EXCEPTION ET OMC
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communauté internationale14, mais la Charte intégrait un certain nombre de
préoccupations non commerciales partagées par les négociateurs de
l’époque. Il s’agissait notamment de la protection de la vie ou de la santé des
personnes ou des animaux ou la préservation des végétaux15, de la
conservation des ressources naturelles susceptibles d’épuisement16 et de la
protection des espèces menacées17, préoccupations aujourd’hui associées
essentiellement à la préservation de l’environnement18. Ainsi, dès le
lancement des négociations de la Charte, les exceptions semblaient destinées
à exclure du champ d’application de ce vaste accord commercial un grand
nombre de mesures mises en œuvre par les États pour promouvoir des
objectifs environnementaux. Mais, au-delà de cette exclusion, les exceptions
devaient surtout permettre de ménager la souveraineté des États dans les
domaines ne relevant pas de la sphère commerciale.
Depuis les origines du système commercial multilatéral, les exceptions
constituent en effet un précieux instrument de gestion de la tension entre
souveraineté et intégration, c’est-à-dire entre la volonté des États de
libéraliser leurs échanges et leur souhait de conserver une marge de
manœuvre dans la poursuite d’objectifs non commerciaux19. Les
14 L’absence du mot « environnement » s’explique par la non-existence de préoccupations de
cette nature à l’époque de l’élaboration du GATT. Ainsi que le souligne S. SHRYBMAN,
« [e]nvironmental protection was simply not a public issue in 1947 […] nor was this provision
intended for that purpose ». V. « International trade and the environment : An environmental
assessment of the General Agreement on Tariff and Trade », The Ecologist, Vol. 20, nº 1, 1990, p.
33. 15 Art. 45.1 (a)(iii) de la Charte de la Havane. Le texte peut être consulté à
http://www.wto.org/French/docs_f/legal_f/havana_f.pdf.
16 Art. 45.1 (a)(viii) de la Charte de la Havane.
17 Art. 45.1 (a)(x) de la Charte de la Havane.
18 D’autres considèrent que l’exception relative à la moralité publique était aussi susceptible
d’incorporer des considérations environnementales. V. notamment A.-M. DE BROUWER, « GATT
Article XX’s environmental exceptions explored – Is there room for national policies? Balancing
rights and obligations of WTO members under the WTO regime », in Anton Vedder (ed.), The WTO
and concerns regarding animals and nature, Nijmegen, Worlf Legal Publishers, 2003, p. 11.
19 Cette tension s’était d’ailleurs exprimée bien avant l’élaboration de la Charte de la Havane.
En effet, les négociations portant sur l’élaboration d’une Convention internationale pour l’abolition
des prohibitions et restrictions à l’importation et à l’exportation (signée à Genève le 8 novembre
1927) avaient antérieurement permis à un certain nombre d’États d’identifier diverses catégories de
lois nationales devant être exemptées de l’application d’un éventuel accord en matière de commerce.
Parmi celles-ci, figuraient les mesures relatives à la protection de la santé publique ou à la protection
des animaux et des végétaux contre les maladies, les insectes ou les parasites nuisibles. Ces
exceptions étaient néanmoins soumises au respect de quelques conditions : l’application de ces
mesures ne devait pas constituer un moyen de discrimination arbitraire entre les pays où les mêmes
conditions existent, ni une restriction déguisée au commerce international. V. sur ce point L.
BRIGGS, « Conserving "exhaustible natural resources" : The role of precedent in the GATT Article
XX(g) exception », in Edith Brown Weiss et John H. Jackson (ed.), Reconciling environment and
trade, New York, Transnational Publishers Inc., 2001, p. 263. V. également S. CHARNOVITZ,
« Exploring the environmental exceptions in GATT article XX », Journal of World Trade, Vol. 25,