Insectes 25 n°134 - 2004 (3)
jusqu’à une distance de 25 cm,
ceux-ci n’étant sans doute fonction-
nels qu’après un temps minimum
de vol 4. L’accouplement a lieu très
rapidement après l’émergence des
adultes, et la ponte suit de très près
celui-ci : 5 à 45 minutes.
La ponte est constituée d’une
masse gélatineuse jaune, déposée
sur des rameaux de mousse, de 35
à 96 œufs. L'incubation dure de
16 à 23 jours.
■ Quelle répartition ?
E. pusilla a été signalé de plusieurs
pays d’Europe : Danemark,
Allemagne centrale et occidentale
(où il a été décrit en 1839),
Hollande, Belgique, Suisse,
Autriche, Estonie et Angleterre.
Depuis Latreille (1805) qui a si-
gnalé l'espèce près de Paris jus-
qu'à Décamps (1967) qui l'a trou-
vée dans les Pyrénées, de
nombreux auteurs ont contribué à
dresser la carte de répartition en
France d'E. pusilla (fig. 3). Mais,
comme pour bien d'autres
groupes, on a là une estimation
très incomplète de sa répartition,
liée au faible et relatif intérêt que l'on porte aux Trichoptères. C’est
tout l’intérêt des inventaires natio-
naux mis en place que de tenter de
combler nos carences en matière
d’information faunistique, préa-
lable indispensable à la recherche
d’éventuelles mesures conserva-
toires des milieux colonisés. La
“rareté” si souvent avancée en ma-
tière de conservation des espèces
est fréquemment due simplement
à la rareté des données de terrain !
■ Un peu d'écologie…
Enoicyla pusilla est un Trichoptère
sylvicole (et non aquacole comme
l'ont prétendu certains auteurs),
dont la larve a besoin de mousse
humide, qui fournit nourriture
et cache, tout en la laissant à
l’abri de l’humidité excessive. Un
Limnéphilidé voisin d’Afrique du
Nord, Enoicylopsis peyerimhoffi vit
même en forêt sèche, où la circu-
lation de l’eau n’est qu’hivernale et
lors de la fonte des neiges.
Plusieurs auteurs signalent E. pu-
silla en tourbière, ainsi en 1999
au Gazon du Faing (Vosges) dans
deux stations forestières. Autre
observation récente : des larves
ont été prises dans des assiettes
jaunes, en mai de la même année,
à Méréville sur un site de gra-
vières en friches du lit majeur de
la Moselle, dans la banlieue de
Nancy. Meidl et Molenda ont, à ce
titre, étudié en 2000 des popula-
tions d’E. pusilla dans des écosys-
tèmes d’éboulis entre 180 et
590 m d’altitude et ont montré
qu’il existe un microclimat (tem-
pérature/humidité relative) au
sein de ces milieux très particu-
liers. Ces observations, comme
celle de Kelner-Pillault (1960)
confirment l’autorégulation hy-
grométrique des larves : elles ont
besoin d’humidité, mais selon des
modalités extrêmement précises.
Le Trichoptère a des exigences hy-
grométriques étroites, qui déter-
minent le cycle annuel, certes uni-
voltin, mais synchronique du
cycle climatique local.
E. pusilla, sylvicole, manifeste-t-il
des exigences en matière de peu-
plements arbustifs ? Il a été vu
dans la mousse près de chênes ra-
bougris et de saules, sous des
aulnes ou des tilleuls et des chênes
sur des sols modérément acides,
des châtaigniers, chênes et hêtres.
Pour notre part, nous l’avons trouvé
en forêt de Paimpont (Ille-et-
Vilaine) en fûtaie de chêne et de
hêtre sur taillis de houx, en recon-
version et relativement dense avec
quelques bouleaux épars, à domi-
nance de myrtilles, de genêts à ba-
lais, de Molinies et de mousses,
Thuidium tamarisifolium, Dicranum
scoparium, Polytrichum formosum,
Ryphidiadelphus triquetrus. Le sol y
est un humus, peu lessivé, avec dé-
but de podzolisation et une acidifi-
cation notable. Dans la même forêt,
nous avons trouvé plusieurs larves
sur un dôme de fourmis des bois
(Formica nigricans) situé sur la sta-
tion biologique de Beauvais elle
même, dans une friche landeuse.
Elles étaient apparemment amenées
comme matériaux de construction.
Il faut rappeler ici les travaux de Van der
Drift et Witkamp (1960) qui montrent l’im-
portance d’
E. pusilla
pour la décomposition
des litières. En effet, le pH des feuilles est
de 4 à 3 alors que celui des fèces de la larve
s’élève à 6,7, ce qui favorise la décomposi-
tion bactérienne. Les colonies de bactéries
sont de 8.105sur les feuilles contre 7.109
dans les fèces après une seule journée, soit
8 750 fois plus grâce a
E. pusilla
.
L’importance écologique de l’insecte dans
la dynamique de la chaîne trophique au
sein de l’écosystème forestier est donc
indubitable.
Figure 3 : Stations françaises à Enoicyla
pusilla, selon la littérature, par départements.
4 Les recherches sur les phéromones ont été rela-
tivement peu développées chez les Trichoptères
mais une étude est en cours en Suède (Renate
Geerts) visant à comparer deux arbres phylogé-
nétiques, le premier en termes de biologie molé-
culaire, le second caractérisé par la communica-
tion via les phéromones, l’hypothèse étant qu’il
existerait une diversification des systèmes chi-
miques de communication au sein du groupe.
Comme celle de ses congénères aquatiques,
la larve du Porte-bois terrestre possède,
quoique moins développés, un mamelon
dorsal (visible ici) et deux mamelons latéraux
sur le premier segment abdominal.
Cliché F. Lasserre