inférieur serait de l’ordre de 0,4 mm/an d’après les âges U/Th et mesures paléomagnétiques.
Morphologie et dépôts karstiques : mémoires des temps forts de la
géodynamique de surface
Laurent BRUXELLES
Chemin des Jardins, 30170 Saint-Hippolyte-du-Fort
. laurent.bruxelles@inrap.fr
L’une des particularités du karst est son aptitude à préserver, aussi bien en profondeur qu’en
surface, des formes et des formations très anciennes. Elles constituent alors autant de jalons de
l’histoire géologique et géomorphologique. Il suffit de savoir les décrypter pour pouvoir
reconstituer les grandes étapes de l’évolution d’un secteur. A partir de deux exemples situés au sud
du Massif Central, les Grands Causses et la bordure cévenole, nous verrons quels sont les apports
du karst à la connaissance de la géodynamique régionale.
Sur les Grands Causses, l'étude des dépôts sédimentaires post-Jurassique, des formations
superficielles et de celles qui sont piégées dans les cavités karstiques a permis, en les associant aux
formes du paysage, de reconstituer plusieurs évènements majeurs de leur évolution morphologique.
En particulier, la découverte de nombreux témoins d'une couverture crétacée, marine et
continentale, permet de comprendre les premières étapes morphogénétiques de ces plateaux. Après
l'épisode bauxitique, la transgression coniacienne a fossilisé une paléotopographie karstique sous
une centaine de mètres de calcaires gréseux. Dans un second temps, l'érosion de ces dépôts libère
une grande quantité de matériel. Il s'incorpore à des altérites variées, allochtones ou autochtones
(formations quartzeuses, argiles à chailles), constituant une véritable couverture superficielle et
contribuant au développement d'aplanissements karstiques crevés de méga-dolines (sotchs). Entre
l'Eocène et le Miocène, ces mêmes processus continentaux déterminent l'enfoncement de la surface
karstique scandée par des niveaux de replats emboîtés. A partir du Miocène, des dynamiques
d'érosion linéaire apparaissent et sont marquées par le creusement des canyons et des reculées
karstiques. La surface du plateau est profondément affectée par le soutirage karstique qui génère
poljés, dolines et réseaux souterrains. Seuls quelques secteurs privilégiés conservent des lambeaux
de couverture qui autorisent, encore de nos jours, un fonctionnement relique temporaire.
Sur la bordure cévenole, la dissection du paysage est plus marquée et les témoins de surface sont
rares. De fait, c’est surtout l’endokarst qui a préservé les indices de cette évolution. A ce titre, le
massif de Mialet et le système de la grotte de Trabuc constituent un exemple démonstratif.
L’analyse de la géométrie des réseaux ainsi que l’étude systématique des remplissages karstiques a
permis de reconstituer les grands traits de l’histoire de massif, directement commandé par
l’évolution géodynamique de la bordure cévenole. La formation de ce karst débute par une longue
phase d’altération qui affecte les calcaires et les dolomies du Jurassique inférieur. Ce processus de
fantômisation a pu démarrer dès le Crétacé supérieur, guidé par la fracturation du massif induite par
la phase précoce de la compression pyrénéenne. Puis, la structuration tectonique de l'Eocène met
nécessairement un terme à cette altération. La surrection du bâtit cévenol introduit un gradient
hydraulique qui permet l'évacuation des altérites et la mise en place de systèmes karstiques
fonctionnels. Ensuite, on observe une fossilisation complète de ce karst, sur plusieurs centaines de
mètres de haut. Ce phénomène ne semble pouvoir s'expliquer que par la subsidence d’ensemble du
massif de Mialet. Ainsi, ce serait à l'Oligocène, comme le fossé d'Alès tout proche, que s'opère le
colmatage intégral de ce karst par des matériaux exclusivement autochtones. Enfin, à partir du
Miocène, la mise en place des canyons régionaux introduit un nouveau gradient hydraulique.
L'organisation du réseau hydrographique et la dénudation avancée des Cévennes permettent
désormais l'apport d'éléments cristallophylliens dans le massif de Mialet. Ces formations ne se
retrouvent que dans les parties de l'endokarst réutilisées par les circulations les plus récentes,
contingentées à la proximité de la vallée. L'enfoncement du réseau hydrographique démantèle
progressivement les anciens conduits dont on retrouve aujourd'hui les témoins sous forme de
paléokarsts jusqu'aux points les plus hauts du massif.