Psychiatre jugé à Grenoble : quels moyens pour soigner en toute sécurité à l'hôpital ?
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Le 12 décembre 2016
Article d'Antoine Pelissolo, Professeur de psychiatrie à l'UPEC, publié sur The Conversation France
Le tribunal correctionnel de Grenoble dira le 14 novembre si un psychiatre du centre hospitalier de Saint-Egrève, en Isère, est condamné à une peine
avec sursis à la suite du « meurtre » commis en 2008 par un de ses patients. L'homme de 56 ans, souffrant de schizophrénie, était sorti de
l'établissement où il avait été hospitalisé d'office. Il avait ensuite poignardé un étudiant dans une rue de Grenoble, acte pour lequel il a été déclaré
pénalement irresponsable.
Le docteur Lekhraj Gujadhur, aujourd'hui retraité, . Le représentant du ministère public aétait le responsable du pavillon où était hospitalisé le patient
requis 18 mois de prison avec sursis contre ce médecin, poursuivi pour homicide involontaire. L'hôpital encourt une amende de 100 000 euros avec
sursis.
C'est la deuxième fois, en France, qu'un médecin hospitalier est poursuivi pénalement à la suite d'un meurtre commis par un de ses patients. Avant le
Dr Gujahdur, une psychiatre d'un hôpital de Marseille, dont le malade s'était échappé et avait tué un membre de sa famille, en 2004, avait été
initialement condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis. Elle .fut ensuite relaxée en raison des délais de prescription
De la difficulté de prédire la dangerosité
L'évaluation de la dangerosité d'une personne souffrant de troubles psychiatriques est un exercice très difficile, comme l'expliquent les experts
en 2010 sur ce sujet. La commission réunie par la HAS a publié auditionnés par la Haute autorité de santé (HAS) des recommandations pour
, et l'Académie de médecine, un . L'évaluation de la dangerosité dans le cadre de l'expertiseaméliorer cette prédiction rapport sur le même thème
psychiatrique pénale a également fait l'objet en 2013 d'une soutenue à l'université Grenoble Alpes par Sophie Crampagne.thèse de médecine
Dans ce contexte, il serait inquiétant de qualifier de faute pénale toute erreur d'appréciation d'un médecin, pour autant que les règles de précaution et
de bonnes pratiques aient été respectées. Qui est responsable de ? Quel que soit le jugement prononcé par les juges dela dangerosité des patients
Grenoble, et sans chercher à minimiser le rôle des psychiatres dans les soins et les décisions qui leur reviennent, la société tout entière doit s'emparer
de cette question, plutôt que de chercher à désigner uniquement des boucs émissaires.
La réflexion devrait notamment porter sur les moyens mis à disposition de pour exercer ses missions. Si les médecins sont amenés àla psychiatrie
répondre de leur exercice devant les tribunaux, alors il devrait également exister, en France, des normes légales et opposables quant au personnel
minimum affecté dans les unités psychiatriques à risque. Tant d'infirmiers pour tant de lits, comme cela existe par exemple dans les services de
réanimation, autre discipline technique à haut risque.
L'augmentation de la violence à l'hôpital
De nombreux rapports et l'expérience de terrain témoignent d'une augmentation de la violence à l'hôpital en général, et dans les services de
psychiatrie en particulier. Plusieurs causes peuvent l'expliquer. Tout d'abord, convergent vers les urgences, via les pompiers ou la police, nombre de
personnes causant des troubles à l'ordre public, dès lors qu'elles ne relèvent pas de poursuites judiciaires immédiates : ivresses graves, conduites
agressives associées à des propos étranges ou suicidaires et tout individu semblant « péter les plombs ».
Cette violence grandissante, qui ne relève généralement pas de maladies psychiatriques, est un fait de société, facilité par des faiblesses éducatives,
la banalisation des drogues et de l'alcool, ou l'installation d'une certaine culture du rapport de force. Elle se manifeste plus facilement dans un lieu
collectif tel que l'hôpital, où les règles communes s'apparentent pour certains à des frustrations intolérables.
De plus, et ceci est une évolution favorable sur le principe, des personnes reconnues comme malades et commettant des délits, voire des crimes, sont
aujourd'hui généralement considérées comme non responsables pénalement. Elles sont donc plus souvent hospitalisées . Or lesqu'incarcérées
hôpitaux ne disposent pas des mêmes moyens de protection que les prisons - bien heureusement. Cela peut poser des problèmes quand il s'agit de
contenir des personnes dangereuses pour les autres ou pour elles-mêmes.