Togo, région des Plateaux

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Aude SOUBRIER (2010897)
Master Sciences du Langage
Université Lumière Lyon 2
Description des langues
Juin 2007
‘Phonologie et morphologie
de l’ikposo de Doumé
(Togo, région des Plateaux)’
Directeur : Denis Creissels
Informatrice : Marie Evenyo
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Je tiens avant tout à remercier Marie Evenyo pour sa disponibilité, sa patience (surtout pour
les tons) et sa bonne humeur. Les séances de travail ont vraiment été très agréables.
Je remercie également mon directeur Denis Creissels pour ses nombreux conseils, ainsi que
tous les gens du laboratoire Dynamique Du Langage qui ont pu m’aider, de près ou de loin.
J’aimerais aussi remercier Coleen Anderson pour son aide et son accueil chaleureux dans le
réseau des linguistes liés à l’ikposo.
Enfin, mes pensées vont à Mariana Frontini, à ma mère et à Stéphane pour leur aide et leur
soutien dans la dernière ligne droite.
-2-
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
I Introduction
Ce travail, effectué dans le cadre du Master 2 de Sciences du Langage de l’Université
Lumière Lyon 2, constitue l’aboutissement d’une première étape de la description de la
langue ikposo du Togo, appartenant à la famille kwa. Il a été l’occasion d’apprendre le travail
avec une informatrice et de découvrir la langue et de se familiariser avec elle. Il s’agissait ici
d’établir les bases phonologiques et morphologiques de la langue. L’approche est descriptive
mais l’objectif est aussi de garder un regard typologique.
Une première partie donnera une brève description du pays, de la langue et de ses divisions
dialectales, ainsi que de la méthodologie. Les deux parties suivantes s’attacheront à la
phonologie de la langue, d’une part segmentale et d’autres part tonale. Puis les premiers
résultats de l’étude morphologique seront exposés pour le syntagme nominal et le syntagme
verbal. Enfin, nous verrons les perspectives qu’offre ce travail.
Mes deux principales sources bibliographiques sont Anderson (1999) et Eklo (1987). Comme
j’y fait constamment référence, les dates de publication ne seront plus indiquées, afin
d’alléger le texte.
-3-
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
II C ontexte de l’étude
Cette partie a pour but de présenter le contexte global de l’étude, ce qui donne un résultat
assez hétérogène. Nous verrons tout d’abord une brève description démographique et
linguistique du Togo, une présentation de la langue ikposo et de ses dialectes ainsi que les
précédents travaux sur le sujet. Ensuite, concernant ce travail à proprement parler, je
présenterai mon informatrice, la méthodologie et les conventions employées.
II.1
Quelques aspects du Togo 1
Le Togo est l’un des plus petits pays d’Afrique, 56 790 km2, constitué d’une bande de terre
d’environ 550 km sur 130 entre le Ghana à l’ouest, le Bénin à l’est et le Burkina Faso au nord.
La population compte 6 143 000 habitants (2005). La capitale est Lomé, située sur le golfe de
Guinée. Le pays est divisé en cinq régions : les Savanes, la Kara, le Centre, les Plateaux et la
Région Maritime.
La population est très diversifiée avec plus de 40 ethnies et langues différentes, sans qu’il n’y
ait un groupe majoritaire. Les plus nombreux sont les Ewés, au sud, et les Kabiyés, au nord,
1
L’essentiel des informations de cette partie provient du site de l’Université de Laval au Québec :
http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/afrique/togo.htm
-4-
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
dont les langues sont parlées respectivement par 20% et 16% de la population. Les langues du
Togo appartiennent majoritairement à la famille Niger-Congo dans les branches kwa (comme
l’éwé et l’ikposo), gur (comme le kabiyé), mandingue et ouest-atlantique (comme le peul).
Les langues kwa et gur représentent à elles seules plus de 90% des langues du Togo.
La langue officielle, suite à la colonisation, est le français. C’est la langue de la législation, de
l’administration et la principale langue de l’éducation. L’éwé et le kabiyé ont le statut de
langues nationales et sont les seules langues à être enseignées à l’école à côté du français,
mais uniquement au niveau de l’école maternelle et de façon marginale. Le mina, forme
véhiculaire de l’éwé, sert de langue de communication à travers tout le Togo.
L’histoire du Togo et les dominations successives qu’il a connues au cours des XIXe et XXe
siècles ne seront pas approfondies ici. Cependant elles sont répercutées dans les langues et
sont surtout visibles au niveau du lexique. Pour l’ikposo, on note de nombreux emprunts
venant de l’éwé et de l’anglais. En effet, l’anglais était la langue utilisée par les Allemands
pendant leur domination de 1880 à 1914. Puis la partie ouest du pays fut sous domination
anglaise alors que le reste du pays – et ensuite tout le pays – devint une colonie française. On
trouve donc aussi des emprunts au français. Le corpus compte même un emprunt au portugais
avec sáfwɪ ‘clé’ (de chave) qui doit dater du XVIème siècle, époque à laquelle les portugais
pratiquaient un commerce actif au Togo. Enfin le lexique contient des lexèmes dont la
structure font immédiatement penser à des emprunts, sans que j’ai pu déterminer leurs langues
d’origine, qu’elles soient parmi celles citées ou d’autres.
II.2
La langue ikposo et revue
bibliographique
Le terme utilisé dans ce travail pour désigner la langue étudiée est ‘ikposo’. D’autres noms lui
sont données dans d’autres études, notamment kposo, kposso et akposso. Littéralement,
‘akposo’ désigne le peuple et ‘ikposo’ la langue, ‘kposo’ étant la base nominale commune. Il
semble qu’aujourd’hui le terme ‘ikposo’ soit le plus couramment utilisé par les chercheurs
travaillant sur cette langue.2
2
Par exemple, Eklo, sous la direction de Creissels, a utilisé kposso, mais tenait au terme ikposo, parce que c’est
le terme utilisé par les locuteurs eux-même. Anderson a utilisé akposso, mais lors de communications
personnelles récentes, elle a insisté sur le fait que ikposo désigne la langue et akposo le peuple. La thèse de
Afola-Amey, publication la plus récente sur la langue, utilise le terme ikposso. Personnellement, je préfère
l’orthographe ikposo à ikposso parce qu’elle ne fait pas référence à l’orthographe française.
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II.2.1
Classification
Le groupe akposo, dont la langue appartient au groupe kwa, se situe essentiellement dans la
région des Plateaux, sud-ouest du Togo, dans les préfectures de Wawa et Amou, et une partie
au Ghana. Les chiffres concernant la population varient selon les sources. Eklo, en 1987,
propose le chiffre de 200 000 habitants. Anderson, en 1999, donne 100 000 locuteurs pour le
Togo et 5 000 pour le Ghana. La SIL en 20023 indique une population de 155 000 personnes
pour le Togo et de 7 500 personnes pour le Ghana, sans préciser s’il s’agit de population
ethnique ou de locuteurs.
Le schéma présenté en (1) montre l’affiliation génétique de la langue donné par le site de la
SIL. Le chiffre entre parenthèses représente le nombre de langues appartenant au groupe cité.
Les trois autres langues apparentées à l’ikposo au dernier niveau sont l’Adangbe, l’Igo et le
Tuwuli.
(1)
Niger-Congo (1514) > Atlantic-Congo (1418) > Volta-Congo (1344) > Kwa (80) >
Left Bank (30) > Kposo-Ahlo-Bowili (4) > Ikposo
A partir de la branche kwa, on voit en (2) la classification donnée par Blench (2001).
3
http://www.ethnologue.com/show_language.asp?code=kpo
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(2)
Recent classification of Kwa languages (Blench, 2001)
Central
Tano
Tano
Bia
South
Guang
Akan
Nzema-Ahanta
Anyi, Baule, Anuf
Efutu-Awutu
Larteh-Cherepong-Anum
Northern Guang
Ga
Dangme
Lelemi-Lefana
Siwu-Lolobi
Likpe, Selee
Logba
Anii, Adele
Proto-Kwa
Na-Togo
Avatime
Nyangbo-Tafi
Kposo, Igo, Wuli
Kebu, Animere
Ka-Togo
Ewe
Gen, Aja
Fon-Phla-Phera
Gbe
II.2.2
Divisions dialectales et bibliographie
L’ikposo se divise ensuite en cinq ou six dialectes selon les sources. Le logbo, l’uma, l’uwi, le
litimé et l’ikponu sont cités par Eklo. Le site de la SIL ajoute l’amou-oblou. Mon travail porte
sur la variante uwi parlée à Doumé, dépendant de la préfecture de Wawa.
Les précédents travaux sur l’ikposo portent sur différents dialectes. La variante Litimé de
Tomégbé est jusqu’à présent la mieux décrite avec deux linguistes, Jacqueline Alubue Eklo
dont la thèse de 1987, à Grenoble, est une description générale de la langue (phonologie,
morphologie, syntaxe) et Christine Afola Amey, dont la thèse (2002), à Paris, donne une
analyse textuelle d’un point de vue psycholinguistique. Elle a également écrit un mémoire de
DEA, une étude géolinguistique, à l’Université de Lomé. Je n’ai malheureusement pas encore
eu accès à ces deux dernières sources.
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La variante uwi reste peu décrite. On peut trouver un article de Wolf de 1909 dans la revue
Anthropos, qui est une première ébauche de description. Plus récemment, Anderson a publié
en 1999 un article sur l’harmonie vocalique de l’ikposo en travaillant avec des locuteurs du
groupe de villages Okou-Onga-Otandjobo. J’ai également eu accès à un lexique plus récent, à
l’état de manuscrit et donc non publié, de Anderson. Sur le dialecte de Amou-Oblo, il y a un
dictionnaire, non publié également, de Jacques Rongier.
Sur la différence entre ces deux principaux groupes dialectaux, on peut citer une note de
Anderson :
‘Afola-Amey has supported the argument that Akposso can be split into two main dialects of which Uwi
and Litimé each charcterize the main differences between the two dialect groupings. Anderson,
Dozeman, Hatfield and Kluge [1992], a sociolinguistic survey conducted among the Akposso between
May and September of that year, shows a 79-81% intelligibility between the two major dialects based
on a 122 word list drawn from ‘Les listes lexicales kwa’ [1983].’
La thèse de Eklo et l’article de Anderson sont mes deux principales sources bibliographiques.
Aussi, lorsqu’elles seront citées dans la suite du texte, la référence ne sera pas donnée afin
d’alléger la présentation. Un lexique comparatif entre ces deux sources et mes propres
données est en cours de réalisation.
II.3
Présentation de la méthodologie et de
mon informatrice
Ce travail a été constitué à partir de données récoltées auprès d’une seule locutrice, Marie
Evenyo, une femme de 45 ans, née au Togo, dans le village de Doumé où elle a passé sont
enfance. Elle a appris l’ikposo dans sa famille et son village, puis le mina à l’école maternelle
et enfin le français à l’école secondaire. Elle vit en France depuis l’âge de 15 ans. Elle garde
le contact avec l’ikposo en le parlant avec sa tante, également sur la région lyonnaise. Elle
parle français avec ses enfants, mais ceux-ci comprennent quelques mots d’ikposo.
Comme je n’ai travaillé qu’avec une seule locutrice, la description donnée dans ce travail est
par conséquent une description idiolectale. Ceci est à prendre en compte pour certains aspects
de la description et pour des comparaisons éventuelles.
Lors d’un premier travail constituant un mini-mémoire pour le Master 1, l’étude d’un texte
enregistré m’avait permis d’avoir un premier contact avec la langue et de découvrir un large
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panel de ses caractéristiques, sans pour autant les approfondir. Pour ce présent travail, je me
suis limitée pour la récolte de données à des séances d’élicitation. En effet, j’ai voulu me
concentrer sur l’étude de la phonologie, de la tonologie et un peu de morphologie.
Une grande partie des données élicitées pour ce travail l’a été à partir des données présentées
dans l’article de Anderson. Notamment, les listes de noms ont été systématiquement élicitées
éventuellement dans un but de comparaison inter-villages.
Pour illustrer les analyses, j’ai essayé de diversifier les exemples. Toutefois comme le corpus
est relativement réduit, il était inévitable que le même exemple serve pour des points
différents.
II.4
Conventions
Dans les transcriptions, les tons haut H, moyen 2 M2, bas L, montant R et descendant F sont
rendus respectivement par les diacritiques é, ē, è, ě, ê et le ton moyen M n’est pas marqué.
Les abréviations suivantes ont été utilisées :
*
= impossible
?
= douteux
= frontière morphémique
1, 2, 3
= 1ère, 2ème, 3ème personne
A
= approximante
ACP
= accompli
C
= consonne
COORD = coordinateur
DEF
= défini
DEFPL = défini pluriel
DEM
= démonstratif
DIM
= diminutif
DISC
= discursif
FOC
= marque de focalisation
FUT
= futur
INAC
= inaccompli
INCH
= inchoatif
LOC
= locatif
N
= nasale
NEG
= négatif
O
= objet
P
= pluriel
PL
= pluriel
Poss
= possessif
PREP
= préposition
S
= singulier
V
= voyelle
X
= oblique
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III Les segments
s egments
III.1
Consonnes
Le tableau des consonnes ci-après présente les phonèmes attestés en ikposo de Doumé. La
transcription utilise les symboles de l’API. Les oppositions permettant de les constituer
comme phonèmes ne sont pas présentées ici. Seuls les cas problématiques seront discutés
ultérieurement. L’approximante labio-palatale [ɥ] est entre crochets car elle constitue une
variante contextuelle de la labio-vélaire /w/. Cependant comme il s’agit de la seule variante
contextuelle, et qu’elle a été classée comme phonème pour le dialecte de Tomégbé par Eklo,
j’ai préféré la conserver dans le tableau de présentation des consonnes. Pour une description
des conditions de son apparition, voir la partie III.2.2. Elle est classée avec les labiales par
économie pour éviter de créer une colonne pour un seul élément – non phonologique de
surcroît.
Labiales
Alvéolaires
Palatales
Vélaires
Labiovélaires
sourde
p
t
c
k
kp
sonore
b
d
ɟ
g
gb
m
n
ɲ
ŋ
sourde
f
s
sonore
v
z
[ɥ]
l
j
ɰ
Occlusives
Nasales
Fricatives
Approximantes
w
Table 1 – Consonnes
Parmi les autres consonnes, deux sont rares et apparaissent dans des mots empruntés. Comme
ces mots sont néanmoins utilisés spontanément, ces consonnes sont considérées comme
faisant partie du système. En (3) nous voyons les mots de notre liste contenant /p/ – les trois
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premiers viennent de l’anglais – et en (4) le seul mot contenant /ŋ/ – qui vient de l’éwé.
(3)
(4)
péjə̀
púsù
pɔ́mpɪ ̀
pámpló
pàpá
‘avocat’
‘chat’
‘pompe’
‘bambou’
’papa’
ŋlo
‘Ecris !’
III.2
La question des approximantes
Les approximantes sont au nombre de cinq [ɥ, l, j, ɰ, w] définies respectivement comme
labio-palatale, alvéolaire latérale, palatale, vélaire et labio-vélaire. Parmi elles trois de ce
qu’on appelle semi-consonnes ou semi-voyelles [j, ɥ, w] correspondant phonétiquement aux
voyelles [i, y, u] avec une réalisation plus fermée. La question est de savoir quelle est le statut
phonologique de ces semi-consonnes et quelles relations elles entretiennent.
III.2.1
Les approximantes vélaire ‘ɰ’ et latérale alvéolaire ‘l’
Bien que je n’ai pas de paire minimale opposant l’approximante vélaire /ɰ/ à l’approximante
labio-vélaire /w/, elles peuvent se rencontrer dans le même contexte vocalique.
(5)
ɪ ́ɰɛ̄
áwɛ́
ɔ́ɰlɔ
ɔ́wʊ́
‘couteau’
‘casserole’
‘poule’
‘saison sèche’
De plus /ɰ/, contrairement à [ɥ] comme on va le voir dans la partie suivante, ne semble pas
limitée à un contexte vocalique particulier. Ces deux faits permettent de la considérer comme
un phonème.
Par ailleurs, il semble que l’opposition puisse être neutralisée :
‘There is loss of contrast for the velar approximates [ɰ and w] when they fall between back rounded
vowels. People argue over whether to write ‘snake’ ɔ́ɰɔ : some want to write it ɔ́ɰɔ and others ɔ́wɔ.’
(Anderson, communication personnelle)
Ce contexte – entre deux voyelles d’arrière – est intéressant d’un autre point de vue :
l’approximante peut être élidée, si le mot est trissyllabique, comme on peut le voir en (6).
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Ceci sera plus longuement discuté dans la partie sur la longueur vocalique et les séquences de
voyelles (III.3.2).
(6)
ɔ́ɰɔ
ɔ́ɔkʊ
ɔ́ɔvjû
ɔ́ɰɔ
ɔ́ɰɔ
serpent
serpent moitié
íku
serpent petit
ɔ́ɰɔ
ívjû
‘serpent’
‘moitié de serpent’
‘petit serpent’
Par contre, l’approximante vélaire [ɰ] se dénote par le fait qu’elle ne peut pas se trouver dans
la position CAV mais seulement CV, ce qui rend la classe des approximantes hétérogène.
L’approximante latérale n’appelle pas de remarque particulière. Elle peut se rencontrer en
position CV et en position CAV, sans restriction par rapport aux voyelles environnantes.
Dans cette dernière position, elle est toujours d’origine lexicale et ne peut provenir, au
contraire des semi-consonnes, d’une réduction de voyelle.
La comparaison des deux noms présentés en (7) permet de penser que le même processus
d’élision entre deux voyelles d’arrière identiques s’est passé pour ‘ombre’. Par contre la
situation est complètement lexicalisée puisqu’on ne peut introduire la latérale : *ʊ́lʊlɥá.
(7)
ʊ́ʊlɥá
ɔ́lʊlɥá
‘ombre’
‘(qch de) frais’
III.2.2
Les semi-consonnes [ɥ], /j/ et /w/
Alors que la phonologie segmentale de l’ikposo est relativement simple, le statut des
approximantes, surtout celui de l’approximante labio-palatale, pose problème. Une seule paire
minimale pousse Eklo à conclure que la labio-palatale est bien un phonème distinct de ‘w’
pour le parler de Tomégbé :
‘L’identité phonologique de /ɥ / ressort des oppositions suivantes :
ɥ/j
jī
‘entrer’
ɥì
‘lier’
ɥ/w
xɥē
‘décharger’
xwē
‘être proche’
La reconnaissance du phonème /ɥ / pose un problème d’analyse dans notre parler. En effet on
pourrait supposer que /ɥ / et /w/ sont des variantes d’un même phonème, car ils apparaissent dans
des contextes généralement différents. On a toutefois un cas où /ɥ / s’oppose à /w/ : voir ci-dessus.
- 12 -
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Nous nous en tenons donc à la seule opposition relevée pour identifier /ɥ / comme phonème ; sa
réalisation est une labio-palatale.’
Typologiquement, [ɥ] est en effet très rare, et ce d’autant plus dans une langue qui ne possède
pas la voyelle correspondante [y]. Aussi, lorsque les conditions d’apparition sont
généralement très contraintes, il est difficile de se résoudre à le considérer comme un
phonème.
Dans le parler de Doumé, les verbes de la paire citée par Eklo ne sont pas utilisés4. L’analyse
qui suit, à condition de bien distinguer les niveaux (lexical vs morphonologique) et les
positions (CV vs CAV), arrive à la conclusion que [ɥ] est une variante contextuelle de /w/.
Les cas des trois semi-consonnes seront traités en parallèle.
III.2.3
Les semi-consonnes en position CV
L’opposition de la palatale et de la labio-vélaire dans ce contexte ne fait aucun doute. Les
deux sons peuvent être en contact avec les mêmes voyelles, et aucun des deux n’est restreint à
un contexte particulier.
Par contre, d’après les données pour ce mémoire, il faudrait également poser [ɥ] comme
phonème pour le parler de Doumé, si l’on se base sur la paire quasi-minimale suivante. Les
deux verbes sont conjugués afin que l’harmonie vocalique prouve que les voyelles des verbes
ont bien le même timbre.
(8)
á-wɪ ́nɪ
á-ɥɪ ́
wɪ ̌nɪ
ɥɪ ̌
3S.ACP-grandir
3S.ACP-peindre
grandir
peindre
‘Il a grandi’
‘Il a peint.’
‘Grandis !’
‘Peins !’
Cependant, un certain nombre d’arguments contredisent la conclusion qu’on pourrait tirer de
cette paire minimale. En effet il faut noter que la labio-palatale en position CV est toujours
suivie d’une voyelle haute d’avant (9).
(9)
4
ɥɪ ̌
ɥi
ɥì
úɥí
‘peindre’
‘rentrer’
‘fumer (poisson)’
‘herbe/paille’
Mon informatrice utilise se ‘décharger’ et kple ‘être proche’.
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
D’autre part, alors que les séquences [jɥ] dans un lexème sont relativement fréquentes suivies
d’une autre voyelle [-haute] (10), les séquences [jɥɪ] ou [jɥi] ne sont pas lexicales et
n’apparaissent que dans le résultat d’une réduction vocalique ou après élision (11). La
séquence *jw n’est pas attestée.
(10)
(11)
ʊ́jɥɛ́
ɔ̀jɥɛ̀
jɥə
‘boa’
‘bois sec’
‘allumer’
ájɥɪɰa
á-jɔ
jɥivù
ɪ ́ɰa
jɥə
ìvù
3S.ACP-prendre viande
allumer feu
‘Elle a pris la viande.’
‘Allume le feu !’
Donc si l’on reste au niveau lexical, on peut faire l’hypothèse d’une contrainte selon laquelle
la séquence [jɥ] est réalisée [ɥ] devant une voyelle d’avant haute. Si cette hypothèse se
vérifie, le cas de [ɥ] en position CV ne serait donc qu’un cas particulier de la position CAV.
III.2.4
Les semi-consonnes en position CAV
Dans cette position également on trouve [ɥ] dans des contextes similaires à /w/. Mais ici
aussi, il est important de faire la distinction entre le niveau lexical et le niveau
morphonologique avant de prendre une décision sur le statut de la labio-palatale. Les
exemples (12) et (13) montrent ces contextes similaires dans la chaîne parlée rapide.
(12)
(13)
Niveau lexical
Niveau morphonologique
ássɥawʊ̀ ni ́
nakɔ́swalɪ
swa
swa
á-sɥa
àwʊ̀
ní
3S.ACP-suspendre
vêtement déjà
na-kɔ́sʊ
álɪ
1S.ACP-regarder village
‘Il a déjà suspendu le vêtement.’
‘J’ai regardé le village.’
ádɪ ́ kállɥâ
nalwá
lwágbêdɪ
̀
lwá
ádɪ ́
ká-lɥâ
na-lʊ́
pluie
ASP-pleuvoir
1S.ACP-porter manioc
‘Il pleut.’
àgbèdɪ ̀
‘J’ai porté le manioc.’
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Mais ici encore, on voit que pour ‘suspendre’ et ‘pleuvoir’, la labio-palatale fait partie du
lexème alors que pour ‘regarder’ et ‘porter’, la labio-vélaire n’apparaît qu’après réduction
vocalique.
III.2.4.a Au niveau lexical
Lorsqu’on regarde uniquement les lexèmes, on s’aperçoit que la labio-palatale n’apparaît que
précédée d’une consonne alvéolaire /s, z, l/ (14) ou de l’approximante palatale /j/ comme on
l’a vu en (10). Le corpus ne compte pas de mot avec /t, d, n/ suivi d’une approximante. Mais
on peut faire l’hypothèse qu’elles se conduiraient comme les autres alvéolaires. Ces mêmes
consonnes – les alvéolaires – ne sont jamais suivies de /w/.
(14)
sɥa
lɥɛ
sɥə̀
‘suspendre’ ‘laver5’
úzɥə́
lʊlɥa
élɥé
‘pencher’ ‘plat6’
‘frais’
‘il est courbé7’
Il est difficile de savoir si la voyelle qui suit l’approximante a une influence ou non dans le
choix de celle-ci. En effet, je n’ai pour l’instant pas de mot contenant la séquence
C[+alvéolaire]A[ɥ ou w]V[+arrière]. Par conséquent on ne peut pas savoir si une voyelle [-arrière] est
nécessaire à la présence de la labio-palatale.
Au niveau lexical, les consonnes palatales suivantes /c, ɟ, ɲ/ ne provoquent pas l’apparition de
la labio-palatale :
(15)
ɪ ́ɲwà
éɟwə
cwě
‘pigeon’
‘souffle’
‘verser’
Toutefois,
le
corpus
ne
compte
pas
de
mot
avec
une
structure
syllabique
C[+palatale]AV[+avant,+haute]. Il est possible que dans ce contexte l’approximante serait la labiovélaire.
Par contre, comme on l’a vu (10), l’approximante palatale provoque bien l’apparition de la
labio-palatale et la séquence *jw n’est pas attestée. L’hypothèse supplémentaire est que les
séquences [jɥi] et [jɥɪ] dans un lexème soient réalisées simplement [ɥi] et [ɥɪ] (III.2.3). Les
palatales ne constitueraient donc pas un groupe homogène, puisque l’approximante palatale a
un comportement différent des autres.
5
‘Laver un être humain’
Plat préparé avec de la farine de maïs grillé.
7
Ce verbe n’apparaît dans le corpus qu’avec les marques de personne et d’aspect. On ne peut donc pas savoir
encore s’il est montant ou bas en isolation.
6
- 15 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Quant à l’opposition entre l’approximante palatale /j/ et la labio-vélaire /w/, il n’est pas
possible pour l’instant de savoir si elles sont en distribution complémentaire ou non en
position CAV, lorsqu’il s’agit d’un lexème. En effet, le corpus ne compte que deux mots avec
/j/ (16). On ne trouve pas /w/ dans des contextes similaires, mais on ne peut guère en tirer de
conclusion.
(16)
úbjə́
ívjû
‘larme’
‘petit’
III.2.4.b Au niveau morphonologique
Lors de la rencontre de deux voyelles dans la chaîne parlée rapide, on observe soit une
réduction, soit une élision d’une des deux voyelles. Pour le problème du statut de la labiopalatale [ɥ], nous allons nous concentrer sur des exemples ‘verbe – objet’ où c’est la voyelle
finale du verbe qui est réduite ou élidée au profit de la voyelle initiale de l’objet. Plus
précisément, seuls les cas de réduction vocalique des voyelles d’arrière nous intéressent ici.
La règle générale est que les voyelles d’arrière /u, ʊ, o, ɔ/ se réduisent vers l’approximante
labio-vélaire /w/ et les voyelles d’avant hautes vers la palatale /j/ (17) – alors que les autres
voyelles [-hautes, -arrières] sont simplement élidées. Au niveau tonal, c’est le ton de la
voyelle finale du premier mot qui est conservée.
(17)
nakw
kwédínî
kw
na-k
kʊ́
ájá vé ljɔ̀
lj tɔ́
édínî
á-já
vé
lì
ɔ́tɔ́
1S.ACP-balayer maison
3S.ACP-attendre sauter dépasser trou
‘J’ai balayé la maison.’
‘Elle a sauté par-dessus le trou.’
Dans certains contextes la réduction ne se fait pas vers la labio-vélaire mais vers la labiopalatale [ɥ]. Le contexte de cette variation semble assez clair. La consonne précédant
l’approximante doit être alvéolaire /t, d, n, s, z, l/ (18) ou palatale /c, ɟ, ɲ, j/ (19) et la voyelle
qui suit doit être [+avant, +haute] /i, ɪ/, à l’exception de la palatale /j/, après laquelle la
voyelle se réduit en [ɥ] quelle que soit la voyelle suivante (20).
(18)
án
nɥɪ ́ɰɛ̄
́
nallɥɪ ́ɰâ
́
á-nɔ́
ɪ ́ɰɛ̄
na-lʊ́
3S.ACP-aiguiser
couteau
1S.ACP-porter cochon
‘Il a aiguisé le couteau.’
ɪ ̀ɰà
‘J’ai porté le cochon.’
- 16 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(19)
áccɥícû
á-cɔ́
(20)
éɟɥ
ɟɥi
ɟɥisí
é-ɟo
ísí
3S.ACP-tailler bois
ícû
3S.ACP-cuire
igname
‘Il a taillé du bois.’
‘Il a cuit l’igname.’
ájjɥagbèdì
á-jɔ
àgbèdì
3.ACP-prendre manioc
‘Il a pris le manioc.’
(21)
nalw
lwɔ́
lwɔ́vlɛ̂
na-lʊ́
ɔ̀vlɛ̀
1S.ACP-tresser pagne
‘J’ai tressé le pagne.’
Le comportement des consonnes alvéolaires et palatales lors de ce phénomène de réduction
permet de les regrouper dans une seule classe naturelle qu’on peut appeler ‘consonnes
d’avant’, par analogie aux voyelles. Il faut remarquer que ce regroupement n’est possible
qu’au niveau morphonologique, puisque comme on l’a vu en III.2.4.a, les deux groupes ne se
conduisent pas de la même manière au niveau lexical.
Deux exemples contredisent cette analyse en (22). Le contexte est cependant un peu
particulier, puisque la structure syllabique est CAAV au lieu de CAV comme dans les
exemples précédents. Il faudrait donc admettre que la position CAAV ne peut être remplie par
la labio-palatale, bien que je ne vois pas d’explication – articulatoire ou autre – pour justifier
cette différence avec les syllabes CAV.
(22)
éŋlw
ŋlwɪ
ŋlwɪvɪ ́
é-ŋlo
dɔ́kɪtèɰ
ɰlwɪ
lwɪnâkà
ɪ ́vlɪ ́
dɔ́kɪtà
é-ɰlo
ɪ ́nâ-kà
3S.ACP-écrire lettre
médecin 3S.ACP-opérer mère-grand
‘Il a écrit une lettre.’
‘Le médecin a opéré la grand-mère.’
- 17 -
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III.2.4.c Interaction entre les niveaux lexicaux et
morphonologique
Enfin, il est intéressant de voir comment est gérée l’interaction entre les deux niveaux lexical
et morphonologique qui viennent d’être approfondis.
(23)
nassɥɔvlɛ̀
ɥɔ
na-sɥa
ɔ̀vlɛ̀
1S.ACP-suspendre
pagne
‘J’ai suspendu le pagne.’
(24)
éccɥɪ ́vɪ
́
écwé
ɪvɪ
3S.ACP-verser eau
‘Il a versé l’eau.’
L’exemple (23) montre que la labio-palatale provenant du niveau lexical est conservée au
niveau morphonologique même quand le contexte demanderait la labio-vélaire lors d’une
réduction vocalique.
Par contre, dans l’exemple (24) ci-dessus, la labio-vélaire provenant du niveau lexical n’est
pas conservée. Cet exemple peut être par ailleurs un indice en faveur de l’hypothèse présentée
plus haut selon laquelle la séquence C[+palatale]AV[+avant,+haute] appellerait la labio-palatale plutôt
que la labio-vélaire dans la position de l’approximante. Toutefois, comme il ne s’agit encore
une fois pas du même niveau d’analyse, il vaut mieux être prudent tant qu’on a pas plus de
données.
Pour résumer, considérer [ɥ] comme une variante contextuelle de /w/ paraît être une analyse
assez solide à condition de toujours séparer les différents niveaux d’analyse, lexical vs
morphonologique et les positions CV vs CAV (et CAAV). Bien qu’allant à l’encontre de la
règle des paires minimales, une telle analyse serait satisfaisante d’un point de vue
typologique, l’approximante labio-palatale étant un phonème très rare dans les langues,
d’autant plus lorsque celles-ci n’ont pas la voyelle d’avant haute arrondie correspondante.
- 18 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Les conditions d’apparition de [ɥ] sont récapitulées dans le tableau suivant :
position CAV
Contextes
niveau lexical
position CAAV
niveau morphonologique
(avec réduction vocalique)
C[alvéolaire] _V[+haute, +avant]
ɥ
ɥ
C[alvéolaire] _V[-i, ɪ]
ɥ
w
ɥ
(j → Ø/_ ɥ V[+haute,
+avant])
ɥ
C[palatale] _V[+haute, +avant]
?
ɥ
C[palatale] _V[-i, ɪ]
w
w
autres cas
w
w
j _V
w
On remarque que dans le tableau la position CV n’est pas représentée. C’est qu’elle est
réanalysée comme une position CAV dans le contexte particulier d’un lexème de forme [jɥi]
ou [jɥɪ] à la suite duquel /j/ est élidée.
Si cette hypothèse est confirmée pour le dialecte uwi, une écriture phonologique devrait ne
pas conserver ɥ. Pour les transcriptions de ce mémoire, toutefois, j’ai conservé le symbole.
Quant à /j/ et /w/ l’opposition est phonologique en position CV. En position CAV, après
réduction vocalique, la distribution est complémentaire. Par contre, en position CAV au
niveau lexical, les données manquent pour conclure sur leur statut.
III.3
III.3.1
Les voyelles
Système à 10 voyelles
Contrairement au dialecte ikposo litimé – avec Tomegbé comme référence pour ce travail et
la thèse de Eklo comme source de documentation – qui a un système à 9 voyelles /i, ɪ, e, ɛ, a,
- 19 -
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o, ɔ, u, ʊ/, le dialecte des uwi a un système à 10 voyelles, déjà attesté par Anderson (1999).
Les voyelles s’opposent selon le degré d’aperture (haut, moyen, bas), l’avancement (avant,
central, arrière) et le trait + ou – ATR (+ ou – tendues). Les voyelles d’arrière sont arrondies.
Pour une économie de présentation, la seule voyelle basse a est classée avec les moyennes,
dans une catégorie générale ‘non hautes’.
Antérieures
Centrales
+ATR
-ATR
Hautes
i
ɪ
Non hautes
e
ɛ
+ATR
ə
Postérieures
-ATR
a
+ATR
-ATR
u
ʊ
o
ɔ
Table 2 – Voyelles
Deux caractéristiques vocaliques sont citées par Anderson (p.186) comme n’étant pas
contrastives : la longueur et la nasalité. Le paragraphe suivant (III.3.2) est consacré en partie à
la question de la longueur. Quant à la nasalité, il ne semble pas en effet qu’elle ait de valeur
distinctive. On remarque toutefois qu’elle apparaît toujours avec les voyelles hautes d’arrière
en finale de mot ; il s’agit peut-être d’un trait redondant.
III.3.2
Longueur vocalique et séquences de voyelles
Ces deux questions, qui à première vue paraissaient se rejoindre pour le parler de Doumé,
sont en réalité deux problèmes distincts. Avant de proposer une analyse, les passages traitant
de ces points dans les précédentes publications sur l’ikposo vont être exposés. Anderson
remarque donc simplement que la longueur n’est pas phonologique pour le parler uwi.
Sur la question des séquences de voyelle, Eklo (p.34) remarque pour le parler de Tomegbé :
‘Quelques unités lexicales semblent présenter la séquence VV. (…) En fait les réalisations peuvent
varier selon les locuteurs entre :
/àɷ̀/ et /àwɷ̀ / ‘vêtement’, /òú/ et /òwú/ ‘auto’, /ɔ́ɔ/̄ et /ɔ́wɔ̄/ ‘serpent’, /ɪ ́ɪ/̄ et /ɪ ́jɪ/̄ ‘langue parlée’
Selon les critères phonologiques, et l’attestation dans d’autres lexèmes des séquences VwV, VjV,
nous avons retenu cette réalisation ; les séquences VV n’étant pas attestées ailleurs dans la langue
autrement que correspondant aux pronoms personnels.’
- 20 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Quant à la longueur de voyelles, elle montre bien que celle-ci a un rôle très important dans
l’énonciation et la discursivité. L’interrogation est marquée par un allongement porteur d’un
ton plus bas que la voyelle initiale – c'est-à-dire moyen si le ton de la voyelle est haut, bas si
le ton de la voyelle est moyen. De même, le morphème de focalisation est court ou long selon
qu’il concerne le sujet ou un autre constituant (p.129).
En ce qui concerne mes propres données, les seules occurrences de séquences de voyelles
peuvent être confondues avec des voyelles longues parce qu’il s’agit toujours de deux
voyelles identiques (25).
(25)
ʊ́ʊlɥá
ɔ́ɔkʊ́
ɔ́mɔ́ɔ
ítóo
ɪ ́vlɔ́ɔ
‘ombre’
‘assiette’
‘gorge’
‘montagne’
‘oiseau’
Travaillant avec une seule locutrice, je n’ai bien sûr pas pu comparer les réalisations de
plusieurs locuteurs, comme l’a fait Eklo. En attendant plus de données, la description que je
fais ici n’est donc valable qu’au niveau idiolectal. On observe toutefois déjà, pour certains
mots, une variation libre entre séquence de voyelles et une séquence correspondante VAV.
(26)
ɔ́ɔkʊ́ ~ ɔ́ɰɔkʊ́
ɔ́ɔkʊ ~ ɔ́ɰɔkʊ
ɔ́ɔvjû ~ ɔ́ɰɔvjû
‘assiette’
‘moitié de serpent’
‘petit serpent’
Cette variation n’est apparemment possible que pour les mots trissyllabiques. En effet, pour
ɔ́ɰɔ ‘serpent’ la variante élidée *ɔ́ɔ a été refusée. Par contre, pour les autres noms donnés en
(25), on ne peut pas insérer de consonne.
Il semble que la possibilité d’avoir des suites de voyelles soit restreinte. En effet, il s’agit
toujours de voyelles identiques, toujours de voyelles d’arrière, toujours de mots
trissyllabiques, et toujours d’une suite de tons HM.
Dans la morphonologie, le comportement des séquences de voyelles peut être divers, de
même que pour les voyelles uniques (III.5). Je me contenterai de donner deux exemples
différents, les données n’étant pas assez nombreuses pour obtenir une conclusion certaine –
d’autant que celles-ci manquent également en ce qui concerne la rencontre de voyelles
simples.
- 21 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
En (27), dans un contexte où la première voyelle de la séquence doit être élidée, la seconde
reste intacte, ce qui confirme l’idée de voyelles structurellement indépendantes.
(27)
étíwɛ́
étíɔkʊ́
étí-áwɛ́
étí-ɔ́ɔkʊ́
terre-casserolle
terre-assiette
‘plat en terre’
‘assiette en terre’
Par contre il est intéressant de voir en (28) l’élision et la réduction successives des deux ‘o’
finaux de ‘montagne’ au contact de ɪvɪ ‘eau’ alors que ce n’est pas le cas au contact de ɔbɛ̂
‘rivière’ – on aurait pu s’attendre à *ɪ ́twɔ̂bɛ̂. Dans le premier cas, les deux voyelles finales de
‘montagne’ perdant leur statut de centre de syllabe, on remarque que la voyelle restante a pris
leurs deux tons et porte donc un ton modulé descendant.
(28)
ítɥɪ ̂vɪ
ítóɔbɛ̂
ítóo-ɪvɪ
ítóo-ɔbɛ̂
montagne-eau
montagne-rivière
‘l’eau de la montagne’
‘la rivière de la montagne’
D’un point de vue phonétique, on voit une différence entre les séquences de voyelles et les
voyelles longues : on note sur la courbe du signal une baisse de sonorité (l’amplitude du
signal diminue) au milieu de la séquence VV, ce qui n’est généralement pas le cas dans les
langues à longueur vocalique avérée.
Ainsi, il n’y aurait donc pas de longueur vocalique au niveau lexical. Par contre, comme pour
le dialecte de Tomegbé, l’opposition de longueur au niveau syntaxique/discursif semble très
important. Cette caractéristique se remarque tout d’abord simplement en écoutant un texte, où
les allongements sont fréquents. Par exemple, pour l’interrogation, on peut comparer émjé
‘aujourd’hui’ en (29) et (30), ou encore le verbe ‘manger’ allongé (31) avec sa forme
habituelle ‘jɛ̌’.
(29)
émjé wèɟumolɪ ́
aujourd’hui 1P.FUT.manger.riz
‘Aujourd’hui on mange du riz.’
- 22 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(30)
(31)
– wèɟofwè
– émjée
1P.FUT.partir
aujourd’hui
‘- On part !
- Aujourd’hui ?’8
wʊ-na-mʊ
ɛfwɛ bwakʊ wa-ɰa
1P-NEG.ACP-trouver endroit alors
mʊ
ɛ́kʊ́ jɛ́ɛ
(…)9
1P.FUT-aller trouver chose manger.DISC
‘On ne sait pas où trouver la nourriture (…)’
Ainsi, bien que je n’ai pas encore travaillé de manière approfondie sur des textes, les quelques
exemples à ma disposition montrent clairement que les longueurs sont relativement fréquentes.
Ce thème, ainsi que l’expression discursive en général, devra être l’objet d’une étude
ultérieure.
III.3.3
Harmonie vocalique +/- ATR
Il apparaît dans le tableau des voyelles une opposition entre les voyelles ayant le trait +ATR
dont l’inventaire est /i, e, ə, o, u/ et les voyelles –ATR /ɪ, ɛ, a, ɔ, ʊ/. Cette opposition au
niveau des segments vocaliques se retrouve au niveau lexical et au niveau morphonologique.
III.3.3.a Au niveau lexical
Ce phénomène est plus visible avec les noms, majoritairement dissyllabiques, qu’avec les
verbes, majoritairement monosyllabiques. En effet, un nom est caractérisé par un trait + ou –
ATR portant sur l’ensemble de l’unité. Ainsi les voyelles des noms constitués d’un seul
morphème sont toutes soit +ATR comme en (32) soit –ATR (33).
(32)
(33)
émú
ófi
útə́
‘œil’
‘mariage’
‘salive’
áwɛ́
ɔ́fɪ ́
ɛ́kʊ́
‘casserole’
‘boisson’
‘chose’
(+ATR)
(–ATR)
Trois noms dissyllabiques (34) et trois noms trissylabiques (35) de mon corpus ne respectent
pas l’harmonie vocalique. Ces exceptions sont rares et sont souvent le fait d’emprunts qui
n’ont pas (encore) assimilé les principes phonologiques de la langue. Si l’emprunt est
transparent pour les deux premiers mots, je ne sais pas d’où peuvent provenir les autres. Pour
8
Cet exemple simule un dialogue. Il m’a été donné spontanément par mon informatrice pour m’expliquer la
différence entre ‘émjé’ à voyelle courte et ‘émjée’ à voyelle longue.
9
La transcription et la glose de cette phrase sont incomplètes et incertaines ; elles reflètent seulement un début
de travail sur des textes. efwe pourrait en réalité être efu ‘endroit’ suffixé par le défini cliticisé.
- 23 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
le trissyllabe ‘manioc’, il ne faut pas non plus écarter l’hypothèse d’une ancienne composition
avec fusion de voyelles, sur le modèle de ɪ ́nêɟə̄ ‘sœur’ (ɪ ́nâ-íjə̄ ‘mère-fille’).
(34)
(35)
fláwə̀10
pámpló
àwû (vs àwʊ̀)
‘fleur’
‘bambou’
‘muet (vs vêtement)’
àgbèdì
àtíke
àdʊ́kû
‘manioc’
‘médicament’
‘foulard’
D’après Anderson (pp.204-205), dans un nom composé comportant deux morphèmes avec un
trait + ou – ATR différent, chacun des morphèmes garde son trait d’origine (36), ce que
confirme mes propres données.
(36)
ɔ́fɪ ́-kó [ɔ́fɪ ́kó]
ɔ́ɰlɔ́-vjû
drink-gourd
poule-petit
‘palm wine container’
‘poussin’
Ceci permet éventuellement de distinguer les noms composés des noms trisyllabiques qu’on
ne peut pas analyser morphologiquement, du moins en synchronie. La discussion de ce point
sera approfondie dans la suite de ce travail.
Pour la majorité des verbes, monosyllabiques, la question de l’harmonie ne se pose pas au
niveau lexical. Les verbes dissyllabiques non composés obéissent généralement à l’harmonie ;
je n’ai pas non plus d’explication pour la seule exception (37).
(37)
ádʊ́nə́
‘C’est amer.’
Le tableau suivant montre la répartition des lexèmes nominaux et verbaux selon le trait +/–
ATR. Bien sûr, seuls les lexèmes non composés ont été inclus. On remarque que le trait –
ATR est beaucoup plus répandu, surtout chez les noms11.
10
Dans le dialecte litimé, le mot pour ‘fleur’ est également emprunté, mais au mina : sépōpō
Une orthographe pratique, qui ne marquerait qu’un seul des traits + ou – ATR, devrait prendre en compte cette
inégalité et marquer plutôt les voyelles +ATR.
11
- 24 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Noms
N. dissyl.
N.
trissyl.
Tot.
N.
V.
monosyl.
V. dissyl.
Tot. V.
Total
- ATR
90
32
122
37
12
49
171
+ ATR
50
12
62
31
8
39
101
disharmoniques
5
3
8
0
1
1
9
Total
145
47
192
68
21
89
281
Table 3 – Répartition +/- ATR des lexèmes
III.3.3.b Au niveau morphonologique
Une part importante des affixes, verbaux et nominaux, ont une alternance selon le trait +/ATR, qu’ils copient de la base lexicale. On peut parler ici de sous-spécification.
(38)
ó-ké-dê
ɔ́-ká-kʊ́
3S-INAC-pêcher
3S-INAC-balayer
‘Il est en train de pêcher.’
‘Il est en train de balayer.’
Ainsi, ces affixes seront systématiquement donnés avec leur deux formes de surface. Le
correspondant + ATR de /a/ n’est pas /ə/ comme attendu mais /e/.
La voyelle centrale +ATR /ə/ a un statut particulier, et ses occurrences sont plus restreintes
que les autres voyelles, notamment en n’alternant pas avec la centrale –ATR /a/, en ce qui
concerne l’harmonie vocalique des affixes grammaticaux. Anderson (p.191) décrit ce
phénomène et le juge remarquable12 :
‘I have mentioned above that /ə/ is limited in its distribution ; it never occurs word initially where all
other vowels of both sets occur. It would also appear that /ə/, while contrasting with /a/ in roots, does
not function as its harmonic counterpart as one would expect it to in harmonizing affixes. In these
cases we see /a/ alternating instead with /e/. (…) To my knowledge, this is the first reported case of a
ten vowel language where the contrastive counterpart of /a/ (viz. /ə/) is not also its harmonic
counterpart in harmonizing affixes.’
12
Il serait intéressant de voir si la paire quasi-minimale àwʊ̀ ‘vêtement’ et áwû ‘muet’ peut être mise en relation
avec l’absence de la centrale tendue en position initiale de mot. Une éventuelle hypothèse diachronique serait
que la première voyelle de ‘muet’ ait été tendue avant que le timbre de la centrale ne soit neutralisé au profit de
‘a’ cette position. L’autre principale hypothèse est bien sûr l’emprunt.
- 25 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Pour des exemples de /a/ alternant avec /e/ dans des affixes, voir la section VII.2 sur la
morphologie verbale. Les autres alternances correspondent à l’opposition phonologique, ce
qui donne les ensembles suivants : + ATR /i, e, o, u/, - ATR /ɪ, ɛ, a, ɔ, ʊ/.
III.3.4
‘u’ et ‘ʊ’ : voyelles ‘par défaut’ ?
L’hypothèse selon laquelle /u/ et /ʊ/ fonctionneraient comme des voyelles neutres ‘par defaut’
vient de l’observation des voyelles épenthétiques ou analysées comme telles.
Le premier cas, où /u/ est clairement épenthétique, est celui de la première voyelle du nom
sukû ‘école’ (39), emprunté à l’anglais. Comme la séquence de consonnes *sk n’est pas
conforme à la phonologie de la langue, la voyelle ‘u’ a été introduite. Deux hypothèses sont
possibles pour expliquer le timbre de la voyelle : soit il s’agit d’une copie de la voyelle
suivante, soit l’épenthèse se fait par une voyelle ‘par défaut’.
(39)
sukû
‘école’ (de ‘school’)
D’autres arguments en faveur de l’hypothèse de la voyelle neutre proviennent de certains
morphèmes grammaticaux préposés à une base lexicale. En effet, un nombre important de
ceux-ci ont la voyelle finale [+haute] et [+arrière] :
(40)
tʊ̀
nʊ̀
anʊ
DEM
PREP
Poss1S
13
mʊ
kʊ́
comme
COORD
14
Les formes présentées ci-dessus sont celles apparaissant devant consonne ; les formes devant
voyelle sont respectivement t-, n-, an-, mw-, k- :
(41)
éjə́du nɔ̀ɲɪ
é-jə́du
nʊ̀
ájɥawʊ̀ kájɔ sɥa
ɔ́ɲɪ
á-jɔ
àwʊ̀
kʊ́
á-jɔ
3S.ACP-aider PREP mari
3S-prendre vêtement COORD
‘Elle aide son mari.’
‘Il a pris le vêtement et l’a suspendu.’
13
sɥa
3S-prendre suspendre
Et les autres possessifs du paradigme I, utilisés pour tous les noms, alors que les possessifs de paradigme II
sont réservés aux liens de parentés (voir VI.6).
14
Le statut de kʊ́ est loin d’être établi avec certitude et précision pour Doumé. Déjà pour Tomégbé, avant de
l’analyser, Eklo parle de domaines d’emploi et de significations ‘aussi nombreux que divergents’.
- 26 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(42)
t-ɔ̀lʊ éví mwícû
mw
tʊ̀-ɔ́lʊ
é-ví
mʊ
DEM-personne
3S.ACP-être_grand
comme arbre
ícû
‘Cette personne est grande comme un arbre.’
Comme ces morphèmes sont préposés à des noms – des verbes pour kʊ́ – commençant
majoritairement par une voyelle, la forme la plus courante de ces morphèmes est celle
finissant par une consonne. Pour obtenir la voyelle finale du morphème, il faut typiquement
l’utiliser avec un nom CVCV, c'est-à-dire un emprunt. Mais, même devant consonne, il est
apparemment possible que la voyelle soit absente pour la préposition nʊ̀ (43). La structure
syllabique NCV15 qui en résulte est assez inhabituelle, ce qui contribue à l’hypothèse de la
voyelle neutre épenthétique – plus instable que les autres.
(43)
naɰɛ́sɛ́ ntɔ̀
nt lwɛ́
na-ɰɛ̀sɛ̌
nʊ̀
tʊ̀-ɔ́lʊ
jɛ́
1S.ACP-parler PREP DEM-personne DEF
‘J’ai parlé à cette personne.’
De plus, si l’on considère la forme avec voyelle comme la forme de base, celle-ci est élidée et
non pas réduite à l’approximante /w/ (ou [ɥ]) – à l’exception de mʊ ‘comme’ – ainsi que le
voudrait la règle générale pour les voyelles d’arrière.
Tous ces faits conduisent à penser qu’il est possible que la voyelle soit épenthétique devant
consonne, plutôt qu’élidée devant voyelle, qui est le contexte le plus courant. Dans cette
hypothèse de voyelle ‘par défaut’, la voyelle de ‘comme’ pourrait éventuellement être
lexicale.
Par contre, on constate que ces morphèmes sont spécifiés tonalement. Or si l’on admet que la
voyelle est épenthétique, il faut également admettre que le ton, au niveau sous-jacent, n’est
pas forcément rattaché à un élément vocalique.
15
Contrairement à mkpɔ́nʊ́ ‘miroir’, la nasale initiale de cette séquence ne porte pas de ton.
- 27 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
III.4
III.4.1
Syllabes
Structure de la syllabe
La structure syllabique de l’ikposo est relativement simple. Les schèmes syllabiques
largement attestés au niveau lexical sont : CV, V, CAV. Marginalement, les syllabes N, CVN
sont également attestées lexicalement et les syllabes CAAV et NCV après opération
phonologique. Chaque syllabe prononcée est accompagnée d’un ton.
Les syllabes les plus fréquentes sont les CV où toutes les voyelles peuvent apparaître en V et
les consonnes en C, à l’exception de /ŋ/ qui n’a été trouvé pour l’instant que dans ŋlo ‘écrire’,
emprunté à l’éwé. Toutes les combinaisons de C et V ne sont pas forcément attestée dans mon
lexique actuel, mais pour l’instant il ne semble pas émerger de restriction particulière16.
Les syllabes V peuvent se rencontrer à l’initiale des noms où elles proviennent d’un ancien
préfixe de classe, ainsi qu’à l’initiale des verbes où elles constituent un préfixe de personne ou
de temps-aspect. Seule la voyelle centrale tendue /ə/ ne peut apparaître dans ces contextes.
Pour la structure CAV, la consonne centrale ne peut être qu’une approximante [l, j, w, ɥ] à
l’exception de /ɰ/ – pour la discussion de la distribution des approximantes dans cette
position, voir la partie III.2. Dans ce schème, la position C ne semble pas avoir de restriction
particulière.
Les schèmes syllabiques N et CVN ont été trouvés dans des noms empruntés – m.kpɔ́.nʊ́
‘miroir’17 et pám.pló ‘bambou (éwé)’. C’est le critère tonal qui a permis d’identifier la nasale
initiale (ton moyen) de ‘miroir’ comme ayant le statut de syllabe. Si l’on préfixe le
démonstratif, la nasale perd son ton et devient coda de la syllabe ainsi constituée (44), ce qui
donne une autre occurrence d’une syllabe CVN.
(44)
tʊ̀m.kpɔ́.nʊ́ jɛ́
tʊ̀-mkpɔ́nʊ́
jɛ́
DEM-miroir
DEF
‘ce miroir’
16
A part pour la labio-palatale ‘ɥ’ qui a été traitée plus haut (III.2.2).
Outre la structure inhabituelle du mot, le fait que les miroirs ne sont pas des objets traditionnels indique qu’il
s’agit d’un emprunt.
17
- 28 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Les schèmes NCV et CAAV sont le résultat de réductions vocaliques dans le processus
morphonologique. Pour NCV, on a vu le cas de ntɔ̀.lwɛ́ ‘à cette personne’ en (43). Les
syllabes CAAV sont dues à la réduction d’une voyelle d’arrière dans un lexème CAV comme
pour ŋlo ‘écrire’ dans é.ŋlwɪ.vlɪ ́ ‘il a écrit une lettre’, comme nous l’avons vu en (22).
III.4.2
Nombre de syllabes
III.4.2.a Pour les noms
La grande majorité des noms non composés sont dissyllabiques (147/192), le reste étant
trisyllabique. Il n’y a pas de noms ayant plus de trois syllabes hors composition. Une
hypothèse est que les trisyllabes seraient d’anciens composés plus analysables
synchroniquement. A part deux exceptions, ils obéissent tous à l’harmonie vocalique.
III.
III.4.2.b Pour les verbes
La grande majorité des verbes non composés sont monosyllabiques (71/89)18. Là aussi, on
peut émettre l’hypothèse, comme pour les noms, que les verbes dissyllabiques non
décomposables synchroniquement proviennent néanmoins d’anciens composés. Ces verbes
non décomposables obéissent tous à l’harmonie vocalique, comme ceux présentés en (45), y
compris le seul emprunt à l’anglais ‘criticize’ que compte le corpus.
(45)
jə̌dú
kpɛ̌tɛ̂
cəɰlə
kɔ̀sʊ̌
klɪtɛ
‘aider’
‘cueillir (fruits)’
‘faire l’éloge’
‘regarder’
‘critiquer’
Les verbes comptant plus de deux syllabes sont forcément des composés ou des séries
verbales. Et tous les verbes du corpus n’obéissant pas à l’harmonie vocalique sont des
composés.
III.5
Rencontres de voyelles
Il y a en ikposo une fréquence importante de rencontres de voyelles. En effet, les syllabes sont
ouvertes et une grande majorité des mots (noms et verbes conjugués) commencent également
18
La marge d’erreur est plus importante que pour les noms. En effet, il est plus difficile de vérifier la
composition des verbes que des noms. Il est donc possible que certains composés verbaux m’aient échappé et
soient rangés avec les indécomposables.
- 29 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
par une voyelle. Lors de ces rencontres, si le résultat est de n’avoir plus qu’une seule voyelle,
et donc plus qu’une seule syllabe, c’est toujours le ton associé à V1 qui est conservé.
Les exemples en (46) illustrent la conservation du ton de V1. Le deuxième exemple est
particulièrement intéressant de ce point de vue. Les deux voyelles finales ont été touchées –
élision puis réduction – et les deux tons, haut et moyen, sont donc conservés en devenant un
seul ton descendant. Bien que l’attention du lecteur ne sera pas attirée sur ce phénomène par
la suite, ce dernier est observable pour une part importante des exemples de cette partie.
(46)
nakɔ́swalɪ
nakɔ́sʊ
ítɥɪ ̂ɰà
álɪ
ítóo
ɪ ̀ɰà
1S.ACP-regarder village
montagne cochon
‘J’ai regardé le village.’
‘les cochons de la montagne’
Quant aux segments, il y a cinq possibilités : les deux voyelles sont conservées, V1 est réduite
à une semi-consonne, V1 est élidée, V2 est élidée, V1 et V2 fusionnent pour donner une
nouvelle voyelle. Nous allons examiner chacune de ces possibilités de plus près.
III.5.1
Fusion de deux voyelles
Il s’agit du cas le plus simple. En effet, le seul phénomène de fusion observé jusqu’à
maintenant est celui de /a/ et /i/ donnant l’intermédiaire /e/. Il est limité à quelques lexèmes et
n’est pas productif. Il n’est représenté dans le corpus que par les noms composés donnés en
(47) – dont je suppose qu’ils sont recouverts par l’appellation ‘true noun-noun compounds’ de
Anderson (p.204). Ces composés, lexicalisés, s’opposent aux constructions N-N en (48), qui
utilisent les mêmes composants. Celles-ci par contre relèvent de la même question que les
constructions exposées dans la partie III.5.4.
(47)
(48)
i ́néɟə̄
ínévle
ɪ ́lêvle
íná-i ́ɟə̄
íná-ívle
mère-fille
mère-nombril
père-nombril
‘sœur’ vs
‘grand-mère’
‘grand-père’
ɪ ́ná i ́ɟə̄
íná ívle
ílâ
ívle
mère
mère nombril
père
nombril
‘le nombril de la mère’
‘le nombril du père’
fille
‘la fille de la mère’
ɪ ́lâ- ívle
19
19
Le nom ívle signifie littéralement ‘nombril’. Ici il a un sens dérivé signifiant plus ou moins ‘lien,
génération…’. Mais comme ce sens dérivé n’est pas bien défini, j’ai préféré gardé la glose littérale.
- 30 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
III.5.2
Règle discursive non obligatoire : élision ou réduction de V1
Lorsqu’il n’y a pas de motivations particulières autres, c’est toujours la règle développée ici
qui est appliquée dans les contextes d’élision ou de réduction de voyelles. Elle pourra être
désignée dans la suite du texte comme ‘règle générale’.
Formellement, la règle consiste en l’élision de V1 lorsque celle-ci n’est ni haute ni d’arrière et
qu’elle appartient donc à l’ensemble /e, ɛ, e, a/. Le phénomène de réduction opère dans les
autres cas20. Lorsque V1 est une voyelle d’avant haute {i, ɪ} elle se réduit en /j/ et lorsque V1
est une voyelle d’arrière {u, ʊ, o, ɔ}, elle se réduit en /w/ ou en [ɥ] – pour les conditions
d’apparition du [ɥ], voir le paragraphe III.2.
Lorsqu’il s’agit de deux voyelles d’arrière identiques, la règle peut être modifiée. En effet,
dans ce cas, l’élision aussi bien que la réduction – qui est attendue – de V1 ont été observées
(49). Mais il est difficile d’expliquer cette différence de comportement par les contextes. En
effet, il ne peut pas s’agir d’une incompatibilité entre /z/ et l’approximante /w/, puisque l’on a
par ailleurs ázwágbèdì ‘Il a pilé du manioc.’ de zù ‘piler’ et àgbèdì ‘manioc’. Il n’y a pas dans
le corpus de cas similaire avec des voyelles hautes d’avant.
(49)
nálw
lwɔ́
lwɔ́vlɛ̂
ázzɔ́bwɛ
na-llɔ́
ɔ̀vlɛ̀
á-zzɔ́
1S.ACP-tresser
pagne
3S.ACP-dire bien
‘J’ai tressé le pagne.’
ɔbwɛ
‘Il a dit du bien (de quelqu’un).’
Pour l’instant, dans le corpus, la règle générale s’applique entre les verbes et leurs arguments
sujet (50) et objet (51), entre les deux parties d’une construction génitivale (52), entre les nom
et les numéraux (53). D’autres contextes émergeront sans aucun doutes plus tard, lorsque
l’étude abordera d’autre catégories.
(50)
ɔ́vâwɔ́
ɪ ́vwené
ɔ́vɛ̂
á-wɔ́
ɪ ́vʊ é-né
soleil
3S.ACP-cacher
plaie
‘Il fait nuit (litt. le soleil s’est caché.)’
3S.ACP-percer
‘La plaie s’est ouverte.’
20
Il y a en fait un continuum entre la conservation de V1 et V2 et l’élision ou la réduction de V1. Dans l’état
intermédiaire, les deux voyelles semblent encore distinctes mais elles s’enchaînent très rapidement et sont toutes
les deux au niveau tonal de V1.
- 31 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(51)
ákwɪ ́lá
á-kʊ́
ékplɔ́ɰlɔ
ɪ ́lá
ékplé
3S.ACP-balayer barbe
‘Il s’est rasé la barbe.’
(52)
‘Elle a soulevé la poule.’
utukpajɪɰa
anʊnajábwɪɰlɛ̀kʊ́
utukpə aj-ɪɰa
anʊ-ɪ ́ná
áj-àbwɪ ́
chèvre
Poss1S-mère
Poss3S-aiguille coudre chose
Poss3S-viande
‘la viande de la chèvre’
(53)
ɔ́ɰlɔ
3S.ACP-soulever poule
ɔ́tɛ́la
ɛ́kʊ́
‘l’aiguille à coudre de ma mère’
émwɛ́fwâ
ɔ́sjɛla
ɔ́tá
ɛ́la
émú ɛ̀fwâ
ɔ́sɪ ɛ́la
lapin
trois
œil
femme trois
‘trois lapins’
ɰlɛ̀
deux
‘deux yeux’
‘trois femmes’
Bien qu’il n’y ait pas de raison formelle de ne pas considérer les numéraux comme des noms,
dont ils ont la même structure syllabique par exemple, l’association nom + numéral diffère
des constructions à deux noms – décrites en III.5.4. La première différence est linéaire, le nom
tête étant ici en première position. La deuxième différence est morphonologique, puisque les
règles d’élisions sont les règles générales et non pas les constructions N-N. Certains noms
peuvent avoir un rôle similaire comme úluví ‘homme’ et ɔ́sɪ ‘femme’ (54). En effet, ces deux
noms – qui ne se comportent pas non plus comme ceux des construction N-N – peuvent
modifier d’autres noms pour indiquer le genre du référent. On pourrait considérer que les
modifieurs numéraux et nominaux postposés au nom tête remplissent une fonction syntaxique
adjectivale.
(54)
útjɔsɪ
útjuluví
úti
ɔ́sɪ
úti
sorcier
femme
sorcier homme
‘sorcière’
úluví
‘sorcier’
Enfin, sur le caractère non obligatoire de ces règles d’élision et de réduction, il faut noter que,
dans les mêmes contextes, le maintien des deux voyelles en présence est tout aussi possible
qu’une réduction. Les motivations pour l’une ou l’autre possibilité semble être dues en partie
au débit de parole, mais aussi à des raisons discursives, qui doivent être étudiées à partir de
données textuelles. Par exemple, la phrase donnée en (55) ne compte qu’une réduction sur les
deux possibles. Cependant, mon informatrice m’a confirmé que la phrase est tout à fait
- 32 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
correcte avec les deux réductions ‘dɔ́kɪtèɰlwɪnâkà’ de même que celle avec l’autre élision
‘dɔ́kɪta éɰlwɪnâkà’.
(55)
dɔ́kɪtèɰlo ɪ ́nâkà
dɔ́kɪtà
é-ɰlo
ɪ ́nâ-kà
médecin
3S.ACP-opérer
mère-grand
‘Le médecin a opéré la grand-mère.’
III.5.3
Elision ou réduction obligatoire
Alors qu’on a vu que l’élision ou la réduction facultatives sont liées sans doute à des
questions discursives, l’élision ou la réduction obligatoire s’expliquent plutôt par des raisons
morphosyntaxiques. Elles se manifestent entre des bases lexicales et des morphèmes
grammaticaux qu’on peut dès lors considérer comme liés – c'est-à-dire affixes ou clitiques. Le
degré de cohésion reste à évaluer pour décider de l’une ou l’autre de ces appellations.
Dans l’environnement verbal, l’élision ou réduction de V1 conduit par exemple à avoir deux
séries d’indices sujets selon qu’ils se trouvent devant voyelle ou consonne. Le choix entre les
deux processus n’est pas régulier : par exemple la voyelle d’avant haute de 1ère personne
singulier est élidée alors que celle de la 2ème personne pluriel est réduite (56). Cette
irrégularité sur un petit nombre de formes fait qu’il est préférable de simplement donner les
deux paradigmes plutôt que de chercher une règle phonologique. Pour les paradigmes
complets, voir en VII.2.1.
(56)
nɪ-ká-kʊ́
n-a-kʊ́
mɪ-ká-kʊ́
mj-a-kʊ́
1S-INAC-balayer
1S-ACP-balayer
2P-INAC-balayer
2P-ACP-balayer
‘Je balaye.’
‘J’ai balayé.’
‘Vous balayez.’
‘Vous avez balayé.’
Dans l’environnement nominal, le cas le plus clair est celui des possessifs de paradigme II
(VI.6) – utilisés pour les liens de parentés – qui impose une élision de V2, c'est-à-dire la
voyelle initiale du nom (57). C’est pour l’instant le seul cas de morphème grammatical
préposé qui conserve sa voyelle au détriment de celle du nom.
(57)
anʊna
anʊneɟə
anʊ-ɪ ́ná
anʊ-i ́néɟə̄
Poss1S-mère
Poss1S-soeur
‘ma mère’
‘ma sœur’
- 33 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
La voyelle de la préposition mʊ ‘comme’ est réduite à /w/ devant voyelle, comme on peut s’y
attendre (58). Cependant, comme elle est peu employée dans le corpus, je ne suis pas sûre de
si la réduction est discursive ou obligatoire. Le caractère grammatical de la préposition
tendrait plutôt vers l’obligation, mais il s’agit toutefois d’une préposition plus ‘colorée’, avec
plus de poids sémantique, que la préposition nʊ̀ par exemple, ce qui laisse la question ouverte.
(58)
t-ɔ̀lʊ
éví
mw-icû
DEM-personne 3S.ACP-être_grand comme-arbre
‘Cette personne est grande comme un arbre.’
Pour le démonstratif tʊ̀, certains possessifs21 et la préposition nʊ̀, nous avons vu en III.3.4
l’hypothèse selon laquelle la voyelle finale pourrait être épenthétique devant consonne plutôt
qu’élidée devant voyelle. Toutefois, si cette hypothèse était invalidée, alors le processus serait
donc une élision obligatoire de la voyelle finale.
III.5.4
Constructions nom-nom
Avant d’aborder le thème de la rencontre de voyelle, nous allons voir une description de la
construction nom-nom (N-N) qui nous intéresse.
Deux constructions permettent de mettre deux noms en relation. La première correspond à la
définition de la construction génitivale prototypique, dans laquelle ‘un constituant nominal se
référant à un individu assume le rôle de dépendant de nom avec comme signification de
restreindre l’ensemble des référents potentiels du nom tête à ceux qui ont une relation
privilégiée à l’individu en question.’ (Creissels, 2006:141). Dans cette construction, l’ordre
est dépendant – tête, et la tête est marquée par le possessif de 3ème personne du singulier.
La deuxième construction – celle qui nous intéresse du point de vue de la rencontre de
voyelles – correspond à la définition de la caractérisation, ‘modification sémantique
consistant à restreindre le signifié d’un nom en le mettant en relation avec une notion, et non
pas comme dans la construction génitivale prototypique avec un individu.’ (Creissels,
2006:142).
Ces deux construction peuvent utiliser les mêmes lexèmes avec une opposition sémantique .
Dans le premier cas, il s’agit d’une caractérisation, où le nom ‘chèvre’ exprime une notion
21
Ceux appartenant au paradigme I, c'est-à-dire le paradigme régulier. Voir en VI.6.
- 34 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(type de viande), dans le deuxième cas, il s’agit d’une construction génitivale, où le nom
‘chèvre’ désigne un individu.
(59)
ùtùkpəɰa
ùtùkpə ájɪ ́ɰa
ùtùkpə-ɪ ́ɰa
ùtùkpə
áj-ɪ ́ɰa
chèvre-viande
chèvre
Poss3S-viande
‘viande de chèvre’
‘la viande de la chèvre’
Malheureusement, dans de nombreux cas, cette différence sémantique est soit absente soit
inappréciable en isolation. Ainsi, pour les deux constructions suivantes, mon informatrice me
donne la même traduction, sans distinction de sens.
(60)
édívɛ̂
édí ájɔ́vɛ̂
édí-ɔ́vɛ̂
édí
palmier-ombre
palmier Poss3S-ombre
áj-ɔ́vɛ̂
‘l’ombre du palmier’
‘l’ombre du palmier’
La différence entre les deux constructions n’est pas seulement sémantique et morphologique,
mais aussi syntaxique. La construction de caractérisation fonctionne comme un seul
constituant, alors que la construction génitivale fonctionne comme deux constituant. On peut
le voir avec la portée du possessif. Si on le préfixe au premier terme, dans le cas de la
caractérisation, il portera sur l’ensemble de la construction, alors que pour le génitif il ne
portera que sur le dépendant.
(61)
anevíɟawʊ̀
an-evíɟe
anevíɟajáwʊ̂
àwʊ̀
an-evíɟe
áj-àwʊ̀
Poss1S-enfant vêtement
Poss1S-enfant Poss3S-vêtement
‘mes vêtements d’enfant’
‘les vêtements de mon enfant’
La construction de caractérisation, construite donc par juxtaposition de deux noms dans
l’ordre dépendant – tête, est un cas de rencontre de voyelles. Anderson (p.204) décrit le
phénomène comme suit :
‘Akposso has a highly productive N-N construction. The first component of this construction consists of
a noun whose form is identical to its citation form. The second component consists of a noun root
minus its initial vowel and tone. Both components maintain their underlying ATR value.’
Cette construction semble effectivement très productive et est très bien représentée dans mon
corpus. En plus des exemples (59) et (60), elle peut être illustrée par les exemples suivants :
- 35 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(62)
étíwɛ́
ɛ́tʊdɔ́
úɥídíni
étí-áwɛ́
ɛ́tʊ-ádɔ́
úɥí-édíni
terre-casserolle
corps-calme
paille-maison
‘casserole en terre’
‘paix du corps’
‘maison recouverte de paille’
Mais dans un certain nombre de cas, la voyelle initiale du 2ème mot n’est pas élidée. Soit les
deux voyelles sont maintenues obligatoirement (63), soit c’est la voyelle finale du premier
mot qui est élidée (64), bien que dans ce cas les voyelles peuvent également être maintenues.
(63)
ɔ́tá íɰa
ɔ́tá
ɪ ́ɰa
lapin
viande
*ɔ́táɰa
*ɔ́tɪ ́ɰa
*ɔ́téɰa
‘viande de lapin’
(64)
evíɟawʊ̀
ìɰɔ̀vɛ̂
ítóɔbɛ̂
evíɟe-àwʊ̀
ìɰà-ɔ́vɛ̂
ítóo-ɔbɛ̂
enfant-vêtement
cochon-ombre
montagne-rivière
‘vêtements d’enfant’
‘l’ombre du cochon’
‘rivière de montagne’
La motivation pour l’élision de V1 ou V2, ou le maintien des deux voyelles n’est pas clair.
Plusieurs hypothèses sont à envisager.
La première est que le résultat de la rencontre dépendrait uniquement de la qualité des
voyelles en présence. Ceci implique que les règles morphonologiques soient différentes dans
les constructions N-N que les règles générales exposées en III.5.2. Cette première hypothèse
nécessite de vérifier chaque combinaison de voyelles entre deux noms et d’en observer le
résultat. Ce travail a été commencé et est rendu dans le tableau de la page suivante. Toutefois,
un nombre important des combinaisons possibles n’a pas pu être observé. En effet, j’ai
travaillé par élicitation, à partir des constructions génitivales du français ‘x de y’. Or les
combinaison regroupées ainsi en français ne peuvent pas forcément être exprimées par une
construction N-N en ikposo. Il s’agira de le compléter au fur et à mesure de la suite de l’étude.
Avec les données obtenues pour l’instant il n’est donc pas possible de voir si la qualité des
voyelles suffit ou non à expliquer la situation.
Une deuxième hypothèse est qu’il y ait plusieurs types de construction N-N avec une
distinction, sémantique ou autre. Dans cette hypothèse, la caractérisation ne serait
éventuellement qu’une construction N-N parmi d’autres. Toutefois, cela paraît difficile à tenir
puisque des constructions parallèles n’ont pas forcément le même comportement, comme
avec ùtùkpəɰa ‘viande de chèvre’ (élision de V2) et ‘ɔ́tá ɪ ́ɰa’ ‘viande de lapin’ (élision
- 36 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
impossible), ou avec édívɛ́ ‘ombre du palmier’ (élision de V2) et ɪ ̀ɰɔ̀vê ‘ombre du cochon’
(élision de V1).
Si la différence n’est pas au niveau sémantique, elle peut être au niveau de l’usage ; les
combinaisons les plus utilisées seraient devenues plus figées et permettraient une élision alors
que les combinaisons les moins utilisées ne le pourraient pas22.
Il est bien entendu également possible que la résolution de la question soit différente des
hypothèses soulevées précédemment.
i
i
ɪ
édíkū
e
úɥídíni
ídíni
ɛ
a
étíw
étíwɛ́
úkpîvjù
o
ɔ
u
édíf
dífɪ,́,́
útjuluví
ʊ
édív
édívɛ̂
útjɔsɪ
ɪ
ɪ ́vlɪ ́cɛ
e
álɪalʊ23
evíɟawʊ̀
ɛ
ʊ́lɛɰa
ɛɰa
ə
ùtùkp
ùtùkpəɰ
kpəɰa
əɰa
a
ɪ ̀ɰà ɪ ́ɰa
ékpɔlʊ
ɪ ̀ɰɔ̀vɛ̂
ɔ́ta ɪ ́ɰa
o íwovjû
ɔ
ítɥɪ ̂ɰà
ítɥɪ ̂vɪ
ítóɔbɛ̂
ɔ́ɰɔku
ɰɔku
ɰɔ
ɔ́ɰlɔwʊ́lʊ̂
ɔ́ɰɔvjû
ɰɔvjû
ɰɔ
u
ʊ
ɛ́tʊvlɪ
vlɪ ́
ɛ́tʊdɔ́
Elision de V1
Réduction de V1
Elision de V2
V1 = V2, une seule est conservée
Conservation des deux voyelles
22
23
Pourtant la viande de lapin est par exemple tout aussi consommée que la viande de chèvre.
La transcription n’est pas sûre entre la conservation des deux voyelles álɪ alʊ et la réduction de V1 áljalʊ.
- 37 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
III.5.5
Frontières de mots
Une conséquence des nombreuses élisions et réductions vocalique est l’impression de fluidité
de l’ikposo, due à l’enchaînement des mots les uns aux autres. Au niveau de l’analyse, cela se
reflète par la difficulté de décider ce qui constitue un ou plusieurs mots et si les morphèmes
grammaticaux sont libres ou liés.
Pour décider des frontières de mots, deux critères sont disponibles en ikposo :
−
L’harmonie vocalique.
−
L’élision ou la réduction vocalique, obligatoire ou non.
Concernant l’harmonie vocalique, Anderson considère qu’elle ne peut se propager au-delà des
limites du mot morphologique (p.202) :
‘As far as I have been able to ascertain, vowel harmony does not extend across word boundaries in
Akposso. Rather, it appears that the spread of vowel harmony is restricted to the morphological word
(and, as we shall see below, applies only to a limited extent within the morphological word). This may
be due to a constraint in the language whereby the harmony of a morphological word is root controlled
and the ATR quality of one root cannot interfere with the ATR quality of an adjacent root.’
L’harmonie vocalique est en effet toujours décidée par une base lexicale et ne peut s’étendre
qu’à des affixes grammaticaux. Elle joue entre le verbe et ses préfixes de personne et de
temps-aspect (VII.2), entre le nom et le suffixe cliticisé du défini (VI.5). Je ne suis pas sûre
qu’elle agisse entre le nom et les préfixes de possessifs, les prépositions mʊ et nʊ̀, et le
démonstratif. Ces points seront à vérifier par la suite. A priori, l’harmonie vocalique est
l’indice le plus fort de la cohésion du mot. On peut donc considérer que le mot s’étend au
moins jusqu’aux limites de celle-ci.
Quant à l’élision ou la réduction, il faut distinguer bien sûr les cas où elle est obligatoire de
ceux où elle ne l’est pas. Lorsqu’elle n’est pas obligatoire, il devrait s’agir de mots distincts,
et l’élision ou la réduction peuvent s’expliquer par le débit de parole et éventuellement par des
raisons discursives. Par contre lorsqu’elle est obligatoire – entre deux noms formant un
composé, ou entre un lexème et un morphème grammatical – on peut considérer qu’il s’agit
d’un seul mot, même si on n’observe pas d’harmonie vocalique.
- 38 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Pour les morphèmes grammaticaux, deux niveaux de cohésion vis-à-vis de la base lexicale
sont possibles. Par exemple, le défini réduit -ɛ́ ~ -é24 est porté par le dernier mot d’un groupe
nominal, ce qui l’identifie comme clitique plutôt que suffixe.
(65)
24
útj-é
ɔ́lʊ
wɪ ̌nj-ɛ́
sorcier-DEF
personne grandir-DEF
‘le sorcier’
‘l’adulte’
Par opposition à la forme complète jɛ́.
- 39 -
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IV Tonologie
L’étude de la tonologie de la variante uwi de l’ikposo est encore à l’état d’ébauche. Certains
domaines ne permettent pas de conclusion définitive, et d’autres n’ont pas encore été abordés.
IV.1
Registres tonals
IV.1.1
Quatre niveaux
La thèse de Eklo (1987) sur le parler litimé de Tomegbé fait état de 3 niveaux (haut, moyen et
bas). Par contre l’article de Anderson25 sur le parler uwi distingue 4 niveaux (haut, moyen,
moyen 2 ‘lower mid-tone’ et bas) avec le ton M2 apparaissant seulement dans le contexte
‘après ton haut’ :
‘Akposso has three contrastive tones, high, mid and low. From a database of 175 monosyllabic verbs,
106 verbs form minimal pairs which include seven minimal triplets. (…) Nouns also have a three way
contrast between high, mid, and low. After H, however, there is a fourth level tone, a lower mid-tone.
There is also a high-to-low falling tone and a hight-to-mid falling tone after H.’
D’après mes propres données, on peut effectivement identifier 3 niveaux d’opposition en
général et 4 pour les noms à la suite d’un ton H .
(66)
ísí
ʊ́ɰlʊ
ɛ́nɔ̄
ɛ́dɪ ̀
‘igname’
‘estomac’
‘moustique’
‘joie’
On peut se demander ce que deviendrait un ton M2 si, suite à l’élision du ton qui le précède, il
se retrouve derrière un ton non haut. L’article de Anderson contient des données qui semblent
correspondre à cette description (67). On peut supposer que les noms suivants sont des
composés – et éventuellement reconnaître ɔ́sɪ ‘femme’ dans le premier malgré la différence de
trait ATR. Il semblerait donc que l’obligation pour le ton M2 de suivre un ton haut ne soit
valable qu’au niveau lexical et qu’il se maintienne à son niveau après un réarrangement
morphonologique.
25
L’article ‘ATR vowel harmony in Akposso’ est centré sur l’harmonie vocalique. Il n’y a pas
d’approfondissement de la question tonale.
- 40 -
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(67)
ósjetʃū
ídìkū
‘young woman’
‘tapped palm tree’ (Anderson, pp.195&210)
Cette situation tonale – avec quatre niveaux d’opposition – est assez exceptionnelle. En effet,
en général les langues comptant plus de 3 niveaux sont regroupées dans les mêmes zones
géographiques comme le sud-ouest de l’Ethiopie ou le sud-ouest de la Côte d’Ivoire
(Creissels, 1994:222). La région concernée, par contre, ne connaît pas ce phénomène, ce qui
rend la variante uwi de l’ikposo atypique.
IV.1.2
Modulations
Selon Eklo, la variante litimé compte 3 modulations (haut-bas, haut-moyen et moyen-bas)
ayant un statut phonologique et les tons modulés sont accompagnés d’une longueur vocalique.
Pour la variante de Doumé, un seul ton modulé – descendant – a une valeur phonologique.
Bien que l’on perçoive des différences de niveau, il semble qu’il n’y ait pas lieu de distinguer
plusieurs modulés descendants. Les niveaux délimitant la modulation ne donne pas
d’opposition significative. La hauteur initiale du ton peut dépendre de la syllabe précédente ;
toutefois une analyse systématique manque sur ce point. Enfin, un ton bas est réalisé bas
descendant en position finale.
Un autre ton modulé – montant – apparaît également fréquemment dans les données. Mais on
peut le considérer comme une variante du ton haut. En effet, il n’apparaît pratiquement que
sur des verbes non préfixés par des marques de personnes et de temps-aspect26 – par exemple
en isolation ou en fonction adjectivale. Les mêmes verbes à une forme finie sont réalisés avec
un ton haut (68). Dans ce cas, le rôle de ce ton modulé montant pourrait être avant tout
démarcatif.
(68)
wɪ ̌nɪ
ɔ́lʊ
grandir
‘Grandis !’
wɪ ̌nɪ
á-wɪ ́nɪ
na-wɪ ́nɪ
personne grandir
3S.ACP-grandir
1S.ACP-grandir
‘adulte’
‘Il a grandi.’
‘J’ai grandis.’
Les modulations n’entraînent pas d’allongement vocalique. Les syllabes analysées par
Anderson comme portant un ton modulé de haut à moyen sont réanalysées ici comme des
séquences de voyelles. Alors qu’elle considère que ɔ́mɔ̂ ‘field mouse’ et ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ est une
paire minimale s’opposant par les tons uniquement (haut à bas vs haut à moyen), un certain
26
On le voit également dans d’autres contextes, comme l’énumération.
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
nombre d’arguments – exposés en III.4.2 – amènent à penser que ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ est en réalité
un trissyllabe avec les tons HHM, ce qui permet entre autres de réduire le nombre de tonèmes
à 5, avec un seul modulé – descendant.
Une syllabe a donc 5 valeurs tonales possibles, qui seront désormais dénommées comme suit :
ton haut H, ton moyen M, ton moyen proche de bas M2, ton bas L, ton descendant F. Bien
que non phonologique, le ton montant R sera noté comme tel dans les transcriptions de ce
travail.
Les initiales des mots anglais ‘high, middle, low, rising, falling’ ont été choisies pour éviter
des confusions possibles entre ‘moyen’ et ‘montant’ pour M. Dans les transcriptions, les tons
H, M2, L, R et F sont rendus respectivement par les diacritiques é, ē, è, ě, ê et le ton moyen
n’est pas marqué.
IV.1.3
Tons et intonation
L’influence entre les tons et l’intonation générale n’a pas été abordée dans le cadre de ce
travail. Un exemple de l’interaction entre les deux niveaux peut néanmoins être donné à partir
d’énumérations élicitées avec les numéraux.
Le premier terme de l’énumération se termine par un franc ton ascendant. Mais le ton initial
était haut ; il serait intéressant de voir ce que le même contexte donnerait avec un ton bas. A
la fin de l’énumération, tous les tons sont abaissés et la dernière syllabe, même si elle n’a pas
un ton bas sous-jacent, est prononcée beaucoup plus basse. On peut comparer le ton sur le ‘a’
de ‘trois’ en isolation (69) où il est moyen et en fin d’énumération (70) où il est infra-bas.
(69)
(70)
edigbó
ɛ̀fwâ
ɛ̀la
‘un’
‘deux’
‘trois’
ɔ́tɛ́digbǒ, ɔ́tɛ́fwâ, ɔ́tɛ́la. [otɛlà]
‘un lapin, deux lapins, trois lapins.’
IV.2
Schèmes tonals des noms
Pour les schèmes tonals des verbes, voir la partie VII.1.1, dédiée à ce thème. J’ai choisi de le
traiter en morphologie verbale plutôt qu’en tonologie parce qu’il faut avoir recours à la
morphologie pour identifier les catégories tonales des verbes. De plus, contrairement aux
- 42 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
noms, les tons des verbes peuvent changer avec la morphologie, ce qui justifie le choix de ne
pas les traiter ici.
IV.2.1
Noms dissyllabiques
Sur une base actuelle de 147 noms dissyllabiques, on peut distinguer 12 catégories tonales :
HH, HM, HM2, HL, HF, MH, MM, MF, LH, LM, LL, LF. Le tableau suivant montre la
répartition des dissyllabes – avec une distinction selon les noms avec une structure canonique
(CVC et harmonie vocalique) et les autres, qui peuvent être soit des emprunts 27 , soit des
termes de parenté, moins nombreux.
structure syllabique
C(A)VC(A)V et/ou
disharmonie vocalique
Total
structure syllabique VC(A)V
et harmonie vocalique
HH
48
3
51
HM
32
1
33
LL
12
2
14
HM2
10
-
10
HF
9
-
9
HL
3
6
9
MM
6
-
6
LH
4
3
7
MF
3
1
4
LF
1
1
2
LM
-
1
1
MH
-
1
1
Total
128
19
147
Les catégories dont le premier ton est H sont largement les catégories les plus représentées. Et
dans celles-ci, la catégorie principale du point de vue du nombre est HH, suivie de HM. Ceci
27
Un nom avec une structure canonique peut évidemment aussi être un emprunt, mais alors, je n’ai pas de critère
formel pour l’envisager.
- 43 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
permet de voir que le ton H est le plus courant dans les noms. Quelques exemples de ces
catégories sont donnés de (71) à (74).
(71)
útí, édí, kpɔ́nɔ́, ʊ́bjá, ɪ ́vlá, ɔ́sɛ́… (HH)
‘pilon, joie, pain, pleurs, frère, queue’
(72)
éɟwə, ɔ́va, ɔ́sɪ, ɪ ́ɰa, úti, úvle… (HM)
‘souffle, fonio cru, femme, viande, sorcier, sanglier’
(73)
ɛ́gbā, ɛ́nɔ̄, íjə̄, útī, ɔ́nʊ̄, ɪ ́kplɛ̄… (HM2)
‘poitrine, moustique, fille, histoire, bagage, os’
(74)
ɛ́kpà, ɛ́dɪ ̀, ɪ ́ɲwà, púsù, cɔ́cɪ ̀, kɔ́fɛ̀, pɔ́mpɪ ̀. (HL)
‘crocodile, joie, pigeon, chat, église, café, pompe’
La majorité des noms de la catégorie HL provient de l’anglais. Et dans l’autre sens, la
majorité des emprunts à l’anglais se trouve dans cette catégorie. En effet, l’accent tonique de
l’anglais sur la premier syllabe d’un nom est typiquement rendu dans une langue à tons par le
schème HL. Parfois, ce phénomène fait que la catégorie redevient une catégorie relativement
bien représentée dans la langue, comme ici où les noms HL d’origine ikposo sont
relativement peu nombreux (3/9). Parfois, une catégorie tonale disparue réapparaît même de
cette manière, comme c’est le cas en Tswana (Creissels, communication personnelle).
Dans les catégories avec des tons identiques sur les deux syllabes, HH est très courant comme
on l’a vu ; LL est relativement bien représentée (76), par contre les noms MM sont assez peu
nombreux (75).
(75)
ɔbwɛ, ɛza, iɟo, ɪvɪ, ɔvlɔ, ɛbɛ. (MM)
‘bien, termite, dix, eau, sang, savon’
(76)
àwʊ̀, ɔ̀jɔ̀, ɔ̀vlɛ̀, ɛ̀gà, ɪ ̀ɰà, ɲèɲè, ʊ̀ɟɔ̀… (LL)
‘vêtements, pou, pagne, argent, cochon, oncle, boue’
La catégorie MF comptent également peu de lexèmes (77). Parmi ceux-ci, le cas de l’emprunt
sukû à l’anglais ‘school’ est à considérer en parallèle avec l’explication donnée pour les
emprunts HL. En effet, la voyelle de la première syllabe est une voyelle épenthétique due au
fait que la séquence [sk] de l’anglais est impossible en ikposo. C’est donc la deuxième voyelle
qui porte le ton correspondant à l’accent tonique de l’anglais. Quant à la première voyelle, elle
porte un ton M, qu’on peut considérer ‘neutre’.
- 44 -
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(77)
ɔcɔ̂, ɔbɛ̂, ukpî, sukû . (MF)
‘tôt, rivière, chien, école’
Les lexèmes de la catégorie HF sont donnés en (78). Comme nous l’avons vu lors de
l’énumération des tonèmes, il n’y a pas d’opposition entre différents type de tons descendants.
Les paires quasi-minimales avec ítóo ‘montagne’ et ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’ ne concernent pas les tons
mais le nombre de syllabes.
(78)
ívjû, ícû, ítô, ɔ́cɔ̂, ɔ́gbâ, ɔ́mɔ̂, ɔ́vɛ̂, ɪ ́lâ, péjə̂, ʊ́dɔ̂. (HF)
‘petit, bois, partie du corps28, tôt, plante29, petit rongeur30, fonio préparé, père, avocat,
miel récolté31’
La catégorie LH contient également peu de lexèmes (79). Il faut en outre noter que la moitié
de ces lexèmes sont des termes d’adresse de parenté et constituent régulièrement dans les
langues des cas particuliers dans la phonologie.
(79)
àbwɪ ́, ɪ ̀lɪ ́, ògló, dàdá, fòfó, pàpá. (LH)
‘seringue, nuit, souris des champ, maman32, grand frère33, papa’
Les trois dernières catégories LF, LM et MH ne comptent respectivement que deux, un et un
lexèmes (80). Sur ce déjà petit nombre de lexèmes, àklo et àwû ne respectent pas l’harmonie
vocalique et tɔ̄nʊ́ a une structure CVCV. En plus du profil tonal, ces caractéristiques
inhabituelles font qu’il est fort probable qu’il s’agisse d’emprunts.
(80)
àwû, ʊ̀gbâ (LF), àklo (LM), tɔ̄nʊ́ (MH)
‘muet, gorille, pirogue, aiguille à coudre’
IV.2.2
Trissyllabes
Il faut bien entendu séparer les composés des trissyllabes non composés. Les schèmes tonals
des premiers (qu’ils soient trissyllabes ou plus) dépendent des éléments les constituant. En
général, il n’y a pas de changement, chaque morphème gardant ses tons d’origines, sauf dans
28
Il s’agit de la cavité située à la base du cou, au-dessus des os de la fourchette sternale.
Plante utilisée pour faire de la teinture indigo pour les vêtements.
30
Anderson l’avait traduit par ‘field mouse’. Mon informatrice m’a dit qu’à Doumé le mot désigne effectivement
un petit rongeur des champs mais pas la ‘souris des champs’. Pour ‘souris des champs’, elle donne le mot ògló
traduit ‘rat’ par Anderson.
31
S’oppose à úsé qui désigne le miel dans la ruche.
32
Pour s’adresser à sa mère mais aussi à ses sœurs aînées.
33
Peut également servir pour s’adresser à son père dans le cas où la mère appelle son mari ainsi. Il est possible
que papa soit un terme emprunté.
29
- 45 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
le cas d’une élision ou réduction vocalique, auquel cas c’est le ton de la première syllabe qui
est conservé.
Dans le corpus, 47 items sont considérés comme des trissyllabes non composés, bien qu’on
puisse hésiter pour deux d’entre eux :
(81)
ɛ́gbatɛ́
ɔ̀vlɛ̀gba
‘épaule’
‘type de plante’
Le premier, ‘épaule’ pourrait être composé à partir de ɛ́gbā ‘poitrine’ et le second, qui désigne
une plante dont on se sert pour faire la teinture indigo des pagnes, pourrait justement être
composé à partir de ɔ̀vlɛ̀ ‘pagne’. Dans les deux cas, je ne sais pas ce que pourrait signifier la
deuxième partie de ces éventuels composés. Aussi, tant que je n’ai pas de certitude, je préfère
les laisser dans cette catégorie.
Donc, les 46 noms trissyllabiques de ce corpus se répartissent en 13 schèmes. On remarque
tout de suite une hétérogénéité plus importante que pour les dissyllabes.
Schème tonal
Nb.
LLL
7
Exemples
ɪ ̀dàmà ‘natte’
àgbèdì ‘manioc’
ùkpə̀fò ‘cour’
ɛ̀wʊ̀nà ‘calebasse sauvage’
ɛ̀kpɛ̀tɛ̀ ‘sac en palmes’
dɔ̀kɪ ̀tà ‘médecin’
jàkàlɪ ̀ ‘piment’
HMH
7
ɔ́ɔzʊ́ ‘type d’arbre34’
ágʊgʊ́ ‘extérieur de la joue’
ɔ́ɔkʊ́ ‘assiette
ʊ́ʊlɥá ‘ombre’
ádʊkʊ́ ‘genou’
ɪ ́nɪtɪ ́ ‘peur’
úluví ‘homme, mâle’
LLM
HHM
34
6
5
ɛ̀kɔ̀tɔ ‘chapeau’
ɛ̀gàmɔ ‘piège (type piège-à-loup)’
ùtùkpə ‘chèvre’
ɔ̀vlɛ̀gba ‘type de plante’
ɛ̀kʊ̀tɛ ‘maison’
àkpàcɔ ‘poisson’
ɔ́mɔ́ɔ ‘gorge’
ɪ ́wácɔ ‘cafard’
ítóo ‘montagne’
údúnu ‘maison’
Est utilisé comme médicament.
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ɪ ́vlɔ́ɔ ‘oiseau’
HHH
4
ɔ́sɛ́ɰá ‘bavardage’
álábó ‘intérieur de la joue’
étúlé ‘four’
ófwélé ‘(qch de) blanc’
HFL
2
ɔ́lɔ̂kʊ̀ ‘sel’
ídênù ‘type d’insecte35’
HHF
2
ɔ́wʊ́lʊ̂ ‘œuf’
édínî ‘intérieur de la maison’
HML
2
ɔ́zazʊ̀ ‘mouton’
ɛ́mɛkʊ̀ ‘ventre’
HMM
2
ídoɥi ‘fatigue’
ʊ́gbata ‘feuille’
LHF
1
àdʊ́kʊ̂ ‘foulard’
LHM
1
àtíke ‘médicament’
LLH
1
ɛ̀kpàcú ‘épervier’
MHH
1
mkpɔ́nʊ́ ‘miroir’
Bien qu’il soit difficile de faire des statistiques sur un si petit nombre, on peut remarquer que
la répartition est assez différente de celle des dissyllabes. Alors que le schème HH était pour
eux le plus courant, ici HHH est relativement peu représenté. Par contre les noms avec un ton
bas initial sont plutôt nombreux par rapport aux dissyllabes.
De même, les suites tonales LM ou MH, extrêmement rares pour les dissyllabes, ont l’air
assez courantes pour les trissyllabes. Le fait que ces suites n’apparaissent couramment que sur
les deux dernières syllabes des noms est un argument en faveur de l’hypothèse selon laquelle
les trissyllabes proviendraient d’anciens composés. En effet, ces suites seraient moins
surprenantes, puisqu’elles correspondraient à des suites formées par la morphologie.
La suite tonale HM est représentée très souvent par une suite de voyelles. On a vu en III.3.2
qu’il était préférable de considérer ces suites comme des syllabes distinctes plutôt que comme
des voyelles longues.
35
Petit et gênant, genre moucheron.
- 47 -
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V Morphologie
V.1 Les classes de mots
Une première distinction oppose les catégories ouvertes des catégories fermées. Les
catégories ouvertes, lexicales, sont les noms, les verbes et les idéophones – ainsi que quelques
adverbes. Les deux premières catégories constituent le noyau des parties consacrées à la
morphologie nominale (VI) et verbale (VII). La troisième n’a été abordée que succinctement
et un petit paragraphe seulement en rendra compte (V.1.1).
La fonction adjectivale n’est pas représentée par une catégorie lexicale. Pour Tomegbé, Eklo
affirme également (pp.41-42) qu’il n’y a pas lieu de reconnaître une classe d’adjectifs.
‘(…) la question de la qualification intervient au niveau de la dérivation ainsi qu’au niveau de la
reconnaissance d’un syntagme qualificatif, pas au niveau de l’établissement des classes de lexèmes.
Remarquons que la plupart des unités considérées traditionnellement comme ‘adjectifs’ répondent
pleinement à la définition du lexème verbal’
Mais alors que dans le dialecte de Tomegbé, le lexème verbal doit subir une dérivation pour
pouvoir assumer ce rôle adjectival, il n’y a pas de changement pour le dialecte de Doumé. Il
semble que quelques noms peuvent également remplir une fonction adjectivale. Ces questions
seront traitées dans la partie (VI.8).
Les catégories fermées et grammaticales peuvent appartenir soit à l’environnement nominal
soit à l’environnement verbal. Elles seront donc traitées respectivement avec les noms (VI) et
les verbes (VII).
V.1.1
Les adverbes et les idéophones
Sur le sujet des adverbes, qui sont toujours difficiles à cerner, prenons d’abord une définition :
‘L’étiquette ‘adverbe’ telle qu’elle est traditionnellement utilisée n’est guère qu’un terme commode pour
désigner les mots qui, pour une raison ou pour une autre, ne se rangent de manière évidente dans
aucune des autres classes de mots.’ (Creissels, 2006:249)
- 48 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Selon cette définition ‘négative’, le corpus compte deux adverbes que je ne peux ranger ni
avec les noms ni avec les verbes. Il s’agit de nɪ ́ ‘déjà’ (82) et ámɛ ‘ainsi’ (83). Ils sont placés
en fin de phrase et ne subissent pas l’harmonie vocalique à partir d’un autre lexème. Ils
suivent les règles générales quant à l’élision ou réduction vocaliques. Enfin, ils n’ont pas de
caractéristiques particulières qui pousseraient à le mettre dans une autre catégorie. Comme
mon corpus est relativement restreint, surtout pour ce genre de mot qui apparaît plutôt dans
des textes, seuls ces deux adverbes ont pour l’instant été relevés. Il est encore trop tôt pour
décider s’il faut effectivement reconnaître une catégorie adverbiale ou non.
(82)
ásɥa
àwʊ̀
nɪ ́
3S.ACP-suspendre
vêtement déjà
‘J’ai déjà suspendu le vêtement.’
(83)
welí vlámɛ
we-lí
vlɛ̀
ámɛ
1P.ACP-fermer
se_coucher
ainsi
‘On s’est couché ainsi.’
Par contre, on peut distinguer une classe d’idéophones. Les idéophones se distinguent des
autres classes de mot par leur structure phonologique et leur emploi syntaxique. Une des
caractéristiques phonologiques de cette classe est qu’elle utilise énormément la réduplication,
ce qui donne parfois des lexèmes à quatre syllabes, ce qui est impossible pour les autres
catégories. Une autre caractéristique est que les idéophones admettent des structures
syllabiques marginales. Ainsi, on peut trouver la séquence CAAV (84) qui n’apparaît pas au
niveau lexical dans le reste de la langue, mais seulement au niveau morphonologique après
réduction vocalique (III.4.1).
Syntaxiquement, les idéophones se placent, comme les adverbes, en fin de phrase :
(84)
klwaklwa
‘s’utilise lorsqu’on peut toujours espérer quelque chose, mais qui n’arrivera pas’
(85)
wa-ɰa
fʊ́sʊ
kákákáká
1P.ACP-aller chercher très_longtemps
‘On a cherché pendant très longtemps.’
(86)
é-kélê
nɛ̀nɛ̀
3S.ACP-faire vite
‘Il s’est dépêché.’
- 49 -
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VI Morphologie et syntagme nominal
VI.1
Morphologie nominale
Nous avons vu dans la partie consacrée à la syllabe (III.4) que la structure de base du nom
était dissyllabique V.C(A)V ou trissyllabique V.C(A)V.C(A)V. La structure C(A)V.C(A)V
est le signe d’un emprunt. Nous allons voir dans cette partie quelques propriétés
morphologiques des noms, dans le domaine de la dérivation. Les phénomènes de composition
ne seront pas traités ici. En effet, il paraissait préférable de les envisager d’un point de vue
morphonologique sur le thème de la rencontre de voyelle (III.5).
VI.1.1
Dérivation de noms à partir de verbes
Eklo a décrit pour Tomegbé des processus de dérivation permettant de former des noms à
partir de verbes. On reconnaît également à Doumé que des noms et des verbes possèdent la
même base lexicale. La forme nue du verbe correspond à cette base, le nom doit par contre lui
ajouter une voyelle initiale. Je n’ai pas constitué un corpus suffisant pour pouvoir étudier de
manière systématique la relation sémantique entre les noms et les verbes correspondants. La
seule régularité qui ressort des données est qu’un verbe exprimant un état ou une qualité peut
donner un nom désignant cet état ou une entité dans l’état en question en préfixant à la base
les voyelles o- ou ɔ- selon l’harmonie vocalique du lexème. Les changements de tons entre le
verbe et le nom n’ont pas encore été abordés.
(87)
á-bwɛ
3S.ACP-être_bien
(88)
ɔbwɛ
bien
á -lʊ́lɥǎ
ɔlʊlɥǎ
3S.ACP-être_frais
frais
‘C’est bien.’
‘(qch. de) bien’
‘C’est frais.’
‘(qch. de) frais’
é-fwéle
ófwélé
á-lɔ́
ɔ́lɔ́
3S.ACP-être_blanc
blanc
3S.ACP-être_noir
noir
‘C’est blanc.’
‘(qch. de) blanc’
‘C’est noir.’
‘(qch. de) noir’
- 50 -
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VI.1.2
Suffixes dérivatifs
Quelques trissyllabes peuvent être analysés comme des noms de structure V.C(A)V auxquels
ont été ajouté un suffixe de dérivation. La différence entre un nom suffixé par un morphème
de dérivation et une construction nom-nom (III.5.4), où la voyelle initiale du deuxième nom
s’élide, est motivée par la reconnaissance ou non d’un nom indépendant pour la deuxième
partie du mot. Par exemple j’ai considéré ɔ́ɰlɔvjû ‘poussin’ ou ukpîvjù ‘chiot’ comme une
construction nom-nom avec une valeur de caractérisation parce que mon informatrice
reconnaissait dans -vju le nom ívjû ‘petit’. Une traduction littérale pourrait donc être ‘petit de
poule’ ou ‘petit de chien’. Notons que pour Tomegbé, Eklo considère au contraire
l’équivalent -júū comme un dérivatif.
Par contre pour les noms suivants (89), mon informatrice ne reconnaissait pas dans -ɟa et -cɔ
un nom pouvant être utilisé seul. -ɟa et -cɔ sont donc considérés comme des suffixes dérivatifs
à valeur respectivement locative et diminutive.
(89)
ékpe-ɟa
ɔ́bɛ̂-cɔ
áwɛ́-cɔ
promenade-LOC
rivière-DIM
casserolle-DIM
‘lieu de promenade’
‘ruisseau’
‘petite casserole’
Le locatif -ja est apparu également dans ɪ ́vɪja ‘cimetière’ mais le premier morphème n’a pas
été reconnu. Dans son article, Anderson le traduit par ‘furrow’.
Enfin, d’autres éléments pourraient aussi être reconnus comme des dérivatifs nominaux. Tout
d’abord, -kà exprime une idée de grandeur. Il est suffixé à ɪ ́ná ‘mère’ pour donner ɪ ́nâkà
‘grand-mère’. On le trouve également dans l’article de Anderson suffixé à úgbe ‘savanna’
pour donner úgbekà ‘large grasslands’. Pour ces deux lexèmes, elle le glose effectivement
comme un dérivatif avec la valeur ‘qualitative’.
Ensuite, -ɰa n’apparaît que dans un seul mot ɛ́tʊɰa ‘tout le corps’ mais on peut clairement
identifier le premier morphème ɛ́tʊ ‘corps’. Apparemment -ɰa n’est pas un nom amoindri de
sa voyelle initiale. Mon hypothèse est donc qu’il s’agisse d’un dérivatif à valeur totalisante.
- 51 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Enfin, le suffixe -na est décrit par Eklo (p.51) comme ‘un dérivatif à valeur de constat, de
jugement [permettant] de former une base nominale à valeur de constat, à partir d’un dérivé
nominal de verbe à valeur de qualité.’ Parmi les exemples qu’elle donne, on trouve álɛ́na
‘manière, façon d’être’ que contient également mon corpus sous la forme tonale álɛna. Elle
donne pour álɛ́ la signification ‘façon’.
Un autre nom de mon corpus est ɔ́lʊ́ná ‘métier’ que mon informatrice, pour explication, m’a
traduit littéralement ‘façon de faire de quelqu’un’. On pourrait donc le décomposer en ɔ́lʊ
‘personne’ suivi du dérivatif -na. Mais on remarque que les tons du dérivé sont différents de
ceux des deux parties, ce qui jette un doute sur cette analyse. Il faut donc attendre plus de
données pour confirmer ou infirmer l’existence de ce dérivatif pour le parler de Doumé.
VI.2
Syntagme nominal
Cette partie et celles qui suivent vont traiter de tous les morphèmes grammaticaux ou
lexicaux, libres ou liés qui peuvent s’adjoindre au nom dans les limites du syntagme nominal.
Comme il n’y a pas suffisamment de matière pour leur consacrer une partie entière, les
prépositions seront incluses ici.
L’ordre de ces morphèmes est rigide et est résumé dans le schéma suivant (90). Les
morphèmes apparaissant dans la même colonne s’excluent mutuellement.
Il s’agit bien sûr d’un schéma provisoire, puisqu’il ne se base que sur un nombre restreint de
données. Aucun des composants autre que le nom n’est obligatoire. Quant à celui-ci, je ne sais
pas s’il peut être sous-entendu, en cas d’anaphore par exemple.
(90)
démonstratif
Préposition
possessif
défini singulier
dépendants lexicaux
NOM
numéral
(verbe ou nom)
pluriel36
Les exemples de (91) et (92) ci-dessous illustrent l’ordre des morphèmes. Parmi toutes les
combinaisons entre les morphèmes indiqués ici, celles du numéral suivi du défini, du
possessif accompagné du défini et du possessif avec le pluriel n’ont pas été vérifiées. Il se
36
Le mot ‘pluriel’ renvoit à plusieurs morphèmes, dont celui du défini pluriel.
- 52 -
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peut donc qu’elles s’avèrent impossibles – bien que dans le cas du possessif avec le pluriel, ce
serait étonnant.
(91)
naɰɛ́sɛ
nʊ́
t-ɔ̀lw-ɛ́
1S.ACP-parler PREP DEM-personne-DEF
‘J’ai parlé à cette personne.’
(92)
ɔ́sjɛ̀fwâ
wanɪ ̀
àwʊ̀
ɰlɛ̀
wanɪ ̀
ɪ ̀vlɛ̀
be
ɛ̀fwâ
femme-deux DEFPL
vêtement coudre DEFPL
araignée gros
‘les deux femmes’
‘les vêtements cousus’
‘deux grosses araignées’
VI.3
deux
Les adpositions
L’ikposo est un langue comportant aussi bien des préposition que des postpositions. Le corpus
compte trois prépositions et une postposition. Les syntagmes dont elles sont la tête ont
toujours dans le corpus une fonction de complément oblique du verbe. Je n’ai pas essayé de
voir s’ils pouvaient également remplir la fonction de complément de nom.
La première préposition mʊ ~ mw- ‘comme’ ne pose pas de problème à ce niveau d’analyse.
Son sémantisme est transparent et elle est utilisée avec des constituants obliques. Toutefois,
les seuls exemples à ma disposition viennent de phrases intransitives.
(93)
t-udúnu
é-be
mʊ
sukû
DEM-maison 3S.ACP-être_grand comme école
‘Cette maison est grande comme l’école.’
Les deux autres formes identifiées comme des prépositions nʊ̀ ~ n- et nʊ́ ~ n- 37 sont par
contre problématiques. J’ai en effet un doute sur le fait qu’il s’agisse de prépositions
différentes ou non. Elles portent des tons distincts mais c’est leur seule différence
phonologique. Si l’on remplace le syntagme prépositionnel par un pronom, celui-ci sera le
même quelle que soit la préposition utilisée dans la construction du verbe, comme on le voit
en (96) et (97). Bien qu’on les trouve utilisées avec des verbes différents, ceux-ci sont trop
peu nombreux pour l’instant pour en tirer une conclusion fiable.
La forme nʊ́ a été utilisée pour introduire les compléments locatifs de provenance et de but
des verbes ɲɪ ̌ ‘tomber’ et báfà ‘apporter’ ainsi que le destinataire du verbe ɰɛ̀sɛ̌ ‘parler.
37
On peut également les distinguer lorsqu’elle ont leur forme réduite puisque, selon la règle générale, c’est leur
ton qui sera conservé et non pas celui de la voyelle suivante.
- 53 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(94)
á-ɲɪ ́
n-ícû
3S.ACP-tomber
PREP-arbre
‘Il est tombé de l’arbre.’
(95)
… báfà
apporter
n-údúnu
PREP-maison
‘… pour l’apporter à la maison.’
(96)
naɰɛ́sɛ
nʊ́
t-ɔ̀lw-ɛ́
na-ɰɛ́sɛ
fà
á-ɰɛ́sɛ
nʊ̀
1S.ACP-parler PREP DEM-personne-DEF
1S.ACP-parler X3S
3S.ACP-parler X1S
‘J’ai parlé à cette personne.’
‘Je lui ai parlé.’
‘Il m’a parlé.’
La préposition nʊ̀ quant à elle a été utilisée pour le complément bénéficiaire de jə̌du ‘aider’:
(97)
éjə́du
n-ɔ̀ɲɪ
é-jə́du
3S.ACP-aider
PREP-mari
3S.ACP-aider X3S
3S.ACP-aider X1S
‘Elle l’a aidé.’
‘Il m’a aidé.’
‘Elle a aidé son mari.’
fà
é-jə́du
nʊ̀
Les données de l’article de Anderson font également état d’une postposition lì ‘dans’ (98), qui
peut être rapprochée de la postposition nɪ ̀ ‘dans’ de Tomegbé (Eklo, p.121).
(98)
ɔ́tá é-ɥi
ɔ́tɔ́ lì
lapin
trou
3S.ACP-rentrer
dans
‘The rabbit went into the hole.’ (Anderson, p.203)
Mon corpus ne compte pas de données illustrant cette postposition dans un contexte spatial
prototypique, mais elle apparaît néanmoins dans la phrase suivante :
(99)
anʊna
kébû
ɛ́lʊ́ li ̀
Poss1S-mère INAC-réflechir tête dans
‘Ma mère est en train de réfléchir.’
VI.4
Le démonstratif
Il n’y a pas en ikposo plusieurs démonstratifs selon le degré d’éloignement entre la chose
désignée et le locuteur.
- 54 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Le démonstratif est préposé au nom avec les formes tʊ̀ devant consonne et t- devant voyelle.
Sur ce point, la variante de Doumé est différente de celle de Tomegbé, puisque pour cette
dernière, le démonstratif cɛ̀ est postposé au nom (Eklo, p.60).
Très souvent, le démonstratif est accompagné du morphème de défini, postposé au nom
comme en (100). Toutefois, ce n’est pas obligatoire et il peut également apparaître seul (101).
Je ne sais pas si la présence du défini avec le démonstratif est conditionnée syntaxiquement
ou uniquement discursivement. Dans le deuxième exemple, en effet, il se pourrait que le fait
qu’il s’agisse d’une construction génitivale explique l’absence du défini.
(100) tʊ̀-sukû jɛ́
t-ɔ̀lw-ɛ́
DEM-école DEF
DEM-personne-DEF
‘cette école’
‘cette personne’
(101) t-ùdúnu
ájʊ́-púsù
DEM-maison Poss3S-chat
‘le chat de cette maison’
Dans la variante de Tomegbé, le démonstratif a également une forme pronominale ɪ ̀cɛ̀ qui
suffit pour assumer le rôle de constituant nominal. Je n’ai pas essayé d’éliciter des formes
comme ‘celui-ci’ pour voir si le fonctionnement du démonstratif est similaire pour la variante
de Doumé.
VI.5
Le défini
La marque de défini jɛ́ est la même que celle de Tomegbé et elle est également postposée au
nom. Anderson (p.193) montre que le défini a deux formes. L’une est libre et ne subit pas
d’harmonie vocalique, l’autre est liée et est suffixée au dernier élément du syntagme nominal,
dont elle prend la valeur ATR. Le choix entre les deux formes est une question discursive.
L’interaction entre cette forme cliticisée du défini et la voyelle finale du nom suit les règles
générales d’élision et de réduction. De même le ton haut du défini est remplacé par le ton de
la voyelle en question.
(102) úti
sorcier
jɛ́
útj-e
DEF
sorcier-DEF
‘le sorcier’
‘le sorcier’
- 55 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Pour exprimer un défini pluriel, ce n’est pas ce morphème qui est utilisé mais wanɪ ̀. Nous
verrons celui-ci dans le paragraphe des marques de pluriel.
Les contextes d’apparition du défini, et donc sa valeur sémantique précise, n’ont pas été
étudiées. On remarque simplement qu’en élicitation un syntagme français défini ‘le x’ n’est
pas forcément rendu en ikposo avec un syntagme ‘x jɛ́’.
Dans les constructions génitivales, le nom tête n’est jamais suivi dans les données par le
défini, comme l’illustre l’exemple (101). Je ne sais pas si le syntagme tùdúnu ájʊ́púsù jɛ́
aurait été possible.
VI.6
Les possessifs
Deux paradigmes de possessifs sont disponibles dans la langue. Le premier est utilisé pour la
grande majorité des noms, le deuxième est réservé aux termes de parenté.
Paradigme I
Par. II
àwù ‘vêtement’
ɪ ́ná ‘mère’
1S
an-awʊ̀
anʊ-na
2S
án-âwʊ̀
á-na
3S
áj-áwʊ
ɔ́-ná
1P
aw-awʊ̀
awʊ-nà
2P
amj-awʊ̀
amjʊ-nà
3P
àtàmj-awʊ̀
àtàmjʊ-nà
Possessifs
VI.6.1
Segments et tons des possessifs
Les formes de 2ème et 3ème personne singulier sont différentes entre les deux paradigme. Pour
le reste, la principale différence formelle porte sur l’élision vocalique. Alors que la voyelle
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
finale du paradigme I est élidée, c’est la voyelle initiale du nom qui est élidée avec le
paradigme II.
Le paradigme I n’a pas été élicité entièrement avec un nom commençant par une consonne.
Pour la 3ème personne singulier, la voyelle finale du possessif est bien [+haute, +arrière] et on
peut supposer qu’aux autres personnes elle le serait aussi, sur le modèle du paradigme II. Par
ailleurs l’absence d’un paradigme complet avec deux noms CVCV de traits ATR différents
font que je ne sais pas si la deuxième voyelle du possessif s’harmonise avec le nom. Les
quelques exemples du corpus (comme ájʊ́púsù (101)) ne sont pas suffisants pour une
conclusion certaine.
Au niveau tonal, on remarque une perturbation des tons du terme nominal par le possessif. Le
cas le plus clair à la perception est l’abaissement tonal à moyen de ‘mère’ avec les possessifs
de 1ère et 2ème personnes du singulier. En effet, il faut noter qu’il y a un doute sur les tons de la
1ère et 2ème personnes du pluriel. Le profil tonal est MML pour ‘vêtement’ et ‘mère’, mais il
est HHF pour ‘chien’ : áwúkpî ‘notre chien’, ámjúkpî ‘votre chien’. Ici encore, comme les
possessifs n’ont pas été utilisés avec des mots de chaque catégorie tonale, il est difficile de
proposer une analyse pour l’instant.
VI.6.2
Distribution des deux paradigmes de possessifs
Le paradigme I constitue le paradigme régulier. La grande majorité des noms prennent les
possessifs de ce paradigme. Le deuxième paradigme des possessifs est employé pour les
relations familiales. Pour l’instant, l’emploi de ce paradigme a été confirmé pour ɪ ́ná ‘mère’,
ɪ ́lâ ‘père’ et ɪ ́néjē ‘sœur’. Le nom ‘épouse’ se dit ájɪ ́si. On est tenté de voir dans cette forme
l’association d’un possessif et de ɔ́si ‘femme’, bien que le résultat ne soit pas régulier. De plus
les deux formes attendues pour ‘sa femme’ avec le possessif I et II ont été refusées (*ájɔ́si,
*ájʊ́si).
La 3ème personne singulier du possessif est également employée pour marquer la tête d’un
constituant génitival. Les deux paradigmes peuvent remplir cette fonction :
(103) evíɟe áj-áwʊ
evíɟe ɔ́-na
enfant Poss3S-vêtement
enfant
‘les vêtements de l’enfant’
‘la mère de l’enfant’
- 57 -
Poss3S-mère
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
VI.7
VI.7.1
Les marques de pluriel
Pluriels réguliers
Le pluriel peut être marqué par un morphème placé en fin de syntagme nominal, après les
autres dépendants du nom. Il peut notamment succéder à un numéral.
Le corpus contient pour l’instant seulement deux morphèmes de pluriel réguliers : nɪ et wánɪ.
(104) àwʊ̀
ɰlɛ̀
nɪ
àwʊ̀
ɰlɛ̀
wánɪ
vêtement coudre PL
vêtement
coudre
DEFPL
‘des vêtements cousus’
‘les vêtements cousus’
Le morphème nɪ semble être utilisé pour marquer un pluriel indéfini alors que wánɪ est la
marque du pluriel défini. Selon Anderson (p.204) les marques de pluriel sont plus
nombreuses. Elle donne une liste de quatre morphèmes, ‘/dɪnɪ/, the (…) plural forms of the
indefinite article, and also /wá/, /nɪ/, /wánɪ/, the definite plural forms’, et précise qu’ils
fonctionnent différemment au niveau discursif.
Toutefois le pluriel n’est pas systématiquement marqué. Lors de l’élicitation, lorsque je
proposais des phrases incluant des syntagmes nominaux pluriels sans que l’accent soit mis sur
cette pluralité, le plus souvent aucune marque de pluriel n’apparaissait. L’étude de la
répartition entre l’absence de marque et des différents morphèmes doit être abordée à partir de
contextes plus larges, avec des textes, et sort donc du cadre de ce travail. Elle est remise pour
des travaux ultérieurs.
VI.7.2
Pluriels irréguliers et anciennes classes nominales
Certaines langues kwa sont parfois nommées ‘langues résiduelles’ parce qu’elles contiennent
des vestiges d’anciennes classes nominales. En ikposo, la voyelle initiale des noms provient
effectivement de classes nominales mais elle a été la plupart du temps lexicalisée si bien
qu’elle n’a plus de fonction morphosyntaxique. Toutefois, un certain nombre de noms a
échappé à cette lexicalisation et l’opposition singulier/pluriel continue de se faire par une
opposition de voyelles initiales.
- 58 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Pour le parler des villages Okou-Onga-Otandjobo, Anderson (p.195) identifie deux classes
nominales.
‘In the first of these classes a singular /u/ ~ /ʊ/ corresponds with /a/ ~ /e/ in the plural. In the second
noun class, limited to human beings, singular /o/ ~/ɔ/ corresponds to plural /a/. Note that in this class of
nouns, in contrast with the class above, plural /a/ does not alternate harmonically, but shows up as a
[-ATR] low with roots of both ATR sets.’
La situation de Tomegbé semble plus simple. Eklo ne distingue que deux groupes de noms,
ceux qui forment leur pluriel en –a (ils sont tous –ATR) ceux qui forment leur pluriel en –e
(ils sont tous +ATR). Par contre, la voyelle du singulier n’est pas déterminée.
Le tableau suivant compare les données des trois variantes. Il reprend la classification de
Anderson, qui est plus proche des données de Doumé. Normalement une ligne correspond à
des noms provenant a priori d’un même étymon, mais à partir d’une simple observation de la
ressemblance ; des erreurs sont donc très possibles. Parfois, j’ai regroupé des noms qui ne se
ressemblent pas mais qui signifie la même chose et qui ont la même alternance singulierpluriel comme pour ‘enfant’. Lorsque plusieurs traductions sont données elles correspondent
dans l’ordre aux trois auteures. Le tiret - correspond à une simple absence de données.
La structure du tableau se veut avant tout pratique et lisible.
Tomégbé
(Eklo, p.59)
Okou-OngaOtandjobo
Doumé
(Anderson, p.195)
Sg.
Pl.
Sg.
Pl.
Sg.
Pl.
enfant
úɥí
éɥí
úmlóo
émlóo
úví
éví
chien
úkpì
ékpì
úkpî
ékpî
ukpî
pl. régulier ~
ekpî
garçon / mâle
/ homme
úūní
éēní
úluví
éluví
úluví
éluví ~ áluví
sanglier
-
-
úvle
évle
úvle
pl. régulier
gorille
-
-
ʊ̀gbâ
àgbâ
ʊ̀gbâ
pl. régulier
personne du
même âge
-
-
ʊkpa
akpa
ʊkpa
pl. régulier
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
jumeau
-
-
ʊ́kɔ́
ákɔ́
ʊ́kɔ́
ákɔ́
garçon, jeune
homme
óléēvì
-
ólevì
álevì
ólevì
álevì
jeune femme
-
-
ósjetʃū
ásjetʃū
-
-
être humain /
personne
ɷ́ nɷ̄ ɷ̀
ánɷ̄ ɷ̀
ɔ́lʊ
álʊ
ɔ́lʊ
álʊ
femme
ɔ́sɪ ̄
ásɪ ̄
ɔ́sɪ
ásɪ
ɔ́sɪ
pl. régulier ~
ásɪ
vache
ɷ́ lɛ̄ɛ ̀
álɛ̄ɛ ̀
-
-
ʊ́lɛ
álɛ
poule
ɔ́ŋɔ̀
áŋɔ̀
-
-
ɔ́ɰlɔ
áɰlɔ
oiseau
ɪ ́vɔ́ɔ ̄
ávɔ́ɔ ̄
-
-
ɪ ́vlɔ́ɔ
pl. régulier
chèvre
ìtùkpáà
ètùkpáà
-
-
utukpə
pl. régulier
Quelques remarques sont à faire pour la variante de Doumé. Pour le nom uluvi ‘homme’,
deux pluriels irréguliers différents m’ont été données. Je ne sais pas s’il s’agit d’une variante
libre ou motivée. Enfin, pour uvla ‘ver de terre’, mon informatrice n’a pas totalement rejeté le
pluriel irrégulier evla mais elle le trouve très douteux.
On remarque de toute façon que le pluriel régulier tend à être étendu. Plusieurs fois, le pluriel
irrégulier ne m’a été donné que sur une question explicite de ma part. Lorsque l’accent n’est
pas mis sur le pluriel, il est souvent régulier.
Des trois parlers, l’ikposo de Doumé semble être celui qui a régularisé le plus de lexèmes.
Il faut noter également que le pluriel irrégulier n’empêche pas le syntagme de comprendre une
marque de pluriel régulière. Au contraire, le plus souvent, les deux marques de pluriel –
régulière et irrégulière – sont utilisées conjointement. Le syntagme verbal peut donc compter
jusqu’à trois indications de pluriel avec le pluriel irrégulier provenant d’anciennes classes
nominales, un numéral, et une marque de pluriel régulière.
- 60 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
VI.8
Dépendants du nom lexicaux
En dehors des morphèmes grammaticaux que nous venons de voir, le syntagme nominal peut
également comporter un verbe ou un autre nom régi par la tête.. Nous allons d’abord présenter
le cas des verbes puis celui des noms.
VI.8.1
Verbes dépendants de nom
En effet, comme l’a montré Eklo pour Tomegbé, il n’y a pas de classe adjectivale en ikposo,
cette fonction étant assumée par des dérivations de verbes. La situation pour Doumé est
légèrement différente, puisque les verbes peuvent accéder à cette fonction sans dérivation,
juste à la forme nue (105). Ils sont postposés au nom.
(105) wɪ ̌nɪ
ɔ́lʊ
wɪ ̌nɪ
vlu
étí vlu
grandir
personne grandir
pétrir
terre pétrir
‘Grandis !’
‘adulte’
‘Pétris !’
‘terre battue’
On peut se demander si certains des syntagmes résultant de cette construction ne
constitueraient pas des composés, ou au moins des syntagmes figés, plutôt que des syntagmes
pleinement productifs. En effet, ils désignent parfois des notions qui ne sont pas parfaitement
réductibles à la somme du nom et du verbe le qualifiant. On peut par exemple mettre en
parallèle ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ ‘adulte’ avec l’expression française ‘grande personne’, qui ne désigne pas
seulement une personne grande. Toutefois, cette interrogation est à relativiser. Il n’y a en effet
aucun critère formel – du moins pour l’instant – qui permettrait de dessiner une frontière entre
des composés nom-verbe ou des syntagmes figés et des syntagmes qui serait le fruit de la
construction productive.
VI.8.1.a
Comparaison avec la structure argumentale du verbe
Dans cette position de dépendant du nom, le verbe peut modifier un nom qui correspond au
rôle sémantique assumé normalement par son sujet – que le verbe soit intransitif (106) ou
transitif (107) – ou un nom qui correspond au rôle sémantique de son objet (108).
(106) údúnu be
maison
être_grand
‘grande maison’
úvle lɔ́
sanglier être_noir
‘sanglier noir’
- 61 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(107) ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀kʊ́
ɛ́kʊ́
ɰlɛ̀
ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́
ɛ́kʊ́
ɔ́lʊ
wà
ɛ́sɛ́
chose coudre chose
personne montrer chose
‘matériel de couture’
‘enseignant (litt. la personne montrant les choses)’
(108) àwʊ̀ ɰlɛ̀
étí vlu
ícû kpa
ɛ́kʊ́
jɛ̀
vêtement coudre
terre pétrir
bois tailler
chose
manger
‘vêtements cousus’
‘terre battue’
‘bois taillé’
‘nourriture’
On remarque en (107) que le verbe dépendant de nom peut avoir ses propres dépendants. En
l’occurrence, dans ces deux syntagmes, il s’agit de son objet. Il serait intéressant de voir si le
verbe peut dominer un autre de ses dépendants habituels – son sujet, des obliques, des
adverbes – lorsqu’il modifie un nom.
Ces deux syntagmes sont les seuls de mon corpus où le nom tête correspond au rôle
sémantique du sujet d’un verbe transitif, et dans les deux cas le verbe est accompagné de son
objet. On peut se demander si cela est obligatoire pour pouvoir interpréter le verbe dans une
orientation active plutôt que passive. Par exemple est-ce que ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀ pourrait aussi bien être
interprété comme ‘chose qui coud’ et ‘chose cousue’ ?
VI.8.1.b
Aspects des verbes dépendants de nom
Il semble que le verbe dans cette fonction de dépendant de nom n’ait pas un aspect imposé.
En effet, pour les verbes transitifs, dans étí vlu ‘terre battue’, l’aspect est accompli, alors que
dans ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́ ‘enseignant’ l’aspect est inaccompli. Dans ɛ́kʊ́ jɛ̀ ‘nourriture’ le verbe
dépendant exprime plutôt une propriété ‘qui peut être mangé, comestible’.
Si la différence aspectuelle entre ‘terre battue’ et ‘enseignant’ peut aller de paire avec la
différence d’orientation passive/active, la différence aspectuelle entre ‘terre battue’ et
‘nourriture’ ne peut pas reposer sur une distinction formelle. Dans ce cas la différence
d’aspect doit être appréciée par l’interprétation du contexte ou par le caractère éventuellement
figé de la construction.
Pour les verbes intransitifs, l’aspect pour ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ ‘adulte’ est plutôt accompli – le processus
de grandir étant arrivé à son terme. Par contre, les autres verbes, lɔ́ ‘noir’ ou be ‘grand’,
correspondent, comme pour ‘manger’, à une propriété exprimant l’état ou la qualité.
- 62 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Le tableau suivant résume la répartition des valeurs aspectuelles selon les critères syntaxiques
de la construction. Les cases vides correspondent, selon le résultat d’une étude sur ce thème,
soit à une impossibilité dans la langue, soit à une absence de données.
Aspect accompli
verbes
inaccompli
+
nom tête = rôle
intransitifs
Aspect
Propriété
+
sémantique du
sujet
verbes transitifs
+
nom tête = rôle
sémantique de
+
+
l’objet
VI.8.2
Noms dépendants de noms
Quelques noms peuvent également remplir cette fonction (109). Comme ils sont simplement
juxtaposés au nom tête, on peut les confondre avec une construction de caractérisation. Le
critère permettant de les distinguer est la réduction vocalique qui suit les règles générales
(élision ou réduction de V1) à la différence de la caractérisation. Cette question a été
approfondie dans la partie III.5.
(109) úti
sorcier
úluví
úti
homme
‘sorcier’
ɔ́sɪ
i ́néɟə̄
evíɟe
sorcier femme
sœur
enfant
‘sorcière’
‘sœur cadette’
Comme pour les verbes, le nom dans cette position peut être accompagné de ses propres
dépendants, comme le montre l’exemple (110), où l’on reconnaît une construction étudiée
dans la partie précédente (VI.8.1) : wɪ ̌nɪ ‘grandir’ est un verbe dépendant du nom ɔ́lu
‘personne’, lui-même dépendant de la tête ínéɟē ‘sœur’.
(110) anʊ-nejə̄
Poss1S-sœur
ɔ́lʊ
wɪ ̌nɪ
personne grandir
‘ma sœur aînée’
- 63 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
VII Morphologie et syntagme verbal
Comme il a été annoncé en IV.2, les catégories tonales des verbes seront étudiées dans cette
partie plutôt que dans la partie phonologie parce qu’elles sont liées avec les changements
morphologiques. Nous allons d’abord voir les structures des verbes monosyllabiques et
dissyllabiques, puis les morphèmes grammaticaux liés au verbe.
VII.1
Structure verbale : syllabes et tons
Les verbes se caractérisent par une structure monosyllabique C(A)V ou dissyllabique
C(A)V.C(A)V. Les monosyllabes forment trois groupes s’opposant par les tons. A l’intérieur
de ces groupes, les verbes fonctionnent tous de la même manière quant aux tons. Les
dissyllabes doivent être séparés entre ceux qui peuvent donner lieu à une décomposition et
ceux qui semblent constituer – du moins synchroniquement – un lexème unique. Nous
verrons tout d’abord ceux qui sont a priori indécomposables, puis les rares composés.
VII.1.1
Verbes monosyllabiques : trois catégories tonales
Le premier groupe a un profil tonal montant pour le verbe en isolation (c'est-à-dire à
l’impératif de 2ème personne du singulier). Dans la conjugaison, le ton du verbe est
systématiquement haut. Sur un total de 77 verbes, le corpus compte 27 verbes dans ce groupe,
qui est le plus représenté numériquement :
(111) kʊ̌
‘Balaye !’
jǐ
zɔ̌
‘Vends !’ ‘Dis !’
bǎ
kplě
ɥɪ ̌
‘Viens!’
‘Soulève !’ ‘Peins !’
Le deuxième groupe est caractérisé par un ton moyen en isolation. Il est représenté par 20
verbes dans mon corpus. Le ton moyen est toujours réalisé ainsi, que ce soit en isolation ou
dans la conjugaison. C’est le profil le plus stable des trois.
(112) mli
vlu
‘Lève-toi !’ ‘Pétris !’
zɔ
sɛ
jɔ
ɥi
Appelle !’ ‘Décharge !’‘Prends !’ ‘Rentre !’
Le troisième groupe a un profil tonal bas en isolation. Il s’agit de la catégorie la plus instable
tonalement. Selon les formes apparaissant dans le corpus, le ton du verbe peut être réalisé bas
- 64 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(impératif, inchoatif 1ère et 2ème personne), haut (accompli, futur) ou descendant (inaccompli,
inchoatif 3ème personne). Dans le corpus, ce groupe contient 16 verbes.
(113) də̀
‘Pêche !’
zù
lɔ̀
sɛ̀
fwè
‘Pile !’
‘Tombe !’ ‘Marche !’ ‘Sors !’
ɥì
‘Fume (du poisson) !’
Ici encore, comme pour les noms, on constate que le schème tonal à ton haut est le plus
fréquent. Mais la différence avec les autres schèmes est moins importante que chez les noms,
et les trois étant quand même relativement bien représentés. De plus, à la différence des noms,
il n’y a pas une proliférations de schèmes tonals comptant seulement quelques unités. Par
contre, la diversité tonale est plus grande chez les verbes dissyllabiques, comme nous le
verrons par la suite.
VII.1.2
Discussion du choix de la forme verbale de travail
Pour ce travail, j’ai utilisé la forme d’impératif de 2ème personne du singulier comme forme de
travail, parce qu’elle permet d’avoir la forme nue du verbe et d’observer l’opposition des trois
catégories tonales. Toutefois, après coup, ce choix ne se révèle pas forcément le meilleur. En
effet, pour un certain nombre de verbes, je n’ai pas pu obtenir de forme impérative
principalement pour des raisons sémantiques – par exemple pour ‘fleurir’, ‘pourrir’, ‘être
loin’… La forme donnée spontanément par la locutrice pour ces verbes était la 3ème personne
singulier de l’accompli. Malheureusement, cette forme ne permet pas de distinguer les verbes
du premier groupe de ceux du troisième groupe. Ainsi, dans mon corpus, 14 verbes n’ont pas
été classés selon leur appartenance à ces deux groupes.
L’exemple (114) montre qu’on ne peut pas déterminer si sɔ ‘fleurir’ est à ton montant ou à ton
bas. Par contre, on est sûr – de même que pour les autres verbes indéterminés – qu’il ne s’agit
pas d’un verbe à ton moyen.
(114) ázɔ́
‘Il a dit.’(cat. 1)
ázɔ
álɔ́
ásɔ́
‘Il a appelé.’(cat. 2)
‘Il est tombé.’(cat. 3) ‘Il a fleuri.’( cat. ?)
Une forme apparaissant dans le corpus qui aurait pu être choisie comme forme de base est la
3ème personne singulier de l’inchoatif parce qu’elle fonctionne a priori sémantiquement avec
tous les verbes et qu’elle permet d’opposer les trois groupes tonals (115). L’inaccompli est
l’autre tiroir qui permet d’opposer les tons des verbes (116), mais il est incompatible
- 65 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
sémantiquement avec certains verbes, portant un aspect lexical comme ‘se lever’ – voir la
discussion à propos de l’exemple (136).
Cat.1
Cat.2
Cat.3
ójémli
ójédə̂
3S-INCH-balayer
3S-INCH-se_lever
pluie INCH-pêcher
‘Il commence à balayer.’
‘Il s’est levé.’
‘Il commence à pêcher.’
ó-ké-vlu
ádɪ ́ ká-lɥâ
3S-INAC-balayer
3S-INAC-pétrir
pluie INAC-pleuvoir
‘Il balaye.’
‘Il pétris.’
‘Il pleut.’
(115) ɔ́jákʊ́
(116) ɔ́-ká-kʊ́
Pour une description plus détaillée du comportement des tons lexicaux des verbes avec les
différentes marques de temps-aspect, voir le paragraphe dédié à celui-ci (VII.2.4).
VII.1.3
Verbes dissyllabiques indécomposables
Ces verbes – au nombre de 21 dans le corpus – respectent en général l’harmonie vocalique,
avec cependant une exception :
(117) á-dʊ́nə́
3S.ACP-être_amer
‘C’est amer.’
Ma première impression était que ce verbe ainsi que deux autres (118) devaient être des
composés.
(118) ádʊ́blɪ ́
ádʊ́lʊ́
3S.ACP-être_glissant
3S.ACP-être_lourd
‘C’est glissant.’
‘C’est lourd.’
En effet, ils expriment tous les trois un état physique et commence par la même syllabe dʊ́-,
qui aurait pu être par conséquent un même morphème. Mais aucun découpage ne semble
possible. Il faut donc soit admettre qu’il s’agit d’une coïncidence, soit que ce sont d’anciens
composés, et l’un d’entre eux aurait gardé un trait ATR différent pour ses deux syllabes.
VII.1.3.a Schèmes et comportements tonals
Comme pour les monosyllabes, certaines lexèmes (8/21) ne sont représentés dans le corpus
qu’à la 3ème personne, ce qui n’est pas suffisant pour pouvoir être analysés d’un point de vue
- 66 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
tonal. Bien que cela réduise considérablement la base utile pour l’analyse, le petit nombre de
verbes restants permet déjà de faire quelques remarques.
La plupart des 13 autres verbes peuvent être rapprochés des monosyllabes ; leur première
syllabe se comporte de la même manière qu’un verbe monosyllabique. Il est alors intéressant
d’observer ce qu’il se passe pour la deuxième syllabe. Seul trois de ces verbes ne peuvent pas
être rattachés à une catégorie monosyllabique.
Les verbes dissyllabiques qu’on peut apparenter aux schèmes tonals monosyllabiques se
répartissent donc en 3 groupes, selon qu’à l’impératif de 2ème personne du singulier, le ton de
la première syllabe est montant (119), moyen (121), ou bas (124). Le ton initial de ces verbes
se conduisent comme leurs homologues monosyllabiques. C'est-à-dire que s’il est montant en
isolation, il devient haut dans la conjugaison, s’il est moyen en isolation il reste moyen, s’il
est bas en isolation, il peut devenir haut, bas ou descendant selon les tiroirs verbaux.
Pour les verbes apparentés à la catégorie 1 des monosyllabes, le ton de la deuxième syllabe
n’est pas modifié à l’accompli – ils n’ont pas été élicités à d’autres tiroirs verbaux.
(119) jə̌dú
wǎdɪ ́
kpɛ̌tɛ̂
‘Réveille-toi !’
‘Cueille (des fruits) !’ ‘Grandis !’
áwádɪ ́
ákpɛ́tɛ̂
áwɪ ́nɪ
3S.ACP-aider
3S.ACP-se_réveiller
3S.ACP-cueillir
3S.ACP-grandir
‘Il a aidé.’
‘Il s’est réveillé.’
‘Il a cueilli des fruits.’ ‘Il a grandi.’
‘Aide !’
(120) éjə́dú
wɪ ̌nɪ
Pour les verbes apparentés à la catégorie 2 des monosyllabes, lorsque les tons de la deuxième
syllabe sont moyens, ils sont maintenus comme tels à l’accompli (122). Seul le ton de la
deuxième syllabe de kpɔlǎ a subit un changement, en étant abaissé au même niveau moyen
que la syllabe précédente (123).
(121) cəɰlə
‘Fais l’éloge (de quelqu’un)’
(122) é-cəɰlə
wele
kpɔlǎ
‘Lave !’
‘Redresse-toi !’
é-wele
3S.ACP-louer
3S.ACP-laver
‘Il a fait l’éloge (de quelqu’un)’
‘Il a lavé.’
(123) kpɔlǎ
á-kpɔla
na-kpɔla
se_redresser
3S.ACP-se_redresser
1S.ACP-se_redresser
‘Redresse-toi !’
‘Il s’est redressé.’
‘Je me suis redressée.’
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Pour les verbes apparentés à la catégorie 3 des monosyllabes, le ton de la deuxième syllabe a
été modifié pour les trois verbes. Les tons montant sont abaissés à moyen (125). Le ton bas
devient haut (126). Dans le deuxième cas, on pourrait supposer une influence du ton haut le
précédant. Dans le premier cas, je ne sais pas ce qui peut modifier le ton final du verbe. En
effet les suites de tons hauts ne sont pas exceptionnelles, comme on l’a vu pour les verbes se
rattachant à la première catégorie.
(124) ɰɛ̀sɛ̌
kɔ̀sʊ̌
kèlè nɛ̀nɛ̀
‘Regarde !’
‘Fais vite38 !’
na-ɰɛ́sɛ
á-kɔ́sʊ
na-kɔ́sʊ
3S.ACP-parler 1S.ACP-parler
3S.ACP-regarder
1S.ACP-regarder
‘Il a parlé.’ ‘J’ai parlé.’
‘Il a regardé.’
‘J’ai regardé.’
‘Parle !’
(125) á-ɰɛ́sɛ
(126) ékélé
nɛ̀nɛ̀
nekélé
nɛ̀nɛ̀
3S.ACP-faire vite
1S.ACP-faire vite
‘Il a fait vite.’
‘J’ai fait vite.’
On remarque que c’est, comme pour les verbes monosyllabiques, les verbes attachés à la
catégorie 3, avec un ton bas à l’impératif, qui subissent le plus de changements.
Bien sûr, ces observations sont basées sur un petit nombre de verbes à un petit nombre de
formes, mais un objectif de la suite du travail est de voir sur un corpus plus étendu si ces
changements sont réguliers.
Les verbes dissyllabiques qu’on ne peut rapprocher d’un type monosyllabique sont au nombre
de trois. L’impératif des deux premiers, (127) et (128), est celui de la catégorie 2, mais,
conjugués, ils ont les formes de la catégorie 1. Quant au troisième (129), il a aussi les formes
conjugués de la catégorie 1 mais au lieu d’avoir un premier ton montant à l’impératif, celui-ci
est clairement haut.
(127) klɪtɛ
á-klɪ ́tɛ
na-klɪ ́tɛ
3S.ACP-critiquer
1S.ACP-critiquer
‘Critique !’ ‘Il a critiqué.’
‘J’ai critiqué.’
critiquer
(128) blune
éblúne
neblúne
voler
3S.ACP-voler
1S.ACP-voler
‘Vole !’
‘Il a volé.’
‘J’ai volé.’
38
L’idéophone nɛ̀nɛ̀ ‘vite’ n’est pas nécessaire à l’analyse de cet exemple, mais comme je n’ai kèlè que dans ce
contexte, je ne suis pas sûre de sa signification en isolation.
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(129) cúku
écúku
necúku
couper
3S.ACP-couper
1S.ACP-couper
‘Coupe !’
‘Il a coupé.’
‘J’ai coupé.’
VII.1.4
Verbes dissyllabiques décomposables
Les composés verbaux sont rares, tout comme les composés nominaux. En effet, l’association
de plusieurs verbes donnent des séries verbales plutôt que des composés. Néanmoins, pour
quelques lexèmes, on peut envisager qu’il s’agisse effectivement de composés.
Pour trois d’entre eux, je n’ai pu identifier qu’un seul morphème (130), et ceci par le biais du
nom correspondant (131). Ces verbes, signifiant tous un état, n’apparaissent également qu’à la
3ème personne dans le corpus, ce qui rend leur analyse tonale difficile. On peut seulement
remarquer que ‘être proche’ à un profil correspondant à la catégorie 2 et que ‘être loin’ et ‘être
dur’ peuvent correspondre à la catégorie 1 ou 3.
(130) á-nʊ́lɪ ̌
é-sétu
é-kpletʊ̀
3S.ACP-être_loin
3S.ACP-être_dur
3S.ACP-être_proche
‘C’est loin.’
‘C’est dur.’
‘C’est proche.’
ésé
ékple
‘(qch. de) dur’
‘(qch. de) proche’
(131) ánʊ́
‘(qch. de) loin’
ne-kpletʊ̀
1S.ACP-être_proche
‘Je suis proche’
Si les deuxièmes syllabes de ces verbes ne sont pas des verbes monosyllabiques par ailleurs,
comme pour les autres lexèmes présentés dans cette partie, il faut envisager qu’il puisse s’agir
de dérivations, constituant des verbes à partir de noms.
Le seul autre composé de la liste est ‘arriver’, constitué de ‘venir’ et de ‘rentrer’. On constate
un changement vocalique pour la partie correspondant à bǎ ‘venir’. La nouvelle voyelle ‘e’ est
intermédiaire entre le ‘a’ de venir et le ‘i’ de rentrer. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement
parler d’une rencontre de voyelles, on peut rapprocher ce phénomène de la fusion de ínéjē
‘sœur’ (voir en III.5.1). C’est d’ailleurs cette modification phonologique qui permet de le
considérer comme un composé plutôt que comme une série.
- 69 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Au niveau tonal, ce composé est similaire au dissyllabe wɪ ̌ni / áwɪ ́nɪ ‘grandir / il a grandi.’
(119), lui-même rattaché à la deuxième catégorie des monosyllabes.
(132) á-béɥi
na-béɥi
á-bǎ-ɥi
na-bǎ-ɥi
3S.ACP-venir-rentrer
1S.ACP-venir-rentrer
‘Il est arrivé.’
‘Je suis arrivée.’
VII.2
Morphologie verbale
A partir des quelques phrases simples élicitées dans le cadre de ce travail, il semble que la
morphologie verbale de l’ikposo est réduite en ce qui concerne le nombre d’éléments –
toujours des préfixes – qu’on peut ajouter à la base verbale. La structure du verbe, comme l’a
déjà affirmé Anderson, est la suivante :
(133) Indice sujet-(négation)-Temps/aspect-RADICAL
Les indices sujet sont répertoriés et analysés dans la partie VII.2.1, les marques de temps et
d’aspect dans la partie VII.2.2. Quant à la négation, je ne l’ai que très peu abordée lors des
séances d’élicitation, aussi je ne ferai que quelques remarques à ce sujet (VII.2.5).
Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’affixes verbaux, nous verrons les paradigmes de pronoms
objet et oblique (VII.2.6).
VII.2.1
Les indices sujet
Les indices sujet apparaissent à la marge la plus à gauche du mot verbal. Lorsque le sujet est
exprimé lexicalement par un syntagme nominal, l’indice de sujet – s’il n’est pas amalgamé
avec la marque d’aspect – n’est pas obligatoire (134). Je n’ai pas d’exemple où sujet lexical et
indice de sujet non amalgamé sont tous les deux présents. Ce point sera à vérifier par la suite.
(134) ukpî kéɟɛ́kʊ́
ádɪ ́ kálɥâ
ukpî ké-ɟí
ɛ́kʊ́
ádɪ ́ ká-lɥâ
chien INAC-mâcher
chose
pluie INAC-pleuvoir
39
‘Le chien est en train de manger.’
‘Il pleut.’
39
C’est le seul contexte où le verbe lɥâ apparaît. Il est donc difficile de savoir s’il veut dire exclusivement
pleuvoir ou non.
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Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Les formes des indices sujet sont portées dans le tableau ci-dessous. Les deux premières
formes apparaîssent devant consonne avec respectivement un lexème verbal +ATR et un
lexème verbal –ATR. La troisième forme apparaît devant voyelle. Puisque la voyelle de
l’indice sujet est élidée dans cette troisième forme, il n’y a pas d’opposition + ou –ATR.
Notons qu’à la troisième personne du pluriel, il n’y a pas non plus d’opposition du trait + ou –
ATR.
+ATR
–ATR
Devant voyelle
1S
ni-
nɪ-
n-
2S
e-
ɛ-
Ø- ~ j-
3S
ó-
ɔ́-
Ø-
1P
wu-
wʊ-
w-
2P
mi-
mɪ-
mj-
3P
á-
á-
Ø-
La forme /j-/ de la 2ème personne du singulier est utilisée lorsque le verbe porte l’aspect de
‘futur imminent’. Je n’ai pour l’instant pas d’hypothèse sur la motivation de cette deuxième
forme.
(135) j-à-kʊ́
j-è-mli
2S-FUT-balayer
2S-FUT-se_lever
‘Tu vas balayer.’
‘Tu vas te lever.’
Au niveau des tons, la 3ème personne, avec un ton haut, se distingue des autres qui,
lorsqu’elles sont réalisées pleinement, portent toujours un ton moyen. Par contre, lorsqu’elles
sont amalgamées avec un morphème de temps-aspect, la syllabe résultante peut soit porter un
ton moyen (accompli) soit un ton bas (futur).
Enfin, on remarque une similitude de forme entre les indices de personnes et les possessifs.
- 71 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
VII.2.2
Les marques de temps et d’aspect
Une étude approfondie du sémantisme du temps et de l’aspect n’étant pas très appropriée pour
un travail basé sur de l’élicitation, elle a été laissée pour une étude ultérieure. Les seules
phrases élicitées impliquant de l’aspect l’ont été pour l’analyse morphologique et
morphonologique, segmentale et tonale.
Le corpus compte cinq marques de temps-aspect différentes (sans compter les morphèmes de
négation), déjà mentionnées dans l’article de Anderson. La liste suivante les énumère avec
pour leur sémantisme une dénomination en anglais donnée par Anderson, et une en français
qui est une simple traduction. Les deux formes en alternance correspondent respectivement à
la forme pour les verbes –ATR et à celle pour les verbes +ATR.
−
-ká- ~ -ke- ‘incompletive / inaccompli’
−
-ja- ~ -je- ‘inceptive / inchoatif’.
−
-a- ~ -e- ‘completive / accompli’
−
-à- ~ -è- ‘imminent future / futur imminent’
−
-bá- ~ -bé- ‘predictive / prédictif’.
VII.2.3
Aspect grammatical vs aspect lexical
Bien que je n’ai pas étudié l’aspect de manière approfondie, la simple élicitation de
paradigmes a fait émerger des oppositions aspectuelles entre des verbes, au niveau lexical. En
effet, tous les verbes ne peuvent pas prendre toutes les marques d’aspect.
Le cas soulevé par le corpus concerne mli ‘se lever’ qui ne peut facilement être associé à
l’aspect inaccompli -ké-. En effet, alors qu’avec les autres verbes la marque d’inaccompli
indique que l’action est en train de se dérouler, la seule façon d’interpréter mli à l’inaccompli
serait que l’agent est en train d’effectuer l’action plusieurs fois de suite (136). Et, de toute
façon, la phrase parait très peu naturelle à mon informatrice.
(136) nɪ-ká-kʊ́
? ni-ké-mli
1S-INAC-balayer
1S-INAC-se_lever
‘Je suis en train de balayer.’
‘(approximatif) Je suis en train de répéter
l’action de me lever.’
La traduction naturelle de la phrase française ‘Je suis en train de me lever.’ utilise l’aspect
inchoatif, et non l’aspect inaccompli :
- 72 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
(137) ni-je-mli
1S-INCH-se_lever
‘Je suis en train de me lever.’
L’explication de cette différence entre des verbes comme ‘balayer’ et ‘se lever’ doit tenir à
une différence d’aspect lexical. Une hypothèse serait que les limites temporelles de l’action
soient incluses dans le verbe ‘se lever’ et pas dans ‘balayer’. Ce dernier pourrait donc être
combiné avec un aspect grammatical indiquant que l’action est en cours, alors que le même
aspect grammatical serait en contradiction avec l’aspect lexical de ‘se lever’.
Bien sûr il ne s’agit pas de baser une étude sur si peu de données, élicitées et traduites du
français de surcroît. Mais cela donne des perspectives pour la suite de l’étude, notamment sur
la sémantique des aspects lexicaux et grammaticaux.
VII.2.4
Comportement des tons dans la morphologie verbale
Nous avons vu quelques éléments du comportement tonal des verbes dans la partie sur leur
structure VII.1. Mais il s’agissait de trouver des critères permettant de classer les verbes,
selon qu’ils se comportent de manière identique ou non sur la question tonale. Notamment,
ces verbes qui ont été ainsi classés n’ont pas été élicités systématiquement à tous les tiroirs
verbaux.
Il s’agit ici, à partir de quelques verbes seulement pris de catégories différentes, d’essayer de
voir comment se comportent les tons avec les différents préfixes de personne et de tempsaspect. Ces verbes sont représentés dans le tableau de la page 76.
L’analyse présentée dans cette partie est toujours à l’état d’hypothèse. Tout d’abord, je n’ai
pas le système verbal complet. Il me manque en effet les paradigmes de la négation et les
paradigmes des deux futurs -à- ~ -è- / -bá- ~ -bé- ne sont pas complets, puisque mon
informatrice utilise ces deux futurs à une partie des personnes seulement – du moins en
élicitation. De plus, il ne s’agit ici que de verbes monosyllabiques.
- 73 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
VII.2.4.a Influence tonale de la personne sur l’aspect
En comparant les données suivantes, on s’aperçoit que le ton du morphème d’inaccompli
(138) ne varie pas entre les 1ères / 2èmes personnes et les 3èmes personnes40, à la différence de
l’inchoatif (139).
(138) nɪkákʊ́
ɔ́kákʊ́
1S-INAC-balayer
3S-INAC-balayer
‘Je suis en train de balayer.’
‘Il est en train de balayer.’
(139) nɪjakʊ́
ɔ́jákʊ́
1S-INCH-balayer
3S-INCH-balayer
‘Je commence à balayer.’
‘Il commence à balayer.’
Une hypothèse est donc que l’inchoatif -ja- ~ -je- ne porte pas de ton et prenne
automatiquement le ton du morphème qui le précède – propagation tonale vers la droite. Par
contre le ton haut de l’inaccompli -ká- ~ -ké- bloquerait l’influence tonale de l’indice de
personne.
L’autre morphème de temps-aspect qui est influencé par le ton de l’indice sujet est celui
d’accompli. En effet, il enregistre la même variation que l’inchoatif avec un ton moyen aux
1ères et 2èmes personnes et un ton haut aux 3èmes personnes, bien que ces dernières soient élidées
et ne subsistent que par leur ton (140). De la même manière que pour l’inchoatif, l’hypothèse
est qu’il ne soit pas marqué par un ton.
(140) nakʊ́
ákʊ́
1S.ACP-balayer
1S.ACP-balayer
‘J’ai balayé.’
‘Il a balayé.’
On ne peut malheureusement pas savoir avec les données du corpus si les morphèmes de futur
-à- ~ -è- et -bá- ~ -bé- peuvent être influencés par le ton de l’indice de personne. En effet, le
premier n’a été utilisé qu’avec les 1ères et 2èmes personnes et le deuxième qu’avec les 3èmes
personnes.
VII.2.4.b Variation tonale des verbes conjugués
Cette question concerne surtout les verbes du troisième groupe, qui ont un ton bas à la forme
nue. En effet, les verbes à ton moyen ne varient jamais et la seule variation des verbes du
premier groupe, qui ont un ton montant à la forme nue, est justement entre cette forme nue et
40
Je ne donnerai les exemples qu’à la 1ère et 3ème personne singulier.
- 74 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
l’ensemble des formes conjuguées. Mon hypothèse est que le ton montant soit une réalisation
contextuelle du ton haut.
Les verbes à ton bas peuvent donc être réalisés de trois manières : ils portent un ton haut à
l’accompli et aux futurs, un ton descendant à l’inaccompli et aux 3èmes personnes de
l’inchoatif, et un ton bas aux 1ères et 2èmes personnes de l’inchoatif.
La variation au sein du paradigme de l’inchoatif pourrait être simplement due au ton qui
précède. Le ton bas serait réalisé descendant à la suite d’un ton haut :
(141) nijedə̀
ójédə̂
1S-INCH-pêcher
3S-INCH-pêcher
‘J’ai commencé à pêcher.’
‘Il a commencé à pêcher.’
Pour les autres variations, je ne suis pas en mesure pour l’instant d’expliquer le phénomène,
ni de proposer une hypothèse qui me semble suffisamment probable.
En conclusion, il faudrait un corpus de paradigmes complets sur un nombre beaucoup plus
important de lexèmes verbaux pour pouvoir décrire avec certitude la tonologie du système
verbal.
- 75 -
Soubrier – M2 SDL, Lyon 2 – 2007
Le tableau suivant montre les paradigmes de trois verbes de catégories différentes préfixés des indices d’objet et des marques de temps-aspect.
Les formes de ces trois verbes à la forme nue de l’impératif sont :
(142) kʊ̌
‘Balaye !’
mli
də̀
‘Lève-toi !’
‘Pêche !’
Accompli
Futurs
Inaccompli
Inchoatif
1S
nakʊ́
nemli
nedə́
nàkʊ́
nèmli
nèdə́
nɪkákʊ́
nikévlu
nikédə̂
nɪjakʊ́
nijemli
nijedə̀
2S
akʊ́
emli
edə́
jàkʊ́
jèmli
jèdə́
ɛkákʊ́
ekévlu
ekédə̂
ɛjakʊ́
ejemli
ejedə̀
3S
ákʊ́
émli
édə́
ábákʊ́
óbémli
óbédə́
ɔ́kákʊ́
ókévlu
ókédə̂
ɔ́jákʊ́
ójémli
ójédə̂
1P
wakʊ́
wemli
wedə́
wàkʊ́
wèmli
wèdə́
wʊkákʊ́
wukévlu
wukédə̂ wʊjakʊ́ wujemli wujedə̀
2P
mjakʊ́
mjemli
mjedə́
mjàkʊ́
mjèmli
mjèdə́
mɪkákʊ́
mikévlu
mikédə̂
3P
ákʊ́
émli
édə́
ábákʊ́
ábémli
ábédə́
ákákʊ́
ákévlu
ákédə̂
mɪjakʊ́ mijemli mijedə̀
ájákʊ́
ájémli
ájédə̂
Au futur, le paradigme donné rassemble des formes avec deux morphèmes différents : -à- ~ -è- pour les 1ères et 2èmes personnes, -bá- ~ -bé- pour
les 3èmes personnes. Cela correspond sans doute à une neutralisation au niveau idiolectal.
- 76 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
VII.2.5
Morphèmes de négation
Je n’ai pas élicité systématiquement la négation associée aux différents paradigmes d’aspect.
Comme Anderson donne ces formes négatives, je les ai simplement ré-élicitées à la première
personne pour voir s’il y a une différence flagrante entre les deux parlers, ce qui n’est
manifestement pas le cas – à part quelques différences tonales.
Voici donc les différentes formes de négatif obtenues à l’accompli (143), à l’inaccompli
(144), à l’inchoatif (145). Selon Anderson /-nà- ~ -nè-/ est le morphème de négatif, à la suite
duquel les morphèmes marquant l’inaccompli et l’inchoatif sont respectivement /-kɔna- ~ kone-/ et /-ja- ~ -je-/.
(143) nɪ-nà-kʊ̀
édínî
1S-NEG.ACP-balayer maison
‘Je n’ai pas balayé.’
(144) nɪ-nàkɔ̀nà-kʊ́
1S-NEG.INAC-balayer
édínî
maison
‘Je ne suis pas en train de balayer.’
(145) nɪ-nàɟà-kʊ̀
1S-NEG.INCH-balayer
édínî
maison
‘Je n’ai pas commencé à balayer.’
La phrase suivante (146) a été donné en traduction du français ‘Je ne vais pas balayer.’ pour
éliciter le négatif du futur. Après vérification du sens de la phrase il s’avère qu’elle signifie en
fait ‘Je n’aime pas balayer’. Ceci permet de penser qu’il n’y a pas de forme grammaticale
pour exprimer le négatif au futur, et qu’il faut passer par une périphrase.
(146) ni-nà-fɔ̀
1S-NEG.ACP-aimer
kʊ́
édínî
balayer maison
‘Je n’aime pas balayer.’
VII.2.6
Les pronoms objet et oblique
Deux paradigmes de pronoms sont utilisés pour des fonctions différentes de celle du sujet.
Les pronoms du premier paradigme occupent la place syntaxique d’objet. Ils apparaissent
- 77 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
après le verbe et ne sont pas considérés comme affixes verbaux parce qu’ils ne varient pas
selon l’harmonie vocalique (147).
(147) nɪ-ká-já
wá
jî
3S.ACP-rester attendre
O1S
‘Je l’attends.’
Les pronoms du deuxième paradigme peuvent apparaître en fonction d’oblique. Les exemples
en (148) montrent qu’un nom occupant la même place serait précédé d’une préposition. Mais
ils peuvent aussi apparaître comme prédicat, dans une construction focalisée (149).
(148) éjə́du n-ɔ̀ɲɪ
éjə́du
fà
3S.ACP-aider PREP-mari
3S.ACP-aider X3S
‘Elle a aidé son mari.’
‘Elle l’a aidé.’
(149) dɔ́kɪtə̀ íjə̄ lâ
médecin
fille FOC
fâ
X3S
‘Elle est la fille du médecin.’
Le tableau suivant présente les deux paradigmes. Certaines cases du paradigme restent vides
par simple manque de données. Dans les données, ces pronoms ont toujours été utilisés pour
des référents humains. On remarque que ces pronoms sont très proches des indices sujets, à
l’exception notable de la 3ème personne.
Objet
Oblique
1S
nʊ́
nʊ
2S
jɛ́
jɛ
3S
jî
fâ
1P
wʊ́
wʊ
2P
mí
mɪ
3P
mâ
nàfâ
Avec le verbe kà ‘donner’, le destinataire a une forme pronominale qui correspond à celle de
l’objet, à l’exception de la 1ère personne singulier, dont la forme pronominale de l’objet n’est
pas nʊ́ mais ná. Ce n’est donc pas sûr, malgré le fait que les autres personnes soient identiques
- 78 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
à celle des pronoms objet, qu’il s’agisse du même paradigme. C’est pour l’instant le seul
verbe pour lequel j’ai observé cette variation.
(150) kà
ná
á-ká
ná
donner ?
3S.ACP-donner ?
‘Donne-moi !’
‘Il m’a donné.’
- 79 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
VIII
Perspectives pour l’analyse
s yntaxique
Il ne s’agit pas ici de donner des résultats avancés sur les points soulevés, mais simplement
d’attirer l’attention sur quelques phénomènes rencontrés au cours de l’étude et qui peuvent
s’avérer intéressants pour la suite, dans le domaine morphosyntaxique.
VIII.1 Ordre des mots
L’ikposo est une langue SVOX. Comme je n’ai pas encore travaillé sur des textes, il est
difficile de dire si l’ordre est très rigide ou non. Cet ordre est illustré par les deux phrases
suivantes. Le corpus ne contient pas de phrases où les quatre types de constituants S, O et X
sont présents.
(151) nijegbə́
tɪ ̀vlɪcɛ
1S-INCH-emprunter DEM-livre
jɛ́
fâ
DEF
X3S
‘Je lui emprunte ce livre.’
(152) ukpî
chien
ácɪ ́
evíɟe
3S.ACP-mordre enfant
‘Le chien a mordu l’enfant.’
Bien qu’il faille être prudent avec si peu de données, la phrase suivante ressemble à une
construction à double objet, aucune marque morphosyntaxique empêchant de considérer
tɪ ̀vlɪcɛ jɛ́ ‘ce livre’ comme le deuxième objet de ‘donner’. Il faudra voir si des manipulations
peuvent faire ressortir des propriétés de comportement différentes pour les deux constituants.
Concernant l’ordre des mots, on observe que le destinataire précède l’objet donné.
(153) nijáká
1S-INCH-donner
jî
tɪ ̀vlɪcɛ
jɛ́
O3S
DEM-livre
DEF
‘Je lui donne ce livre.’
- 80 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
VIII.2 Sérialisation
Une deuxième construction qui a attiré mon attention est la sérialisation. Eklo montre
effectivement que l’ikposo possède des constructions sérielles, qu’elle répertorie selon
différents types. Il ne s’agit pas ici de faire une analyse de cette construction, mais
simplement d’exposer quelques caractéristiques à partir de considérations théoriques.
Dans sa thèse, Renée Lambert (2005:89) donne la définition suivante de la sérialisation :
‘ Tous les auteurs ayant traité de cette question sont d’accord pour considérer la sérialisation verbale
comme un processus de formation de prédicat complexe mettant en relation deux ou plusieurs verbes
et leur(s) argument(s). Les verbes d’une construction sérielle ne sont séparés par aucune marque de
dépendance syntaxique et la construction est interprétée comme un seul événement.’
La confrontation des exemples (154) et (155) montre que le premier des deux ne comporte
pas de marque de dépendance et qu’au niveau sémantique le premier est un événement unique
alors que le deuxième est une suite d’événements.
(154) ájɥawʊ̀ jɔ sɥa
á-jɔ
àwʊ̀
3S-prendre vêtement
jɔ
sɥa
prendre suspendre
‘Il a suspendu le vêtement.’
(155) ájɥawʊ̀ kájɔ sɥa
á-jɔ
àwʊ̀
kʊ́
3S-prendre vêtement COORD
á-jɔ
sɥa
3S-prendre suspendre
‘Il a pris le vêtement et l’a suspendu.’
En ce qui concerne le critère de l’événement unique, l’exemple (156) est très intéressant. En
effet, les verbes de la série expriment chaque phase successive du procès.
Un autre élément intéressant est que l’objet est parfois placé après tous les verbes (156) et
parfois entre les verbes de la série (157). Il se pourrait que, dans le deuxième cas, l’objet ne
soit l’argument que du premier verbe ‘mordre’.
(156) ájá vé ljɔ̂tɔ́
á-já
vé
3S.ACP-se_positionner sauter
lì
ɔ́tɔ́
dépasser trou
‘Il a sauté par-dessus le trou.’
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
(157) ukpi acɪ
eviɟe ɟi
chien 3S.ACP-mordre enfant
mâcher
‘Le chien a mordu l’enfant.’
Un autre aspect de la description des séries verbales est de savoir si les deux éléments sont
symétriques ou non, s’ils proviennent tous les deux de classes ouvertes ou non. Dans
l’exemple suivant, le deuxième verbe kà ‘donner’ est assez proche du statut de préposition.
(158) ne-gbə́
1S.ACP-préter
kà
jì
donner O3S
‘Je lui ai prété.’
Bien entendu, mes données sont trop peu nombreuses et pas assez naturelles, puisqu’elles sont
élicitées, pour constituer la base d’une analyse, mais ces quelques éléments permettent déjà
d’avoir une idée pour une étude ultérieure.
- 82 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
IX Conclusion
Les éléments phonologiques et morphologiques développés dans ce travail sont une première
base pour une étude approfondie de la langue. Un certain nombre de phénomènes ont été
décrits d’un point de vue phonologique mais leurs implications discursives n’ont été
qu’évoquées. De même cette première approche de la morphologie a fait surgir des thèmes
pour l’étude morphosyntaxique. La poursuite de ce travail aura donc pour objectif
d’approfondir l’analyse, et de l’étendre à d’autres domaines de la description des langues.
Outre l’aspect théorique, les séances de travail avec mon informatrice ont été très
enrichissantes, et nous avons prévu de poursuivre l’étude ensemble. De plus une enquête de
terrain dans son village d’origine a été planifiée pour janvier et février 2008. Ce premier
déplacement au Togo aura comme buts principaux d’explorer la langue en contexte naturel,
de chercher d’autres informateurs et de rencontrer le groupe de linguistes travaillant déjà sur
la langue. Dans un second temps, il s’agira de récolter des textes oraux pour l’analyse
morphosyntaxique et discursive.
- 83 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
Annexes
Annexes
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
Lexique
Mon classement alphabétique reprend la convention de Eklo : les mots sont classés par leur
première consonne. Ceci permet aux mots ayant la même racine de se trouver à côté.
L’ordre alphabétique choisi est le suivant :
Segments : a ə b c d ɛ e f g gb ɰ ɪ i j ɟ k kp l m n ɳ ŋ ɔ o p s t u ʊ v w ɥ z
Tons : á a ā à ǎ â
Certains verbes n’ont pas été obtenus à la forme nue pour des raisons sémantiques (VII.1.2). Il
sont présentés dans le lexique à la 3ème personne du singulier de l’accompli. Notons qu’il ne
suffit pas d’enlever la voyelle initiale pour obtenir la forme nue. En effet, les verbes à ton bas
en isolation ont la même forme à l’accompli que les verbes à ton haut.
bǎ
venir
ɛ bɛ
savon
ɔ́ bɛ
riz sans fruit
ɔ bɛ̂
rivière
ɔ́bɛ̂cɔ
ruisseau
bɛɥi
arriver
be
être grand
bɪ ̌
pleurer
é bí
c’est gâté (fruits…)
ú bjə́
pleurs, larmes
blune
ɪ ́ bɔ̄
voler
grosse calebasse
bǒ
déraciner
bǔ
réfléchir
bwɛ
être bien
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ɔ bwɛ
bien
à bwɪ ́
seringue
cəɰlə
ɪ ́ cɛ
cɔ̌
ɔ́ cɔ
cɔ́cɪ ̀
faire l’éloge
morceau, la moitié de qqch.
tailler
arbre à poison
église
ɔ́ cɔ̂
sauterelle
ɔ cɔ̂
tôt
cɪ ̌
mordre, prendre un morceau
cɪ ̌ji ́
mordre
cikə
devenir
í cû
cúku
bois
couper
ícû kpà
bois taillé
ícûwʊ
fruit
cwě
verser
dàdá
maman, grande sœur
ɪ ̀ dàmà
natte
dawlɪ
être sucré
də̀
pêcher
í dênù
petit insecte gênant
á dɔ́
c’est mou
a ́dɔ́
calme, paix
ʊ́ dɔ̂
miel (pot)
dɔ̀kɪ ̀tà
médecin
í doɥi
fatigue
á dɪ ́
pluie
ɛ́ dɪ ̀
joie
é dí
palmier
édífɪ ́
vin de palme
édíkū
palmier coupé
- 86 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
é dínî
dʊblɪ
intérieur de la maison
être glissant
á dʊkʊ́
genou
à dʊ́kû
foulard
dʊlʊ
être lourd
í dú
dos
ú dúnu
maison
dʊɲə
être amer
ɔ́ fɪ ́
boisson, vin
ó fi
mariage
fláwə̀
fleur
a ́fɔ́
pourrir
ɪ ́ fɔ
doigt
fòfó
frère ainé, père
fwè
sortir
é fwéle
c’est blanc
ó fwélé
blanc
á ga
pauvreté
ɛ́ gà
argent
ɛ̀ gàmɔ
piège à loup
ò gló
souris des champs
á gʊgʊ́
(côté extérieur de la) joue
ɛ́ gbā
poitrine
ɔ́ gbâ
lézard
ʊ̀ gbâ
gorille
ʊ́ gbata
feuille
ɛ́gbātɛ́
épaule
gbə̌
emprunter
ú gbe
prairie
à gbèdì
manioc
gbɔ̌
creuser
ɪ ́ ɰa
viande
- 87 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ɪ ̀ ɰà
cochon
ɪ ́ ɰɛ̄
couteau
ɰɛ̀sɛ̌
parler
ɰlo
opérer
ɔ́ ɰlɔ
poule
ɔ́ɰlɔvjû
poussin
ʊ́ ɰlʊ
estomac (tripes)
ɔ́ ɰɔ
serpent
ɔ́ (ɰ)ɔkʊ́
assiette
ɔ́(ɰ)ɔku
moitié de serpent
ɔ́(ɰ)ɔvjû
petit serpent
jǎ
attendre, rester
jə̌dú
aider
á jɛ́
fonio préparé
ɛ́ jɪ
jour
ájɪ ́si
épouse
jǐ
vendre
é jí
jɔ
ɔ̀ jɔ̀
vente
prendre
pou
jɥə
allumer
ɔ̀ jɥɛ̀
bois sec
ʊ́ jɥɛ́
boa
ɟàkàlɪ ̀
í ɟə̄
ɟǐ
piment
fille
mâcher, broyer, manger
ʊ̀ ɟɔ̀
boue
i ɟo
dix
ɟo
cuire dans le feu
ɟwə
respirer, soupirer
é ɟwə
kà
souffle, respiration
donner
- 88 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
kèlè
faire
kivlɛ
rester dormir
á klá
c’est large
é klə́
tabou
klɪtɛ
critiquer
à klo
pirogue
ú kló
froid
ʊ́kɔ́
jumeau
kɔ́fɛ̀
café
kɔ̀sʊ̌
regarder
ɛ̀ kɔ̀tɔ
chapeau
í kó
boite
kʊ̌
balayer
ɛ́ kʊ́
chose
ɛ́kʊ́ jɛ̀
nourriture
ɛ́kʊ́ ɰlɛ̀kʊ́
matériel à coudre
ɛ̀ kʊ̀tɛ
maison
kǔ
mourir
í kū
moitié, morceau
ì kùglo
écureuil
kpà
tailler
ɛ́ kpà
crocodile
ʊ̀ kpà
personne du même âge
à kpàcɔ
poisson
ɛ̀ kpàcʊ́
épervier
ɪ kpaɰlɔ̀
chauve-souris
ù kpə̀fò
cour
kpɛ̌tɛ̂
cueillir (des fruits)
ɛ̀ kpɛ̀tɛ̀
sac en branches de palmier
é kpe
promenade
ékpeɟa
lieu de promenade
u kpî
chien
- 89 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ukpîvjù
chiot
ékpɔlʊ
promeneur
kplǎ
apprendre (un métier)
é kple
proche
ɪ ́ kplɛ̄
os
kplě
í kplē
porter, soulever
lance
kpletʊ̀
être proche
kpɔ́nɔ́
pain
kpɔ
frapper
kpɔ
faire les nattes (kpɔ ìdàmà)
kpɔlǎ
se redresser
ɪ ́ lá
barbe
ɪ ́ lâ
père
ɔ́ la
collet
á lábɔ́
(côté intérieur de la) joue
í lɛ
fils
ʊ́ lɛ
vache
ʊ́lɛɰa
viande de bœuf
álɛna
façon d’être
ó levì
jeune homme
ɪ ́lêvle
grand-père
lɪ
être propre (lɪ ɛ́tʊ́)
á lɪ
village
ɪ ̀ lɪ ́
nuit
ʊ́ lɪ ́
taille
lì
dépasser
ú lí
grenier
ú lí
arbre grand pour faire des meubles
lile
tomber de manière dispersée (feuilles mortes…)
lɔ̀
tomber
a ́lɔ́
c’est noir
- 90 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
á lɔ́
visage
ɛ́ lɔ́
cheveu
ɔ̀ lɔ́
noir
ɔ́ lɔ̂kʊ̀
sel
lʊ̀
se laver
lʊ̀
tresser, tisser
lʊ̌
porter
ɛ́ lʊ́
tête
ɔ́ lʊ
personne
ɔ́lʊ wɛ̀sɛ́
enseignant
ɔ́lʊ wɪ ̌nɪ
adulte
á lʊ́lɥǎ
c’est froid, c’est frais
ɔ lʊlɥǎ
froid, frais
ɔ́lʊ́ná
métier
ú lú
famille
ú lu
vent
úlulì
en plein air
ú luví
mâle, homme
lɥà
pleuvoir
lɥɛ
laver qn.
lɥe
être courbé
ɛ́ mɛkʊ̀
ventre
mimi
avoir mal
mkpɔ́nʊ́
miroir
mli
se lever
mɔ̌
avaler
ɔ́ mɔ̂
petit rongeur des champs
ɔ́ mɔ́ɔ
gorge
ú mólɪ ́
riz
é mú
oeil
émú ganasɔ́ cil
ɪ ́ ná
mère
- 91 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ɛ́ ná
pierre
ɪ ̀ nàcɪ ̀
saison des pluies
ɪ ́nâkà
grand-mère
ne
percer (pour le corps)
í nē
piste d'animal
i ́néɟə̄
soeur
ɪ ́névle
grand-mère
nɔ̀
aiguiser
ɛ́ nɔ
fruit (ressemble à l’abricot)
ɛ́ nɔ̄
moustique
á nʊ́
loin
ɔ́ nʊ̄
bagages
ɔ́nʊ̄ ji ̌
marchandises
nʊlɪ
être long
ɲe
se réveiller
í ɲé
dehors
ɲèɲè
oncle
ɲɪ ̌
tomber (de haut, pour une personne)
ɔ́ ɲɪ
mari
ɪ ́ ɲɪtɪ ́
peur
ɪ ́ ɲwà
pigeon
ɲ
manger (pour des fruits)
ŋlo
écrire
ɔ́ ɔzʊ́
type d'arbre
pámpló
bambou
pàpá
papa
péjə̀
avocat
pɔ́mpɪ ̀
pompe
púsù
chat
sáfwɪ
clé
sɛ̀
marcher
ɛ́ sɛ́
chose abstraite
- 92 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ɔ́ sɛ́
queue
ɔ́ sɛ́ɰá
bavardage
se
décharger (bagages)
é sé
(qqch de) dur
ú sé
miel (ruche)
setu
être dur
ɔ́ sɪ
femme
í sí
igname
sukû
école
sɥa
suspendre
sɥə
être penché
ɔ́ tá
lapin
ú tə́
salive
tɛ
tenir
é tí
terre
étíɔkʊ́
assiette en terre
étí vlu
terre battue
étíwɛ́
casserolle en terre cuite
ú tí
pilon
ú tí
puce
ú ti
sorcier
ú tī
fable, histoire
à tíke
médicament
tɔ̌
ɔ́ tɔ́
s’arrêter
trou
tɔlɔ
tomber
tɔnʊ́
aiguille (à coudre)
tɔ́tɔ́
petite sœur de ma mère (terme d’adresse)
í to
circoncision
í tô
cavité à la base du cou
í tóo
montagne
tʊ
accrocher
- 93 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
tʊ̀
élever (animaux)
ɛ́ tʊ
corps
ɛ̀ tʊ̀
toilettes
ʊ́ tʊ́
oreille
ɛ́tʊdɔ́
paix du corps
ɛ́tʊɰa
tout le corps
ɛ́tʊvlɪ ́
peau du corps
ù tùkpə
chèvre
ùtùkpəɰa
viande de chèvre
é túlé
four
ʊ́ ʊlɥá
ombre
ɔ́ va
fonio cru
vɛ̀
sauter
ɔ́ vɛ̂
soleil
veli
enjamber, sauter
ɪ vɪ
eau
ɪ ́vɪɟa
cimetierre
vǐ
têter
é ví
sein
é ví
c’est grand, ça a grandi
ú ví
enfant
e víɟe
enfant, petit, cadet
vìvì
grande sœur de ma mère
í vjû
petit
ɪ ́ vlá
frère
ú vlə́
ver de terre
vlɛ̌
se coucher
ɪ ̀ vlɛ̀
araignée
ɔ̀ vlɛ̀
pagne
ʊ́ vlɛ
faim
ɔ̀ vlɛ̀gba
type de plante (donne la couleur indigo pour les pagnes)
í vle
nombril
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ú vle
sanglier
ɪ ́ vlɪ ́
papier, livre
ɪ ́vlɪ ́cɛ
feuille de papier
ɔ vlɔ
sang
ɪ ́ vlɔ́ɔ
oiseau
vlu
pétrir
ɪ ́ vʊ
plaie
í vú
osier
ì vù
feu
ɪ ́ wácɔ
cafard
wǎdɪ ́
être matinal
á wɛ́
casserole
ɛ̀ wɛ̀
souris
íwécɔ
petite casserole
wele
ɔ́ wɪ
laver
grand arbre
wɪ ̌nɪ
grandir
wɔ̌
cacher
íwovjû
animal
à wʊ̀
vêtements
ɔ́ wʊ́
saison sèche
ɔ́ wʊ́lʊ̂
oeuf
ɛ̀ wʊ̀ɲà
calebasse sauvage
wù
tresser (avec elu ‘tête’ en objet)
wǔ
mouliner
à wû
muet
ɥɪ ̌
peindre
ɥi
rentrer
ɥì
fumer (poisson)
ú ɥí
herbe
ú ɥídíni
maison recouverte de paille
ú ɥílî
brousse
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
ɛ za
termite
ɔ́ zazʊ̀
mouton
zɔ
appeler
zɔ̌
dire
zù
piler
ɔ́ zʊ́
haricot
ú zɥə́
plat préparé avec de la farine de maïs grillé
- 96 -
Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
Bibliographie
AFOLA-AMEY, U-A. 1995. Étude géolinguistique du pays Kposso. DEA pluridisciplinaire.
Togo: Université du Bénin-Lomé.
AFOLA-AMEY, U-A. 2002. La temporalité et les structures événementielles en ikposso, à
partir de récits oraux. Thèse de Doctorat, Université Paris X-Nanterre.
ANDERSON, C.G. 1999. ATR vowel harmony in Akposso. Studies in African Linguistics,
28(2):185-214.
ANDERSON, C.G. 1999. Lexique ikposo français. Manuscrit électronique non publié. SIL.
BLENCH, Roger. 2001. Comparative Central Togo : what have we learnt since Heine ?
paper for 32nd Annual Conference on African Linguistics, revised. Cambridge.
CAILLAT, Domitille et Mariana FRONTINI. 2005. Comparaison dialectale de deux parlers :
akposso de Domé et akposso de Tomegbé (Togo). Licence 3. Université Lumière Lyon 2.
CREISSELS, Denis. 1994. Aperçu sur les structures phonologiques des langues négroafricaines. Ellug. Université Stendhal, Grenoble.
CREISSELS, Denis. 2006. Syntaxe générale, une introduction typologique. Hermès.
CROWLEY, Terry. 2002. Serial verbs in Oceanic : a descriptive typology. Oxford University
Press.
EKLO, A.A. 1987. Le Kposso de Tomégbé (Togo): phonologie, grammaire, textes, lexique
kposso-français. Thèse de 3ème cycle, Université de langues et lettres de Grenoble.
LAMBERT-BRETIERE, Renée. 2005 Les constructions sérielles en fon: approche
typologique. Thèse de doctorat, Département de Sciences du langage, Université Lumière
Lyon 2, Lyon.
RONGIER, Jacques 1989. Dictionnaire akposso-français, français-akposso. Manuscrit
électronique non publié.
WOLF, P.F. 1909. Grammatik der Kpossosprache-Nord-Togo, Westafrika. Anthropos, 4:142167, 630-659.
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
I
II
Introduction ........................................................................................................................ 3
Contexte de l’étude............................................................................................................. 4
II.1
Quelques aspects du Togo.......................................................................................... 4
II.2
La langue ikposo et revue bibliographique ................................................................ 5
II.2.1
Classification...................................................................................................... 6
II.2.2
Divisions dialectales et bibliographie ................................................................ 7
II.3
Présentation de la méthodologie et de mon informatrice........................................... 8
II.4
Conventions................................................................................................................ 9
III
Les segments ................................................................................................................ 10
III.1 Consonnes ................................................................................................................ 10
III.2 La question des approximantes ................................................................................ 11
III.2.1
Les approximantes vélaire ‘ɰ’ et latérale alvéolaire ‘l’................................... 11
III.2.2
Les semi-consonnes [ɥ], /j/ et /w/..................................................................... 12
III.2.3
Les semi-consonnes en position CV ................................................................ 13
III.2.4
Les semi-consonnes en position CAV ............................................................. 14
III.2.4.a
Au niveau lexical...................................................................................... 15
III.2.4.b
Au niveau morphonologique.................................................................... 16
III.2.4.c
Interaction entre les niveaux lexicaux et morphonologique..................... 18
III.3 Les voyelles.............................................................................................................. 19
III.3.1
Système à 10 voyelles ...................................................................................... 19
III.3.2
Longueur vocalique et séquences de voyelles.................................................. 20
III.3.3
Harmonie vocalique +/- ATR........................................................................... 23
III.3.3.a
Au niveau lexical...................................................................................... 23
III.3.3.b
Au niveau morphonologique.................................................................... 25
III.3.4
‘u’ et ‘ʊ’ : voyelles ‘par défaut’ ?..................................................................... 26
III.4 Syllabes .................................................................................................................... 28
III.4.1
Structure de la syllabe ...................................................................................... 28
III.4.2
Nombre de syllabes .......................................................................................... 29
III.4.2.a
Pour les noms ........................................................................................... 29
III.4.2.b
Pour les verbes ......................................................................................... 29
III.5 Rencontres de voyelles............................................................................................. 29
III.5.1
Fusion de deux voyelles ................................................................................... 30
III.5.2
Règle discursive non obligatoire : élision ou réduction de V1 ........................ 31
III.5.3
Elision ou réduction obligatoire ....................................................................... 33
III.5.4
Constructions nom-nom ................................................................................... 34
III.5.5
Frontières de mots ............................................................................................ 38
IV
Tonologie ..................................................................................................................... 40
IV.1 Registres tonals ........................................................................................................ 40
IV.1.1 Quatre niveaux ................................................................................................. 40
IV.1.2 Modulations...................................................................................................... 41
IV.1.3 Tons et intonation............................................................................................. 42
IV.2 Schèmes tonals des noms ......................................................................................... 42
IV.2.1 Noms dissyllabiques......................................................................................... 43
IV.2.2 Trissyllabes....................................................................................................... 45
V Morphologie ..................................................................................................................... 48
V.1
Les classes de mots .................................................................................................. 48
V.1.1
Les adverbes et les idéophones ........................................................................ 48
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Soubrier – M2, Lyon 2 – 2007
VI
Morphologie et syntagme nominal............................................................................... 50
VI.1 Morphologie nominale ............................................................................................. 50
VI.1.1 Dérivation de noms à partir de verbes.............................................................. 50
VI.1.2 Suffixes dérivatifs ............................................................................................ 51
VI.2 Syntagme nominal.................................................................................................... 52
VI.3 Les adpositions......................................................................................................... 53
VI.4 Le démonstratif ........................................................................................................ 54
VI.5 Le défini ................................................................................................................... 55
VI.6 Les possessifs ........................................................................................................... 56
VI.6.1 Segments et tons des possessifs ....................................................................... 56
VI.6.2 Distribution des deux paradigmes de possessifs .............................................. 57
VI.7 Les marques de pluriel ............................................................................................. 58
VI.7.1 Pluriels réguliers............................................................................................... 58
VI.7.2 Pluriels irréguliers et anciennes classes nominales .......................................... 58
VI.8 Dépendants du nom lexicaux ................................................................................... 61
VI.8.1 Verbes dépendants de nom............................................................................... 61
VI.8.1.a
Comparaison avec la structure argumentale du verbe.............................. 61
VI.8.1.b
Aspects des verbes dépendants de nom.................................................... 62
VI.8.2 Noms dépendants de noms............................................................................... 63
VII
Morphologie et syntagme verbal.................................................................................. 64
VII.1
Structure verbale : syllabes et tons....................................................................... 64
VII.1.1 Verbes monosyllabiques : trois catégories tonales........................................... 64
VII.1.2 Discussion du choix de la forme verbale de travail ......................................... 65
VII.1.3 Verbes dissyllabiques indécomposables .......................................................... 66
VII.1.3.a Schèmes et comportements tonals............................................................ 66
VII.1.4 Verbes dissyllabiques décomposables ............................................................. 69
VII.2
Morphologie verbale ............................................................................................ 70
VII.2.1 Les indices sujet ............................................................................................... 70
VII.2.2 Les marques de temps et d’aspect .................................................................... 72
VII.2.3 Aspect grammatical vs aspect lexical............................................................... 72
VII.2.4 Comportement des tons dans la morphologie verbale ..................................... 73
VII.2.4.a Influence tonale de la personne sur l’aspect............................................. 74
VII.2.4.b Variation tonale des verbes conjugués ..................................................... 74
VII.2.5 Morphèmes de négation ................................................................................... 77
VII.2.6 Les pronoms objet et oblique ........................................................................... 77
VIII Perspectives pour l’analyse syntaxique..................................................................... 80
VIII.1
Ordre des mots ..................................................................................................... 80
VIII.2
Sérialisation.......................................................................................................... 81
IX
Conclusion.................................................................................................................... 83
Annexes.................................................................................................................................... 84
Lexique..................................................................................................................................... 85
Bibliographie............................................................................................................................ 97
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