect lexical comme ‘se lever’ – voir la discussion à propos de l’exemple (136). Cat.1 Cat.2 Cat.3 ójémli ójédə̂ 3S-INCH-balayer 3S-INCH-se_lever pluie INCH-pêcher ‘Il commence à balayer.’ ‘Il s’est levé.’ ‘Il commence à pêcher.’ ó-ké-vlu ádɪ ́ ká-lɥâ 3S-INAC-balayer 3S-INAC-pétrir pluie INAC-pleuvoir ‘Il balaye.’ ‘Il pétris.’ ‘Il pleut.’ (115) ɔ́jákʊ́ (116) ɔ́-ká-kʊ́ Pour une description plus détaillée du comportement des tons lexicaux des verbes avec les différentes marques de temps-aspect, voir le paragraphe dédié à celui-ci (VII.2.4). VII.1.3 Verbes dissyllabiques indécomposables Ces verbes – au nombre de 21 dans le corpus – respectent en général l’harmonie vocalique, avec cependant une exception : (117) á-dʊ́nə́ 3S.ACP-être_amer ‘C’est amer.’ Ma première impression était que ce verbe ainsi que deux autres (118) devaient être des composés. (118) ádʊ́blɪ ́ ádʊ́lʊ́ 3S.ACP-être_glissant 3S.ACP-être_lourd ‘C’est glissant.’ ‘C’est lourd.’ En effet, ils expriment tous les trois un état physique et commence par la même syllabe dʊ́-, qui aurait pu être par conséquent un même morphème. Mais aucun découpage ne semble possible. Il faut donc soit admettre qu’il s’agit d’une coïncidence, soit que ce sont d’anciens composés, et l’un d’entre eux aurait gardé un trait ATR différent pour ses deux syllabes. VII.1.3.a Schèmes et comportements tonals Comme pour les monosyllabes, certaines lexèmes (8/21) ne sont représentés dans le corpus qu’à la 3ème personne, ce qui n’est pas suffisant pour pouvoir être analysés d’un point de vue - 66 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 tonal. Bien que cela réduise considérablement la base utile pour l’analyse, le petit nombre de verbes restants permet déjà de faire quelques remarques. La plupart des 13 autres verbes peuvent être rapprochés des monosyllabes ; leur première syllabe se comporte de la même manière qu’un verbe monosyllabique. Il est alors intéressant d’observer ce qu’il se passe pour la deuxième syllabe. Seul trois de ces verbes ne peuvent pas être rattachés à une catégorie monosyllabique. Les verbes dissyllabiques qu’on peut apparenter aux schèmes tonals monosyllabiques se répartissent donc en 3 groupes, selon qu’à l’impératif de 2ème personne du singulier, le ton de la première syllabe est montant (119), moyen (121), ou bas (124). Le ton initial de ces verbes se conduisent comme leurs homologues monosyllabiques. C'est-à-dire que s’il est montant en isolation, il devient haut dans la conjugaison, s’il est moyen en isolation il reste moyen, s’il est bas en isolation, il peut devenir haut, bas ou descendant selon les tiroirs verbaux. Pour les verbes apparentés à la catégorie 1 des monosyllabes, le ton de la deuxième syllabe n’est pas modifié à l’accompli – ils n’ont pas été élicités à d’autres tiroirs verbaux. (119) jə̌dú wǎdɪ ́ kpɛ̌tɛ̂ ‘Réveille-toi !’ ‘Cueille (des fruits) !’ ‘Grandis !’ áwádɪ ́ ákpɛ́tɛ̂ áwɪ ́nɪ 3S.ACP-aider 3S.ACP-se_réveiller 3S.ACP-cueillir 3S.ACP-grandir ‘Il a aidé.’ ‘Il s’est réveillé.’ ‘Il a cueilli des fruits.’ ‘Il a grandi.’ ‘Aide !’ (120) éjə́dú wɪ ̌nɪ Pour les verbes apparentés à la catégorie 2 des monosyllabes, lorsque les tons de la deuxième syllabe sont moyens, ils sont maintenus comme tels à l’accompli (122). Seul le ton de la deuxième syllabe de kpɔlǎ a subit un changement, en étant abaissé au même niveau moyen que la syllabe précédente (123). (121) cəɰlə ‘Fais l’éloge (de quelqu’un)’ (122) é-cəɰlə wele kpɔlǎ ‘Lave !’ ‘Redresse-toi !’ é-wele 3S.ACP-louer 3S.ACP-laver ‘Il a fait l’éloge (de quelqu’un)’ ‘Il a lavé.’ (123) kpɔlǎ á-kpɔla na-kpɔla se_redresser 3S.ACP-se_redresser 1S.ACP-se_redresser ‘Redresse-toi !’ ‘Il s’est redressé.’ ‘Je me suis redressée.’ - 67 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Pour les verbes apparentés à la catégorie 3 des monosyllabes, le ton de la deuxième syllabe a été modifié pour les trois verbes. Les tons montant sont abaissés à moyen (125). Le ton bas devient haut (126). Dans le deuxième cas, on pourrait supposer une influence du ton haut le précédant. Dans le premier cas, je ne sais pas ce qui peut modifier le ton final du verbe. En effet les suites de tons hauts ne sont pas exceptionnelles, comme on l’a vu pour les verbes se rattachant à la première catégorie. (124) ɰɛ̀sɛ̌ kɔ̀sʊ̌ kèlè nɛ̀nɛ̀ ‘Regarde !’ ‘Fais vite38 !’ na-ɰɛ́sɛ á-kɔ́sʊ na-kɔ́sʊ 3S.ACP-parler 1S.ACP-parler 3S.ACP-regarder 1S.ACP-regarder ‘Il a parlé.’ ‘J’ai parlé.’ ‘Il a regardé.’ ‘J’ai regardé.’ ‘Parle !’ (125) á-ɰɛ́sɛ (126) ékélé nɛ̀nɛ̀ nekélé nɛ̀nɛ̀ 3S.ACP-faire vite 1S.ACP-faire vite ‘Il a fait vite.’ ‘J’ai fait vite.’ On remarque que c’est, comme pour les verbes monosyllabiques, les verbes attachés à la catégorie 3, avec un ton bas à l’impératif, qui subissent le plus de changements. Bien sûr, ces observations sont basées sur un petit nombre de verbes à un petit nombre de formes, mais un objectif de la suite du travail est de voir sur un corpus plus étendu si ces changements sont réguliers. Les verbes dissyllabiques qu’on ne peut rapprocher d’un type monosyllabique sont au nombre de trois. L’impératif des deux premiers, (127) et (128), est celui de la catégorie 2, mais, conjugués, ils ont les formes de la catégorie 1. Quant au troisième (129), il a aussi les formes conjugués de la catégorie 1 mais au lieu d’avoir un premier ton montant à l’impératif, celui-ci est clairement haut. (127) klɪtɛ á-klɪ ́tɛ na-klɪ ́tɛ 3S.ACP-critiquer 1S.ACP-critiquer ‘Critique !’ ‘Il a critiqué.’ ‘J’ai critiqué.’ critiquer (128) blune éblúne neblúne voler 3S.ACP-voler 1S.ACP-voler ‘Vole !’ ‘Il a volé.’ ‘J’ai volé.’ 38 L’idéophone nɛ̀nɛ̀ ‘vite’ n’est pas nécessaire à l’analyse de cet exemple, mais comme je n’ai kèlè que dans ce contexte, je ne suis pas sûre de sa signification en isolation. - 68 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (129) cúku écúku necúku couper 3S.ACP-couper 1S.ACP-couper ‘Coupe !’ ‘Il a coupé.’ ‘J’ai coupé.’ VII.1.4 Verbes dissyllabiques décomposables Les composés verbaux sont rares, tout comme les composés nominaux. En effet, l’association de plusieurs verbes donnent des séries verbales plutôt que des composés. Néanmoins, pour quelques lexèmes, on peut envisager qu’il s’agisse effectivement de composés. Pour trois d’entre eux, je n’ai pu identifier qu’un seul morphème (130), et ceci par le biais du nom correspondant (131). Ces verbes, signifiant tous un état, n’apparaissent également qu’à la 3ème personne dans le corpus, ce qui rend leur analyse tonale difficile. On peut seulement remarquer que ‘être proche’ à un profil correspondant à la catégorie 2 et que ‘être loin’ et ‘être dur’ peuvent correspondre à la catégorie 1 ou 3. (130) á-nʊ́lɪ ̌ é-sétu é-kpletʊ̀ 3S.ACP-être_loin 3S.ACP-être_dur 3S.ACP-être_proche ‘C’est loin.’ ‘C’est dur.’ ‘C’est proche.’ ésé ékple ‘(qch. de) dur’ ‘(qch. de) proche’ (131) ánʊ́ ‘(qch. de) loin’ ne-kpletʊ̀ 1S.ACP-être_proche ‘Je suis proche’ Si les deuxièmes syllabes de ces verbes ne sont pas des verbes monosyllabiques par ailleurs, comme pour les autres lexèmes présentés dans cette partie, il faut envisager qu’il puisse s’agir de dérivations, constituant des verbes à partir de noms. Le seul autre composé de la liste est ‘arriver’, constitué de ‘venir’ et de ‘rentrer’. On constate un changement vocalique pour la partie correspondant à bǎ ‘venir’. La nouvelle voyelle ‘e’ est intermédiaire entre le ‘a’ de venir et le ‘i’ de rentrer. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une rencontre de voyelles, on peut rapprocher ce phénomène de la fusion de ínéjē ‘sœur’ (voir en III.5.1). C’est d’ailleurs cette modification phonologique qui permet de le considérer comme un composé plutôt que comme une série. - 69 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Au niveau tonal, ce composé est similaire au dissyllabe wɪ ̌ni / áwɪ ́nɪ ‘grandir / il a grandi.’ (119), lui-même rattaché à la deuxième catégorie des monosyllabes. (132) á-béɥi na-béɥi á-bǎ-ɥi na-bǎ-ɥi 3S.ACP-venir-rentrer 1S.ACP-venir-rentrer ‘Il est arrivé.’ ‘Je suis arrivée.’ VII.2 Morphologie verbale A partir des quelques phrases simples élicitées dans le cadre de ce travail, il semble que la morphologie verbale de l’ikposo est réduite en ce qui concerne le nombre d’éléments – toujours des préfixes – qu’on peut ajouter à la base verbale. La structure du verbe, comme l’a déjà affirmé Anderson, est la suivante : (133) Indice sujet-(négation)-Temps/aspect-RADICAL Les indices sujet sont répertoriés et analysés dans la partie VII.2.1, les marques de temps et d’aspect dans la partie VII.2.2. Quant à la négation, je ne l’ai que très peu abordée lors des séances d’élicitation, aussi je ne ferai que quelques remarques à ce sujet (VII.2.5). Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’affixes verbaux, nous verrons les paradigmes de pronoms objet et oblique (VII.2.6). VII.2.1 Les indices sujet Les indices sujet apparaissent à la marge la plus à gauche du mot verbal. Lorsque le sujet est exprimé lexicalement par un syntagme nominal, l’indice de sujet – s’il n’est pas amalgamé avec la marque d’aspect – n’est pas obligatoire (134). Je n’ai pas d’exemple où sujet lexical et indice de sujet non amalgamé sont tous les deux présents. Ce point sera à vérifier par la suite. (134) ukpî kéɟɛ́kʊ́ ádɪ ́ kálɥâ ukpî ké-ɟí ɛ́kʊ́ ádɪ ́ ká-lɥâ chien INAC-mâcher chose pluie INAC-pleuvoir 39 ‘Le chien est en train de manger.’ ‘Il pleut.’ 39 C’est le seul contexte où le verbe lɥâ apparaît. Il est donc difficile de savoir s’il veut dire exclusivement pleuvoir ou non. - 70 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Les formes des indices sujet sont portées dans le tableau ci-dessous. Les deux premières formes apparaîssent devant consonne avec respectivement un lexème verbal +ATR et un lexème verbal –ATR. La troisième forme apparaît devant voyelle. Puisque la voyelle de l’indice sujet est élidée dans cette troisième forme, il n’y a pas d’opposition + ou –ATR. Notons qu’à la troisième personne du pluriel, il n’y a pas non plus d’opposition du trait + ou – ATR. +ATR –ATR Devant voyelle 1S ni- nɪ- n- 2S e- ɛ- Ø- ~ j- 3S ó- ɔ́- Ø- 1P wu- wʊ- w- 2P mi- mɪ- mj- 3P á- á- Ø- La forme /j-/ de la 2ème personne du singulier est utilisée lorsque le verbe porte l’aspect de ‘futur imminent’. Je n’ai pour l’instant pas d’hypothèse sur la motivation de cette deuxième forme. (135) j-à-kʊ́ j-è-mli 2S-FUT-balayer 2S-FUT-se_lever ‘Tu vas balayer.’ ‘Tu vas te lever.’ Au niveau des tons, la 3ème personne, avec un ton haut, se distingue des autres qui, lorsqu’elles sont réalisées pleinement, portent toujours un ton moyen. Par contre, lorsqu’elles sont amalgamées avec un morphème de temps-aspect, la syllabe résultante peut soit porter un ton moyen (accompli) soit un ton bas (futur). Enfin, on remarque une similitude de forme entre les indices de personnes et les possessifs. - 71 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VII.2.2 Les marques de temps et d’aspect Une étude approfondie du sémantisme du temps et de l’aspect n’étant pas très appropriée pour un travail basé sur de l’élicitation, elle a été laissée pour une étude ultérieure. Les seules phrases élicitées impliquant de l’aspect l’ont été pour l’analyse morphologique et morphonologique, segmentale et tonale. Le corpus compte cinq marques de temps-aspect différentes (sans compter les morphèmes de négation), déjà mentionnées dans l’article de Anderson. La liste suivante les énumère avec pour leur sémantisme une dénomination en anglais donnée par Anderson, et une en français qui est une simple traduction. Les deux formes en alternance correspondent respectivement à la forme pour les verbes –ATR et à celle pour les verbes +ATR. − -ká- ~ -ke- ‘incompletive / inaccompli’ − -ja- ~ -je- ‘inceptive / inchoatif’. − -a- ~ -e- ‘completive / accompli’ − -à- ~ -è- ‘imminent future / futur imminent’ − -bá- ~ -bé- ‘predictive / prédictif’. VII.2.3 Aspect grammatical vs aspect lexical Bien que je n’ai pas étudié l’aspect de manière approfondie, la simple élicitation de paradigmes a fait émerger des oppositions aspectuelles entre des verbes, au niveau lexical. En effet, tous les verbes ne peuvent pas prendre toutes les marques d’aspect. Le cas soulevé par le corpus concerne mli ‘se lever’ qui ne peut facilement être associé à l’aspect inaccompli -ké-. En effet, alors qu’avec les autres verbes la marque d’inaccompli indique que l’action est en train de se dérouler, la seule façon d’interpréter mli à l’inaccompli serait que l’agent est en train d’effectuer l’action plusieurs fois de suite (136). Et, de toute façon, la phrase parait très peu naturelle à mon informatrice. (136) nɪ-ká-kʊ́ ? ni-ké-mli 1S-INAC-balayer 1S-INAC-se_lever ‘Je suis en train de balayer.’ ‘(approximatif) Je suis en train de répéter l’action de me lever.’ La traduction naturelle de la phrase française ‘Je suis en train de me lever.’ utilise l’aspect inchoatif, et non l’aspect inaccompli : - 72 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 (137) ni-je-mli 1S-INCH-se_lever ‘Je suis en train de me lever.’ L’explication de cette différence entre des verbes comme ‘balayer’ et ‘se lever’ doit tenir à une différence d’aspect lexical. Une hypothèse serait que les limites temporelles de l’action soient incluses dans le verbe ‘se lever’ et pas dans ‘balayer’. Ce dernier pourrait donc être combiné avec un aspect grammatical indiquant que l’action est en cours, alors que le même aspect grammatical serait en contradiction avec l’aspect lexical de ‘se lever’. Bien sûr il ne s’agit pas de baser une étude sur si peu de données, élicitées et traduites du français de surcroît. Mais cela donne des perspectives pour la suite de l’étude, notamment sur la sémantique des aspects lexicaux et grammaticaux. VII.2.4 Comportement des tons dans la morphologie verbale Nous avons vu quelques éléments du comportement tonal des verbes dans la partie sur leur structure VII.1. Mais il s’agissait de trouver des critères permettant de classer les verbes, selon qu’ils se comportent de manière identique ou non sur la question tonale. Notamment, ces verbes qui ont été ainsi classés n’ont pas été élicités systématiquement à tous les tiroirs verbaux. Il s’agit ici, à partir de quelques verbes seulement pris de catégories différentes, d’essayer de voir comment se comportent les tons avec les différents préfixes de personne et de tempsaspect. Ces verbes sont représentés dans le tableau de la page 76. L’analyse présentée dans cette partie est toujours à l’état d’hypothèse. Tout d’abord, je n’ai pas le système verbal complet. Il me manque en effet les paradigmes de la négation et les paradigmes des deux futurs -à- ~ -è- / -bá- ~ -bé- ne sont pas complets, puisque mon informatrice utilise ces deux futurs à une partie des personnes seulement – du moins en élicitation. De plus, il ne s’agit ici que de verbes monosyllabiques. - 73 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 VII.2.4.a Influence tonale de la personne sur l’aspect En comparant les données suivantes, on s’aperçoit que le ton du morphème d’inaccompli (138) ne varie pas entre les 1ères / 2èmes personnes et les 3èmes personnes40, à la différence de l’inchoatif (139). (138) nɪkákʊ́ ɔ́kákʊ́ 1S-INAC-balayer 3S-INAC-balayer ‘Je suis en train de balayer.’ ‘Il est en train de balayer.’ (139) nɪjakʊ́ ɔ́jákʊ́ 1S-INCH-balayer 3S-INCH-balayer ‘Je commence à balayer.’ ‘Il commence à balayer.’ Une hypothèse est donc que l’inchoatif -ja- ~ -je- ne porte pas de ton et prenne automatiquement le ton du morphème qui le précède – propagation tonale vers la droite. Par contre le ton haut de l’inaccompli -ká- ~ -ké- bloquerait l’influence tonale de l’indice de personne. L’autre morphème de temps-aspect qui est influencé par le ton de l’indice sujet est celui d’accompli. En effet, il enregistre la même variation que l’inchoatif avec un ton moyen aux 1ères et 2èmes personnes et un ton haut aux 3èmes personnes, bien que ces dernières soient élidées et ne subsistent que par leur ton (140). De la même manière que pour l’inchoatif, l’hypothèse est qu’il ne soit pas marqué par un ton. (140) nakʊ́ ákʊ́ 1S.ACP-balayer 1S.ACP-balayer ‘J’ai balayé.’ ‘Il a balayé.’ On ne peut malheureusement pas savoir avec les données du corpus si les morphèmes de futur -à- ~ -è- et -bá- ~ -bé- peuvent être influencés par le ton de l’indice de personne. En effet, le premier n’a été utilisé qu’avec les 1ères et 2èmes personnes et le deuxième qu’avec les 3èmes personnes. VII.2.4.b Variation tonale des verbes conjugués Cette question concerne surtout les verbes du troisième groupe, qui ont un ton bas à la forme nue. En effet, les verbes à ton moyen ne varient jamais et la seule variation des verbes du premier groupe, qui ont un ton montant à la forme nue, est justement entre cette forme nue et 40 Je ne donnerai les exemples qu’à la 1ère et 3ème personne singulier. - 74 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 l’ensemble des formes conjuguées. Mon hypothèse est que le ton montant soit une réalisation contextuelle du ton haut. Les verbes à ton bas peuvent donc être réalisés de trois manières : ils portent un ton haut à l’accompli et aux futurs, un ton descendant à l’inaccompli et aux 3èmes personnes de l’inchoatif, et un ton bas aux 1ères et 2èmes personnes de l’inchoatif. La variation au sein du paradigme de l’inchoatif pourrait être simplement due au ton qui précède. Le ton bas serait réalisé descendant à la suite d’un ton haut : (141) nijedə̀ ójédə̂ 1S-INCH-pêcher 3S-INCH-pêcher ‘J’ai commencé à pêcher.’ ‘Il a commencé à pêcher.’ Pour les autres variations, je ne suis pas en mesure pour l’instant d’expliquer le phénomène, ni de proposer une hypothèse qui me semble suffisamment probable. En conclusion, il faudrait un corpus de paradigmes complets sur un nombre beaucoup plus important de lexèmes verbaux pour pouvoir décrire avec certitude la tonologie du système verbal. - 75 - Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007 Le tableau suivant montre les paradigmes de trois verbes de catégories différentes préfixés des indices d’objet et des marques de temps-aspect. Les formes de ces trois verbes à la forme nue de l’impératif sont : (142) kʊ̌ ‘Balaye !’ mli də̀ ‘Lève-toi !’ ‘Pêche !’ Accompli Futurs Inaccompli Inchoatif 1S nakʊ́ nemli nedə́ nàkʊ́ nèmli nèdə́ nɪkákʊ́ nikévlu nikédə̂ nɪjakʊ́ nijemli nijedə̀ 2S akʊ́ emli edə́ jàkʊ́ jèmli jèdə́ ɛkákʊ́ ekévlu ekédə̂ ɛjakʊ́ ejemli ejedə̀ 3S ákʊ́ émli édə́ ábákʊ́ óbémli óbédə́ ɔ́kákʊ́ ókévlu ókédə̂ ɔ́jákʊ́ ójémli ójédə̂ 1P wakʊ́ wemli wedə́ wàkʊ́ wèmli wèdə́ wʊkákʊ́ wukévlu wukédə̂ wʊjakʊ́ wujemli wujedə̀ 2P mjakʊ́ mjemli mjedə́ mjàkʊ́ mjèmli mjèdə́ mɪkákʊ́ mikévlu mikédə̂ 3P ákʊ́ émli édə́ ábákʊ́ ábémli ábédə́ ákákʊ́ ákévlu ákédə̂ mɪjakʊ́ mijemli mijedə̀ ájákʊ́ ájémli ájédə̂ Au futur, le paradigme donné rassemble des formes avec deux morphèmes différents : -à- ~ -è- pour les 1ères et 2èmes personnes, -bá- ~ -bé- pour les 3èmes personnes. Cela correspond sans doute à une neutralisation au niveau idiolectal. - 76 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 VII.2.5 Morphèmes de négation Je n’ai pas élicité systématiquement la négation associée aux différents paradigmes d’aspect. Comme Anderson donne ces formes négatives, je les ai simplement ré-élicitées à la première personne pour voir s’il y a une différence flagrante entre les deux parlers, ce qui n’est manifestement pas le cas – à part quelques différences tonales. Voici donc les différentes formes de négatif obtenues à l’accompli (143), à l’inaccompli (144), à l’inchoatif (145). Selon Anderson /-nà- ~ -nè-/ est le morphème de négatif, à la suite duquel les morphèmes marquant l’inaccompli et l’inchoatif sont respectivement /-kɔna- ~ kone-/ et /-ja- ~ -je-/. (143) nɪ-nà-kʊ̀ édínî 1S-NEG.ACP-balayer maison ‘Je n’ai pas balayé.’ (144) nɪ-nàkɔ̀nà-kʊ́ 1S-NEG.INAC-balayer édínî maison ‘Je ne suis pas en train de balayer.’ (145) nɪ-nàɟà-kʊ̀ 1S-NEG.INCH-balayer édínî maison ‘Je n’ai pas commencé à balayer.’ La phrase suivante (146) a été donné en traduction du français ‘Je ne vais pas balayer.’ pour éliciter le négatif du futur. Après vérification du sens de la phrase il s’avère qu’elle signifie en fait ‘Je n’aime pas balayer’. Ceci permet de penser qu’il n’y a pas de forme grammaticale pour exprimer le négatif au futur, et qu’il faut passer par une périphrase. (146) ni-nà-fɔ̀ 1S-NEG.ACP-aimer kʊ́ édínî balayer maison ‘Je n’aime pas balayer.’ VII.2.6 Les pronoms objet et oblique Deux paradigmes de pronoms sont utilisés pour des fonctions différentes de celle du sujet. Les pronoms du premier paradigme occupent la place syntaxique d’objet. Ils apparaissent - 77 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 après le verbe et ne sont pas considérés comme affixes verbaux parce qu’ils ne varient pas selon l’harmonie vocalique (147). (147) nɪ-ká-já wá jî 3S.ACP-rester attendre O1S ‘Je l’attends.’ Les pronoms du deuxième paradigme peuvent apparaître en fonction d’oblique. Les exemples en (148) montrent qu’un nom occupant la même place serait précédé d’une préposition. Mais ils peuvent aussi apparaître comme prédicat, dans une construction focalisée (149). (148) éjə́du n-ɔ̀ɲɪ éjə́du fà 3S.ACP-aider PREP-mari 3S.ACP-aider X3S ‘Elle a aidé son mari.’ ‘Elle l’a aidé.’ (149) dɔ́kɪtə̀ íjə̄ lâ médecin fille FOC fâ X3S ‘Elle est la fille du médecin.’ Le tableau suivant présente les deux paradigmes. Certaines cases du paradigme restent vides par simple manque de données. Dans les données, ces pronoms ont toujours été utilisés pour des référents humains. On remarque que ces pronoms sont très proches des indices sujets, à l’exception notable de la 3ème personne. Objet Oblique 1S nʊ́ nʊ 2S jɛ́ jɛ 3S jî fâ 1P wʊ́ wʊ 2P mí mɪ 3P mâ nàfâ Avec le verbe kà ‘donner’, le destinataire a une forme pronominale qui correspond à celle de l’objet, à l’exception de la 1ère personne singulier, dont la forme pronominale de l’objet n’est pas nʊ́ mais ná. Ce n’est donc pas sûr, malgré le fait que les autres personnes soient identiques - 78 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 à celle des pronoms objet, qu’il s’agisse du même paradigme. C’est pour l’instant le seul verbe pour lequel j’ai observé cette variation. (150) kà ná á-ká ná donner ? 3S.ACP-donner ? ‘Donne-moi !’ ‘Il m’a donné.’ - 79 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 VIII Perspectives pour l’analyse s yntaxique Il ne s’agit pas ici de donner des résultats avancés sur les points soulevés, mais simplement d’attirer l’attention sur quelques phénomènes rencontrés au cours de l’étude et qui peuvent s’avérer intéressants pour la suite, dans le domaine morphosyntaxique. VIII.1 Ordre des mots L’ikposo est une langue SVOX. Comme je n’ai pas encore travaillé sur des textes, il est difficile de dire si l’ordre est très rigide ou non. Cet ordre est illustré par les deux phrases suivantes. Le corpus ne contient pas de phrases où les quatre types de constituants S, O et X sont présents. (151) nijegbə́ tɪ ̀vlɪcɛ 1S-INCH-emprunter DEM-livre jɛ́ fâ DEF X3S ‘Je lui emprunte ce livre.’ (152) ukpî chien ácɪ ́ evíɟe 3S.ACP-mordre enfant ‘Le chien a mordu l’enfant.’ Bien qu’il faille être prudent avec si peu de données, la phrase suivante ressemble à une construction à double objet, aucune marque morphosyntaxique empêchant de considérer tɪ ̀vlɪcɛ jɛ́ ‘ce livre’ comme le deuxième objet de ‘donner’. Il faudra voir si des manipulations peuvent faire ressortir des propriétés de comportement différentes pour les deux constituants. Concernant l’ordre des mots, on observe que le destinataire précède l’objet donné. (153) nijáká 1S-INCH-donner jî tɪ ̀vlɪcɛ jɛ́ O3S DEM-livre DEF ‘Je lui donne ce livre.’ - 80 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 VIII.2 Sérialisation Une deuxième construction qui a attiré mon attention est la sérialisation. Eklo montre effectivement que l’ikposo possède des constructions sérielles, qu’elle répertorie selon différents types. Il ne s’agit pas ici de faire une analyse de cette construction, mais simplement d’exposer quelques caractéristiques à partir de considérations théoriques. Dans sa thèse, Renée Lambert (2005:89) donne la définition suivante de la sérialisation : ‘ Tous les auteurs ayant traité de cette question sont d’accord pour considérer la sérialisation verbale comme un processus de formation de prédicat complexe mettant en relation deux ou plusieurs verbes et leur(s) argument(s). Les verbes d’une construction sérielle ne sont séparés par aucune marque de dépendance syntaxique et la construction est interprétée comme un seul événement.’ La confrontation des exemples (154) et (155) montre que le premier des deux ne comporte pas de marque de dépendance et qu’au niveau sémantique le premier est un événement unique alors que le deuxième est une suite d’événements. (154) ájɥawʊ̀ jɔ sɥa á-jɔ àwʊ̀ 3S-prendre vêtement jɔ sɥa prendre suspendre ‘Il a suspendu le vêtement.’ (155) ájɥawʊ̀ kájɔ sɥa á-jɔ àwʊ̀ kʊ́ 3S-prendre vêtement COORD á-jɔ sɥa 3S-prendre suspendre ‘Il a pris le vêtement et l’a suspendu.’ En ce qui concerne le critère de l’événement unique, l’exemple (156) est très intéressant. En effet, les verbes de la série expriment chaque phase successive du procès. Un autre élément intéressant est que l’objet est parfois placé après tous les verbes (156) et parfois entre les verbes de la série (157). Il se pourrait que, dans le deuxième cas, l’objet ne soit l’argument que du premier verbe ‘mordre’. (156) ájá vé ljɔ̂tɔ́ á-já vé 3S.ACP-se_positionner sauter lì ɔ́tɔ́ dépasser trou ‘Il a sauté par-dessus le trou.’ - 81 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 (157) ukpi acɪ eviɟe ɟi chien 3S.ACP-mordre enfant mâcher ‘Le chien a mordu l’enfant.’ Un autre aspect de la description des séries verbales est de savoir si les deux éléments sont symétriques ou non, s’ils proviennent tous les deux de classes ouvertes ou non. Dans l’exemple suivant, le deuxième verbe kà ‘donner’ est assez proche du statut de préposition. (158) ne-gbə́ 1S.ACP-préter kà jì donner O3S ‘Je lui ai prété.’ Bien entendu, mes données sont trop peu nombreuses et pas assez naturelles, puisqu’elles sont élicitées, pour constituer la base d’une analyse, mais ces quelques éléments permettent déjà d’avoir une idée pour une étude ultérieure. - 82 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 IX Conclusion Les éléments phonologiques et morphologiques développés dans ce travail sont une première base pour une étude approfondie de la langue. Un certain nombre de phénomènes ont été décrits d’un point de vue phonologique mais leurs implications discursives n’ont été qu’évoquées. De même cette première approche de la morphologie a fait surgir des thèmes pour l’étude morphosyntaxique. La poursuite de ce travail aura donc pour objectif d’approfondir l’analyse, et de l’étendre à d’autres domaines de la description des langues. Outre l’aspect théorique, les séances de travail avec mon informatrice ont été très enrichissantes, et nous avons prévu de poursuivre l’étude ensemble. De plus une enquête de terrain dans son village d’origine a été planifiée pour janvier et février 2008. Ce premier déplacement au Togo aura comme buts principaux d’explorer la langue en contexte naturel, de chercher d’autres informateurs et de rencontrer le groupe de linguistes travaillant déjà sur la langue. Dans un second temps, il s’agira de récolter des textes oraux pour l’analyse morphosyntaxique et discursive. - 83 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 Annexes Annexes - 84 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 Lexique Mon classement alphabétique reprend la convention de Eklo : les mots sont classés par leur première consonne. Ceci permet aux mots ayant la même racine de se trouver à côté. L’ordre alphabétique choisi est le suivant : Segments : a ə b c d ɛ e f g gb ɰ ɪ i j ɟ k kp l m n ɳ ŋ ɔ o p s t u ʊ v w ɥ z Tons : á a ā à ǎ â Certains verbes n’ont pas été obtenus à la forme nue pour des raisons sémantiques (VII.1.2). Il sont présentés dans le lexique à la 3ème personne du singulier de l’accompli. Notons qu’il ne suffit pas d’enlever la voyelle initiale pour obtenir la forme nue. En effet, les verbes à ton bas en isolation ont la même forme à l’accompli que les verbes à ton haut. bǎ venir ɛ bɛ savon ɔ́ bɛ riz sans fruit ɔ bɛ̂ rivière ɔ́bɛ̂cɔ ruisseau bɛɥi arriver be être grand bɪ ̌ pleurer é bí c’est gâté (fruits…) ú bjə́ pleurs, larmes blune ɪ ́ bɔ̄ voler grosse calebasse bǒ déraciner bǔ réfléchir bwɛ être bien - 85 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ɔ bwɛ bien à bwɪ ́ seringue cəɰlə ɪ ́ cɛ cɔ̌ ɔ́ cɔ cɔ́cɪ ̀ faire l’éloge morceau, la moitié de qqch. tailler arbre à poison église ɔ́ cɔ̂ sauterelle ɔ cɔ̂ tôt cɪ ̌ mordre, prendre un morceau cɪ ̌ji ́ mordre cikə devenir í cû cúku bois couper ícû kpà bois taillé ícûwʊ fruit cwě verser dàdá maman, grande sœur ɪ ̀ dàmà natte dawlɪ être sucré də̀ pêcher í dênù petit insecte gênant á dɔ́ c’est mou a ́dɔ́ calme, paix ʊ́ dɔ̂ miel (pot) dɔ̀kɪ ̀tà médecin í doɥi fatigue á dɪ ́ pluie ɛ́ dɪ ̀ joie é dí palmier édífɪ ́ vin de palme édíkū palmier coupé - 86 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 é dínî dʊblɪ intérieur de la maison être glissant á dʊkʊ́ genou à dʊ́kû foulard dʊlʊ être lourd í dú dos ú dúnu maison dʊɲə être amer ɔ́ fɪ ́ boisson, vin ó fi mariage fláwə̀ fleur a ́fɔ́ pourrir ɪ ́ fɔ doigt fòfó frère ainé, père fwè sortir é fwéle c’est blanc ó fwélé blanc á ga pauvreté ɛ́ gà argent ɛ̀ gàmɔ piège à loup ò gló souris des champs á gʊgʊ́ (côté extérieur de la) joue ɛ́ gbā poitrine ɔ́ gbâ lézard ʊ̀ gbâ gorille ʊ́ gbata feuille ɛ́gbātɛ́ épaule gbə̌ emprunter ú gbe prairie à gbèdì manioc gbɔ̌ creuser ɪ ́ ɰa viande - 87 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ɪ ̀ ɰà cochon ɪ ́ ɰɛ̄ couteau ɰɛ̀sɛ̌ parler ɰlo opérer ɔ́ ɰlɔ poule ɔ́ɰlɔvjû poussin ʊ́ ɰlʊ estomac (tripes) ɔ́ ɰɔ serpent ɔ́ (ɰ)ɔkʊ́ assiette ɔ́(ɰ)ɔku moitié de serpent ɔ́(ɰ)ɔvjû petit serpent jǎ attendre, rester jə̌dú aider á jɛ́ fonio préparé ɛ́ jɪ jour ájɪ ́si épouse jǐ vendre é jí jɔ ɔ̀ jɔ̀ vente prendre pou jɥə allumer ɔ̀ jɥɛ̀ bois sec ʊ́ jɥɛ́ boa ɟàkàlɪ ̀ í ɟə̄ ɟǐ piment fille mâcher, broyer, manger ʊ̀ ɟɔ̀ boue i ɟo dix ɟo cuire dans le feu ɟwə respirer, soupirer é ɟwə kà souffle, respiration donner - 88 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 kèlè faire kivlɛ rester dormir á klá c’est large é klə́ tabou klɪtɛ critiquer à klo pirogue ú kló froid ʊ́kɔ́ jumeau kɔ́fɛ̀ café kɔ̀sʊ̌ regarder ɛ̀ kɔ̀tɔ chapeau í kó boite kʊ̌ balayer ɛ́ kʊ́ chose ɛ́kʊ́ jɛ̀ nourriture ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀kʊ́ matériel à coudre ɛ̀ kʊ̀tɛ maison kǔ mourir í kū moitié, morceau ì kùglo écureuil kpà tailler ɛ́ kpà crocodile ʊ̀ kpà personne du même âge à kpàcɔ poisson ɛ̀ kpàcʊ́ épervier ɪ kpaɰlɔ̀ chauve-souris ù kpə̀fò cour kpɛ̌tɛ̂ cueillir (des fruits) ɛ̀ kpɛ̀tɛ̀ sac en branches de palmier é kpe promenade ékpeɟa lieu de promenade u kpî chien - 89 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ukpîvjù chiot ékpɔlʊ promeneur kplǎ apprendre (un métier) é kple proche ɪ ́ kplɛ̄ os kplě í kplē porter, soulever lance kpletʊ̀ être proche kpɔ́nɔ́ pain kpɔ frapper kpɔ faire les nattes (kpɔ ìdàmà) kpɔlǎ se redresser ɪ ́ lá barbe ɪ ́ lâ père ɔ́ la collet á lábɔ́ (côté intérieur de la) joue í lɛ fils ʊ́ lɛ vache ʊ́lɛɰa viande de bœuf álɛna façon d’être ó levì jeune homme ɪ ́lêvle grand-père lɪ être propre (lɪ ɛ́tʊ́) á lɪ village ɪ ̀ lɪ ́ nuit ʊ́ lɪ ́ taille lì dépasser ú lí grenier ú lí arbre grand pour faire des meubles lile tomber de manière dispersée (feuilles mortes…) lɔ̀ tomber a ́lɔ́ c’est noir - 90 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 á lɔ́ visage ɛ́ lɔ́ cheveu ɔ̀ lɔ́ noir ɔ́ lɔ̂kʊ̀ sel lʊ̀ se laver lʊ̀ tresser, tisser lʊ̌ porter ɛ́ lʊ́ tête ɔ́ lʊ personne ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́ enseignant ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ adulte á lʊ́lɥǎ c’est froid, c’est frais ɔ lʊlɥǎ froid, frais ɔ́lʊ́ná métier ú lú famille ú lu vent úlulì en plein air ú luví mâle, homme lɥà pleuvoir lɥɛ laver qn. lɥe être courbé ɛ́ mɛkʊ̀ ventre mimi avoir mal mkpɔ́nʊ́ miroir mli se lever mɔ̌ avaler ɔ́ mɔ̂ petit rongeur des champs ɔ́ mɔ́ɔ gorge ú mólɪ ́ riz é mú oeil émú ganasɔ́ cil ɪ ́ ná mère - 91 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ɛ́ ná pierre ɪ ̀ nàcɪ ̀ saison des pluies ɪ ́nâkà grand-mère ne percer (pour le corps) í nē piste d'animal i ́néɟə̄ soeur ɪ ́névle grand-mère nɔ̀ aiguiser ɛ́ nɔ fruit (ressemble à l’abricot) ɛ́ nɔ̄ moustique á nʊ́ loin ɔ́ nʊ̄ bagages ɔ́nʊ̄ ji ̌ marchandises nʊlɪ être long ɲe se réveiller í ɲé dehors ɲèɲè oncle ɲɪ ̌ tomber (de haut, pour une personne) ɔ́ ɲɪ mari ɪ ́ ɲɪtɪ ́ peur ɪ ́ ɲwà pigeon ɲ manger (pour des fruits) ŋlo écrire ɔ́ ɔzʊ́ type d'arbre pámpló bambou pàpá papa péjə̀ avocat pɔ́mpɪ ̀ pompe púsù chat sáfwɪ clé sɛ̀ marcher ɛ́ sɛ́ chose abstraite - 92 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ɔ́ sɛ́ queue ɔ́ sɛ́ɰá bavardage se décharger (bagages) é sé (qqch de) dur ú sé miel (ruche) setu être dur ɔ́ sɪ femme í sí igname sukû école sɥa suspendre sɥə être penché ɔ́ tá lapin ú tə́ salive tɛ tenir é tí terre étíɔkʊ́ assiette en terre étí vlu terre battue étíwɛ́ casserolle en terre cuite ú tí pilon ú tí puce ú ti sorcier ú tī fable, histoire à tíke médicament tɔ̌ ɔ́ tɔ́ s’arrêter trou tɔlɔ tomber tɔnʊ́ aiguille (à coudre) tɔ́tɔ́ petite sœur de ma mère (terme d’adresse) í to circoncision í tô cavité à la base du cou í tóo montagne tʊ accrocher - 93 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 tʊ̀ élever (animaux) ɛ́ tʊ corps ɛ̀ tʊ̀ toilettes ʊ́ tʊ́ oreille ɛ́tʊdɔ́ paix du corps ɛ́tʊɰa tout le corps ɛ́tʊvlɪ ́ peau du corps ù tùkpə chèvre ùtùkpəɰa viande de chèvre é túlé four ʊ́ ʊlɥá ombre ɔ́ va fonio cru vɛ̀ sauter ɔ́ vɛ̂ soleil veli enjamber, sauter ɪ vɪ eau ɪ ́vɪɟa cimetierre vǐ têter é ví sein é ví c’est grand, ça a grandi ú ví enfant e víɟe enfant, petit, cadet vìvì grande sœur de ma mère í vjû petit ɪ ́ vlá frère ú vlə́ ver de terre vlɛ̌ se coucher ɪ ̀ vlɛ̀ araignée ɔ̀ vlɛ̀ pagne ʊ́ vlɛ faim ɔ̀ vlɛ̀gba type de plante (donne la couleur indigo pour les pagnes) í vle nombril - 94 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ú vle sanglier ɪ ́ vlɪ ́ papier, livre ɪ ́vlɪ ́cɛ feuille de papier ɔ vlɔ sang ɪ ́ vlɔ́ɔ oiseau vlu pétrir ɪ ́ vʊ plaie í vú osier ì vù feu ɪ ́ wácɔ cafard wǎdɪ ́ être matinal á wɛ́ casserole ɛ̀ wɛ̀ souris íwécɔ petite casserole wele ɔ́ wɪ laver grand arbre wɪ ̌nɪ grandir wɔ̌ cacher íwovjû animal à wʊ̀ vêtements ɔ́ wʊ́ saison sèche ɔ́ wʊ́lʊ̂ oeuf ɛ̀ wʊ̀ɲà calebasse sauvage wù tresser (avec elu ‘tête’ en objet) wǔ mouliner à wû muet ɥɪ ̌ peindre ɥi rentrer ɥì fumer (poisson) ú ɥí herbe ú ɥídíni maison recouverte de paille ú ɥílî brousse - 95 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 ɛ za termite ɔ́ zazʊ̀ mouton zɔ appeler zɔ̌ dire zù piler ɔ́ zʊ́ haricot ú zɥə́ plat préparé avec de la farine de maïs grillé - 96 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 Bibliographie AFOLA-AMEY, U-A. 1995. Étude géolinguistique du pays Kposso. DEA pluridisciplinaire. Togo: Université du Bénin-Lomé. AFOLA-AMEY, U-A. 2002. La temporalité et les structures événementielles en ikposso, à partir de récits oraux. Thèse de Doctorat, Université Paris X-Nanterre. ANDERSON, C.G. 1999. ATR vowel harmony in Akposso. Studies in African Linguistics, 28(2):185-214. ANDERSON, C.G. 1999. Lexique ikposo français. Manuscrit électronique non publié. SIL. BLENCH, Roger. 2001. Comparative Central Togo : what have we learnt since Heine ? paper for 32nd Annual Conference on African Linguistics, revised. Cambridge. CAILLAT, Domitille et Mariana FRONTINI. 2005. Comparaison dialectale de deux parlers : akposso de Domé et akposso de Tomegbé (Togo). Licence 3. Université Lumière Lyon 2. CREISSELS, Denis. 1994. Aperçu sur les structures phonologiques des langues négroafricaines. Ellug. Université Stendhal, Grenoble. CREISSELS, Denis. 2006. Syntaxe générale, une introduction typologique. Hermès. CROWLEY, Terry. 2002. Serial verbs in Oceanic : a descriptive typology. Oxford University Press. EKLO, A.A. 1987. Le Kposso de Tomégbé (Togo): phonologie, grammaire, textes, lexique kposso-français. Thèse de 3ème cycle, Université de langues et lettres de Grenoble. LAMBERT-BRETIERE, Renée. 2005 Les constructions sérielles en fon: approche typologique. Thèse de doctorat, Département de Sciences du langage, Université Lumière Lyon 2, Lyon. RONGIER, Jacques 1989. Dictionnaire akposso-français, français-akposso. Manuscrit électronique non publié. WOLF, P.F. 1909. Grammatik der Kpossosprache-Nord-Togo, Westafrika. Anthropos, 4:142167, 630-659. - 97 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 I II Introduction ........................................................................................................................ 3 Contexte de l’étude............................................................................................................. 4 II.1 Quelques aspects du Togo.......................................................................................... 4 II.2 La langue ikposo et revue bibliographique ................................................................ 5 II.2.1 Classification...................................................................................................... 6 II.2.2 Divisions dialectales et bibliographie ................................................................ 7 II.3 Présentation de la méthodologie et de mon informatrice........................................... 8 II.4 Conventions................................................................................................................ 9 III Les segments ................................................................................................................ 10 III.1 Consonnes ................................................................................................................ 10 III.2 La question des approximantes ................................................................................ 11 III.2.1 Les approximantes vélaire ‘ɰ’ et latérale alvéolaire ‘l’................................... 11 III.2.2 Les semi-consonnes [ɥ], /j/ et /w/..................................................................... 12 III.2.3 Les semi-consonnes en position CV ................................................................ 13 III.2.4 Les semi-consonnes en position CAV ............................................................. 14 III.2.4.a Au niveau lexical...................................................................................... 15 III.2.4.b Au niveau morphonologique.................................................................... 16 III.2.4.c Interaction entre les niveaux lexicaux et morphonologique..................... 18 III.3 Les voyelles.............................................................................................................. 19 III.3.1 Système à 10 voyelles ...................................................................................... 19 III.3.2 Longueur vocalique et séquences de voyelles.................................................. 20 III.3.3 Harmonie vocalique +/- ATR........................................................................... 23 III.3.3.a Au niveau lexical...................................................................................... 23 III.3.3.b Au niveau morphonologique.................................................................... 25 III.3.4 ‘u’ et ‘ʊ’ : voyelles ‘par défaut’ ?..................................................................... 26 III.4 Syllabes .................................................................................................................... 28 III.4.1 Structure de la syllabe ...................................................................................... 28 III.4.2 Nombre de syllabes .......................................................................................... 29 III.4.2.a Pour les noms ........................................................................................... 29 III.4.2.b Pour les verbes ......................................................................................... 29 III.5 Rencontres de voyelles............................................................................................. 29 III.5.1 Fusion de deux voyelles ................................................................................... 30 III.5.2 Règle discursive non obligatoire : élision ou réduction de V1 ........................ 31 III.5.3 Elision ou réduction obligatoire ....................................................................... 33 III.5.4 Constructions nom-nom ................................................................................... 34 III.5.5 Frontières de mots ............................................................................................ 38 IV Tonologie ..................................................................................................................... 40 IV.1 Registres tonals ........................................................................................................ 40 IV.1.1 Quatre niveaux ................................................................................................. 40 IV.1.2 Modulations...................................................................................................... 41 IV.1.3 Tons et intonation............................................................................................. 42 IV.2 Schèmes tonals des noms ......................................................................................... 42 IV.2.1 Noms dissyllabiques......................................................................................... 43 IV.2.2 Trissyllabes....................................................................................................... 45 V Morphologie ..................................................................................................................... 48 V.1 Les classes de mots .................................................................................................. 48 V.1.1 Les adverbes et les idéophones ........................................................................ 48 - 98 - Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007 VI Morphologie et syntagme nominal............................................................................... 50 VI.1 Morphologie nominale ............................................................................................. 50 VI.1.1 Dérivation de noms à partir de verbes.............................................................. 50 VI.1.2 Suffixes dérivatifs ............................................................................................ 51 VI.2 Syntagme nominal.................................................................................................... 52 VI.3 Les adpositions......................................................................................................... 53 VI.4 Le démonstratif ........................................................................................................ 54 VI.5 Le défini ................................................................................................................... 55 VI.6 Les possessifs ........................................................................................................... 56 VI.6.1 Segments et tons des possessifs ....................................................................... 56 VI.6.2 Distribution des deux paradigmes de possessifs .............................................. 57 VI.7 Les marques de pluriel ............................................................................................. 58 VI.7.1 Pluriels réguliers............................................................................................... 58 VI.7.2 Pluriels irréguliers et anciennes classes nominales .......................................... 58 VI.8 Dépendants du nom lexicaux ................................................................................... 61 VI.8.1 Verbes dépendants de nom............................................................................... 61 VI.8.1.a Comparaison avec la structure argumentale du verbe.............................. 61 VI.8.1.b Aspects des verbes dépendants de nom.................................................... 62 VI.8.2 Noms dépendants de noms............................................................................... 63 VII Morphologie et syntagme verbal.................................................................................. 64 VII.1 Structure verbale : syllabes et tons....................................................................... 64 VII.1.1 Verbes monosyllabiques : trois catégories tonales........................................... 64 VII.1.2 Discussion du choix de la forme verbale de travail ......................................... 65 VII.1.3 Verbes dissyllabiques indécomposables .......................................................... 66 VII.1.3.a Schèmes et comportements tonals............................................................ 66 VII.1.4 Verbes dissyllabiques décomposables ............................................................. 69 VII.2 Morphologie verbale ............................................................................................ 70 VII.2.1 Les indices sujet ............................................................................................... 70 VII.2.2 Les marques de temps et d’aspect .................................................................... 72 VII.2.3 Aspect grammatical vs aspect lexical............................................................... 72 VII.2.4 Comportement des tons dans la morphologie verbale ..................................... 73 VII.2.4.a Influence tonale de la personne sur l’aspect............................................. 74 VII.2.4.b Variation tonale des verbes conjugués ..................................................... 74 VII.2.5 Morphèmes de négation ................................................................................... 77 VII.2.6 Les pronoms objet et oblique ........................................................................... 77 VIII Perspectives pour l’analyse syntaxique..................................................................... 80 VIII.1 Ordre des mots ..................................................................................................... 80 VIII.2 Sérialisation.......................................................................................................... 81 IX Conclusion.................................................................................................................... 83 Annexes.................................................................................................................................... 84 Lexique..................................................................................................................................... 85 Bibliographie............................................................................................................................ 97 - 99 -