GéoKARST : regards croisés des géosciences sur le karst » Résumés

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regards croisés des géosciences sur le karst »
Séance spécialisée FFG-AFEQ –AFK- CNF INQUA
9 décembre 2010
Société Géologique de France. 77 rue Claude Bernard, 75 005 Paris
Résumés
Formations carbonatées, réservoirs et karst. Réflexions sur leur approche.
Michel BAKALOWICZ. Université Montpellier 2 UMR HydroSciences, CC MSE. place Eugène
Bataillon. 34095 Montpellier cedex 5.
Les formations carbonatées, très abondantes sur tous les continents, à l'affleurement comme en
profondeur, recèlent une bonne part des ressources fondamentales indispensables à l'homme: l'eau,
le pétrole et bon nombre de minerais. Elles offrent également des sites remarquables, témoins de
l'histoire de la Terre et de l'homme, ou paysages exceptionnels. De ce fait, elles sont l'objet d'études
par des approches disciplinaires très différentes, donnant lieu à des tentatives de représentation
variées, souvent dans l'ignorance et/ou l'incompréhension de celles des autres disciplines. Dans tous
les cas, la question de la karstification est la cause essentielle de la multiplicité des représentations
ou modèles et de la difficulté, voire l'impossibilité, d'évaluer correctement les ressources offertes
par ces réservoirs à hétérogénéité particulière et exceptionnellement forte.
Il en résulte que chaque discipline a de ces réservoirs une vision partielle, tronquée, donc partiale,
dépendant de son objet d'étude (le paysage, l'eau, le pétrole, le minerai) et de la méthodologie
qu'elle maitrise. En conséquence, chaque discipline propose sa propre approche de modélisation. La
question de la recherche d'une approche « unificatrice » des réservoirs carbonatés se pose donc
clairement. Il est encore trop tôt pour en proposer les bases: c'est une tâche qui doit être dévolue à la
génération des jeunes chercheurs. Cependant, l'expérience accumulée en s'appuyant sur des
exemples variés, dont certains issus des travaux de pétroliers, permet de suggérer quelques pistes à
explorer. En particulier, il est clair que deux ensembles d'approches s'opposent: pour simplifier,
celle des hydrogéologues, cherchant à représenter le karst à partir du fonctionnement d'un ensemble
dont on tente de détailler la structure intime (démarche descendante ou « top-down »); et celle des
pétroliers, qui cherchent à représenter le réservoir carbonaté karstifié à partir de données locales de
structure des vides (démarche ascendante ou « bottom-up »). Chacune de ces approches devrait
avoir pour objectif d'intégrer celle des autres disciplines.
Fantômes de roche et fantômisation : un nouveau paradigme en karstogenèse.
Yves QUINIF. Service de Géologie fondamentale et appliquée, Faculté Polytechnique, Université
de Mons. [email protected]
D’une manière générale, la réalité karstique caractérisée par des formes d’érosion et des
phénomènes hydrogéologiques particuliers doit en quasi-totalité à l’altération chimique de la roche
en place. Dans les faciès carbonatés, c’est l’attaque acide qui est le grand acteur de la karstogenèse.
La fonction acide peut être fournie par le dioxyde de carbone ou l’acide sulfurique. Ainsi, la
karstification est le résultat du passage d’espèces chimiques entre les phases solide et liquide. Nous
pouvons résumer les caractéristiques de la karstification par la présence de vides interconnectés de
grandeurs différentes, l’influence prépondérante de la chimie de l’eau et les flux importants d’eau
souterraine. Naturellement, le paradigme de la karstogenèse est basé sur l’élargissement progressif
des joints par l’altération chimique. Certains vides se développent plus que d’autres et accueillent
un flux d’eau de plus en plus important. Les espèces dissoutes et les grains solides sont pris en
charge par les flux d’eau. J’ai appelé ce paradigme la karstification par évacuation totale.
Dans les calcaires carbonifères du Hainaut (Belgique), des paléokarsts crétacés ont révélé des
formes d’altération semblables à des formes pédologiques : une altération « in situ » du calcaire
avec l’altérite résiduelle gardant le même volume dans une première phase. Les éléments
géologiques comme les lits de cherts, la stratification, les joints avec les veines de calcite subsistent,
mais avec une grande porosité où les espèces chimiques ont été enlevées. L’altération suit les joints
et se déplacent latéralement par des fronts d’altération. Ces fronts peuvent se rencontrer en isolant
des blocs intacts. Ce phénomène est la fantômisation. Elle est caractérisée par une transformation de
la roche massive en une texture poudreuse. La porosité s’accroît. En images MEB, on constate que
le calcaire intact est formé de grains jointifs. La surface des grains est constituée des plans de
clivage. Quand on examine un échantillon altéré, les grains sont séparés par des vides
interconnectés. Les cristaux sparitiques sont séparés du ciment micritique et ils commencent à
montrer des golfes de corrosion. Dans le cas d’un calcaire riche en silice, seul le squelette siliceux
subsiste. Le fantôme de roche est bien une transition entre l’état initial de la roche intacte et la
disparition complète des carbonates.
Les expressions morphologiques des fantômes de roche sont en premier des couloirs qui se
développent au détriment de joints verticaux ayant conduit l’eau agressive en zone phréatique
calme. Le développement d’un front d’altération nécessite un potentiel hydrodynamique nul
puisque l’altérite résiduelle mécaniquement fragile subsiste en place sans érosion mécanique et une
tectonique en extension conduisant à la possibilité de pénétration de l’eau en zone saturée sous très
faible potentiel. Une autre expression morphologique est Le pseudoendokarst, totalement interne.
La forme résultante garde un toit constitué de roche intact. Le massif est découpé par un réseau de
galeries qui n’ont jamais été vides de matière. Durant cette première phase de karstification, les
vides sont constitués de la porosité de l’altérite résiduelle au lieu d’être macroscopiques.
Les fantômes de roche évoluent par subsidence quand la pression de l’eau phréatique dans la
porosité du fantôme disparaît, suite à l’abaissement de la surface piézométrique. Un vide
macroscopique apparaît au sommet du pseudoendokarst, sous le toit du calcaire. Si un potentiel
hydrodynamique apparaît, ce nouveau type d’énergie peut contribuer à enlever l’altérite résiduelle.
Une nouvelle grotte spéléologique est ainsi créée à partir d’un pseudoendokarst. De cette façon,
nous avons une continuité entre le fantôme de roche et une grotte spéléologique. C’est ici que nous
pouvons parler d’un nouveau paradigme. Les paléokarsts du Hainaut nous ont à la fois fourni des
exemples en paléokarsts et un modèle actuel suite à un dégagement de pseudoendokarst en carrière
suite à l’exhaure et à la naissance d’une nouvelle grotte.
La théorie de la fantômisation est la fille de la théorie de la biorhexistasie. L’altération de la roche
sépare celle-ci en deux phases : la phase solide résiduelle d’un côté et la phase soluble de l’autre.
L’étape de la fantômisation est la phase biostasique, tandis que la phase rhexistasique est l’érosion
mécanique de l’altérite résiduelle. La rupture d’équilibre est due à l’apparition d’un nouveau
potentiel hydrodynamique.
Paléokarsts et karsts fonctionnels des massifs des Arbailles et de la Pierre SaintMartin (Pyrénées-Atlantiques, France)
Nathalie VANARA 1, 2 , 3 et Richard MAIRE 1, 3
(1) ANR Climanthrope.Maison des Suds - CNRS - 12, Esplanade des Antilles, 33607 Pessac cedex
(2) Univ. Paris 1.Panthéon-Sorbonne. Institut de géographie. 191 rue Saint-Jacques, 75005 Paris
(3) UMR 5185 ADES-DyMSET - Maison des Suds - CNRS - 12, Esplanade des Antilles, 33607
Pessac cedex
Dans les Pyrénées Atlantiques, les massifs de la Pierre Saint-Martin (zone axiale) et des Arbailles
(zone nord-pyrénéenne) montrent une grande variété de témoins sédimentaires et morphologiques
des karstifications successives depuis 300 millions d’années.
Le massif pyrénéen de la Pierre Saint-Martin (2 500 m) constitue un patrimoine naturel unique au
monde avec 400 km de réseaux souterrains topographiés. Il présente les témoins morphologiques et
les remplissages relatifs à plusieurs karstifications se succédant depuis le Permien. La chaîne
hercynienne, qui a été érigée puis arasée à la fin du Paléozoïque, a été fossilisée au Crétacé
supérieur par les "calcaires des canyons" dont la série de 400 m d’épaisseur a été conservée. La
chaîne tertiaire, appartenant au cycle alpin, a repris la couverture carbonatée secondaire et le socle
paléozoïque plissé dans ses déformations, avec une surrection qui s'est poursuivie au Néogène et au
Pléistocène. L'exploration spéléologique permet une approche originale de l'étude des
karstifications successives car elle s'effectue grâce aux réseaux karstiques qui constituent des
coupes naturelles souterraines permettant de mettre en évidence poches et paléoremplissages (dans
les calcaires dévoniens et crétacés), niveaux de conduits étagés et dépôts pléistocènes. Le début du
creusement des grands systèmes karstiques date probablement de la fin du Tertiaire à une époque où
le massif était moins haut et soumis à un climat plus chaud. La bordure orientale du massif recèle
des "cimetières" de vieilles cavités : paléo-conduits recoupés et vieilles coulées calcitiques à
l’affleurement. L’enfoncement du karst au cours de la surrection pléistocène se traduit par des
niveaux étagés de conduits inactifs. Au cours du Pléistocène moyen, la galerie Aranzadi, située en
aval du massif, a piégé des varves épaisses qui ont été datées entre 200 000 et 300 000 ans BP à une
époque où la salle de la Verna n’existait pas. Comme le réseau d’Aranzadi (alt. 1 050 m) date au
minimum de 400 000 ans, la surrection est estimée à 500-600 m au moins depuis le Pléistocène
moyen.
Le massif des Arbailles (1 100 m) présente un éventail important d’indices paléokarstiques qui sont
les témoins des multiples phases de karstification du Mésozoïque au Cénozoïque. Les phases antétertiaires témoignent d’une instabilité de la zone à la suite de l’ouverture de l’Atlantique. La phase
de la fin du Jurassique a permis le développement d’une véritable surface karstique marquée en
particulier par le dépôt de bauxite. Les brèches d’Arhansus localisées sur la bordure sud prouvent
l’existence d’une phase de rifting éocrétacée responsable d’une émersion au cours de l’Aptien
(Gargasien supérieur). Le gouffre d’Apanicé permet l’observation d’une discontinuité dans la masse
des calcaires urgoniens (surface de ravinement) qui confirme l’existence d’une phase d’émersion et
de karstification sur la bordure sud de la plate-forme carbonatée au cours de l’Aptien. Les phases
attribuées au Tertiaire sont représentées par des paléocavités démantelées situées au sommet des
buttes karstiques, par des poches localisées sur la haute surface et par des pertes décapitées. L’étude
des remplissages prouve l’existence d’un climat chaud à saisons contrastées (cuirasses) et une
paléogéographie aujourd’hui disparue. Les coupes étudiées montrent des paléo-concrétionnements
stalagmitiques à l’affleurement (pic du Belchou) associés à des brèches et des dépôts fluviatiles
indurés qui attestent d’une relation directe avec la Haute Chaîne. Les coupes montrent aussi une
alimentation généralisée par les calcaires marneux albiens qui devaient recouvrir l’ensemble des
Arbailles avant leur décapage sur les parties structuralement élevées. A partir de la fin du Miocène
supérieur, la chaine pyrénéenne connaît une grande phase de surrection qui produit une première
verticalisation des réseaux karstiques et l’accentuation des formes fluvio-karstiques et karstiques.
Au Pléistocène inférieur, la seconde phase de surrection déconnecte définitivement la Haute Chaine
des grandes vallées sèches. Ces dernières évoluent au Quaternaire en vallées dolinaires.
Actuellement l’essentiel du drainage s’effectue par des systèmes souterrains qui n’ont aucune
liaison avec la topographie « fossile » de surface. Le taux de surrection au Pléistocène moyen-
inférieur serait de l’ordre de 0,4 mm/an d’après les âges U/Th et mesures paléomagnétiques.
Morphologie et dépôts
géodynamique de surface
karstiques : mémoires des temps forts de la
Laurent BRUXELLES
Chemin des Jardins, 30170 Saint-Hippolyte-du-Fort. [email protected]
L’une des particularités du karst est son aptitude à préserver, aussi bien en profondeur qu’en
surface, des formes et des formations très anciennes. Elles constituent alors autant de jalons de
l’histoire géologique et géomorphologique. Il suffit de savoir les décrypter pour pouvoir
reconstituer les grandes étapes de l’évolution d’un secteur. A partir de deux exemples situés au sud
du Massif Central, les Grands Causses et la bordure cévenole, nous verrons quels sont les apports
du karst à la connaissance de la géodynamique régionale.
Sur les Grands Causses, l'étude des dépôts sédimentaires post-Jurassique, des formations
superficielles et de celles qui sont piégées dans les cavités karstiques a permis, en les associant aux
formes du paysage, de reconstituer plusieurs évènements majeurs de leur évolution morphologique.
En particulier, la découverte de nombreux témoins d'une couverture crétacée, marine et
continentale, permet de comprendre les premières étapes morphogénétiques de ces plateaux. Après
l'épisode bauxitique, la transgression coniacienne a fossilisé une paléotopographie karstique sous
une centaine de mètres de calcaires gréseux. Dans un second temps, l'érosion de ces dépôts libère
une grande quantité de matériel. Il s'incorpore à des altérites variées, allochtones ou autochtones
(formations quartzeuses, argiles à chailles), constituant une véritable couverture superficielle et
contribuant au développement d'aplanissements karstiques crevés de méga-dolines (sotchs). Entre
l'Eocène et le Miocène, ces mêmes processus continentaux déterminent l'enfoncement de la surface
karstique scandée par des niveaux de replats emboîtés. A partir du Miocène, des dynamiques
d'érosion linéaire apparaissent et sont marquées par le creusement des canyons et des reculées
karstiques. La surface du plateau est profondément affectée par le soutirage karstique qui génère
poljés, dolines et réseaux souterrains. Seuls quelques secteurs privilégiés conservent des lambeaux
de couverture qui autorisent, encore de nos jours, un fonctionnement relique temporaire.
Sur la bordure cévenole, la dissection du paysage est plus marquée et les témoins de surface sont
rares. De fait, c’est surtout l’endokarst qui a préservé les indices de cette évolution. A ce titre, le
massif de Mialet et le système de la grotte de Trabuc constituent un exemple démonstratif.
L’analyse de la géométrie des réseaux ainsi que l’étude systématique des remplissages karstiques a
permis de reconstituer les grands traits de l’histoire de massif, directement commandé par
l’évolution géodynamique de la bordure cévenole. La formation de ce karst débute par une longue
phase d’altération qui affecte les calcaires et les dolomies du Jurassique inférieur. Ce processus de
fantômisation a pu démarrer dès le Crétacé supérieur, guidé par la fracturation du massif induite par
la phase précoce de la compression pyrénéenne. Puis, la structuration tectonique de l'Eocène met
nécessairement un terme à cette altération. La surrection du bâtit cévenol introduit un gradient
hydraulique qui permet l'évacuation des altérites et la mise en place de systèmes karstiques
fonctionnels. Ensuite, on observe une fossilisation complète de ce karst, sur plusieurs centaines de
mètres de haut. Ce phénomène ne semble pouvoir s'expliquer que par la subsidence d’ensemble du
massif de Mialet. Ainsi, ce serait à l'Oligocène, comme le fossé d'Alès tout proche, que s'opère le
colmatage intégral de ce karst par des matériaux exclusivement autochtones. Enfin, à partir du
Miocène, la mise en place des canyons régionaux introduit un nouveau gradient hydraulique.
L'organisation du réseau hydrographique et la dénudation avancée des Cévennes permettent
désormais l'apport d'éléments cristallophylliens dans le massif de Mialet. Ces formations ne se
retrouvent que dans les parties de l'endokarst réutilisées par les circulations les plus récentes,
contingentées à la proximité de la vallée. L'enfoncement du réseau hydrographique démantèle
progressivement les anciens conduits dont on retrouve aujourd'hui les témoins sous forme de
paléokarsts jusqu'aux points les plus hauts du massif.
Au-delà des phénomènes purement géologiques, les karsts constituent l’habitat naturel privilégié
d’une faune hautement spécialisée. Ce milieu naturel est en effet caractérisé par l’absence totale de
lumière (donc l’absence de producteurs primaires chlorophylliens) et par des conditions peu
variables (température relativement stable, humidité constante…). Ces conditions qu’on peut
considérer comme hostiles de prime abord présentent des avantages pour la vie : les organismes
épigées doivent se protéger de l’agression des ultraviolets et s’adapter aux conditions de
température et d’humidité très variables au cours d’une journée, d’un jour sur l’autre et tout au long
de l’année (saisons). En revanche, sans producteur primaires, la matière organique manque en
milieu souterrain où seuls les eaux météoriques et des organismes venus de l’extérieur (les chauvessouris par exemple) apportent la nourriture aux organismes décomposeurs qui supportent toute la
chaine alimentaire. On parle alors de chaine trophique tronquée, à la base par l’absence de
production primaire, au sommet par l’absence ou la rareté de prédateurs de grande taille.
En l’absence de lumière, les spécialistes du milieu souterrain ont évolué en perdant progressivement
l’usage de la vue et en se débarrassant des pigments protecteurs contre les ultra-violets. En
conséquence, ces organismes sont en quelques sorte piégés dans le milieu souterrain : ils sont
incapable de vivre à la lumière et ne peuvent coloniser que les réseaux interconnectés. Si l’étude des
karsts permet de mieux comprendre l’écologie de cette faune si particulière, la distribution de la
faune souterraine peut à l’inverse nous renseigner sur l’évolution et la structure des karsts. Les
animaux strictement souterrains peuvent être considérés comme des marqueurs à long terme des
réseaux. En s’intéressant plus particulièrement aux espèces aquatiques, on montre que la répartition
des différentes espèces reflète les flux d’eaux. Chaque système aquifère indépendant, chaque unité
hydrologique peut être considéré comme une île et, à l’instar des pisons de Darwin, peut être
caractérisé par une signature taxonomique. On peut ainsi imaginer utiliser la faune souterraine
comme un traceur supplémentaire des systèmes, qui aura l’avantage de refléter les évènements
exceptionnels sur un pas de temps beaucoup plus long. Enfin, en se focalisant sur les flux de gènes,
des évènements de colonisation ou d’isolement peuvent être datés et nous renseigner sur l’histoire
des réseaux.
La faune souterraine et ses liens avec les hydrosystèmes karstiques
Vincent PRIE. Biotope. Service recherche et développement. BP 58 22 Bd Maréchal Foch. 34 140 Mèze.
[email protected]
Au-delà des phénomènes purement géologiques, les karsts constituent l’habitat naturel privilégié
d’une faune hautement spécialisée. Ce milieu naturel est en effet caractérisé par l’absence totale de
lumière (donc l’absence de producteurs primaires chlorophylliens) et par des conditions peu
variables (température relativement stable, humidité constante…). Ces conditions qu’on peut
considérer comme hostiles de prime abord présentent des avantages pour la vie : les organismes
épigées doivent se protéger de l’agression des ultraviolets et s’adapter aux conditions de
température et d’humidité très variables au cours d’une journée, d’un jour sur l’autre et tout au long
de l’année (saisons). En revanche, sans producteur primaires, la matière organique manque en
milieu souterrain où seuls les eaux météoriques et des organismes venus de l’extérieur (les chauvessouris par exemple) apportent la nourriture aux organismes décomposeurs qui supportent toute la
chaine alimentaire. On parle alors de chaine trophique tronquée, à la base par l’absence de
production primaire, au sommet par l’absence ou la rareté de prédateurs de grande taille.
En l’absence de lumière, les spécialistes du milieu souterrain ont évolué en perdant progressivement
l’usage de la vue et en se débarrassant des pigments protecteurs contre les ultra-violets. En
conséquence, ces organismes sont en quelques sorte piégés dans le milieu souterrain : ils sont
incapable de vivre à la lumière et ne peuvent coloniser que les réseaux interconnectés. Si l’étude des
karsts permet de mieux comprendre l’écologie de cette faune si particulière, la distribution de la
faune souterraine peut à l’inverse nous renseigner sur l’évolution et la structure des karsts. Les
animaux strictement souterrains peuvent être considérés comme des marqueurs à long terme des
réseaux. En s’intéressant plus particulièrement aux espèces aquatiques, on montre que la répartition
des différentes espèces reflète les flux d’eaux. Chaque système aquifère indépendant, chaque unité
hydrologique peut être considéré comme une île et, à l’instar des pisons de Darwin, peut être
caractérisé par une signature taxonomique. On peut ainsi imaginer utiliser la faune souterraine
comme un traceur supplémentaire des systèmes, qui aura l’avantage de refléter les évènements
exceptionnels sur un pas de temps beaucoup plus long. Enfin, en se focalisant sur les flux de gènes,
des évènements de colonisation ou d’isolement peuvent être datés et nous renseigner sur l’histoire
des réseaux.
Dynamique actuelle et passée des micropolluants dans les milieux karstiques de
moyenne montagne. Observation et retro-observation
Yves PERRETTE1, DURAND A.2, POULENARD J.1, FANGET B.1, NAFFRECHOUX E.2
1-Edytem . Univ. de Savoie/CNRS Pole Montagne, Savoie Technolac, F73376 Le Bourget du Lac
2-LCME. Univ. de Savoie, Campus scientifique, Savoie Technolac, F73376 Le Bourget du Lac
Depuis les derniers millénaires, l'emprise de l'homme sur le milieu est croissante. Parmi les
indicateurs utilisés pour étudier les évolutions de l'environnement, les matières organiques occupent
une place privilégiée en raison de leur ubiquité et de leurs rôles multiples dans les écosystèmes
terrestres (Peters et al. 2005, Blyth et al. 2008). Les matières organiques rassemblent une grande
gamme de composés dont l'utilisation en tant qu'indicateur environnemental permet des
interprétations plus ou moins univoques. Parmi ces composés naturels, les polluants organiques
persistants et particulièrement les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques -HAP- sont
intéressants en raison de leur impact croissant sur les écosystèmes (karstiques notamment), mais
également car ils sont des marqueurs moléculaires d'activités humaines passées.
Dans les archives naturelles (roches, sédiments), ces marqueurs moléculaires ont été utilisés à de
nombreuses échelles temporelles (temps géologiques, évolution récente). On distingue
généralement les HAP diagénétiques issus de l'aromatisation de précurseurs naturels, des HAP
pyrolitiques, supérieurs à 4 noyaux aromatiques qui sont liés à la combustion de biomasse (Krauss
et al., 2000; Peters et al., 2005; Simoneit, 2002). Si de nombreux travaux évaluent l'impact de ces
contaminations diffuses sur le milieu, peu d'études s'attachent aux milieux calcaires qui posent
pourtant un problème spécifique en matière de qualité de l'eau. En effet, des recherches récentes
montrent que la fraction la plus soluble (< à 3 noyaux aromatiques) présente dans les dépôts
atmosphériques, est directement transférée vers les résurgences, alors que les composés plus
hydrophobes sont stockés dans les sols et le réseau karstique. Cette accumulation pourrait à terme
poser des problèmes pour la qualité de l'eau.
Les travaux interdisciplinaires (chimie environnementale, karstologie, pédologie) menés à
Chambéry depuis ces dernières années montrent que les sols des moyennes montagnes calcaires
constituent un piège efficace pour ces micropolluants. Pourtant, la source de ce flux de contaminant
transmis vers le milieu souterrain semble essentiellement induit par les retombées atmosphériques
(sèches et humides) plutôt que par la remobilisation de stocks piégés dans les sols. Ainsi,
l'enregistrement de ces flux au sein des stalagmites pourrait être utilisé comme un enregistrement
des pollutions atmosphériques passées.
Cette présentation s'appuie sur le suivi des flux entrants de HAP dans l'épikarst (Bauges, grotte de
Élaphes, Durand et al, soumis) et sur une séquence à basse résolution temporelle de concentration
de HAP obtenue dans une stalagmite du Vercors qui couvre les derniers siècles (grotte de
Choranche, Perrette et al. 2008). Ces deux études complémentaires illustrent l'intérêt du couplage
observation/rétro-observation pour l'étude des contaminations diffuses de micropolluants dans les
milieux calcaires. Cette étude permet également de discuter l'utilisation des marqueurs moléculaires
au sein des stalagmites en montrant les fortes interactions ayant lieu entre les marqueurs
moléculaires et l'encaissant avant le piégeage.
Références :
Durand, A.; Perrette, Y.; Poulenard, J.; Besombes, J.-L.; David, B.; Malet, E.; Fanget, B.; Naffrechoux, E. - PAH input
into karst groundwaters in a forested mountain area. Soumis à Environmental Science & Technology
Blyth A. J., Baker A., Collins M. J., Penkam K. E., Gilmour M. A., Moss J. S., Genty D., Drysdale R. N. « Molecular
organic matter in speleothems and its potential as an environmental proxy ». Quaternary Science Reviews.
2008, Vol. 27, n°9-10, p. 905–921.
Krauss, M., Wilcke, W., et Zech, W., 2000, Polycyclic aromatic hydrocarbons and polychlorinated biphenyls in forest
soils: depth distribution as indicator of different fate: Environmental Pollution, v. 110, no. 1, p. 79-88.
Perrette, Y., Poulenard, J., Saber, A., Fanget, B., Guittonneau, S., Ghaleb, B., et Garaudee, S., 2008, Polycyclic
Aromatic Hydrocarbons in stalagmites: Occurrence and use for analyzing past environments: Chemical
Geology, v. 251, no. 1-4, p. 67-76.
Peters, K.E., Walters, C.C., et Moldowan, J.M., 2005, The Biomarker guide, volume 2, Biomarkers and isotopes in
petroleum exploration and earth history: Cambridge University Press, Cambridge.
Simoneit, B., 2002, Biomass burning -- a review of organic tracers for smoke from incomplete combustion: Applied
Geochemistry, v. 17, no. 3, p. 129-162.
Dynamiques karstiques et conservation du patrimoine souterrain
François BOURGES
Géologie Environnement
[email protected]
Conseil
30,
rue
de
la
république
09200
Saint-Girons
Le patrimoine souterrain archéologique (vestiges mobiliers ou art pariétal) ou naturel (paysages
souterrains, concrétions) jouit d’une protection par la nature même du milieu dans lequel il se
trouve. La stabilité supposée du milieu souterrain est souvent attribuée à un système clos, figé dans
ses caractéristiques sur de grandes durées. Cette conception s’accorde mal avec l’analyse des
fonctionnements karstiques montrant, au contraire, un lieu d’intenses échanges dynamiques internes
et externes dans un milieu complexe.
L’analyse des échanges thermiques et aérodynamiques dans des cavités karstiques permet
d’interpréter l’état physique du milieu, la nature et l’intensité des flux de matière et d’énergie qui y
transitent. Deux situations extrêmes sont décrites : a) un confinement souterrain caractérisé par une
atmosphère avec une faible variabilité physique et des compositions significativement différentes de
celles de l’air extérieur, b) un milieu ouvert à l’influence extérieure caractérisé par des variations
relativement importantes des paramètres de l’air souterrain sur des échelles de temps de court
terme, journalière ou saisonnière, aussi bien en température qu’en composition. Ces deux situations
mettent en jeu différents mécanismes moteurs des transferts, différent réseaux de fissures ou
d’ouvertures et différents régimes d’échanges entre la cavité et l’extérieur. Ainsi, l’infiltration lente
(eau et air en écoulement diphasique) dans un réseau de microfissures au travers d’un grand volume
rocheux karstifié, depuis le sol jusqu’aux parois de cavités profondes ou colmatées, détermine une
situation de confinement souterrain. Au contraire, des macrofissures ou des grandes ouvertures
naturelles en communication directe avec la surface permettent des transferts rapides d’eau ou d’air
qui ouvrent fortement le milieu souterrain à l’influence extérieure.
La gestion conservatoire du patrimoine souterrain nécessite, non seulement une connaissance
générale de la dynamique du milieu, mais aussi la prise en compte des effets de site dus à des
particularités géométriques, hydrogéologiques ou microclimatiques explicités dans les exemples
suivants.
Dans les salles hautes de l’Aven d’Orgnac (Ardèche), les variations de grande amplitude pour le
milieu souterrain sont interprétées par des effets de convection thermique responsables des
successions saisonnières d’ouvertures et de fermetures du milieu à l’influence extérieure. Au
contraire, dans les parties profondes de l’aven, le confinement souterrain efface quasiment toute
variation thermique sauf celles, très ténues, induites par la pression barométrique. Les
morphologies, l’activité de concrétionnement et les sensibilités à prendre en compte ne sont pas les
mêmes dans les différentes parties du site.
Le projet de restauration des conditions de conservation des peintures de la grotte des Fées à
Marsoulas (Haute-Garonne) est fondé sur l’identification dans la zone ornée d’une situation
d’interface active entre une zone fortement influencée par l’extérieur et le milieu souterrain confiné.
L’objectif du projet conservatoire est d’étendre à l’ensemble de la zone ornée la situation de
confinement de la partie profonde en bâtissant, à l’extérieur de la grotte, un volume de régulation de
type sas.
Les spéléothèmes comme archives paléoclimatiques et
chronologiques en milieu archéologique – Apports et limites
comme
outils
Dominique GENTY.
LSCE. Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, l’Orme des Merisiers, bât. 701.
91191 Gif-sur-Yvette Cedex. [email protected]
L’essor de l’étude des spéléothèmes (planchers stalagmitiques, stalagmites essentiellement)
est considérable depuis une quinzaine d’années comme en témoigne le nombre croissant de
publications les concernant. Ceci s’explique, d’une part, par l’évolution des techniques d’analyses
géochimiques et de datation, et, d’autre part, par l’intérêt croissant pour les reconstitutions
paléoclimatiques de haute résolution. Quel est, aujourd’hui, l’apport des spéléothèmes à la
compréhension des variations climatiques passées par rapports aux autres archives glaciaires,
marines et lacustres ? Quelle résolution temporelle est donnée par la datation de la calcite des
spéléothèmes ? Quels sont les signaux géochimiques pertinents et utiles pour l’étude des variations
climatiques passées ? Quelles sont les perspectives de développement à court terme ?
Nous répondrons à ces questions à travers une présentation générale des grandes séries
paléoclimatiques issues des spéléothèmes de différents continents, puis, plus en détails, à travers les
résultats obtenus sur deux sites que nous étudions depuis plus de 10 ans: les grottes de Villars
(Dordogne) et de Chauvet (Ardèche). Auparavant, nous évoquerons comment nous appréhendons la
signification des paramètres géochimiques mesurés dans la calcite par : 1) le suivi hydrologique,
géochimique et environnemental de sites pilotes (ex. Villars) ; 2) la fabrication de spéléothèmes en
conditions contrôlées (grotte artificielle). Nous aborderons, dans la présentation des séries
paléoclimatiques, les grandes transitions glaciaire-interglaciaire ainsi que la variabilité millénaires
de la dernière période glaciaire (ex. événements de Dansgaard-Oeschger). Nous montrerons
quelques exemples de spéléothèmes ayant des signaux annuels et leur intérêt pour l’étude de la
période historique. Enfin nous évoquerons les perspectives de quantification du signal climatique à
partir de méthodes isotopiques nouvelles. Parallèlement aux études paléoclimatiques, les
spéléothèmes sont aussi utilisés dans les sites archéologiques comme jalons chronologiques des
activités humaines et de phénomènes naturels. Nous présenterons deux exemples pris dans les
grottes de Lascaux et Chauvet.
Apport de l’analyse et de l'imagerie quantitative microchimique dans l'étude des
spéléothèmes et autres sédiments souterrains
Richard MAIRE1, Richard ORTEGA2, Guillaume DEVES2, Grégory DANDURAND1, Benjamin
LANS1, Laurent MOREL3, Anne-Sophie PERROUX1, Nathalie VANARA1-4, Laurent
BRUXELLES5, Stéphane JAILLET6, Isabelle BILLY7, Philippe MARTINEZ7.
1. Lab. ADES, UMR 5185, CNRS-Université Bordeaux 3, ANR Climanthrope, Maison des Suds, 12 Esplanade des
Antilles, 33607 Pessac cedex. Courriel : [email protected] ; [email protected] ; [email protected]
2. Centre d’Etude Nucléaire Bordeaux Gradignan (CENBG), UMR 5084, CNRS-Université Bordeaux 1, ANR
Climanthrope, Chemin du Solarium, 33175 Gradignan. Courriel : [email protected] ; [email protected]
3. Lab. Ampère, UMR 5005 CNRS, ANR Climanthrope, Université Lyon 1. Courriel : laurent.morel@univ-lyon1
4. Institut de Géographie, Université Paris. Courriel : [email protected]
5. INRAP et UMR 5608 du CNRS TRACES/CRPPM, ANR Climanthrope, 168 Grand'Rue, 34130 Mauguio. Courriel :
[email protected]
6. Lab. EDYTEM, UMR 5204 CNRS, ANR Climanthrope, CISM, Université de Savoie, 73 376 Le Bourget du Lac
cedex. Courriel : [email protected]
7. Lab. EPOC, UMR 5805, Département de Géologie et Océanographie, Université de Bordeaux I, avenue des facultés,
33405 Talence Cedex,; [email protected], [email protected]
Les techniques d’autoradiographie et d’analyse par faisceau de particules, ions ou photons
de haute énergie, permettent l’analyse quantitative et l’imagerie des éléments chimiques à l’échelle
microscopique (beta-imager, micro-XRF, microsonde nucléaire). Ces méthodes ont bénéficié des
progrès récents dans le domaine de la détection de la radioactivité naturelle ou en matière de
focalisation des faisceaux d’ions et du rayonnement X. L’imagerie quantitative de la distribution des
éléments inorganiques est à présent réalisable avec une résolution spatiale permettant la
caractérisation microchimique des concrétions souterraines (spéléothèmes) et des dépôts détritiques
rythmés (rythmites). Plusieurs exemples d’application sont présentés (programme ANR
Climanthrope) qui démontrent l’intérêt de ces études à la fois pour la recherche fondamentale
(diagenèse) et les applications dans le domaine de l’Environnement :
- Mise en évidence de la radioactivité, de l’uranium et du strontium dans les spéléothèmes (ex :
Gironde, Pyrénées, Sibérie). Les fortes concentrations sont liées à des paramètres locaux (tephra,
sables riches en zircons, niveaux géologiques uranifères) et à la cristallochimie des carbonates
(piège de l’aragonite) et de la microstructure de la silice amorphe (opale). L’ouverture du système
géochimique par recristallisation peut éventuellement modifier l’âge des spéléothèmes étudiés.
- Caractérisation des variations hydro-climatiques par micro-XRF des séries détritiques souterraines avec de fortes corrélations (Si,
Fe, Al, K, Ca) entre granulométrie, minéralogie et érosion pédologique. En Chine, les rythmites de mousson (enregistrement en
continu depuis 14 000 ans) montrent que les pics de Fe sont notamment la signature d’une érosion importante des sols brun-rouge.
- Mise en évidence des effets des impacts humains sur les milieux souterrains en contexte urbanisé. A Lyon, l’étude d’une stalagmite
récente a révélé des taux élevés de S, Cu, Zn, Ti, directement en lien avec la production de charbon et probablement de matières
plastiques.
- Caractérisation des peintures rupestres en archéologie. Ainsi, sur l’Île de Madre de Dios (Patagonie, Chili), l’analyse par microXRF portatif a permis d’analyser des peintures rupestres Kawésqars dans la grotte Pacifique sans prélèvement. Les teneurs élevées en
fer confirment l’utilisation d’ocre.
- Caractérisation des niveaux de poussières dans les glaciers souterrains. L’exemple du gouffre de Scarasson (Alpes du Sud, Italie),
site dans lequel Michel Siffre avait mené ses expériences « Hors du Temps » en 1962, présente un glacier stratifié épais de 30 m
actuellement menacé de disparition. L’étude géochimique des micro-débris met en évidence un changement d’origine et de
concentration des débris provenant de l’aspiration de la neige hivernale.
En conclusion, spéléothèmes, dépôts détritiques de grotte, glace souterraine, peintures rupestres sont autant d’objets privilégiés
(multi-proxys) pour les analyses et les imageries microchimiques. Celles-ci fournissent des données variées et nouvelles dans les
domaines paléoclimatiques, géoarchéologiques et environnementaux.
Paléoclimatologie Tropicale et téléconnectives durant le quaternaire. Archives
carbonatées « Spéléothèmes »
Abdel SIFEDDINE IRD-LOCEAN et Jean-Louis GUYOT.J.L. Guyot IRD-LMTG. UMRLOCEAN, UMR-GET. LMIs : PALEOTRACES, OCE et CEFIRSE de l’IRD. Centre IRD France
Nord, 32 av. Henri Varagnat, 93143 Bondy Cedex, France. [email protected]
Dans le cadre des études climatiques et paléoclimatiques menées respectivement par les
thématiques « Couplage lithosphère-océan-atmosphère » et « Surfaces continentales et changements
globaux » du GET, l’équipe « PALEOPROXUS » du LOCEAN, ainsi que les LMI « OCE »,
« PALEOTRACES » et « CEFIRSE », notamment en Bolivie, au Pérou, au Brésil, au Maroc, en
Inde, et en nouvelle Calédonie, une place de plus en plus importante est faite aux recherches sur la
géochimie isotopique et inorganique des carbonates des spéléothèmes. Nos projets de recherches
sont focalisés sur l’évolution de la variabilité des précipitations en domaine continental. En
Amérique du Sud (Equateur, Pérou, Bolivie et Brésil), elles visent la reconstruction de la variabilité
spatiale et temporelle de la mousson Sud-Américaine qui sera comparée aux variabilités du
Pacifique et de l’Atlantique tropicaux dans le but d’évaluer les impacts de la variabilité des
précipitations sur le cycle hydrologique et les environnements continentaux du bassin Amazonien.
En Afrique du Nord, nous études sont ciblées sur la reconstruction de la variabilité des
précipitations, liée principalement, à celle de l’Oscillation Nord Atlantique (ONA). En Afrique de
l’Ouest (Congo), l’étude des spéléothèmes permettra la reconstruction de la mousson Africaine ainsi
que la variabilité qui l’affecte à différentes résolutions temporelles (annuelles, décennales,
séculaires et millénaires). De même qu’en Afrique, les études de géochimie inorganiques et
isotopiques des spéléothèmes en Inde, permettront la reconstruction de la variabilité de la mousson
indienne aux mêmes échelles temporelles. A partir d’une étude comparative, nous cherchons à
évaluer les télé-connections inter-hémisphériques ainsi que le rôle des océans (Indien, Pacifique et
Atlantique) dans la variabilité des systèmes de moussons Africaine, Sud-Américaine et Indienne.
Géoarchéologie et grottes ornées
Catherine FERRIER, N. AUJOULAT2, E. DEBARD3, A. DENIS4, B. KERVAZO2, S. KONIK2, R.
LASTENET4, P. MALAURENT4, D. LACANETTE5
1 : Univ. Bordeaux1, UMR PACEA, I.P.G.Q. 2 : CNP Périgueux, UMR PACEA, I.P.G.Q. 3 : Univ.
Lyon, UMR 5138. 4 : Univ. Bordeaux 1, GHYMAC. 5 : Univ. Bordeaux 1, TREFLE
Actuellement, les grottes ornées font l’objet d’études interdisciplinaires destinées à étudier
les œuvres pariétales (techniques utilisées, modalités de réalisation, organisation, signification des
représentations...) mais également à replacer l’ensemble dans le contexte de la cavité (Cosquer,
Chauvet, Cussac par exemple).
Cet aspect couvre la prise en compte de la morphologie de la grotte et son occupation par les
animaux, notamment les ours des cavernes. L’intégration des s sites se fait à l’échelle régionale afin
d’appréhender le choix fait par les hommes du Paléolithique au sein d’un ensemble de cavités
disponibles.
L’apport de la géoarchéologie à l’étude des grottes ornées porte sur des questions
récurentes :
. Quel était l’aspect de la cavité lors de sa fréquentation par l’homme et quelle était
l’accessibilité des différents secteurs ?
. Éventuellement, où se trouve l’entrée originelle, quand et comment a-t-elle été obstruée ?
La réponse à ces questions repose sur l'ensemble des études géologiques : karstologie,
stratigraphie, sédimentologie , chronologie.... La cartographie des formes et des formations
endokarstiques visibles au sol constitue une étape fondamentale qui permet de retracer les grandes
lignes de l’évolution de la grotte. Les datations sur spéléothèmes sont alors essentielles pour assurer
un calage chronologique.
Les recherches s’orientent maintenant aussi vers des questions d’ordre taphonomique, tant
au niveau des sols que des parois. Dans ce dernier cas, l’objectif, à terme, est de :
. restituer les caractéristiques initiales de la surface de la roche qui constitue le support des
œuvres (dureté, présence de revêtement argileux ou calcitique, rugosité...). Ces données apportent
des éléments de discussion sur le choix des panneaux et des techniques utilisées par les
préhistoriques ;
. comprendre l’évolution de l’état de la paroi depuis la réalisation des œuvres. Il s’agit alors
d’identifier les secteurs dans lesquels des phénomènes d’érosion ou de recouvrement ont pu faire
disparaîtres des gravures ou des dessins afin d'évaluer les différences susceptibles d'exister entre le
corpus initial des représentations et celui qui nous parvient.
. d’identifier et de situer les processus qui contribuent à la dégradation de la grotte, afin de
localiser les secteurs ornés concernés.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’étudier les processus physico-chimiques qui
se produisent dans les galeries à l’interface roche - atmosphère, en intégrant les interactions
possibles avec les phénomènes biologiques notamment issus de la microfaune et des micro-
organismes. Les connaissances actuelles dans ce domaine sont partielles et beaucoup reste encore à
faire pour comprendre l’écosystème souterrain. Les recherches, difficiles à mener dans les sites
préhistoriques en raison des contraintes de conservation, doivent s’orienter vers l’étude de cavités
non ornées pouvant être équipées et susceptibles de jouer le rôle de "grottes laboratoires", à l'image
de la grotte de Leye en Dordogne. Des efforts doivent aussi être poursuivis pour améliorer les in
situ non destructives, telles que fluorescence X, microscopie, traitement d’images infra-rouge...
Le cadre paléoenvironnemental et culturel des premières occupations humaines
d’Europe: le karst de la Sierra d’Atapuerca (Burgos, Espagne).
Eudald CARBONELL 1, Josep VALLVERDU POCH 1 et Marie-Agnès COURTY 2
1.
IPHES, University Rovira i Virgil, Tarragona, Spain. Email [email protected]
2.
CNRS-UMR 7194. IPHES, University Rovira i Virgil, Tarragona, Spain. Email [email protected]
L’intérêt paléoenvironnemental des dépôts exokarstiques quaternaires associés à des
niveaux d’occupation humaine reste largement biaisé par des enregistrements fragmentaires. Sans
prétendre rivaliser avec le signal haute résolution à pas de temps quasi annuel des spéléothèmes, ces
archives discontinues offrent néanmoins une double originalité. Les dépôts accumulés au cours du
Quartenaires dans les galeries karstiques de subsurface sont dans une large mesure hérités de
l’érosion des sols de surface développés sur les formations calcaires alentours. Leur piégeage à la
faveur d’événements érosifs instantanés à l’échelle géologique a ainsi permis de préserver à l‘état
quasi intact les horizons superficiels des sols développés sur les reliefs karstiques. Leur fossilisation
rapide offre ainsi des archives exceptionnelles des états de surface strictement contemporains
d’épisodes de crises environnementales majeures dans l’évolution des paysages karstiques. De
plus, l’excellente préservation de niveaux d’occupation humaine associés à ces pédo-sédiments de
sub-surface constitue des conditions uniques
pour aborder la question des conditions
environnementales strictement synchrones des occupations humaines.
Les dépôts exokarstiques de la Sierra d’Atapuerca (Burgos, Espagne) sont ici présentés pour
illustrer cette double originalité. L’accent sera mis plus particulièrement sur la séquence
mise au jour dans la Trinchera del Elephantes recelant dans des dépôts de 1.2 Ma les traces
d’occupation humaine les plus anciennes repérées jusqu’à ce jour en Europe. La séquence
microstratifiée montre l’alternance de pédo-sédiments hérités d’horizons de surface carbonatés,
révélateurs de sols peu développés, et de pédo-sédiments partiellement décarbonatés riches en
résidus de combustion, porteurs des traces d’occupation humaine. Ces caractéristiques témoignent
du contraste entre deux ambiances climatiques: (1) Une forte continentalité favorisant l’érosion
avec comblement rapide des galeries exokarstiques, et le renouvellement rapide de sols peu épais
sous une végétation de steppe froide; les traces d’occupation humaine sont rares, voire en position
secondaire. (2) Un contraste saisonnier atténué par une distribution régulière des précipitations
favorables au développement de couvertures pédologiques stables sous une végétation forestière.
L’abondance de micro-charbons associés à des composés organo-minéraux exogènes atteste
de la récurrence d’incendies naturels dont le déclenchement semble être lié à des évènements
exceptionnels d’origine cosmique. L’excellente préservation des traces d’activités humaines semble
attester d’une occupation des galeries karstiques contemporaine des épisodes forestiers. La
proximité des restes humains et des marqueurs de combustion incite à envisager une maitrise par les
premiers européens de produits pyrogènes ramassés dans le proche environnement à la suite des
incendies naturels pour s’éclairer dans les galeries karstiques. Cette corrélation illustre le potentiel
adaptatif des plus anciens hominidés colonisant le sol européen pour tirer partie d’une disponibilité
de ressources énergétiques naturelles lors de situations exceptionnelles.
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