seance 5

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Mlle Grilli
Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Etude de Germinal d’Emile Zola
Partie V, chap. 5
Objet d’étude : Mouvement littéraire et culturel : le réalisme au XIXe siècle
Etude des genres et des registres : le registre épique ; L’écriture réaliste, la parole des personnages, discours et récit
Problématique : rendre compte du réel
Pré-requis : auteur, narrateur, personnage, schéma narratif, usages et formes des temps du récit, discours direct indirect
Objectif de la séance : Le registre épique, la focalisation
• Texte 4 : Du pain ! du pain ! du pain
Les femmes avaient paru, près d'un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, aux guenilles montrant
la peau nue, des nudités de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim. Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le
soulevaient, l'agitaient, ainsi qu'un drapeau de deuil et de vengeance. D'autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de
guerrières, brandissaient des bâtons; tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous
décharnés semblaient se rompre. Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des
raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d'un seul bloc, serrée, confondues, au point qu'on ne distinguait ni les
culottes déteintes, ni les tricots de laine en loques, effacés dans la même uniformité terreuse. Les yeux brûlaient, on voyait
seulement les trous des bouches noires, chantant La Marseillaise, dont les strophes se perdaient en un mugissement confus,
accompagné par le claquement des sabots sur la terre dure. Au-dessus des têtes, parmi le hérissement des barres de fer, une
hache passa, portée toute droite; et cette hache unique, qui était comme l'étendard de la bande, avait, dans le ciel clair, le
profil aigu d'un couperet de guillotine.
- Quels visages atroces! balbutia Mme Hennebeau.
Négrel dit entre ses dents: - Le diable m'emporte si j'en reconnais un seul! D'où sortent-ils donc, ces bandits-là?
Et, en effet, la colère, la faim, ces deux mois de souffrance et cette débandade enragée au travers des fosses avaient allongé
en mâchoires de bêtes fauves les faces placides des houilleurs de Montsou. A ce moment, le soleil se couchait, les derniers
rayons, d'un pourpre sombre, ensanglantaient la plaine. Alors, la route sembla charrier du sang, les femmes, les hommes
continuaient à galoper, saignants comme des bouchers en pleine tuerie.
- Oh! superbe! dirent à demi-voix Lucie et Jeanne, remuées dans leur goût d'artistes par cette belle horreur.
Elles s'effrayaient pourtant, elles reculèrent près de Mme Hennebeau, qui s'était appuyée sur une auge. L'idée qu'il suffisait
d'un regard, entre les planches de cette porte disjointe, pour qu'on les massacrât la glaçait. Négrel se sentait blêmir, lui
aussi, très brave d'ordinaire, saisi là d'une épouvante supérieure à sa volonté, une de ces épouvantes qui soufflent de
l'inconnu. Dans le foin, Cécile ne bougeait plus. Et les autres, malgré leur désir de détourner les yeux, ne le pouvaient pas,
regardaient quand même.
C'était la vision rouge de la révolution qui les emporterait tous, fatalement, par une soirée sanglante de cette fin de siècle. Oui, un soir,
le peuple lâché, débridé, galoperait ainsi sur les chemins; et il ruissellerait du sang des bourgeois. Il promènerait des têtes, il sèmerait
l'or des coffres éventrés. Les femmes hurleraient, les hommes auraient ces mâchoires de loups, ouvertes pour mordre. Oui, ce seraient
les mêmes guenilles, le même tonnerre de gros sabots, la même cohue effroyable, de peau sale, d'haleine empestée, balayant le vieux
monde, sous leur poussée débordante de barbares. Des incendies flamberaient, on ne laisserait pas debout une pierre des villes, on
retournerait à la vie sauvage dans les bois, après le grand rut, la grande ripaille, où les pauvres, en une nuit, efflanqueraient les femmes
et videraient les caves des riches. Il n'y aurait plus rien, plus un sou des fortunes, plus un titre des situations acquises, jusqu'au jour où
une nouvelle terre repousserait peut-être. Oui, c'étaient ces choses qui passaient sur la route, comme une force de la nature, et ils en
recevaient le vent terrible au visage. Un grand cri s'éleva, domina La Marseillaise: - Du pain! du pain ! du pain !
Questions
1-Etudiez les procédés qui caractérisent le registre épique :
-amplification : pluriels, accumulations
-l’abondance des images
-les couleurs et leur symbolique
-l’importance des perceptions visuelles et auditives
2-Le point de vue des bourgeois qui observent la scène
Mlle Grilli
Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Situation :
Au chap. 1 de la partie IV : lundi 15 décembre : premier jour de grève ; les Hennebeau offrent un
déjeuner aux Grégoire en vue de hâter le mariage de Cécile Grégoire et de Paul Négrel. Après l’échec de
l’entrevue de Hennebeau et de la délégation des mineurs venus présenter leurs doléances (ancien système et
augmentation de cinq centimes du prix du charbon par berline) [vous aurez à faire ce commentaire], les mineurs
se sont en effet mis en grève et la poursuivent avec l’énergie du désespoir face à la rupture du dialogue avec la
Compagnie. Suite à un discours qui sanctionne sa popularité, Etienne parvient à convaincre les mineurs
d’imposer la grève générale et prône la violence, en particulier pour empêcher les « traitres » de reprendre le
travail.
Cinquième partie : fin janvier 1867 ; les mineurs se rendent à la fosse de Jean Bart, la fosse de Deneulin, qui a
convaincu ces mineurs de reprendre le travail. Ceux de Montsou coupent alors les câbles. Brandissant des armes
rudimentaires, les femmes suivies des hommes traversent la plaine en réclamant du pain ; ils se dirigent vers
Montsou pour réclamer justice à la direction. Les filles de Deneulin, Mme Hennebeau, Cécile et Négrel qui vont
à Marchiennes, ont fait un détour pour visiter le Tartaret ; ils croisent la foule des mineurs et sont obligés de se
réfugier dans une écurie-étable.
= texte en deux parties, la seconde commençant à « c’était la vision rouge de la révolution ».
Le spectacle observé de la l’étable met en lumière la violence de la foule en mouvement ; cette puissance
destructrice va donner lieu à une transfiguration : la « vision » délirante, prophétique et apocalyptique, fruit de
l’imagination et de la peur.
Pbtique : Comment le spectacle d’une foule en marche devient-il une fantasmagorie cauchemardesque
(spectacle féérique, surnaturel, à base d’illusion d’optique) qui permet une critique sociale ?
I) Le spectacle d’une foule en marche : description fortement théâtralisée.
1) un dispositif théâtral (théâtron : le lieu d’où l’on voit)
- Lucie et Jeanne décidées à ne « rien perdre du spectacle » ; Cécile en retrait ; c’est par l’intermédiaire du regard
de ces bourgeois réunis dans l’étable par force, se cachant, que nous est retransmis le spectacle ; Mme
Hennebeau en retrait « en colère » car ils gâtent son plaisir.
Expression « avait paru » : apparition, spectacle.
Voir références à l’endroit d’où l’on voit : « l’auge » ; entre les planches ; « foin » = vision partielle.
- Champs lexical du regard : Regardent malgré eux « regardaient quand même ». mais vision floue : « on ne
distinguait ni » « on voyait seulement »
= personnages à la fois effrayés et fascinés.
2) un spectacle violent
Vision d’une foule, d’une « masse compacte » :
- organisation de la vision et de la foule : « les femmes ; les hommes », repris unis ligne 45.
Précision du nombre : « près d’un millier » ; classées en fonction de leur âge : les femmes mûres, « quelques
unes » avec les enfants, « d’autres plus jeunes ». en // avec « tandis » : les « vieilles ».
Mlle Grilli
Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Puis les hommes : effet de parallélisme « ensuite ». se distinguent par leur fonction à la mine : « galibots,
haveurs, raccommodeurs – manœuvrent berlines, creusent la veine, consolident les galeries.
= masse unie, « confondue », « un seul bloc », « serrée » ; mêmes habits = « uniformité terreuse » : la terre les
unit, elle est leur élément. Sorte de transfert de la terre aux hommes
(comme Catherine tatouée au charbon)
Jeu de distinction des groupes mais sentiments qu’elle ne forme
qu’un seul corps « confus » : regard porté sur des détails
significatifs : yeux, trous de la bouche, sabots = fonctionnent
comme des synecdoques.
= soulignent la véhémence expressive de cette foule : « gestes et
cris »
La synecdoque (du grec συνεκδοχή / sunekdokhê,
« compréhension simultanée ») est une
métonymie particulière pour laquelle la relation
entre le terme donné et le terme évoqué constitue
une inclusion ou une dépendance, matérielle ou
conceptuelle.
Ex : Son vélo a crevé. (pour : un pneu de son
vélo) = partie pour le tout.
3) profusion sensorielle d’un spectacle complet.
Flux d’images : commentaire des spectateurs qui divergent peur / fascination : « superbe », « belle horreur »
« épouvante » « horribles » ; pour eux, danger de mort : un regard pourrait les tuer « il suffisait d’un regard pour
qu’on les massacra ».
= au théâtre se substitue une métaphore picturale : comme un tableau : avec le « soleil couchant » et les sœurs
artistes.
Autres perceptions : toucher « terre ébranlée », odorat « sueur », l’ouïe « hurlements, mugissements, cris,
claquement des sabots », même référence au goût ? avec les « mâchoires de bêtes fauves » prêtes à goûter le
sang ?
== une vision déformée par la peur.
II) Une vision épique d’une humanité dégradée.
1) Une vision épique.
Les procédés du registre épique :
-amplification : pluriels, accumulations : « millier de femmes »,
énumération d’hommes ; l. 60-69
-l’abondance des images
-les couleurs et leur symbolique : le rouge = tout un paragraphe
« pourpre sombre », « ensanglantaient, sang, saignants, bouchers en
pleine tuerie ».
-l’importance des perceptions visuelles et auditives
- Une foule armée : ce qui les unit : une même rage, une même soif
de violence comme le montrent leurs armes rudimentaires : bâtons,
barres de fer, unique hache. Hache guillotine : hantise de la
Révolution : rappel historique et annonce.
Une épopée est un long poème d’envergure
nationale narrant les exploits historiques ou
mythiques d’un héros ou d’un peuple. Le mot luimême est issu du grec ancien epopoiia (de έπος
(epos), le récit ou les paroles d’un chant, et ποιω
(poiein), faire, créer) et désigne "l’action de faire
un récit". On parle également de tonalité épique,
ou de registre épique, pour des œuvres non
poétiques, ou des poèmes brefs dont le style et la
thématique sont proches de l’épopée.
Le terme d’épopée peut, par extension, renvoyer à
une suite de hauts-faits militaires et à la littérature
qui y est relative.
= représente une irrésistible force de la nature « roulement du tonnerre », « ouragan » ; « déboulèrent »
« débandade »
Force vue comme destructrice : « bouchers ». peur de la guillotine qui ferait « couler le sang des bourgeois ».
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Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
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2) Une vision apocalyptique : la fin du monde bourgeois.
Bourgeois se font un scénario dramatique et catastrophique : Commence vraiment à « c’était la vision rouge de la
révolution » = hallucination mise en valeur par le conditionnel. Rythmée par les deux / trois « oui » et nombreux
rythmes ternaires : // avec la vision précédente : « les mêmes » « ces » « ainsi » : bascule de la réalité au
cauchemar. = comme une prophétie. Passage au discours indirect
L’Apocalypse est le dernier livre de la Bible
libre : leurs pensées ; sorte de dialogue « oui », non sous-entendu.
Idée d’une fatalité « fatalement », « fin de siècle » ; référence au
« grand soir » de la révolution.
III) Une critique politique.
1) la Révolution : retour des barbares ; à la vie sauvage ?
- Irrésistible puissance du peuple qui devient un être terrifiant : se
métamorphose par l’animalisation : « mâchoires de bêtes fauves »
« mâchoires de loup » ; femelles aux seins nus : rappel le mythe des
Bacchantes.
chrétienne. On attribue traditionnellement sa
composition à l'évangéliste Jean.
Étymologiquement, le mot « apocalypse » est la
transcription d’un terme grec (ἀποκάλυψις /
apokalupsis) qui lui-même traduit l’hébreu nigla,
lequel signifie « mise à nu, enlèvement du voile
ou révélation ». Le livre commence en effet par
les mots « Révélation de Jésus-Christ » (Ap 1,1).
C'est en ce sens que le texte présentera la
personne de Jésus-Christ à son retour sur terre et
les événements l'entourant.
Le livre prophétise aussi bien sur ce qui est arrivé,
sur ce qui arrive, que sur ce qui doit arriver plus
tard : « Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, et ce
qui doit arriver ensuite » (Apocalypse chapitre 1,
verset 19).
= bruit et fureur, odeurs et haillons, sang et feu : images de barbares. Peur des invasions. Mort, pillage et orgie
finales. Destruction totale rythmée par le « plus ».
Retour à la « vie sauvage » ; déchaînement des instincts libérés dans toute leur violence : « rut » « ripaille »,
saccage des coffres ; réversibilité de l’image animale : les bourgeois deviennent des « bêtes à l’abattoir ».
- Double thématique de l’effondrement et du renouveau. Pessimisme historique des bourgeois, vision étriquée et
partielle.
2) La critique en creux des bourgeois.
- Ridicule des bourgeois : peur, projettent leur peur et leur obsession. Fantasme malsain : désir « de détourner les
yeux » mais attirance. Décalage entre la misère que l’on connaît et leurs commentaires : « horribles », « diable » :
vulgaire. Les deus filles qui recherchent des sensations fortes « superbe » spectacle de la souffrance !!
- Les cris, La Marseillaise, font place à un cri désespéré : « du pain ! » = humanité asservie, exploitée, miséreuse,
humiliée.
== Peut-être purification aussi par le feu, nouvelle terre = germination ? élargissement de la vision à une
dimension cosmique : la terre, l’ouragan, l’air, le feu… qui transcende les pouvoir de l’humanité. Cycle de la
terre, cycle naturel. Force à la fois dévastatrice et rénovatrice
Vision mi-réelle mi-prophétique qui évoque le peuple vengeur ; révolution = du vieux monde, il en surgira un
nouveau ?
Mlle Grilli
Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Lecture d’image :
Soir de grève ou le drapeau rouge (1893) de Eugène LAERMANS
Dans la mythologie grecque, les Amazones (en
grec ancien Ἀµαζόνες / Amazónes ou Ἀµαζονίδες
/ Amazonides) sont un peuple de femmes
guerrières résidant sur les rives de la mer Noire.
Les Amazones possèderaient une origine
historique : elles correspondraient aux femmes
guerrières des peuples scythes et sauromates.
L'étymologie populaire admise pendant
l'Antiquité décompose le mot en un ἀ- privatif et
µαζός / mázos, « sein » en ionien : « celles qui
n'ont pas de sein ». Elle ne repose en fait sur
rien[1]. On a proposé de faire provenir le terme
du nom d'une tribu iranienne, *ha-mazan, « les
guerriers »[2], ou encore du persan ha mashyai, «
les Peuplades [des steppes] »[3].
Les Bacchantes étaient principalement des
femmes (mais il existait aussi des Bacchants) qui
célébraient les mystères de Dionysos-Bacchus.
Les premières qui portèrent ce nom furent les
nymphes nourrices de Bacchus, qui le suivirent à
la conquête des Indes. Elles couraient çà et là,
échevelées, à demi nues ou couvertes de peaux de
tigres, la tête couronnée de lierre, le thyrse à la
main, dansant et remplissant l'air de cris
discordants. Elles répétaient fréquemment le cri
Évoé (« courage, mon fils ! »), comme pour
rappeler les triomphes de Bacchus sur les Géants.
Leur fête, appelée Bacchanales, se célébrait
autrefois en Grèce, Égypte et principalement à
Rome.
Les Bacchantes est également le titre de la
dernière pièce de théâtre d'Euripide.
Mlle Grilli
Séquence 2 : le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Charles Gleyre (1806-1874), La danse des bacchantes, 1849 - Huile sur toile - 147 x 243 cm
Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts - Photo : J.-C. Ducret, Lausanne / musée cantonal des Beaux-Arts
J. H. Wilhelm Tischbein, La bataille des Amazones (© Pinacothèque de
Munich)
Dans la mythologie grecque, les Érinyes (en grec
ancien Ἐρινύες / Erinúes, d'ἐρίνειν / erínein, «
pourchasser, persécuter »), ou parfois « déesses
infernales » (χθόνιαι θεαί / chthóniai theaí) sont
des divinités persécutrices. Elles sont aussi
appelées Euménides (grec Εὐµενίδες /
Eumenídes, « les Bienveillantes »), après
l'acquittement d'Oreste par l'Aréopage, occasion à
laquelle, selon la tradition, Athéna aurait obtenu
d'elles qu'elles devinssent des divinités
protectrices d'Athènes sous le rôle de gardiennes
de la justice, où l'on utilise dans le même esprit la
périphrase σεµναὶ θεαί / semnaì theaí, «
vénérables déesses ». Elles correspondent aux
Furies (en latin Furiæ ou Diræ) chez les Romains.
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