Directeur de la publication : Edwy Plenel
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passes sous 2,20 euros, ou tu es dehors.” » Le chef
d’entreprise a reçu son courrier de résiliation le 4 mars
2010. Il reconnaît volontiers qu’un second contrat,
signé en novembre 2008 dans une autre agence, lui a
été retiré courant 2010 pour des problèmes récurrents
dans la qualité de ses prestations, il mais assure que
ces deux contrats étaient indépendants, et gérés par des
personnes différentes chez Chronopost.
Résiliation possible à tout moment
Aujourd’hui, Dippah veut attaquer son ex-donneur
d’ordres devant le tribunal de commerce. Son avocat,
M° Menzel, pointe un article précis du contrat-type, le
11.2, qui stipule que Chronopost peut résilier le contrat
avec trois mois de préavis, pour peu qu’un nouvel
appel d’offres soit organisé sur le secteur, « et ce, à
tout moment ». L’avocat estime « cette clause fautive
au regard de l’article L442-6 du code du commerce,
qui affirme qu’un commerçant ne peut pas soumettre
un partenaire commercial à des obligations créant un
déséquilibre significatif dans les droits et obligations
des parties ». Cette clause créerait une instabilité et un
déséquilibre « évidents ».
Dans l’Est du pays, Luis Afonso a, lui, entamé une
procédure judiciaire dès 2010 pour rupture abusive de
contrat, après avoir dû fermer LA Expresse, à la perte
de son contrat à Metz en 2009. « Je travaillais depuis
2007 sans problème. J’avais accepté de baisser mes
tarifs de 4 à 3,7euros le point de livraison, en raison de
la crise économique, explique-t-il. Mais un nouveau
directeur d’agence m’a demandé de les baisser à 3
euros. C’est impossible, je ne sais pas comment les
autres font ! » Il se targue d’une très bonne qualité
de service et estime que les entreprises qui ont été
maintenues « font de la mauvaise qualité, mais vont
très vite, et c’est tout ce qui compte ».
Afonso a licencié ses neuf chauffeurs, et travaille
désormais au Smic dans une usine de fabrication de
meubles. Il raconte aussi que lors de négociations
tarifaires, le patron de l’agence Chronopost dont il
dépendait a essayé d’organiser le débauchage de ses
salariés par d’autres sociétés prestataires. « Si je
dois vendre mon appartement, je le ferai, mais je
ne lâcherai pas, ils ont vraiment été incorrects avec
moi », lance-t-il. Interrogée sur son cas, la direction
de Chronopost indique qu’Afonso aurait rencontré de
gros soucis de qualité de service, ce qui expliquerait
la résiliation de son contrat et la position intransigeant
de l’entreprise à son encontre. L’ancien entrepreneur
conteste formellement.
Baisses de tarifs et renégociations musclées
Plusieurs autres témoignages accréditent en tout
cas l’idée de négociations musclées menées par
Chronopost pour faire baisser les prix de ses
partenaires. « Dans les agences, les responsables
manient régulièrement le chantage, en vous menaçant
de vous changer de secteur de distribution ou
d’arrêter le contrat », avance par exemple Rognault
Epée. Il assure également que des baisses de tarifs
sur certaines prestations lui ont même été appliquées
unilatéralement. Jean-Jacques Kalla, dirigeant de Kall
Est International, qui a cessé toute collaboration avec
Chronopost, confirme ce dernier point.
Chez Chronopost, Benoit Frette assume les remises
en concurrence, en assurant qu’elles ne sont pas
fréquentes. « Nous sommes dans un contexte libéral et
notre société connaît une forte croissance. Dans ces
conditions, on ne s’interdit pas de consulter le marché
lorsque nous estimons qu’il y a des incohérences
de prix ou des choses à corriger », explique-t-il.
Il indique que lorsqu’il y a résiliation d’un contrat,
« dans 90% des cas, nous allons au-delà des trois
mois de préavis imposés par la loi, alors que les
sous-traitants, à qui peut aussi profiter l’article 11.2
du contrat, ne respectent souvent pas le délai légal
lorsqu’ils souhaitent nous quitter. »
Le dirigeant reconnaît aussi que des renégociations
ponctuelles sans appel d’offre existent, mais il certifie
que cela se fait toujours en bonne entente avec le
prestataire. Et que ce dernier n’est pas perdant : « Nous
pouvons effectivement baisser un peu les tarifs et
renégocier sur une zone, mais c’est lorsqu’il y a un
fort développement de l’activité de Chronopost sur
cette zone, détaille Frette. Le sous-traitant bénéficie de
cette hausse d’activité, qui est en fait le résultat d’un
investissement important de notre société, notamment
en termes de force de frappe commerciale. Dans ce