Fondation pour la Recherche Médicale

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RECHERCHE & SANTÉ
Fondation pour la Recherche Médicale
p. 8
n° 82 / 2e trimestre / avril 2000 / 15 F / 2,29 u
Les surdités
de la
génétique
à
n° 82 / avril-mai-juin 2000
l’environnement
Vos dons en action p. 20
L’ostéoporose,
agir avant la fracture p. 24
DÉCOUVRIR
Le syndrome de Muckle-Wells,
un gène, une maladie rare p. 26
Point de vue : Didier Sicard p. 28
POUR GUÉRIR
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ÉDITORIAL
La transparence
et la pédagogie
L’
Inspection générale des affaires sociales (IGAS) vient de
rendre son rapport sur la gestion des fonds confiés à la
Fondation pour la Recherche Médicale par ses donateurs.
Ses conclusions sont très positives : à l’issue de quatre
mois d’enquête, l’IGAS a constaté que des principes de
rigueur, de recherche du «juste coût» étaient appliqués dans la collecte de fonds, la répartition des revenus, le contrôle des dépenses
et le suivi des recherches financées.
Au-delà de la fierté que suscite naturellement cette conclusion, elle
nous enjoint à encore plus de transparence et de pédagogie. L’IGAS
a ainsi formulé deux recommandations clés :
– que la Fondation pour la Recherche Médicale se donne les
moyens de mieux affirmer sa stratégie scientifique ;
– qu’elle valorise davantage son parti pris d’organisme interdisciplinaire, capable de soutenir toutes les recherches scientifiques et
médicales sans exclusivité.
Elle souhaite que la Fondation pour la Recherche Médicale communique davantage, non pour «faire de la pub», mais pour que le
donateur puisse faire son choix en toute connaissance de cause.
Outil d’information scientifique, ancré dans l’actualité de la
recherche, reflet de la vie de la Fondation et de l’avancement des
travaux de recherche financés, «Recherche & Santé» sera bien sûr
au cœur de cette évolution.
Bonne lecture !
Directeur de la publication :
Pierre Joly,
Président de la Fondation
pour la Recherche Médicale,
établissement reconnu
d’utilité publique par décret
du 14 mai 1965
Directeur général :
Claire Dadou-Willmann
Comité de rédaction :
Claire Dadou-Willmann
Pr Claude Dreux
Marie-Françoise Lescourret
Dr Carole Moquin-Pattey
Claude Pouvreau
Marie-Christine Rebourcet
Adélaïde Robert
Périodicité trimestrielle
La reproduction, même partielle,
des articles et des illustrations
est autorisée, sous réserve
de la mention obligatoire
et de l’accord de la rédaction.
Ont participé au dossier :
Maryline Beurg, Didier Bouccara,
Alexis Bozorg Grayeli,
Sylviane Chéry-Croze,
Dr Jean Dagron, Sylvain Ernest,
Bruno Frachet, Pr Serge Herson,
Sandrine Marlin, Dr Lucien
Moatti, Arnaud Norena,
Pr Christine Petit, Jean-Luc Puel,
Pr Rémy Pujol, Pr Olivier Sterkers,
Jacques Schlosser,
Pr Patrice Tran Ba Huy.
Photo de couverture :
Philippe Perez-Castaño
Conception, réalisation :
26, rue du Sentier
75002 Paris
Date et dépôt légal à parution :
ISSN 0241-0338
Dépôt légal n° 8117
Numéro CP 62273
✍
Pour tous renseignements
ou si vous souhaitez vous
abonner, adressez-vous à :
Fondation pour la Recherche
Médicale
54, rue de Varenne
75007 Paris
Service donateur :
0144397576
Information scientifique :
0144397568/92
Publication :
0144397565
Prix de l’abonnement
pour 4 numéros :
60 F/9,15 u
Chèque à l’ordre de la Fondation
pour la Recherche Médicale
Site Internet : www.frm.org
Pierre Joly
Président
La Fondation pour la Recherche
Médicale est membre fondateur
du Comité de la Charte
de Déontologie des associations
humanitaires.
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SOMMAIRE
4 É CHOS
BSIP Cavallini James
CNRI/GJLP
Page 5
Des études
sont en cours
pour expliquer
la résistance
naturelle
à l’hépatite C.
SCIENTIFIQUES
Du syndrome de Papillon-Lefèvre à la polyarthrite
rhumatoïde, le point sur les dernières grandes avancées
médicales internationales.
8 D OSSIER
Les surdités : de la génétique
à l’environnement
La mise en évidence de l’origine génétique de la
plupart des surdités et la découverte rapide des gènes
correspondants sont porteuses d’espoir pour mieux
comprendre le fonctionnement de l’oreille et trouver
de nouveaux traitements.
15
Le droit aux soins pour les sourds
Avec le professeur Herson et le docteur Dagron,
de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
16
Institut Pasteur
18
Les acouphènes : le défi des bruits fantômes
Mieux vivre sa malentendance au quotidien
20 V OS
DONS EN ACTION
De l’ostéoporose aux amyotrophies spinales infantiles,
gros plan sur les projets soutenus par la Fondation
pour la Recherche Médicale.
Page 8 - L’implant cochléaire est une solution à certaines surdités.
24
Ostéoporose : améliorer un dépistage précoce
Une maladie fréquente mais peu reconnue et mal prise
en charge.
26
Inserm U430 Lyon
Page 24
L’ostéoporose,
maladie
dégénérative
du tissu osseux,
touche 30% à 40%
des femmes
ménopausées.
Syndrome de Muckle-Wells :
un gène, une maladie rare
Des chercheurs soutenus par la FRM travaillent
sur l’identification du gène de cette maladie.
28 P OINT
DE VUE
La réflexion éthique au cœur du débat
La performance médicale vaut-elle que nous
lui sacrifiions notre humanité ?
Entretien avec Didier Sicard, président
du Comité Consultatif National d’Ethique.
30 L A F ONDATION
32
À L ’ ÉCOUTE
Rencontres
Martine Aïach, la passion de comprendre.
35
La Fondation passe avec succès l’audit de l’IGAS
36
Questions-réponses
Avec le professeur Philippe Chanson.
38
Conseils juridiques
Philippe Perez-Castaño
Catherine Baechelen.
Page 32
Martine Aïach,
ou la vocation
de chercheur.
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ÉCHOS SCIENTIFIQUES
Parce que nous souhaitons vous communiquer une information
de qualité, hors des «effets d’annonce», indépendante des intérêts
financiers, nous avons rassemblé, dans cette rubrique, les échos
scientifiques et les faits les plus marquants de la recherche médicale
mondiale de ces derniers mois. Des espoirs pour le traitement de la maladie
de Parkinson, des progrès dans la lutte contre la polyarthrite rhumatoïde,
une meilleure compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux
grâce à l’étude des maladies rares… Tour d’horizon des dernières grandes
avancées médicales.
BSIP Astier
La greffe de neurones
fœtaux dans le noyau
strié des patients
atteints de la maladie
de Parkinson montre
jusqu’à présent
des résultats inégaux
mais porteurs d’espoir.
Parkinson : une greffe
de neurones réussie
L
a maladie de Parkinson est
liée à l’absence de sécrétion
de dopamine, une molécule
qui transmet les signaux
nerveux dans la région du cerveau
qui contrôle les mouvements automatiques. Pour pallier ce déficit, on dispose d’un analogue de la dopamine
(la L-Dopa), dont l’efficacité s’épuise
malheureusement après quelques
années de traitement. Devant ces difficultés thérapeutiques, une méthode
4
audacieuse a commencé à être
expérimentée dans les années 80.
Elle consiste à greffer dans la zone
concernée (le noyau strié) des
neurones fœtaux, dans l’espoir
qu’ils se développent et sécrètent
la précieuse molécule, en lieu et place
des cellules défaillantes. Les résultats
se sont montrés jusqu’à maintenant
très inégaux, laissant persister un
doute quant à l’efficacité de ces interventions. Un cas décrit par une équipe
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suédoise, pionnière de cette méthode,
encourage cependant à poursuivre
dans cette voie. Le patient opéré
avait, initialement, une maladie de
Parkinson unilatérale, n’entraînant
de symptômes que d’un côté du
corps. Une greffe a été pratiquée,
en 1989, seulement du côté atteint,
rétablissant la sécrétion de dopamine
à un niveau normal, au point que
le traitement par la L-Dopa a pu
être interrompu. Ce résultat apparaît
encore plus convaincant lorsque
l’on sait que, après quelques années,
des symptômes sont apparus du côté
non traité, alors que l’autre côté
restait indemne. Des examens approfondis ont confirmé, dix ans après, le
succès de la greffe : contrastant avec
le côté non greffé, les neurones à
dopamine étaient toujours présents et
sécrétaient de la dopamine du côté
greffé. Au-delà du succès de la greffe
chez ce patient, ce travail constitue
un modèle précieux d’étude qui
pourra être utilisé dans l’avenir pour
analyser les différentes étapes de la
greffe chez d’autres patients et améliorer ainsi le taux de succès. Source : Nature Neurosciences,
décembre 1999.
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BSIP Cavallini James
Deux facteurs génétiques
de résistance à l’hépatite C
Le virus de l’hépatite C est éliminé spontanément par 5% des personnes contaminées.
On sait que certaines caractéristiques
génétiques peuvent conférer une
plus ou moins grande vulnérabilité
à diverses maladies. Les maladies
infectieuses n’échappent pas à la
règle. Un groupe de chercheurs de
plusieurs pays européens, le groupe
Hencore (Hepatitis C European
Network for Cooperative Research)
vient d’en apporter une nouvelle
Une greffe «fertile»
Pour se développer normalement, les spermatozoïdes ont
besoin d’un environnement
propice qui leur est fourni
par des cellules présentes
dans les testicules : les cellules
de Sertoli. En prélevant
des spermatogonies
(les précurseurs des spermatozoïdes) chez des souris
stériles et en les greffant
dans les testicules de souris
atteintes d’un autre type
de stérilité mais ayant des
cellules de Sertoli normales,
des chercheurs sont parvenus
à obtenir des spermatozoïdes
parfaitement fonctionnels.
Cette étude confirme
l’importance de l’environnement
testiculaire pour la fertilité
mâle et permet d’imaginer
pour l’avenir le traitement
de certaines azoospermies
(absence de spermatozoïdes).
De nombreuses recherches
sont encore nécessaires
avant de pouvoir maîtriser
les techniques qui permettront
d’envisager un traitement de
l’azoospermie chez l’homme. démonstration en étudiant les
phénomènes de résistance naturelle
à l’hépatite C. Pour des raisons
encore mystérieuses, environ 5% des
personnes parviennent à éliminer
spontanément le virus de l’hépatite C
après contamination. Les chercheurs
ont constaté que ces sujets possédaient souvent certaines particularités génétiques du complexe majeur
d’histocompatibilité, un système
qui joue un rôle important dans
les défenses immunitaires, puisqu’il
présente les antigènes viraux aux
cellules chargées de les éliminer.
Des études approfondies sont nécessaires pour préciser le mécanisme
moléculaire exact de ce phénomène
dans le cas du virus de l’hépatite C.
A plus long terme, ces travaux
pourraient servir de base au développement d’un vaccin, destiné à
améliorer les défenses immunitaires
des personnes malades. Source : Lancet, décembre 1999.
Le syndrome de Papillon-Lefèvre
est une maladie héréditaire rare
caractérisée, entre autres, par
une inflammation péridentaire
(ou parodontite) qui détruit le tissu
de soutien des dents et aboutit
à une édentation complète, souvent
avant l’âge de 14 ans. Une équipe
de recherche de l’université
de Manchester vient d’identifier
l’anomalie génétique responsable.
Il s’agit d’une mutation du gène
de la cathepsine C, entraînant
une perte d’activité de cette enzyme.
On sait que la cathepsine C active
les défenses immunitaires,
notamment contre les bactéries
de la plaque dentaire, et contribue
à apaiser les phénomènes inflammatoires. D’autres études doivent
maintenant être menées pour savoir
si un déficit partiel en cette enzyme
peut être en cause dans des formes
moins sévères de parodontite.
L’enjeu est immense, car un tiers
de la population adulte souffre
de cette affection, qui représente
la principale cause du déchaussement et de la perte des dents.
L’hygiène dentaire (brossage
régulier des dents, détartrage) ne
doit pas être négligée pour autant. Source : Nature Genetics, décembre 1999.
Source : Nature Medicine, janvier 2000.
BSIP CMSP SBC
BSIP Laurent/Pioffet
L’inflammation péridentaire
mieux comprise
Un environnement testiculaire propice
est indispensable au développement normal
des spermatozoïdes.
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ÉCHOS SCIENTIFIQUES
Des femmes
de science
à l’honneur
DR
6
Phanie
Le groupe L’Oréal, qui accorde
une importance majeure
à la recherche, a signé un
accord de partenariat avec
l’Unesco et s’engage, à travers
le programme «For Women
and Science», à mettre en
lumière le rôle fondamental des
femmes en matière de
recherche, plus particulièrement dans le domaine des
sciences de la vie. Cinq femmes
de science venues du monde
entier ont ainsi été récompensées par le prix L’Oréal-Helena
Rubinstein. «Les lauréates
témoignent, à travers l’importance
de leurs travaux et la richesse
de leurs parcours professionnels,
de la contribution majeure
des femmes à la recherche. Leur
regard sur la science, leur travail,
l’expérience qu’elles transmettent
aux générations futures sont
indispensables aux avancées
scientifiques d’aujourd’hui
et de demain», a déclaré le
professeur Christian de Duve,
président du jury et prix Nobel
de médecine en 1974. Quand les maladies rares
font avancer la recherche
L’
étude des maladies rares
(appelées aussi orphelines)
peut fournir des clés pour
mieux comprendre les mécanismes biologiques fondamentaux.
Deux travaux récents en donnent
l’exemple. Une équipe de l’Inserm (1),
en collaboration avec des chercheurs
américains, anglais et danois, vient
d’identifier des mutations génétiques
à l’origine du syndrome ICF
(Immunodeficiency, centromere
instability and facial anomalies), qui
touche une quarantaine de personnes
dans le monde. Il est caractérisé par
une immunodéficience entraînant
des infections à répétition et des
anomalies faciales. Les mutations
trouvées affectent le gène codant
une enzyme, la méthyltransférase 3B,
dont la fonction consiste à ajouter
de nouveaux résidus méthyls sur
l’ADN. Or la méthylation de l’ADN
est un moyen privilégié de contrôle
de l’activité des gènes : en règle générale, un gène méthylé est un gène
inactif. Cette voie de contrôle joue
un rôle déterminant, en particulier
au cours du développement de l’embryon, où se produit un jeu constant
et subtil de modification des profils
de méthylation du génome.
Les méthyltransférases contribueraient
ainsi à fixer le profil génétique
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d’un individu donné, au tout début
du développement embryonnaire.
L’étude des gènes codant ces enzymes
et de leurs mutations offre une opportunité irremplaçable d’approfondir ce
mécanisme génétique essentiel. Elle
devrait aider aussi à comprendre le
développement de certains cancers,
liés à des troubles de la méthylation
de l’ADN. Le deuxième travail (2)
concerne le syndrome de Li-Fraumeni,
une maladie héréditaire très rare
caractérisée par le développement
précoce de multiples tumeurs cancéreuses, et due le plus souvent à une
mutation du gène p53, un gène suppresseur des tumeurs. Une équipe
internationale vient de démontrer
que dans certaines formes de cette
maladie, on trouve des mutations
d’un autre gène, le gène hCHK2. Or,
lorsqu’il est intact, ce gène active un
processus qui empêche les cellules de
se diviser si leur ADN est endommagé.
Dans le cas contraire, les cellules anormales, en se divisant, peuvent entraîner le développement d’un cancer.
Ce travail révèle un mécanisme de
cancérogenèse qui pourrait constituer
une cible pour le développement
de traitements anticancéreux. Sources : (1) Nature, novembre 1999 ;
(2) Science, décembre 1999.
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Une prothèse pour les non-voyants
Source : Journal of the American Society for Artificial Internal Organs, janvier 2000.
1
4
3
2
Caméra vidéo
Liaison caméra-ordinateur*
3 Liaison cerveau-ordinateur*
4 Électrodes
* L’ordinateur miniaturisé
est porté en bandoulière
1
Dobelle Institute
2
BSIP Cavallini James
Depuis plusieurs dizaines d’années déjà, des chercheurs caressent l’espoir d’assembler des dispositifs de haute technologie
qui permettraient aux aveugles de retrouver une certaine
vision. Est-ce de la science-fiction ? Plus tout à fait, car l’équipe
du Dr William Dobelle (à Zurich et New York) a réussi à obtenir
des perceptions visuelles chez un patient devenu totalement
aveugle à la suite d’un accident. Pour cela, les chercheurs ont
d’abord implanté 68 électrodes à la surface de son cerveau,
dans la région impliquée dans le traitement des informations
visuelles. Ils ont ensuite mis au point une caméra vidéo, suffisamment petite pour être insérée dans une paire de lunettes,
et un ordinateur capable de transformer les signaux lumineux
enregistrés par la caméra en impulsions électriques, avant que
celles-ci soient transmises aux électrodes cérébrales par un fil
traversant le crâne. Muni de la paire de lunettes et de l’ordinateur attaché à sa ceinture, le patient a pu percevoir des points
lumineux dessinant grossièrement des formes. Il était capable
de lire des lettres de 20 cm de hauteur à une distance de
1,5 mètre et de se déplacer sans aide. Le procédé employé est,
il est vrai, assez lourd, et les résultats sont très éloignés
de la vision naturelle. Mais c’est un premier pas et, selon
les auteurs, des progrès sont possibles, en augmentant le
nombre d’électrodes et en améliorant le traitement du signal. La greffe de moelle
osseuse contre
la polyarthrite rhumatoïde
C
ertaines maladies dites «autoimmunes», comme la polyarthrite
rhumatoïde, semblent dues à
une réaction aberrante du système
immunitaire, qui attaque les propres
cellules du patient. On manque de
traitement efficace contre ces maladies
chroniques, qui peuvent devenir
très invalidantes. L’une des voies de
recherche à l’étude consiste à réaliser
des autogreffes de moelle osseuse
(on a observé chez certains patients
des améliorations de maladies
auto-immunes après une greffe
de moelle osseuse nécessitée par une
autre pathologie). Le principe est
de détruire les cellules immunitaires
du patient par deux cures de traitement immunosuppresseur puissant.
Entre ces deux cures, un peu de
moelle osseuse est prélevée avant
d’être réinjectée à la fin du traitement pour reconstituer plus rapidement les défenses immunitaires.
Des malades atteints de formes
graves de polyarthrite rhumatoïde,
de sclérodermie et de lupus ont
été traités de cette manière. Certains
ont bénéficié d’une rémission de
leur maladie. En l’absence d’étude
comparative, toute la difficulté est
de savoir si ces résultats sont liés
au traitement ou à l’évolution
naturelle de ces affections qui
progressent spontanément par
poussées entrecoupées de rémissions.
Actuellement, ce traitement lourd,
encore expérimental, n’est tenté
que dans certaines formes
graves de maladies auto-immunes. Source : Congrès de l’American College
of Rheumatology, novembre 1999.
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DOSSIER
Burger/Phanie
Il est indispensable
de détecter au plus tôt
les troubles auditifs.
Ici, un nouveau-né
subit un test auditif
comme aujourd’hui
10% des bébés, c’est
encore trop peu.
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Les surdités :
DE LA
Obésité :
GÉNÉTIQUE
À
L’ENVIRONNEMENT
La recherche sur les surdités n’avait fait que peu de progrès
jusqu’à ces dernières années. Aujourd’hui, elle suscite de
formidables espoirs : grâce à la chirurgie, de plus en plus
de sourds profonds (nés ou devenus sourds) sortent du monde
du silence. De plus, la mise en évidence de l’origine génétique
de la plupart des surdités et la découverte rapide des gènes
correspondants ouvrent la voie à une compréhension nouvelle
du fonctionnement de l’oreille et à la recherche
de nouveaux traitements.
LES NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE p. 10
LE DROIT AUX SOINS POUR LES SOURDS p. 15
LES ACOUPHÈNES : LE DÉFI DES BRUITS FANTÔMES p. 16
MIEUX VIVRE SA MALENTENDANCE AU QUOTIDIEN p. 18
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O S S I E R
les surdités
Les nouvelles pistes
de recherche
Dossier réalisé
en collaboration
avec le
professeur
Christine
Petit, directrice
du laboratoire
de Génétique
des déficits
sensoriels
(Institut Pasteur,
CNRS, Paris).
lus de quatre millions de Français
souffrent de troubles auditifs : d’une
surdité légère à une surdité profonde,
qui rend inaudible le bruit le plus
fort. Les surdités ont des conséquences graves – déscolarisation,
illettrisme, désocialisation, dépression –, qui les placent au rang des
handicaps majeurs. Pourtant, dans
notre pays, ces pathologies sont sous-estimées
et mal prises en charge : par exemple, moins de
800 000 malentendants sur 4 millions de personnes souffrant de troubles auditifs portent un
appareil amplificateur. De plus, le nombre de
malentendants va sans doute s’accroître, en raison du vieillissement de la population. Enfin,
faute d’une sensibilisation suffisante de la population aux problèmes que pose la perte auditive,
les surdités vont aussi se manifester de plus en
plus tôt, en raison de l’exposition accrue des
jeunes aux bruits intenses (baladeurs, concerts
de rock…). Si certaines personnes sourdes dès la
naissance revendiquent une «culture sourde»
fondée sur la langue des signes, nombre de personnes devenues sourdes vivent de véritables
drames personnels et fondent beaucoup d’espoirs
sur la mise au point de traitements innovants.
P
Chirurgie de l’oreille :
des progrès spectaculaires
chématiquement, il existe deux grands
S
types de surdités : les plus nombreuses chez
l’adulte, les surdités de transmission, sont dues à
un problème mécanique qui entrave le passage
des vibrations sonores dans l’oreille externe ou
moyenne; les surdités de perception, plus sévères,
en règle générale, sont dues à une atteinte de
l’oreille interne (voir schémas). Dans les deux
cas, l’origine peut en être environnementale
(infection, traumatisme sonore…) ou génétique.
Les surdités de transmission, les plus nombreuses
et généralement les moins graves, bénéficient
aujourd’hui, et de plus en plus, des progrès de la
microchirurgie (chirurgie pratiquée sous microscope opératoire). L’otospongiose, une des
formes de surdité évolutive les plus fréquentes,
qui touche 2% de la population, a vu ainsi son
pronostic bouleversé. Cette maladie, associée à
une susceptibilité génétique, est due à une
atteinte du dernier osselet de l’oreille moyenne,
l’étrier. «L’os se transforme en une sorte d’éponge et
se bloque. Chez certains patients, on obtient aujourd’hui
des résultats spectaculaires en remplaçant l’étrier par une
prothèse en Téflon, insérée au cours d’une anesthésie
générale», s’enthousiasme Didier Bouccara, médecin ORL dans le service dirigé par le Pr Sterkers,
à l’hôpital Beaujon (Clichy). Second progrès
décisif : l’amélioration des appareils auditifs
(«contour d’oreille» ou insérés dans le conduit
auditif), dont le principe est d’amplifier les sons.
Grâce à eux, nombre de personnes dont le monde
sonore se résumait à de vagues murmures perçoivent bruits et paroles. «L’apparition récente des appareils numériques est une évolution considérable»,
●●●
La surdité en chiffres
Environ 4 millions de personnes sont atteintes
de troubles de l’audition en France. Parmi elles :
2 200 000 (55%) ont une surdité légère
(perte auditive de 20 dB à 40 dB)
1 320 000 (33%) ont une surdité moyenne
(perte auditive de 40 dBà 70 dB)
360 000 (9%), une surdité sévère (70 dB à 90 dB)
120 000 (3%), une surdité profonde (plus de 90 dB)
Par tranche d’âge, les surdités se répartissent ainsi :
470 000 sourds et malentendants ont moins
de 18 ans
1 000 000 ont entre 18 et 65 ans
2 500 000 ont plus de 65 ans
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Les mécanismes
de l’audition
Coupe de l’oreille interne
Canaux
semi-circulaires
Crête
ampullaire
Otoconies
Membrane
otoconiale
Cupule
Cochlée
Macule
utriculaire
DR
Macule
sacculaire
Les vibrations acoustiques,
captées et amplifiées par
le pavillon et le conduit auditif,
font vibrer le tympan. Cette
vibration mécanique est transmise aux osselets de l’oreille
moyenne. Le déplacement
du dernier osselet, l’étrier, sur
la fenêtre ovale crée une onde
de pression dans le liquide
de la cochlée. La propagation
de cette onde provoque
le déplacement de cils
des cellules sensorielles
(ou cellules ciliées). La cellule
sensorielle transmet cette excitation au nerf auditif en libérant
une substance chimique.
Le nerf réagit en émettant des
influx électriques qui se propagent jusqu’au cortex auditif
où naît la perception sonore.
Coupe de l’oreille
Canaux semi-circulaires
Enclume
Marteau
Etrier
Vestibule
Pavillon
Cochlée
Conduit auditif externe
Tympan
Trompe d’Eustache
DR
Caisse du tympan
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D
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O S S I E R
les surdités
Une centaine de gènes sont susceptibles,
s’ils sont touchés, de provoquer une surdité.
17 d’entre eux ont été identifiés à ce jour.
souligne le Dr Moatti (hôpital Trousseau,
Paris). «Ces nouveaux appareils traitent les signaux
sonores pour extraire la parole du bruit de fond»,
explique le Pr Frachet (hôpital Avicenne, Bobigny).
Ces toutes dernières années, il est aussi devenu
possible d’appareiller avec succès des personnes
– enfants et adultes – dont la sévérité de l’atteinte
est telle que les appareils classiques ne sont d’aucune efficacité. Les cellules de l’oreille interne ne
fonctionnent pas : le message ne peut atteindre
le nerf auditif et la surdité est profonde. Une
solution radicalement innovante peut désormais
être proposée : l’implant cochléaire. Le chirurgien glisse un appareillage comportant plusieurs électrodes dans l’oreille interne, pour
transmettre les signaux électriques correspondant aux sons extérieurs directement sur le
nerf auditif.
●●●
L’étude des
cellules ciliées
externes
de la cochlée
(ci-contre)
permettra peutêtre d’expliquer
certaines formes
de surdités.
L’implant cochléaire, une solution
encore trop onéreuse
Inserm
condition d’être associé à une rééducation
A
très solide, cette solution peut donner des
résultats spectaculaires, surtout chez des enfants
La FRM soutient des travaux sur les
cellules ciliées externes de la cochlée
Certaines recherches
fondamentales, consacrées
au fonctionnement même des
cellules sensorielles, ouvrent
des perspectives encourageantes.
Au Laboratoire de biologie
cellulaire et moléculaire de
l’audition, l’équipe mixte Inserm
et université de Bordeaux 2,
Maryline Beurg se consacre
aux cellules ciliées externes de
la cochlée. En oscillant à haute
fréquence, elles amplifient plus
de cent fois l’onde acoustique
avant de la transmettre aux
cellules sensorielles connectées
au cerveau, les cellules ciliées
internes. Les mécanismes
permettant la contraction
haute fréquence de ces cellules
restent encore mystérieux.
Les recherches menées à
Bordeaux permettent d’isoler
et de manipuler une par une,
sous microscope, les minuscules
et fragiles cellules ciliées
externes (voir photo).
Des résultats récents suggèrent
qu’une protéine membranaire
spécifique pourrait être impliquée.
Si cette hypothèse est confirmée,
il restera à savoir si des défauts
de cette molécule expliquent
certaines formes de surdités.
nés totalement sourds qui peuvent ainsi apprendre à parler normalement. En France, 200 personnes bénéficient d’implants cochléaires
chaque année. Tout récemment, de nouveaux
progrès ont été apportés à cette technique. Ainsi,
«chez des patients souffrant de neurofibromatose de
type II, maladie dans laquelle les nerfs auditifs sont
comprimés par des tumeurs, les électrodes liées à un
micro peuvent être placées dans le tronc cérébral, où
font relais les fibres auditives qui montent vers le cortex auditif», explique Alexis Bozorg Grayeli (hôpital Beaujon, Clichy). Bien qu’elles donnent des
résultats que l’on peut qualifier de spectaculaires
et qu’elles soient appelées à s’améliorer d’année
en année, ces techniques ultra-sophistiquées
sont onéreuses et ne bénéficient au mieux qu’à
quelques centaines de patients chaque année en
France. Dans le monde, seuls quelques milliers
de patients ont reçu un implant auditif à ce jour.
Aujourd’hui, une véritable révolution dans les
surdités vient de la génétique. «Il y a cinq ans a
débuté l’identification des gènes responsables de surdités isolées (c’est-à-dire non associées à d’autres
symptômes). Grâce à la connaissance de ces gènes, on
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Luc Benevello
Glossaire
Christine Petit, directrice du laboratoire Génétique des déficits sensoriels à l’Institut Pasteur (Paris).
découvre progressivement une grande variété de dysfonctionnements moléculaires et cellulaires. Cette compréhension est essentielle pour une recherche de nouveaux
médicaments ciblés», explique Christine Petit.
Plus de 80% des surdités
congénitales sont d’origine génétique
deux copies de ce gène (une de chaque parent)
est atteint d’une surdité. La sévérité de cette surdité est variable, y compris au sein d’une même
famille, ce qui implique l’intervention d’autres
gènes ou de facteurs environnementaux.
Plusieurs études suggèrent que la connexine 26
semble jouer un rôle crucial dans le contenu
●●●
es avancées ont profondément remanié la
C
conception que l’on avait de la surdité de
l’enfant. «Longtemps, la composante héréditaire de
Burger/Phanie
ces surdités a été considérée comme minoritaire.
Aujourd’hui, grâce aux progrès accomplis, on sait que
plus de 80% des surdités congénitales sont d’origine
génétique. Une grande partie de ces surdités est due à
l’atteinte d’un seul gène chez la personne sourde. Au
total, une centaine de gènes sont susceptibles, s’ils sont
touchés, de provoquer une surdité. A ce jour, 17 d’entre
eux ont été identifiés», révèle la généticienne. Les
déficits qu’ils entraînent peuvent certes toucher
les cellules sensorielles elles-mêmes, mais également une dizaine d’autres types cellulaires présents dans l’oreille. L’un des gènes captive particulièrement les chercheurs : celui qui code une
protéine nommée connexine 26. «Le gène de la
connexine 26 rend compte de 40% à 50% des surdités congénitales ou prélinguales dans les pays développés», précise Christine Petit. Les travaux de son
laboratoire ont révélé que 1 à 2 millions de personnes en France portent une mutation dans
l’un des deux exemplaires de ce gène. Si les deux
parents sont porteurs d’une mutation, ils entendent normalement. Mais l’enfant qui a reçu
Pour un diagnostic précoce
Il est essentiel de détecter au plus tôt un trouble
auditif, pour fournir à l’enfant les moyens
d’un développement psychoaffectif équilibré,
l’appareiller et commencer une rééducation
orthophonique. Dans l’idéal, tous les nouveau-nés,
ou au moins les enfants à risque (surdité
dans la famille, difficultés pendant la grossesse
ou l’accouchement) devraient subir des tests
auditifs. Dans la pratique, seuls 10% des bébés
sont testés, selon le Dr Lucien Moatti (hôpital
pour enfants Armand-Trousseau, Paris). Aujourd’hui encore, l’âge moyen de confirmation d’une
surdité profonde dépasse 12 mois en France, ce
qui est trop tardif. Pour éviter
d’en arriver là, il faut s’alerter
à certains signes : un bébé
qui ne se calme pas lorsqu’on
lui chante une chanson, qui
ne se réveille pas sous l’effet
d’un grand bruit, qui ne réagit
pas lorsqu’on prononce son
nom doit subir un test auditif.
• Cellules ciliées :
cellules
sensorielles
de l’oreille interne.
Celles de la cochlée
répondent aux
vibrations sonores,
tandis que celles
du vestibule
répondent aux
accélérations,
en particulier
celles qui
sont liées aux
déplacements
de la tête.
La stimulation
des cellules
ciliées déclenche
celle du nerf
auditif qui
transmet l’influx
nerveux
au cerveau.
• Mutation :
«erreur» dans
la séquence
d’un gène (par
exemple, remplacement d’une
base C par une
base A, perte ou
addition d’une ou
plusieurs bases).
Selon sa nature,
la mutation aura
ou non un effet
sur la production
de la protéine
ou sa fonction,
et en conséquence
sera ou non
à l’origine
d’une maladie.
• Surdité génétique :
surdité liée
à une mutation
dans un gène
qui dirige
l’expression
d’une protéine
nécessaire à la
fonction auditive,
et agissant, dans
la plupart des
cas, au niveau de
l’oreille interne.
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BSIP/Laurent
les surdités
Dans le monde, quelques milliers de patients ont reçu
un implant cochléaire à ce jour.
en potassium des liquides de l’oreille interne.
Les chercheurs pensent aujourd’hui que trop de
potassium, ou pas assez, pourrait paralyser les
cellules sensorielles, voire même leur être fatal
(voir encadré ci-dessous). Pour en savoir plus,
les chercheurs doivent générer des modèles animaux qui miment l’atteinte observée chez l’être
humain et qui permettent de tester l’action de
molécules susceptibles de restaurer une concentration de potassium normale. Les travaux de
génétique ont également mis en évidence le fait
qu’il existe des bases héréditaires à la sensibilité
de l’oreille au bruit, à l’apparition de troubles
auditifs chez les personnes d’âge mûr, et à la vulnérabilité à une classe particulière d’antibiotiques, les aminoglycosides. «Nous savons aujourd’hui qu’ils peuvent induire des surdités chez des individus porteurs de mutations dans certains gènes»,
explique Christine Petit. Ce résultat est d’importance : il doit permettre de guider la pratique
thérapeutique et d’éviter des surdités accidentelles. «Avant toute prescription de ces médicaments,
l’absence de troubles auditifs dans la famille doit être
vérifiée. Au moindre doute, une analyse de l’ADN
devrait être effectuée. Ce test diagnostique est très
simple», ajoute la chercheuse. Outre la possibilité de diagnostiquer une sensibilité génétique de
l’oreille aux antibiotiques, les scientifiques sont
désormais en mesure de dépister des anomalies
génétiques entraînant des surdités congénitales
(telles que celles qui sont liées à la connexine
26). Ainsi, il est en théorie possible de savoir, dès
le début de la grossesse, si l’enfant à naître porte
une mutation de ce gène. La question peut se
poser, notamment, dans les familles où un ou
plusieurs enfants nés auparavant sont sourds.
De tels diagnostics ont été demandés dans notre
pays, mais très rarement (par exemple, en cinq
ans, sur 350 familles venues à la consultation de
génétique des surdités de l’hôpital Trousseau à
Paris, seules 5 demandes ont été formulées). Le
Comité Consultatif National d’Ethique a émis un
avis défavorable quant à la pratique d’une interruption thérapeutique de grossesse dans le cas où
une surdité isolée serait diagnostiquée pendant
la grossesse. En revanche, le diagnostic pourrait
être une aide au dépistage précoce de surdité
chez un deuxième enfant. Ainsi, la famille, informée de sa surdité et des moyens pour y faire
face, pourrait appareiller l’enfant au plus tôt et
réduire son handicap. Les recherches en génétique
suscitent maintenant de vrais espoirs. Jusqu’ici
peu soutenues, elles méritent de l’être davantage
pour aboutir à des traitements. L’amélioration de la
prise en charge, de l’insertion sociale, et la recherche
de traitements vont, espère-t-on, permettre aux
sourds de mieux vivre leur handicap. ■
●●●
BSIP/Laurent/Annette
Le mystère de la maladie de Ménière
La maladie de Ménière est une forme de surdité de l’adulte qui se manifeste lors de crises
imprévisibles, associées à des vertiges, des nausées et d’autres signes neurovégétatifs
(vomissements, sueurs, diarrhées…) ainsi qu’à des acouphènes. «Toute l’oreille interne
est touchée : la cochlée, organe de l’audition, et le labyrinthe, organe de l’équilibre,
souligne Patrice Tran Ba Huy, chef du service ORL de l’hôpital Lariboisière (Paris).
Il semble que l’origine des symptômes soit une surabondance d’endolymphe, le liquide
qui remplit le labyrinthe, ce qui en distend les parois, et par endroits, les rompt.» A l’heure
actuelle, les chercheurs sont incapables d’expliquer cette surabondance (et de la contenir).
La piste de l’endolymphe dépasserait largement le cadre de la seule maladie de Ménière.
«Je pense que plus de 40% des surdités brusques sont liées à une perturbation de
la sécrétion de l’endolymphe ou de sa composition ionique (calcium, potassium, sodium…)»,
précise le Pr Patrice Tran Ba Huy. Des minipompes implantables seraient-elles capables
de corriger ces anomalies ? Les recherches en cours visent à répondre à cette question.
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Opinion
Le droit aux soins pour les sourds
Avec le Pr Serge Herson et le Dr Jean Dagron, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
oici cinq ans, la toute première consultation en langue des signes a ouvert ses
portes dans le service de médecine interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
A l’origine, la demande des patients sourds atteints de pathologies complexes, leur
revendication d’un droit fondamental à comprendre et à être compris a trouvé un
écho favorable auprès de notre service. La qualité même de la prise en charge
médicale pâtit des problèmes de communication médecin-malade. Les problèmes
liés à la prévention se posent également : comment donner une vraie information
sur les maladies contagieuses (sida, hépatites) ? Quid du secret médical, si le patient
doit impérativement être accompagné d’un parent ou d’un interprète ? Pour remplir
sa mission de service public, le médecin doit parler la langue de ses patients. Chez
certains sourds profonds, le message médical est d’autant plus difficile à faire passer
que nombre d’entre eux sont illettrés; la communication écrite est donc réduite à
quelques mots. De surcroît, les sourds n’ont généralement pas accès culturellement
à des connaissances en biologie et en physiologie. Se pose un gros problème de
vocabulaire, certains concepts n’existent pas en langue des signes. L’explication de
la maladie, de ses causes, le mode de traitement et les nécessités de le suivre, les
informations sur ses conséquences «passent» difficilement dans le cadre d’une
consultation classique. Concernant le diabète, par exemple, comment expliquer ce
qu’est la glycémie, qu’il faut faire des injections quotidiennes d’insuline ? Or, bien
souvent, au cours d’une consultation classique, le médecin pense à tort que son
patient malentendant a bien compris. Les entendants et les sourds vivent dans deux
mondes perceptifs et conceptuels très différents.
La consultation pour sourds que nous avons mise en place comprend quatre
personnes bilingues (français-langue des signes) : la personne de l’accueil, de
formation paramédicale, elle-même sourde (titularisée par l’AP-HP), une
assistante sociale, un interprète et un spécialiste de médecine interne. En cinq ans,
cette consultation a accueilli 1 200 personnes, la plus forte demande concernant la
gynécologie. Les patients nous contactent par Minitel, par fax ou par écrit. Dès leur
arrivée, ils sont soignés sur place ou dirigés vers le service concerné avec un
interprète. Notre activité s’intègre, en outre, dans un travail de recherche mené en
collaboration avec une équipe de linguistes et les responsables pédagogiques
sourds des principales associations d’enseignants de la langue des signes
(département de Sciences du Langage, université Paris VIII). Cette collaboration permet
de réfléchir à la conception de néologismes de la langue des signes («anticorps»,
«hormone»…) et d’enrichir la langue. La simple traduction ne fonctionne pas, et la
chronologie dans la construction de la phrase a toute son importance. D’autres pays, (les
pays nordiques et anglo-saxons, notamment) ont beaucoup plus d’interprètes depuis
longtemps mais n’avaient pas de rencontres organisées entre le monde des sourds
et le monde des soignants. Les perspectives sont encourageantes, le besoin de professionnels sourds dans les équipes médicales est maintenant reconnu. Ainsi, grâce au
soutien des institutions concernées, un concours d’aides-soignants est ouvert avec 6 places
réservées aux sourds. Des consultations du même type s’ouvrent à Bordeaux et à
Grenoble, et bientôt dans d’autres villes. Ainsi, de plus en plus de sourds auront accès
aux soins de qualité. Mieux, cette obligation d’expliquer selon une façon de penser
différente nous a beaucoup appris pour l’accès aux soins d’autres populations.
Ainsi, le travail réalisé pour quelques-uns pourra, à terme, bénéficier à tous.
Luc Benevello
Luc Benevello
V
Dr Jean Dagron,
patricien hospitalier,
responsable de
l’équipe d’accueil
et de santé de la
population sourde.
Pr Serge Herson,
professeur des
universités, chef du
service de Médecine
interne groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
«
Le travail
réalisé
pour quelques-uns
pourra, à terme,
bénéficier à tous.»
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les surdités
Avec la collaboration d’Arnaud Noréna et de Sylviane Chéry-Croze, chercheurs
au laboratoire Neurosciences et Systèmes sensoriels (UMR CNRS 5020) à l’hôpital
Edouard-Herriot de Lyon.
Les acouphènes : le défi
des bruits fantômes
Les spécialistes
de l’audition butent
sur une pathologie
énigmatique : les
acouphènes, bruits
chroniques, souvent
très intrusifs. Des
travaux soutenus
par la Fondation
pour la Recherche
Médicale.
P
lus de 5 millions
de Français souffriraient d’acouphènes.
Ils perçoivent des
sensations sonores
(sifflements, bourdonnements, bruits de vent
ou de vagues…), de façon
permanente ou intermittente, dans une seule
oreille ou dans les deux,
associées dans la plupart
des cas à une perte de
l’audition. Seule la personne
qui souffre de ces acouphènes peut les entendre :
«Ce sont de véritables illusions
auditives», résume Arnaud
Noréna, du laboratoire
Neurosciences et Systèmes
sensoriels de Lyon.
Au mieux, les acouphènes
engendrent une simple
gêne ; parfois, ils sont très
difficiles à supporter, perturbant l’endormissement,
la lecture, ou toute activité
qui demande une concentration importante. De
plus, le stress les aggrave.
Il n’existe pas de véritable
traitement pour en venir
à bout. En revanche,
les acouphènes semblent
moins «audibles» lorsqu’ils
sont noyés dans le bruit
environnant, ou lorsque,
par un long effort d’apprentissage, on parvient
à ne plus porter attention
à eux (grâce, par exemple,
à la relaxation, au yoga,
ou à la thérapie comportementale et cognitive).
Inserm
Le cerveau trompé
Cochlée disséquée d’un homme d’âge mûr présentant une raréfaction
des cellules sensorielles et des fibres nerveuses de la base de la cochlée,
correspondant à la perception des sons aigus.
Les mécanismes exacts
qui provoquent les acouphènes demeurent encore
mystérieux. Souvent (mais
pas systématiquement),
les symptômes apparaissent
à la suite d’un traumatisme
sonore (discothèque,
concert rock, explosion…),
d’une maladie de l’oreille
(maladie de Ménière,
otospongiose, presbyacousie, otite…) ou de
la prise d’un médicament
ototoxique (antibiotiques,
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aspirine à haute dose,
quinine…). «Une partie de
l’explication vient de lésions
mineures des cellules ciliées
de la cochlée. Mais ces lésions
n’expliquent pas tout. Des
signaux électriques anormaux
sont générés dans le système
auditif, et le cortex auditif les
interprète comme de véritables
sons», précise Sylviane
Chéry-Croze, chercheur
en neurosciences à Lyon.
Dans son équipe, Arnaud
Noréna a récemment
obtenu des résultats
éclairants quant aux
mécanismes générateurs
de certains acouphènes,
grâce à l’aide apportée
par la Fondation pour
la Recherche Médicale.
L’imagerie médicale
pour mieux comprendre
Les chercheurs lyonnais
ont étudié des personnes
qui présentent également
une perte auditive. Elles
entendent moins bien certains sons, et en particulier
ceux dont la fréquence est
celle de l’acouphène. «C’est
très paradoxal, commente
Arnaud Noréna, car sur
cette fréquence, les patients ont
de meilleures performances
de discrimination perceptive
(différenciation entre deux
sons de fréquence voisine).»
Ce résultat suggère qu’une
réorganisation du cortex
auditif serait à l’origine
de ces sensations.
Elle se manifesterait par
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Philippe Perez-Castaño
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Arnaud Noréna et Sylviane Chéry-Croze travaillent sur le phénomène des acouphènes.
une sur-représentation
des neurones impliqués
dans la reconnaissance
d’une gamme de fréquences
particulières. Une réorganisation cérébrale similaire
a été observée dans les cas
de douleurs fantômes des
membres (douleurs semblant venir d’un membre
dont on a été amputé).
Forts de ces résultats, les
chercheurs veulent maintenant visualiser, grâce aux
très puissants instruments
d’imagerie cérébrale,
les zones de cerveau qui
se réorganisent. Lorsqu’ils
en sauront plus, ces
chercheurs pourront
sans doute imaginer
de nouveaux traitements.
Déjà, aux Etats-Unis,
certaines équipes tentent
de traiter les acouphènes
par des sons de fréquences
voisines de celles de
l’acouphène. Mais l’efficacité de cette méthode
n’est pas encore prouvée.
Même lorsque les progrès
de la recherche nous
auront livré causes
et traitements des
acouphènes, ce précieux
conseil restera d’actualité :
ne jamais se placer
à proximité des enceintes
en discothèque ou lors
d’un concert de rock. ■
Association france-acouphènes :
http://www.franceacouphenes.org
La piste du glutamate
L’équipe de Jean-Luc Puel, dans le laboratoire Inserm Neurobiologie
de l’audition dirigé par le Pr Rémy Pujol, à Montpellier, travaille
depuis plusieurs années sur une piste nouvelle. Les chercheurs
ont démontré que les traumatismes de l’oreille associés aux
acouphènes provoquent une libération excessive de glutamate
qui vient des cellules sensorielles auditives au contact du nerf
auditif. Selon les recherches menées récemment au laboratoire,
cet excès provoquerait un auto-entretien de l’activité de ce nerf,
qui serait responsable des acouphènes. Cette hypothèse ouvre
des pistes thérapeutiques encourageantes : il est envisageable
de bloquer l’action du glutamate grâce à des agents pharmacologiques adaptés (des antiglutamates). Ces derniers seraient
amenés directement dans l’oreille interne au moyen de petits
cathéters par voie trans-tympanique. Cette technique de pharmacologie locale permet des traitements à très faibles doses,
tout en s’affranchissant des effets secondaires des antiglutamates.
Cette méthode pleine d’espoir est actuellement validée au plan
expérimental ; des essais cliniques sont en cours.
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les surdités
Avec la collaboration de Jacques Schlosser, président de l’ARDDS-AIX (section locale de l’association
de Réadaptation et de Défense des Devenus Sourds et des Malentendants) d’Aix-en-Provence (1).
Mieux vivre sa malentendanc
Devenir sourd est vécu comme une épreuve personnelle et familiale. Malgré tout,
de nombreuses aides permettent de mieux vivre ce handicap et de maintenir des contacts
sociaux quasi intacts. Voici comment.
Accepter
Travail de deuil
apparition progressive et
a fortiori brutale d’une surdité
entraîne souvent une réaction de
refus ou de révolte, suivie d’une
phase dépressive. Tant qu’elles ne
s’installent pas dans le long terme,
ces réactions traduisent l’accomplissement d’un nécessaire travail de
deuil au terme duquel la personne
malentendante va progressivement
accepter que sa vie ne soit plus
comme avant. Afin de traverser
le mieux possible cette période
difficile, il faut accepter le soutien
de ses proches et celui d’associations.
Image Bank
L’
Amplifier les sons
Appareillage auditif et boucle magnétique
orter un appareil est essentiel, et ce, le plus tôt possible, dès lors que l’on
ne peut plus suivre une conversation normale avec une autre personne.
Après la visite chez l’ORL, il est recommandé de se rendre chez l’audioprothésiste avec une tierce personne entendante, et d’essayer longuement l’appareil dans la vie courante avant de l’acheter (les embouts intra-auriculaires
seront généralement facturés). L’adaptation cérébrale à la prothèse peut
néanmoins nécessiter quelques semaines, voire quelques mois. Lorsqu’elles
possèdent une position «T», les audioprothèses permettent, en outre, de
bénéficier de la réception par induction magnétique (moins de distorsions et
élimination des sons parasites). Cela fonctionne dans la plupart des cabines
téléphoniques publiques et dans certaines salles de spectacle (boucle magnétique). Il est également possible de réaliser une installation chez soi pour
écouter la télévision, la chaîne hi-fi, et de s’équiper d’un téléphone adéquat.
1. Jacques Schlosser, ingénieur scientifique, est atteint d’otospongiose, surdité dégénérative qui a commencé à l’âge de 15 ans environ. Trente-cinq ans plus tard,
sa surdité est sévère à droite et quasi profonde à gauche. Depuis l’âge de 27 ans, il porte des appareils auditifs qui lui permettent aujourd’hui de mener une conversation téléphonique tout à fait normalement. Il a créé l’association ARDDS (http://perso.wanadoo.fr/schlosser-aix).
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Voisin/Phanie
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Le prix des
prothèses
e au quotidien
Avertir
Les aides techniques
C
omment faire si l’on n’est pas sûr d’entendre les sonneries courantes : téléphone,
porte d’entrée, réveille-matin, etc. ? Il existe
de nombreuses aides techniques : outre les
boucles magnétiques dont nous avons mentionné l’existence, on trouve des avertisseurs
à flashes lumineux puissants pour la sonnerie
du téléphone ou les portes d’entrée. Pour
le réveille-matin, il existe aussi des appareils
vibrants à placer sous l’oreiller… très efficaces !
Communiquer
Mobiles, Minitel, Internet…
Image Bank
B
Aider
Conseils à l’entourage
L
a vie d’une personne malentendante est facilitée lorsque
le comportement de l’entourage est
adapté. Il est inutile de crier, cela
sature les appareils auditifs ; il suffit
de répéter à peine plus fort, et un
peu plus lentement, en articulant
mieux mais naturellement en se
plaçant bien en face de son interlocuteur, et à la lumière ; s’en approcher lors de conversation de groupe.
Ne pas hésiter à s’aider des mains,
de mimiques, même à toucher.
Bien sûr, ne pas parler dans le dos,
à distance, ni d’une pièce à l’autre.
ien qu’ils créent assez souvent des interférences
avec les prothèses (il faut alors les utiliser en
kit mains libres), les téléphones portables (dotés
de vibreurs) sont utiles lorsqu’ils permettent de
s’échanger des petits messages écrits ou encore des
e-mails (courrier électronique). L’achat d’un fax
– il existe des modèles simples relativement bon
marché – est également judicieux; il faut évidemment que les interlocuteurs en possèdent un
également (ou bien un micro-ordinateur). La
communication de Minitel à Minitel est possible
grâce au boîtier dialogue (mais attention, l’échange
par écrit est lent, et donc cher), sinon, le 3618
permet cette communication. Il est possible
d’envoyer des fax ou des e-mails par le 3611. Reste
la possibilité de s’équiper d’un micro-ordinateur
de se connecter à Internet et de participer à des
forums de discussion sur n’importe quel sujet.
Parler
Lecture labiale
I
l est vraiment recommandé d’apprendre
la lecture sur les lèvres (stages, cours) le plus
tôt possible, à partir d’une surdité moyenne.
Ce peut être un auxiliaire précieux, notamment pour les discussions dans le brouhaha,
qu’il est toujours difficile de suivre avec une
audioprothèse ; et c’est un investissement
pour l’avenir dans le cas d’une surdité évolutive.
En France, seules
600 000 à 800 000
personnes sont appareillées sur 4 millions
de malentendants…
Nombre de personnes
malentendantes
renoncent à s’appareiller en raison du
prix des prothèses :
entre 5 000 F et 12 000 F
par oreille. Le remboursement de la
Sécurité sociale pour
l’adulte se fait sur
la base de 1 310 F
environ : il se monte
à 851 F, et seule
une oreille est remboursable. Avec une
mutuelle, le remboursement est plus élevé,
mais obtenir un remboursement de 50% du
prix de l’appareil est
un privilège rare. Ne
faudrait-il pas envisager une prise en charge
sociale plus complète,
mais aussi des prothèses moins chères,
même s’il y a des
oppositions (on trouve
aujourd’hui des
lunettes de presbytes
à 100 F, et cela n’a
pas tué le marché) ?
L’appareillage est
totalement pris en
charge jusqu’à 16 ans,
à raison de deux
appareils tous les ans,
si nécessaire. Après
16 ans, même en cas
d’appareillage stéréophonique, un seul
appareil est pris en
charge, tous les cinq
ans, par la Sécurité
sociale (1 350 francs).
La raison budgétaire
prime alors sur la qualité de compensation
du handicap, ce qui
pénalise les patients.
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VOS
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Page 20
DONS
EN
ACTION
Vos dons jouent un rôle capital dans l’avancement des travaux
de recherche médicale. Explorer de nouvelles pistes de recherche,
multiplier les échanges entre les disciplines et les chercheurs,
déceler plus précocement certaines pathologies graves pour mettre
en place plus rapidement les traitements, découvrir la meilleure prise en
charge diagnostique puis thérapeutique…, tels sont les principaux objectifs
que s’est fixés la Fondation pour la Recherche Médicale en multipliant
ses programmes. Cette rubrique «Vos dons en action» présente quelques-uns
des 600 travaux financés chaque année par la Fondation grâce à vos dons.
L’influence du stress in utero
La vie d’un individu
est-elle conditionnée
par le stress
pré ou post-natal ?
Un thème de
recherche soutenu
par la Fondation
pour la Recherche
Médicale
Phanie
L
e stress chez une femme
enceinte aurait-il une
influence sur le devenir
du bébé ? Peut-il être à l’origine de
certains troubles qui persisteraient
à l’âge adulte ? Le comportement
maternel peut-il engendrer des
altérations neurobiologiques chez
le nouveau-né ? Autant de questions, autant d’hypothèses. Pour
les vérifier, le Pr Stefania Maccari,
dans le laboratoire de neurosciences
du comportement du professeur
Henrique Sequeira (Inserm, université de Lille I), mène actuellement grâce à vos dons, une vaste
étude de neurobiologie. «L’objectif
est d’observer chez le rat quelles sont
les influences du stress pré et post-natal
sur l’activité de certaines parties du
cerveau impliquées dans des fonctions
cognitives, comme la mémoire, ou émotionnelles, comme l’anxiété, explique
Des modifications de l’environnement hormonal du fœtus, par l’intermédiaire d’un stress chez la mère,
peuvent engendrer des altérations neurobiologiques à court et long termes. Cette hypothèse est à l’étude.
le chercheur. De plus, nous rechercherons si le stress prénatal engendre
à long terme des modifications de
l’activité de plusieurs neurotransmetteurs ou hormones comme l’acétylcholine
20 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
et les neurostéroïdes, qui seraient associés
à des perturbations du comportement.
L’explication des mécanismes impliqués
dans ces troubles permettra alors d’envisager des approches thérapeutiques.»
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Les neurones
de l’apprentissage
Amyotrophies spinales
infantiles : sur la piste
de la protéine SMN
Les amyotrophies spinales infantiles (ASI) constituent
une famille de maladies héréditaires se caractérisant
par une perte importante des motoneurones, neurones
qui innervent les muscles et permettent le mouvement
ainsi que la respiration. Les cas les plus graves sont fatals
dans les deux années suivant la naissance. En 1995,
des chercheurs français de l’Inserm ont identifié, sur
le chromosome 5, un gène dénommé SMN (Survival Motor
Neuron), qui est interrompu ou muté chez la totalité des
patients atteints d’ASI et serait donc, selon toute vraisemblance, lié à la maladie. Le produit de ce gène, la protéine
SMN, est exprimé dans toutes les cellules de l’organisme.
Pourtant, seuls les motoneurones dégénèrent lorsque
le gène est muté, laissant les chercheurs perplexes.
Pour étudier cette dégénérescence spécifique, les travaux
très prometteurs de Claire Cisterni (Inserm, université de
Luminy, Marseille, Inserm) sont soutenus par la Fondation
pour la Recherche Médicale. «Le but de mon projet, préciset-elle, est d’éclaircir la fonction de la protéine SMN dans les motoneurones. Pour ce faire, je vais analyser les effets de l’inhibition
de la synthèse de SMN ou de sa surproduction sur la survie des
motoneurones.» «Ces études, conclut Claire Cisterni, constituent
une étape cruciale pour trouver des moyens permettant de contrer
la mort des motoneurones observée dans ces amyotrophies.»
«Lorsque nous observons une personne
avec l’intention de l’imiter, notamment
dans une situation d’apprentissage,
notre cerveau sait reconnaître ces gestes
comme des gestes importants.
Nous avons montré qu’un ensemble
précis de régions cérébrales est sollicité,
explique le Dr Jean Decety (Inserm,
Lyon). Ces régions sont celles qui
programment les actions volontaires.
Alors que les gestes sans signification
particulière sont perçus par d’autres
régions cérébrales de l’hémisphère
droit.» Existe-t-il un réseau de
neurones particulier qui serait
spécifiquement impliqué dans
l’apprentissage de certains gestes ?
Grâce à vos dons, c’est cette
question que tente d’éclaircir
le neuropsychologue lyonnais.
Son travail devrait apporter un
éclairage nouveau aux syndromes
apraxiques (troubles de l’exécution
des mouvements), qui restent
encore mal compris en clinique
neurologique.
Pour imiter
Hémisphère gauche
Hémisphère droit
Sans but
DR
Hémisphère gauche
Motoneurones de rats
en culture. L’objectif est
de mieux comprendre
comment l’inhibition
de la synthèse de SMN
ou sa surproduction
entraîne la vie ou la mort
des motoneurones.
Hémisphère droit
Observer quelqu’un agir, c’est déjà agir
soi-même à un niveau implicite. On voit la
différence sur le cerveau (IRM ci-dessus) selon
que l’on regarde sans but ou que l’on observe
quelqu’un avec l’intention de l’imiter (par
exemple : un cours de violon). Dans ce cas,
les régions frontales du cerveau (celles qui
planifient l’action) s’activent (zones rouges).
Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
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ACTION
BSIP/Laurent
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Un organisme
vivant est soumis à
une horloge interne
qui commande les
rythmes biologiques.
La mélatonine serait
un élément clé de
cette organisation
temporelle, ce que
cherchent à vérifier
des scientifiques
strasbourgeois.
Mélatonine : maître du ryth
L
es rythmes biologiques
varient dans le temps,
essentiellement sur une
période de vingt-quatre heures
(rythme circadien), passant alternativement par des temps forts
et des temps faibles. Exemples,
le rythme veille/sommeil…,
le rythme de la température
corporelle qui diminue le soir,
passe par un creux dans
la nuit et atteint son pic vers
16 heures. Les mécanismes
fonctionnels utilisés à cet effet
par les êtres vivants sont organisés autour d’horloges biologiques.
«Une hormone, la mélatonine, joue
un rôle clé dans ces horloges, explique
le Dr Paul Pévet, neurobiologiste
spécialisé dans l’étude des fonctions rythmiques et saisonnières,
(CNRS, université Louis-Pasteur,
Strasbourg). Chez les mammifères,
22 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
l’horloge circadienne est localisée
dans les noyaux de l’hypothalamus
dits “suprachiasmatiques” (NSC),
poursuit le spécialiste. La mélatonine est sécrétée rythmiquement
la nuit par la glande pinéale du cerveau. Ce rythme de sécrétion est généré
par l’horloge circadienne et représente un signal hormonal de l’horloge
dont l’un des rôles serait d’imposer la
rythmicité circadienne à des organes
cibles de la mélatonine. De plus, les
changements de la durée de sécrétion
nocturne de la mélatonine au cours
de l’année permettent à l’organisme
de mesurer la photopériode et, donc,
de s’adapter, par anticipation, aux
changements saisonniers du climat.»
«Mais, pour le moment, les sites et
mécanismes d’action de l’hormone
sont encore très peu connus, remarque
Stéphane Barassin, chercheur dans
le laboratoire dirigé par le Dr Pévet.
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Optimisation de l’imagerie médicale
Christelle Le Moullec, soutenue par la FRM, participe au seinde l’équipe
du Pr Jean-Yves Lallemand à la mise au point d’une méthode physicochimique pour améliorer la qualité des clichés d’imagerie.
M
algré l’essor de son utilisation
en imagerie médicale,
la résonance magnétique nucléaire
(RMN) est une méthode encore
peu sensible. «En effet, c’est seulement grâce au très grand nombre
d’atomes observés qu’il est possible
d’obtenir des images de bonne qualité»,
explique le Pr Jean-Yves Lallemand,
directeur de recherche, CNRS
(Ecole polytechnique, Palaiseau).
Par exemple, l’imagerie des poumons est très difficile à réaliser
compte tenu du trop faible nombre
d’atomes d’hydrogène présents
dans les voies aériennes. Une
solution récemment apparue pour
améliorer la sensibilité des techniques de RMN est l’utilisation
de gaz rares (xénon 129, hélium 3)
hyperpolarisés. Le principe est
d’utiliser un faisceau laser qui, par
un enchaînement de phénomènes
physiques, provoquera une
Qui ne connaît pas on
n’a jamais entendu parler
de la mélatonine ?
Aux USA et dans quelques
autres pays du monde,
la mélatonine est vendue
dans les magasins de
produits «naturels» ou
diététiques. En France,
sa vente libre n’est pas
autorisée. Il faut prouver
que la mélatonine agit sur
l’horloge interne.
augmentation de la polarisation du
xénon, c’est-à-dire une augmentation très importante de l’intensité
de son signal RMN. «Il nous a fallu
dans un premier temps optimiser
la technique de polarisation, précise
le Pr Jean-Yves Lallemand. Nous
allons maintenant nous lancer dans
des essais d’imagerie pour tester le gain
de sensibilité apporté par le xénon
polarisé.» Outre l’imagerie, d’autres
applications sont envisagées :
le xénon a, en effet, la propriété
de traverser les membranes des
cellules. Il peut, de ce fait, être
utilisé comme traceur biologique,
pour étudier, par exemple,
l’activité du cerveau. Une nouvelle
perspective pour mieux comprendre
le fonctionnement cérébral
et ses pathologies.
L’IRM présente l’avantage d’une précision
plus grande (ici, image sagittale de la tête).
C’est pourquoi nous voulons vérifier
que la mélatonine agit bien directement
sur l’horloge circadienne. Pour cela,
nous allons appliquer la mélatonine
localement dans les NSC grâce à une
membrane perméable à travers laquelle
diffuse l’hormone (technique dite de
microdialyse réverse). Nous mesurerons
ensuite son effet sur l’activité de
la glande pinéale, miroir de l’activité
de l’horloge.» Projet soutenu par la
FRM, et d’autant plus important
que toutes nos fonctions – systèmes immunitaire, cardio-vasculaire… – sont soumises à l’horloge
circadienne, et que de nombreux
troubles – notamment chez
les personnes âgées qui sécrètent
moins de mélatonine – résultent
d’un dérèglement de cette
organisation temporelle. La mélatonine aurait ainsi d’immenses
potentialités thérapeutiques.
BSIP Cavallini James
me biologique
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ACTION
Ostéoporose
Agir avant la fracture
L
Inserm U 403Lyon
L’ostéoporose
est encore peu
diagnostiquée
et mal prise en
charge. La Fondation
pour la Recherche
Médicale s’associe
aux chercheurs
et aux cliniciens
pour sensibiliser
à la nécessité
d’une prévention
et d’un dépistage
précoce.
ongtemps considérée comme
une fatalité du vieillissement,
l’ostéoporose est devenue,
selon le professeur Pierre
Delmas, rhumatologue à l’hôpital
Edouard-Herriot de Lyon, «un véritable
problème de santé publique qui justifie une
prise en charge plus active afin d’en
réduire les conséquences». La maladie peut
survenir chez l’homme comme chez la
femme, à n’importe quelle période de
la vie, le risque augmentant néanmoins
avec l’âge, notamment chez la femme
après la ménopause. Elle se développe
particulièrement dans les sociétés
industrielles, où l’espérance de vie
s’allonge. Ainsi, en France, environ 30
à 40% des femmes ménopausées et
plus de la moitié de celles de plus de
75 ans sont atteintes d’ostéoporose.
L’ostéoporose est une maladie dégénérative du tissu osseux qui se caractérise
par une faible masse osseuse entraînant une fragilité du squelette, ellemême à l’origine d’un accroissement
du risque de fracture. Ses complications majeures sont les fractures ou
Biopsies osseuses prélevées au niveau de la crête iliaque, l’os calcifié apparaît en vert. A gauche,
os normal et à droite ostéoporose (microscopie optique).
24 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
tassements vertébraux (16% des cas),
les fractures de l’extrémité supérieure
du fémur (19% des cas) et les fractures du poignet (14% des cas). Audelà de leur aspect strictement médical, ces fractures entraînent un coût
humain très important : douleurs, difformités, infirmités, diminution de la
qualité de vie, autant d’aspects qu’il
est urgent de prendre en compte.
Les études ont identifié trois grands
facteurs de risque : génétiques, environnementaux et nutritionnels. Des
travaux montrent que l’acquisition du
capital osseux est déterminée pour 46
à 62% par l’hérédité, mais aucun facteur génétique spécifiquement responsable de la perte osseuse n’a été
découvert.
D’autres travaux montrent que les
habitudes de vie (consommation d’alcool et de tabac), ainsi que la consommation de certains médicaments
pourraient accélérer la perte de masse
osseuse. «L’une des recommandations
médicales importantes issues du rapport
du groupe d’experts mandaté par
l’Organisation mondiale de la santé est de
prévenir l’ostéoporose dès la croissance par
un équilibre nutritionnel capable d’optimiser l’acquisition du capital osseux»,
précise le professeur Jean-Philippe
Bonjour.
Enfin, on sait que les carences en calcium et vitamine D, chez les sujets
âgés, accélèrent la perte osseuse. Chez
la femme, après la ménopause, la
carence en œstrogènes est le facteur le
plus déterminant.
Remodelage osseux
et vieillissement
L’os est un tissu vivant. Tout au long
de la vie, le processus dit de «remodelage osseux», constitué de cycles successifs de résorption et de formation de la
matrice osseuse, permet de renouveler celle-ci et d’en préserver les propriétés. L’ostéoporose est donc étroitement liée au cycle de vie du squelette.
Celui-ci est essentiellement régulé par
les ostéoclastes, cellules responsables
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Mieux prendre en compte
la prévention
La difficulté avec l’ostéoporose est
qu’elle ne se déclare qu’à la survenue
des fractures. Or, elle peut être décelée
avant ce stade en mesurant la «densité
minérale osseuse» (DMO). Pour cela, la
technique la plus couramment utilisée
est celle dite d’«absorptiométrie biphotonique aux rayons X», ou densitométrie
qui, bien qu’elle soit considérée
comme fiable, n’est pas remboursée
par l’assurance maladie, en partie en
raison de son coût élevé. «La nécessité
de disposer d’une technique de mesure de
la DMO prise en charge par l’assurance
maladie interpelle aujourd’hui les autorités sanitaires. Seul un outil de ce type est
capable d’évaluer le risque de fracture
dans le cadre de la stratégie de prévention
recommandée par les experts», souligne
Catherine Cormier, patricien hospitalier, hôpital Cochin, Paris.
Le traitement hormonal substitutif
(THS), destiné à compenser la carence
en œstrogènes entraînée par la ménopause, est actuellement la principale
thérapeutique capable de prévenir la
perte osseuse chez la femme dans les
dix à quinze ans suivant la ménopause.
BSIP Edwige
de la dégradation du tissu osseux, et
par les ostéoblastes, cellules responsables
au contraire de la synthèse du tissu
osseux. Avec l’âge, les capacités prolifératives des ostéoblastes tendent
à diminuer ; c’est pourquoi la perte
osseuse est un mécanisme de vieillissement normal. L’ostéoporose est le résultat d’un déséquilibre exagérément
négatif entre la quantité d’os résorbé
et la quantité d’os formé.
Les seules restrictions à ce traitement
pourraient porter sur les traitements
prolongés, surtout chez les femmes
à risque de cancer du sein.
Les experts débattent actuellement de
l’intérêt qu’il y aurait à mettre en
place une stratégie de prévention fondée sur un dépistage de masse par
ostéodensitométrie chez les femmes
ménopausées qui suivent un traitement hormonal substitutif. La période
située à dix ans après la ménopause
pourrait constituer le moment privilégié de ce dépistage. «A l’heure actuelle,
la prévention de l’ostéoporose passe par le
dépistage des personnes à risque. Or, cette
question suscite encore de nombreux débats
sur les outils et le moment de ce dépistage.
Fondé sur un raisonnement technique, un
consensus semble se dégager autour de
l’âge de 65 ans. Il reste à vérifier que, en
mettant en place un tel dépistage, on aboutirait bien à une réduction des fractures»,
La Fondation pour la Recherche Médicale :
deux actions d’information
Compte tenu du problème de santé publique que constitue l’ostéoporose,
la FRM a lancé deux grandes actions de communication visant
à sensibiliser les acteurs de santé et l’opinion sur la nécessité de prévenir
la dégénérescence osseuse. Une tribune presse a donc été organisée
autour de trois spécialistes, le Pr Pierre Delmas (hôpital Edouard-Herriot
de Lyon), le Pr Jean-Philippe Bonjour (hôpitaux universitaires de Genève),
Catherine Le Galès (Inserm, Le Kremlin-Bicêtre). Une exposition itinérante,
«L’os vivant», accompagnée d’animations et de conférences, a également été
réalisée, en partenariat avec le Palais de la Découverte et le Centre de culture
scientifique, technique et industrielle de Rennes. Après Rennes et Laval,
rendez-vous au Palais de la Découverte, à Paris, du 6 juin au 24 septembre
2000. Pour en savoir plus, consulter le site Internet de la FRM :
http://www.frm.org
L’ostéodensitométrie est un examen qui permet
de mesurer le contenu minéral osseux.
résume le professeur Gérard Bréart,
Inserm, Paris. Cependant, l’approche
préventive par dépistage des personnes à risque est encore freinée par
l’absence de consensus sur l’outil de
mesure à utiliser. Il existe d’autres traitements préventifs de l’ostéoporose,
principalement fondés sur la calcitonine, hormone qui accroît légèrement
la densité minérale osseuse chez la
femme en période de postménopause,
la parathormone, hormone qui stimule
de façon indirecte la formation osseuse,
et les bisphosphonates, classe de
médicaments qui augmentent transitoirement la masse osseuse et maintiennent l’intégrité de la microarchitecture osseuse.
Des recherches
thérapeutiques actives
Actuellement, les chercheurs travaillent
dans deux directions complémentaires
qui constituent chacune des enjeux
thérapeutiques majeurs : l’action sur
les ostéoclastes (les cellules qui détruisent l’os), afin de diminuer la résorption osseuse, l’action sur les ostéoblastes (les cellules qui synthétisent
l’os), afin d’augmenter la formation
osseuse. Le premier objectif vise à identifier les protéines impliquées dans la
fonction de résorption pour pouvoir, à
terme, développer des molécules
capables d’inhiber sélectivement cette
fonction. «Le deuxième objectif, explique
Marie-Christine de Vernejoul,
Fondation pour la Recherche médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
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VOS
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EN
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ACTION
de l’hôpital Lariboisière, Paris,
s’appuie sur la découverte des marqueurs
biologiques du remodelage osseux. Cette
découverte a été décisive car elle est à l’origine de nouvelles voies de recherches thérapeutiques sur les facteurs impliqués dans la
formation de l’os. C’est pourquoi les chercheurs étudient actuellement la différenciation des cellules osseuses, afin de mettre au
point des médicaments capables d’agir sur
l’augmentation des ostéoblastes.»
Par ailleurs, de nouveaux médicaments sont également en cours de
développement. Comme les œstrogènes, ils inhibent l’expression des
protéines impliquées dans la résorption; en revanche, ils ne présentent
pas les effets indésirables des œstrogènes. Dans le domaine génétique,
l’étude des polymorphismes et/ou des
mutations de certains gènes jouant un
rôle dans le déterminisme de la mala-
die devrait conduire à mieux cerner
les populations à risque et à mettre en
place un dépistage précoce.
Enfin, si le rôle du calcium et de la
vitamine D en tant que traitement
reste encore largement méconnu, des
études semblent cependant montrer
que leur association réduit significativement la fréquence des fractures
fémorales chez les populations âgées
carencées.
Une nécessaire évaluation
de l’impact économique
Les économistes de la santé sont particulièrement sensibles au problème de
l’ostéoporose, maladie qui influence
de façon massive, durable, et peutêtre croissante, les dépenses de santé,
tant pour des raisons épidémiologiques que financières.
En effet, si la pathologie en elle-même
est simple, son évolution impose une
prise en charge lourde (intervention
chirurgicale mais surtout rééducation,
suivi et gestion de la dépendance),
estimée chaque année, en France,
entre 4 et 6 milliards de francs. «Or,
explique Catherine Le Galès, économiste, Inserm, aujourd’hui, il est difficile
d’organiser une prévention efficace car
la population véritablement exposée
n’est pas encore identifiée. Les données
disponibles sur le sujet étant insuffisantes, des décisions ciblées sur ces populations ne peuvent être prises.»
Médicalement comme économiquement, la prévention constitue donc
bien l’enjeu majeur de l’ostéoporose.
C’est pourquoi les chercheurs ont
tout leur rôle à jouer dans la production de connaissances permettant
aux autorités sanitaires de prendre
leurs responsabilités. Syndrome de Muckle-Wells
Un gène, une maladie rare
Entretien avec Laurence Cuisset,
laboratoire de génétique moléculaire humaine (Inserm), faculté de médecine
Cochin-Port-Royal, Paris.
Le gène
du syndrome
de Muckle-Wells
est en passe
d’être identifié
par des chercheurs,
soutenus par
la Fondation
pour la Recherche
Médicale. Un espoir
pour contrer cette
maladie héréditaire
rare, débutant
dans l’enfance.
V
ous n’avez sans doute jamais
entendu parler du syndrome
de Muckle-Wells. «Il s’agit,
en effet, d’une maladie rare,
puisque depuis sa description initiale par
les cliniciens américains Muckle et Wells, en
1962, moins de 100 cas dans 28 familles
ont été rapportés», déclare Laurence
Cuisset, qui mène actuellement des
recherches génétiques sur ce syndrome
à la faculté de médecine Cochin, PortRoyal (Paris). Cette maladie, pour
laquelle il n’existe actuellement pas de
traitement efficace, est un syndrome
héréditaire, c’est-à-dire transmis par un
gène. «Récemment, nous avons montré
que ce gène est localisé sur le bras long du
chromosome 1, précise Laurence Cuisset.
Il reste maintenant à identifier ce gène.» Ce
travail devrait contribuer à une
meilleure connaissance des quatre types
de manifestations cliniques de la maladie : inflammation, urticaire, amylose
26 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
et surdité. Ainsi, les recherches fondamentales sur le syndrome de MuckleWells (MWS), même s’il s’agit d’une
maladie rare, peuvent avoir d’importantes retombées, en apportant des
perspectives inédites pour l’étude de
l’inflammation et de la surdité, maladies qui sont, elles, très fréquentes dans
la population générale. Sans parler des
perspectives thérapeutiques jusqu’ici
inexplorées de l’amylose, complication majeure du MWS, qui se caractérise par des dépôts anormaux de
protéines, en particulier dans le rein,
pouvant entraîner sa destruction.
Si l’amylose est une des caractéristiques cliniques les plus graves du MWS,
les accès inflammatoires comprenant
des douleurs abdominales, musculaires et articulaires, de la fièvre, des
frissons… ont par ailleurs permis de
classer ce syndrome dans la famille des
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Luc Benevello
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Nathalie Rogine-Le Du et Laurence Cuisset travaillent sur la région du chromosome 1 où se trouve le gène responsable du MWS.
fièvres héréditaires. Quatre maladies
composent cette famille, précise le Pr
Marc Delpech, directeur du laboratoire
dans lequel travaille Laurence Cuisset :
la fièvre méditerranéenne familiale
(FMF), le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D (HIDS), la fièvre hibernienne familiale (FHF), et le MWS. Les
principales différences résident dans le
mode de transmission de la maladie, la
durée des poussées de fièvre, les signes
cliniques associés, la présence ou non
d’amylose et l’origine des populations
touchées. Ainsi, la FMF touche principalement les Juifs séfarades, les Arméniens, les Turcs et les Arabes, le HIDS
est surtout retrouvé en Hollande et en
France, et la FHF, maladie plus rare (une
dizaine de familles seulement) se rencontre principalement en Europe du
Nord. Le MWS est, quant à lui, signalé
en Angleterre et en France, notamment
à Beauvais, à Saint-Quentin et à Nantes.
Le professeur Marc Delpech et ses collaborateurs sont les spécialistes de la
génétique des fièvres héréditaires. Tout
a commencé en 1997, lorsque «nous
avons isolé en collaboration avec une équipe
de Montpellier, de Créteil et le Généthon, le
gène responsable de la FMF, localisé sur le
chromosome 16», précise Laurence
Cuisset. Plus récemment, en 1999, «nous
avons démontré l’implication dans le HIDS
du gène codant la mévalonate kinase, une
enzyme impliquée dans le métabolisme du
cholestérol». Le gène de la FHF vient
d’être identifié par un groupe anglosaxon : il s’agit du gène d’un récepteur
du TNF alpha (Tumor Necrosis Factor),
facteur connu pour intervenir dans l’inflammation. Autant de résultats qui
ouvrent d’ores et déjà d’immenses voies
de recherche pour mieux comprendre
l’inflammation, point commun de
toutes les fièvres héréditaires. Une action soutenue de la Fondation
pour la Recherche Médicale
Grâce à l’aide de la FRM, Nathalie Rogine-Le Du, jeune étudiante en DEA
encadrée par Laurence Cuisset, va pouvoir entreprendre l’étude de la région
du chromosome 1, sur lequel se trouve le gène responsable du MWS. «Au
départ, rien n’aurait pu se faire sans les cliniciens», remarque Laurence
Cuisset. De fait, «Gilles Grateau et Alain Meyrier à Paris, Jean-Marie Berthelot
à Nantes et Gérard Vaudour à Saint-Quentin, nous ont fourni, l’été dernier,
57 prélèvements provenant de 29 patients atteints de MWS. A partir de l’ADN
extrait des cellules sanguines, avec la collaboration du Généthon, nous avons
montré que le gène du MWS est contenu sur le chromosome 1 dans une
région de 13,9 centimorgans, soit plusieurs centaines de milliers de paires de
bases. Nathalie Rogine-Le Du a désormais en charge, poursuit Laurence
Cuisset, de restreindre la taille de cette région, puis, lorsque cet intervalle
sera le plus petit possible, de définir les gènes qui le composent. Travail qui
devrait permettre de découvrir le gène du MWS», conclut-elle.
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DE VUE
La performance médicale
vaut-elle que nous lui
sacrifiions notre humanité ?
Président du Comité
Consultatif National d’Ethique
depuis mars 1999, le professeur
Didier Sicard s’appuie sur
sa pratique de médecin pour
défendre une conception
à la fois large et engagée
de la réflexion éthique.
Marie Bertrand
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La réflexion éthique
au cœur du débat
Entretien avec DIDIER SICARD, PRÉSIDENT DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE
E
n prenant la présidence du Comité
Consultatif National d’Ethique
(CCNE), j’ai été d’emblée frappé par
la qualité de l’écoute entre les
membres du Comité. Je craignais
d’assister à des monologues contradictoires et
j’ai découvert des séances de travail où chacun
est provoqué dans ses convictions et peut en
changer. Je m’efforce donc aujourd’hui de
suivre le conseil de Jean Bernard et d’être un
président un peu «constructeur», chargé de faire
cheminer la réflexion et la production collective
d’un avis. Nous avons, en effet, la chance énorme
d’être dans une réflexion créatrice privilégiant
moins une éthique de conviction qu’une
éthique de responsabilité. Je considère qu’un tel
comité n’a de sens que s’il a la capacité à être
suffisamment clair et net dans ses avis pour que
la société se positionne pour ou contre ceux-ci.
Etre à la fois déterminés et humbles
C’est pourquoi je fais tout pour que le CCNE
s’engage. Cela peut naturellement donner lieu à
des réactions. Durant l’été 1999, interrogé par le
secrétaire d’Etat à la Santé et par les hospices
civils de Lyon, le Comité a rendu un avis
défavorable sur la première greffe de la main
réalisée à Lyon, dont les chances de réussite
fonctionnelle nous paraissaient très faibles, alors
que le patient devait subir un traitement immunodépresseur à vie aux conséquences assez
lourdes. L’équipe qui avait réussi cette performance nous en a beaucoup voulu. Mais il faut
être clair : ou bien la réflexion éthique se tait, a
peur, est suiviste, ou bien elle met, de temps en
temps, un coup d’arrêt à une activité considérée
comme une performance et peut rencontrer
alors une certaine hostilité. Mais pour autant, je
ne considère évidemment pas que le CCNE soit
le seul dépositaire de l’éthique ou détienne le
monopole de la réflexion sur ce thème. Situés à
un carrefour, nous devons être à la fois déterminés et humbles. Nous avons à nous prononcer sur des sujets sur lesquels nous sommes sollicités, mais nous n’avons pas toujours l’initiative
de la diffusion de ces avis. Ainsi, nous avons
rendu à Dominique Gillot, actuel secrétaire
d’Etat à la Santé, un avis sur le Viagra qui avait
été demandé par Bernard Kouchner et qui n’a
pas encore été publié. Sur l’euthanasie, en
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revanche, nous avons travaillé spontanément
pour tenter de clarifier une situation à la source
de grandes ambiguïtés, soit pour des sujets âgés
ou atteints de pathologies particulièrement dramatiques, soit pour des nouveau-nés porteurs
de troubles neurologiques graves. Notre intention
n’est pas de dire ce qui doit ou ne doit pas être
fait en la matière, mais de donner à la société,
aux familles, aux malades eux-mêmes des repères,
évitant les oppositions vaines ou stériles. En
d’autres termes, il s’agit de tout faire pour éviter
de donner une réponse toute faite à telle ou telle
situation.
Le principe de précaution ne doit
pas devenir un principe de prévention
Deux autres sujets nous ont également beaucoup occupés en 1999. Tout d’abord, le principe
de précaution *, dont l’utilisation dans certains
secteurs de la médecine me paraît inquiétante.
Ainsi, en matière de transfusion, nous avons
aujourd’hui atteint une sécurité proche du
maximum de ce que la science peut nous offrir.
Mais pour des raisons à la fois sécuritaires et
émotionnelles, on multiplie à l’excès les contrôles
biologiques sans prendre en compte les surcoûts, on écarte du don de sang, pour cause
d’ESB (maladie de la vache folle), les personnes
qui ont fait un séjour en Grande-Bretagne ; bref,
on s’achemine vers une paralysie croissante du
système, à la source potentielle de nouveaux
risques par manque de sang. Le danger serait
donc grand, me semble-t-il, de faire du principe
ces pratiques, ou bien nous sommes suivistes et
nous estimons que la réparation thérapeutique
de l’homme justifie le recours à de telles pratiques. Je suis pour ma part partisan d’une
éthique «de résistance». Le sommet de bioéthique qui se déroulera à Londres à l’automne
prochain nous permettra de voir où en sont nos
homologues étrangers sur ce sujet.
S’efforcer d’aller au-delà
de la seule visée thérapeutique
Médecin, je m’efforce, dans le
cadre de ma mission au CCNE, de
ne pas réagir en médecin mais
d’adopter une vision plus large, de
susciter un débat qui ne s’arrête
pas à la seule visée thérapeutique.
Poser constamment le respect de
l’être humain face à la performance
médicale, ne pas construire le
futur de l’homme sur des exploits
qui menacent l’humanité tout
entière de façon plus subtile qu’on
ne le croit : tel est l’esprit dans
lequel nous travaillons. La réflexion
éthique nous oblige à passer sans
cesse de l’être, du sujet, de la personne à la collectivité. Si j’avais
une ambition durant cette présidence, ce serait d’attirer l’attention
sur nos choix collectifs et individuels
de santé. Il faut cesser de considérer que tout individu a droit à tout.
Il faut faire attention à ne pas construire
le futur de l’homme sur des exploits
qui peuvent menacer l’humanité.
de précaution un nouveau principe juridique de
la santé publique en France, négligeant les paramètres de la prévention ; la précaution comme
prévention n’est pas toujours raisonnable.
L’utilisation des cellules et des souches
embryonnaires constitue un autre sujet de préoccupation. Chacun s’est, semble-t-il, habitué
au fait que les embryons pourraient devenir des
donneurs de cellules, ouvrant alors de nouvelles
perspectives thérapeutiques : demain, les
femmes, notamment dans les pays pauvres,
pourraient être encouragées à vendre une
«matière première» rare, leurs ovocytes, qui
restent indispensables à la production d’embryons. Ce phénomène pose un véritable problème éthique. Ou bien nous considérons que le
futur embryon ne peut pas être source de cellules à visée thérapeutique et nous interdisons
Il faut gérer les ressources sans
désinvolture, dans un souci de
répartition équitable, en se posant
constamment la question de savoir
si notre action conduit à une plus
grande humanisation.
* Face à des risques graves et irréversibles mais potentiels, l’absence de
certitudes scientifiques ne doit pas retarder l’adoption de mesures qui auraient
été jugées légitimes si de telles certitudes
avaient été acquises. Autrement dit, le
principe de précaution ne se confond
pas seulement avec une règle d’abstention, mais doit conduire à l’adoption de
mesures de sauvegarde et de dispositifs
d’accompagnement.
Philippe Perez-Castaño
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Président du
Comité Consultatif
National d’Ethique
depuis mars 1999,
Didier Sicard dirige
l’un des deux
services de
médecine interne
de l’hôpital Cochin.
Il a, dès 1983, animé
des séminaires
d’éthique destinés
aux enseignants
en médecine et
assure aujourd’hui
l’enseignement de
l’éthique médicale
à Cochin. Il est,
par ailleurs,
à l’origine, avec
Emmanuel Hirsch,
de la création de
l’espace Ethique
de l’AP-HP, un lieu
de réflexion et
d’échange sur la
dimension éthique
de la pratique
professionnelle
des médecins.
Enfin, Didier Sicard
a notamment
présidé, entre
1991 et 1993,
la Commission
consultative
nationale de
la transfusion
sanguine.
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L A F O N D AT I O N
À L’ É C O U T E
Vous faire partager l’enthousiasme et l’énergie déployée par
les bénévoles des comités régionaux pour réunir les donateurs
et les chercheurs autour et en faveur de la FRM. Etre présents
dans les moments d’émotion, d’espoir et de réussite, être ensemble
pour mieux encourager la recherche et mieux se connaître. Tel est
l’objectif de la rubrique «la Fondation à l’écoute», qui, chaque trimestre,
nous réunira autour de quelques temps forts. Rejoignez-nous…
A la mémoire d’Yves Pelicier
Un concert au
profit de la FRM
P
Laurence Chegaray/Centre Presse
our pérenniser la pensée
de leur maître, les élèves du
professeur Yves Pelicier ont créé
l’association qui porte son nom.
Cette association a pour objectif
de mieux faire connaître l’œuvre
du professeur Yves Pelicier et de
susciter des travaux de recherche
dans la continuité de sa réflexion.
Elle a ainsi créé un site Internet*,
support particulièrement efficace
pour assurer cette diffusion.
Eminent psychiatre à l’hôpital
Necker-Enfants Malades (Paris),
le professeur Yves Pelicier a
laissé une œuvre de clinicien
particulièrement riche, car nourrie
de son intérêt pour l’histoire,
la philosophie, la psychiatrie
sociale et transculturelle.
Ses travaux confrontaient,
Réservations et locations à partir du 9 juin
(10 h-19 h) au 10, rue René-Descartes
86000 Poitiers (tél. : 05 49 88 23 23,
fax : 05 49 60 46 48).
Prix des places entre 50 F et 80 F.
* www. pelicier.org
Phanie
Un concert exceptionnel au profit
de la Fondation pour la Recherche
Médicale est organisé le 23 juin à
Poitiers, à l’initiative du président
du comité régional PoitouCharentes, Philippe de la Porte
des Vaux. L’ensemble vocal
Josquin des Prés interprétera
Elias, oratorio pour soprano,
alto, basse solo, chœur et
orchestre de Félix Mendelssohn.
Cet ensemble de musiciens
bénévoles se produira, pour
cette unique représentation, dans
le cadre prestigieux de la salle des
pas perdus du palais de justice de
Poitiers (ancien palais des comtes
de Poitiers), gracieusement mis
à disposition par la municipalité.
notamment, les sciences humaines
aux neurosciences de façon
originale. Son humanisme se
retrouve ainsi dans l’ensemble
de ses publications sur l’approche
thérapeutique des maladies
mentales. Approche qu’il préférait
pluridisciplinaire car elle permet
de mieux comprendre et
de mieux soigner le malade.
Son respect de l’éthique
l’a conduit à promouvoir
la création du laboratoire
d’éthique médicale de la faculté
Necker-Enfants Malades, à Paris.
La FRM accueille l’association
Yves-Pelicier, garantissant
ainsi l’excellence scientifique
des projets de recherche
soutenus en psychiatrie.
Yves Pelicier a créé un laboratoire d’éthique médicale à la faculté Necker-Enfants Malades.
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La remise des prix du Comité régional
Nord-Pas-de-Calais ¢
La mode
au grand cœur
L
La recherche pour les enfants
malades peut être très
reconnaissante de l’heureuse
initiative du magazine Elle, qui
tenait à entrer dans le nouveau
millénaire par un événement
symbolique… et une belle
action. Le 9 décembre dernier,
Elle a organisé la vente
aux enchères d’un ensemble
exceptionnel de vêtements
et d’accessoires offerts par
cinquante grands couturiers et
créateurs français dans le cadre
de Drouot-Montaigne (Paris),
qui avait mis gracieusement
à disposition ses salons.
Une grande générosité animait
les acteurs de cette magnifique
manifestation, tous bénévoles,
jusqu’au cabinet d’expertise
Camard et au commissairepriseur, maître Millon,
qui a fait monter les enchères
avec humour et dynamisme.
Cette action caritative
en faveur de la Fondation
pour la Recherche Médicale
a démontré qu’à l’aube du
nouveau millénaire générosité
et solidarité n’étaient pas
des mots vides de sens.
DR
Hautecoeur, travaille, quant à lui,
sur une nouvelle technique diagnostique qui permettrait de remplacer
la pratique de la ponction lombaire,
souvent vécue par le patient
comme un geste traumatisant mais,
encore aujourd’hui, indispensable.
Les résultats sont encourageants,
car la technique d’isoélectrophorèse
mise au point permet d’obtenir à
partir de larmes les mêmes résultats
qu’à partir du liquide céphalorachidien (LCR). Un simple recueil
de larmes suffirait donc à confirmer
le diagnostic, évitant ainsi le recours
à la ponction lombaire.
Patrick Hautecœur
travaille sur une
nouvelle technique
de diagnostic qui
pourrait remplacer
la ponction lombaire.
DR
e 18 novembre dernier, les prix
du Comité régional Nord-Pas-deCalais ont été remis par sa présidente,
Violaine Tiberghien, à deux éminents
spécialistes de la sclérose en plaques
(SEP) : les professeurs Patrick
Vermersch et Patrick Hautecœur.
Monsieur et madame Lepage,
joailliers à Lille, ont offert dans
leurs locaux une réception suivie
d’un cocktail en présence de nombreux
amis et donateurs. Entreprises
grâce à l’aide de la Fondation pour
la Recherche Médicale, les recherches
des professeurs Patrick Vermersch
(clinique neurologique, CHU de Lille)
et Patrick Hautecœur (service
de neurologie, CH Saint-Philibert)
visent, pour le premier, à ouvrir
de nouvelles voies thérapeutiques,
pour le second, à mettre au point
de nouveaux outils diagnostiques.
Le professeur Patrick Vermersch
cherche, en effet, à confirmer
l’hypothèse d’une origine virale de la
sclérose en plaques afin de déboucher
sur de nouvelles thérapeutiques,
et ce, en étudiant les relations entre
des séquences de rétrovirus que
l’on retrouve dans notre patrimoine
génétique et le système immunitaire
de patients atteints de sclérose
en plaques. Le professeur Patrick
Patrick Vermersch
cherche à confirmer
l’hypothèse selon
laquelle la SEP serait
d’origine virale.
Les Nouvelles messageries de la presse
parisienne et la recherche
P
DR
artenaires de la Fondation pour la Recherche Médicale depuis
de nombreuses années, les Nouvelles messageries de la presse parisienne
(NMPP) financent des projets portant essentiellement sur des études
épidémiologiques. Au cœur de leurs préoccupations : «L’incidence de
l’environnement professionnel sur la santé avec apparition de pathologies spécifiques
(évaluation et prévention en fonction des catégories professionnelles).» Ce partenariat,
associé à un intérêt marqué de cette entreprise pour le suivi des travaux
du chercheur, est de nature à favoriser les échanges entre les scientifiques
et le monde du travail et constitue une motivation supplémentaire
d’aboutir à l’amélioration de la santé. Grâce aux NMPP, la santé au travail
fait l’objet d’investissements en recherche médicale.
Le magazine ELLE
a organisé
une vente
aux enchères
au profit de la
Fondation pour
la Recherche
Médicale.
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À L’ÉCOUTE
Rencontres
«La passion de comprendre»
Philippe Perez-Castaño
Entretien avec Martine Aïach, directrice de l’unité 428 de l’Inserm,
professeur à la faculté de pharmacie de Paris V, biologiste à l’hôpital Broussais.
Qu’est-ce qui fait courir un chercheur ? Comment
s’organise sa vie quotidienne, quels sont ses espoirs
et ses projets ? Les réponses de Martine Aïach,
hématologiste et directrice d’une unité de recherche
de l’Inserm.
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«
Aussi loin que je me souvienne, j’ai
toujours eu envie de comprendre. Il
y avait dans ma famille plusieurs
médecins, ce qui m’a poussée à travailler dans le secteur de la santé.
Mais je ne voulais pas soigner, je voulais
démonter les mécanismes, décrire et raconter
“comment ça marche”.
Mariée à l’antithrombine
Mon domaine de recherche ? C’est le même
depuis plus de vingt-cinq ans : la coagulation
sanguine et ses inhibiteurs. On peut prendre
comme exemple l’antithrombine, molécule qui
existe chez chacun de nous et qui régule la coagulation du sang : la thrombine coagule, l’antithrombine contrôle et limite la coagulation. La
production excessive de thrombine joue un rôle
dans l’apparition de la thrombose, l’embolie
pulmonaire, la phlébite, l’infarctus du myocarde, les attaques cérébrales… Toute une vie professionnelle consacrée à quelques molécules…,
cela surprend parfois les néophytes. Mais il faut
savoir qu’un sujet de ce type représente un vrai
continent à explorer ! Tout au long de mes travaux, les résultats obtenus ont ouvert de nouvelles voies, soulevé des questions, révélé des
perspectives inédites… Ainsi, j’ai commencé par
des recherches cliniques, en travaillant à l’amélioration du diagnostic des maladies liées au
déficit en antithrombine. Ensuite, j’ai travaillé
sur un plan plus fondamental, en décortiquant
les mécanismes mêmes de la coagulation. Puis
sont apparus les outils d’analyse génétique. Or,
les maladies du sang qui conduisent à la thrombose ont un caractère héréditaire : j’ai donc cherché à identifier les mutations génétiques qui
commandent les dérèglements de l’antithrombine. Enfin, depuis quatre ans, nous exploitons
les méthodes de représentation des molécules
en trois dimensions… pour mieux comprendre
leur “comportement” et leurs interactions.
Décrire la nature
Parmi ces différentes pistes de recherche, si certaines n’ont pas encore trouvé d’issue clinique,
d’autres ont débouché sur des applications
concrètes. Exemple : la piste génétique. Nous
cherchions au départ deux ou trois mutations
de gènes impliqués dans les dérèglements de
l’antithrombine. Nous en avons découvert et
décrit près de 200 ! Soit beaucoup trop de “scénarios” pour être utilisés dans le cadre du diagnostic. Pour l’instant, il s’agit de décrire la
nature, de comprendre le fonctionnement de
cette molécule…, mais, un jour, ces travaux
purement descriptifs constitueront la base d’une
nouvelle découverte. Autre exemple : les
équipes de mon laboratoire ont établi que, chez
certains malades, la molécule d’antithrombine
se “cassait”, on dit qu’elle a une forme clivée.
Nous avons publié nos observations… et une
autre équipe, dans un autre laboratoire, a
constaté que “notre” antithrombine clivée pouvait limiter la croissance des cellules cancéreuses ! C’est évidemment une perspective passionnante et chargée d’espoirs.
Chercheur et manager
La science avance ainsi : des périodes de recherche
purement fondamentale, qui nécessitent beaucoup
d’opiniâtreté, de temps et de courage car l’issue
est forcément aléatoire… et des périodes où tout
s’accélère et où une application clinique apparaît.
Et c’est souvent grâce au rapprochement de disciplines et d’équipes différentes que l’étincelle de
la découverte surgit. Faire avancer la recherche,
c’est donc émettre des hypothèses et les vérifier,
mais aussi publier, lire, rencontrer d’autres chercheurs, suivre les colloques. La découverte est un
processus collectif : le découvreur est celui qui
pose la dernière pièce d’un puzzle patiemment
rassemblé par d’autres, depuis des années. Et
comme directrice d’une unité Inserm, mon travail consiste essentiellement à organiser ces
connexions : lire les publications susceptibles
d’éclairer mon équipe, susciter des contacts, favoriser la communication et les échanges entre les
différents pôles de recherche! C’est aussi gérer les
carrières, trouver des financements, veiller au
respect des budgets… Bref, tout un travail de
“manager”, bien loin des “paillasses”*.
De la molécule au malade
Pour autant, la maladie n’est pas devenue une
idée abstraite. Je fais ce que l’on appelle une
carrière “hospitalo-universitaire”, c’est-à-dire que
j’occupe un poste de biologiste à l’hôpital
Broussais, une fonction indispensable pour donner un sens aux travaux de recherche. Ces allersretours permanents entre la vraie vie et le monde
plus théorique du laboratoire sont essentiels pour
maintenir ma motivation. D’autant plus que la
coagulation est un domaine où l’on sait aujourd’hui prévenir, diagnostiquer et soigner beaucoup
de maladies. Notre projet pour les cinq années à
venir : décrypter la structure des protéines de
“l’antithrombose” pour proposer de nouveaux
concepts thérapeutiques. On peut, par exemple,
imaginer qu’un jour on sache “copier” ces anticoagulants naturels que sont les inhibiteurs de la
coagulation. Il s’agit donc de démonter des mécanismes naturels… pour mieux soigner.
Philippe Perez-Castaño
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Martine Aïach
en 5 dates
1966 : interne
en pharmacie des
hôpitaux de Paris.
1975 : biologiste à
l’hôpital Broussais.
1983 : professeur
d’hématologie
à la faculté
de pharmacie de
l’université Paris V.
1991 :
mise en place
d’un groupe
de recherche.
1995 : création
de l’unité 428
de l’Inserm,
intitulée «Risque
thrombotique
et mécanismes
de l’hémostase».
* Terme utilisé pour désigner la table de travail en laboratoire.
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À L’ÉCOUTE
Medical’cup :
rencontres
maritimes
Parrainée par Jean-François
Deniau et organisée
au profit de la Fondation
pour la Recherche Médicale
notamment, la Medical’cup, ce
sont deux jours de rencontres
sportives et conviviales,
deux jours de régates en
baie d’Aigues-Mortes et
de conférences sur des thèmes
médicaux liés au monde
maritime, comme les maladies
infectieuses en mer,
la préparation psychologique
pour les grandes traversées,
la pharmacie de bord et
la prévention des accidents liés
à la plongée. Toute personne
du monde de la Santé,
plaisancier ou non, avec
ou sans bateau, peut participer
à la version 2000 de cette
manifestation qui aura lieu
le 14, 20 et 21 mai prochain.
Lettre du Dr Pierre-Laurent Merle
Madame, Monsieur,
En août 1997, la Fondation pour la Recherche Médicale m’a permis
d’effectuer un stage post-doctoral d’un an dans le laboratoire du professeur
E. Kardami, au Canada.
Mon objectif était de mieux comprendre l’activation des cellules
musculaires du cœur afin de trouver un moyen de prévenir les accidents
cardiaques. Comme je vous l’indique dans mon rapport, mon travail au sein
de l’équipe canadienne a permis de mieux comprendre le rôle protecteur
d’un facteur de croissance (le bFGF, basic Fibroblast Growth Factor) lors
d’accidents cardiaques. Ce travail se poursuit actuellement et ouvre la voie
vers de nouvelles possibilités de traitements thérapeutiques de certaines
maladies cardio-vasculaires.
Je me sens très redevable envers la Fondation pour la Recherche
Médicale pour son aide. Dans mon cas, comme pour beaucoup d’autres
jeunes chercheurs, le fait d’avoir été reconnu par le Conseil scientifique
de la Fondation pour la Recherche Médicale, dès mes débuts, a représenté
un soutien réellement inespéré et un encouragement moral très stimulant.
Pour des jeunes chercheurs appartenant à de petites équipes universitaires,
vous ne pouvez savoir comme ce «coup de pouce» est déterminant.
Cette aide a été décisive pour l’acquisition de nouvelles connaissances
dans un laboratoire de renommée internationale.
Ce stage, réalisé grâce à votre aide, a, en outre, indubitablement
favorisé mon retour dans une université française, et je m’attache
désormais, au sein de ma nouvelle équipe de recherche, à appliquer
et à transmettre les connaissances acquises.
Je sais bien que c’est grâce à des milliers de donateurs que
la recherche française pourra continuer de se développer et que pourront
être découverts de nouveaux traitements. La meilleure façon de vous
exprimer ma reconnaissance est donc de participer, à mon tour,
aux dons privés, car je sais que l’argent confié à votre Fondation permettra
de soutenir activement d’autres jeunes chercheurs et contribuera ainsi
au progrès des connaissances dans le domaine biomédical.
Merci de m’avoir accordé votre confiance et votre soutien financier.
Avec toute ma gratitude,
DR
Dr Pierre-Laurent Merle
(à gauche), en compagnie de
l’équipe du Pr Elissavette
Kardami, de retour en France
pour occuper un poste de maître
de conférences.
34 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
DR
Dr Pierre-Laurent MERLE
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La Fondation passe avec
succès l’audit de l’IGAS
Dans quelques semaines, le Journal officiel publiera le rapport d’inspection de la Fondation
pour la Recherche Médicale, réalisé par l’IGAS. En avant-première, Recherche & Santé
en publie quelques extraits significatifs… et donne quelques repères sur cet organisme.
Qu’est-ce que l’IGAS ?
L’Inspection générale des affaires
sociales (IGAS) est un corps de
contrôle interministériel rattaché
au ministère de l’Emploi et de
la Solidarité. Sa mission : évaluer
la mise en œuvre des politiques
publiques dans le domaine social,
veiller au bon usage des fonds publics
et contrôler l’affectation des fonds
collectés auprès du public par les
associations, notamment celles qui
œuvrent dans le domaine de la santé.
Pourquoi la Fondation pour
la Recherche médicale a-t-elle
été auditée par l’IGAS?
Image Bank
Il s’agit d’une démarche classique
et habituelle. L’Etat soutient
les associations, en particulier
celles qui sont reconnues d’utilité
publique, en autorisant les donateurs
à déduire partiellement leurs dons
de leurs impôts. Il doit donc exercer
un contrôle sur l’utilisation des fonds
qui doit être conforme aux messages
adressés aux donateurs.
Comment se déroule un contrôle?
Il s’agit d’un audit extrêmement
détaillé : deux inspecteurs généraux
ont travaillé pendant quatre mois.
Leur analyse porte sur les «comptes
d’emplois de ressources», qui
exposent la manière dont l’argent des
donateurs est utilisé. Leur démarche :
vérifier la rigueur de gestion et aussi
aider, par leurs recommandations,
l’organisme à progresser dans
son organisation. «Un peu comme
un audit qualité, ce contrôle constructif
nous a confortés et fait progresser»,
souligne Claire Dadou-Willmann,
directeur général de la Fondation
pour la Recherche Médicale.
Quelles pistes de progrès ouvre
ce contrôle ?
Les conclusions de l’IGAS nous
incitent à développer et à encore
mieux valoriser les efforts menés
par la Fondation pour la formation
des jeunes chercheurs. Elles
soulignent aussi la nécessité de faire
connaître le caractère interdisciplinaire de notre association… Des objectifs qui guideront ainsi nos actions
de communication et d’information
notamment pour Recherche & Santé.
La synthèse
du rapport définitif
de l’IGAS
L
a FRM occupe une place prépondérante dans le financement
de la recherche médicale française
et de la formation pour la recherche.
La FRM est maintenant entrée dans
une phase d’évolution qui succède
à un développement dans la stabilité.
La transparence comptable est très
satisfaisante. La FRM a adopté des
modes de collecte qui n’entraînent
pas des coûts trop élevés. La mission
n’a que des observations mineures
à faire sur le compte d’emploi
des ressources qui reflète l’utilisation
des fonds. Les situations d’exploitation
et patrimoniale de la FRM sont saines.
Le contrôle global des comptes et les
vérifications faites par la mission ne
conduisent à aucune observation sur
l’éthique de la gestion. Dans le cadre
de la mission qui leur était impartie,
les inspecteurs se sont efforcés de
tenir compte tant de la taille modeste
de la structure administrative de
la Fondation que des modifications
apportées aux procédures pendant
la période contrôlée. Au total,
la mission de l’IGAS a constaté
qu’elle a pu disposer des informations
nécessaires à son contrôle; celui-ci
l’amène à considérer que la FRM,
au-delà d’améliorations possibles
ou à poursuivre, utilise les fonds
conformément à son objet, et fait
de son action une présentation
satisfaisante.
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À L’ÉCOUTE
Luc Benevello
QUESTIONS RÉPONSES
Quel est le rôle de la prostate et quels problèmes
peut avoir cette glande ? P. C. Puy-de-Dôme
L
es sécrétions de la
prostate déversées
dans le liquide séminal protègent et améliorent
les capacités fonctionnelles
des spermatozoïdes. Ainsi,
lors de l’éjaculation d’un
volume d’environ 3,5 ml
de sperme, 1/7 provient de
la prostate. Celle-ci produit
du zinc (qui joue probablement un rôle important
contre les infections), des
phosphatases acides et de
l’antigène prostatique spécifique qui sert à liquéfier
l’éjaculat. Les principales
maladies qui peuvent
toucher la prostate sont
la prostatite, l’hyperplasie
bénigne et le cancer. La
prostatite est liée à une
BSIP/CMSP Bryson
Le Pr Philippe
Chanson,
du service
d’endocrinologie
et des maladies
de la reproduction
au CHU Bicêtre,
donne une
information,
mais en aucun
cas un diagnostic,
un pronostic
ou un conseil
d’ordre thérapeutique. Seul le
médecin traitant
est habilité à
le faire, et c’est
lui que vous
devez consulter.
Prostate hypertrophiée : augmentation du volume d’un tissu par
multiplication des cellules menant à l’hyperplasie de la prostate.
inflammation de la prostate,
parfois secondaire à une
infection bactérienne (ellemême due à une infection
urétrale avec remontée des
germes depuis l’urètre jusque
dans la prostate). Ces prostatites peuvent être aiguës,
alors marquées par une
fièvre brutale, des frissons,
un malaise et, souvent, des
signes de brûlures urinaires
ou d’obstruction urinaire,
éventuellement avec une
douleur dans la région
pubienne. Il existe souvent
une infection dans les urines.
Un traitement antibiotique
est alors indispensable. Dans
certains cas, cette prostatite
peut évoluer sur un mode
chronique avec réapparition
de temps à autre d’infections
urinaires récidivantes,
de douleurs ou de gêne.
L’hyperplasie bénigne de
la prostate est une maladie
dont la fréquence augmente
avec l’âge. On estime qu’un
homme sur quatre vivant
jusqu’à l’âge de 80 ans aura
besoin d’un traitement pour
cette maladie. En augmentant de volume, le tissu
prostatique comprime
l’urètre, ce qui provoque
des symptômes d’obstruction urétrale avec vidange
incomplète de la vessie
qui peut être à l’origine
d’infections ou de calculs.
Le plus souvent, les symptômes sont la difficulté
à démarrer la miction
ou à vider la vessie, la
diminution de la force
36 Fondation pour la Recherche Médicale • numéro 82 • 2e trimestre - avril 2000
ou du calibre du jet urinaire.
C’est l’examen physique
avec le toucher rectal qui
permet de bien mettre
en évidence l’hypertrophie
bénigne de la prostate. Cet
examen peut être complété
par une échographie et par
une mesure du débit urinaire
(débimétrie). Le traitement
de l’hyperplasie bénigne
de la prostate est indiqué
lorsqu’il existe des troubles
mictionnels suffisamment
gênants pour le patient,
en cas de rétention d’urines
ou d’infections urinaires
récidivantes, ou encore
d’altération de la fonction
rénale. On peut proposer
d’enlever la prostate par
voie naturelle (transurétrale);
c’est une technique chirurgicale efficace, bien tolérée
chez la plupart des patients,
mais qui n’est pas néanmoins dénuée de tout
risque. D’autres traitements
peuvent être proposés,
en particulier des alphabloquants qui diminuent
les symptômes obstructifs
prostatiques. Récemment,
un nouveau traitement
par des inhibiteurs de
la 5-alpha-réductase capables
d’améliorer significativement
les symptômes a été proposé.
Les décisions de traitement
doivent être prises par
un urologue, en fonction
de l’importance des
problèmes. Le cancer
de la prostate sera abordé
dans le prochain numéro
de «Recherche & Santé».
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Qu’est-ce qu’un craniopharyngiome ? P. C. Val-de-Marne
L
Ces tumeurs sont parfois
volumineuses, ou kystiques
(remplies de liquide).
Les conséquences d’un
craniopharyngiome
sont de deux ordres :
– d’une part, il peut retentir sur les nerfs qui appor-
BSIP
e craniopharyngiome
est une tumeur bénigne
survenant chez l’enfant ou
l’adulte. Elle se développe
dans la région de l’hypothalamus ou de l’hypophyse,
c’est-à-dire en arrière des
yeux, à la base du cerveau.
Le craniopharyngiome se développe dans la région de l’hypophyse;
(IRM d’un cerveau présentant un craniopharyngiome).
tent la sensibilité rétinienne
depuis les globes oculaires
jusqu’au cerveau, provoquant alors des troubles
visuels.
– d’autre part, le craniopharyngiome peut, du fait
de sa taille, être responsable d’une compression
au niveau de l’hypophyse,
entraînant une production
insuffisante de certaines
hormones hypophysaires.
En particulier, la diminution de l’hormone antidiurétique, capable de régler
la quantité d’eau éliminée,
peut être à l’origine
d’un diabète insipide
qui se caractérise par une
élimination urinaire accrue
d’eau (cf. R&S n° 81).
Lorsque la tumeur est très
volumineuse et se développe
vers le haut, une compression du système de circulation du liquide céphalo-
rachidien peut alors entraîner une hydrocéphalie,
c’est-à-dire une hypertension intracrânienne. Une
fois déterminée la taille
de la tumeur – par
un scanner ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) –, on peut
proposer de retirer cette
tumeur. Cette intervention
chirurgicale est une intervention délicate qui doit
être pratiquée par un neurochirurgien spécialisé
dans ce domaine. Après
ablation, on contrôle par
des dosages hormonaux
que la fonction hypophysaire est rétablie. Il est parfois utile, lorsque la totalité
de la tumeur n’a pu être
retirée, même si celle-ci est
bénigne, de proposer une
radiothérapie afin d’éviter
qu’elle ne se développe
de nouveau.
Qu’est-ce qu’une dystonie ? H. F. Haute-Savoie
es caractéristiques
dominantes des dystonies sont des contractions
musculaires involontaires,
soutenues (toniques) ou
spasmodiques (cloniques)
répétées, comme le blépharospasme au niveau de la
paupière. Ces contractions
sont responsables de mouvements ou de torsions
d’un segment du corps
en flexion ou en extension
(par exemple, crampe des
écrivains). Les dystonies
sont assez fréquentes. Elles
peuvent varier en sévérité,
être permanentes ou ne
survenir que dans une activité particulière, à l’action.
Elles sont généralement
exacerbées par le stress,
la fatigue, l’activité ou un
changement de posture et
sont au contraire soulagées
par le repos, la relaxation
et différents gestes que le
patient prend l’habitude
de faire. Les dystonies
de la face peuvent toucher
la bouche, la mâchoire, ou
encore le cou (torticolis).
La plus fréquente est la
dystonie cervicale qui prédomine chez la femme de
50 ans. Il arrive que cette
dystonie soit associée à un
tremblement. La cause
des dystonies n’est pas bien
connue : on suggère un
trouble fonctionnel dans
certaines zones de la base
du cerveau (par exemple,
au niveau du putamen)
ou dans le tronc cérébral.
Le plus souvent, l’imagerie
cérébrale est normale. Il est
vraisemblable qu’il s’agit
d’une anomalie de la
transmission de certains
peptides cérébraux, en particulier noradrénergiques.
Certaines dystonies semblent génétiques, d’autres
sont «sporadiques», c’est-àdire qu’elles ne sont pas
liées à un caractère familial. Le traitement des dystonies fait souvent appel
à des techniques de relaxation, au port d’une prothèse
ou aux médicaments. Ce
sont des anticholinergiques
ou des substances bloquant
les récepteurs dopaminergiques. Certains relaxants
musculaires sont aussi
utiles. Lorsque la dystonie
est très localisée, il peut
être intéressant de proposer des injections de toxine
botulinique au niveau des
muscles concernés. Le soulagement est remarquable
mais souvent temporaire.
Ces injections sont effectuées par des neurologues
qui en ont une bonne
expérience.
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F O N D AT I O N
À L’ÉCOUTE
Le THS est-il contre-indiqué, après la ménopause, chez une
femme ayant été opérée d’un cancer du sein ? P. B. Bouches-du-Rhône
L
trer un traitement par les
œstrogènes. On est même
amené, dans certains cas,
à proposer une mise au
repos définitive des ovaires
afin d’empêcher toute production d’œstrogènes. On
peut évaluer l’intérêt d’un
THS pour prévenir l’ostéoporose en fonction de la
présence ou non de ces
récepteurs aux œstrogènes,
de l’âge de la patiente,
du type de cancer, etc.
Cette discussion a lieu
entre le médecin et sa
patiente. Néanmoins,
de façon générale, le risque
de récidive d’un cancer du
sein hormono-dépendant
BSIP Cavallini James
’ostéoporose (voir
pages 24-25) est particulièrement marquée chez les
femmes après la ménopause
et est en rapport avec la
baisse de la production
d’œstrogènes. Aussi est-il
recommandé, chez les
femmes après la ménopause,
de prendre un traitement
hormonal substitutif (THS)
contenant des œstrogènes
et de la progestérone afin
de diminuer ou de ralentir
l’apparition de l’ostéoporose.
Dans le cas d’un cancer du
sein hormono-dépendant,
les cellules cancéreuses
présentent des récepteurs
aux œstrogènes qui stimulent la croissance de ces
cellules. C’est la raison
pour laquelle, en cas
de cancer du sein, il est
contre-indiqué d’adminis-
est plus important que le
risque potentiel d’ostéoporose. Lorsque les œstrogènes
sont contre-indiqués, on
peut recourir à d’autres
traitements pour prévenir
l’ostéoporose, comme les
biphosphonates, le calcium
ou la vitamine D. Des
recherches sont en cours
afin de mettre au point
des médicaments capables
d’avoir les effets des œstrogènes sur l’os – et de prévenir ainsi l’ostéoporose
– sans avoir les effets des
œstrogènes sur le cancer
du sein. Il s’agit de modulateurs spécifiques des
récepteurs des œstrogènes.
En cas de cancer du sein
un traitement par les œstrogènes
est contre-indiqué (vue au
microscope d’un cancer du sein).
Que donne à long terme l’administration de cortisone
sur l’organisme ? Y. L. Drôme
L
es effets de la cortisone,
à long terme, sont différents selon la dose administrée. Dans le traitement
d’une maladie inflammatoire, de l’asthme ou d’un
rhumatisme articulaire,
on prescrit de fortes doses
de cortisone (doses pharmacologiques), souvent
de manière prolongée,
pour diminuer l’intensité
de l’inflammation
ou de la douleur. Dans ces
conditions, les traitements
peuvent être responsables
d’un certain nombre d’effets secondaires. A savoir :
prise de poids, anomalies
métaboliques avec parfois
apparition d’un diabète.
La peau devenue plus fine,
plus fragile, se blesse facilement lorsqu’elle est traumatisée et a tendance parfois à se surinfecter. La cortisone peut également être
responsable d’une tendance
à faire plus facilement des
infections par diminution
de l’immunité. Enfin, de
fortes doses de cortisone
peuvent aussi avoir un
retentissement sur l’os et
accroître le risque de survenue d’une ostéoporose.
Il est donc souvent important d’essayer de trouver
la «moindre dose efficace»,
qui permette de limiter
les effets secondaires. Pour
éviter les problèmes d’os-
téoporose, on prescrit parfois vitamine D ou calcium.
On peut donner un régime
sans sel afin d’éviter la
prise de poids, et associer
un traitement de potassium
pour maintenir sa concentration constante dans
le sang. Enfin, un régime
peut être prescrit si le
patient a tendance à
développer un diabète.
Néanmoins et malgré ces
effets secondaires, dans un
certain nombre de cas, les
traitements par la cortisone
(y compris à fortes doses)
sont absolument indispensables et doivent être poursuivis. Lorsque la cortisone
est donnée non pas à titre
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pharmacologique, pour
diminuer une inflammation ou une douleur, mais
pour pallier le manque de
sécrétion par les surrénales,
elle est administrée à doses
physiologiques. Ces très
petites doses sont données
à vie et n’entraînent pas
d’effets secondaires. La
dose administrée chaque
jour est un traitement
substitutif qui correspond
à la dose de cortisone normalement sécrétée par les
surrénales. Dans ce cas, il
n’est bien évidemment pas
recommandé de faire un
régime sans sel, au contraire,
et il n’y a pas de risque
d’ostéoporose.
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JURIDIQUES
Luc Benevello
CONSEILS
Quelles sont les précautions à prendre pour
rédiger son testament sous la forme olographe ?
L
e terme «olographe»
signifie «entièrement
écrit à la main». Le testament doit être écrit de la
main du testateur et doit
l’être en entier. Minuscules
ou majuscules, stylo ou
plume, tout support, le
testament est valable.
En revanche, un testament
dactylographié est nul,
comme un testament
imprimé. En cas de
contestation de l’écriture,
il y a lieu de recourir à la
procédure de vérification
d’écriture. Le testament
doit être personnel. Mari
et femme doivent chacun
faire leur testament.
Il convient d’indiquer ses
nom, prénom et domicile
et d’éviter les ratures.
La rédaction du testament
doit être claire et ne pas
comporter de formules
ambiguës, sources d’éventuelles contestations ou
procès. Pour faire un
legs à notre Fondation,
il faut indiquer en entier
«Fondation pour la
Recherche Médicale»
et, si possible, ajouter
notre adresse. Votre
notaire pourra ainsi nous
contacter plus rapidement.
Une lettre missive peut
inclure un testament
à condition que celle-ci
ne fasse pas seulement
état d’un projet.
La date et la signature sont-elles indispensables
sur un testament?
L
a date est indispensable.
Elle doit être lisible et
exacte. A défaut le testament est nul. L’absence
de signature entraîne
également la nullité du
testament car il manque
un élément essentiel,
la volonté du testateur.
Sans signature, il ne peut
s’agir que d’un projet
sans valeur.
Ai-je intérêt à demander à mon notaire
d’inscrire mon testament au Fichier central
des testaments ?
L
es risques de perte ou
de destruction du testament, du vivant du testateur (personne qui rédige
le testament) ou après son
décès, conduisent à inciter
le testateur à déposer son
testament chez un notaire
et à lui demander de
l’inscrire au Fichier
central des testaments.
Cette inscription du testament est confidentielle et
constitue une sécurité réelle.
Tout notaire qui ouvre une
succession est tenu d’interroger le Fichier central.
Il connaît ainsi le lieu
de dépôt des dispositions
testamentaires et
peut les exécuter.
Une copie du testament est-elle valable
si l’original n’est pas retrouvé ?
L
a copie d’un testament olographe est sans valeur, ne pouvant être considérée comme
le testament lui-même, à la différence de doubles originaux qui comportent l’expression de la volonté du testateur.
par Catherine
Baechelen,
responsable
des dons
et des legs
à la Fondation
pour la
Recherche
Médicale.
01 44 39 75 66/67
Glossaire
Fichier central
des testaments :
fichier sur lequel le
notaire inscrit l’existence
du testament à la
demande du testateur.
Cette inscription est
confidentielle. La durée
de conservation du
fichier est de 130 ans
à partir du jour de
naissance du déposant.
Tout notaire qui ouvre
une succession est tenu
d’interroger le Fichier
à l’ouverture d’une
succession.
Dévolution
testamentaire :
dispositions qui s’appliquent quand le défunt
a laissé un testament.
Si le testateur a des
enfants, il ne peut disposer que d’une partie
de son patrimoine appelée «quotité disponible».
Quotité disponible :
partie de son patrimoine
dont on peut disposer
librement en présence
d’héritiers réservataires
soit par donation, soit
par legs.
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