Neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1

DÉPISTAGE
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57 99
La neuropathie autonome
cardiaque (NAC) est une
complication chronique du
diabète, survenant avec une forte
prévalence, en particulier dans la
population des patients ayant plus
de 10 ans d’évolution de leur dia-
te (30 à 60 %) (1). Il s’agit d’une
alration d’origine métabolique
des terminaisons nerveuses du sys-
me nerveux autonome à destina-
tion du cœur et des vaisseaux. La
conséquence est une dysgulation
* Service de Diabétologie, Maladies métaboliques, nutrition,
CHU de Toulouse
de la balance sympatho-vagale res-
ponsable d’anomalies de régulation
de la fquence cardiaque et de la
tension arrielle.
QUELLE MÉTHODE
DEPISTAGE ?
EXPLORATION COMPLÈTE
DU SNA CARDIAQUE
Lexamen de référence permet-
tant l’identification d’une NAC
ainsi que la termination de
son grade de sévérité est l’explo-
ration du système nerveux auto-
nome par 5 tests de référence et
calcul du score d’Ewing (pre-
mière définition en 1985 puis pu-
blication de recommandations
de l’Alfediam en 1997) (2)
(Encadré)
.
Cette exploration regroupe deux
tests orthosympathiques et trois
tests parasympathiques.
TESTS ORTHOSYMPATHIQUES
Recherche d’hypotension
orthostatique
Lépreuve de référence se fait en
orthostatisme actif avec mesure
La neuropathie autonome cardiaque
est le plus souvent asymptomatique.
Son dépistage systématique est ce-
pendant recommandé en raison de
la majoration significative, en cas de
positivité, des risques coronariens et
anesthésiques, associé à la néces-
sité de mise en place de précautions
particulières lors de prescriptions de
médicaments influençant l’équilibre
tensionnel ou rythmique cardiaque.
Il existe par ailleurs une forme plus
sévère et symptomatique justifiant
une prise en charge spécifique et
souvent la prescription de mesures
physiques et médicamenteuses.
Introduction
Neuropathie autonome cardiaque
dans le diabète de type 1
Mise en place en pratique
d’un dépistage systématique
Dr Sébastien Fontaine*
© Nebojsa Rozgic - 123rf.com
100Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
DÉPISTAGE
de la pression artérielle au repos
en position allongée après 30 mi-
nutes puis mesure à 1, 3 et 5 mi-
nutes. Il est également possible de
tester la réactivité du système ner-
veux autonome en orthostatisme
passif sur table basculante
(Fig. 1)
et
sans appui au sol de façon à élimi-
ner la contraction musculaire et
la compression veineuse au lever.
Le test est alors plus spécifique.
Seul le résultat du test en orthos-
tatisme actif est cependant valide
pour le calcul du score d’Ewing.
Hand grip : contraction
isométrique de l’avant-bras
Il est nécessaire, pour ce test, d’uti-
liser un manomètre
(Fig. 2)
permet-
tant de maintenir une contraction
étalonnée et stable durant l’enre-
gistrement de la réaction sur les
mesures de pression artérielle.
TESTS PARASYMPATHIQUES
Ventilation contrôlée
Il s’agit d’évaluer la variabilité de
la fréquence cardiaque au cours
de mouvements ventilatoires
d’inspiration et d’expiration. Le
patient réalise des séquences de
6 cycles par minutes (un cycle
de 10 secondes = une inspiration
maximale sur 5 secondes puis
une expiration maximale sur
5 secondes). Le calcul de la dif-
férence I/E est calculé de la fa-
çon suivante : fréquence max en
inspiration fréquence min en
expiration. La normale est habi-
tuellement : I/E > 22 bpm pour les
patient(e)s de moins de 60 ans et
I/E > 15 bpm pour les patient(e)
de plus de 60 ans.
Epreuve de Valsalva
Lobjectif est de déclencher une
surpression à l’étage thoracique
en souant 10 à 15 secondes dans
un appareil
(Fig. 3)
contre sis-
tance et maintenir une pression
de 40 mmHg dans une colonne de
mercure au cours dune expiration
fore.
La pression est ensuite relâchée.
Cette manœuvre reflète l’intégrité
vagale et des barorécepteurs.
Quatre phases principales sont
distinguées successivement
(Fig. 4)
:
phase I : l’augmentation de la
pression intrathoracique est
transmise à l’aorte ; il en résulte
une élévation de la pression arté-
rielle avec bradycardie ;
phase II : le retour veineux au
cœur diminue et entraîne une
baisse de la pression artérielle
alors quune tachycardie par sym-
pathique cardiaque (ou baisse de
l’activité parasympathique) appa-
raît ; si la manoeuvre se prolonge,
la pression se stabilise, de même
que la fréquence cardiaque ;
phase III : à l’art de la manœuvre
de Valsalva, la pression intrathora-
cique est réduite et lon enregistre
une chute brutale de la pression
avec tachycardie modée ;
phase IV : un rebond hyperten-
sif (overshoot) a lieu, attribué soit
à une vasoconstriction réflexe,
soit à une augmentation du tra-
vail cardiaque ; une bradycardie
accompagne cette poussée ten-
sionnelle.
Le rapport de Valsalva est calculé
sur la courbe de fréquence car-
diaque
(Fig. 4)
: rapport entre le pic
de bradycardie après la relaxation
Figure 1 - Table basculante.
Figure 2 - Appareil Hand Grip. Figure 3 - Appareil Valsalva.
160 I
II
III
IV
140
120
100
80
60
Figure 4 - Courbe de Fc au cours de la manœuvre de Valsalva.
LA NEUROPATHIE AUTONOME CARDIAQUE DANS LE DIABÈTE DE TYPE 1
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57 101
et le pic de tachycardie pendant
l’eort.
Stand test
Il s’agit d’un enregistrement de
la fréquence cardiaque au cours
d’un test d’orthostatisme actif.
La fréquence est maximale autour
de la 15e seconde et minimale au-
tour de la 30e seconde. Le calcul
du rapport 30/15 est calcude la
façon suivante : fréquence maxi-
male/fréquence minimale. La nor-
male est habituellement : 30/15 >
1,12 pour les patient(e)s de moins
de 60 ans et 30/15 > 1,05 chez les
patient(e)s de plus de 60ans.
A savoir
Il est possible de pratiquer ces
tests avec un simple appareil
ECG en utilisant le long déroule-
ment couplé avec un appareil de
mesure automatique de la pres-
sion artérielle. Lexamen est net-
tement plus performant et plus
sensible avec une mesure conti-
nue de l’ensemble des données
par photopléthysmographie digi-
tale : FINAPRES
(Fig. 5)
. Ceci per-
met non seulement le calcul du
score d’Ewing, mais également les
calculs de puissance des spectres
de haute et basse fréquences tra-
duisant l’influence des systèmes
ortho- et parasympathiques. Lex-
ploration complète reste longue
avec une durée moyenne de 45 à
60 minutes et est pratiquée le plus
souvent par une infirmière for-
mée.
DÉPISTAGE SIMPLIFIÉ
DE PREMIÈRE INTENTION
Pourquoi ?
De façon à simplifier le dépistage
et en vue de le généraliser à toute
la population des patients diabé-
tiques de type 1 et dans tout ser-
vice de diabétologie, des tests de
première ligne ont été sélection-
nés. Lobjectif est de permettre un
dépistage simplifié et réalisable
sur un intervalle de temps court
et sans matériel spécialisé autre
quun électrocardiogramme et un
appareil de mesure tensionnelle.
Il est nécessaire pour ces tests
d’avoir la meilleure sensibilipos-
sible (peu de faux négatifs) sans re-
cherche d’une spécificité parfaite.
Les anomalies les plus précoces
dans l’évolution de la NAC sont
celles intéressant le système pa-
rasympathique. Les altérations de
réponse ortho-sympathique sont
plus tardives et souvent accompa-
gnées à l’apparition des signes cli-
niques
(Fig. 6)
.
Comment ?
Le pistage de masse est donc op-
timal avec le protocole suivant.
Installation du patient en posi-
tion allongée et au repos depuis au
Degré
d’altération
NA parasympathique
NA orthosympathique
Temps
Manif. cliniques
Figure 6 - Evolution de la NAC .
Figure 5 - Appareil FINAPRES.
Encadré
ALFEDIAM 1997
Analyses clinique et électrocardiographique
Recherche d’hypotension orthostatique (la durée du maintien en
orthostatisme n’est pas précisée)
ECG standard : recherche de signes de cardiopathie ischémique et d’un
allongement du QT
Recherche de symptômes digestifs ou vésicaux évocateurs
de dysautonomie
• Recherche de dysérection
Analyse paraclinique
Réalisation de deux tests simples d’évaluation de la variabilité sinusale
de la Fc : ventilation contrôlée et orthostatisme
Réalisation d’une mesure de la motricité pupillaire (technique non
précisée)
La présence d’anomalie à un de ces items doit conduire à la réalisation
d’une exploration diagnostique par les cinq tests d’Ewing au mieux lors
d’un enregistrement au FINAPRES. L’analyse spectrale peut alors être
ajoutée en complément.
102Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
DÉPISTAGE
moins 30 minutes.
• Branchement d’un appareil ECG
avec dérivations des membres et
réglage en tracé long déroulement.
Test de ventilation contrôlé (pa-
rasympathique)
(Fig. 7)
. Il s’agit du
même test que celui réalisé pour
le score d’Ewing, c’est-à-dire des
cycles de ventilation de 6 périodes
par minute.
Stand test (parasympathique)
(Fig. 8)
. La thode est également
la même que cie pdemment
avec un enregistrement du rythme
cardiaque après orthostatisme actif.
Recherche dhypotension orthos-
tatique (orthosympathique) : patient
maintenu en position orthostatique
et mesure de la tension artérielle à 1,
3 et 5 minutes. La chute de tension
est signicative en cas de perte dun
minimum de 20 mmHg sur la systo-
lique et/ou 10 mmHg sur la diasto-
lique.
En cas de dépistage négatif, une
surveillance simple pourra être
proposée avec un rythme de 3 ans.
En présence d’une positivité d’un
de ces tests, une exploration com-
plémentaire pourra être proposée
avec enregistrement continu de
type FINAPRES (si disponible) et
calcul du score complet d’Ewing
sur 5 points
(Encadré)
.
CONSÉQUENCES
PRATIQUES DU
PISTAGE POSITIF
MESURES DE PRÉVENTION
Chez les patients ayant une NAC
confirmée, des mesures de préven-
tion seront conseillées.
Surveillance accrue en cas
Figure 7 - Test de ventilation.
Figure 8 - Stand test.
LA NEUROPATHIE AUTONOME CARDIAQUE DANS LE DIABÈTE DE TYPE 1
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57 103
d’anesthésie générale et sur-
tout à l’induction. Il existe eec-
tivement, en présence d’anomalies
de régulation du SNA, un risque
majoré de chute tensionnelle
brutale et trouble du rythme car-
diaque. Le protocole danesthésie
sera donc adapté avec des molé-
cules moins hypotensives et réé-
valuées en fonction de l’évolution
des paramètres en temps réel.
Surveillance attentive en cas
d’introduction d’un médica-
ment influençant la tension
artérielle ou la rythme car-
diaque (risque majoré d’eets
indésirable). Une attention parti-
culière est à accorder également
en cas de prise de médicaments
mo difiant lespace QT (antidépres-
seurs -tricycliques...-, antibiotiques
-macrolides…-, antifongiques, psy-
chotropes -neuroleptiques-, anti-
arythmiques).
Dépistage de l’IMS rigoureuse
tous les 2 à 3 ans du fait d’une
majoration de la sévérité des épi-
sodes coronariens en présence
d’une NAC.
MANIFESTATIONS CLINIQUES
ET TRAITEMENTS
Les manifestations cliniques po-
tentiellement présentes chez ces
patients et fréquemment asso-
ciées à l’altération mixte ortho- et
parasympathique sont de deux
types.
Tachycardie sinusale gu-
lière au repos et s’aggravant
à l’eort avec inadaptation
cardio vasculaire. Cette manifes-
tation peut justifier la prescription
d’un traitement bêtabloquant car-
dio-sélectif à faibles doses (biso-
prolol, nébivolol…).
Hypotension orthostatique
symptomatique responsable d’une
nette altération de la qualité de vie.
La présence de cette symptomato-
logie nécessite une prise en charge
spécialisée : hygiéno-diétique et
physique dans un premier temps
(revue de la ration sodée de l’ali-
mentation) ; apprentissage du le-
ver progressif ; port d’une conten-
tion veineuse adaptée.
En cas d’insuffisance de résultat
sur l’état clinique
La prescription d’un traitement
vaso-actif sera proposé : Gutron®
(midodrine) 2,5 mg (alpha-1-ago-
niste).
Contre-indications principales du
Gutron® :
• syndrome de Raynaud ;
• AOMI ;
• coronaropathie.
L’introduction se fait à faibles
doses : 1 comprimé au veil avec
de l’eau puis 1 comprimé le midi.
Ladaptation peut ensuite se faire
jusquà 2 à 3 comprimés par prises
toutes les 4 heures en évitant les
prises après 16h de façon à éviter
le risque d’induction d’une éléva-
tion tensionnelle nocturne parti-
culièrement délétère sur la fonc-
tion cardiaque.
Lautre solution thérapeutique est
lutilisation de la fludrocortisone
avec un objectif de majoration de
la volémie et donc de la résistance
à l’hypotension. La posologie ini-
tiale est de 50 mg/j, puis adaptation
jusquà lobtention d’un eet sur le
poids total et la stabilité tension-
nelle. Ce traitement nécessite une
surveillance du ionogramme san-
guin (risque dhypokalmie) et la
réalisation d’un holter tensionnel
sur 24h une fois la dose ecace ob-
tenue.
Chez les patients dialysés
La présence d’une hypotension
orthostatique invalidante ces-
site la réévaluation du protocole
de dialyse de façon à majorer la
volémie circulante. En présence
d’une HTA au repos, un choix est
nécessaire dans l’association des
médicaments entre les objectifs
de protection cardiovasculaire sur
la tension nocturne et au repos et
la nécessité de limiter les phéno-
mènes d’hypotension au cours de
la journée dans les phases d’ac-
tivité. L’association est alors fré-
quentes entre les traitements de
l’HTA (IEC, AA2 le plus souvent)
et les mesures de prévention des
hypotensions orthostatiques.
CONCLUSION
La NAC est une complication fré-
quente du diate de type 1 qui reste
encore sousvaluée et fréquem-
ment glie. Son dépistage peut
être alisé de façon simplifiée par
la alisation de tests fonctionnels
avec un mariel disponible dans
tous les services de soins et répon-
dant aux crires recommandés par
l’Alfediam. Des explorations plus
comptes du SNA peuvent être
pratiqes dans certains centres
spécialisés avec calcul du score
complet d’Ewing sur 5 paramètres
permettant la conrmation du dia-
gnostic et la termination du de-
gré de vérité. Le dépistage positif
justifie la mise en place de mesures
de prévention adapes et dans les
formes symptomatiques des me-
sures thérapeutiques physiques et
pharmacologiques. n
Mots-clés : Neuropathie, Diabète,
Stand test, Epreuve de Valsava, Hand
grip, SNA, Hypotension orthostatique
1. ZIEGLER D et al., Selective contribution
of diabetes and other cardiovascular risk
factors to cardiac autonomic dysfunction in
the general population, Exp Clin Endocrinol
Diabetes 2006 ; 114 : 153-9.
2. EWING DJ et al., Diabetic autonomic neu-
ropathy : present insights and future pros-
pects, Diabetes Care 1986 ; 9 : 648-65.
3. VALENSI P et al., Predictive value of cardiac
autonomic neuropathy in diabetic patients
with or without silent myocardial ischemia,
Diabetes Care 2001 ; 24 : 339-43.
4. Recommandations ALFEDIAM.
BiBliographie
1 / 5 100%