1Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Non au cancer
de l’intestin!
Oui, mais comment?
Rapport du symposium de la Ligue suisse contre le cancer
3Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Sommaire
Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment? 5
Les chiffres: incidence et mortalité en Suisse 7
Les limites de la médecine factuelle 10
Dépistage du cancer de l’intestin en Suisse 11
L’embarras du choix pour le dépistage
du cancer de l’intestin 15
A quel point le dépistage du cancer
de l’intestin est-il éthique? 18
La prévention: composante incontournable 19
Informer plutôt que manipuler 22
Débat 25
Ce que fait la Ligue contre le cancer 28
Appendice 29
LSC/01.2008/300 F
Impressum
_Editrice
Ligue suisse contre le cancer
Effingerstrasse 40
Case postale 8219
3001 Berne
Tél. 031 389 93 18
Fax 031 389 91 60
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_Auteur
Oliver Klaffke, Klaffke & Dietschi’s really fine ideas,
Hägendorf, www.reallyfineideas.ch
Collaboration:
Ursula Zybach, Ligue suisse contre le cancer
Katrin Haldemann, Ligue suisse contre le cancer
_Illustrations
Peter Schneider, Thoune
_Graphisme et mise en pages
Partner & Partner, Winterthour
_Impression
Mattenbach AG, Winterthour
Ce rapport existe aussi en allemand.
© 2008 Ligue suisse contre le cancer
Les résumés, les présentations et les photos sont disponibles en ligne sous:
www.colon-cancer.ch
4Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 5Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Non au cancer de l’intestin!
Oui, mais comment?
«Cette journée a pour but de dresser l’état des
lieux de la prévention du cancer de l’intestin»,
a déclaré Daniel Betticher, membre du Comité
de la Ligue suisse contre le cancer, à l’ouver ture
du symposium que la Ligue suisse contre le
cancer a organisé à Berne, à la mi-septembre,
sous le titre «Non au cancer de l’intestin! Oui,
mais comment?». Plusieurs disciplines médica-
les, mais aussi l’épidémiologie et l’éthique, ont
jeté leur éclairage sur le dépistage du cancer
de l’intestin. Plus de cent cinquante experts ont
répondu à l’invitation.
Les résultats de plusieurs études ont été pré-
sentés, portant sur l’efficacité du dépistage en
général ou sur une méthode de dépistage spé-
cifique. Une place importante a par ailleurs été
accordée aux répercussions possibles d’un pro-
gramme national de dépistage sur l’économie
de la santé.
Chaque année, en Suisse, 4100 personnes ap-
prennent qu’elles ont un cancer de l’intestin, et
1600 personnes meurent de cette maladie. Un
quart des habitants de ce pays développent des
polypes après leur 50e anniversaire et un ving-
tième décèdent des conséquences du cancer
de l’intestin, qui constitue en Suisse la deuxiè-
me cause de mortalité due au cancer. Or, il n’y
a dans ce pays aucune recommandation ni di-
rective officielle sur le dépistage du cancer
de l’intestin. En Allemagne et dans quelques
autres pays européens, des examens de
dépistage réguliers sont déjà entrés dans les
habitudes.
Les partisans d’un dépistage systématique espè-
rent ainsi réduire la mortalité. Il s’agit de détec-
ter la maladie à un stade suffisamment précoce
pour qu’un traitement ait encore de bonnes
chances de réussir, et ce chez un maximum de
personnes. Quand le cancer de l’intestin est dé-
tecté à temps, les chances d’en guérir dépassent
les 90 %. Le dépistage s’opère soit par un test
qui consiste à détecter du sang occulte dans les
selles (Fecal Occult Blood Test – FOBT), soit au
moyen d’un examen de l’intestin à l’endoscope
(coloscopie) pour y rechercher la présence de
polypes, les premiers signes d’une possible
maladie cancéreuse de l’intestin. Si le cancer de
l’intestin est décelé trop tard, les chances de sur-
vie baissent rapidement.
Le présent rapport est fondé sur les exposés et
présentations des intervenants, ainsi que sur
les contributions des participants au débat
final, qui se sont exprimés lors du symposium
«Non au cancer de l’intestin! Oui, mais com-
ment?» organisé par la Ligue suisse contre
le cancer en septembre 2007. Il doit servir de
base de référence pour la suite des démarches
à entreprendre en ce qui concerne la probléma-
tique du dépistage du cancer colorectal en
Suisse.
L’ensemble des exposés, présentations et photos
peut être consulté sur www.colon-cancer.ch.
Les autres documents, de même que la prise de
position, seront également mis en ligne ulté-
rieurement sous ce même lien.
6Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 7Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Les faits sont là: en Suisse, le cancer de l’intes-
tin constitue la néoplasie la plus fréquente chez
les non-fumeurs. Il occupe la troisième place
chez l’homme, après la prostate et le poumon,
et la deuxième chez la femme, après le sein. Ce
cancer est responsable annuellement de 8000
années de vie perdues avant 75 ans. Toujours
en Suisse, on estime à environ 4100 le nombre
de nouveaux cas annuels, et à près de 15 000
celui des personnes vivantes ayant été attein-
tes depuis moins de cinq ans. La grande majo-
rité des cas apparaissent après 60 ans. Les
hommes sont plus souvent touchés que les
femmes. Le risque de décéder d’un cancer co-
lorectal avant l’âge de 75 ans est de 4,3% chez
l’homme et de 2,8% chez la femme. «Chaque
année en Suisse, environ 1600 personnes
décèdent d’un cancer de l’intestin», a déclaré
Fabio Levi, du CHUV à Lausanne.
Evolution de l’incidence et de la
mortalité
La mortalité due au cancer a diminué en Suis-
se ces 20 dernières années. Entre 1985 et 2004,
pour 100 000 habitants, elle a reculé de 28 à
20 décès chez les hommes et de 17 à 12 décès
chez les femmes. S’agissant spécifiquement du
cancer de l’intestin, on observe des disparités
géographiques en ce qui concerne la fréquen-
ce d’apparition. La Suisse est l’un des pays où
l’incidence du cancer de l’intestin est la plus
élevée, bien qu’elle soit restée stable ces der-
nières années. Nous nous situons au premier
rang européen quant à l’incidence dans la
population féminine, et au troisième rang dans
la population masculine. Mais la Suisse fait
aussi partie des pays où les taux de mortalité
par cancer de l’intestin sont les plus faibles:
chez les hommes comme chez les femmes,
nous occupons le troisième rang avant la fin en
Europe.
Une alimentation plus saine diminue le
risque de cancer de l’intestin
Au cours de ces dernières décennies, on a
constaté une tendance intéressante sur le plan
européen: si, il y a encore 20 ans, de fortes dis-
parités existaient entre les différents pays dans
les taux de mortalité, les chiffres tendent à
converger progressivement. Fabio Levi estime
que la mortalité par cancer de l’intestin conti-
nuera vraisemblablement de reculer en Europe
dans les prochaines années, cela principale-
ment en raison de deux facteurs: d’une part, les
habitudes alimentaires, à l’origine d’environ
25% des nouveaux cas, se sont modifiées;
d’autre part, les examens préventifs portent
leurs premiers fruits. Mais l’augmentation de la
prise d’aspirine, de substances anti-inflamma-
toires et de la pilule contraceptive, ainsi que le
recours accru au traitement hormonal des trou-
bles de la ménopause, peuvent aussi avoir
favorablement influencé la mortalité. «En ayant
Les chiffres:
incidence et mortalité en Suisse
Chaque année en Suisse, environ 4100 nouveaux cas
de cancer de l’intestin sont diagnostiqués. La Suisse est
ainsi l’un des pays d’Europe où l’incidence de ce type
de cancer est la plus élevée. En même temps, les per-
sonnes atteintes d’un cancer colorectal ont de très bon-
nes perspectives de survie dans notre pays, cela en
raison notamment du dépistage précoce. Mais amélio-
rer encore ce dépistage coûte de l’argent. Chaque année
de vie gagnée grâce à un examen coloscopique coûte
environ 12 500 francs. Le dépistage précoce permettrait
cependant de réduire les coûts globaux en diminuant
le nombre de traitements coûteux nécessaires aux sta-
des tumoraux avancés.
La mortalité par cancer de l’intes-
tin continuera vraisemblablement
de reculer ces prochaines années.
Fabio Levi
«»
8Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?» 9Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
tent déjà plus de 20% de l’ensemble des dépen-
ses. Et cette proportion tend à s’accroître. C’est
la catégorie de coûts qui augmente le plus
rapidement, avec celle des coûts hospitaliers.
Durant la période 2001–2005, les coûts des
médicaments ont augmenté de presque 20%.
Les coûts des médicaments ambulatoires ont
presque doublé entre 1997 et 2004. Pendant la
même période, l’indice national des prix à la
consommation n’a pourtant augmenté que de
8% environ. Pour les consommatrices et
consommateurs, cette évolution est inquiétan-
te, car aujourd’hui les ménages suisses consa-
crent déjà plus de 22% de leur revenu au paie-
ment des primes d’assurance, toutes assurances
confondues. <
une plus grande dépense physique et en rédui-
sant sa consommation d’alcool, on peut faire
aussi beaucoup pour réduire son risque face au
cancer de l’intestin», a assuré Fabio Levi. En
Suisse, grâce notamment aux nouvelles appro-
ches thérapeutiques, le taux de survie à cinq
ans après un carcinome colorectal n’a cessé de
s’accroître au cours de ces dernières décen-
nies: il était de 55% entre 1990 et 1994, de 60%
entre 1995 et 1999, et de 64% entre 2000 et
2002.
La prévention par coloscopie se révèle
payante
En menant des campagnes de prévention, on
peut encore abaisser la mortalité par cancer
colorectal. «Mais cela a un prix», a souligné
Thomas Szucs, économiste de la santé à l’Uni-
versité de Zurich. La mission de l’économie de
la santé consiste à fournir aux politiques des
outils décisionnels. L’objectif est d’identifier les
méthodes médicales qui présentent le meilleur
rapport coûts-efficacité. Dans l’analyse, il s’agit
tout d’abord d’estimer le nombre d’«années de
vie perdues» à cause d’une maladie, en l’occur-
rence le cancer de l’intestin. Ce paramètre sert
ensuite de base pour calculer le nombre
d’«années de vie sauvées» grâce à un dépista-
ge par exemple. En intégrant les coûts des dif-
férentes méthodes, on arrive à évaluer le rap-
port coûts-efficacité de chacune d’elles. Il existe
toute une série d’études tentant d’estimer
cette valeur pour les différentes méthodes de
dépistage du cancer de l’intestin. «La colosco-
pie se révèle être une méthode qui présente un
très bon rapport coûts-efficacité», a précisé
Thomas Szucs. D’après ses calculs, une année
de vie sauvée grâce à la coloscopie coûte envi-
ron 12 500 francs. C’est un coût favorable si on
le compare à celui de la mammographie par
exemple, qui est de l’ordre de 80 000 francs.
Les coûts des médicaments inquiètent
les caisses-maladie
Reto Guetg, médecin-conseil de santésuisse, a
évalué les coûts liés au traitement du cancer co-
lorectal. «Chaque génération de médicaments
est plus onéreuse que la précédente», a-t-il
souligné. S’agissant des médicaments utilisés
pour combattre le cancer de l’intestin, l’aug-
mentation des coûts a atteint un facteur 500
aux Etats-Unis: un traitement sur huit semaines
coûtait naguère $ 63, alors qu’il atteint presque
$ 31 000 aujourd’hui. En Suisse, si les coûts des
anciens traitements étaient de l’ordre de 1600
à 12 000 francs durant les six premiers mois,
ceux des nouveaux traitements se situent entre
25 000 et 35 000 francs, et ils ont encore dou-
blé avec l’arrivée des plus récents principes
actifs.
Le rapport coûts-efficacité des
nouveaux médicaments est ouvert
Bien que les nouveaux médicaments apportent
des améliorations indiscutables, on peut se de-
mander s’il existe un rapport raisonnable entre
les coûts et l’efficacité thérapeutique. Pour fixer
le prix de leurs médicaments, les entreprises
pharmaceutiques prennent en considération
des critères tels celui des coûts socio-économi-
ques épargnés grâce au traitement. «Avec la
«méthode de substitution», on intègre précisé-
ment ce critère dans le calcul du nouveau prix»,
a expliqué Reto Guetg. Les éventuelles écono-
mies réalisées dans les coûts indirects sont ain-
si l’agent payeur. Dans la plupart des cas, la ma-
nière dont le coût des principes actifs est
effectivement calculé est opaque d’un point de
vue de l’économie d’entreprise. Les médica-
ments occupent donc une place à part: non
seulement leur prix n’est pas transparent, mais
ils ne suivent pas la tendance générale selon
laquelle, pour la plupart des biens de consom-
mation, le nouveau modèle coûte moins cher
que le précédent tout en étant bien souvent
encore plus performant. «Pensez simplement
à votre nouvel ordinateur portable», a suggéré
Reto Guetg. Il existe cependant un contre-
exemple: avec une nouvelle préparation, le trai-
tement présente un rapport coûts-efficacité
plus favorable qu’avec la préparation précé-
demment utilisée.
Pour les assurances-maladie, l’évolution des
prix des médicaments est un problème, car les
coûts des produits pharmaceutiques représen-
Coûts du traitement du carcinome du
côlon en Suisse
Plus tôt le cancer du côlon est diagnosti-
qué, moins son traitement est onéreux.
D’après les calculs de Reto Guetg, les coûts
directs du traitement du carcinome du
côlon s’élèvent à environ 184 millions de
francs par année. Somme qu’il faut à peu
près doubler si l’on veut inclure les coûts
indirects tels que les journées de travail
perdues. Ce qui donne une charge globale
annuelle avoisinant les 370 millions de
francs. Ces coûts augmenteront encore
avec l’introduction d’une nouvelle généra-
tion d’anticorps monoclonaux qui prolon-
gent la survie des patients dont la tumeur
n’a été détectée qu’à un stade avancé
(avec métastases). En combinaison avec la
chirurgie palliative (élimination des métas-
tases du foie et/ou des poumons), le traite-
ment permet de prolonger encore davanta-
ge la survie de nombreux malades tout en
leur assurant une bonne qualité de vie. La
«chirurgie du cancer», avec ses succès,
contribue donc elle aussi à l’évolution accé-
lérée des coûts. La durée de convalescence
après des interventions chirurgicales a pu
être nettement raccourcie grâce à l’amélio-
ration des techniques opératoires et anes-
thésiques. Néanmoins, si un dépistage per-
met de poser davantage de diagnostics à
des stades précoces auxquels les traite-
ments sont peu onéreux et les coûts indi-
rects faibles, on pourra sans doute inverser
la courbe d’évolution des coûts.
La coloscopie est une méthode
qui présente un très bon rapport
coûts-efficacité
Thomas Szucs
«»
Le dépistage précoce peut aider
à faire baisser les coûts.
Reto Guetg
« »
Lessentiel en bref
> Il est urgent de mettre en place des stratégies de diagnostic
précoce et de dépistage des carcinomes colorectaux. Ces
stratégies doivent être soumises à une évaluation et à une
assurance de qualité rigoureuses. Cela est nécessaire si
l’on veut réduire efficacement la charge socio-sanitaire que
représente le cancer de l’intestin.
Fabio Levi
> Ce qui est déterminant dans l’évaluation des méthodes
médicales, c’est la réponse à cette question: «Quel bénéfice
pour le patient et à quel coût?». Le critère de décision face
à différentes méthodes, ce sont les coûts de chacune d’elles
par année de vie gagnée grâce au dépistage.
Thomas Szucs
> Les progrès thérapeutiques dans le domaine du cancer de
l’intestin entraînent une augmentation surproportionnelle
des coûts. L’augmentation des coûts pourrait être freinée,
voire enrayée par des diagnostics plus fréquents aux stades
précoces (quand il n’y pas encore de métastases éloignées).
Reto Guetg
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