2 cahier de FC de l’actualité pharmaceutique | novembre 2009 | www.monportailpharmacie.ca
tient à être informé de tout effet inattendu ou
causé par un produit dont la mise en marché
remonte à moins de cinq ans. Un effet indésira-
ble grave se traduit habituellement par une
hospitalisation, une malformation congénitale,
une incapacité, un recours à une intervention
pour prévenir des lésions ou une déficience per-
manente, une affection menaçant le pronostic
vital ou un décès. Un effet indésirable inattendu
est un effet qui, généralement, ne correspond
pas à la monographie du produit ni aux rensei-
gnements d’étiquettes, et ce, indépendamment
du degré de gravité de l’effet6.
Toutefois, en vertu de la législation actu-
elle (Loi sur les aliments et drogues et règle-
ments connexes)7, les déclarations des EIM
s’effectuent sur une base volontaire par les
professionnels de la santé ou par les con-
sommateurs. Ces derniers sont toutefois en-
couragés à consulter un professionnel avant
de soumettre leurs déclarations.
Celles-ci sont généralement effectuées
par l’entremise de formulaires et envoyées
dans un des sept centres régionaux, au
Centre national à Ottawa, ou encore au fa-
bri cant du médicament. Contrairement aux
professionnels de la santé et aux patients,
les fabricants ou titulaires d’une autorisa-
tion de mise en marché ont l’obligation
légale de signaler les effets indésirables
graves relevés au Canada et à l’extérieur du
pays dans un délai de 15 jours. Ils doivent
transmettre les déclarations reçues et tout
renseignement important sur l’innocuité de
leurs produits directement au Centre na-
tional d’Ottawa8.
Santé Canada reçoit plusieurs milliers
de déclarations d’EIM chaque année. Ces
dernières années, il a enregistré une aug-
mentation régulière du nombre d’effets
indésirables. À titre indicatif, le nombre de
rapports a presque doublé en 2004 par rap-
port à 1999, alors que le nombre de ceux
reçus de l’étranger a plus que triplé durant
la même période9.
Seuls les effets indésirables causés par
les médicaments d’ordonnance, les médica-
ments en vente libre, les produits de santé
naturels, les produits radiopharmaceu-
tiques et les produits biologiques (produits
sanguins, médicaments biotechnologiques,
vaccins thérapeutiques et diagnostiques)
peuvent être signalés sur le même formulai-
re d’EIM. Ceux causés par les vaccins ou par
les instruments médicaux doivent être sig-
nalés, respectivement, par l’intermédiaire du
formulaire de rapport des effets secondaires
suivant l’immunisation à l’un des services
locaux de santé publique ou par l’entremise
du formulaire de rapport de problème relatif
à un instrument médical à l’Inspectorat de
la Direction générale des produits de santé
et des aliments6.
Par ailleurs, pour toutes les déclarations
des EIM recueillies par les centres régionaux,
on procède à un examen initial de la qua-
lité et de l’intégralité des déclarations. Ces
dernières sont ensuite traitées et saisies
dans la base de données nationale CADRIS
(système canadien d’information sur les ef-
fets indésirables des médicaments) qui sert
à emmagasiner et à extraire les données
essentielles fournies par les déclarations
d’effets indésirables. Elle contient une par-
tie des renseignements consignés dans les
déclarations des effets indésirables, soit les
caractéristiques du patient, la médication
concomitante, les antécédents médicaux, les
résultats des analyses de laboratoire, le trai-
tement des effets indésirables ainsi que des
renseignements se référant au déclarant11.
L’information relative à l’identité du patient
ou du déclarant est protégée conformé-
ment aux dispositions de la Loi sur l’accès à
l’information12 et de la Loi sur la protection
des renseignements personnels13.
Les données emmagasinées dans CADRIS
sont ensuite analysées en profondeur par
le Centre national de façon à déceler des
signaux susceptibles d’être reliés à l’innocuité
d’un produit de santé. Un signal s’avère le
premier indice, et non une preuve en soi, d’un
problème lié au médicament et enclenche un
processus d’investigation approfondi14. Or,
en présence d’un problème de sécurité relatif
à un produit de santé, Santé Canada prend
les mesures réglementaires appropriées pour
y pallier. Il peut, en outre, divulguer des avis
de santé publique, publier des mises en garde
au public et aux professionnels de la santé,
recommander un changement d’étiquetage
du produit, ou encore exiger le retrait du
produit du marché15.
Les principales limites du
Programme
Ce programme est utilisé depuis plus de
40 ans (depuis 1965) et donne accès à plus
de 22 000 produits pharmaceutiques et
40 000 instruments médicaux16. Il est recon-
nu à l’échelle internationale étant donné sa
participation aux activités de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), de la Con-
férence internationale sur l’harmonisation
(CIH) et des autres organisations interna-
tionales afin d’harmoniser les normes et les
processus réglementaires applicables aux
produits thérapeutiques. Il est également
reconnu pour ses normes élevées en matière
de communication des risques touchant les
produits de santé, en l’occurrence pour le
Bulletin canadien des effets indésirables17.
Il est soutenu par sept bureaux régionaux
de pharmacovigilance répartis à travers le
pays18. Ces bureaux permettent de recueil-
lir les déclarations pour les transmettre
ensuite au bureau national à Ottawa. Le
programme bénéficie d’un portail unique
d’information, Medeffet, créé par la Direc-
tion des produits de santé commercialisés
afin: 1) d’assurer un accès centralisé aux
nouveaux renseignements sur la sécurité
des produits de santé commercialisés, 2) de
fournir aux professionnels de la santé et des
consommateurs des outils appropriés pour
remplir et transmettre leurs déclarations
des effets indésirables et 3) de sensibiliser
le grand public à la primauté de déclarer les
effets indésirables soupçonnés et de mettre
en exergue le rôle primordial que jouent les
données recueillies dans la détection des
risques potentiels. Ce portail donne accès
aux avis, aux mises en garde, aux derniers
retraits émis par Santé Canada, au BCEI et
aux outils de recherche et d’extraction de
données en ligne du PCEIM15.
Enfin, Santé Canada possède une politique
sur les avis de conformité avec conditions
(AC-C) l’autorisant à mettre rapidement sur
le marché de nouveaux médicaments pro-
metteurs indiqués pour le traitement de ma-
ladies ou affections graves pour lesquelles
on ne dispose pas jusqu’à présent de trai-
tement curatif. Cette autorisation témoigne,
en fait, du caractère prometteur des données
cliniques recueillies qui doivent, cependant,
être validées ou enrichies par le fabricant à
l’aide d’études complémentaires en vue de
confirmer l’avantage clinique et établir un
profil additionnel de l’innocuité18.
Cependant, plusieurs limites font obstacle
à l’efficacité du Programme canadien de
pharmacovigilance.
Les lacunes des essais cliniques
Les essais cliniques ont pour objet de dé-
montrer l’efficacité et l’innocuité du médi-
cament chez l’humain. En raison de la durée
relativement courte des essais cliniques, des
caractéristiques de la population étudiée et
du nombre restreint de participants à ces
études, l’information disponible ayant trait
aux risques associés à l’utilisation d’une
nouvelle molécule s’avère limitée lors de sa
mise en marché19,20.
Les essais cliniques des phases I, II et
III se déroulent sur une période relative-
ment courte. Or, les données empiriques
démontrent que certains effets indésirables
graves, notamment la carcinogénicité, né-
cessitent un laps de temps important avant
de se manifester. Sa détection requiert par-
fois plus de 10 ans21.
Ces essais cliniques font appel à des
populations cibles. Les participants font
préalablement l’objet d’une évaluation
clinique et seuls ceux qui répondent à des
critères stricts sont admis dans le protocole
de recherche. Sont généralement exclues
des protocoles d’études les personnes qui
présentent un risque élevé en raison de
leur âge (tels les jeunes enfants et les per-
sonnes âgées), d’une situation particulière
(les femmes enceintes ou qui allaitent, les
personnes d’une origine raciale ou ethnique
différente), d’une condition particulière (les
porteurs d’un polymorphisme génétique) ou
de leur état de santé (pathologie complexe,
polymédication)19,20,22.
Dans sa forme actuelle, l’échantillonnage
utilisé pour les études cliniques est peu
représentatif de la population globale en
raison notamment de sa taille restreinte.
Durant sa dernière phase expérimentale,
une molécule peut être administrée à un
groupe de 1000 à 5000 personnes. Or, cer-
tains effets indésirables rares peuvent
affecter une personne sur 10 000. À cet
égard, Amery23 indique que la détection
d’effets indésirables graves chez un indi-
vidu sur 10 000, avec une probabilité de
succès de 95 %, nécessite un échantillon
de plus de 30 000 personnes. Qui plus est,
les essais cliniques se déroulent dans des
conditions contrôlées très différentes des
circonstances réelles d’utilisation des mé-
dicaments. Dans de telles conditions, seuls
les effets indésirables les plus courants sont
observés19,20,22.
Enfin, les protocoles pour les essais clini-
ques sont conçus par des cliniciens et non
par des professionnels initiés aux techniques
de pharmacovigilance. Il est généralement
admis que les cliniciens cherchent, en pre-
mier lieu, à démontrer l’efficacité d’une nou-
velle molécule et non à en montrer les effets
indésirables graves24.
Le manque de transparence
et de rigueur
Le processus d’approbation consiste à oc-
troyer au fabricant l’autorisation de com-
mercialiser son produit. Pour ce faire, le fa-
bricant doit soumettre un dossier regroupant
toutes les données issues des études clini-
ques portant sur l’innocuité et l’efficacité
du produit. Or, le fabricant a tendance à
ne déposer que les résultats des études
qui avantagent sa nouvelle molécule et
qui minimisent les effets indésirables24,25.
De plus, en vertu de la réglementation ac-
tuelle, le fabricant a très peu d’obligations
à continuer de produire et de divulguer de
nouvelles informations sur la sécurité d’un
médicament après sa mise en marché. Mis à
part celle de signaler les EIM, Santé Canada
ne dispose pratiquement d’aucun recours
légal pour contraindre un fabricant à entre-
prendre des activités de surveillance post-
commercialisation26.
En outre, les différentes étapes menant à
l’approbation d’un médicament s’effectuent
à huis clos. Contrairement à la législation
américaine, la législation canadienne ne
prévoit pas la tenue d’audiences publiques
permettant aux professionnels de la santé ou
au public en général de venir exprimer leurs
craintes, leurs réserves ou leur approbation
à une éventuelle commercialisation d’une
nouvelle molécule27. Et les données fournies
par le fabricant, comme l’information con-
tenue dans le rapport d’évaluation de Santé
Canada, demeurent confidentielles25,28.
Cette pratique du secret a une incidence
négative sur le travail des chercheurs. À la
rigueur, le manque d’information peut biaiser
les synthèses méthodiques relatives aux trai-
tements et orienter les travaux d’investigation
du chercheur sur une mauvaise piste29.
L’absence d’études
post-commercialisation
Une fois approuvé et commercialisé, le
médicament peut être prescrit à un grand
nombre d’individus, dont certains s’avèrent
à risque en raison d’une pluralité de pa-
thologies ou de l’utilisation d’une variété de
médicaments. À cet égard, Santé Canada
invite les fabricants à réaliser des études
Procédures de déclaration des EIM
La déclaration des effets indésirables des médicaments peut se faire
de trois façons :
1
En ligne via l’adresse suivante : www.santecanada.gc.ca/medeffet
2
En remplissant le formulaire de déclaration et en l’envoyant
– par télécopieur, au numéro sans frais : 1 866 678-6789 ou
– par courrier en utilisant une enveloppe préaffranchie
3
Par téléphone, en composant le numéro sans frais : 1 866 234-2345
CE PROGRAMME
EST UTILISÉ DEPUIS
PLUS DE 40 ANS
(DEPUIS 1965) ET DONNE
ACCÈS À PLUS DE
22 000 PRODUITS
PHARMACEUTIQUES
ET 40 000 INSTRUMENTS
MÉDICAUX.