Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment? Rapport du symposium de la Ligue suisse contre le cancer Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 1 Sommaire Impressum _Editrice Ligue suisse contre le cancer Effingerstrasse 40 Case postale 8219 3001 Berne Tél. 031 389 93 18 Fax 031 389 91 60 www.liguecancer.ch www.colon-cancer.ch [email protected] Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment? 5 Les chiffres: incidence et mortalité en Suisse 7 Les limites de la médecine factuelle 10 Dépistage du cancer de l’intestin en Suisse 11 L’embarras du choix pour le dépistage du cancer de l’intestin 15 A quel point le dépistage du cancer de l’intestin est-il éthique? 18 La prévention: composante incontournable 19 Informer plutôt que manipuler 22 Débat 25 Ce que fait la Ligue contre le cancer 28 Appendice 29 _Auteur Oliver Klaffke, Klaffke & Dietschi’s really fine ideas, Hägendorf, www.reallyfineideas.ch Collaboration: Ursula Zybach, Ligue suisse contre le cancer Katrin Haldemann, Ligue suisse contre le cancer _Illustrations Peter Schneider, Thoune _Graphisme et mise en pages Partner & Partner, Winterthour _Impression Mattenbach AG, Winterthour Ce rapport existe aussi en allemand. Les résumés, les présentations et les photos sont disponibles en ligne sous: © 2008 Ligue suisse contre le cancer www.colon-cancer.ch LSC/01.2008/300 F Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 3 Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment? «Cette journée a pour but de dresser l’état des lieux de la prévention du cancer de l’intestin», a déclaré Daniel Betticher, membre du Comité de la Ligue suisse contre le cancer, à l’ouverture du symposium que la Ligue suisse contre le cancer a organisé à Berne, à la mi-septembre, sous le titre «Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment?». Plusieurs disciplines médicales, mais aussi l’épidémiologie et l’éthique, ont jeté leur éclairage sur le dépistage du cancer de l’intestin. Plus de cent cinquante experts ont répondu à l’invitation. Les résultats de plusieurs études ont été présentés, portant sur l’efficacité du dépistage en général ou sur une méthode de dépistage spécifique. Une place importante a par ailleurs été accordée aux répercussions possibles d’un programme national de dépistage sur l’économie de la santé. Chaque année, en Suisse, 4100 personnes apprennent qu’elles ont un cancer de l’intestin, et 1600 personnes meurent de cette maladie. Un quart des habitants de ce pays développent des polypes après leur 50e anniversaire et un vingtième décèdent des conséquences du cancer de l’intestin, qui constitue en Suisse la deuxième cause de mortalité due au cancer. Or, il n’y a dans ce pays aucune recommandation ni directive officielle sur le dépistage du cancer de l’intestin. En Allemagne et dans quelques autres pays européens, des examens de dépistage réguliers sont déjà entrés dans les habitudes. personnes. Quand le cancer de l’intestin est détecté à temps, les chances d’en guérir dépassent les 90 %. Le dépistage s’opère soit par un test qui consiste à détecter du sang occulte dans les selles (Fecal Occult Blood Test – FOBT), soit au moyen d’un examen de l’intestin à l’endoscope (coloscopie) pour y rechercher la présence de polypes, les premiers signes d’une possible maladie cancéreuse de l’intestin. Si le cancer de l’intestin est décelé trop tard, les chances de survie baissent rapidement. Le présent rapport est fondé sur les exposés et présentations des intervenants, ainsi que sur les contributions des participants au débat final, qui se sont exprimés lors du symposium «Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment?» organisé par la Ligue suisse contre le cancer en septembre 2007. Il doit servir de base de référence pour la suite des démarches à entreprendre en ce qui concerne la problématique du dépistage du cancer colorectal en Suisse. L’ensemble des exposés, présentations et photos peut être consulté sur www.colon-cancer.ch. Les autres documents, de même que la prise de position, seront également mis en ligne ultérieurement sous ce même lien. Les partisans d’un dépistage systématique espèrent ainsi réduire la mortalité. Il s’agit de détecter la maladie à un stade suffisamment précoce pour qu’un traitement ait encore de bonnes chances de réussir, et ce chez un maximum de 4 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 5 Les chiffres: incidence et mortalité en Suisse Chaque année en Suisse, environ 4100 nouveaux cas de cancer de l’intestin sont diagnostiqués. La Suisse est ainsi l’un des pays d’Europe où l’incidence de ce type de cancer est la plus élevée. En même temps, les personnes atteintes d’un cancer colorectal ont de très bonnes perspectives de survie dans notre pays, cela en raison notamment du dépistage précoce. Mais améliorer encore ce dépistage coûte de l’argent. Chaque année de vie gagnée grâce à un examen coloscopique coûte environ 12 500 francs. Le dépistage précoce permettrait cependant de réduire les coûts globaux en diminuant le nombre de traitements coûteux nécessaires aux stades tumoraux avancés. Les faits sont là: en Suisse, le cancer de l’intestin constitue la néoplasie la plus fréquente chez les non-fumeurs. Il occupe la troisième place chez l’homme, après la prostate et le poumon, et la deuxième chez la femme, après le sein. Ce cancer est responsable annuellement de 8000 années de vie perdues avant 75 ans. Toujours en Suisse, on estime à environ 4100 le nombre de nouveaux cas annuels, et à près de 15 000 celui des personnes vivantes ayant été atteintes depuis moins de cinq ans. La grande majorité des cas apparaissent après 60 ans. Les hommes sont plus souvent touchés que les femmes. Le risque de décéder d’un cancer colorectal avant l’âge de 75 ans est de 4,3% chez l’homme et de 2,8% chez la femme. «Chaque année en Suisse, environ 1600 personnes décèdent d’un cancer de l’intestin», a déclaré Fabio Levi, du CHUV à Lausanne. « La mortalité par cancer de l’intestin continuera vraisemblablement de reculer ces prochaines années. Fabio Levi 6 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» » Evolution de l’incidence et de la mortalité La mortalité due au cancer a diminué en Suisse ces 20 dernières années. Entre 1985 et 2004, pour 100 000 habitants, elle a reculé de 28 à 20 décès chez les hommes et de 17 à 12 décès chez les femmes. S’agissant spécifiquement du cancer de l’intestin, on observe des disparités géographiques en ce qui concerne la fréquence d’apparition. La Suisse est l’un des pays où l’incidence du cancer de l’intestin est la plus élevée, bien qu’elle soit restée stable ces dernières années. Nous nous situons au premier rang européen quant à l’incidence dans la population féminine, et au troisième rang dans la population masculine. Mais la Suisse fait aussi partie des pays où les taux de mortalité par cancer de l’intestin sont les plus faibles: chez les hommes comme chez les femmes, nous occupons le troisième rang avant la fin en Europe. Une alimentation plus saine diminue le risque de cancer de l’intestin Au cours de ces dernières décennies, on a constaté une tendance intéressante sur le plan européen: si, il y a encore 20 ans, de fortes disparités existaient entre les différents pays dans les taux de mortalité, les chiffres tendent à converger progressivement. Fabio Levi estime que la mortalité par cancer de l’intestin continuera vraisemblablement de reculer en Europe dans les prochaines années, cela principalement en raison de deux facteurs: d’une part, les habitudes alimentaires, à l’origine d’environ 25% des nouveaux cas, se sont modifiées; d’autre part, les examens préventifs portent leurs premiers fruits. Mais l’augmentation de la prise d’aspirine, de substances anti-inflammatoires et de la pilule contraceptive, ainsi que le recours accru au traitement hormonal des troubles de la ménopause, peuvent aussi avoir favorablement influencé la mortalité. «En ayant Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 7 une plus grande dépense physique et en réduisant sa consommation d’alcool, on peut faire aussi beaucoup pour réduire son risque face au cancer de l’intestin», a assuré Fabio Levi. En Suisse, grâce notamment aux nouvelles approches thérapeutiques, le taux de survie à cinq ans après un carcinome colorectal n’a cessé de s’accroître au cours de ces dernières décennies: il était de 55% entre 1990 et 1994, de 60% entre 1995 et 1999, et de 64% entre 2000 et 2002. La prévention par coloscopie se révèle payante En menant des campagnes de prévention, on peut encore abaisser la mortalité par cancer colorectal. «Mais cela a un prix», a souligné Thomas Szucs, économiste de la santé à l’Université de Zurich. La mission de l’économie de la santé consiste à fournir aux politiques des outils décisionnels. L’objectif est d’identifier les méthodes médicales qui présentent le meilleur rapport coûts-efficacité. Dans l’analyse, il s’agit tout d’abord d’estimer le nombre d’«années de vie perdues» à cause d’une maladie, en l’occurrence le cancer de l’intestin. Ce paramètre sert ensuite de base pour calculer le nombre d’«années de vie sauvées» grâce à un dépistage par exemple. En intégrant les coûts des différentes méthodes, on arrive à évaluer le rapport coûts-efficacité de chacune d’elles. Il existe toute une série d’études tentant d’estimer cette valeur pour les différentes méthodes de dépistage du cancer de l’intestin. «La coloscopie se révèle être une méthode qui présente un très bon rapport coûts-efficacité», a précisé Thomas Szucs. D’après ses calculs, une année de vie sauvée grâce à la coloscopie coûte environ 12 500 francs. C’est un coût favorable si on « La coloscopie est une méthode qui présente un très bon rapport coûts-efficacité » Thomas Szucs 8 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» le compare à celui de la mammographie par exemple, qui est de l’ordre de 80 000 francs. Les coûts des médicaments inquiètent les caisses-maladie Reto Guetg, médecin-conseil de santésuisse, a évalué les coûts liés au traitement du cancer colorectal. «Chaque génération de médicaments est plus onéreuse que la précédente», a-t-il souligné. S’agissant des médicaments utilisés pour combattre le cancer de l’intestin, l’augmentation des coûts a atteint un facteur 500 aux Etats-Unis: un traitement sur huit semaines coûtait naguère $ 63, alors qu’il atteint presque $ 31 000 aujourd’hui. En Suisse, si les coûts des anciens traitements étaient de l’ordre de 1600 à 12 000 francs durant les six premiers mois, ceux des nouveaux traitements se situent entre 25 000 et 35 000 francs, et ils ont encore doublé avec l’arrivée des plus récents principes actifs. Le rapport coûts-efficacité des nouveaux médicaments est ouvert Bien que les nouveaux médicaments apportent des améliorations indiscutables, on peut se demander s’il existe un rapport raisonnable entre les coûts et l’efficacité thérapeutique. Pour fixer le prix de leurs médicaments, les entreprises pharmaceutiques prennent en considération des critères tels celui des coûts socio-économiques épargnés grâce au traitement. «Avec la «méthode de substitution», on intègre précisément ce critère dans le calcul du nouveau prix», a expliqué Reto Guetg. Les éventuelles économies réalisées dans les coûts indirects sont ainsi l’agent payeur. Dans la plupart des cas, la manière dont le coût des principes actifs est effectivement calculé est opaque d’un point de vue de l’économie d’entreprise. Les médicaments occupent donc une place à part: non seulement leur prix n’est pas transparent, mais ils ne suivent pas la tendance générale selon laquelle, pour la plupart des biens de consommation, le nouveau modèle coûte moins cher que le précédent tout en étant bien souvent encore plus performant. «Pensez simplement à votre nouvel ordinateur portable», a suggéré Reto Guetg. Il existe cependant un contreexemple: avec une nouvelle préparation, le traitement présente un rapport coûts-efficacité plus favorable qu’avec la préparation précédemment utilisée. Pour les assurances-maladie, l’évolution des prix des médicaments est un problème, car les coûts des produits pharmaceutiques représen- Coûts du traitement du carcinome du côlon en Suisse Plus tôt le cancer du côlon est diagnostiqué, moins son traitement est onéreux. D’après les calculs de Reto Guetg, les coûts directs du traitement du carcinome du côlon s’élèvent à environ 184 millions de francs par année. Somme qu’il faut à peu près doubler si l’on veut inclure les coûts indirects tels que les journées de travail perdues. Ce qui donne une charge globale annuelle avoisinant les 370 millions de francs. Ces coûts augmenteront encore avec l’introduction d’une nouvelle génération d’anticorps monoclonaux qui prolongent la survie des patients dont la tumeur n’a été détectée qu’à un stade avancé (avec métastases). En combinaison avec la chirurgie palliative (élimination des métastases du foie et/ou des poumons), le traitement permet de prolonger encore davantage la survie de nombreux malades tout en leur assurant une bonne qualité de vie. La «chirurgie du cancer», avec ses succès, contribue donc elle aussi à l’évolution accélérée des coûts. La durée de convalescence après des interventions chirurgicales a pu être nettement raccourcie grâce à l’amélioration des techniques opératoires et anesthésiques. Néanmoins, si un dépistage permet de poser davantage de diagnostics à des stades précoces auxquels les traitements sont peu onéreux et les coûts indirects faibles, on pourra sans doute inverser la courbe d’évolution des coûts. tent déjà plus de 20% de l’ensemble des dépenses. Et cette proportion tend à s’accroître. C’est la catégorie de coûts qui augmente le plus rapidement, avec celle des coûts hospitaliers. Durant la période 2001–2005, les coûts des médicaments ont augmenté de presque 20%. Les coûts des médicaments ambulatoires ont presque doublé entre 1997 et 2004. Pendant la même période, l’indice national des prix à la consommation n’a pourtant augmenté que de 8% environ. Pour les consommatrices et consommateurs, cette évolution est inquiétante, car aujourd’hui les ménages suisses consacrent déjà plus de 22% de leur revenu au paiement des primes d’assurance, toutes assurances confondues. < « Le dépistage précoce peut aider à faire baisser les coûts. » Reto Guetg L‘essentiel en bref > Il est urgent de mettre en place des stratégies de diagnostic précoce et de dépistage des carcinomes colorectaux. Ces stratégies doivent être soumises à une évaluation et à une assurance de qualité rigoureuses. Cela est nécessaire si l’on veut réduire efficacement la charge socio-sanitaire que représente le cancer de l’intestin. Fabio Levi > Ce qui est déterminant dans l’évaluation des méthodes médicales, c’est la réponse à cette question: «Quel bénéfice pour le patient et à quel coût?». Le critère de décision face à différentes méthodes, ce sont les coûts de chacune d’elles par année de vie gagnée grâce au dépistage. Thomas Szucs > Les progrès thérapeutiques dans le domaine du cancer de l’intestin entraînent une augmentation surproportionnelle des coûts. L’augmentation des coûts pourrait être freinée, voire enrayée par des diagnostics plus fréquents aux stades précoces (quand il n’y pas encore de métastases éloignées). Reto Guetg Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 9 Les limites de la médecine factuelle Les résultats d’études sur un même thème sont souvent diamétralement opposés. Un médecin qui souhaite se faire une idée de l’état des connaissances en se fondant sur la littérature, est face à une tâche impossible. Ce rôle revient à la communauté scientifique. C’est à elle, et non plus au médecin considéré individuellement, de déterminer ce qui constitue le juste savoir médico-scientifique, a estimé Johann Steurer. Si un médecin veut se faire une opinion, il consulte la littérature originale pour accéder à l’«évidence» médicale. «Mais la méthode atteint ses limites en présence d’études contradictoires», a souligné Johann Steurer, du Centre Horten pour la recherche orientée vers la pratique et le transfert de connaissances de l’Université de Zurich. Un exemple: en été 2007 sont parus dans le New England Journal of Medicine et dans le Journal of American Medical Association les résultats de deux études portant sur l’efficacité du dépistage du carcinome pulmonaire au moyen de la tomographie assis- « Il n’est plus du tout réaliste de penser qu’un médecin, considéré individuellement, puisse et doive décider si un dépistage est judicieux ou non. » Johann Steurer Dépistage du cancer de l’intestin en Suisse tée par ordinateur. Les deux articles aboutissent à des conclusions totalement opposées: dans le NEJM, il est écrit que le dépistage réduit drastiquement la mortalité liée au cancer du poumon, alors que, dans le JAMA, on peut lire que la mortalité est plus forte dans le groupe soumis au dépistage. Un médecin auquel un patient demande s’il lui conseille de subir ou non cet examen préventif, ne peut donc être que perplexe quant à la réponse à donner, a estimé Johann Steurer. «Ce n’est pas simplement une question d’évidence médicale, mais de savoir médical», a-t-il poursuivi. Ce savoir est établi par des experts et par la communauté scientifique s’occupant d’un sujet donné. Les temps sont donc révolus où chaque médecin pouvait se forger par lui-même une opinion. «Il n’est plus du tout réaliste de penser qu’un médecin, considéré individuellement, puisse et doive décider si un dépistage est judicieux ou non», a-t-il poursuivi. Si un médecin veut agir de manière responsable, il doit, selon Johann Steurer, se fonder sur le savoir communément reconnu et défini par des experts du domaine concerné. En médecine, il s’agira à l’avenir de dépasser le niveau de la médecine factuelle pour accorder une importance beaucoup plus grande au «savoir». «L’évidence à elle seule ne suffit plus.» Un autre problème est qu’en médecine, ce qui est reconnu comme le juste savoir n’est souvent pas appliqué par les médecins. Ainsi, bien qu’environ 80% des médecins interrogés par Johann Steurer et son équipe estiment que le dépistage du cancer colorectal est efficace, pas plus de 55% d’entre eux le recommandent et seulement 45% des médecins ont eux-mêmes pris part à un test préventif. Johann Steurer a en outre dénoncé ce qu’il appelle la «randomisite» et critiqué la tendance à mener des études dans des domaines où les faits sont depuis longtemps établis. < La population de Suisse est informée des possibilités de dépister le cancer de l’intestin et un tiers des habitants se sont déjà soumis une fois à un FOBT et un quart à une endoscopie. Le corps médical estime la coloscopie comme une méthode très efficace et le FOBT comme moyennement efficace. Le FOBT a toutefois sa place dans le traitement de base, car une partie des généralistes recommande et pratique ce test. Bien qu‘il ne soit pas officiellement conseillé en Suisse, le dépistage du cancer de l‘intestin est pratiqué chez les personnes de plus de 50 ans, même si le niveau reste bas. En Suisse, près de 60% de la population a déjà entendu parler des possibilités de prévenir le cancer de l’intestin. Tel est le résultat d’une enquête que Marcel Zwahlen, de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne, a menée en 2005. Un échantillon comprenait 2000 personnes réparties dans toutes les régions du pays. «Les résultats montrent que les possibilités de prévention sont connues», déclare Zwahlen. En Suisse alémanique et au Tessin, près de 30% des répondants s’étaient soumis à un FOBT. Dans l’ensemble du pays, cette proportion augmente avec l’âge des personnes interrogées. Elle frôle les 30% chez les 50 à 64 ans pour grimper à près de 43% chez les 65 à 79 ans. L’enquête fait apparaître de grosses différences en fonction de la couverture d’assurance: «Mieux les gens sont assurés, plus il y a de chances qu’ils aient subi un examen de dépistage», constate Zwahlen. Et d’en « Les personnes assurées en division privée ou semi privée bénéficient plus souvent d’un examen de prévention du cancer de l’intestin que celles assurées en division commune. » déduire qu’il faut à l’évidence prendre en considération les questions d’accès équitable au dépistage dans la formulation d’un programme de dépistage. Le FOBT répond souvent à un souci de prévention Par ailleurs, 23% des répondants déclarent s’être soumis à un examen endoscopique. Environ un quart d’entre eux disent l’avoir fait à titre préventif, soit deux fois moins que pour le FOBT. C’est aussi pour cette raison que 41% des gens ont demandé un test des selles. Il est particulièrement intéressant de savoir quelle proportion de personnes se sont soumises à un quelconque examen de dépistage au cours des cinq dernières années. Dans la tranche d’âges critique des 50 à 64 ans, 15% des personnes interrogées ont subi une endoscopie, une proportion qui monte à 21% dans la tranche des 65 à 79 ans. A côté de ce sondage effectué auprès de la population, les médecins de premier recours et les gastroentérologues ont aussi été interrogés au sujet de l’efficacité qu’ils attribuent aux diverses méthodes de dépistage. Dans leur grande majorité, ils jugent le FOBT «moyennement efficace» et la coloscopie «très efficace». Bien qu’ils ne soient pas vraiment convaincus de son efficacité, la grande majorité des généralistes effectuent le test consistant à rechercher du sang caché dans les selles. Dans près de la moitié des cabinets médicaux, on trouve des recommandations sur la prévention du cancer de l’intestin. Cette valeur est supérieure à celle mesurée pour la mammographie, mais inférieure à celles enregistrées pour la prévention du carcinome cervical et pour le test PSA détectant le carcinome de la prostate. La faible corrélation entre ce résultat et la présence d’une solide évidence par rapport à l’efficacité de chaque procédé de dépistage est surprenante. Marcel Zwahlen 10 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 11 12 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Le rapport coûts/efficacité est déterminant L’économie de la santé en tant qu’élément de décision Chris de Wolf, consultant spécialisé et responsable du Centre fribourgeois de dépistage du cancer du sein, a exposé les conditions à remplir pour améliorer les résultats d’un programme de dépistage. L’efficacité de la prévention passe par des programmes organisés et coordonnés. L’orateur a mis en exergue ces facteurs de réussite en se basant sur l’exemple de la prévention du cancer du sein en Europe en général et en Suisse en particulier. En comparaison internationale, la Suisse arrive en queue de peloton, avec le Danemark et l’Autriche, pour ce qui est de la participation à un programme de dépistage du cancer du sein. La proportion de femmes intégrées à un tel programme n’y est que de 25%, alors qu’en Espagne, en France, en Scandinavie ou en Grande-Bretagne par exemple, elle oscille entre 90 et 100%. Chris de Wolf rapporte ces grandes disparités à la conception des programmes de dépistage. Le succès est plus ou moins grand suivant la répartition des coûts, l’implication des médecins et l’information donnée au public. La comparaison cantonale le montre clairement. Alors qu’il existe des programmes de prévention du cancer du sein en Suisse romande, ce n’est pas le cas en Suisse alémanique. En conséquence, la participation des femmes varie beaucoup entre les deux régions. Or, l’efficacité du dépistage est manifeste: dans les cantons de Vaud et de Genève, qui disposent de programmes de prévention du cancer du sein, la mortalité des femmes de 50 à 70 ans a baissé d’environ 30% entre 1990 et 2002. A Bâle et à Zurich par contre, elle a augmenté de 9% ou marque seulement une légère baisse de 4%. Réduire la mortalité coûte de l’argent. Celui qui développe un programme de dépistage doit choisir la méthode présentant le meilleur rapport coût/efficacité. Les économistes de la santé recherchent la stratégie de prévention à même de sauver le plus d’années de vie à moindre coût. Pour la prévention du cancer du sein en Suisse, on distingue, selon Chris de Wolf, sept scénarios différents par les coûts qu’ils génèrent, mais aussi par leur plus ou moins grande efficacité: le procédé le plus simple consiste en un dépistage opportuniste tous les deux ans chez un tiers des femmes, ce qui correspond à peu près à la situation dans les cantons de Suisse centrale. Le procédé le plus coûteux allie une mammographie tous les deux ans et un dépistage opportuniste annuel chez 40% des femmes. Une analyse coûts/efficacité révèle toutefois que si cette variante génère des coûts plus de deux fois et demie supérieurs, elle n’aide à sauver que 10% d’années de vie de plus que la variante la moins ambitieuse. Un programme minimal non coordonné comme on en trouve par exemple à Bâle coûte à peine moins cher qu’un programme coordonné, mais ne sauve qu’un tiers des années de vie qui auraient pu l’être à un coût légèrement supérieur. « C’est la qualité, la qualité et encore la qualité qui détermine le succès d’un programme de dépistage. » Chris de Wolf Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 13 L’embarras du choix pour le dépistage du cancer de l’intestin Prévention du cancer de l’intestin en Europe «Seul un programme intensif de prévention et de dépistage permet d’abaisser le nombre de nouveaux cas de cancer de l’intestin et la mortalité en découlant», écrit Meinhard Classen de la clinique de la rive droite de l’Isar à Munich, dans son résumé. La commission a recommandé de lancer un tel programme dans tous les Etats membres de l’Union européenne. L’équipe de Classen a mené une enquête auprès 40 sociétés de gastroentérologie, afin de savoir si elles prenaient des mesures de prévention du cancer de l’intestin et à quelle échelle. Un tiers des pays se sont dotés d’un programme national de prévention du cancer de l’intestin, dont près de la moitié viennent de l’ancien bloc de l’Est. En Pologne et en République tchèque, le dépistage a produit de bons résultats. En Albanie, un programme correspondant a été lancé voici plus de dix ans. Au sein de l’UE, les programmes nationaux de dépistage diffèrent d’un Etat à l’autre. Ils se distinguent notamment par le taux de couverture de la population, par la fréquence de l’examen et par le choix de la méthode dépistage. Dans 25 Etats, il est conseillé d’introduire un tel programme. Comme méthode, on envisage aussi bien le FOBT que la coloscopie. Dans plus de la moitié des Etats, les société locales de gastroentérologie ont émis des recommandations en matière de prévention. < > La prévention dépend de la manière dont la personne est assurée, ce qui pourrait signifier des différences socioéconomiques. Comme on pouvait s’y attendre, les effets de l’âge s’observent dans la prévention du cancer de l’intestin. Le corps médical considère la coloscopie comme une mesure très efficace et le FOBT comme une mesure moyennement efficace pour prévenir le cancer de l’intestin. Marcel Zwahlen > Les programmes de dépistage organisés sont efficaces et présentent un bon rapport coût/efficacité. Un programme de prévention coordonné est aussi possible en Suisse. Chris de Wolf 14 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Le but du dépistage est clair. Déceler les signes précurseurs du cancer de l’intestin à un stade aussi précoce que possible, puis les éliminer rapidement. Si la probabilité de survivre cinq ans est de 90% au stade UICC 1 et 2, elle baisse rapidement aux stades 3 et 4. «Trois méthodes s’offrent à nous pour le dépistage», explique Dominique Criblez, médecin-chef de l’hôpital cantonal de Lucerne et membre du groupe de travail «CRC dépistage» de la Société suisse de gastroentérologie. Le cancer de l’intestin se Le dépistage en Europe Finlande: dans le modèle finlandais, un groupe choisi au hasard de citoyens entre 60 et 69 ans est invité à se soumettre à un FOBT. L’évaluation est centralisée et les personnes qui ont un résultat positif ont accès à une coloscopie. Six ans plus tard, la mortalité du groupe qui a bénéficié d’un dépistage est comparée à celle d’un groupe de contrôle n’ayant eu aucun examen de prévention. La poursuite du programme de dépistage dépend du résultat. Grande Bretagne: En Grande-Bretagne, on propose aux gens entre 60 et 66 ans de participer à un FOBT. L’examen de dépistage est effectué par des spécialistes et des généralistes. Il est légèrement différent en Angleterre et en Ecosse. L‘essentiel en bref Dans la pratique, trois méthodes passent au premier plan pour le dépistage du cancer de l’intestin. Le test visant à déceler du sang occulte, la sigmoïdoscopie flexible et la coloscopie. Comme le montre la première étude suisse sur les examens de prévention du cancer de l’intestin, la plupart des «candidats au dépistage» veulent une coloscopie. C’est d’ailleurs la méthode la plus efficace. France: En France, les personnes de plus de 50 ans sont appelées à passer un FOBT. Le médecin de famille joue un rôle important dans cet examen, car c’est à lui qu’il incombe de fournir les explications nécessaires. L’évaluation des résultats est centralisée. « Il y a deux grands courants: la prévention du carcinome et le dépistage du carcinome. Dominique Criblez » laisse facilement déceler avec un programme de dépistage. Si la mise en évidence de sang caché permet surtout de découvrir un carcinome avancé, la coloscopie révèle des tumeurs à un stade très précoce. Elle permet même d’identifier des précurseurs de tumeur (les polypes) sur la paroi de l’intestin et de les éliminer simplement. La coloscopie est une méthode très efficace La réduction de la mortalité est un critère important pour évaluer l’efficacité des diverses méthodes d’examen. Avec le FOBT, la mortalité baisse de 11 à 33% selon les études. «Un effet relativement modeste», commente Criblez. Un nouveau FOBT immunologique présente toutefois des valeurs nettement meilleures concernant le taux de découverte des carcinomes. La sigmoïdoscopie réduit pratiquement la mortalité de moitié. Quant à la coloscopie, elle permet de la faire baisser de près de 80%. Le gros avantage de cette méthode tient au fait qu’on peut déjà procéder à une polypectomie lors de l’examen. La coloscopie supplante même les procédés de tomographie par ordinateur pour la prévention du cancer de l’intestin. Ceux-ci sont certes très sensitifs, mais pour confirmer la présence de polypes, ils doivent être complétés par une coloscopie. Il est donc plus avantageux d’appliquer directement cette dernière méthode. Allemagne: En Allemagne, les citoyennes et les citoyens ont droit, à partir de 50 ans, à un test annuel payé par l’assurance-maladie, afin de déceler d’éventuelles traces de sang dans les selles. A partir de 55 ans, ils peuvent remplacer ce test par une coloscopie. Le médecin de famille joue un rôle important, car il fournit les explications requises à ses patients et les encourage à participer à cette mesure de prévention. Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 15 Plus d’une personne sur dix participe au dépistage du cancer de l’intestin La première étude suisse sur l’acceptation du dépistage du cancer de l’intestin dans les cantons d’Uri, de Glaris et dans la Vallée de Joux montre clairement les réticences de la population vis-à-vis de la prévention. Le médecin-chef de l’hôpital cantonal d’Altdorf Urs Marbet est le premier à avoir mené une étude sur l’acceptation que rencontre en Suisse une offre de prévention du cancer de l’intestin. Dans le bassin de population pris en considération, on dénombre tout juste 23 000 représentants de la tranche d’âge concernée (les 50 ans et plus). Le but était de donner à ces personnes la possibilité de participer gratuitement à une campagne de dépistage du cancer de l’intestin. A l’aide l’une vaste campagne publicitaire, d’un courrier d’information personnel et d’une campagne de sensibilisation auprès des généralistes, on a finalement pu inciter à peine 12% des gens à participer. «C’est une valeur comparable à celle obtenue par une étude canadienne», relève Marbet. Les hommes et les femmes ont participé à l’examen de prévention à peu près dans les mêmes proportions. Tandis que presque tous les autres groupes de professions étaient représentés au dépistage en fonction de leur fréquence parmi la population, on a observé un net écart chez les agriculteurs très peu nombreux à l’examen. Dans l’ensemble, on constate que les gens plus soucieux de leur santé répondent davantage à l’invitation au dépistage. 16 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Les gens préfèrent la coloscopie La question de la méthode de dépistage montre qu’une majorité préfère la coloscopie. «Cela révèle un grand besoin de sécurité», commente Marbet. Presque toutes les personnes interrogées se feraient à coup sûr ou du moins vraisemblablement réexaminer au moyen de la coloscopie en cas d’indices de cancer de l’intestin. < « Il faut continuer à sensibiliser la population au rôle de la prévention. » Urs Marbet L‘essentiel en bref > La coloscopie est ce qu’il y a de plus efficace. Elle entraîne une réduction de la mortalité de 80%. L’effet du FOBT est par contre relativement modeste. Dominique Criblez > Après une année, le taux de participation est assez faible, mais on peut l’augmenter. La qualité de l’examen est bonne. Les complications sont rares et surviennent généralement suite à des polypectomies. Urs Marbet Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 17 A quel point le dépistage du cancer de l’intestin est-il éthique? La prévention: composante incontournable Bien qu’il n’y ait a priori pas d’objections d’ordre éthique à formuler contre le dépistage du cancer de l’intestin, il apparaît, à y regarder de plus près, que certains aspects posent problème. Par exemple la liberté de ne pas participer à un examen. Le dépistage précoce du cancer de l’intestin permet de sauver des vies et de combattre l’un des types de cancer les plus fréquents en Suisse. Par ailleurs, la population doit savoir comment se préserver des facteurs de risque face à cette maladie. Il est donc également nécessaire de mener une campagne d’information à grande échelle. «Le dépistage du cancer de l’intestin peut être le début d’un traitement efficace», souligne Christoph Rehmann-Sutter de l’Université de Bâle. «Dans la mesure où il améliore la prévention dans le domaine de la santé, il mérite aussi d’être salué du point de vue éthique.» L’important pour ce biologiste doublé d’un philosophe est que les risques et les effets secondaires de l’examen de l’intestin à l’endoscope se situent dans un rapport acceptable avec le profit tiré du dépistage. Autrement, il ne faudrait pas exposer des personnes en bonne santé à ce type de dangers. « Il faut éviter l’impression de contrainte. » Christoph Rehmann-Sutter Dans certains cas, il peut se poser des problèmes éthiques qu’il s’agit de résoudre consciencieusement. D’abord une question générale: quel degré de prévention et quelle connaissance des risques possibles chacun peut-il exiger de lui-même? Celui qui se sait malade perd sa joie de vivre en même temps que le sentiment d’aller au-devant d’un avenir ouvert. Or, le degré d’ouverture de l’avenir est un aspect essentiel de la qualité de vie. «C’est une valeur à prendre au sérieux», confirme RehmannSutter. Urs Metzger, chirurgien à l’Hôpital Triemli de Zurich, voit passer de nombreux cas de cancer de l’intestin pour lesquels les perspectives de guérison sont compromises. A peu près la moitié des personnes qu’il opère pour un cancer colorectal ont déjà développé des métastases et présentent donc un pronostic défavorable. «Plus tôt le cancer de l’intestin est détecté, plus les perspectives de guérison sont favorables», a souligné Urs Metzger. Soignés aux stades précoces, les patientes et patients ont une espérance de vie presque normale. Les coûts de traitement augmentent fortement à mesure que la maladie progresse vers des stades tumoraux plus grave. Pour Urs Metzger, des examens préventifs s’imposent dans le but d’éviter l’apparition de tels cancers. Selon différentes études, le FOBT permet de réduire de 18 à 28% la mortalité. La coloscopie est créditée de résultats encore meilleurs: utilisée non seulement pour le dépistage précoce, mais aussi pour l’élimination des polypes suspects dans l’intestin, elle fait baisser la mortalité de 64 à 90%, selon les études. La fausse inquiétude pose problème autant que la fausse sécurité La situation devient critique quand une ou un participant(e) reçoit un faux diagnostic positif lors d’un dépistage et se fait dès lors du souci pour rien. Comme c’est l’individu particulier qui est touché, la décision lui appartient. La participation à un examen de prévention doit être volontaire et personne ne peut y être «contraint». La décision présuppose une mise à disposition des informations sur les avantages et inconvénients d’un tel examen, afin que chacun puisse se déterminer en connaissance de cause. En principe se pose aussi la question de savoir comment employer les ressources financières dans le domaine de la santé. Faut-il investir plutôt dans la prévention ou dans le traitement des maladies? D’un point de vue éthique, tout parle pour que l’on privilégie la médecine préventive qui permet d’obtenir un relativement bon résultat avec des moyens plutôt modestes. < « Avec un programme de prévention, on peut réduire de moitié la mortalité. Dépistage plus précoce en cas d’antécédents familiaux Pour être efficace, un programme de dépistage devrait englober toutes les personnes de 50 ans et plus, lesquelles bénéficieraient alors d’un FOBT ou d’une coloscopie. Les personnes de moins de 50 ans dont un ou plusieurs membres de la famille souffrent ou ont souffert d’un cancer de l’intestin avant l’âge de 60 ans, devraient se soumettre encore plus tôt à un test de routine. «Idéalement, elle devraient le faire lorsqu’elles atteignent un âge d’une dizaine d’années inférieur à celui où le cancer a été diagnostiqué chez ce ou ces membres de la famille», a précisé Urs Metzger. Les différentes sociétés de discipline médicale recommandent une coloscopie tous les dix ans à partir de 50 ans. Afin d’optimiser les coûts, on pourrait aussi préconiser deux coloscopies, l’une à 55 ans, l’autre à 65 ans; une coloscopie à l’âge de 75 ans serait alors absolument facultative. Information et prévention son indispensables Pour Jean-Claude Givel, du CHUV à Lausanne, les faits parlent d’eux-mêmes: il est nécessaire et urgent de mener en Suisse une campagne de lutte contre le cancer colorectal. Celle-ci devrait s’articuler autour de deux axes importants: éviter les facteurs de risque et promouvoir le dépistage précoce par divers examens comme le FOBT ou la coloscopie. » Urs Metzger 18 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 19 Un mode de vie sain, impliquant notamment une alimentation équilibrée, peut dans une certaine mesure protéger du cancer colorectal. Il est tout particulièrement important de consommer beaucoup de fibres et suffisamment de fruits et légumes. «Toute campagne de communication doit attirer l’attention de la population sur la possibilité de diminuer le risque de cancer colorectal par l’alimentation et l’activité physique», a souligné Jean-Claude Givel. Toutefois, pour être efficaces, de telles mesures de prévention primaire doivent s’inscrire dans une perspective à très long terme. Elles s’adressent donc avant tout à une jeune population qui est encore loin de l’âge critique face au cancer colorectal. Les examens préventifs revêtent une importance cruciale. Ils doivent être encouragés à travers une campagne d’information à grande échelle avec affiches, expositions, conférences et spots publicitaires, laquelle pourrait s’inspirer notamment des campagnes d’information américaines. L’objectif doit être le dépistage de toutes les personnes d’un groupe à risque. «La mobilisation de toutes les possibilités d’investigation permettrait de réduire de moitié la mortalité par cancer colorectal», a assuré Jean-Claude Givel. < « L‘essentiel en bref > La moitié des patients commencent le traitement à un stade tumoral avancé. Plus le cancer est avancé, plus les coûts thérapeutiques sont élevés. La coloscopie est l’examen de choix pour le dépistage précoce du cancer de l’intestin. Urs Metzger > La population doit être informée sur le cancer de l’intestin. Il faut prévenir l’apparition du cancer en diminuant les facteurs de risque. L’examen de dépistage précoce doit être fortement diffusé. Jean-Claude Givel Il faut dès le jeune âge veiller à éviter les facteurs de risque face au cancer colorectal. » Jean-Claude Givel 20 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 21 Informer plutôt que manipuler Le succès des programmes de dépistage dépend du nombre de personnes qui y participent. Etant donné que la prévention est une excellente chose, nombre de responsables de programme sont tentés d’user de demi-vérités et de manipulation pour amener les gens à y participer. C’est une erreur. Il faut informer de manière honnête et objective, sans chercher à influencer le public. «Chacun doit pouvoir décider par lui-même de prendre part ou non à un programme de dépistage», a estimé Christian Weymayr, journaliste scientifique. «La préservation du droit à l’autodétermination, de l’autonomie et de la liberté de décision du patient prime nettement sur l’opinion médicale du médecin», soulignent des juristes. En considérant les huit campagnes de prévention du cancer de l’intestin en cours en Allemagne, on peut douter que, dans ce pays, le droit à l’autodétermination soit véritablement pris au sérieux. S’interdire de faire peur Pour Christian Weymayr, la frontière entre information factuelle et incitation à participer est souvent franchie, et cela au prix d’une certaine manipulation. Les campagnes jouent sur la peur. Ainsi, les stratèges publicitaires responsables de la campagne de la Fondation Felix « L’information sur la santé ne doit pas jouer sur la peur et les fausses promesses. » Christian Weymayr 22 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Burda souhaitent «percer l’ignorance des gens de façon subtile, mais extrêmement durable». Des affiches montrent une femme en train de se mettre une boucle d’oreille avec une perle. Le texte d’accompagnement signale que la perle a «exactement la grosseur de la tumeur non encore détectée dans votre intestin». Les concepteurs de l’affiche cherchent à produire un sentiment désagréable et à susciter la peur: «Le message continue de résonner dans la conscience du lecteur longtemps après.» Pour Christian Weymayr, une telle démarche n’est pas acceptable. Les fausses promesses sont un autre moyen fréquemment utilisé pour manipuler le public dans de telles campagnes: promettre aux gens une prétendue sécurité et leur laisser entendre qu’ils seront protégés à cent pour cent contre le cancer de l’intestin s’ils se soumettent à un examen préventif, est une mauvaise approche selon Christian Weymayr. Former l’opinion de l’individu Plutôt que de faire de la manipulation, les responsables de campagne devraient se limiter à l’information sur les avantages et les inconvénients de la participation à un examen de dépistage. Le but doit être que chacun puisse décider par lui-même de se soumettre ou non à un tel examen. Il existe des exemples de telles campagnes d’information. Le National Health Service britannique stipule ouvertement que sa campagne d’information sur le dépistage cervical a pour but de former de l’opinion et non de chercher à l’influencer dans un sens ou dans l’autre. «To help you to decide whether or not to come for cervical screening, the main benefits and difficulties of cervical screening are explained below», peut-on lire dans la brochure d’information de la campagne. Un prospectus de l’Université de Hambourg mentionne par exemple de manière détaillée l’ampleur du risque de développer un cancer de l’intestin et d’en mourir à un certain âge. «Avec de telles informations, il est vraiment possible pour tout un chacun de se forger une opinion», a estimé Christian Weymayr. Les chiffres peuvent être trompeurs Toute information n’est pas pertinente. Urs P. Gasche, journaliste scientifique, a déploré que de nombreuses campagnes d’information soient émotionnelles et partiales, au lieu d’être objectives et pondérées. Plutôt que de parler tout simplement de test de détection de sang dans les selles, leurs concepteur emploient des termes techniques comme «test hémocculte» ou «test de détection de sang occulte»; au lieu de dépistage, ils parlent de prévention. Souvent, les chiffres avancés n’ont aucune pertinence, car ils ne sont pas mis en perspective. «Beaucoup d’informations sont difficiles à comprendre ou trompeuses», a estimé Urs P. Gasche. Selon lui, si l’on veut que des personnes bien portantes puissent valablement décider de se soumettre ou non à un dépistage précoce, alors c’est la réponse à la question ci-après qui est pour elles pertinente: «Quels sont pour moi les avantages, les inconvénients et les risques?» Les médecins devraient informer en chiffres absolus sur le nombre de cas de maladie et de décès, et les mettre en relation. Ainsi, les 1600 décès causés par le cancer colorectal chaque année semblent représenter un chiffre élevé; mais cette impression se modifie quand on restitue les proportions: 0,25% des décès survenant en Suisse sont imputables au cancer colorectal. Dans la tranche d’âge de 60 à 69 ans, sur une période de dix ans, une personne sur 152 décède d’un cancer colorectal. Toujours d’après Urs P. Gasche, la mention d’une diminution de la mortalité – par exemple de 30% – n’est pas utile si elle n’est pas accompagnée de la référence au nombre absolu de décès. «Cela peut tout aussi bien signifier que l’on passe de 300 à 200 décès, ou de 3 à 2 décès», a-t-il fait remarquer. Pour Urs P. Gasche, l’information selon laquelle des tests réguliers de détection de sang dans les selles permettent d’abaisser de 20% la mortalité par cancer de l’intestin, est peu pertinente pour le public. Celle selon laquelle un tel test permet de diminuer de 0,1% le risque personnel de décéder d’un cancer de l’intestin dans les dix années à venir, l’est à son avis davantage. Si l’on sait en plus que la coloscopie pratiquée régulièrement réduit le risque de 0,5%, on peut comparer directement l’efficacité de ces deux méthodes. Plutôt que d’amener les citoyennes et citoyens à juger par eux-mêmes, les campagnes diffusent souvent des jugements de valeur, a encore déploré Urs P. Gasche: «Le test de détection de sang dans les selles est inoffensif et sans risque» est un jugement de valeur et non une information objective. On devrait plutôt, d’après lui, nommer clairement les faits et ajouter: «Dans 30 cas sur 100, on trouve du sang dans les selles, ce qui entraîne une coloscopie, avec les risques qu’elle comporte. Dans 92% des cas, cette coloscopie se révèle inutile, car elle ne confirme pas la suspicion de cancer.» Par ailleurs, les risques de surtraitement devraient être clairement abordés, a considéré Urs P. Gasche. < « » La question ‹Quels sont pour moi les bénéfices et les risques d’un dépistage précoce?› est pertinente pour l’individu. Urs P. Gasche L‘essentiel en bref > Aucune campagne ne doit être fondée sur la peur, les fausses promesses et la suggestion. La communication doit être nuancée, le style sobre et le contenu sérieux. Il faut donner à chacun la possibilité de se faire par lui-même une opinion afin de pouvoir ensuite valablement décider de participer ou non à un programme de dépistage. Christian Weymayr > Les citoyennes et citoyens attendent des réponses éthiquement viables à des questions importantes. Les bénéfices et les risques doivent être indiqués en fréquences absolues. L’intention, louable en soi, d’inciter le plus de gens possible à participer ne doit pas donner lieu à des campagnes d’information partiales. Urs P. Gasche Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 23 Débat La mise en place d’un programme de dépistage nécessite une pression venant de la base La souveraineté cantonale sur le système de santé, la loi sur l’assurance-maladie et la diversité des opinions quant à la méthode adéquate de dépistage précoce font actuellement obstacle à la mise en place d’un programme national de dépistage du cancer de l’intestin. Conclusion du débat final qui a eu lieu lors du symposium «Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment?»: il y a nécessité d’accomplir un travail de persuasion opiniâtre sur le plan politique, de plaider d’une seule voix en faveur d’un programme de dépistage et d’oser entreprendre sa mise en œuvre par petites étapes et de manière coordonnée. Les assurances-maladie ont les mains liées quand il s’agit de payer des examens de dépistage précoce du cancer de l’intestin. Même si la volonté de soutenir une démarche utile est présente, la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) le leur interdit, comme l’a souligné Fritz Britt, directeur de santésuisse: «D’après la LAMal, un assureur-maladie ne peut fournir aucune prestation à bien plaire dans l’assurance de base.» Il a estimé que des prestations préventives de ce type doivent être proposées uniquement dans le cadre de programmes spécifiques, afin que le public cible puisse être atteint. Reto Obrist, directeur d’Oncosuisse, a mis en évidence un dysfonctionnement du système: «Même avec des solutions acceptées telles que le programme de dépistage du cancer du sein par mammographie, les prestations du système comme le contrôle de la qualité ne sont pas financées par la LAMal et doivent être prises en charge par les cantons ou par des fondations.» Cette situation pourrait s’améliorer grâce à une nouvelle loi sur la prévention, en cours d’élaboration au sein de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et dont le projet sera vraisemblablement présenté en 2010. 24 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» Solution possible à travers la loi sur la prévention Les prestations prises en charge par la LAMal doivent être économiques, opportunes et efficaces. Peter Indra, vice-directeur de l’OFSP et responsable de l’Unité de direction Assurance maladie et accidents au sein de cet office, a déclaré qu’à son avis, le dépistage du cancer de l’intestin devait être mis en place sous forme de programme dûment organisé et répondant à des critères de qualité précis. L’idéal serait que la demande relative à la prise en charge des examens de dépistage du cancer de l’intestin soit élaborée conjointement par les sociétés de discipline médicale et la Ligue contre le cancer. Cette demande serait traitée par la Commission des prestations et, en fonction du résultat de son examen, le dépistage du cancer de l’intestin serait intégré à la LAMal. Participation et conditions requises pour un programme de dépistage Matthias Egger, directeur de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne (ISPM Berne) et animateur du débat, a estimé qu’un programme de dépistage précoce devrait permettre d’atteindre une couverture de 70 à 80 pour cent. Une comparaison avec le programme de dépistage par mammographie en Suisse montre que les taux de participation ne dépassent pas 40 à 50 pour cent. «Dans des systèmes décentralisés tels que le système helvétique, les taux de participation sont de 50 pour cent inférieurs à ceux enregistrés dans des systèmes centralisés», a indiqué Chris de Wolf, responsable du Centre fribourgeois de dépistage du cancer du sein. A son avis, il est important que les médecins soutiennent le programme. Et que le groupe cible ne soit pas simplement invité à participer, mais Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 25 que les personnes qui ne le font pas soient également contactées par téléphone, car «une certaine pression est nécessaire». Cette pression, l’éthicien Christoph Rehmann-Sutter la trouve problématique, car elle empiète selon lui sur la liberté de décision de l’individu. Si l’on veut exercer une pression, a-t-il estimé, alors on doit l’accompagner d’une très bonne information. Le monitoring des données et essentiel également. «On ne doit pas perdre de vue le rapport entre les bénéfices pour la santé et les risques lésionnels a rappelé Marcel Zwahlen, collaborateur scientifique à l’ISPM Berne. Certes, une coloscopie implique de faibles risques pour la santé, mais quand on lance un programme auquel le maximum de personnes sont appelées à participer, ces risquent deviennent tout à coup importants. «Que fait-on si, après 300’000 coloscopies, on constate que 10 personnes en bonne santé sont décédées à cause de cet examen?», a-t-il demandé. Collaboration entre les différentes sociétés de discipline médicale Le déficit d’information est très variable parmi les médecins de premier recours», a estimé Ueli Seefeld, président de la Société Suisse de Gastroentérologie, «et la collaboration entre médecins de premier recours et gastroentérologues n’est pas partout optimale». Plusieurs participants au débat final ont déploré l’absence 26 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» d’un consensus quant à la méthode adéquate de dépistage. Anton Gehler, membre du comité de la Société Suisse de Médecine Interne, a rappelé que les sociétés de médecine de premier recours n’ont publié ni prise de position, ni directives à l’intention de leurs membres. Niklaus Egli, membre du groupe de travail «Formation continue et promotion de la qualité» au sein de la Société Suisse de Médecine Générale, a considéré que le FOBT pourrait être davantage proposé, ce test étant à son avis encore trop peu utilisé dans les cabinets médicaux. Markus Battaglia, dont le cabinet est affilié au réseau de médecins de famille MediX, a précisé qu’au sein du réseau MediX, la coloscopie est considérée comme la méthode la plus judicieuse et qu’une réflexion est en cours quant à la possibilité de proposer cet examen indépendamment de la situation légale (obligation ou non d’allouer les prestations, loi sur la prévention). Et cela bien qu’il considère que, dans la pratique du médecin de famille, trop peu de temps est à disposition pour parler de prévention. Une fois qu’un consensus aura été trouvé sur la mise en place d’un programme, il s’agira de définir les rôles, notamment celui des pharmacies: «Les pharmacies sont des interlocuteurs tout à fait directs pour la population. De ce fait, elle doivent absolument être intégrées à un tel programme», a estimé Anton Gehler. Nécessité d’une pression venant de la base Participants au débat Animation: Pour faire avancer le débat politique sur ce dossier, le directeur d’Oncosuisse, Reto Obrist, a recommandé un lobbyisme politique dans les cantons. «Une possibilité est la bottomup-approach», a-t-il estimé, c’est-à-dire une pression émanant de la base. Les citoyennes et citoyens doivent faire pression sur les gouvernements cantonaux pour que les choses bougent en faveur de la prévention et du dépistage. «Nous devons tirer les enseignements du programme de mammographie», a-t-il affirmé. Et d’ajouter que ce serait déjà un grand progrès si un premier canton introduisait un programme de dépistage précoce. Bien qu’une partie des participants au débat se soient déclarés gênés par ce «cantonalisme», tous ont reconnu qu’il fait partie des données immuables de la réalité politique suisse, dont il faut bien s’accommoder. «Reste la question décisive du financement», a relevé Fritz Britt. Une pression politique est selon lui nécessaire pour amener les cantons à faire preuve de plus de disponibilité à cet égard. Il serait utile que les sociétés de discipline médicale puissent adopter une démarche et une prise de position communes, avec des mesures de qualité. La pression sur les milieux politiques en serait encore renforcée. Une autre possibilité de financement évoquée consiste à impliquer les patientes et patients dans la prise en charge des coûts de l’examen de dépistage. Pour les individus, les coûts seraient modiques et les bénéfices, en revanche, élevés. La propension des citoyennes et citoyens à s’investir eux-mêmes dans la prévention a été jugée forte par les participants au débat final. Cela suggère peut-être une voie praticable pour réaliser le dépistage précoce du cancer de l’intestin même sans financement par les caissesmaladie. < Prof. Dr méd. Matthias Egger Directeur de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne Participants: Fritz Britt Directeur de santésuisse, Soleure Dr méd. Niklaus Egli Spécialiste FMH en médecine générale, Hinwil, membre du groupe de travail, Formation continue / Promotion de la qualité de la Société Suisse de Médecine Générale Dr méd. Anton Gehler Spécialiste FMH en médecine interne, Buchs, membre du comité de la Société Suisse de Médecine Interne Dr méd. Peter Indra Vice-directeur de l’Office fédéral de la santé publique, responsable de l’Unité de direction Assurance-maladie et accident, Berne Prof. Dr méd. Reto Obrist Directeur d’Oncosuisse, Berne Dr méd. Ueli Seefeld Spécialiste FMH en gastroentérologie, Thalwil, président de la Société Suisse de Gastroentérologie Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 27 Ce que fait la Ligue contre le cancer Prévenir vaut mieux que guérir – et c’est aussi moins cher! «Le consensus entre les sociétés de discipline médicale est important pour le débat politique à venir», a souligné dans sa conclusion Alice Scherrer, présidente d’Oncosuisse et de la Fondation Recherche suisse contre le cancer, qui est aussi ancienne présidente et membre actuel du Conseil d’Etat d’AR. Selon elle, la santé est influencée par l’individu, la société et la politique; il faut donc se demander ce que chacune et chacun peut faire de lui-même et par lui-même, et dans quelle mesure une stratégie et un soutien par les pouvoirs publics sont nécessaires. «Le symposium d’aujourd’hui n’a pas donné de réponse définitive concernant la stratégie adéquate, le meilleur rapport coûts-bénéfices et la « Le consensus entre les sociétés de discipline médicale est important pour le débat politique à venir. » Alice Scherrer responsabilité de l’organisation et du financement d’un éventuel dépistage. Cette rencontre a néanmoins permis de jeter les bases d’un processus qui devrait se révéler constructif.» Ce que fait la Ligue contre le cancer Ce symposium était la première étape d’un processus qui pourrait déboucher sur un programme de dépistage précoce du cancer de l’intestin en Suisse. D’autres études seront disponibles d’ici à fin 2008. Elles permettront à la Ligue contre le cancer d’élaborer une prise de position comportant une série de thèses. Si la mise en œuvre d’un programme de dépistage du cancer de l’intestin est jugée judicieuse, les conditions cadres nécessaires seront fixées en concertation avec les sociétés de discipline médicale, une demande de prise en charge des prestations sera établie et des projets pilotes seront lancés. L’introduction éventuelle d’un programme de dépistage et la prise en charge de ses coûts par l’assurance de base pourront être discutées sur le plan politique à partir de < 2009. Appendice Définitions Prévention primaire La prévention primaire doit déjà être en place et efficace alors même qu’aucune maladie n’est encore apparue. Elle comprend l’élimination d’un ou de plusieurs vecteurs de maladie, l’accroissement de la résistance physique des êtres humains et la modification des facteurs environnementaux.1 Prévention secondaire La prévention secondaire comprend toutes les mesures visant à découvrir et à traiter des stades asymptomatiques de maladies.1 Prévention tertiaire La prévention tertiaire vise à prévenir des dysfonctionnements consécutifs à des maladies existantes ainsi que les risques de rechute.1 Dépistage La médecine appelle dépistage l’identification d’une maladie dans la phase précédant sa manifestation clinique par différentes mesures tels que des examens cliniques ou d’autres tests. L’engagement de la Ligue contre le cancer La Ligue contre le cancer s’engage en faveur des programmes de dépistage quand ils portent sur un type de cancer courant dont l’évolution naturelle est connue. Il doit en outre exister des possibilités de traitement efficaces, ainsi qu’un test fiable dont les avantages et inconvénients sont connus et ont été pesés. Le rapport coût/efficacité doit être favorable. La plupart du temps, le dépistage est effectué en tant que dépistage en série auprès du plus grand nombre de personnes possible, le but étant d’apprendre si la personne dépistée présente une probabilité plus élevée de souffrir d’une certaine maladie. Si les valeurs relevées sont suspectes, il est le plus souvent encore nécessaire d’établir à l’aide d’examens diagnostiques additionnels si l’on se trouve effectivement en présence d’une maladie à un stade préclinique. Les tests de dépistage doivent être simples et avantageux. Ils ne doivent pas perturber les personnes qui s’y soumettent ni exposer leur santé à un risque important.2 Il s’agit d’identifier le plus grand nombre de personnes possible présentant des indices susceptibles de révéler la présence d’un stade préclinique d’une maladie potentiellement mortelle pouvant mieux être traitée à un stade précoce.3 Le dépistage systématique vise la population en bonne santé: > Le groupe cible (par ex. tranche d’âge) est défini. > La méthode est définie. > La fréquence de l’examen est définie. Programmes de dépistage: > Le groupe cible est invité de manière systématique à effectuer un examen. > L’assurance de la qualité est garantie. > Les données relatives à l’examen sont saisies et évaluées (de manière centralisée). Depuis 2004, la Ligue suisse contre le cancer réalise chaque année une campagne d’information «Non au cancer de l’intestin?» dont le but est de rendre le public attentif à la maladie et d’inviter les personnes qui pensent présenter des symptômes à se faire examiner par un médecin. Partenaires du symposium L’Office fédéral de la santé publique, GastroMed Suisse, Oncosuisse, pharmaSuisse, santésuisse, la Société suisse de médecine générale, la Société suisse de gastroentérologie, la Société suisse de médecine interne, la Société suisse de chirurgie viscérale. Compléments d’informations La Ligue suisse contre le cancer a résumé les présentations et les discussions dans un rapport qui peut être consulté et commandé sur le site www.colon-cancer.ch. On y trouve aussi les divers résumés et présentations. 28 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 1 Franzkowiak, 1999: Gutzwiller & Jeanneret, 1999: Schwartz & Walter, 1998 2 D’après Gutzwiller, F. / Jeanneret, O. (éd.); Sozial- und Präventivmedizin Public Health … p. 198. 3 D’après Gutzwiller, F. / Jeanneret, O. (éd.); Sozial- und Präventivmedizin Public Health … p. 39. Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 29 Le but d’un programme de dépistage dans le domaine médical est d’augmenter l’espérance de vie des personnes examinées en cas de maladies potentiellement mortelles et d’améliorer leur qualité de vie. Des programmes de dépistage organisé du cancer ne devraient toutefois être mis sur pied que si les conditions suivantes sont remplies: > Le type de cancer en question est relativement fréquent et on connaît son évolution naturelle. > Un traitement efficace est disponible. > On dispose d’un test efficace et acceptable. > Les avantages et les risques du test sont bien connus et pondérés. > Le rapport coût-efficacité est satisfaisant.4 Le dépistage opportuniste vise l’individu et ses risques/sa situation : > Le groupe cible est éventuellement défini. > La méthode est éventuellement définie. > La fréquence des examens est éventuellement définie. > Aucune invitation systématique n’est adressée aux personnes à risque. > L’assurance de la qualité n’est pas garantie. > Les données ne sont ni saisies ni évaluées. Programme Salutations et présentation Prof. Dr Daniel Betticher, médecin-chef Oncologie, Hôpital Cantonal de Fribourg, membre du conseil d’administration de la Ligue suisse contre le cancer Evidence Based Medicine Prof. Dr Johann Steurer, Directeur du Centre Horten pour la recherche orientée vers la pratique et le transfert de connaissances, Zurich Etat des lieux du cancer colorectal en Suisse > Incidence et mortalité en Suisse Prof. Dr méd. Fabio Levi, médecin-chef, Unité d’épidémiologie du cancer de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Lausanne, directeur des Registres vaudois et neuchâtelois des tumeurs, CHUV, Lausanne. > Coûts des maladies cancéreuses de l’intestin en Suisse Dr méd. Reto Guetg, spécialiste FMH en médecine interne, Berne, médecin-conseil de santésuisse > Coûts d’un dépistage du cancer colorectal en Suisse Prof. Dr méd. Thomas D. Szucs, directeur du domaine Economie médicale à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Zurich Dépistage > Dépistage précoce du cancer colorectal en Suisse en 2005 du point de vue de la population et du corps médical Dr. phil Marcel Zwahlen, collaborateur scientifique à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne Réflexions et esquisses de solutions > Différentes méthodes de dépistage du cancer colorectal basées sur des données factuelles Dr méd. Dominique Criblez, médecin-chef en médecine spéciale 1 / gastroentérologie au Département de médecine de l’Hôpital cantonal de Lucerne, vice-président de la SGG/SSG, responsable de la Task Force CRC-Screening > Réflexions éthiques sur le dépistage du cancer colorectal Prof. Christoph Rehmann-Sutter, Dr phil., biol. dipl., directeur de l’Unité d’éthique biomédicale de l’Université de Bâle, président de la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine > Expériences issues de la première étude suisse sur le dépistage du cancer colorectal Prof. Dr Urs Marbet, médecin-chef à la Clinique médicale de l’Hôpital cantonal d’Uri, membre du comité de GastroMed Suisse Esquisses de solutions pour la Suisse > Prof. Urs Metzger, médecin-chef de la Clinique chirurgicale et directeur médical de l’Hôpital Triemli, Zurich, président de la Société Suisse de Chirurgie Viscérale > Prof. ass. Jean-Claude Givel, médecin-chef, spécialiste FMH en chirurgie viscérale, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne > Urs P. Gasche, journaliste scientifique RP, Berne > Christian Weymayr, Dr, journaliste scientifique, Herne D Conclusion Alice Scherrer, Présidente de Oncosuisse et de la RSC, ancienne présidente du Conseil d’Etat et conseillère d’Etat > Expériences issues du programme de dépistage précoce du cancer de sein en Suisse Dr Chris J.M. de Wolf, Consultant Public Health Les résumés, les présentations et les photos sont disponibles en ligne sous: 4 Programme national contre le cancer pour la Suisse 2005–2010, p. 46 30 Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» www.colon-cancer.ch Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 31