Océans Cosmiques

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Océans Cosmiques
Il était une fois, une goutte d’eau sur la Terre.
Une ? Ou plutôt des millions, des milliards...
La mer, les profonds océans...
L’iceberg, les infinis glaciers polaires...
La cascade du torrent, le cours tranquille de la rivière...
La vapeur du nuage ou du brouillard en hiver...
L’eau si familière, sans laquelle la Terre serait probablement restée sans vie
L’eau a favorisé le développement de la vie sur Terre.
Mais ailleurs dans l’espace, l’eau est-elle présente ? Est-elle abondante ?
Pourrions-nous découvrir dans l’Univers de véritables océans cosmiques ?
En partant à la recherche de l’eau dans l’Univers, les scientifiques ont entrepris un formidable voyage aux
sources de la vie.
En voici l’histoire...
L’aventure commence dans le système solaire, notre Univers proche.
L’eau y présente de multiples visages.
Pas si simple de la repérer. Comment faire ?
Comment savoir, sinon en partant à la rencontre de nos planètes voisines...
Pour nous astronomes, partir à la recherche de l’eau, c’est nous intéresser à l’infiniment petit. Notre piste,
c’est une molécule : H2O. Et nous pouvons la rencontrer sous différentes formes : liquide, gazeuse ou
glace. Nous pouvons aussi repérer les empreintes qu’elle a laissées, car l’eau façonne les paysages
planétaires.
Avant d’entamer notre voyage dans le système solaire, observons un instant l’étoile qui lui a donné son
nom : le Soleil. Nous connaissons bien sa structure : une sphère de gaz très chauds. La température de
sa surface visible est de 6000°.
Vous voyez ces régions sombres ? Ce sont les taches solaires. Là, la température descend localement à
4000° environ…Et nous avons eu la surprise d’y repé rer de la vapeur d’eau !
En faible quantité bien sûr.
A 58 millions de km du Soleil… voici Mercure.
Bien qu’il fasse plus de 400° sur sa face éclairée, nous y avons relevé des banquises de glace, là, au fond
du cratère Chao-Meng Fu, près du pôle Sud. … Une glace à l’abri de la lumière solaire bien sûr, par moins
170° !
Encore de l’eau, mais en quantité somme toute très limitée...
Du cratère Chao Meng Fu à Vénus il n’y a qu’un pas, environ 50 millions de km...
D’après nos mesures, l’atmosphère de Vénus est une fournaise de gaz carbonique où la température
avoisine les 500°.
Mais l’eau est encore là, vaporisée au cœur de vastes nuages d’acide sulfurique.
Oh ! Une bien faible quantité d’eau qui, à l’état liquide, couvrirait le sol de Vénus sur seulement 20
centimètres… Pas assez pour rêver d’un océan...
Si l’eau a coulé à sa surface, Vénus n’en a pas gardé la trace. Scruté par la sonde Magellan en 1990, son
sol n’a révélé aucune marque évidente d’écoulement, seulement d’impressionnants reliefs volcaniques…
Nous voici à 150 millions de km du Soleil. Je ne vous présente pas la Terre, vous la reconnaissez
facilement !
Pour l’instant, notre petite planète bleue semble bien être la seule à abriter des océans liquides.
Des océans immenses qui recouvrent les deux tiers de sa surface.
Quel contraste avec la Lune ! Sa surface est désertique et criblée de cratères.
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Pourtant de l’eau a tout de même été repérée récemment aux pôles, au fond de cratères qui ne voient
jamais la lumière du Soleil, comme sur Mercure.
Poursuivons notre voyage…
Mars mérite qu’on s’y arrête. Malgré ses allures de désert aride, nous y avons fait d’étonnantes
découvertes.
Dans les calottes polaires de neige carbonique, l’eau est piégée sous forme de glace. Ces calottes varient
au cours des saisons, mais au pôle Nord, l’eau y subsiste toute l’année, au sein de véritables falaises de
glace.
Après analyse des photographies du sol de Mars, nous pensons que l’eau existe aussi en profondeur,
dans ce que nous appelons le pergélisol : un amalgame de glace et de roche.
Avec une température moyenne de moins 53°, il fait trop froid à la surface de Mars pour que l’eau soit
présente à l’état liquide.
Mais nous sommes certains que l’eau a coulé dans le passé, car elle a façonné les paysages martiens.
Les images des sondes spatiales nous l’ont montré : regardez ces îles en forme de larmes, ces lits de
rivière asséchés ou encore ces réseaux de vallées aux nombreux affluents et longs de plus de 500 km…
Qui pourrait encore en douter ?
Mais l’eau liquide sur Mars, c’était il y a plus de 3 milliards d’années.
Où est passée l’eau de Mars ? Subsiste-t-il des poches souterraines d’eau liquide ? L’eau s’est-elle
évaporée ou simplement infiltrée dans le sous-sol gelé ? Les deux hypothèses sont étudiées.
Reprenons notre voyage.
Au-delà de la ceinture des astéroïdes, l’eau devient plus abondante.
Nous entrons dans le monde des planètes gazeuses et grâce au satellite infrarouge ISO, ces géantes
nous ont livré quelques secrets.
Par exemple qu’elles renferment une très grande quantité de vapeur d’eau dans leur épaisse atmosphère
de gaz tourmentés, et particulièrement dans leur haute stratosphère.
Nous sommes à 800 millions de km du Soleil. Autour de Jupiter, par moins 200°, les satellites Europe,
Ganymède et Callisto sont de véritables mondes de glace. L’eau s’associe à l’ammoniaque et au méthane
pour former ces banquises grêlées de cratères...
Pour nous, Europe est un monde particulièrement fascinant : les récents survols par la sonde Galiléo ont
révélé à sa surface d’étonnants réseaux de fractures, des failles pouvant atteindre 300 km de long sur 10
km de large ! Pour expliquer de telles structures, nous supposons l’existence d’un vaste océan sous
glaciaire. En jaillissant brutalement à travers l’écorce de glace, cette eau liquide remodèle régulièrement le
sol d’Europe, découpant d’immenses icebergs et dessinant ces étonnants reliefs.
Au fond des océans cachés d’Europe, des sources hydrothermales profondes pourraient avoir favorisé
l’apparition des prémisses de la vie !
A près d’un milliard et demi de km du Soleil, les satellites de Saturne, Encelade et Mimas, présentent
aussi un sol tourmenté.
Vous voyez ces terrains lisses avoisinant des zones fracturées ?
L’eau est probablement responsable de ce remodelage du sol gelé d’Encelade et de Mimas.
Plus loin, nous croiserons Miranda, un satellite d’Uranus. Avec des falaises de glace de plus de 20 km de
haut, Miranda est un monde chaotique à l’histoire violente et tourmentée.
Nous arrivons au terme de notre voyage, aux confins du système solaire. Nous sommes dans le nuage de
Oort, vaste réservoir de blocs de glace et de poussière, ces “ boules de neige sale ” comme on les
nomme, et qui forment le noyau des comètes. On estime leur nombre à plus de mille milliards… Pouvaiton rêver trouver plus vaste réserve d’eau ?
De l’eau en abondance dans le système solaire ? C’est plutôt une bonne nouvelle.
Mais quelle répartition inégale ! Tant d’eau loin du Soleil, et si peu dans son proche voisinage !
Notre Terre a vraiment l’air d’une anomalie ! Proche du Soleil et si riche en eau …
Cela a tout d’une énigme pour les astronomes...
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A moins que les comètes n’aient joué un rôle dans l’histoire de l’eau sur la Terre ? Ces messagères de
l’espace ont-elles contribué à créer nos océans terrestres ?
La question mérite de partir sur la piste de ces mystérieuses voyageuses.C’est ici que vagabondent les
noyaux des comètes. Ils sont parfois déstabilisés sous l’influence des étoiles voisines et leur trajectoire se
modifie. Ils plongent alors vers le Soleil.
Dès l’orbite de Jupiter la comète s’échauffe. Sa glace se sublime et des tonnes d’eau sont rejetées dans
l’espace. La comète déploie alors une gigantesque queue de gaz et de poussières qui peut atteindre
jusqu’à 200 millions de km !
Au cours de leur voyage, les comètes peuvent aussi croiser la trajectoire d’une planète et la percuter
violemment.
C’est ce que nous avons vécu en direct en 1994 avec la comète Shoemaker-Lévy.
Lors d’un premier passage autour de Jupiter, son noyau s’est fragmenté en une vingtaine de blocs. En
s’écrasant successivement dans l’atmosphère de Jupiter, ces blocs ont libéré des tonnes d’eau…
Nous avons pu mesurer l’extrême violence de ces collisions, l’équivalent de quelques millions de bombes
atomiques…
Une bonne partie de l’eau ne survit pas au choc… Mais nous pensons qu’à l’occasion de ces terribles
rencontres les comètes déposent de l’eau à la surface des planètes.
La sonde Lunar Prospector a scruté le sol de la Lune. La glace qu’elle a analysée aux pôles est d’origine
cométaire. Nos mesures l’ont prouvé.
Et d’après nos calculs, 6 milliards de tonnes d’eau ont ainsi été déposés aux pôles lunaires.
Et nos océans terrestres ? Se sont-ils créés à l’occasion de pareilles collisions ?
Les comètes ont toujours fasciné et effrayé les populations. Peut-être craignait-on inconsciemment
qu’elles ne s’écrasent sur Terre, entraînant avec elles un gigantesque cataclysme ?
L’apparition dans le ciel de ces “sorcières cosmiques”, affublées de tous les maux, était interprétée
autrefois comme un mauvais présage !
Nous avons longtemps pensé que les océans terrestres s’étaient formés grâce aux comètes. Au passage
de la comète de Halley en 1986, nous avons même calculé qu’en percutant la Terre, Halley aurait
recouvert la France de presque5 mètres d’eau… C’est énorme !… Car des milliers de comètes se sont
écrasées sur Terre… De quoi remplir plusieurs fois nos océans !
Mais les passages récents des comètes Hyakutaké et Hale-Bopp ont montré que nous nous trompions de
chemin : nos nouveaux calculs révèlent que la majeure partie de l’eau est détruite lors de l’impact et nous
pensons aujourd’hui que les comètes n’auraient contribué à la formation de nos océans qu’à hauteur de
10% !
Pour préciser les mesures, nous attendons beaucoup des futures missions spatiales.
La Mission européenne Rosetta sera lancée en 2003. Elle nous permettra de mieux connaître ces astres
porteurs d’eau. En 2011 Rosetta rejoindra dans sa course la comète Wirtanen et posera une sonde à sa
surface pour analyser son sol de glace.
Cette prouesse technologique nous permettra de mieux connaître ces grandes voyageuses…Si les
comètes n’ont pas été les seules responsables de la présence de l’eau sur notre planète, il faut chercher
plus loin, trouver dans l’espace une autre source.
Peut-être en nous tournant vers notre passé ?
Car si nous remontons aux origines de l’Univers, nous allons remonter aux origines mêmes de l’eau.
Et si nous percions le secret de cette surprenante molécule d’eau… Elle qui se cache un peu partout dans
le système solaire et qui voyage “ sur le dos ” des comètes ?
Que va-t-il nous apprendre, ce secret, nous qui sommes à la recherche..., d’océans cosmiques?
Il y a 15 milliards d’années, Le Big-Bang.
La lumière, la matière, l’espace et le temps se seraient crées à cet instant où est né l’Univers.
Dès les premières minutes l’hydrogène s’est formé.
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Il est primordial l’hydrogène, parce qu’il est le constituant principal de l’Univers et le composant essentiel
de l’eau. L’hydrogène s’assemble au sein d’immenses nuages de gaz qui peuplent l’Univers. Ces nuages
deviennent des galaxies, regroupant des milliards d’étoiles.
L’autre composant de l’eau c’est l’oxygène, qui se forme au cœur de ces milliards d’étoiles.
A la fin de leur vie, les étoiles se dilatent. Elles deviennent des géantes rouges. C’est là, à la périphérie de
cette gigantesque enveloppe de gaz que peuvent s’assembler nos atomes d’hydrogène et d’oxygène pour
former... une molécule d’eau.
Ou plutôt des milliards de molécules d’eau !
Lorsque ces géantes rouges atteignent le stade ultime de leur vie, elles grossissent encore, jusqu’à rejeter
leurs enveloppes…, et nos molécules d’eau errent dans l’espace.
Mais l’intense rayonnement ultraviolet des étoiles voisines casse les molécules, les disloque
complètement.
L’oxygène et l’hydrogène vont rejoindre les grands nuages interstellaires, les nébuleuses, au sein
desquelles l’eau peut à nouveau se former.
Vous voyez la constellation d’Orion, ce chasseur mythique qui domine nos ciels d’hiver ?
C’est là que nous avons découvert le plus vaste de ces nuages interstellaires : un bain de vapeur où l’eau
est 20 fois plus abondante que ce que l’on avait mesuré jusqu’alors.
Imaginez : il y a là de quoi remplir chaque jour 60 fois nos océans terrestres... !!
Ces nébuleuses sont sans doute les plus grands réservoirs d’eau de l’Univers !
Les voilà nos océans cosmiques !
Et ces nuages moléculaires géants nous apprennent beaucoup sur nos origines !
Parce que c’est dans un laboratoire chimique du même type qu’a été produite la majeure partie de l’eau du
système solaire, d’abord sous forme de vapeur, puis en se refroidissant, sous forme de glace.
Mélangées aux gaz et aux poussières en rotation autour du jeune Soleil, ces molécules d’eau parsèment
l’ensemble de cette nébuleuse primitive qui est à l’origine de notre système solaire.
De chocs en chocs, glaces et poussières se sont assemblées, formant des petits corps qui ont fusionné à
leur tour. Au gré des collisions, ils ont donné naissance aux planètes, satellites et milliards de comètes du
système solaire.
Mais le rayonnement du Soleil chasse la vapeur d’eau et les éléments légers vers l’extérieur de la
nébuleuse, là où la température transforme l’eau en glace.
C’est ainsi que s’est créé, loin du Soleil, le monde froid des planètes géantes, de leurs satellites de glace
et des comètes.
Près du Soleil en revanche, les planètes telluriques sont nées dans une région appauvrie en eau. La faible
quantité d’eau qui leur reste est piégée dans les minéraux des roches.
Voilà pourquoi l’eau est tellement rare près du Soleil !
Toutes les planètes rocheuses qui l’entourent n’ont conservé qu’une faible quantité d’eau.
Toutes ? Et la Terre ?
Pourquoi sur Terre, nos océans sont bel et bien liquides et abondants alors que ses voisines, Vénus et
Mars, sont désespérément sèches à leur surface ?
Avant de terminer notre histoire, il faut absolument résoudre cette énigme des océans terrestres !
Que s’est-il passé ?
Vénus, la Terre et Mars sont presque totalement sèches à l’origine.
Mais une intense activité volcanique se déclenche, et provoque le dégazage des roches.
Ces émanations riches en gaz carbonique et en vapeur d’eau enveloppent la planète d’une atmosphère
primitive.
L’apparition de cette atmosphère permet à l’eau de se condenser et de se maintenir en surface à l’état
liquide.
Logiquement, Mars et Vénus ont connu cette phase dans leur évolution.
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C’est plus tard que les choses changent !
Vénus est très voisine du Soleil.
Elle reçoit une énergie solaire deux fois plus importante que la Terre.
Un effet de serre apparaît qui fait croître la température. L’eau devient vapeur et s’échappe dans la haute
atmosphère.
A part quelques traces, elle disparaît dans la fournaise, dissociée par le rayonnement ultraviolet du Soleil.
Sur Mars, c’est un peu l’inverse.
Plus éloignée de la Terre, elle a reçu moins d’énergie du Soleil et plus petite, elle a progressivement perdu
son atmosphère. Le froid s’est propagé sur Mars et tout a gelé : un peu de glace en surface et dans les
couches profondes, son pergélisol.
Et nous ?
Nous sommes à la bonne distance du Soleil !
Celle qui conserve l’atmosphère protectrice et permet à l’eau liquide de se maintenir : ces océans qui ont
piégé le gaz carbonique de l’atmosphère primitive de la Terre.
Alors, l’atmosphère s’est équilibrée et la température à la surface de la Terre s’est stabilisée.
En conservant ses océans, la Terre s’est offert un thermostat planétaire qui régule le climat.
C’est ce fragile équilibre qui a favorisé le développement de la vie...
Nous aurions pu geler...
Nous aurions pu fondre...
Quelques millions de kilomètres ont sauvé la Terre... Et nous ont sauvés nous, Terriens...
En partant à la recherche de l’eau, nous avons fait des découvertes, des pas de géant, de plain-pied dans
l’Univers... Nous avons rencontré un gigantesque nuage de vapeur interstellaire..., croisé de curieuses
messagères.
Plusieurs fois, nous avons remonté le temps.
Nos océans restent bel et bien une exclusivité de la Terre, seule et unique planète vivante de l’Univers...
Enfin, pour l’instant.
Dans les vapeurs de nos océans cosmiques, l’Univers enferme encore bien des secrets…
Puisque les nébuleuses qui parsèment les galaxies donnent naissance à de nouveaux systèmes
planétaires, le système solaire aurait-il des petits ou des grands frères ?
Ils doivent être nombreux, ces lointains océans recouvrant des planètes qui, comme la nôtre, pourraient
connaître la vie…
La Terre, seule et unique planète vivante de l’Univers ?
© Cité de l'Espace - Toulouse
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