frm-5882-COUV-OK 14/03/03 10:25 Page 1 RECHERCHE & SANTÉ Fondation pour la Recherche Médicale p. 8 n° 82 / 2e trimestre / avril 2000 / 15 F / 2,29 u Les surdités de la génétique à n° 82 / avril-mai-juin 2000 l’environnement Vos dons en action p. 20 L’ostéoporose, agir avant la fracture p. 24 DÉCOUVRIR Le syndrome de Muckle-Wells, un gène, une maladie rare p. 26 Point de vue : Didier Sicard p. 28 POUR GUÉRIR frm_5882_editosom_baf 14/03/03 10:27 Page 2 ÉDITORIAL La transparence et la pédagogie L’ Inspection générale des affaires sociales (IGAS) vient de rendre son rapport sur la gestion des fonds confiés à la Fondation pour la Recherche Médicale par ses donateurs. Ses conclusions sont très positives : à l’issue de quatre mois d’enquête, l’IGAS a constaté que des principes de rigueur, de recherche du «juste coût» étaient appliqués dans la collecte de fonds, la répartition des revenus, le contrôle des dépenses et le suivi des recherches financées. Au-delà de la fierté que suscite naturellement cette conclusion, elle nous enjoint à encore plus de transparence et de pédagogie. L’IGAS a ainsi formulé deux recommandations clés : – que la Fondation pour la Recherche Médicale se donne les moyens de mieux affirmer sa stratégie scientifique ; – qu’elle valorise davantage son parti pris d’organisme interdisciplinaire, capable de soutenir toutes les recherches scientifiques et médicales sans exclusivité. Elle souhaite que la Fondation pour la Recherche Médicale communique davantage, non pour «faire de la pub», mais pour que le donateur puisse faire son choix en toute connaissance de cause. Outil d’information scientifique, ancré dans l’actualité de la recherche, reflet de la vie de la Fondation et de l’avancement des travaux de recherche financés, «Recherche & Santé» sera bien sûr au cœur de cette évolution. Bonne lecture ! Directeur de la publication : Pierre Joly, Président de la Fondation pour la Recherche Médicale, établissement reconnu d’utilité publique par décret du 14 mai 1965 Directeur général : Claire Dadou-Willmann Comité de rédaction : Claire Dadou-Willmann Pr Claude Dreux Marie-Françoise Lescourret Dr Carole Moquin-Pattey Claude Pouvreau Marie-Christine Rebourcet Adélaïde Robert Périodicité trimestrielle La reproduction, même partielle, des articles et des illustrations est autorisée, sous réserve de la mention obligatoire et de l’accord de la rédaction. Ont participé au dossier : Maryline Beurg, Didier Bouccara, Alexis Bozorg Grayeli, Sylviane Chéry-Croze, Dr Jean Dagron, Sylvain Ernest, Bruno Frachet, Pr Serge Herson, Sandrine Marlin, Dr Lucien Moatti, Arnaud Norena, Pr Christine Petit, Jean-Luc Puel, Pr Rémy Pujol, Pr Olivier Sterkers, Jacques Schlosser, Pr Patrice Tran Ba Huy. Photo de couverture : Philippe Perez-Castaño Conception, réalisation : 26, rue du Sentier 75002 Paris Date et dépôt légal à parution : ISSN 0241-0338 Dépôt légal n° 8117 Numéro CP 62273 ✍ Pour tous renseignements ou si vous souhaitez vous abonner, adressez-vous à : Fondation pour la Recherche Médicale 54, rue de Varenne 75007 Paris Service donateur : 0144397576 Information scientifique : 0144397568/92 Publication : 0144397565 Prix de l’abonnement pour 4 numéros : 60 F/9,15 u Chèque à l’ordre de la Fondation pour la Recherche Médicale Site Internet : www.frm.org Pierre Joly Président La Fondation pour la Recherche Médicale est membre fondateur du Comité de la Charte de Déontologie des associations humanitaires. 2 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_editosom_baf 14/03/03 10:27 Page 3 SOMMAIRE 4 É CHOS BSIP Cavallini James CNRI/GJLP Page 5 Des études sont en cours pour expliquer la résistance naturelle à l’hépatite C. SCIENTIFIQUES Du syndrome de Papillon-Lefèvre à la polyarthrite rhumatoïde, le point sur les dernières grandes avancées médicales internationales. 8 D OSSIER Les surdités : de la génétique à l’environnement La mise en évidence de l’origine génétique de la plupart des surdités et la découverte rapide des gènes correspondants sont porteuses d’espoir pour mieux comprendre le fonctionnement de l’oreille et trouver de nouveaux traitements. 15 Le droit aux soins pour les sourds Avec le professeur Herson et le docteur Dagron, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 16 Institut Pasteur 18 Les acouphènes : le défi des bruits fantômes Mieux vivre sa malentendance au quotidien 20 V OS DONS EN ACTION De l’ostéoporose aux amyotrophies spinales infantiles, gros plan sur les projets soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale. Page 8 - L’implant cochléaire est une solution à certaines surdités. 24 Ostéoporose : améliorer un dépistage précoce Une maladie fréquente mais peu reconnue et mal prise en charge. 26 Inserm U430 Lyon Page 24 L’ostéoporose, maladie dégénérative du tissu osseux, touche 30% à 40% des femmes ménopausées. Syndrome de Muckle-Wells : un gène, une maladie rare Des chercheurs soutenus par la FRM travaillent sur l’identification du gène de cette maladie. 28 P OINT DE VUE La réflexion éthique au cœur du débat La performance médicale vaut-elle que nous lui sacrifiions notre humanité ? Entretien avec Didier Sicard, président du Comité Consultatif National d’Ethique. 30 L A F ONDATION 32 À L ’ ÉCOUTE Rencontres Martine Aïach, la passion de comprendre. 35 La Fondation passe avec succès l’audit de l’IGAS 36 Questions-réponses Avec le professeur Philippe Chanson. 38 Conseils juridiques Philippe Perez-Castaño Catherine Baechelen. Page 32 Martine Aïach, ou la vocation de chercheur. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 3 frm_5882_04-07_baf 14/03/03 10:31 Page 4 ÉCHOS SCIENTIFIQUES Parce que nous souhaitons vous communiquer une information de qualité, hors des «effets d’annonce», indépendante des intérêts financiers, nous avons rassemblé, dans cette rubrique, les échos scientifiques et les faits les plus marquants de la recherche médicale mondiale de ces derniers mois. Des espoirs pour le traitement de la maladie de Parkinson, des progrès dans la lutte contre la polyarthrite rhumatoïde, une meilleure compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux grâce à l’étude des maladies rares… Tour d’horizon des dernières grandes avancées médicales. BSIP Astier La greffe de neurones fœtaux dans le noyau strié des patients atteints de la maladie de Parkinson montre jusqu’à présent des résultats inégaux mais porteurs d’espoir. Parkinson : une greffe de neurones réussie L a maladie de Parkinson est liée à l’absence de sécrétion de dopamine, une molécule qui transmet les signaux nerveux dans la région du cerveau qui contrôle les mouvements automatiques. Pour pallier ce déficit, on dispose d’un analogue de la dopamine (la L-Dopa), dont l’efficacité s’épuise malheureusement après quelques années de traitement. Devant ces difficultés thérapeutiques, une méthode 4 audacieuse a commencé à être expérimentée dans les années 80. Elle consiste à greffer dans la zone concernée (le noyau strié) des neurones fœtaux, dans l’espoir qu’ils se développent et sécrètent la précieuse molécule, en lieu et place des cellules défaillantes. Les résultats se sont montrés jusqu’à maintenant très inégaux, laissant persister un doute quant à l’efficacité de ces interventions. Un cas décrit par une équipe Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 suédoise, pionnière de cette méthode, encourage cependant à poursuivre dans cette voie. Le patient opéré avait, initialement, une maladie de Parkinson unilatérale, n’entraînant de symptômes que d’un côté du corps. Une greffe a été pratiquée, en 1989, seulement du côté atteint, rétablissant la sécrétion de dopamine à un niveau normal, au point que le traitement par la L-Dopa a pu être interrompu. Ce résultat apparaît encore plus convaincant lorsque l’on sait que, après quelques années, des symptômes sont apparus du côté non traité, alors que l’autre côté restait indemne. Des examens approfondis ont confirmé, dix ans après, le succès de la greffe : contrastant avec le côté non greffé, les neurones à dopamine étaient toujours présents et sécrétaient de la dopamine du côté greffé. Au-delà du succès de la greffe chez ce patient, ce travail constitue un modèle précieux d’étude qui pourra être utilisé dans l’avenir pour analyser les différentes étapes de la greffe chez d’autres patients et améliorer ainsi le taux de succès. Source : Nature Neurosciences, décembre 1999. frm_5882_04-07_baf 14/03/03 10:31 Page 5 BSIP Cavallini James Deux facteurs génétiques de résistance à l’hépatite C Le virus de l’hépatite C est éliminé spontanément par 5% des personnes contaminées. On sait que certaines caractéristiques génétiques peuvent conférer une plus ou moins grande vulnérabilité à diverses maladies. Les maladies infectieuses n’échappent pas à la règle. Un groupe de chercheurs de plusieurs pays européens, le groupe Hencore (Hepatitis C European Network for Cooperative Research) vient d’en apporter une nouvelle Une greffe «fertile» Pour se développer normalement, les spermatozoïdes ont besoin d’un environnement propice qui leur est fourni par des cellules présentes dans les testicules : les cellules de Sertoli. En prélevant des spermatogonies (les précurseurs des spermatozoïdes) chez des souris stériles et en les greffant dans les testicules de souris atteintes d’un autre type de stérilité mais ayant des cellules de Sertoli normales, des chercheurs sont parvenus à obtenir des spermatozoïdes parfaitement fonctionnels. Cette étude confirme l’importance de l’environnement testiculaire pour la fertilité mâle et permet d’imaginer pour l’avenir le traitement de certaines azoospermies (absence de spermatozoïdes). De nombreuses recherches sont encore nécessaires avant de pouvoir maîtriser les techniques qui permettront d’envisager un traitement de l’azoospermie chez l’homme. démonstration en étudiant les phénomènes de résistance naturelle à l’hépatite C. Pour des raisons encore mystérieuses, environ 5% des personnes parviennent à éliminer spontanément le virus de l’hépatite C après contamination. Les chercheurs ont constaté que ces sujets possédaient souvent certaines particularités génétiques du complexe majeur d’histocompatibilité, un système qui joue un rôle important dans les défenses immunitaires, puisqu’il présente les antigènes viraux aux cellules chargées de les éliminer. Des études approfondies sont nécessaires pour préciser le mécanisme moléculaire exact de ce phénomène dans le cas du virus de l’hépatite C. A plus long terme, ces travaux pourraient servir de base au développement d’un vaccin, destiné à améliorer les défenses immunitaires des personnes malades. Source : Lancet, décembre 1999. Le syndrome de Papillon-Lefèvre est une maladie héréditaire rare caractérisée, entre autres, par une inflammation péridentaire (ou parodontite) qui détruit le tissu de soutien des dents et aboutit à une édentation complète, souvent avant l’âge de 14 ans. Une équipe de recherche de l’université de Manchester vient d’identifier l’anomalie génétique responsable. Il s’agit d’une mutation du gène de la cathepsine C, entraînant une perte d’activité de cette enzyme. On sait que la cathepsine C active les défenses immunitaires, notamment contre les bactéries de la plaque dentaire, et contribue à apaiser les phénomènes inflammatoires. D’autres études doivent maintenant être menées pour savoir si un déficit partiel en cette enzyme peut être en cause dans des formes moins sévères de parodontite. L’enjeu est immense, car un tiers de la population adulte souffre de cette affection, qui représente la principale cause du déchaussement et de la perte des dents. L’hygiène dentaire (brossage régulier des dents, détartrage) ne doit pas être négligée pour autant. Source : Nature Genetics, décembre 1999. Source : Nature Medicine, janvier 2000. BSIP CMSP SBC BSIP Laurent/Pioffet L’inflammation péridentaire mieux comprise Un environnement testiculaire propice est indispensable au développement normal des spermatozoïdes. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 5 frm_5882_04-07_baf 14/03/03 10:31 Page 6 ÉCHOS SCIENTIFIQUES Des femmes de science à l’honneur DR 6 Phanie Le groupe L’Oréal, qui accorde une importance majeure à la recherche, a signé un accord de partenariat avec l’Unesco et s’engage, à travers le programme «For Women and Science», à mettre en lumière le rôle fondamental des femmes en matière de recherche, plus particulièrement dans le domaine des sciences de la vie. Cinq femmes de science venues du monde entier ont ainsi été récompensées par le prix L’Oréal-Helena Rubinstein. «Les lauréates témoignent, à travers l’importance de leurs travaux et la richesse de leurs parcours professionnels, de la contribution majeure des femmes à la recherche. Leur regard sur la science, leur travail, l’expérience qu’elles transmettent aux générations futures sont indispensables aux avancées scientifiques d’aujourd’hui et de demain», a déclaré le professeur Christian de Duve, président du jury et prix Nobel de médecine en 1974. Quand les maladies rares font avancer la recherche L’ étude des maladies rares (appelées aussi orphelines) peut fournir des clés pour mieux comprendre les mécanismes biologiques fondamentaux. Deux travaux récents en donnent l’exemple. Une équipe de l’Inserm (1), en collaboration avec des chercheurs américains, anglais et danois, vient d’identifier des mutations génétiques à l’origine du syndrome ICF (Immunodeficiency, centromere instability and facial anomalies), qui touche une quarantaine de personnes dans le monde. Il est caractérisé par une immunodéficience entraînant des infections à répétition et des anomalies faciales. Les mutations trouvées affectent le gène codant une enzyme, la méthyltransférase 3B, dont la fonction consiste à ajouter de nouveaux résidus méthyls sur l’ADN. Or la méthylation de l’ADN est un moyen privilégié de contrôle de l’activité des gènes : en règle générale, un gène méthylé est un gène inactif. Cette voie de contrôle joue un rôle déterminant, en particulier au cours du développement de l’embryon, où se produit un jeu constant et subtil de modification des profils de méthylation du génome. Les méthyltransférases contribueraient ainsi à fixer le profil génétique Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 d’un individu donné, au tout début du développement embryonnaire. L’étude des gènes codant ces enzymes et de leurs mutations offre une opportunité irremplaçable d’approfondir ce mécanisme génétique essentiel. Elle devrait aider aussi à comprendre le développement de certains cancers, liés à des troubles de la méthylation de l’ADN. Le deuxième travail (2) concerne le syndrome de Li-Fraumeni, une maladie héréditaire très rare caractérisée par le développement précoce de multiples tumeurs cancéreuses, et due le plus souvent à une mutation du gène p53, un gène suppresseur des tumeurs. Une équipe internationale vient de démontrer que dans certaines formes de cette maladie, on trouve des mutations d’un autre gène, le gène hCHK2. Or, lorsqu’il est intact, ce gène active un processus qui empêche les cellules de se diviser si leur ADN est endommagé. Dans le cas contraire, les cellules anormales, en se divisant, peuvent entraîner le développement d’un cancer. Ce travail révèle un mécanisme de cancérogenèse qui pourrait constituer une cible pour le développement de traitements anticancéreux. Sources : (1) Nature, novembre 1999 ; (2) Science, décembre 1999. frm_5882_04-07_baf 14/03/03 10:31 Page 7 Une prothèse pour les non-voyants Source : Journal of the American Society for Artificial Internal Organs, janvier 2000. 1 4 3 2 Caméra vidéo Liaison caméra-ordinateur* 3 Liaison cerveau-ordinateur* 4 Électrodes * L’ordinateur miniaturisé est porté en bandoulière 1 Dobelle Institute 2 BSIP Cavallini James Depuis plusieurs dizaines d’années déjà, des chercheurs caressent l’espoir d’assembler des dispositifs de haute technologie qui permettraient aux aveugles de retrouver une certaine vision. Est-ce de la science-fiction ? Plus tout à fait, car l’équipe du Dr William Dobelle (à Zurich et New York) a réussi à obtenir des perceptions visuelles chez un patient devenu totalement aveugle à la suite d’un accident. Pour cela, les chercheurs ont d’abord implanté 68 électrodes à la surface de son cerveau, dans la région impliquée dans le traitement des informations visuelles. Ils ont ensuite mis au point une caméra vidéo, suffisamment petite pour être insérée dans une paire de lunettes, et un ordinateur capable de transformer les signaux lumineux enregistrés par la caméra en impulsions électriques, avant que celles-ci soient transmises aux électrodes cérébrales par un fil traversant le crâne. Muni de la paire de lunettes et de l’ordinateur attaché à sa ceinture, le patient a pu percevoir des points lumineux dessinant grossièrement des formes. Il était capable de lire des lettres de 20 cm de hauteur à une distance de 1,5 mètre et de se déplacer sans aide. Le procédé employé est, il est vrai, assez lourd, et les résultats sont très éloignés de la vision naturelle. Mais c’est un premier pas et, selon les auteurs, des progrès sont possibles, en augmentant le nombre d’électrodes et en améliorant le traitement du signal. La greffe de moelle osseuse contre la polyarthrite rhumatoïde C ertaines maladies dites «autoimmunes», comme la polyarthrite rhumatoïde, semblent dues à une réaction aberrante du système immunitaire, qui attaque les propres cellules du patient. On manque de traitement efficace contre ces maladies chroniques, qui peuvent devenir très invalidantes. L’une des voies de recherche à l’étude consiste à réaliser des autogreffes de moelle osseuse (on a observé chez certains patients des améliorations de maladies auto-immunes après une greffe de moelle osseuse nécessitée par une autre pathologie). Le principe est de détruire les cellules immunitaires du patient par deux cures de traitement immunosuppresseur puissant. Entre ces deux cures, un peu de moelle osseuse est prélevée avant d’être réinjectée à la fin du traitement pour reconstituer plus rapidement les défenses immunitaires. Des malades atteints de formes graves de polyarthrite rhumatoïde, de sclérodermie et de lupus ont été traités de cette manière. Certains ont bénéficié d’une rémission de leur maladie. En l’absence d’étude comparative, toute la difficulté est de savoir si ces résultats sont liés au traitement ou à l’évolution naturelle de ces affections qui progressent spontanément par poussées entrecoupées de rémissions. Actuellement, ce traitement lourd, encore expérimental, n’est tenté que dans certaines formes graves de maladies auto-immunes. Source : Congrès de l’American College of Rheumatology, novembre 1999. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 7 frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 8 DOSSIER Burger/Phanie Il est indispensable de détecter au plus tôt les troubles auditifs. Ici, un nouveau-né subit un test auditif comme aujourd’hui 10% des bébés, c’est encore trop peu. 8 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 9 Les surdités : DE LA Obésité : GÉNÉTIQUE À L’ENVIRONNEMENT La recherche sur les surdités n’avait fait que peu de progrès jusqu’à ces dernières années. Aujourd’hui, elle suscite de formidables espoirs : grâce à la chirurgie, de plus en plus de sourds profonds (nés ou devenus sourds) sortent du monde du silence. De plus, la mise en évidence de l’origine génétique de la plupart des surdités et la découverte rapide des gènes correspondants ouvrent la voie à une compréhension nouvelle du fonctionnement de l’oreille et à la recherche de nouveaux traitements. LES NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE p. 10 LE DROIT AUX SOINS POUR LES SOURDS p. 15 LES ACOUPHÈNES : LE DÉFI DES BRUITS FANTÔMES p. 16 MIEUX VIVRE SA MALENTENDANCE AU QUOTIDIEN p. 18 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 9 frm_5882_08_19_baf D 14/03/03 10:34 Page 10 O S S I E R les surdités Les nouvelles pistes de recherche Dossier réalisé en collaboration avec le professeur Christine Petit, directrice du laboratoire de Génétique des déficits sensoriels (Institut Pasteur, CNRS, Paris). lus de quatre millions de Français souffrent de troubles auditifs : d’une surdité légère à une surdité profonde, qui rend inaudible le bruit le plus fort. Les surdités ont des conséquences graves – déscolarisation, illettrisme, désocialisation, dépression –, qui les placent au rang des handicaps majeurs. Pourtant, dans notre pays, ces pathologies sont sous-estimées et mal prises en charge : par exemple, moins de 800 000 malentendants sur 4 millions de personnes souffrant de troubles auditifs portent un appareil amplificateur. De plus, le nombre de malentendants va sans doute s’accroître, en raison du vieillissement de la population. Enfin, faute d’une sensibilisation suffisante de la population aux problèmes que pose la perte auditive, les surdités vont aussi se manifester de plus en plus tôt, en raison de l’exposition accrue des jeunes aux bruits intenses (baladeurs, concerts de rock…). Si certaines personnes sourdes dès la naissance revendiquent une «culture sourde» fondée sur la langue des signes, nombre de personnes devenues sourdes vivent de véritables drames personnels et fondent beaucoup d’espoirs sur la mise au point de traitements innovants. P Chirurgie de l’oreille : des progrès spectaculaires chématiquement, il existe deux grands S types de surdités : les plus nombreuses chez l’adulte, les surdités de transmission, sont dues à un problème mécanique qui entrave le passage des vibrations sonores dans l’oreille externe ou moyenne; les surdités de perception, plus sévères, en règle générale, sont dues à une atteinte de l’oreille interne (voir schémas). Dans les deux cas, l’origine peut en être environnementale (infection, traumatisme sonore…) ou génétique. Les surdités de transmission, les plus nombreuses et généralement les moins graves, bénéficient aujourd’hui, et de plus en plus, des progrès de la microchirurgie (chirurgie pratiquée sous microscope opératoire). L’otospongiose, une des formes de surdité évolutive les plus fréquentes, qui touche 2% de la population, a vu ainsi son pronostic bouleversé. Cette maladie, associée à une susceptibilité génétique, est due à une atteinte du dernier osselet de l’oreille moyenne, l’étrier. «L’os se transforme en une sorte d’éponge et se bloque. Chez certains patients, on obtient aujourd’hui des résultats spectaculaires en remplaçant l’étrier par une prothèse en Téflon, insérée au cours d’une anesthésie générale», s’enthousiasme Didier Bouccara, médecin ORL dans le service dirigé par le Pr Sterkers, à l’hôpital Beaujon (Clichy). Second progrès décisif : l’amélioration des appareils auditifs («contour d’oreille» ou insérés dans le conduit auditif), dont le principe est d’amplifier les sons. Grâce à eux, nombre de personnes dont le monde sonore se résumait à de vagues murmures perçoivent bruits et paroles. «L’apparition récente des appareils numériques est une évolution considérable», ●●● La surdité en chiffres Environ 4 millions de personnes sont atteintes de troubles de l’audition en France. Parmi elles : 2 200 000 (55%) ont une surdité légère (perte auditive de 20 dB à 40 dB) 1 320 000 (33%) ont une surdité moyenne (perte auditive de 40 dBà 70 dB) 360 000 (9%), une surdité sévère (70 dB à 90 dB) 120 000 (3%), une surdité profonde (plus de 90 dB) Par tranche d’âge, les surdités se répartissent ainsi : 470 000 sourds et malentendants ont moins de 18 ans 1 000 000 ont entre 18 et 65 ans 2 500 000 ont plus de 65 ans 10 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 11 Les mécanismes de l’audition Coupe de l’oreille interne Canaux semi-circulaires Crête ampullaire Otoconies Membrane otoconiale Cupule Cochlée Macule utriculaire DR Macule sacculaire Les vibrations acoustiques, captées et amplifiées par le pavillon et le conduit auditif, font vibrer le tympan. Cette vibration mécanique est transmise aux osselets de l’oreille moyenne. Le déplacement du dernier osselet, l’étrier, sur la fenêtre ovale crée une onde de pression dans le liquide de la cochlée. La propagation de cette onde provoque le déplacement de cils des cellules sensorielles (ou cellules ciliées). La cellule sensorielle transmet cette excitation au nerf auditif en libérant une substance chimique. Le nerf réagit en émettant des influx électriques qui se propagent jusqu’au cortex auditif où naît la perception sonore. Coupe de l’oreille Canaux semi-circulaires Enclume Marteau Etrier Vestibule Pavillon Cochlée Conduit auditif externe Tympan Trompe d’Eustache DR Caisse du tympan Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 11 frm_5882_08_19_baf D 14/03/03 10:34 Page 12 O S S I E R les surdités Une centaine de gènes sont susceptibles, s’ils sont touchés, de provoquer une surdité. 17 d’entre eux ont été identifiés à ce jour. souligne le Dr Moatti (hôpital Trousseau, Paris). «Ces nouveaux appareils traitent les signaux sonores pour extraire la parole du bruit de fond», explique le Pr Frachet (hôpital Avicenne, Bobigny). Ces toutes dernières années, il est aussi devenu possible d’appareiller avec succès des personnes – enfants et adultes – dont la sévérité de l’atteinte est telle que les appareils classiques ne sont d’aucune efficacité. Les cellules de l’oreille interne ne fonctionnent pas : le message ne peut atteindre le nerf auditif et la surdité est profonde. Une solution radicalement innovante peut désormais être proposée : l’implant cochléaire. Le chirurgien glisse un appareillage comportant plusieurs électrodes dans l’oreille interne, pour transmettre les signaux électriques correspondant aux sons extérieurs directement sur le nerf auditif. ●●● L’étude des cellules ciliées externes de la cochlée (ci-contre) permettra peutêtre d’expliquer certaines formes de surdités. L’implant cochléaire, une solution encore trop onéreuse Inserm condition d’être associé à une rééducation A très solide, cette solution peut donner des résultats spectaculaires, surtout chez des enfants La FRM soutient des travaux sur les cellules ciliées externes de la cochlée Certaines recherches fondamentales, consacrées au fonctionnement même des cellules sensorielles, ouvrent des perspectives encourageantes. Au Laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire de l’audition, l’équipe mixte Inserm et université de Bordeaux 2, Maryline Beurg se consacre aux cellules ciliées externes de la cochlée. En oscillant à haute fréquence, elles amplifient plus de cent fois l’onde acoustique avant de la transmettre aux cellules sensorielles connectées au cerveau, les cellules ciliées internes. Les mécanismes permettant la contraction haute fréquence de ces cellules restent encore mystérieux. Les recherches menées à Bordeaux permettent d’isoler et de manipuler une par une, sous microscope, les minuscules et fragiles cellules ciliées externes (voir photo). Des résultats récents suggèrent qu’une protéine membranaire spécifique pourrait être impliquée. Si cette hypothèse est confirmée, il restera à savoir si des défauts de cette molécule expliquent certaines formes de surdités. nés totalement sourds qui peuvent ainsi apprendre à parler normalement. En France, 200 personnes bénéficient d’implants cochléaires chaque année. Tout récemment, de nouveaux progrès ont été apportés à cette technique. Ainsi, «chez des patients souffrant de neurofibromatose de type II, maladie dans laquelle les nerfs auditifs sont comprimés par des tumeurs, les électrodes liées à un micro peuvent être placées dans le tronc cérébral, où font relais les fibres auditives qui montent vers le cortex auditif», explique Alexis Bozorg Grayeli (hôpital Beaujon, Clichy). Bien qu’elles donnent des résultats que l’on peut qualifier de spectaculaires et qu’elles soient appelées à s’améliorer d’année en année, ces techniques ultra-sophistiquées sont onéreuses et ne bénéficient au mieux qu’à quelques centaines de patients chaque année en France. Dans le monde, seuls quelques milliers de patients ont reçu un implant auditif à ce jour. Aujourd’hui, une véritable révolution dans les surdités vient de la génétique. «Il y a cinq ans a débuté l’identification des gènes responsables de surdités isolées (c’est-à-dire non associées à d’autres symptômes). Grâce à la connaissance de ces gènes, on 12 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 13 Luc Benevello Glossaire Christine Petit, directrice du laboratoire Génétique des déficits sensoriels à l’Institut Pasteur (Paris). découvre progressivement une grande variété de dysfonctionnements moléculaires et cellulaires. Cette compréhension est essentielle pour une recherche de nouveaux médicaments ciblés», explique Christine Petit. Plus de 80% des surdités congénitales sont d’origine génétique deux copies de ce gène (une de chaque parent) est atteint d’une surdité. La sévérité de cette surdité est variable, y compris au sein d’une même famille, ce qui implique l’intervention d’autres gènes ou de facteurs environnementaux. Plusieurs études suggèrent que la connexine 26 semble jouer un rôle crucial dans le contenu ●●● es avancées ont profondément remanié la C conception que l’on avait de la surdité de l’enfant. «Longtemps, la composante héréditaire de Burger/Phanie ces surdités a été considérée comme minoritaire. Aujourd’hui, grâce aux progrès accomplis, on sait que plus de 80% des surdités congénitales sont d’origine génétique. Une grande partie de ces surdités est due à l’atteinte d’un seul gène chez la personne sourde. Au total, une centaine de gènes sont susceptibles, s’ils sont touchés, de provoquer une surdité. A ce jour, 17 d’entre eux ont été identifiés», révèle la généticienne. Les déficits qu’ils entraînent peuvent certes toucher les cellules sensorielles elles-mêmes, mais également une dizaine d’autres types cellulaires présents dans l’oreille. L’un des gènes captive particulièrement les chercheurs : celui qui code une protéine nommée connexine 26. «Le gène de la connexine 26 rend compte de 40% à 50% des surdités congénitales ou prélinguales dans les pays développés», précise Christine Petit. Les travaux de son laboratoire ont révélé que 1 à 2 millions de personnes en France portent une mutation dans l’un des deux exemplaires de ce gène. Si les deux parents sont porteurs d’une mutation, ils entendent normalement. Mais l’enfant qui a reçu Pour un diagnostic précoce Il est essentiel de détecter au plus tôt un trouble auditif, pour fournir à l’enfant les moyens d’un développement psychoaffectif équilibré, l’appareiller et commencer une rééducation orthophonique. Dans l’idéal, tous les nouveau-nés, ou au moins les enfants à risque (surdité dans la famille, difficultés pendant la grossesse ou l’accouchement) devraient subir des tests auditifs. Dans la pratique, seuls 10% des bébés sont testés, selon le Dr Lucien Moatti (hôpital pour enfants Armand-Trousseau, Paris). Aujourd’hui encore, l’âge moyen de confirmation d’une surdité profonde dépasse 12 mois en France, ce qui est trop tardif. Pour éviter d’en arriver là, il faut s’alerter à certains signes : un bébé qui ne se calme pas lorsqu’on lui chante une chanson, qui ne se réveille pas sous l’effet d’un grand bruit, qui ne réagit pas lorsqu’on prononce son nom doit subir un test auditif. • Cellules ciliées : cellules sensorielles de l’oreille interne. Celles de la cochlée répondent aux vibrations sonores, tandis que celles du vestibule répondent aux accélérations, en particulier celles qui sont liées aux déplacements de la tête. La stimulation des cellules ciliées déclenche celle du nerf auditif qui transmet l’influx nerveux au cerveau. • Mutation : «erreur» dans la séquence d’un gène (par exemple, remplacement d’une base C par une base A, perte ou addition d’une ou plusieurs bases). Selon sa nature, la mutation aura ou non un effet sur la production de la protéine ou sa fonction, et en conséquence sera ou non à l’origine d’une maladie. • Surdité génétique : surdité liée à une mutation dans un gène qui dirige l’expression d’une protéine nécessaire à la fonction auditive, et agissant, dans la plupart des cas, au niveau de l’oreille interne. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 13 frm_5882_08_19_baf D 14/03/03 10:34 Page 14 O S S I E R BSIP/Laurent les surdités Dans le monde, quelques milliers de patients ont reçu un implant cochléaire à ce jour. en potassium des liquides de l’oreille interne. Les chercheurs pensent aujourd’hui que trop de potassium, ou pas assez, pourrait paralyser les cellules sensorielles, voire même leur être fatal (voir encadré ci-dessous). Pour en savoir plus, les chercheurs doivent générer des modèles animaux qui miment l’atteinte observée chez l’être humain et qui permettent de tester l’action de molécules susceptibles de restaurer une concentration de potassium normale. Les travaux de génétique ont également mis en évidence le fait qu’il existe des bases héréditaires à la sensibilité de l’oreille au bruit, à l’apparition de troubles auditifs chez les personnes d’âge mûr, et à la vulnérabilité à une classe particulière d’antibiotiques, les aminoglycosides. «Nous savons aujourd’hui qu’ils peuvent induire des surdités chez des individus porteurs de mutations dans certains gènes», explique Christine Petit. Ce résultat est d’importance : il doit permettre de guider la pratique thérapeutique et d’éviter des surdités accidentelles. «Avant toute prescription de ces médicaments, l’absence de troubles auditifs dans la famille doit être vérifiée. Au moindre doute, une analyse de l’ADN devrait être effectuée. Ce test diagnostique est très simple», ajoute la chercheuse. Outre la possibilité de diagnostiquer une sensibilité génétique de l’oreille aux antibiotiques, les scientifiques sont désormais en mesure de dépister des anomalies génétiques entraînant des surdités congénitales (telles que celles qui sont liées à la connexine 26). Ainsi, il est en théorie possible de savoir, dès le début de la grossesse, si l’enfant à naître porte une mutation de ce gène. La question peut se poser, notamment, dans les familles où un ou plusieurs enfants nés auparavant sont sourds. De tels diagnostics ont été demandés dans notre pays, mais très rarement (par exemple, en cinq ans, sur 350 familles venues à la consultation de génétique des surdités de l’hôpital Trousseau à Paris, seules 5 demandes ont été formulées). Le Comité Consultatif National d’Ethique a émis un avis défavorable quant à la pratique d’une interruption thérapeutique de grossesse dans le cas où une surdité isolée serait diagnostiquée pendant la grossesse. En revanche, le diagnostic pourrait être une aide au dépistage précoce de surdité chez un deuxième enfant. Ainsi, la famille, informée de sa surdité et des moyens pour y faire face, pourrait appareiller l’enfant au plus tôt et réduire son handicap. Les recherches en génétique suscitent maintenant de vrais espoirs. Jusqu’ici peu soutenues, elles méritent de l’être davantage pour aboutir à des traitements. L’amélioration de la prise en charge, de l’insertion sociale, et la recherche de traitements vont, espère-t-on, permettre aux sourds de mieux vivre leur handicap. ■ ●●● BSIP/Laurent/Annette Le mystère de la maladie de Ménière La maladie de Ménière est une forme de surdité de l’adulte qui se manifeste lors de crises imprévisibles, associées à des vertiges, des nausées et d’autres signes neurovégétatifs (vomissements, sueurs, diarrhées…) ainsi qu’à des acouphènes. «Toute l’oreille interne est touchée : la cochlée, organe de l’audition, et le labyrinthe, organe de l’équilibre, souligne Patrice Tran Ba Huy, chef du service ORL de l’hôpital Lariboisière (Paris). Il semble que l’origine des symptômes soit une surabondance d’endolymphe, le liquide qui remplit le labyrinthe, ce qui en distend les parois, et par endroits, les rompt.» A l’heure actuelle, les chercheurs sont incapables d’expliquer cette surabondance (et de la contenir). La piste de l’endolymphe dépasserait largement le cadre de la seule maladie de Ménière. «Je pense que plus de 40% des surdités brusques sont liées à une perturbation de la sécrétion de l’endolymphe ou de sa composition ionique (calcium, potassium, sodium…)», précise le Pr Patrice Tran Ba Huy. Des minipompes implantables seraient-elles capables de corriger ces anomalies ? Les recherches en cours visent à répondre à cette question. 14 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 15 Opinion Le droit aux soins pour les sourds Avec le Pr Serge Herson et le Dr Jean Dagron, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris oici cinq ans, la toute première consultation en langue des signes a ouvert ses portes dans le service de médecine interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. A l’origine, la demande des patients sourds atteints de pathologies complexes, leur revendication d’un droit fondamental à comprendre et à être compris a trouvé un écho favorable auprès de notre service. La qualité même de la prise en charge médicale pâtit des problèmes de communication médecin-malade. Les problèmes liés à la prévention se posent également : comment donner une vraie information sur les maladies contagieuses (sida, hépatites) ? Quid du secret médical, si le patient doit impérativement être accompagné d’un parent ou d’un interprète ? Pour remplir sa mission de service public, le médecin doit parler la langue de ses patients. Chez certains sourds profonds, le message médical est d’autant plus difficile à faire passer que nombre d’entre eux sont illettrés; la communication écrite est donc réduite à quelques mots. De surcroît, les sourds n’ont généralement pas accès culturellement à des connaissances en biologie et en physiologie. Se pose un gros problème de vocabulaire, certains concepts n’existent pas en langue des signes. L’explication de la maladie, de ses causes, le mode de traitement et les nécessités de le suivre, les informations sur ses conséquences «passent» difficilement dans le cadre d’une consultation classique. Concernant le diabète, par exemple, comment expliquer ce qu’est la glycémie, qu’il faut faire des injections quotidiennes d’insuline ? Or, bien souvent, au cours d’une consultation classique, le médecin pense à tort que son patient malentendant a bien compris. Les entendants et les sourds vivent dans deux mondes perceptifs et conceptuels très différents. La consultation pour sourds que nous avons mise en place comprend quatre personnes bilingues (français-langue des signes) : la personne de l’accueil, de formation paramédicale, elle-même sourde (titularisée par l’AP-HP), une assistante sociale, un interprète et un spécialiste de médecine interne. En cinq ans, cette consultation a accueilli 1 200 personnes, la plus forte demande concernant la gynécologie. Les patients nous contactent par Minitel, par fax ou par écrit. Dès leur arrivée, ils sont soignés sur place ou dirigés vers le service concerné avec un interprète. Notre activité s’intègre, en outre, dans un travail de recherche mené en collaboration avec une équipe de linguistes et les responsables pédagogiques sourds des principales associations d’enseignants de la langue des signes (département de Sciences du Langage, université Paris VIII). Cette collaboration permet de réfléchir à la conception de néologismes de la langue des signes («anticorps», «hormone»…) et d’enrichir la langue. La simple traduction ne fonctionne pas, et la chronologie dans la construction de la phrase a toute son importance. D’autres pays, (les pays nordiques et anglo-saxons, notamment) ont beaucoup plus d’interprètes depuis longtemps mais n’avaient pas de rencontres organisées entre le monde des sourds et le monde des soignants. Les perspectives sont encourageantes, le besoin de professionnels sourds dans les équipes médicales est maintenant reconnu. Ainsi, grâce au soutien des institutions concernées, un concours d’aides-soignants est ouvert avec 6 places réservées aux sourds. Des consultations du même type s’ouvrent à Bordeaux et à Grenoble, et bientôt dans d’autres villes. Ainsi, de plus en plus de sourds auront accès aux soins de qualité. Mieux, cette obligation d’expliquer selon une façon de penser différente nous a beaucoup appris pour l’accès aux soins d’autres populations. Ainsi, le travail réalisé pour quelques-uns pourra, à terme, bénéficier à tous. Luc Benevello Luc Benevello V Dr Jean Dagron, patricien hospitalier, responsable de l’équipe d’accueil et de santé de la population sourde. Pr Serge Herson, professeur des universités, chef du service de Médecine interne groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière. « Le travail réalisé pour quelques-uns pourra, à terme, bénéficier à tous.» Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 15 frm_5882_08_19_baf D 14/03/03 10:34 Page 16 O S S I E R les surdités Avec la collaboration d’Arnaud Noréna et de Sylviane Chéry-Croze, chercheurs au laboratoire Neurosciences et Systèmes sensoriels (UMR CNRS 5020) à l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon. Les acouphènes : le défi des bruits fantômes Les spécialistes de l’audition butent sur une pathologie énigmatique : les acouphènes, bruits chroniques, souvent très intrusifs. Des travaux soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale. P lus de 5 millions de Français souffriraient d’acouphènes. Ils perçoivent des sensations sonores (sifflements, bourdonnements, bruits de vent ou de vagues…), de façon permanente ou intermittente, dans une seule oreille ou dans les deux, associées dans la plupart des cas à une perte de l’audition. Seule la personne qui souffre de ces acouphènes peut les entendre : «Ce sont de véritables illusions auditives», résume Arnaud Noréna, du laboratoire Neurosciences et Systèmes sensoriels de Lyon. Au mieux, les acouphènes engendrent une simple gêne ; parfois, ils sont très difficiles à supporter, perturbant l’endormissement, la lecture, ou toute activité qui demande une concentration importante. De plus, le stress les aggrave. Il n’existe pas de véritable traitement pour en venir à bout. En revanche, les acouphènes semblent moins «audibles» lorsqu’ils sont noyés dans le bruit environnant, ou lorsque, par un long effort d’apprentissage, on parvient à ne plus porter attention à eux (grâce, par exemple, à la relaxation, au yoga, ou à la thérapie comportementale et cognitive). Inserm Le cerveau trompé Cochlée disséquée d’un homme d’âge mûr présentant une raréfaction des cellules sensorielles et des fibres nerveuses de la base de la cochlée, correspondant à la perception des sons aigus. Les mécanismes exacts qui provoquent les acouphènes demeurent encore mystérieux. Souvent (mais pas systématiquement), les symptômes apparaissent à la suite d’un traumatisme sonore (discothèque, concert rock, explosion…), d’une maladie de l’oreille (maladie de Ménière, otospongiose, presbyacousie, otite…) ou de la prise d’un médicament ototoxique (antibiotiques, 16 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 aspirine à haute dose, quinine…). «Une partie de l’explication vient de lésions mineures des cellules ciliées de la cochlée. Mais ces lésions n’expliquent pas tout. Des signaux électriques anormaux sont générés dans le système auditif, et le cortex auditif les interprète comme de véritables sons», précise Sylviane Chéry-Croze, chercheur en neurosciences à Lyon. Dans son équipe, Arnaud Noréna a récemment obtenu des résultats éclairants quant aux mécanismes générateurs de certains acouphènes, grâce à l’aide apportée par la Fondation pour la Recherche Médicale. L’imagerie médicale pour mieux comprendre Les chercheurs lyonnais ont étudié des personnes qui présentent également une perte auditive. Elles entendent moins bien certains sons, et en particulier ceux dont la fréquence est celle de l’acouphène. «C’est très paradoxal, commente Arnaud Noréna, car sur cette fréquence, les patients ont de meilleures performances de discrimination perceptive (différenciation entre deux sons de fréquence voisine).» Ce résultat suggère qu’une réorganisation du cortex auditif serait à l’origine de ces sensations. Elle se manifesterait par 14/03/03 10:34 Page 17 Philippe Perez-Castaño frm_5882_08_19_baf Arnaud Noréna et Sylviane Chéry-Croze travaillent sur le phénomène des acouphènes. une sur-représentation des neurones impliqués dans la reconnaissance d’une gamme de fréquences particulières. Une réorganisation cérébrale similaire a été observée dans les cas de douleurs fantômes des membres (douleurs semblant venir d’un membre dont on a été amputé). Forts de ces résultats, les chercheurs veulent maintenant visualiser, grâce aux très puissants instruments d’imagerie cérébrale, les zones de cerveau qui se réorganisent. Lorsqu’ils en sauront plus, ces chercheurs pourront sans doute imaginer de nouveaux traitements. Déjà, aux Etats-Unis, certaines équipes tentent de traiter les acouphènes par des sons de fréquences voisines de celles de l’acouphène. Mais l’efficacité de cette méthode n’est pas encore prouvée. Même lorsque les progrès de la recherche nous auront livré causes et traitements des acouphènes, ce précieux conseil restera d’actualité : ne jamais se placer à proximité des enceintes en discothèque ou lors d’un concert de rock. ■ Association france-acouphènes : http://www.franceacouphenes.org La piste du glutamate L’équipe de Jean-Luc Puel, dans le laboratoire Inserm Neurobiologie de l’audition dirigé par le Pr Rémy Pujol, à Montpellier, travaille depuis plusieurs années sur une piste nouvelle. Les chercheurs ont démontré que les traumatismes de l’oreille associés aux acouphènes provoquent une libération excessive de glutamate qui vient des cellules sensorielles auditives au contact du nerf auditif. Selon les recherches menées récemment au laboratoire, cet excès provoquerait un auto-entretien de l’activité de ce nerf, qui serait responsable des acouphènes. Cette hypothèse ouvre des pistes thérapeutiques encourageantes : il est envisageable de bloquer l’action du glutamate grâce à des agents pharmacologiques adaptés (des antiglutamates). Ces derniers seraient amenés directement dans l’oreille interne au moyen de petits cathéters par voie trans-tympanique. Cette technique de pharmacologie locale permet des traitements à très faibles doses, tout en s’affranchissant des effets secondaires des antiglutamates. Cette méthode pleine d’espoir est actuellement validée au plan expérimental ; des essais cliniques sont en cours. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 17 frm_5882_08_19_baf D 14/03/03 10:34 Page 18 O S S I E R les surdités Avec la collaboration de Jacques Schlosser, président de l’ARDDS-AIX (section locale de l’association de Réadaptation et de Défense des Devenus Sourds et des Malentendants) d’Aix-en-Provence (1). Mieux vivre sa malentendanc Devenir sourd est vécu comme une épreuve personnelle et familiale. Malgré tout, de nombreuses aides permettent de mieux vivre ce handicap et de maintenir des contacts sociaux quasi intacts. Voici comment. Accepter Travail de deuil apparition progressive et a fortiori brutale d’une surdité entraîne souvent une réaction de refus ou de révolte, suivie d’une phase dépressive. Tant qu’elles ne s’installent pas dans le long terme, ces réactions traduisent l’accomplissement d’un nécessaire travail de deuil au terme duquel la personne malentendante va progressivement accepter que sa vie ne soit plus comme avant. Afin de traverser le mieux possible cette période difficile, il faut accepter le soutien de ses proches et celui d’associations. Image Bank L’ Amplifier les sons Appareillage auditif et boucle magnétique orter un appareil est essentiel, et ce, le plus tôt possible, dès lors que l’on ne peut plus suivre une conversation normale avec une autre personne. Après la visite chez l’ORL, il est recommandé de se rendre chez l’audioprothésiste avec une tierce personne entendante, et d’essayer longuement l’appareil dans la vie courante avant de l’acheter (les embouts intra-auriculaires seront généralement facturés). L’adaptation cérébrale à la prothèse peut néanmoins nécessiter quelques semaines, voire quelques mois. Lorsqu’elles possèdent une position «T», les audioprothèses permettent, en outre, de bénéficier de la réception par induction magnétique (moins de distorsions et élimination des sons parasites). Cela fonctionne dans la plupart des cabines téléphoniques publiques et dans certaines salles de spectacle (boucle magnétique). Il est également possible de réaliser une installation chez soi pour écouter la télévision, la chaîne hi-fi, et de s’équiper d’un téléphone adéquat. 1. Jacques Schlosser, ingénieur scientifique, est atteint d’otospongiose, surdité dégénérative qui a commencé à l’âge de 15 ans environ. Trente-cinq ans plus tard, sa surdité est sévère à droite et quasi profonde à gauche. Depuis l’âge de 27 ans, il porte des appareils auditifs qui lui permettent aujourd’hui de mener une conversation téléphonique tout à fait normalement. Il a créé l’association ARDDS (http://perso.wanadoo.fr/schlosser-aix). 18 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 Voisin/Phanie P frm_5882_08_19_baf 14/03/03 10:34 Page 19 Le prix des prothèses e au quotidien Avertir Les aides techniques C omment faire si l’on n’est pas sûr d’entendre les sonneries courantes : téléphone, porte d’entrée, réveille-matin, etc. ? Il existe de nombreuses aides techniques : outre les boucles magnétiques dont nous avons mentionné l’existence, on trouve des avertisseurs à flashes lumineux puissants pour la sonnerie du téléphone ou les portes d’entrée. Pour le réveille-matin, il existe aussi des appareils vibrants à placer sous l’oreiller… très efficaces ! Communiquer Mobiles, Minitel, Internet… Image Bank B Aider Conseils à l’entourage L a vie d’une personne malentendante est facilitée lorsque le comportement de l’entourage est adapté. Il est inutile de crier, cela sature les appareils auditifs ; il suffit de répéter à peine plus fort, et un peu plus lentement, en articulant mieux mais naturellement en se plaçant bien en face de son interlocuteur, et à la lumière ; s’en approcher lors de conversation de groupe. Ne pas hésiter à s’aider des mains, de mimiques, même à toucher. Bien sûr, ne pas parler dans le dos, à distance, ni d’une pièce à l’autre. ien qu’ils créent assez souvent des interférences avec les prothèses (il faut alors les utiliser en kit mains libres), les téléphones portables (dotés de vibreurs) sont utiles lorsqu’ils permettent de s’échanger des petits messages écrits ou encore des e-mails (courrier électronique). L’achat d’un fax – il existe des modèles simples relativement bon marché – est également judicieux; il faut évidemment que les interlocuteurs en possèdent un également (ou bien un micro-ordinateur). La communication de Minitel à Minitel est possible grâce au boîtier dialogue (mais attention, l’échange par écrit est lent, et donc cher), sinon, le 3618 permet cette communication. Il est possible d’envoyer des fax ou des e-mails par le 3611. Reste la possibilité de s’équiper d’un micro-ordinateur de se connecter à Internet et de participer à des forums de discussion sur n’importe quel sujet. Parler Lecture labiale I l est vraiment recommandé d’apprendre la lecture sur les lèvres (stages, cours) le plus tôt possible, à partir d’une surdité moyenne. Ce peut être un auxiliaire précieux, notamment pour les discussions dans le brouhaha, qu’il est toujours difficile de suivre avec une audioprothèse ; et c’est un investissement pour l’avenir dans le cas d’une surdité évolutive. En France, seules 600 000 à 800 000 personnes sont appareillées sur 4 millions de malentendants… Nombre de personnes malentendantes renoncent à s’appareiller en raison du prix des prothèses : entre 5 000 F et 12 000 F par oreille. Le remboursement de la Sécurité sociale pour l’adulte se fait sur la base de 1 310 F environ : il se monte à 851 F, et seule une oreille est remboursable. Avec une mutuelle, le remboursement est plus élevé, mais obtenir un remboursement de 50% du prix de l’appareil est un privilège rare. Ne faudrait-il pas envisager une prise en charge sociale plus complète, mais aussi des prothèses moins chères, même s’il y a des oppositions (on trouve aujourd’hui des lunettes de presbytes à 100 F, et cela n’a pas tué le marché) ? L’appareillage est totalement pris en charge jusqu’à 16 ans, à raison de deux appareils tous les ans, si nécessaire. Après 16 ans, même en cas d’appareillage stéréophonique, un seul appareil est pris en charge, tous les cinq ans, par la Sécurité sociale (1 350 francs). La raison budgétaire prime alors sur la qualité de compensation du handicap, ce qui pénalise les patients. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 19 frm_5882_20_23_baf 14/03/03 VOS 10:36 Page 20 DONS EN ACTION Vos dons jouent un rôle capital dans l’avancement des travaux de recherche médicale. Explorer de nouvelles pistes de recherche, multiplier les échanges entre les disciplines et les chercheurs, déceler plus précocement certaines pathologies graves pour mettre en place plus rapidement les traitements, découvrir la meilleure prise en charge diagnostique puis thérapeutique…, tels sont les principaux objectifs que s’est fixés la Fondation pour la Recherche Médicale en multipliant ses programmes. Cette rubrique «Vos dons en action» présente quelques-uns des 600 travaux financés chaque année par la Fondation grâce à vos dons. L’influence du stress in utero La vie d’un individu est-elle conditionnée par le stress pré ou post-natal ? Un thème de recherche soutenu par la Fondation pour la Recherche Médicale Phanie L e stress chez une femme enceinte aurait-il une influence sur le devenir du bébé ? Peut-il être à l’origine de certains troubles qui persisteraient à l’âge adulte ? Le comportement maternel peut-il engendrer des altérations neurobiologiques chez le nouveau-né ? Autant de questions, autant d’hypothèses. Pour les vérifier, le Pr Stefania Maccari, dans le laboratoire de neurosciences du comportement du professeur Henrique Sequeira (Inserm, université de Lille I), mène actuellement grâce à vos dons, une vaste étude de neurobiologie. «L’objectif est d’observer chez le rat quelles sont les influences du stress pré et post-natal sur l’activité de certaines parties du cerveau impliquées dans des fonctions cognitives, comme la mémoire, ou émotionnelles, comme l’anxiété, explique Des modifications de l’environnement hormonal du fœtus, par l’intermédiaire d’un stress chez la mère, peuvent engendrer des altérations neurobiologiques à court et long termes. Cette hypothèse est à l’étude. le chercheur. De plus, nous rechercherons si le stress prénatal engendre à long terme des modifications de l’activité de plusieurs neurotransmetteurs ou hormones comme l’acétylcholine 20 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 et les neurostéroïdes, qui seraient associés à des perturbations du comportement. L’explication des mécanismes impliqués dans ces troubles permettra alors d’envisager des approches thérapeutiques.» frm_5882_20_23_baf 14/03/03 10:36 Page 21 Les neurones de l’apprentissage Amyotrophies spinales infantiles : sur la piste de la protéine SMN Les amyotrophies spinales infantiles (ASI) constituent une famille de maladies héréditaires se caractérisant par une perte importante des motoneurones, neurones qui innervent les muscles et permettent le mouvement ainsi que la respiration. Les cas les plus graves sont fatals dans les deux années suivant la naissance. En 1995, des chercheurs français de l’Inserm ont identifié, sur le chromosome 5, un gène dénommé SMN (Survival Motor Neuron), qui est interrompu ou muté chez la totalité des patients atteints d’ASI et serait donc, selon toute vraisemblance, lié à la maladie. Le produit de ce gène, la protéine SMN, est exprimé dans toutes les cellules de l’organisme. Pourtant, seuls les motoneurones dégénèrent lorsque le gène est muté, laissant les chercheurs perplexes. Pour étudier cette dégénérescence spécifique, les travaux très prometteurs de Claire Cisterni (Inserm, université de Luminy, Marseille, Inserm) sont soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale. «Le but de mon projet, préciset-elle, est d’éclaircir la fonction de la protéine SMN dans les motoneurones. Pour ce faire, je vais analyser les effets de l’inhibition de la synthèse de SMN ou de sa surproduction sur la survie des motoneurones.» «Ces études, conclut Claire Cisterni, constituent une étape cruciale pour trouver des moyens permettant de contrer la mort des motoneurones observée dans ces amyotrophies.» «Lorsque nous observons une personne avec l’intention de l’imiter, notamment dans une situation d’apprentissage, notre cerveau sait reconnaître ces gestes comme des gestes importants. Nous avons montré qu’un ensemble précis de régions cérébrales est sollicité, explique le Dr Jean Decety (Inserm, Lyon). Ces régions sont celles qui programment les actions volontaires. Alors que les gestes sans signification particulière sont perçus par d’autres régions cérébrales de l’hémisphère droit.» Existe-t-il un réseau de neurones particulier qui serait spécifiquement impliqué dans l’apprentissage de certains gestes ? Grâce à vos dons, c’est cette question que tente d’éclaircir le neuropsychologue lyonnais. Son travail devrait apporter un éclairage nouveau aux syndromes apraxiques (troubles de l’exécution des mouvements), qui restent encore mal compris en clinique neurologique. Pour imiter Hémisphère gauche Hémisphère droit Sans but DR Hémisphère gauche Motoneurones de rats en culture. L’objectif est de mieux comprendre comment l’inhibition de la synthèse de SMN ou sa surproduction entraîne la vie ou la mort des motoneurones. Hémisphère droit Observer quelqu’un agir, c’est déjà agir soi-même à un niveau implicite. On voit la différence sur le cerveau (IRM ci-dessus) selon que l’on regarde sans but ou que l’on observe quelqu’un avec l’intention de l’imiter (par exemple : un cours de violon). Dans ce cas, les régions frontales du cerveau (celles qui planifient l’action) s’activent (zones rouges). Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 21 frm_5882_20_23_baf DONS 10:36 EN Page 22 ACTION BSIP/Laurent VOS 14/03/03 Un organisme vivant est soumis à une horloge interne qui commande les rythmes biologiques. La mélatonine serait un élément clé de cette organisation temporelle, ce que cherchent à vérifier des scientifiques strasbourgeois. Mélatonine : maître du ryth L es rythmes biologiques varient dans le temps, essentiellement sur une période de vingt-quatre heures (rythme circadien), passant alternativement par des temps forts et des temps faibles. Exemples, le rythme veille/sommeil…, le rythme de la température corporelle qui diminue le soir, passe par un creux dans la nuit et atteint son pic vers 16 heures. Les mécanismes fonctionnels utilisés à cet effet par les êtres vivants sont organisés autour d’horloges biologiques. «Une hormone, la mélatonine, joue un rôle clé dans ces horloges, explique le Dr Paul Pévet, neurobiologiste spécialisé dans l’étude des fonctions rythmiques et saisonnières, (CNRS, université Louis-Pasteur, Strasbourg). Chez les mammifères, 22 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 l’horloge circadienne est localisée dans les noyaux de l’hypothalamus dits “suprachiasmatiques” (NSC), poursuit le spécialiste. La mélatonine est sécrétée rythmiquement la nuit par la glande pinéale du cerveau. Ce rythme de sécrétion est généré par l’horloge circadienne et représente un signal hormonal de l’horloge dont l’un des rôles serait d’imposer la rythmicité circadienne à des organes cibles de la mélatonine. De plus, les changements de la durée de sécrétion nocturne de la mélatonine au cours de l’année permettent à l’organisme de mesurer la photopériode et, donc, de s’adapter, par anticipation, aux changements saisonniers du climat.» «Mais, pour le moment, les sites et mécanismes d’action de l’hormone sont encore très peu connus, remarque Stéphane Barassin, chercheur dans le laboratoire dirigé par le Dr Pévet. frm_5882_20_23_baf 14/03/03 10:36 Page 23 Optimisation de l’imagerie médicale Christelle Le Moullec, soutenue par la FRM, participe au seinde l’équipe du Pr Jean-Yves Lallemand à la mise au point d’une méthode physicochimique pour améliorer la qualité des clichés d’imagerie. M algré l’essor de son utilisation en imagerie médicale, la résonance magnétique nucléaire (RMN) est une méthode encore peu sensible. «En effet, c’est seulement grâce au très grand nombre d’atomes observés qu’il est possible d’obtenir des images de bonne qualité», explique le Pr Jean-Yves Lallemand, directeur de recherche, CNRS (Ecole polytechnique, Palaiseau). Par exemple, l’imagerie des poumons est très difficile à réaliser compte tenu du trop faible nombre d’atomes d’hydrogène présents dans les voies aériennes. Une solution récemment apparue pour améliorer la sensibilité des techniques de RMN est l’utilisation de gaz rares (xénon 129, hélium 3) hyperpolarisés. Le principe est d’utiliser un faisceau laser qui, par un enchaînement de phénomènes physiques, provoquera une Qui ne connaît pas on n’a jamais entendu parler de la mélatonine ? Aux USA et dans quelques autres pays du monde, la mélatonine est vendue dans les magasins de produits «naturels» ou diététiques. En France, sa vente libre n’est pas autorisée. Il faut prouver que la mélatonine agit sur l’horloge interne. augmentation de la polarisation du xénon, c’est-à-dire une augmentation très importante de l’intensité de son signal RMN. «Il nous a fallu dans un premier temps optimiser la technique de polarisation, précise le Pr Jean-Yves Lallemand. Nous allons maintenant nous lancer dans des essais d’imagerie pour tester le gain de sensibilité apporté par le xénon polarisé.» Outre l’imagerie, d’autres applications sont envisagées : le xénon a, en effet, la propriété de traverser les membranes des cellules. Il peut, de ce fait, être utilisé comme traceur biologique, pour étudier, par exemple, l’activité du cerveau. Une nouvelle perspective pour mieux comprendre le fonctionnement cérébral et ses pathologies. L’IRM présente l’avantage d’une précision plus grande (ici, image sagittale de la tête). C’est pourquoi nous voulons vérifier que la mélatonine agit bien directement sur l’horloge circadienne. Pour cela, nous allons appliquer la mélatonine localement dans les NSC grâce à une membrane perméable à travers laquelle diffuse l’hormone (technique dite de microdialyse réverse). Nous mesurerons ensuite son effet sur l’activité de la glande pinéale, miroir de l’activité de l’horloge.» Projet soutenu par la FRM, et d’autant plus important que toutes nos fonctions – systèmes immunitaire, cardio-vasculaire… – sont soumises à l’horloge circadienne, et que de nombreux troubles – notamment chez les personnes âgées qui sécrètent moins de mélatonine – résultent d’un dérèglement de cette organisation temporelle. La mélatonine aurait ainsi d’immenses potentialités thérapeutiques. BSIP Cavallini James me biologique Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 23 frm_5882_24_27_baf VOS 14/03/03 DONS 10:38 EN Page 24 ACTION Ostéoporose Agir avant la fracture L Inserm U 403Lyon L’ostéoporose est encore peu diagnostiquée et mal prise en charge. La Fondation pour la Recherche Médicale s’associe aux chercheurs et aux cliniciens pour sensibiliser à la nécessité d’une prévention et d’un dépistage précoce. ongtemps considérée comme une fatalité du vieillissement, l’ostéoporose est devenue, selon le professeur Pierre Delmas, rhumatologue à l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon, «un véritable problème de santé publique qui justifie une prise en charge plus active afin d’en réduire les conséquences». La maladie peut survenir chez l’homme comme chez la femme, à n’importe quelle période de la vie, le risque augmentant néanmoins avec l’âge, notamment chez la femme après la ménopause. Elle se développe particulièrement dans les sociétés industrielles, où l’espérance de vie s’allonge. Ainsi, en France, environ 30 à 40% des femmes ménopausées et plus de la moitié de celles de plus de 75 ans sont atteintes d’ostéoporose. L’ostéoporose est une maladie dégénérative du tissu osseux qui se caractérise par une faible masse osseuse entraînant une fragilité du squelette, ellemême à l’origine d’un accroissement du risque de fracture. Ses complications majeures sont les fractures ou Biopsies osseuses prélevées au niveau de la crête iliaque, l’os calcifié apparaît en vert. A gauche, os normal et à droite ostéoporose (microscopie optique). 24 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 tassements vertébraux (16% des cas), les fractures de l’extrémité supérieure du fémur (19% des cas) et les fractures du poignet (14% des cas). Audelà de leur aspect strictement médical, ces fractures entraînent un coût humain très important : douleurs, difformités, infirmités, diminution de la qualité de vie, autant d’aspects qu’il est urgent de prendre en compte. Les études ont identifié trois grands facteurs de risque : génétiques, environnementaux et nutritionnels. Des travaux montrent que l’acquisition du capital osseux est déterminée pour 46 à 62% par l’hérédité, mais aucun facteur génétique spécifiquement responsable de la perte osseuse n’a été découvert. D’autres travaux montrent que les habitudes de vie (consommation d’alcool et de tabac), ainsi que la consommation de certains médicaments pourraient accélérer la perte de masse osseuse. «L’une des recommandations médicales importantes issues du rapport du groupe d’experts mandaté par l’Organisation mondiale de la santé est de prévenir l’ostéoporose dès la croissance par un équilibre nutritionnel capable d’optimiser l’acquisition du capital osseux», précise le professeur Jean-Philippe Bonjour. Enfin, on sait que les carences en calcium et vitamine D, chez les sujets âgés, accélèrent la perte osseuse. Chez la femme, après la ménopause, la carence en œstrogènes est le facteur le plus déterminant. Remodelage osseux et vieillissement L’os est un tissu vivant. Tout au long de la vie, le processus dit de «remodelage osseux», constitué de cycles successifs de résorption et de formation de la matrice osseuse, permet de renouveler celle-ci et d’en préserver les propriétés. L’ostéoporose est donc étroitement liée au cycle de vie du squelette. Celui-ci est essentiellement régulé par les ostéoclastes, cellules responsables frm_5882_24_27_baf 14/03/03 10:38 Page 25 Mieux prendre en compte la prévention La difficulté avec l’ostéoporose est qu’elle ne se déclare qu’à la survenue des fractures. Or, elle peut être décelée avant ce stade en mesurant la «densité minérale osseuse» (DMO). Pour cela, la technique la plus couramment utilisée est celle dite d’«absorptiométrie biphotonique aux rayons X», ou densitométrie qui, bien qu’elle soit considérée comme fiable, n’est pas remboursée par l’assurance maladie, en partie en raison de son coût élevé. «La nécessité de disposer d’une technique de mesure de la DMO prise en charge par l’assurance maladie interpelle aujourd’hui les autorités sanitaires. Seul un outil de ce type est capable d’évaluer le risque de fracture dans le cadre de la stratégie de prévention recommandée par les experts», souligne Catherine Cormier, patricien hospitalier, hôpital Cochin, Paris. Le traitement hormonal substitutif (THS), destiné à compenser la carence en œstrogènes entraînée par la ménopause, est actuellement la principale thérapeutique capable de prévenir la perte osseuse chez la femme dans les dix à quinze ans suivant la ménopause. BSIP Edwige de la dégradation du tissu osseux, et par les ostéoblastes, cellules responsables au contraire de la synthèse du tissu osseux. Avec l’âge, les capacités prolifératives des ostéoblastes tendent à diminuer ; c’est pourquoi la perte osseuse est un mécanisme de vieillissement normal. L’ostéoporose est le résultat d’un déséquilibre exagérément négatif entre la quantité d’os résorbé et la quantité d’os formé. Les seules restrictions à ce traitement pourraient porter sur les traitements prolongés, surtout chez les femmes à risque de cancer du sein. Les experts débattent actuellement de l’intérêt qu’il y aurait à mettre en place une stratégie de prévention fondée sur un dépistage de masse par ostéodensitométrie chez les femmes ménopausées qui suivent un traitement hormonal substitutif. La période située à dix ans après la ménopause pourrait constituer le moment privilégié de ce dépistage. «A l’heure actuelle, la prévention de l’ostéoporose passe par le dépistage des personnes à risque. Or, cette question suscite encore de nombreux débats sur les outils et le moment de ce dépistage. Fondé sur un raisonnement technique, un consensus semble se dégager autour de l’âge de 65 ans. Il reste à vérifier que, en mettant en place un tel dépistage, on aboutirait bien à une réduction des fractures», La Fondation pour la Recherche Médicale : deux actions d’information Compte tenu du problème de santé publique que constitue l’ostéoporose, la FRM a lancé deux grandes actions de communication visant à sensibiliser les acteurs de santé et l’opinion sur la nécessité de prévenir la dégénérescence osseuse. Une tribune presse a donc été organisée autour de trois spécialistes, le Pr Pierre Delmas (hôpital Edouard-Herriot de Lyon), le Pr Jean-Philippe Bonjour (hôpitaux universitaires de Genève), Catherine Le Galès (Inserm, Le Kremlin-Bicêtre). Une exposition itinérante, «L’os vivant», accompagnée d’animations et de conférences, a également été réalisée, en partenariat avec le Palais de la Découverte et le Centre de culture scientifique, technique et industrielle de Rennes. Après Rennes et Laval, rendez-vous au Palais de la Découverte, à Paris, du 6 juin au 24 septembre 2000. Pour en savoir plus, consulter le site Internet de la FRM : http://www.frm.org L’ostéodensitométrie est un examen qui permet de mesurer le contenu minéral osseux. résume le professeur Gérard Bréart, Inserm, Paris. Cependant, l’approche préventive par dépistage des personnes à risque est encore freinée par l’absence de consensus sur l’outil de mesure à utiliser. Il existe d’autres traitements préventifs de l’ostéoporose, principalement fondés sur la calcitonine, hormone qui accroît légèrement la densité minérale osseuse chez la femme en période de postménopause, la parathormone, hormone qui stimule de façon indirecte la formation osseuse, et les bisphosphonates, classe de médicaments qui augmentent transitoirement la masse osseuse et maintiennent l’intégrité de la microarchitecture osseuse. Des recherches thérapeutiques actives Actuellement, les chercheurs travaillent dans deux directions complémentaires qui constituent chacune des enjeux thérapeutiques majeurs : l’action sur les ostéoclastes (les cellules qui détruisent l’os), afin de diminuer la résorption osseuse, l’action sur les ostéoblastes (les cellules qui synthétisent l’os), afin d’augmenter la formation osseuse. Le premier objectif vise à identifier les protéines impliquées dans la fonction de résorption pour pouvoir, à terme, développer des molécules capables d’inhiber sélectivement cette fonction. «Le deuxième objectif, explique Marie-Christine de Vernejoul, Fondation pour la Recherche médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 25 frm_5882_24_27_baf VOS 14/03/03 DONS 10:38 EN Page 26 ACTION de l’hôpital Lariboisière, Paris, s’appuie sur la découverte des marqueurs biologiques du remodelage osseux. Cette découverte a été décisive car elle est à l’origine de nouvelles voies de recherches thérapeutiques sur les facteurs impliqués dans la formation de l’os. C’est pourquoi les chercheurs étudient actuellement la différenciation des cellules osseuses, afin de mettre au point des médicaments capables d’agir sur l’augmentation des ostéoblastes.» Par ailleurs, de nouveaux médicaments sont également en cours de développement. Comme les œstrogènes, ils inhibent l’expression des protéines impliquées dans la résorption; en revanche, ils ne présentent pas les effets indésirables des œstrogènes. Dans le domaine génétique, l’étude des polymorphismes et/ou des mutations de certains gènes jouant un rôle dans le déterminisme de la mala- die devrait conduire à mieux cerner les populations à risque et à mettre en place un dépistage précoce. Enfin, si le rôle du calcium et de la vitamine D en tant que traitement reste encore largement méconnu, des études semblent cependant montrer que leur association réduit significativement la fréquence des fractures fémorales chez les populations âgées carencées. Une nécessaire évaluation de l’impact économique Les économistes de la santé sont particulièrement sensibles au problème de l’ostéoporose, maladie qui influence de façon massive, durable, et peutêtre croissante, les dépenses de santé, tant pour des raisons épidémiologiques que financières. En effet, si la pathologie en elle-même est simple, son évolution impose une prise en charge lourde (intervention chirurgicale mais surtout rééducation, suivi et gestion de la dépendance), estimée chaque année, en France, entre 4 et 6 milliards de francs. «Or, explique Catherine Le Galès, économiste, Inserm, aujourd’hui, il est difficile d’organiser une prévention efficace car la population véritablement exposée n’est pas encore identifiée. Les données disponibles sur le sujet étant insuffisantes, des décisions ciblées sur ces populations ne peuvent être prises.» Médicalement comme économiquement, la prévention constitue donc bien l’enjeu majeur de l’ostéoporose. C’est pourquoi les chercheurs ont tout leur rôle à jouer dans la production de connaissances permettant aux autorités sanitaires de prendre leurs responsabilités. Syndrome de Muckle-Wells Un gène, une maladie rare Entretien avec Laurence Cuisset, laboratoire de génétique moléculaire humaine (Inserm), faculté de médecine Cochin-Port-Royal, Paris. Le gène du syndrome de Muckle-Wells est en passe d’être identifié par des chercheurs, soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale. Un espoir pour contrer cette maladie héréditaire rare, débutant dans l’enfance. V ous n’avez sans doute jamais entendu parler du syndrome de Muckle-Wells. «Il s’agit, en effet, d’une maladie rare, puisque depuis sa description initiale par les cliniciens américains Muckle et Wells, en 1962, moins de 100 cas dans 28 familles ont été rapportés», déclare Laurence Cuisset, qui mène actuellement des recherches génétiques sur ce syndrome à la faculté de médecine Cochin, PortRoyal (Paris). Cette maladie, pour laquelle il n’existe actuellement pas de traitement efficace, est un syndrome héréditaire, c’est-à-dire transmis par un gène. «Récemment, nous avons montré que ce gène est localisé sur le bras long du chromosome 1, précise Laurence Cuisset. Il reste maintenant à identifier ce gène.» Ce travail devrait contribuer à une meilleure connaissance des quatre types de manifestations cliniques de la maladie : inflammation, urticaire, amylose 26 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 et surdité. Ainsi, les recherches fondamentales sur le syndrome de MuckleWells (MWS), même s’il s’agit d’une maladie rare, peuvent avoir d’importantes retombées, en apportant des perspectives inédites pour l’étude de l’inflammation et de la surdité, maladies qui sont, elles, très fréquentes dans la population générale. Sans parler des perspectives thérapeutiques jusqu’ici inexplorées de l’amylose, complication majeure du MWS, qui se caractérise par des dépôts anormaux de protéines, en particulier dans le rein, pouvant entraîner sa destruction. Si l’amylose est une des caractéristiques cliniques les plus graves du MWS, les accès inflammatoires comprenant des douleurs abdominales, musculaires et articulaires, de la fièvre, des frissons… ont par ailleurs permis de classer ce syndrome dans la famille des 14/03/03 10:38 Page 27 Luc Benevello frm_5882_24_27_baf Nathalie Rogine-Le Du et Laurence Cuisset travaillent sur la région du chromosome 1 où se trouve le gène responsable du MWS. fièvres héréditaires. Quatre maladies composent cette famille, précise le Pr Marc Delpech, directeur du laboratoire dans lequel travaille Laurence Cuisset : la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D (HIDS), la fièvre hibernienne familiale (FHF), et le MWS. Les principales différences résident dans le mode de transmission de la maladie, la durée des poussées de fièvre, les signes cliniques associés, la présence ou non d’amylose et l’origine des populations touchées. Ainsi, la FMF touche principalement les Juifs séfarades, les Arméniens, les Turcs et les Arabes, le HIDS est surtout retrouvé en Hollande et en France, et la FHF, maladie plus rare (une dizaine de familles seulement) se rencontre principalement en Europe du Nord. Le MWS est, quant à lui, signalé en Angleterre et en France, notamment à Beauvais, à Saint-Quentin et à Nantes. Le professeur Marc Delpech et ses collaborateurs sont les spécialistes de la génétique des fièvres héréditaires. Tout a commencé en 1997, lorsque «nous avons isolé en collaboration avec une équipe de Montpellier, de Créteil et le Généthon, le gène responsable de la FMF, localisé sur le chromosome 16», précise Laurence Cuisset. Plus récemment, en 1999, «nous avons démontré l’implication dans le HIDS du gène codant la mévalonate kinase, une enzyme impliquée dans le métabolisme du cholestérol». Le gène de la FHF vient d’être identifié par un groupe anglosaxon : il s’agit du gène d’un récepteur du TNF alpha (Tumor Necrosis Factor), facteur connu pour intervenir dans l’inflammation. Autant de résultats qui ouvrent d’ores et déjà d’immenses voies de recherche pour mieux comprendre l’inflammation, point commun de toutes les fièvres héréditaires. Une action soutenue de la Fondation pour la Recherche Médicale Grâce à l’aide de la FRM, Nathalie Rogine-Le Du, jeune étudiante en DEA encadrée par Laurence Cuisset, va pouvoir entreprendre l’étude de la région du chromosome 1, sur lequel se trouve le gène responsable du MWS. «Au départ, rien n’aurait pu se faire sans les cliniciens», remarque Laurence Cuisset. De fait, «Gilles Grateau et Alain Meyrier à Paris, Jean-Marie Berthelot à Nantes et Gérard Vaudour à Saint-Quentin, nous ont fourni, l’été dernier, 57 prélèvements provenant de 29 patients atteints de MWS. A partir de l’ADN extrait des cellules sanguines, avec la collaboration du Généthon, nous avons montré que le gène du MWS est contenu sur le chromosome 1 dans une région de 13,9 centimorgans, soit plusieurs centaines de milliers de paires de bases. Nathalie Rogine-Le Du a désormais en charge, poursuit Laurence Cuisset, de restreindre la taille de cette région, puis, lorsque cet intervalle sera le plus petit possible, de définir les gènes qui le composent. Travail qui devrait permettre de découvrir le gène du MWS», conclut-elle. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - 2000 27 14/03/03 POINT 10:40 Page 28 DE VUE La performance médicale vaut-elle que nous lui sacrifiions notre humanité ? Président du Comité Consultatif National d’Ethique depuis mars 1999, le professeur Didier Sicard s’appuie sur sa pratique de médecin pour défendre une conception à la fois large et engagée de la réflexion éthique. Marie Bertrand frm_5882_28_29_baf La réflexion éthique au cœur du débat Entretien avec DIDIER SICARD, PRÉSIDENT DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE E n prenant la présidence du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), j’ai été d’emblée frappé par la qualité de l’écoute entre les membres du Comité. Je craignais d’assister à des monologues contradictoires et j’ai découvert des séances de travail où chacun est provoqué dans ses convictions et peut en changer. Je m’efforce donc aujourd’hui de suivre le conseil de Jean Bernard et d’être un président un peu «constructeur», chargé de faire cheminer la réflexion et la production collective d’un avis. Nous avons, en effet, la chance énorme d’être dans une réflexion créatrice privilégiant moins une éthique de conviction qu’une éthique de responsabilité. Je considère qu’un tel comité n’a de sens que s’il a la capacité à être suffisamment clair et net dans ses avis pour que la société se positionne pour ou contre ceux-ci. Etre à la fois déterminés et humbles C’est pourquoi je fais tout pour que le CCNE s’engage. Cela peut naturellement donner lieu à des réactions. Durant l’été 1999, interrogé par le secrétaire d’Etat à la Santé et par les hospices civils de Lyon, le Comité a rendu un avis défavorable sur la première greffe de la main réalisée à Lyon, dont les chances de réussite fonctionnelle nous paraissaient très faibles, alors que le patient devait subir un traitement immunodépresseur à vie aux conséquences assez lourdes. L’équipe qui avait réussi cette performance nous en a beaucoup voulu. Mais il faut être clair : ou bien la réflexion éthique se tait, a peur, est suiviste, ou bien elle met, de temps en temps, un coup d’arrêt à une activité considérée comme une performance et peut rencontrer alors une certaine hostilité. Mais pour autant, je ne considère évidemment pas que le CCNE soit le seul dépositaire de l’éthique ou détienne le monopole de la réflexion sur ce thème. Situés à un carrefour, nous devons être à la fois déterminés et humbles. Nous avons à nous prononcer sur des sujets sur lesquels nous sommes sollicités, mais nous n’avons pas toujours l’initiative de la diffusion de ces avis. Ainsi, nous avons rendu à Dominique Gillot, actuel secrétaire d’Etat à la Santé, un avis sur le Viagra qui avait été demandé par Bernard Kouchner et qui n’a pas encore été publié. Sur l’euthanasie, en 28 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 14/03/03 10:40 Page 29 revanche, nous avons travaillé spontanément pour tenter de clarifier une situation à la source de grandes ambiguïtés, soit pour des sujets âgés ou atteints de pathologies particulièrement dramatiques, soit pour des nouveau-nés porteurs de troubles neurologiques graves. Notre intention n’est pas de dire ce qui doit ou ne doit pas être fait en la matière, mais de donner à la société, aux familles, aux malades eux-mêmes des repères, évitant les oppositions vaines ou stériles. En d’autres termes, il s’agit de tout faire pour éviter de donner une réponse toute faite à telle ou telle situation. Le principe de précaution ne doit pas devenir un principe de prévention Deux autres sujets nous ont également beaucoup occupés en 1999. Tout d’abord, le principe de précaution *, dont l’utilisation dans certains secteurs de la médecine me paraît inquiétante. Ainsi, en matière de transfusion, nous avons aujourd’hui atteint une sécurité proche du maximum de ce que la science peut nous offrir. Mais pour des raisons à la fois sécuritaires et émotionnelles, on multiplie à l’excès les contrôles biologiques sans prendre en compte les surcoûts, on écarte du don de sang, pour cause d’ESB (maladie de la vache folle), les personnes qui ont fait un séjour en Grande-Bretagne ; bref, on s’achemine vers une paralysie croissante du système, à la source potentielle de nouveaux risques par manque de sang. Le danger serait donc grand, me semble-t-il, de faire du principe ces pratiques, ou bien nous sommes suivistes et nous estimons que la réparation thérapeutique de l’homme justifie le recours à de telles pratiques. Je suis pour ma part partisan d’une éthique «de résistance». Le sommet de bioéthique qui se déroulera à Londres à l’automne prochain nous permettra de voir où en sont nos homologues étrangers sur ce sujet. S’efforcer d’aller au-delà de la seule visée thérapeutique Médecin, je m’efforce, dans le cadre de ma mission au CCNE, de ne pas réagir en médecin mais d’adopter une vision plus large, de susciter un débat qui ne s’arrête pas à la seule visée thérapeutique. Poser constamment le respect de l’être humain face à la performance médicale, ne pas construire le futur de l’homme sur des exploits qui menacent l’humanité tout entière de façon plus subtile qu’on ne le croit : tel est l’esprit dans lequel nous travaillons. La réflexion éthique nous oblige à passer sans cesse de l’être, du sujet, de la personne à la collectivité. Si j’avais une ambition durant cette présidence, ce serait d’attirer l’attention sur nos choix collectifs et individuels de santé. Il faut cesser de considérer que tout individu a droit à tout. Il faut faire attention à ne pas construire le futur de l’homme sur des exploits qui peuvent menacer l’humanité. de précaution un nouveau principe juridique de la santé publique en France, négligeant les paramètres de la prévention ; la précaution comme prévention n’est pas toujours raisonnable. L’utilisation des cellules et des souches embryonnaires constitue un autre sujet de préoccupation. Chacun s’est, semble-t-il, habitué au fait que les embryons pourraient devenir des donneurs de cellules, ouvrant alors de nouvelles perspectives thérapeutiques : demain, les femmes, notamment dans les pays pauvres, pourraient être encouragées à vendre une «matière première» rare, leurs ovocytes, qui restent indispensables à la production d’embryons. Ce phénomène pose un véritable problème éthique. Ou bien nous considérons que le futur embryon ne peut pas être source de cellules à visée thérapeutique et nous interdisons Il faut gérer les ressources sans désinvolture, dans un souci de répartition équitable, en se posant constamment la question de savoir si notre action conduit à une plus grande humanisation. * Face à des risques graves et irréversibles mais potentiels, l’absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l’adoption de mesures qui auraient été jugées légitimes si de telles certitudes avaient été acquises. Autrement dit, le principe de précaution ne se confond pas seulement avec une règle d’abstention, mais doit conduire à l’adoption de mesures de sauvegarde et de dispositifs d’accompagnement. Philippe Perez-Castaño frm_5882_28_29_baf Président du Comité Consultatif National d’Ethique depuis mars 1999, Didier Sicard dirige l’un des deux services de médecine interne de l’hôpital Cochin. Il a, dès 1983, animé des séminaires d’éthique destinés aux enseignants en médecine et assure aujourd’hui l’enseignement de l’éthique médicale à Cochin. Il est, par ailleurs, à l’origine, avec Emmanuel Hirsch, de la création de l’espace Ethique de l’AP-HP, un lieu de réflexion et d’échange sur la dimension éthique de la pratique professionnelle des médecins. Enfin, Didier Sicard a notamment présidé, entre 1991 et 1993, la Commission consultative nationale de la transfusion sanguine. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 29 frm_5882_30-35_baf 14/03/03 10:42 Page 30 L A F O N D AT I O N À L’ É C O U T E Vous faire partager l’enthousiasme et l’énergie déployée par les bénévoles des comités régionaux pour réunir les donateurs et les chercheurs autour et en faveur de la FRM. Etre présents dans les moments d’émotion, d’espoir et de réussite, être ensemble pour mieux encourager la recherche et mieux se connaître. Tel est l’objectif de la rubrique «la Fondation à l’écoute», qui, chaque trimestre, nous réunira autour de quelques temps forts. Rejoignez-nous… A la mémoire d’Yves Pelicier Un concert au profit de la FRM P Laurence Chegaray/Centre Presse our pérenniser la pensée de leur maître, les élèves du professeur Yves Pelicier ont créé l’association qui porte son nom. Cette association a pour objectif de mieux faire connaître l’œuvre du professeur Yves Pelicier et de susciter des travaux de recherche dans la continuité de sa réflexion. Elle a ainsi créé un site Internet*, support particulièrement efficace pour assurer cette diffusion. Eminent psychiatre à l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), le professeur Yves Pelicier a laissé une œuvre de clinicien particulièrement riche, car nourrie de son intérêt pour l’histoire, la philosophie, la psychiatrie sociale et transculturelle. Ses travaux confrontaient, Réservations et locations à partir du 9 juin (10 h-19 h) au 10, rue René-Descartes 86000 Poitiers (tél. : 05 49 88 23 23, fax : 05 49 60 46 48). Prix des places entre 50 F et 80 F. * www. pelicier.org Phanie Un concert exceptionnel au profit de la Fondation pour la Recherche Médicale est organisé le 23 juin à Poitiers, à l’initiative du président du comité régional PoitouCharentes, Philippe de la Porte des Vaux. L’ensemble vocal Josquin des Prés interprétera Elias, oratorio pour soprano, alto, basse solo, chœur et orchestre de Félix Mendelssohn. Cet ensemble de musiciens bénévoles se produira, pour cette unique représentation, dans le cadre prestigieux de la salle des pas perdus du palais de justice de Poitiers (ancien palais des comtes de Poitiers), gracieusement mis à disposition par la municipalité. notamment, les sciences humaines aux neurosciences de façon originale. Son humanisme se retrouve ainsi dans l’ensemble de ses publications sur l’approche thérapeutique des maladies mentales. Approche qu’il préférait pluridisciplinaire car elle permet de mieux comprendre et de mieux soigner le malade. Son respect de l’éthique l’a conduit à promouvoir la création du laboratoire d’éthique médicale de la faculté Necker-Enfants Malades, à Paris. La FRM accueille l’association Yves-Pelicier, garantissant ainsi l’excellence scientifique des projets de recherche soutenus en psychiatrie. Yves Pelicier a créé un laboratoire d’éthique médicale à la faculté Necker-Enfants Malades. 30 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 frm_5882_30-35_baf 14/03/03 10:42 Page 31 La remise des prix du Comité régional Nord-Pas-de-Calais ¢ La mode au grand cœur L La recherche pour les enfants malades peut être très reconnaissante de l’heureuse initiative du magazine Elle, qui tenait à entrer dans le nouveau millénaire par un événement symbolique… et une belle action. Le 9 décembre dernier, Elle a organisé la vente aux enchères d’un ensemble exceptionnel de vêtements et d’accessoires offerts par cinquante grands couturiers et créateurs français dans le cadre de Drouot-Montaigne (Paris), qui avait mis gracieusement à disposition ses salons. Une grande générosité animait les acteurs de cette magnifique manifestation, tous bénévoles, jusqu’au cabinet d’expertise Camard et au commissairepriseur, maître Millon, qui a fait monter les enchères avec humour et dynamisme. Cette action caritative en faveur de la Fondation pour la Recherche Médicale a démontré qu’à l’aube du nouveau millénaire générosité et solidarité n’étaient pas des mots vides de sens. DR Hautecoeur, travaille, quant à lui, sur une nouvelle technique diagnostique qui permettrait de remplacer la pratique de la ponction lombaire, souvent vécue par le patient comme un geste traumatisant mais, encore aujourd’hui, indispensable. Les résultats sont encourageants, car la technique d’isoélectrophorèse mise au point permet d’obtenir à partir de larmes les mêmes résultats qu’à partir du liquide céphalorachidien (LCR). Un simple recueil de larmes suffirait donc à confirmer le diagnostic, évitant ainsi le recours à la ponction lombaire. Patrick Hautecœur travaille sur une nouvelle technique de diagnostic qui pourrait remplacer la ponction lombaire. DR e 18 novembre dernier, les prix du Comité régional Nord-Pas-deCalais ont été remis par sa présidente, Violaine Tiberghien, à deux éminents spécialistes de la sclérose en plaques (SEP) : les professeurs Patrick Vermersch et Patrick Hautecœur. Monsieur et madame Lepage, joailliers à Lille, ont offert dans leurs locaux une réception suivie d’un cocktail en présence de nombreux amis et donateurs. Entreprises grâce à l’aide de la Fondation pour la Recherche Médicale, les recherches des professeurs Patrick Vermersch (clinique neurologique, CHU de Lille) et Patrick Hautecœur (service de neurologie, CH Saint-Philibert) visent, pour le premier, à ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques, pour le second, à mettre au point de nouveaux outils diagnostiques. Le professeur Patrick Vermersch cherche, en effet, à confirmer l’hypothèse d’une origine virale de la sclérose en plaques afin de déboucher sur de nouvelles thérapeutiques, et ce, en étudiant les relations entre des séquences de rétrovirus que l’on retrouve dans notre patrimoine génétique et le système immunitaire de patients atteints de sclérose en plaques. Le professeur Patrick Patrick Vermersch cherche à confirmer l’hypothèse selon laquelle la SEP serait d’origine virale. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne et la recherche P DR artenaires de la Fondation pour la Recherche Médicale depuis de nombreuses années, les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) financent des projets portant essentiellement sur des études épidémiologiques. Au cœur de leurs préoccupations : «L’incidence de l’environnement professionnel sur la santé avec apparition de pathologies spécifiques (évaluation et prévention en fonction des catégories professionnelles).» Ce partenariat, associé à un intérêt marqué de cette entreprise pour le suivi des travaux du chercheur, est de nature à favoriser les échanges entre les scientifiques et le monde du travail et constitue une motivation supplémentaire d’aboutir à l’amélioration de la santé. Grâce aux NMPP, la santé au travail fait l’objet d’investissements en recherche médicale. Le magazine ELLE a organisé une vente aux enchères au profit de la Fondation pour la Recherche Médicale. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 31 frm_5882_30-35_baf 14/03/03 10:42 L A F O N D AT IO N Page 32 À L’ÉCOUTE Rencontres «La passion de comprendre» Philippe Perez-Castaño Entretien avec Martine Aïach, directrice de l’unité 428 de l’Inserm, professeur à la faculté de pharmacie de Paris V, biologiste à l’hôpital Broussais. Qu’est-ce qui fait courir un chercheur ? Comment s’organise sa vie quotidienne, quels sont ses espoirs et ses projets ? Les réponses de Martine Aïach, hématologiste et directrice d’une unité de recherche de l’Inserm. 32 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 14/03/03 10:42 Page 33 « Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu envie de comprendre. Il y avait dans ma famille plusieurs médecins, ce qui m’a poussée à travailler dans le secteur de la santé. Mais je ne voulais pas soigner, je voulais démonter les mécanismes, décrire et raconter “comment ça marche”. Mariée à l’antithrombine Mon domaine de recherche ? C’est le même depuis plus de vingt-cinq ans : la coagulation sanguine et ses inhibiteurs. On peut prendre comme exemple l’antithrombine, molécule qui existe chez chacun de nous et qui régule la coagulation du sang : la thrombine coagule, l’antithrombine contrôle et limite la coagulation. La production excessive de thrombine joue un rôle dans l’apparition de la thrombose, l’embolie pulmonaire, la phlébite, l’infarctus du myocarde, les attaques cérébrales… Toute une vie professionnelle consacrée à quelques molécules…, cela surprend parfois les néophytes. Mais il faut savoir qu’un sujet de ce type représente un vrai continent à explorer ! Tout au long de mes travaux, les résultats obtenus ont ouvert de nouvelles voies, soulevé des questions, révélé des perspectives inédites… Ainsi, j’ai commencé par des recherches cliniques, en travaillant à l’amélioration du diagnostic des maladies liées au déficit en antithrombine. Ensuite, j’ai travaillé sur un plan plus fondamental, en décortiquant les mécanismes mêmes de la coagulation. Puis sont apparus les outils d’analyse génétique. Or, les maladies du sang qui conduisent à la thrombose ont un caractère héréditaire : j’ai donc cherché à identifier les mutations génétiques qui commandent les dérèglements de l’antithrombine. Enfin, depuis quatre ans, nous exploitons les méthodes de représentation des molécules en trois dimensions… pour mieux comprendre leur “comportement” et leurs interactions. Décrire la nature Parmi ces différentes pistes de recherche, si certaines n’ont pas encore trouvé d’issue clinique, d’autres ont débouché sur des applications concrètes. Exemple : la piste génétique. Nous cherchions au départ deux ou trois mutations de gènes impliqués dans les dérèglements de l’antithrombine. Nous en avons découvert et décrit près de 200 ! Soit beaucoup trop de “scénarios” pour être utilisés dans le cadre du diagnostic. Pour l’instant, il s’agit de décrire la nature, de comprendre le fonctionnement de cette molécule…, mais, un jour, ces travaux purement descriptifs constitueront la base d’une nouvelle découverte. Autre exemple : les équipes de mon laboratoire ont établi que, chez certains malades, la molécule d’antithrombine se “cassait”, on dit qu’elle a une forme clivée. Nous avons publié nos observations… et une autre équipe, dans un autre laboratoire, a constaté que “notre” antithrombine clivée pouvait limiter la croissance des cellules cancéreuses ! C’est évidemment une perspective passionnante et chargée d’espoirs. Chercheur et manager La science avance ainsi : des périodes de recherche purement fondamentale, qui nécessitent beaucoup d’opiniâtreté, de temps et de courage car l’issue est forcément aléatoire… et des périodes où tout s’accélère et où une application clinique apparaît. Et c’est souvent grâce au rapprochement de disciplines et d’équipes différentes que l’étincelle de la découverte surgit. Faire avancer la recherche, c’est donc émettre des hypothèses et les vérifier, mais aussi publier, lire, rencontrer d’autres chercheurs, suivre les colloques. La découverte est un processus collectif : le découvreur est celui qui pose la dernière pièce d’un puzzle patiemment rassemblé par d’autres, depuis des années. Et comme directrice d’une unité Inserm, mon travail consiste essentiellement à organiser ces connexions : lire les publications susceptibles d’éclairer mon équipe, susciter des contacts, favoriser la communication et les échanges entre les différents pôles de recherche! C’est aussi gérer les carrières, trouver des financements, veiller au respect des budgets… Bref, tout un travail de “manager”, bien loin des “paillasses”*. De la molécule au malade Pour autant, la maladie n’est pas devenue une idée abstraite. Je fais ce que l’on appelle une carrière “hospitalo-universitaire”, c’est-à-dire que j’occupe un poste de biologiste à l’hôpital Broussais, une fonction indispensable pour donner un sens aux travaux de recherche. Ces allersretours permanents entre la vraie vie et le monde plus théorique du laboratoire sont essentiels pour maintenir ma motivation. D’autant plus que la coagulation est un domaine où l’on sait aujourd’hui prévenir, diagnostiquer et soigner beaucoup de maladies. Notre projet pour les cinq années à venir : décrypter la structure des protéines de “l’antithrombose” pour proposer de nouveaux concepts thérapeutiques. On peut, par exemple, imaginer qu’un jour on sache “copier” ces anticoagulants naturels que sont les inhibiteurs de la coagulation. Il s’agit donc de démonter des mécanismes naturels… pour mieux soigner. Philippe Perez-Castaño frm_5882_30-35_baf Martine Aïach en 5 dates 1966 : interne en pharmacie des hôpitaux de Paris. 1975 : biologiste à l’hôpital Broussais. 1983 : professeur d’hématologie à la faculté de pharmacie de l’université Paris V. 1991 : mise en place d’un groupe de recherche. 1995 : création de l’unité 428 de l’Inserm, intitulée «Risque thrombotique et mécanismes de l’hémostase». * Terme utilisé pour désigner la table de travail en laboratoire. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 33 frm_5882_30-35_baf 14/03/03 10:42 L A F O N D AT IO N Page 34 À L’ÉCOUTE Medical’cup : rencontres maritimes Parrainée par Jean-François Deniau et organisée au profit de la Fondation pour la Recherche Médicale notamment, la Medical’cup, ce sont deux jours de rencontres sportives et conviviales, deux jours de régates en baie d’Aigues-Mortes et de conférences sur des thèmes médicaux liés au monde maritime, comme les maladies infectieuses en mer, la préparation psychologique pour les grandes traversées, la pharmacie de bord et la prévention des accidents liés à la plongée. Toute personne du monde de la Santé, plaisancier ou non, avec ou sans bateau, peut participer à la version 2000 de cette manifestation qui aura lieu le 14, 20 et 21 mai prochain. Lettre du Dr Pierre-Laurent Merle Madame, Monsieur, En août 1997, la Fondation pour la Recherche Médicale m’a permis d’effectuer un stage post-doctoral d’un an dans le laboratoire du professeur E. Kardami, au Canada. Mon objectif était de mieux comprendre l’activation des cellules musculaires du cœur afin de trouver un moyen de prévenir les accidents cardiaques. Comme je vous l’indique dans mon rapport, mon travail au sein de l’équipe canadienne a permis de mieux comprendre le rôle protecteur d’un facteur de croissance (le bFGF, basic Fibroblast Growth Factor) lors d’accidents cardiaques. Ce travail se poursuit actuellement et ouvre la voie vers de nouvelles possibilités de traitements thérapeutiques de certaines maladies cardio-vasculaires. Je me sens très redevable envers la Fondation pour la Recherche Médicale pour son aide. Dans mon cas, comme pour beaucoup d’autres jeunes chercheurs, le fait d’avoir été reconnu par le Conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale, dès mes débuts, a représenté un soutien réellement inespéré et un encouragement moral très stimulant. Pour des jeunes chercheurs appartenant à de petites équipes universitaires, vous ne pouvez savoir comme ce «coup de pouce» est déterminant. Cette aide a été décisive pour l’acquisition de nouvelles connaissances dans un laboratoire de renommée internationale. Ce stage, réalisé grâce à votre aide, a, en outre, indubitablement favorisé mon retour dans une université française, et je m’attache désormais, au sein de ma nouvelle équipe de recherche, à appliquer et à transmettre les connaissances acquises. Je sais bien que c’est grâce à des milliers de donateurs que la recherche française pourra continuer de se développer et que pourront être découverts de nouveaux traitements. La meilleure façon de vous exprimer ma reconnaissance est donc de participer, à mon tour, aux dons privés, car je sais que l’argent confié à votre Fondation permettra de soutenir activement d’autres jeunes chercheurs et contribuera ainsi au progrès des connaissances dans le domaine biomédical. Merci de m’avoir accordé votre confiance et votre soutien financier. Avec toute ma gratitude, DR Dr Pierre-Laurent Merle (à gauche), en compagnie de l’équipe du Pr Elissavette Kardami, de retour en France pour occuper un poste de maître de conférences. 34 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 DR Dr Pierre-Laurent MERLE frm_5882_30-35_baf 14/03/03 10:42 Page 35 La Fondation passe avec succès l’audit de l’IGAS Dans quelques semaines, le Journal officiel publiera le rapport d’inspection de la Fondation pour la Recherche Médicale, réalisé par l’IGAS. En avant-première, Recherche & Santé en publie quelques extraits significatifs… et donne quelques repères sur cet organisme. Qu’est-ce que l’IGAS ? L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est un corps de contrôle interministériel rattaché au ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Sa mission : évaluer la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine social, veiller au bon usage des fonds publics et contrôler l’affectation des fonds collectés auprès du public par les associations, notamment celles qui œuvrent dans le domaine de la santé. Pourquoi la Fondation pour la Recherche médicale a-t-elle été auditée par l’IGAS? Image Bank Il s’agit d’une démarche classique et habituelle. L’Etat soutient les associations, en particulier celles qui sont reconnues d’utilité publique, en autorisant les donateurs à déduire partiellement leurs dons de leurs impôts. Il doit donc exercer un contrôle sur l’utilisation des fonds qui doit être conforme aux messages adressés aux donateurs. Comment se déroule un contrôle? Il s’agit d’un audit extrêmement détaillé : deux inspecteurs généraux ont travaillé pendant quatre mois. Leur analyse porte sur les «comptes d’emplois de ressources», qui exposent la manière dont l’argent des donateurs est utilisé. Leur démarche : vérifier la rigueur de gestion et aussi aider, par leurs recommandations, l’organisme à progresser dans son organisation. «Un peu comme un audit qualité, ce contrôle constructif nous a confortés et fait progresser», souligne Claire Dadou-Willmann, directeur général de la Fondation pour la Recherche Médicale. Quelles pistes de progrès ouvre ce contrôle ? Les conclusions de l’IGAS nous incitent à développer et à encore mieux valoriser les efforts menés par la Fondation pour la formation des jeunes chercheurs. Elles soulignent aussi la nécessité de faire connaître le caractère interdisciplinaire de notre association… Des objectifs qui guideront ainsi nos actions de communication et d’information notamment pour Recherche & Santé. La synthèse du rapport définitif de l’IGAS L a FRM occupe une place prépondérante dans le financement de la recherche médicale française et de la formation pour la recherche. La FRM est maintenant entrée dans une phase d’évolution qui succède à un développement dans la stabilité. La transparence comptable est très satisfaisante. La FRM a adopté des modes de collecte qui n’entraînent pas des coûts trop élevés. La mission n’a que des observations mineures à faire sur le compte d’emploi des ressources qui reflète l’utilisation des fonds. Les situations d’exploitation et patrimoniale de la FRM sont saines. Le contrôle global des comptes et les vérifications faites par la mission ne conduisent à aucune observation sur l’éthique de la gestion. Dans le cadre de la mission qui leur était impartie, les inspecteurs se sont efforcés de tenir compte tant de la taille modeste de la structure administrative de la Fondation que des modifications apportées aux procédures pendant la période contrôlée. Au total, la mission de l’IGAS a constaté qu’elle a pu disposer des informations nécessaires à son contrôle; celui-ci l’amène à considérer que la FRM, au-delà d’améliorations possibles ou à poursuivre, utilise les fonds conformément à son objet, et fait de son action une présentation satisfaisante. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 35 frm_5882_36-39_baf 14/03/03 10:44 L A F O N D AT IO N Page 36 À L’ÉCOUTE Luc Benevello QUESTIONS RÉPONSES Quel est le rôle de la prostate et quels problèmes peut avoir cette glande ? P. C. Puy-de-Dôme L es sécrétions de la prostate déversées dans le liquide séminal protègent et améliorent les capacités fonctionnelles des spermatozoïdes. Ainsi, lors de l’éjaculation d’un volume d’environ 3,5 ml de sperme, 1/7 provient de la prostate. Celle-ci produit du zinc (qui joue probablement un rôle important contre les infections), des phosphatases acides et de l’antigène prostatique spécifique qui sert à liquéfier l’éjaculat. Les principales maladies qui peuvent toucher la prostate sont la prostatite, l’hyperplasie bénigne et le cancer. La prostatite est liée à une BSIP/CMSP Bryson Le Pr Philippe Chanson, du service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction au CHU Bicêtre, donne une information, mais en aucun cas un diagnostic, un pronostic ou un conseil d’ordre thérapeutique. Seul le médecin traitant est habilité à le faire, et c’est lui que vous devez consulter. Prostate hypertrophiée : augmentation du volume d’un tissu par multiplication des cellules menant à l’hyperplasie de la prostate. inflammation de la prostate, parfois secondaire à une infection bactérienne (ellemême due à une infection urétrale avec remontée des germes depuis l’urètre jusque dans la prostate). Ces prostatites peuvent être aiguës, alors marquées par une fièvre brutale, des frissons, un malaise et, souvent, des signes de brûlures urinaires ou d’obstruction urinaire, éventuellement avec une douleur dans la région pubienne. Il existe souvent une infection dans les urines. Un traitement antibiotique est alors indispensable. Dans certains cas, cette prostatite peut évoluer sur un mode chronique avec réapparition de temps à autre d’infections urinaires récidivantes, de douleurs ou de gêne. L’hyperplasie bénigne de la prostate est une maladie dont la fréquence augmente avec l’âge. On estime qu’un homme sur quatre vivant jusqu’à l’âge de 80 ans aura besoin d’un traitement pour cette maladie. En augmentant de volume, le tissu prostatique comprime l’urètre, ce qui provoque des symptômes d’obstruction urétrale avec vidange incomplète de la vessie qui peut être à l’origine d’infections ou de calculs. Le plus souvent, les symptômes sont la difficulté à démarrer la miction ou à vider la vessie, la diminution de la force 36 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 ou du calibre du jet urinaire. C’est l’examen physique avec le toucher rectal qui permet de bien mettre en évidence l’hypertrophie bénigne de la prostate. Cet examen peut être complété par une échographie et par une mesure du débit urinaire (débimétrie). Le traitement de l’hyperplasie bénigne de la prostate est indiqué lorsqu’il existe des troubles mictionnels suffisamment gênants pour le patient, en cas de rétention d’urines ou d’infections urinaires récidivantes, ou encore d’altération de la fonction rénale. On peut proposer d’enlever la prostate par voie naturelle (transurétrale); c’est une technique chirurgicale efficace, bien tolérée chez la plupart des patients, mais qui n’est pas néanmoins dénuée de tout risque. D’autres traitements peuvent être proposés, en particulier des alphabloquants qui diminuent les symptômes obstructifs prostatiques. Récemment, un nouveau traitement par des inhibiteurs de la 5-alpha-réductase capables d’améliorer significativement les symptômes a été proposé. Les décisions de traitement doivent être prises par un urologue, en fonction de l’importance des problèmes. Le cancer de la prostate sera abordé dans le prochain numéro de «Recherche & Santé». frm_5882_36-39_baf 14/03/03 10:44 Page 37 Qu’est-ce qu’un craniopharyngiome ? P. C. Val-de-Marne L Ces tumeurs sont parfois volumineuses, ou kystiques (remplies de liquide). Les conséquences d’un craniopharyngiome sont de deux ordres : – d’une part, il peut retentir sur les nerfs qui appor- BSIP e craniopharyngiome est une tumeur bénigne survenant chez l’enfant ou l’adulte. Elle se développe dans la région de l’hypothalamus ou de l’hypophyse, c’est-à-dire en arrière des yeux, à la base du cerveau. Le craniopharyngiome se développe dans la région de l’hypophyse; (IRM d’un cerveau présentant un craniopharyngiome). tent la sensibilité rétinienne depuis les globes oculaires jusqu’au cerveau, provoquant alors des troubles visuels. – d’autre part, le craniopharyngiome peut, du fait de sa taille, être responsable d’une compression au niveau de l’hypophyse, entraînant une production insuffisante de certaines hormones hypophysaires. En particulier, la diminution de l’hormone antidiurétique, capable de régler la quantité d’eau éliminée, peut être à l’origine d’un diabète insipide qui se caractérise par une élimination urinaire accrue d’eau (cf. R&S n° 81). Lorsque la tumeur est très volumineuse et se développe vers le haut, une compression du système de circulation du liquide céphalo- rachidien peut alors entraîner une hydrocéphalie, c’est-à-dire une hypertension intracrânienne. Une fois déterminée la taille de la tumeur – par un scanner ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) –, on peut proposer de retirer cette tumeur. Cette intervention chirurgicale est une intervention délicate qui doit être pratiquée par un neurochirurgien spécialisé dans ce domaine. Après ablation, on contrôle par des dosages hormonaux que la fonction hypophysaire est rétablie. Il est parfois utile, lorsque la totalité de la tumeur n’a pu être retirée, même si celle-ci est bénigne, de proposer une radiothérapie afin d’éviter qu’elle ne se développe de nouveau. Qu’est-ce qu’une dystonie ? H. F. Haute-Savoie es caractéristiques dominantes des dystonies sont des contractions musculaires involontaires, soutenues (toniques) ou spasmodiques (cloniques) répétées, comme le blépharospasme au niveau de la paupière. Ces contractions sont responsables de mouvements ou de torsions d’un segment du corps en flexion ou en extension (par exemple, crampe des écrivains). Les dystonies sont assez fréquentes. Elles peuvent varier en sévérité, être permanentes ou ne survenir que dans une activité particulière, à l’action. Elles sont généralement exacerbées par le stress, la fatigue, l’activité ou un changement de posture et sont au contraire soulagées par le repos, la relaxation et différents gestes que le patient prend l’habitude de faire. Les dystonies de la face peuvent toucher la bouche, la mâchoire, ou encore le cou (torticolis). La plus fréquente est la dystonie cervicale qui prédomine chez la femme de 50 ans. Il arrive que cette dystonie soit associée à un tremblement. La cause des dystonies n’est pas bien connue : on suggère un trouble fonctionnel dans certaines zones de la base du cerveau (par exemple, au niveau du putamen) ou dans le tronc cérébral. Le plus souvent, l’imagerie cérébrale est normale. Il est vraisemblable qu’il s’agit d’une anomalie de la transmission de certains peptides cérébraux, en particulier noradrénergiques. Certaines dystonies semblent génétiques, d’autres sont «sporadiques», c’est-àdire qu’elles ne sont pas liées à un caractère familial. Le traitement des dystonies fait souvent appel à des techniques de relaxation, au port d’une prothèse ou aux médicaments. Ce sont des anticholinergiques ou des substances bloquant les récepteurs dopaminergiques. Certains relaxants musculaires sont aussi utiles. Lorsque la dystonie est très localisée, il peut être intéressant de proposer des injections de toxine botulinique au niveau des muscles concernés. Le soulagement est remarquable mais souvent temporaire. Ces injections sont effectuées par des neurologues qui en ont une bonne expérience. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 BSIP/laurent/eve L 37 frm_5882_36-39_baf LA 14/03/03 10:44 Page 38 F O N D AT I O N À L’ÉCOUTE Le THS est-il contre-indiqué, après la ménopause, chez une femme ayant été opérée d’un cancer du sein ? P. B. Bouches-du-Rhône L trer un traitement par les œstrogènes. On est même amené, dans certains cas, à proposer une mise au repos définitive des ovaires afin d’empêcher toute production d’œstrogènes. On peut évaluer l’intérêt d’un THS pour prévenir l’ostéoporose en fonction de la présence ou non de ces récepteurs aux œstrogènes, de l’âge de la patiente, du type de cancer, etc. Cette discussion a lieu entre le médecin et sa patiente. Néanmoins, de façon générale, le risque de récidive d’un cancer du sein hormono-dépendant BSIP Cavallini James ’ostéoporose (voir pages 24-25) est particulièrement marquée chez les femmes après la ménopause et est en rapport avec la baisse de la production d’œstrogènes. Aussi est-il recommandé, chez les femmes après la ménopause, de prendre un traitement hormonal substitutif (THS) contenant des œstrogènes et de la progestérone afin de diminuer ou de ralentir l’apparition de l’ostéoporose. Dans le cas d’un cancer du sein hormono-dépendant, les cellules cancéreuses présentent des récepteurs aux œstrogènes qui stimulent la croissance de ces cellules. C’est la raison pour laquelle, en cas de cancer du sein, il est contre-indiqué d’adminis- est plus important que le risque potentiel d’ostéoporose. Lorsque les œstrogènes sont contre-indiqués, on peut recourir à d’autres traitements pour prévenir l’ostéoporose, comme les biphosphonates, le calcium ou la vitamine D. Des recherches sont en cours afin de mettre au point des médicaments capables d’avoir les effets des œstrogènes sur l’os – et de prévenir ainsi l’ostéoporose – sans avoir les effets des œstrogènes sur le cancer du sein. Il s’agit de modulateurs spécifiques des récepteurs des œstrogènes. En cas de cancer du sein un traitement par les œstrogènes est contre-indiqué (vue au microscope d’un cancer du sein). Que donne à long terme l’administration de cortisone sur l’organisme ? Y. L. Drôme L es effets de la cortisone, à long terme, sont différents selon la dose administrée. Dans le traitement d’une maladie inflammatoire, de l’asthme ou d’un rhumatisme articulaire, on prescrit de fortes doses de cortisone (doses pharmacologiques), souvent de manière prolongée, pour diminuer l’intensité de l’inflammation ou de la douleur. Dans ces conditions, les traitements peuvent être responsables d’un certain nombre d’effets secondaires. A savoir : prise de poids, anomalies métaboliques avec parfois apparition d’un diabète. La peau devenue plus fine, plus fragile, se blesse facilement lorsqu’elle est traumatisée et a tendance parfois à se surinfecter. La cortisone peut également être responsable d’une tendance à faire plus facilement des infections par diminution de l’immunité. Enfin, de fortes doses de cortisone peuvent aussi avoir un retentissement sur l’os et accroître le risque de survenue d’une ostéoporose. Il est donc souvent important d’essayer de trouver la «moindre dose efficace», qui permette de limiter les effets secondaires. Pour éviter les problèmes d’os- téoporose, on prescrit parfois vitamine D ou calcium. On peut donner un régime sans sel afin d’éviter la prise de poids, et associer un traitement de potassium pour maintenir sa concentration constante dans le sang. Enfin, un régime peut être prescrit si le patient a tendance à développer un diabète. Néanmoins et malgré ces effets secondaires, dans un certain nombre de cas, les traitements par la cortisone (y compris à fortes doses) sont absolument indispensables et doivent être poursuivis. Lorsque la cortisone est donnée non pas à titre 38 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 pharmacologique, pour diminuer une inflammation ou une douleur, mais pour pallier le manque de sécrétion par les surrénales, elle est administrée à doses physiologiques. Ces très petites doses sont données à vie et n’entraînent pas d’effets secondaires. La dose administrée chaque jour est un traitement substitutif qui correspond à la dose de cortisone normalement sécrétée par les surrénales. Dans ce cas, il n’est bien évidemment pas recommandé de faire un régime sans sel, au contraire, et il n’y a pas de risque d’ostéoporose. frm_5882_36-39_baf 14/03/03 10:44 Page 39 JURIDIQUES Luc Benevello CONSEILS Quelles sont les précautions à prendre pour rédiger son testament sous la forme olographe ? L e terme «olographe» signifie «entièrement écrit à la main». Le testament doit être écrit de la main du testateur et doit l’être en entier. Minuscules ou majuscules, stylo ou plume, tout support, le testament est valable. En revanche, un testament dactylographié est nul, comme un testament imprimé. En cas de contestation de l’écriture, il y a lieu de recourir à la procédure de vérification d’écriture. Le testament doit être personnel. Mari et femme doivent chacun faire leur testament. Il convient d’indiquer ses nom, prénom et domicile et d’éviter les ratures. La rédaction du testament doit être claire et ne pas comporter de formules ambiguës, sources d’éventuelles contestations ou procès. Pour faire un legs à notre Fondation, il faut indiquer en entier «Fondation pour la Recherche Médicale» et, si possible, ajouter notre adresse. Votre notaire pourra ainsi nous contacter plus rapidement. Une lettre missive peut inclure un testament à condition que celle-ci ne fasse pas seulement état d’un projet. La date et la signature sont-elles indispensables sur un testament? L a date est indispensable. Elle doit être lisible et exacte. A défaut le testament est nul. L’absence de signature entraîne également la nullité du testament car il manque un élément essentiel, la volonté du testateur. Sans signature, il ne peut s’agir que d’un projet sans valeur. Ai-je intérêt à demander à mon notaire d’inscrire mon testament au Fichier central des testaments ? L es risques de perte ou de destruction du testament, du vivant du testateur (personne qui rédige le testament) ou après son décès, conduisent à inciter le testateur à déposer son testament chez un notaire et à lui demander de l’inscrire au Fichier central des testaments. Cette inscription du testament est confidentielle et constitue une sécurité réelle. Tout notaire qui ouvre une succession est tenu d’interroger le Fichier central. Il connaît ainsi le lieu de dépôt des dispositions testamentaires et peut les exécuter. Une copie du testament est-elle valable si l’original n’est pas retrouvé ? L a copie d’un testament olographe est sans valeur, ne pouvant être considérée comme le testament lui-même, à la différence de doubles originaux qui comportent l’expression de la volonté du testateur. par Catherine Baechelen, responsable des dons et des legs à la Fondation pour la Recherche Médicale. 01 44 39 75 66/67 Glossaire Fichier central des testaments : fichier sur lequel le notaire inscrit l’existence du testament à la demande du testateur. Cette inscription est confidentielle. La durée de conservation du fichier est de 130 ans à partir du jour de naissance du déposant. Tout notaire qui ouvre une succession est tenu d’interroger le Fichier à l’ouverture d’une succession. Dévolution testamentaire : dispositions qui s’appliquent quand le défunt a laissé un testament. Si le testateur a des enfants, il ne peut disposer que d’une partie de son patrimoine appelée «quotité disponible». Quotité disponible : partie de son patrimoine dont on peut disposer librement en présence d’héritiers réservataires soit par donation, soit par legs. Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000 39