le dossier
Jérémy Camus - Fondateur de Xetic.org
Finance participative : la banque 2.0
etour vers le futur…
De par le monde, les hommes et les
femmes ont toujours su s’organiser pour
trouver des solutions à leurs problèmes
d’argent, pour faire fructifier et utiliser à
bon escient le peu qu’ils ou elles avaient.
Outre les tontines1 bien connues sous nos latitudes,
différentes formes d’intermédiations financières tra-
ditionnelles, simples et souples continuent à exister
sur tous les continents et sous des appellations aussi
variées que : cuchubal au Guatemala, hui en Chine,
kutti-Chittu en Inde, isusu au Nigéria etc.
Internet permet de revisiter ces modes traditionnels de
financement. En effet, sont apparus récemment des
sites dits de « finance participative » ou « crowdfun-
ding » qui recréent de manière virtuelle ces systèmes
de solidarité financière éprouvés, comme la tontine.
Ces sites se présentent comme des plateformes d’in-
termédiation plus ou moins directes entre porteurs
de projets et contributeurs aux motivations à la fois
financières (rémunération de leur investissement) et
sociales (intérêt porté à la finalité des fonds investis).
En résumé, une personne présente directement via
une plateforme web son projet aux internautes qui, en
fonction de l’intérêt qu’ils portent à ce dernier, appor-
tent leurs contributions financières. Selon la nature du
projet, les rémunérations de ces internautes financeurs
peuvent être effectuées par un remboursement avec
intérêt ou par une rétribution en nature de produits
liés au projet (dédicaces, bon d’achat, invitation à des
événements etc.).
« Toi + moi + tous ceux qui le veulent… », le premier
tube du chanteur Grégoire, financé par les internautes
via le site « mymajorcompany », pourrait résonner à
lui-seul comme un hymne au financement participatif.
À l’origine tourné vers des activités de création artis-
tique, d’high-tech ou d’e-commerce, le financement
participatif intéresse désormais la plupart des secteurs
d’activités. Aux États-Unis où le contexte juridique est
plus favorable à ces formes de financement, la finance
participative a permis de lever près de 1,15 milliard
d’euros en 2011, le double des montants collectés en
2010. En France, le secteur n’en est qu’à ses débuts.
Mais depuis 2010, plus de 6 millions d’euros ont déjà
permis de financer près de 15 000 projets.
La finance participative peut également concerner
la solidarité internationale. Xetic, une association
lyonnaise sans but lucratif, a par exemple lancé sa
propre plateforme de finance participative
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sur laquelle
les internautes ont la possibilité de prêter des petites
sommes d’argent à des micro-entrepreneurs d’Afrique
n’ayant pas accès au crédit. Contrairement à un don
classique, après remboursement du prêt par le micro-
entrepreneur, les internautes ont la possibilité de
récupérer leurs fonds ou de les prêter à nouveau. Et
ainsi de suite : l’argent prêté sur Xetic rentre dans un
cercle vertueux, bénéficiant tour à tour à de multiples
porteurs de projets. Depuis la mise en ligne de Xetic
en septembre 2010, plus de 1 000 internautes ont déjà
prêté plus de 100 000 euros à près de 300 micro-entre-
preneurs au Bénin, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali,
en Mauritanie ou encore au Niger.
Un modèle alternatif au système
classique de financement…
Il y aurait aujourd’hui près de 500 plateformes de
financement participatif dans le monde, dont une
vingtaine en France. Toutes ces plateformes ont une
ambition commune, celle de développer un modèle
alternatif au système classique de financement.
• Plus démocratique : toute personne peut présenter un
projet et/ou peut participer au financement. La créati-
vité et l’entrepreneuriat deviennent donc accessibles à
tous, pour peu que le projet trouve une communauté
prête à le financer.
• Plus social : les relations humaines sont remises au
centre des interactions économiques quotidiennes.
Un lien « affectif » s’installe entre le contributeur
financier et le porteur du projet, dépassant l’échange
purement commercial et tendant vers une démarche
plus socialement responsable.
• Plus transparent : la mise en relation directe des
contributeurs financiers avec les porteurs de projets
garantit une visibilité plus directe sur la destination
de leurs fonds et permet de choisir les projets que
l’on souhaite soutenir.
• Et, pourquoi pas même au final, plus efficient : en
rendant possible une rencontre en amont entre l’offre
et la demande, en permettant une allocation des
ressources financières vers des projets qui reflètent
les souhaits des mini-communautés d’intérêt compo-
sant la société, le financement collaboratif participe
à l’efficience des marchés tout en réduisant l’échec
entrepreneurial et le gaspillage des ressources.
Ce nouveau modèle bouscule les outils traditionnels
de la finance. Généralement orientée vers le particu-
lier, la finance participative se fonde quant à elle sur
une logique plus singulière : c’est le porteur de projet
qui va fédérer, autour de son projet, une communauté
de particuliers impliqués qui ne sont pas uniquement
motivés par un gain en numéraire potentiel ou garanti,
mais par le sens même du projet.
L’exemple par excellence est « Kickstarter », le plus
gros site de finance participative au monde, qui a
collecté près de 400 millions de dollars depuis sa créa-
tion en 2009. Néanmoins, Jeff Hagins, le fondateur
de SmartThings3 qui a levé plus de 1,2 millions de
dollars sur Kickstarter reconnaît certaines limites à ce
La crise actuelle suscite un nouvel état d’esprit. Les particuliers veulent encore plus
de transparence et ils cherchent à donner un sens à leurs placements en plaçant autrement
(dans des fonds éthiques, des produits socialement responsables, en épargnant à la Nef…)
ou en prêtant directement à d’autres particuliers pour les aider à réaliser leurs projets
ou à débloquer une situation financière difficile. Une nouvelle finance serait-elle née ?
> Développement d’un distributeur
de chaudières à granulés de bois
dans la Sarthe
Planète Claire – La Tour d’Ordre
72150 Le Grand Luce – 02 43 75 70 63
contact@planeteclaire.fr – www.planeteclaire.fr
En 2007, après avoir été
séduit par les chau-
dières à granulés de bois
de la marque ÖkoFEN,
Hervé Manouvrier
décide de créer l’entre-
prise Planète Claire. Il
propose à ses clients des
services comme l’étude
avant-projet, la mise en
relation avec un professionnel et la mise en service des
chaudières ÖkoFEN. Sa zone d’intervention s’étale sur
les Pays de la Loire, la Basse-Normandie et la Bretagne.
L’entreprise travaille en étroite collaboration avec des ins-
tallateurs-chauffagistes qui sont formés par l’entreprise.
La Nef a été sollicitée pour financer l’achat d’un véhicule
et la mise en place d’un système ERP (Enterprise Resource
Planning – planification des ressources de l’entreprise).
> Développement d’une société
d’édition de livres dans le Puy-de-Dôme
Privé de désert – BP 20004 – 63160 Billom
06 03 00 11 02 – privededesert@wanadoo.fr
www.mapetitedistribution.com
Jean Lenturlu, chanteur, écrivain, compositeur, produc-
teur-auteur, a créé avec trois amis la SARL Privé de désert
il y a six ans. Destinée à produire,
éditer et commercialiser des
ouvrages littéraires alterna-
tifs, vendus le plus souvent
en circuit court ou diffusés
via des libraires indépen-
dants. La Nef a été sollicitée
à trois reprises. Le dernier
prêt en date a été utilisé
afin de financer la création
d’un nouveau livre-disque sur
l’amour et les femmes.
> Création d’un restaurant
biologique en Île-de-France
Les Marmites Volantes – 69 rue Armand Carrel
75019 Paris – 09 51 66 72 22 – www.marmitesvolantes.fr
Après plus d’un an d’expérimentation des Marmites
Volantes, service de livraison de repas en triporteur
pour les salariés de petites entreprises, Lelio Lemoine,
Bertrand Chim, Madalena Ferreira et Ariane Delmas ont
décidé de développer l’activité à plus grande échelle. Ils
ont ainsi ouvert un restaurant à Paris, proposant des
plats composés de pro-
duits locaux et des cours
de cuisine. La Nef a été
sollicitée pour financer
l’achat du droit au bail,
aux côtés de plusieurs
clubs Cigales.
> Développement
d’une transformerie en Corrèze
La Vie et Demie – 53 avenue Lucien Sampaix – 19000 Tulle
lavieetdemie.wordpress.com
Depuis 2009, l’association la Vie et Demie collecte, revend
ou transforme des objets pour leur donner une seconde
vie. Également café associatif, la Vie et Demie est aussi
un lieu de rencontre où diverses animations à thèmes sont
proposées. Aux côtés du Crédit Coopératif et de Limousin
Actif, la Nef a été sollicitée
pour co-financer l’achat des
locaux de l’association.
des projets
et des prêts