Non au cancer de l`intestin! Oui, mais comment?

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Non au cancer
de l’intestin!
Oui, mais comment?
Rapport du symposium de la Ligue suisse contre le cancer
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
1
Sommaire
Impressum
_Editrice
Ligue suisse contre le cancer
Effingerstrasse 40
Case postale 8219
3001 Berne
Tél. 031 389 93 18
Fax 031 389 91 60
www.liguecancer.ch
www.colon-cancer.ch
[email protected]
Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment?
5
Les chiffres: incidence et mortalité en Suisse
7
Les limites de la médecine factuelle
10
Dépistage du cancer de l’intestin en Suisse
11
L’embarras du choix pour le dépistage
du cancer de l’intestin
15
A quel point le dépistage du cancer
de l’intestin est-il éthique?
18
La prévention: composante incontournable
19
Informer plutôt que manipuler
22
Débat
25
Ce que fait la Ligue contre le cancer
28
Appendice
29
_Auteur
Oliver Klaffke, Klaffke & Dietschi’s really fine ideas,
Hägendorf, www.reallyfineideas.ch
Collaboration:
Ursula Zybach, Ligue suisse contre le cancer
Katrin Haldemann, Ligue suisse contre le cancer
_Illustrations
Peter Schneider, Thoune
_Graphisme et mise en pages
Partner & Partner, Winterthour
_Impression
Mattenbach AG, Winterthour
Ce rapport existe aussi en allemand.
Les résumés, les présentations et les photos sont disponibles en ligne sous:
© 2008 Ligue suisse contre le cancer
www.colon-cancer.ch
LSC/01.2008/300 F
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
3
Non au cancer de l’intestin!
Oui, mais comment?
«Cette journée a pour but de dresser l’état des
lieux de la prévention du cancer de l’intestin»,
a déclaré Daniel Betticher, membre du Comité
de la Ligue suisse contre le cancer, à l’ouverture
du symposium que la Ligue suisse contre le
cancer a organisé à Berne, à la mi-septembre,
sous le titre «Non au cancer de l’intestin! Oui,
mais comment?». Plusieurs disciplines médicales, mais aussi l’épidémiologie et l’éthique, ont
jeté leur éclairage sur le dépistage du cancer
de l’intestin. Plus de cent cinquante experts ont
répondu à l’invitation.
Les résultats de plusieurs études ont été présentés, portant sur l’efficacité du dépistage en
général ou sur une méthode de dépistage spécifique. Une place importante a par ailleurs été
accordée aux répercussions possibles d’un programme national de dépistage sur l’économie
de la santé.
Chaque année, en Suisse, 4100 personnes apprennent qu’elles ont un cancer de l’intestin, et
1600 personnes meurent de cette maladie. Un
quart des habitants de ce pays développent des
polypes après leur 50e anniversaire et un vingtième décèdent des conséquences du cancer
de l’intestin, qui constitue en Suisse la deuxième cause de mortalité due au cancer. Or, il n’y
a dans ce pays aucune recommandation ni directive officielle sur le dépistage du cancer
de l’intestin. En Allemagne et dans quelques
autres pays européens, des examens de
dépistage réguliers sont déjà entrés dans les
habitudes.
personnes. Quand le cancer de l’intestin est détecté à temps, les chances d’en guérir dépassent
les 90 %. Le dépistage s’opère soit par un test
qui consiste à détecter du sang occulte dans les
selles (Fecal Occult Blood Test – FOBT), soit au
moyen d’un examen de l’intestin à l’endoscope
(coloscopie) pour y rechercher la présence de
polypes, les premiers signes d’une possible
maladie cancéreuse de l’intestin. Si le cancer de
l’intestin est décelé trop tard, les chances de survie baissent rapidement.
Le présent rapport est fondé sur les exposés et
présentations des intervenants, ainsi que sur
les contributions des participants au débat
final, qui se sont exprimés lors du symposium
«Non au cancer de l’intestin! Oui, mais comment?» organisé par la Ligue suisse contre
le cancer en septembre 2007. Il doit servir de
base de référence pour la suite des démarches
à entreprendre en ce qui concerne la problématique du dépistage du cancer colorectal en
Suisse.
L’ensemble des exposés, présentations et photos
peut être consulté sur www.colon-cancer.ch.
Les autres documents, de même que la prise de
position, seront également mis en ligne ultérieurement sous ce même lien.
Les partisans d’un dépistage systématique espèrent ainsi réduire la mortalité. Il s’agit de détecter la maladie à un stade suffisamment précoce
pour qu’un traitement ait encore de bonnes
chances de réussir, et ce chez un maximum de
4
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
5
Les chiffres:
incidence et mortalité en Suisse
Chaque année en Suisse, environ 4100 nouveaux cas
de cancer de l’intestin sont diagnostiqués. La Suisse est
ainsi l’un des pays d’Europe où l’incidence de ce type
de cancer est la plus élevée. En même temps, les personnes atteintes d’un cancer colorectal ont de très bonnes perspectives de survie dans notre pays, cela en
raison notamment du dépistage précoce. Mais améliorer encore ce dépistage coûte de l’argent. Chaque année
de vie gagnée grâce à un examen coloscopique coûte
environ 12 500 francs. Le dépistage précoce permettrait
cependant de réduire les coûts globaux en diminuant
le nombre de traitements coûteux nécessaires aux stades tumoraux avancés.
Les faits sont là: en Suisse, le cancer de l’intestin constitue la néoplasie la plus fréquente chez
les non-fumeurs. Il occupe la troisième place
chez l’homme, après la prostate et le poumon,
et la deuxième chez la femme, après le sein. Ce
cancer est responsable annuellement de 8000
années de vie perdues avant 75 ans. Toujours
en Suisse, on estime à environ 4100 le nombre
de nouveaux cas annuels, et à près de 15 000
celui des personnes vivantes ayant été atteintes depuis moins de cinq ans. La grande majorité des cas apparaissent après 60 ans. Les
hommes sont plus souvent touchés que les
femmes. Le risque de décéder d’un cancer colorectal avant l’âge de 75 ans est de 4,3% chez
l’homme et de 2,8% chez la femme. «Chaque
année en Suisse, environ 1600 personnes
décèdent d’un cancer de l’intestin», a déclaré
Fabio Levi, du CHUV à Lausanne.
«
La mortalité par cancer de l’intestin continuera vraisemblablement
de reculer ces prochaines années.
Fabio Levi
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
»
Evolution de l’incidence et de la
mortalité
La mortalité due au cancer a diminué en Suisse ces 20 dernières années. Entre 1985 et 2004,
pour 100 000 habitants, elle a reculé de 28 à
20 décès chez les hommes et de 17 à 12 décès
chez les femmes. S’agissant spécifiquement du
cancer de l’intestin, on observe des disparités
géographiques en ce qui concerne la fréquence d’apparition. La Suisse est l’un des pays où
l’incidence du cancer de l’intestin est la plus
élevée, bien qu’elle soit restée stable ces dernières années. Nous nous situons au premier
rang européen quant à l’incidence dans la
population féminine, et au troisième rang dans
la population masculine. Mais la Suisse fait
aussi partie des pays où les taux de mortalité
par cancer de l’intestin sont les plus faibles:
chez les hommes comme chez les femmes,
nous occupons le troisième rang avant la fin en
Europe.
Une alimentation plus saine diminue le
risque de cancer de l’intestin
Au cours de ces dernières décennies, on a
constaté une tendance intéressante sur le plan
européen: si, il y a encore 20 ans, de fortes disparités existaient entre les différents pays dans
les taux de mortalité, les chiffres tendent à
converger progressivement. Fabio Levi estime
que la mortalité par cancer de l’intestin continuera vraisemblablement de reculer en Europe
dans les prochaines années, cela principalement en raison de deux facteurs: d’une part, les
habitudes alimentaires, à l’origine d’environ
25% des nouveaux cas, se sont modifiées;
d’autre part, les examens préventifs portent
leurs premiers fruits. Mais l’augmentation de la
prise d’aspirine, de substances anti-inflammatoires et de la pilule contraceptive, ainsi que le
recours accru au traitement hormonal des troubles de la ménopause, peuvent aussi avoir
favorablement influencé la mortalité. «En ayant
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
7
une plus grande dépense physique et en réduisant sa consommation d’alcool, on peut faire
aussi beaucoup pour réduire son risque face au
cancer de l’intestin», a assuré Fabio Levi. En
Suisse, grâce notamment aux nouvelles approches thérapeutiques, le taux de survie à cinq
ans après un carcinome colorectal n’a cessé de
s’accroître au cours de ces dernières décennies: il était de 55% entre 1990 et 1994, de 60%
entre 1995 et 1999, et de 64% entre 2000 et
2002.
La prévention par coloscopie se révèle
payante
En menant des campagnes de prévention, on
peut encore abaisser la mortalité par cancer
colorectal. «Mais cela a un prix», a souligné
Thomas Szucs, économiste de la santé à l’Université de Zurich. La mission de l’économie de
la santé consiste à fournir aux politiques des
outils décisionnels. L’objectif est d’identifier les
méthodes médicales qui présentent le meilleur
rapport coûts-efficacité. Dans l’analyse, il s’agit
tout d’abord d’estimer le nombre d’«années de
vie perdues» à cause d’une maladie, en l’occurrence le cancer de l’intestin. Ce paramètre sert
ensuite de base pour calculer le nombre
d’«années de vie sauvées» grâce à un dépistage par exemple. En intégrant les coûts des différentes méthodes, on arrive à évaluer le rapport coûts-efficacité de chacune d’elles. Il existe
toute une série d’études tentant d’estimer
cette valeur pour les différentes méthodes de
dépistage du cancer de l’intestin. «La coloscopie se révèle être une méthode qui présente un
très bon rapport coûts-efficacité», a précisé
Thomas Szucs. D’après ses calculs, une année
de vie sauvée grâce à la coloscopie coûte environ 12 500 francs. C’est un coût favorable si on
«
La coloscopie est une méthode
qui présente un très bon rapport
coûts-efficacité
»
Thomas Szucs
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
le compare à celui de la mammographie par
exemple, qui est de l’ordre de 80 000 francs.
Les coûts des médicaments inquiètent
les caisses-maladie
Reto Guetg, médecin-conseil de santésuisse, a
évalué les coûts liés au traitement du cancer colorectal. «Chaque génération de médicaments
est plus onéreuse que la précédente», a-t-il
souligné. S’agissant des médicaments utilisés
pour combattre le cancer de l’intestin, l’augmentation des coûts a atteint un facteur 500
aux Etats-Unis: un traitement sur huit semaines
coûtait naguère $ 63, alors qu’il atteint presque
$ 31 000 aujourd’hui. En Suisse, si les coûts des
anciens traitements étaient de l’ordre de 1600
à 12 000 francs durant les six premiers mois,
ceux des nouveaux traitements se situent entre
25 000 et 35 000 francs, et ils ont encore doublé avec l’arrivée des plus récents principes
actifs.
Le rapport coûts-efficacité des
nouveaux médicaments est ouvert
Bien que les nouveaux médicaments apportent
des améliorations indiscutables, on peut se demander s’il existe un rapport raisonnable entre
les coûts et l’efficacité thérapeutique. Pour fixer
le prix de leurs médicaments, les entreprises
pharmaceutiques prennent en considération
des critères tels celui des coûts socio-économiques épargnés grâce au traitement. «Avec la
«méthode de substitution», on intègre précisément ce critère dans le calcul du nouveau prix»,
a expliqué Reto Guetg. Les éventuelles économies réalisées dans les coûts indirects sont ainsi l’agent payeur. Dans la plupart des cas, la manière dont le coût des principes actifs est
effectivement calculé est opaque d’un point de
vue de l’économie d’entreprise. Les médicaments occupent donc une place à part: non
seulement leur prix n’est pas transparent, mais
ils ne suivent pas la tendance générale selon
laquelle, pour la plupart des biens de consommation, le nouveau modèle coûte moins cher
que le précédent tout en étant bien souvent
encore plus performant. «Pensez simplement
à votre nouvel ordinateur portable», a suggéré
Reto Guetg. Il existe cependant un contreexemple: avec une nouvelle préparation, le traitement présente un rapport coûts-efficacité
plus favorable qu’avec la préparation précédemment utilisée.
Pour les assurances-maladie, l’évolution des
prix des médicaments est un problème, car les
coûts des produits pharmaceutiques représen-
Coûts du traitement du carcinome du
côlon en Suisse
Plus tôt le cancer du côlon est diagnostiqué, moins son traitement est onéreux.
D’après les calculs de Reto Guetg, les coûts
directs du traitement du carcinome du
côlon s’élèvent à environ 184 millions de
francs par année. Somme qu’il faut à peu
près doubler si l’on veut inclure les coûts
indirects tels que les journées de travail
perdues. Ce qui donne une charge globale
annuelle avoisinant les 370 millions de
francs. Ces coûts augmenteront encore
avec l’introduction d’une nouvelle génération d’anticorps monoclonaux qui prolongent la survie des patients dont la tumeur
n’a été détectée qu’à un stade avancé
(avec métastases). En combinaison avec la
chirurgie palliative (élimination des métastases du foie et/ou des poumons), le traitement permet de prolonger encore davantage la survie de nombreux malades tout en
leur assurant une bonne qualité de vie. La
«chirurgie du cancer», avec ses succès,
contribue donc elle aussi à l’évolution accélérée des coûts. La durée de convalescence
après des interventions chirurgicales a pu
être nettement raccourcie grâce à l’amélioration des techniques opératoires et anesthésiques. Néanmoins, si un dépistage permet de poser davantage de diagnostics à
des stades précoces auxquels les traitements sont peu onéreux et les coûts indirects faibles, on pourra sans doute inverser
la courbe d’évolution des coûts.
tent déjà plus de 20% de l’ensemble des dépenses. Et cette proportion tend à s’accroître. C’est
la catégorie de coûts qui augmente le plus
rapidement, avec celle des coûts hospitaliers.
Durant la période 2001–2005, les coûts des
médicaments ont augmenté de presque 20%.
Les coûts des médicaments ambulatoires ont
presque doublé entre 1997 et 2004. Pendant la
même période, l’indice national des prix à la
consommation n’a pourtant augmenté que de
8% environ. Pour les consommatrices et
consommateurs, cette évolution est inquiétante, car aujourd’hui les ménages suisses consacrent déjà plus de 22% de leur revenu au paiement des primes d’assurance, toutes assurances
confondues.
<
«
Le dépistage précoce peut aider
à faire baisser les coûts.
»
Reto Guetg
L‘essentiel en bref
> Il est urgent de mettre en place des stratégies de diagnostic
précoce et de dépistage des carcinomes colorectaux. Ces
stratégies doivent être soumises à une évaluation et à une
assurance de qualité rigoureuses. Cela est nécessaire si
l’on veut réduire efficacement la charge socio-sanitaire que
représente le cancer de l’intestin.
Fabio Levi
> Ce qui est déterminant dans l’évaluation des méthodes
médicales, c’est la réponse à cette question: «Quel bénéfice
pour le patient et à quel coût?». Le critère de décision face
à différentes méthodes, ce sont les coûts de chacune d’elles
par année de vie gagnée grâce au dépistage.
Thomas Szucs
> Les progrès thérapeutiques dans le domaine du cancer de
l’intestin entraînent une augmentation surproportionnelle
des coûts. L’augmentation des coûts pourrait être freinée,
voire enrayée par des diagnostics plus fréquents aux stades
précoces (quand il n’y pas encore de métastases éloignées).
Reto Guetg
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
9
Les limites de la
médecine factuelle
Les résultats d’études sur un même thème sont souvent diamétralement opposés. Un médecin qui souhaite
se faire une idée de l’état des connaissances en se
fondant sur la littérature, est face à une tâche impossible. Ce rôle revient à la communauté scientifique. C’est
à elle, et non plus au médecin considéré individuellement, de déterminer ce qui constitue le juste savoir
médico-scientifique, a estimé Johann Steurer.
Si un médecin veut se faire une opinion, il
consulte la littérature originale pour accéder à
l’«évidence» médicale. «Mais la méthode atteint ses limites en présence d’études contradictoires», a souligné Johann Steurer, du Centre Horten pour la recherche orientée vers la
pratique et le transfert de connaissances de
l’Université de Zurich. Un exemple: en été 2007
sont parus dans le New England Journal of Medicine et dans le Journal of American Medical
Association les résultats de deux études portant sur l’efficacité du dépistage du carcinome
pulmonaire au moyen de la tomographie assis-
«
Il n’est plus du tout réaliste de
penser qu’un médecin, considéré
individuellement, puisse et
doive décider si un dépistage
est judicieux ou non.
»
Johann Steurer
Dépistage du cancer
de l’intestin en Suisse
tée par ordinateur. Les deux articles aboutissent à des conclusions totalement opposées:
dans le NEJM, il est écrit que le dépistage réduit drastiquement la mortalité liée au cancer
du poumon, alors que, dans le JAMA, on peut
lire que la mortalité est plus forte dans le groupe soumis au dépistage. Un médecin auquel un
patient demande s’il lui conseille de subir ou
non cet examen préventif, ne peut donc être
que perplexe quant à la réponse à donner, a estimé Johann Steurer. «Ce n’est pas simplement
une question d’évidence médicale, mais de
savoir médical», a-t-il poursuivi. Ce savoir est
établi par des experts et par la communauté
scientifique s’occupant d’un sujet donné. Les
temps sont donc révolus où chaque médecin
pouvait se forger par lui-même une opinion. «Il
n’est plus du tout réaliste de penser qu’un médecin, considéré individuellement, puisse et
doive décider si un dépistage est judicieux ou
non», a-t-il poursuivi. Si un médecin veut agir
de manière responsable, il doit, selon Johann
Steurer, se fonder sur le savoir communément
reconnu et défini par des experts du domaine
concerné. En médecine, il s’agira à l’avenir de
dépasser le niveau de la médecine factuelle
pour accorder une importance beaucoup plus
grande au «savoir». «L’évidence à elle seule ne
suffit plus.»
Un autre problème est qu’en médecine, ce qui
est reconnu comme le juste savoir n’est souvent pas appliqué par les médecins. Ainsi, bien
qu’environ 80% des médecins interrogés par
Johann Steurer et son équipe estiment que le
dépistage du cancer colorectal est efficace, pas
plus de 55% d’entre eux le recommandent et
seulement 45% des médecins ont eux-mêmes
pris part à un test préventif.
Johann Steurer a en outre dénoncé ce qu’il
appelle la «randomisite» et critiqué la tendance à mener des études dans des domaines où
les faits sont depuis longtemps établis.
<
La population de Suisse est informée des possibilités
de dépister le cancer de l’intestin et un tiers des
habitants se sont déjà soumis une fois à un FOBT
et un quart à une endoscopie. Le corps médical estime
la coloscopie comme une méthode très efficace et le
FOBT comme moyennement efficace. Le FOBT a
toutefois sa place dans le traitement de base, car
une partie des généralistes recommande et pratique
ce test. Bien qu‘il ne soit pas officiellement conseillé
en Suisse, le dépistage du cancer de l‘intestin est
pratiqué chez les personnes de plus de 50 ans, même
si le niveau reste bas.
En Suisse, près de 60% de la population a déjà
entendu parler des possibilités de prévenir le
cancer de l’intestin. Tel est le résultat d’une enquête que Marcel Zwahlen, de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de
Berne, a menée en 2005. Un échantillon comprenait 2000 personnes réparties dans toutes
les régions du pays. «Les résultats montrent que
les possibilités de prévention sont connues»,
déclare Zwahlen. En Suisse alémanique et au
Tessin, près de 30% des répondants s’étaient
soumis à un FOBT. Dans l’ensemble du pays,
cette proportion augmente avec l’âge des personnes interrogées. Elle frôle les 30% chez les
50 à 64 ans pour grimper à près de 43% chez les
65 à 79 ans. L’enquête fait apparaître de grosses différences en fonction de la couverture
d’assurance: «Mieux les gens sont assurés,
plus il y a de chances qu’ils aient subi un examen de dépistage», constate Zwahlen. Et d’en
«
Les personnes assurées en division
privée ou semi privée bénéficient
plus souvent d’un examen de
prévention du cancer de l’intestin
que celles assurées en division
commune.
»
déduire qu’il faut à l’évidence prendre en considération les questions d’accès équitable au dépistage dans la formulation d’un programme
de dépistage.
Le FOBT répond souvent à un souci de
prévention
Par ailleurs, 23% des répondants déclarent
s’être soumis à un examen endoscopique. Environ un quart d’entre eux disent l’avoir fait à
titre préventif, soit deux fois moins que pour le
FOBT. C’est aussi pour cette raison que 41% des
gens ont demandé un test des selles.
Il est particulièrement intéressant de savoir
quelle proportion de personnes se sont soumises à un quelconque examen de dépistage au
cours des cinq dernières années. Dans la tranche d’âges critique des 50 à 64 ans, 15% des
personnes interrogées ont subi une endoscopie, une proportion qui monte à 21% dans la
tranche des 65 à 79 ans.
A côté de ce sondage effectué auprès de la population, les médecins de premier recours et
les gastroentérologues ont aussi été interrogés
au sujet de l’efficacité qu’ils attribuent aux diverses méthodes de dépistage. Dans leur grande majorité, ils jugent le FOBT «moyennement
efficace» et la coloscopie «très efficace». Bien
qu’ils ne soient pas vraiment convaincus de
son efficacité, la grande majorité des généralistes effectuent le test consistant à rechercher du
sang caché dans les selles. Dans près de la
moitié des cabinets médicaux, on trouve des
recommandations sur la prévention du cancer
de l’intestin. Cette valeur est supérieure à celle
mesurée pour la mammographie, mais inférieure à celles enregistrées pour la prévention
du carcinome cervical et pour le test PSA détectant le carcinome de la prostate. La faible corrélation entre ce résultat et la présence d’une
solide évidence par rapport à l’efficacité de
chaque procédé de dépistage est surprenante.
Marcel Zwahlen
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Le rapport coûts/efficacité
est déterminant
L’économie de la santé en tant
qu’élément de décision
Chris de Wolf, consultant spécialisé et responsable du Centre fribourgeois de dépistage du
cancer du sein, a exposé les conditions à remplir pour améliorer les résultats d’un programme de dépistage. L’efficacité de la prévention
passe par des programmes organisés et coordonnés. L’orateur a mis en exergue ces facteurs
de réussite en se basant sur l’exemple de la prévention du cancer du sein en Europe en général et en Suisse en particulier. En comparaison
internationale, la Suisse arrive en queue de peloton, avec le Danemark et l’Autriche, pour ce
qui est de la participation à un programme de
dépistage du cancer du sein. La proportion de
femmes intégrées à un tel programme n’y est
que de 25%, alors qu’en Espagne, en France, en
Scandinavie ou en Grande-Bretagne par exemple, elle oscille entre 90 et 100%. Chris de Wolf
rapporte ces grandes disparités à la conception
des programmes de dépistage. Le succès est
plus ou moins grand suivant la répartition des
coûts, l’implication des médecins et l’information donnée au public. La comparaison cantonale le montre clairement. Alors qu’il existe des
programmes de prévention du cancer du sein
en Suisse romande, ce n’est pas le cas en Suisse
alémanique. En conséquence, la participation
des femmes varie beaucoup entre les deux
régions. Or, l’efficacité du dépistage est manifeste: dans les cantons de Vaud et de Genève,
qui disposent de programmes de prévention du
cancer du sein, la mortalité des femmes de 50
à 70 ans a baissé d’environ 30% entre 1990 et
2002. A Bâle et à Zurich par contre, elle a augmenté de 9% ou marque seulement une légère
baisse de 4%.
Réduire la mortalité coûte de l’argent. Celui qui
développe un programme de dépistage doit
choisir la méthode présentant le meilleur rapport coût/efficacité. Les économistes de la santé recherchent la stratégie de prévention à même de sauver le plus d’années de vie à moindre
coût. Pour la prévention du cancer du sein en
Suisse, on distingue, selon Chris de Wolf, sept
scénarios différents par les coûts qu’ils génèrent, mais aussi par leur plus ou moins grande
efficacité: le procédé le plus simple consiste en
un dépistage opportuniste tous les deux ans
chez un tiers des femmes, ce qui correspond
à peu près à la situation dans les cantons de
Suisse centrale. Le procédé le plus coûteux
allie une mammographie tous les deux ans et
un dépistage opportuniste annuel chez 40% des
femmes. Une analyse coûts/efficacité révèle
toutefois que si cette variante génère des coûts
plus de deux fois et demie supérieurs, elle
n’aide à sauver que 10% d’années de vie de plus
que la variante la moins ambitieuse. Un programme minimal non coordonné comme on en
trouve par exemple à Bâle coûte à peine moins
cher qu’un programme coordonné, mais ne
sauve qu’un tiers des années de vie qui auraient
pu l’être à un coût légèrement supérieur.
«
C’est la qualité, la qualité et
encore la qualité qui détermine
le succès d’un programme de
dépistage.
»
Chris de Wolf
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
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L’embarras du choix pour le dépistage
du cancer de l’intestin
Prévention du cancer de l’intestin
en Europe
«Seul un programme intensif de prévention et
de dépistage permet d’abaisser le nombre de
nouveaux cas de cancer de l’intestin et la mortalité en découlant», écrit Meinhard Classen de
la clinique de la rive droite de l’Isar à Munich,
dans son résumé. La commission a recommandé de lancer un tel programme dans tous les
Etats membres de l’Union européenne. L’équipe de Classen a mené une enquête auprès
40 sociétés de gastroentérologie, afin de savoir
si elles prenaient des mesures de prévention du
cancer de l’intestin et à quelle échelle. Un tiers
des pays se sont dotés d’un programme national de prévention du cancer de l’intestin, dont
près de la moitié viennent de l’ancien bloc de
l’Est. En Pologne et en République tchèque,
le dépistage a produit de bons résultats. En
Albanie, un programme correspondant a été
lancé voici plus de dix ans.
Au sein de l’UE, les programmes nationaux de
dépistage diffèrent d’un Etat à l’autre. Ils se distinguent notamment par le taux de couverture
de la population, par la fréquence de l’examen
et par le choix de la méthode dépistage. Dans
25 Etats, il est conseillé d’introduire un tel programme. Comme méthode, on envisage aussi
bien le FOBT que la coloscopie. Dans plus de la
moitié des Etats, les société locales de gastroentérologie ont émis des recommandations
en matière de prévention.
<
> La prévention dépend de la manière dont la personne est
assurée, ce qui pourrait signifier des différences socioéconomiques. Comme on pouvait s’y attendre, les effets
de l’âge s’observent dans la prévention du cancer de
l’intestin. Le corps médical considère la coloscopie comme
une mesure très efficace et le FOBT comme une mesure
moyennement efficace pour prévenir le cancer de l’intestin.
Marcel Zwahlen
> Les programmes de dépistage organisés sont efficaces et
présentent un bon rapport coût/efficacité. Un programme
de prévention coordonné est aussi possible en Suisse.
Chris de Wolf
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Le but du dépistage est clair. Déceler les signes
précurseurs du cancer de l’intestin à un stade
aussi précoce que possible, puis les éliminer rapidement. Si la probabilité de survivre cinq ans
est de 90% au stade UICC 1 et 2, elle baisse rapidement aux stades 3 et 4. «Trois méthodes
s’offrent à nous pour le dépistage», explique
Dominique Criblez, médecin-chef de l’hôpital
cantonal de Lucerne et membre du groupe de
travail «CRC dépistage» de la Société suisse de
gastroentérologie. Le cancer de l’intestin se
Le dépistage en Europe
Finlande: dans le modèle finlandais, un
groupe choisi au hasard de citoyens entre
60 et 69 ans est invité à se soumettre à un
FOBT. L’évaluation est centralisée et les
personnes qui ont un résultat positif ont
accès à une coloscopie. Six ans plus tard, la
mortalité du groupe qui a bénéficié d’un
dépistage est comparée à celle d’un groupe
de contrôle n’ayant eu aucun examen de
prévention. La poursuite du programme de
dépistage dépend du résultat.
Grande Bretagne: En Grande-Bretagne, on
propose aux gens entre 60 et 66 ans de
participer à un FOBT. L’examen de dépistage est effectué par des spécialistes et des
généralistes. Il est légèrement différent en
Angleterre et en Ecosse.
L‘essentiel en bref
Dans la pratique, trois méthodes passent au premier
plan pour le dépistage du cancer de l’intestin. Le test
visant à déceler du sang occulte, la sigmoïdoscopie
flexible et la coloscopie. Comme le montre la première
étude suisse sur les examens de prévention du cancer
de l’intestin, la plupart des «candidats au dépistage»
veulent une coloscopie. C’est d’ailleurs la méthode la
plus efficace.
France: En France, les personnes de plus de
50 ans sont appelées à passer un FOBT. Le
médecin de famille joue un rôle important
dans cet examen, car c’est à lui qu’il incombe de fournir les explications nécessaires.
L’évaluation des résultats est centralisée.
«
Il y a deux grands courants:
la prévention du carcinome et
le dépistage du carcinome.
Dominique Criblez
»
laisse facilement déceler avec un programme
de dépistage. Si la mise en évidence de sang
caché permet surtout de découvrir un carcinome avancé, la coloscopie révèle des tumeurs
à un stade très précoce. Elle permet même
d’identifier des précurseurs de tumeur (les polypes) sur la paroi de l’intestin et de les éliminer simplement.
La coloscopie est une méthode très
efficace
La réduction de la mortalité est un critère important pour évaluer l’efficacité des diverses
méthodes d’examen. Avec le FOBT, la mortalité baisse de 11 à 33% selon les études. «Un effet
relativement modeste», commente Criblez. Un
nouveau FOBT immunologique présente toutefois des valeurs nettement meilleures concernant le taux de découverte des carcinomes. La
sigmoïdoscopie réduit pratiquement la mortalité de moitié. Quant à la coloscopie, elle permet de la faire baisser de près de 80%. Le gros
avantage de cette méthode tient au fait qu’on
peut déjà procéder à une polypectomie lors de
l’examen. La coloscopie supplante même les
procédés de tomographie par ordinateur pour
la prévention du cancer de l’intestin. Ceux-ci
sont certes très sensitifs, mais pour confirmer
la présence de polypes, ils doivent être complétés par une coloscopie. Il est donc plus avantageux d’appliquer directement cette dernière
méthode.
Allemagne: En Allemagne, les citoyennes
et les citoyens ont droit, à partir de 50 ans,
à un test annuel payé par l’assurance-maladie, afin de déceler d’éventuelles traces de
sang dans les selles. A partir de 55 ans, ils
peuvent remplacer ce test par une coloscopie. Le médecin de famille joue un rôle
important, car il fournit les explications
requises à ses patients et les encourage à
participer à cette mesure de prévention.
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
15
Plus d’une personne sur dix participe
au dépistage du cancer de l’intestin
La première étude suisse sur l’acceptation du
dépistage du cancer de l’intestin dans les cantons d’Uri, de Glaris et dans la Vallée de Joux
montre clairement les réticences de la population vis-à-vis de la prévention. Le médecin-chef
de l’hôpital cantonal d’Altdorf Urs Marbet est le
premier à avoir mené une étude sur l’acceptation que rencontre en Suisse une offre de prévention du cancer de l’intestin. Dans le bassin
de population pris en considération, on dénombre tout juste 23 000 représentants de la tranche d’âge concernée (les 50 ans et plus). Le but
était de donner à ces personnes la possibilité
de participer gratuitement à une campagne de
dépistage du cancer de l’intestin. A l’aide l’une
vaste campagne publicitaire, d’un courrier
d’information personnel et d’une campagne
de sensibilisation auprès des généralistes, on a
finalement pu inciter à peine 12% des gens à
participer. «C’est une valeur comparable à celle
obtenue par une étude canadienne», relève
Marbet. Les hommes et les femmes ont participé à l’examen de prévention à peu près dans
les mêmes proportions. Tandis que presque
tous les autres groupes de professions étaient
représentés au dépistage en fonction de leur
fréquence parmi la population, on a observé un
net écart chez les agriculteurs très peu nombreux à l’examen. Dans l’ensemble, on constate que les gens plus soucieux de leur santé répondent davantage à l’invitation au dépistage.
16
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Les gens préfèrent la coloscopie
La question de la méthode de dépistage montre qu’une majorité préfère la coloscopie. «Cela
révèle un grand besoin de sécurité», commente
Marbet. Presque toutes les personnes interrogées
se feraient à coup sûr ou du moins vraisemblablement réexaminer au moyen de la coloscopie
en cas d’indices de cancer de l’intestin.
<
«
Il faut continuer à sensibiliser
la population au rôle de la
prévention.
»
Urs Marbet
L‘essentiel en bref
> La coloscopie est ce qu’il y a de plus efficace. Elle entraîne une réduction de la
mortalité de 80%. L’effet du FOBT est par
contre relativement modeste.
Dominique Criblez
> Après une année, le taux de participation
est assez faible, mais on peut l’augmenter. La qualité de l’examen est bonne. Les complications sont rares et
surviennent généralement suite à des
polypectomies.
Urs Marbet
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
17
A quel point le dépistage du cancer
de l’intestin est-il éthique?
La prévention:
composante incontournable
Bien qu’il n’y ait a priori pas d’objections d’ordre éthique
à formuler contre le dépistage du cancer de l’intestin,
il apparaît, à y regarder de plus près, que certains aspects
posent problème. Par exemple la liberté de ne pas participer à un examen.
Le dépistage précoce du cancer de l’intestin permet
de sauver des vies et de combattre l’un des types
de cancer les plus fréquents en Suisse. Par ailleurs,
la population doit savoir comment se préserver des
facteurs de risque face à cette maladie. Il est donc
également nécessaire de mener une campagne
d’information à grande échelle.
«Le dépistage du cancer de l’intestin peut être
le début d’un traitement efficace», souligne
Christoph Rehmann-Sutter de l’Université de
Bâle. «Dans la mesure où il améliore la prévention dans le domaine de la santé, il mérite aussi d’être salué du point de vue éthique.» L’important pour ce biologiste doublé d’un philosophe
est que les risques et les effets secondaires de
l’examen de l’intestin à l’endoscope se situent
dans un rapport acceptable avec le profit tiré du
dépistage. Autrement, il ne faudrait pas exposer des personnes en bonne santé à ce type de
dangers.
«
Il faut éviter l’impression
de contrainte.
»
Christoph Rehmann-Sutter
Dans certains cas, il peut se poser des problèmes éthiques qu’il s’agit de résoudre consciencieusement. D’abord une question générale:
quel degré de prévention et quelle connaissance des risques possibles chacun peut-il exiger
de lui-même? Celui qui se sait malade perd sa
joie de vivre en même temps que le sentiment
d’aller au-devant d’un avenir ouvert. Or, le
degré d’ouverture de l’avenir est un aspect
essentiel de la qualité de vie. «C’est une valeur
à prendre au sérieux», confirme RehmannSutter.
Urs Metzger, chirurgien à l’Hôpital Triemli de
Zurich, voit passer de nombreux cas de cancer
de l’intestin pour lesquels les perspectives de
guérison sont compromises. A peu près la moitié des personnes qu’il opère pour un cancer
colorectal ont déjà développé des métastases
et présentent donc un pronostic défavorable.
«Plus tôt le cancer de l’intestin est détecté, plus
les perspectives de guérison sont favorables»,
a souligné Urs Metzger. Soignés aux stades
précoces, les patientes et patients ont une
espérance de vie presque normale. Les coûts
de traitement augmentent fortement à mesure
que la maladie progresse vers des stades tumoraux plus grave. Pour Urs Metzger, des examens
préventifs s’imposent dans le but d’éviter
l’apparition de tels cancers. Selon différentes
études, le FOBT permet de réduire de 18 à 28%
la mortalité. La coloscopie est créditée de résultats encore meilleurs: utilisée non seulement
pour le dépistage précoce, mais aussi pour
l’élimination des polypes suspects dans l’intestin, elle fait baisser la mortalité de 64 à 90%,
selon les études.
La fausse inquiétude pose problème
autant que la fausse sécurité
La situation devient critique quand une ou un
participant(e) reçoit un faux diagnostic positif
lors d’un dépistage et se fait dès lors du souci
pour rien. Comme c’est l’individu particulier qui
est touché, la décision lui appartient. La participation à un examen de prévention doit être
volontaire et personne ne peut y être «contraint».
La décision présuppose une mise à disposition
des informations sur les avantages et inconvénients d’un tel examen, afin que chacun puisse
se déterminer en connaissance de cause.
En principe se pose aussi la question de savoir
comment employer les ressources financières
dans le domaine de la santé. Faut-il investir plutôt dans la prévention ou dans le traitement des
maladies? D’un point de vue éthique, tout parle
pour que l’on privilégie la médecine préventive
qui permet d’obtenir un relativement bon résultat avec des moyens plutôt modestes.
<
«
Avec un programme de
prévention, on peut réduire
de moitié la mortalité.
Dépistage plus précoce en cas
d’antécédents familiaux
Pour être efficace, un programme de dépistage
devrait englober toutes les personnes de 50 ans
et plus, lesquelles bénéficieraient alors d’un
FOBT ou d’une coloscopie. Les personnes de
moins de 50 ans dont un ou plusieurs membres
de la famille souffrent ou ont souffert d’un
cancer de l’intestin avant l’âge de 60 ans, devraient se soumettre encore plus tôt à un test
de routine. «Idéalement, elle devraient le faire
lorsqu’elles atteignent un âge d’une dizaine
d’années inférieur à celui où le cancer a été
diagnostiqué chez ce ou ces membres de la
famille», a précisé Urs Metzger.
Les différentes sociétés de discipline médicale
recommandent une coloscopie tous les dix ans
à partir de 50 ans. Afin d’optimiser les coûts, on
pourrait aussi préconiser deux coloscopies,
l’une à 55 ans, l’autre à 65 ans; une coloscopie
à l’âge de 75 ans serait alors absolument facultative.
Information et prévention son
indispensables
Pour Jean-Claude Givel, du CHUV à Lausanne,
les faits parlent d’eux-mêmes: il est nécessaire
et urgent de mener en Suisse une campagne de
lutte contre le cancer colorectal. Celle-ci devrait
s’articuler autour de deux axes importants:
éviter les facteurs de risque et promouvoir le
dépistage précoce par divers examens comme
le FOBT ou la coloscopie.
»
Urs Metzger
18
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
19
Un mode de vie sain, impliquant notamment
une alimentation équilibrée, peut dans une certaine mesure protéger du cancer colorectal. Il
est tout particulièrement important de consommer beaucoup de fibres et suffisamment de
fruits et légumes. «Toute campagne de communication doit attirer l’attention de la population
sur la possibilité de diminuer le risque de cancer colorectal par l’alimentation et l’activité
physique», a souligné Jean-Claude Givel. Toutefois, pour être efficaces, de telles mesures de
prévention primaire doivent s’inscrire dans une
perspective à très long terme. Elles s’adressent
donc avant tout à une jeune population qui est
encore loin de l’âge critique face au cancer
colorectal.
Les examens préventifs revêtent une importance cruciale. Ils doivent être encouragés à travers une campagne d’information à grande
échelle avec affiches, expositions, conférences
et spots publicitaires, laquelle pourrait s’inspirer notamment des campagnes d’information
américaines. L’objectif doit être le dépistage de
toutes les personnes d’un groupe à risque.
«La mobilisation de toutes les possibilités
d’investigation permettrait de réduire de moitié
la mortalité par cancer colorectal», a assuré
Jean-Claude Givel.
<
«
L‘essentiel en bref
> La moitié des patients commencent le
traitement à un stade tumoral avancé.
Plus le cancer est avancé, plus les coûts
thérapeutiques sont élevés. La coloscopie est l’examen de choix pour le dépistage précoce du cancer de l’intestin.
Urs Metzger
> La population doit être informée sur le
cancer de l’intestin. Il faut prévenir
l’apparition du cancer en diminuant les
facteurs de risque. L’examen de dépistage
précoce doit être fortement diffusé.
Jean-Claude Givel
Il faut dès le jeune âge veiller à
éviter les facteurs de risque face
au cancer colorectal.
»
Jean-Claude Givel
20
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
21
Informer plutôt que manipuler
Le succès des programmes de dépistage dépend du
nombre de personnes qui y participent. Etant donné
que la prévention est une excellente chose, nombre
de responsables de programme sont tentés d’user
de demi-vérités et de manipulation pour amener les
gens à y participer. C’est une erreur. Il faut informer de
manière honnête et objective, sans chercher à influencer le public.
«Chacun doit pouvoir décider par lui-même de
prendre part ou non à un programme de dépistage», a estimé Christian Weymayr, journaliste
scientifique. «La préservation du droit à l’autodétermination, de l’autonomie et de la liberté
de décision du patient prime nettement sur
l’opinion médicale du médecin», soulignent
des juristes. En considérant les huit campagnes
de prévention du cancer de l’intestin en cours
en Allemagne, on peut douter que, dans ce
pays, le droit à l’autodétermination soit véritablement pris au sérieux.
S’interdire de faire peur
Pour Christian Weymayr, la frontière entre information factuelle et incitation à participer est
souvent franchie, et cela au prix d’une certaine
manipulation. Les campagnes jouent sur la
peur. Ainsi, les stratèges publicitaires responsables de la campagne de la Fondation Felix
«
L’information sur la santé ne
doit pas jouer sur la peur et
les fausses promesses.
»
Christian Weymayr
22
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Burda souhaitent «percer l’ignorance des gens
de façon subtile, mais extrêmement durable».
Des affiches montrent une femme en train de
se mettre une boucle d’oreille avec une perle.
Le texte d’accompagnement signale que la perle a «exactement la grosseur de la tumeur non
encore détectée dans votre intestin». Les
concepteurs de l’affiche cherchent à produire
un sentiment désagréable et à susciter la peur:
«Le message continue de résonner dans la
conscience du lecteur longtemps après.» Pour
Christian Weymayr, une telle démarche n’est
pas acceptable. Les fausses promesses sont un
autre moyen fréquemment utilisé pour manipuler le public dans de telles campagnes: promettre aux gens une prétendue sécurité et leur
laisser entendre qu’ils seront protégés à cent
pour cent contre le cancer de l’intestin s’ils se
soumettent à un examen préventif, est une
mauvaise approche selon Christian Weymayr.
Former l’opinion de l’individu
Plutôt que de faire de la manipulation, les responsables de campagne devraient se limiter à
l’information sur les avantages et les inconvénients de la participation à un examen de
dépistage. Le but doit être que chacun puisse
décider par lui-même de se soumettre ou non
à un tel examen. Il existe des exemples de telles campagnes d’information. Le National
Health Service britannique stipule ouvertement
que sa campagne d’information sur le dépistage cervical a pour but de former de l’opinion et
non de chercher à l’influencer dans un sens ou
dans l’autre. «To help you to decide whether or
not to come for cervical screening, the main
benefits and difficulties of cervical screening
are explained below», peut-on lire dans la brochure d’information de la campagne.
Un prospectus de l’Université de Hambourg
mentionne par exemple de manière détaillée
l’ampleur du risque de développer un cancer de
l’intestin et d’en mourir à un certain âge. «Avec
de telles informations, il est vraiment possible
pour tout un chacun de se forger une opinion»,
a estimé Christian Weymayr.
Les chiffres peuvent être trompeurs
Toute information n’est pas pertinente. Urs P.
Gasche, journaliste scientifique, a déploré que
de nombreuses campagnes d’information
soient émotionnelles et partiales, au lieu d’être
objectives et pondérées. Plutôt que de parler
tout simplement de test de détection de sang
dans les selles, leurs concepteur emploient des
termes techniques comme «test hémocculte»
ou «test de détection de sang occulte»; au
lieu de dépistage, ils parlent de prévention.
Souvent, les chiffres avancés n’ont aucune
pertinence, car ils ne sont pas mis en perspective. «Beaucoup d’informations sont difficiles
à comprendre ou trompeuses», a estimé Urs
P. Gasche. Selon lui, si l’on veut que des personnes bien portantes puissent valablement
décider de se soumettre ou non à un dépistage
précoce, alors c’est la réponse à la question
ci-après qui est pour elles pertinente: «Quels
sont pour moi les avantages, les inconvénients
et les risques?» Les médecins devraient informer en chiffres absolus sur le nombre de cas de
maladie et de décès, et les mettre en relation.
Ainsi, les 1600 décès causés par le cancer colorectal chaque année semblent représenter un
chiffre élevé; mais cette impression se modifie
quand on restitue les proportions: 0,25% des
décès survenant en Suisse sont imputables au
cancer colorectal. Dans la tranche d’âge de 60
à 69 ans, sur une période de dix ans, une personne sur 152 décède d’un cancer colorectal.
Toujours d’après Urs P. Gasche, la mention
d’une diminution de la mortalité – par exemple
de 30% – n’est pas utile si elle n’est pas accompagnée de la référence au nombre absolu de
décès. «Cela peut tout aussi bien signifier que
l’on passe de 300 à 200 décès, ou de 3 à 2 décès», a-t-il fait remarquer.
Pour Urs P. Gasche, l’information selon laquelle des tests réguliers de détection de sang dans
les selles permettent d’abaisser de 20% la mortalité par cancer de l’intestin, est peu pertinente pour le public. Celle selon laquelle un tel test
permet de diminuer de 0,1% le risque personnel de décéder d’un cancer de l’intestin dans les
dix années à venir, l’est à son avis davantage.
Si l’on sait en plus que la coloscopie pratiquée
régulièrement réduit le risque de 0,5%, on peut
comparer directement l’efficacité de ces deux
méthodes.
Plutôt que d’amener les citoyennes et citoyens
à juger par eux-mêmes, les campagnes diffusent souvent des jugements de valeur, a encore déploré Urs P. Gasche: «Le test de détection
de sang dans les selles est inoffensif et sans risque» est un jugement de valeur et non une information objective. On devrait plutôt, d’après
lui, nommer clairement les faits et ajouter:
«Dans 30 cas sur 100, on trouve du sang dans
les selles, ce qui entraîne une coloscopie, avec
les risques qu’elle comporte. Dans 92% des cas,
cette coloscopie se révèle inutile, car elle ne
confirme pas la suspicion de cancer.» Par
ailleurs, les risques de surtraitement devraient
être clairement abordés, a considéré Urs P.
Gasche.
<
«
»
La question ‹Quels sont pour
moi les bénéfices et les risques
d’un dépistage précoce?› est pertinente pour l’individu.
Urs P. Gasche
L‘essentiel en bref
> Aucune campagne ne doit être fondée
sur la peur, les fausses promesses et la
suggestion. La communication doit être
nuancée, le style sobre et le contenu
sérieux. Il faut donner à chacun la possibilité de se faire par lui-même une opinion afin de pouvoir ensuite valablement
décider de participer ou non à un programme de dépistage.
Christian Weymayr
> Les citoyennes et citoyens attendent des
réponses éthiquement viables à des
questions importantes. Les bénéfices et
les risques doivent être indiqués en
fréquences absolues. L’intention, louable
en soi, d’inciter le plus de gens possible
à participer ne doit pas donner lieu à des
campagnes d’information partiales.
Urs P. Gasche
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
23
Débat
La mise en place d’un programme de dépistage
nécessite une pression venant de la base
La souveraineté cantonale sur le système de santé,
la loi sur l’assurance-maladie et la diversité des
opinions quant à la méthode adéquate de dépistage
précoce font actuellement obstacle à la mise en place
d’un programme national de dépistage du cancer
de l’intestin. Conclusion du débat final qui a eu lieu
lors du symposium «Non au cancer de l’intestin!
Oui, mais comment?»: il y a nécessité d’accomplir
un travail de persuasion opiniâtre sur le plan politique, de plaider d’une seule voix en faveur d’un
programme de dépistage et d’oser entreprendre sa
mise en œuvre par petites étapes et de manière
coordonnée.
Les assurances-maladie ont les mains liées
quand il s’agit de payer des examens de dépistage précoce du cancer de l’intestin. Même si la
volonté de soutenir une démarche utile est présente, la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) le
leur interdit, comme l’a souligné Fritz Britt,
directeur de santésuisse: «D’après la LAMal, un
assureur-maladie ne peut fournir aucune prestation à bien plaire dans l’assurance de base.»
Il a estimé que des prestations préventives de
ce type doivent être proposées uniquement
dans le cadre de programmes spécifiques, afin
que le public cible puisse être atteint. Reto
Obrist, directeur d’Oncosuisse, a mis en évidence un dysfonctionnement du système: «Même avec des solutions acceptées telles que le
programme de dépistage du cancer du sein par
mammographie, les prestations du système
comme le contrôle de la qualité ne sont pas financées par la LAMal et doivent être prises en
charge par les cantons ou par des fondations.»
Cette situation pourrait s’améliorer grâce à une
nouvelle loi sur la prévention, en cours d’élaboration au sein de l’Office fédéral de la santé
publique (OFSP) et dont le projet sera vraisemblablement présenté en 2010.
24
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
Solution possible à travers
la loi sur la prévention
Les prestations prises en charge par la LAMal
doivent être économiques, opportunes et efficaces. Peter Indra, vice-directeur de l’OFSP et
responsable de l’Unité de direction Assurance
maladie et accidents au sein de cet office, a déclaré qu’à son avis, le dépistage du cancer de
l’intestin devait être mis en place sous forme de
programme dûment organisé et répondant à
des critères de qualité précis. L’idéal serait que
la demande relative à la prise en charge des
examens de dépistage du cancer de l’intestin
soit élaborée conjointement par les sociétés de
discipline médicale et la Ligue contre le cancer.
Cette demande serait traitée par la Commission
des prestations et, en fonction du résultat de
son examen, le dépistage du cancer de l’intestin serait intégré à la LAMal.
Participation et conditions requises
pour un programme de dépistage
Matthias Egger, directeur de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de
Berne (ISPM Berne) et animateur du débat,
a estimé qu’un programme de dépistage précoce devrait permettre d’atteindre une couverture de 70 à 80 pour cent. Une comparaison
avec le programme de dépistage par mammographie en Suisse montre que les taux de participation ne dépassent pas 40 à 50 pour cent.
«Dans des systèmes décentralisés tels que le
système helvétique, les taux de participation
sont de 50 pour cent inférieurs à ceux enregistrés dans des systèmes centralisés», a indiqué
Chris de Wolf, responsable du Centre fribourgeois de dépistage du cancer du sein. A son
avis, il est important que les médecins soutiennent le programme. Et que le groupe cible ne
soit pas simplement invité à participer, mais
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
25
que les personnes qui ne le font pas soient également contactées par téléphone, car «une certaine pression est nécessaire». Cette pression,
l’éthicien Christoph Rehmann-Sutter la trouve
problématique, car elle empiète selon lui sur la
liberté de décision de l’individu. Si l’on veut
exercer une pression, a-t-il estimé, alors on doit
l’accompagner d’une très bonne information.
Le monitoring des données et essentiel également. «On ne doit pas perdre de vue le rapport
entre les bénéfices pour la santé et les risques
lésionnels a rappelé Marcel Zwahlen, collaborateur scientifique à l’ISPM Berne. Certes, une
coloscopie implique de faibles risques pour la
santé, mais quand on lance un programme
auquel le maximum de personnes sont appelées à participer, ces risquent deviennent tout à
coup importants. «Que fait-on si, après 300’000
coloscopies, on constate que 10 personnes en
bonne santé sont décédées à cause de cet examen?», a-t-il demandé.
Collaboration entre les différentes
sociétés de discipline médicale
Le déficit d’information est très variable parmi
les médecins de premier recours», a estimé
Ueli Seefeld, président de la Société Suisse de
Gastroentérologie, «et la collaboration entre
médecins de premier recours et gastroentérologues n’est pas partout optimale». Plusieurs participants au débat final ont déploré l’absence
26
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
d’un consensus quant à la méthode adéquate de
dépistage. Anton Gehler, membre du comité de
la Société Suisse de Médecine Interne, a rappelé que les sociétés de médecine de premier
recours n’ont publié ni prise de position, ni directives à l’intention de leurs membres. Niklaus
Egli, membre du groupe de travail «Formation
continue et promotion de la qualité» au sein de
la Société Suisse de Médecine Générale, a considéré que le FOBT pourrait être davantage proposé, ce test étant à son avis encore trop peu utilisé dans les cabinets médicaux. Markus Battaglia,
dont le cabinet est affilié au réseau de médecins
de famille MediX, a précisé qu’au sein du réseau
MediX, la coloscopie est considérée comme la
méthode la plus judicieuse et qu’une réflexion
est en cours quant à la possibilité de proposer
cet examen indépendamment de la situation légale (obligation ou non d’allouer les prestations,
loi sur la prévention). Et cela bien qu’il considère que, dans la pratique du médecin de famille,
trop peu de temps est à disposition pour parler
de prévention.
Une fois qu’un consensus aura été trouvé sur la
mise en place d’un programme, il s’agira de définir les rôles, notamment celui des pharmacies:
«Les pharmacies sont des interlocuteurs tout
à fait directs pour la population. De ce fait, elle
doivent absolument être intégrées à un tel programme», a estimé Anton Gehler.
Nécessité d’une pression
venant de la base
Participants au débat
Animation:
Pour faire avancer le débat politique sur ce
dossier, le directeur d’Oncosuisse, Reto Obrist,
a recommandé un lobbyisme politique dans
les cantons. «Une possibilité est la bottomup-approach», a-t-il estimé, c’est-à-dire une
pression émanant de la base. Les citoyennes et
citoyens doivent faire pression sur les gouvernements cantonaux pour que les choses bougent en faveur de la prévention et du dépistage.
«Nous devons tirer les enseignements du programme de mammographie», a-t-il affirmé. Et
d’ajouter que ce serait déjà un grand progrès si
un premier canton introduisait un programme
de dépistage précoce. Bien qu’une partie des
participants au débat se soient déclarés gênés
par ce «cantonalisme», tous ont reconnu qu’il fait
partie des données immuables de la réalité politique suisse, dont il faut bien s’accommoder.
«Reste la question décisive du financement», a
relevé Fritz Britt. Une pression politique est selon
lui nécessaire pour amener les cantons à faire
preuve de plus de disponibilité à cet égard.
Il serait utile que les sociétés de discipline médicale puissent adopter une démarche et une
prise de position communes, avec des mesures
de qualité. La pression sur les milieux politiques
en serait encore renforcée.
Une autre possibilité de financement évoquée
consiste à impliquer les patientes et patients
dans la prise en charge des coûts de l’examen
de dépistage. Pour les individus, les coûts seraient modiques et les bénéfices, en revanche,
élevés. La propension des citoyennes et citoyens
à s’investir eux-mêmes dans la prévention a été
jugée forte par les participants au débat final.
Cela suggère peut-être une voie praticable pour
réaliser le dépistage précoce du cancer de l’intestin même sans financement par les caissesmaladie.
<
Prof. Dr méd. Matthias Egger
Directeur de l’Institut de médecine sociale
et préventive de l’Université de Berne
Participants:
Fritz Britt
Directeur de santésuisse, Soleure
Dr méd. Niklaus Egli
Spécialiste FMH en médecine générale,
Hinwil, membre du groupe de travail,
Formation continue / Promotion de la qualité
de la Société Suisse de Médecine Générale
Dr méd. Anton Gehler
Spécialiste FMH en médecine interne,
Buchs, membre du comité de la Société
Suisse de Médecine Interne
Dr méd. Peter Indra
Vice-directeur de l’Office fédéral de la santé
publique, responsable de l’Unité de direction
Assurance-maladie et accident, Berne
Prof. Dr méd. Reto Obrist
Directeur d’Oncosuisse, Berne
Dr méd. Ueli Seefeld
Spécialiste FMH en gastroentérologie,
Thalwil, président de la Société Suisse
de Gastroentérologie
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
27
Ce que fait la Ligue contre le cancer
Prévenir vaut mieux que guérir –
et c’est aussi moins cher!
«Le consensus entre les sociétés de discipline
médicale est important pour le débat politique
à venir», a souligné dans sa conclusion Alice
Scherrer, présidente d’Oncosuisse et de la Fondation Recherche suisse contre le cancer, qui est
aussi ancienne présidente et membre actuel du
Conseil d’Etat d’AR. Selon elle, la santé est influencée par l’individu, la société et la politique;
il faut donc se demander ce que chacune et chacun peut faire de lui-même et par lui-même, et
dans quelle mesure une stratégie et un soutien
par les pouvoirs publics sont nécessaires. «Le
symposium d’aujourd’hui n’a pas donné de
réponse définitive concernant la stratégie adéquate, le meilleur rapport coûts-bénéfices et la
«
Le consensus entre les sociétés de
discipline médicale est important
pour le débat politique à venir.
»
Alice Scherrer
responsabilité de l’organisation et du financement d’un éventuel dépistage. Cette rencontre
a néanmoins permis de jeter les bases d’un processus qui devrait se révéler constructif.»
Ce que fait la Ligue contre le cancer
Ce symposium était la première étape d’un
processus qui pourrait déboucher sur un programme de dépistage précoce du cancer de
l’intestin en Suisse. D’autres études seront disponibles d’ici à fin 2008. Elles permettront à la
Ligue contre le cancer d’élaborer une prise de
position comportant une série de thèses. Si la
mise en œuvre d’un programme de dépistage
du cancer de l’intestin est jugée judicieuse, les
conditions cadres nécessaires seront fixées en
concertation avec les sociétés de discipline médicale, une demande de prise en charge des
prestations sera établie et des projets pilotes
seront lancés. L’introduction éventuelle d’un
programme de dépistage et la prise en charge
de ses coûts par l’assurance de base pourront
être discutées sur le plan politique à partir de
<
2009.
Appendice
Définitions
Prévention primaire
La prévention primaire doit déjà être en place
et efficace alors même qu’aucune maladie n’est
encore apparue. Elle comprend l’élimination
d’un ou de plusieurs vecteurs de maladie,
l’accroissement de la résistance physique des
êtres humains et la modification des facteurs
environnementaux.1
Prévention secondaire
La prévention secondaire comprend toutes les
mesures visant à découvrir et à traiter des stades asymptomatiques de maladies.1
Prévention tertiaire
La prévention tertiaire vise à prévenir des dysfonctionnements consécutifs à des maladies
existantes ainsi que les risques de rechute.1
Dépistage
La médecine appelle dépistage l’identification
d’une maladie dans la phase précédant sa
manifestation clinique par différentes mesures
tels que des examens cliniques ou d’autres
tests.
L’engagement de la Ligue contre le cancer
La Ligue contre le cancer s’engage en faveur des programmes de dépistage quand ils
portent sur un type de cancer courant dont l’évolution naturelle est connue. Il doit en outre
exister des possibilités de traitement efficaces, ainsi qu’un test fiable dont les avantages
et inconvénients sont connus et ont été pesés. Le rapport coût/efficacité doit être favorable.
La plupart du temps, le dépistage est effectué
en tant que dépistage en série auprès du plus
grand nombre de personnes possible, le but
étant d’apprendre si la personne dépistée présente une probabilité plus élevée de souffrir
d’une certaine maladie. Si les valeurs relevées
sont suspectes, il est le plus souvent encore nécessaire d’établir à l’aide d’examens diagnostiques additionnels si l’on se trouve effectivement en présence d’une maladie à un stade
préclinique.
Les tests de dépistage doivent être simples et
avantageux. Ils ne doivent pas perturber les
personnes qui s’y soumettent ni exposer leur
santé à un risque important.2
Il s’agit d’identifier le plus grand nombre de
personnes possible présentant des indices
susceptibles de révéler la présence d’un stade
préclinique d’une maladie potentiellement
mortelle pouvant mieux être traitée à un stade
précoce.3
Le dépistage systématique
vise la population en bonne santé:
> Le groupe cible (par ex. tranche d’âge)
est défini.
> La méthode est définie.
> La fréquence de l’examen est définie.
Programmes de dépistage:
> Le groupe cible est invité de manière
systématique à effectuer un examen.
> L’assurance de la qualité est garantie.
> Les données relatives à l’examen
sont saisies et évaluées (de manière
centralisée).
Depuis 2004, la Ligue suisse contre le cancer réalise chaque année une campagne d’information «Non au cancer de l’intestin?» dont le but est de rendre le public attentif à la maladie
et d’inviter les personnes qui pensent présenter des symptômes à se faire examiner par un
médecin.
Partenaires du symposium
L’Office fédéral de la santé publique, GastroMed Suisse, Oncosuisse, pharmaSuisse,
santésuisse, la Société suisse de médecine générale, la Société suisse de gastroentérologie,
la Société suisse de médecine interne, la Société suisse de chirurgie viscérale.
Compléments d’informations
La Ligue suisse contre le cancer a résumé les présentations et les discussions dans un
rapport qui peut être consulté et commandé sur le site www.colon-cancer.ch. On y trouve
aussi les divers résumés et présentations.
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Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
1 Franzkowiak, 1999: Gutzwiller & Jeanneret, 1999:
Schwartz & Walter, 1998
2 D’après Gutzwiller, F. / Jeanneret, O. (éd.);
Sozial- und Präventivmedizin Public Health … p. 198.
3 D’après Gutzwiller, F. / Jeanneret, O. (éd.);
Sozial- und Präventivmedizin Public Health … p. 39.
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
29
Le but d’un programme de dépistage dans le
domaine médical est d’augmenter l’espérance
de vie des personnes examinées en cas de maladies potentiellement mortelles et d’améliorer
leur qualité de vie.
Des programmes de dépistage organisé du
cancer ne devraient toutefois être mis sur pied
que si les conditions suivantes sont remplies:
> Le type de cancer en question est relativement fréquent et on connaît son évolution
naturelle.
> Un traitement efficace est disponible.
> On dispose d’un test efficace et
acceptable.
> Les avantages et les risques du test sont
bien connus et pondérés.
> Le rapport coût-efficacité est satisfaisant.4
Le dépistage opportuniste
vise l’individu et ses risques/sa situation :
> Le groupe cible est éventuellement défini.
> La méthode est éventuellement définie.
> La fréquence des examens est
éventuellement définie.
> Aucune invitation systématique n’est
adressée aux personnes à risque.
> L’assurance de la qualité n’est pas
garantie.
> Les données ne sont ni saisies ni
évaluées.
Programme
Salutations et présentation
Prof. Dr Daniel Betticher, médecin-chef Oncologie, Hôpital Cantonal de Fribourg, membre du
conseil d’administration de la Ligue suisse
contre le cancer
Evidence Based Medicine
Prof. Dr Johann Steurer, Directeur du Centre
Horten pour la recherche orientée vers la pratique et le transfert de connaissances, Zurich
Etat des lieux du cancer colorectal en Suisse
> Incidence et mortalité en Suisse
Prof. Dr méd. Fabio Levi, médecin-chef, Unité
d’épidémiologie du cancer de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Lausanne, directeur des Registres vaudois et neuchâtelois des tumeurs, CHUV, Lausanne.
> Coûts des maladies cancéreuses
de l’intestin en Suisse
Dr méd. Reto Guetg, spécialiste FMH en médecine interne, Berne, médecin-conseil de santésuisse
> Coûts d’un dépistage du cancer colorectal
en Suisse
Prof. Dr méd. Thomas D. Szucs, directeur du
domaine Economie médicale à l’Institut de
médecine sociale et préventive de l’Université
de Zurich
Dépistage
> Dépistage précoce du cancer colorectal en
Suisse en 2005 du point de vue de la population et du corps médical
Dr. phil Marcel Zwahlen, collaborateur scientifique à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne
Réflexions et esquisses de solutions
> Différentes méthodes de dépistage du cancer colorectal basées sur des données factuelles
Dr méd. Dominique Criblez, médecin-chef en
médecine spéciale 1 / gastroentérologie au
Département de médecine de l’Hôpital cantonal de Lucerne, vice-président de la SGG/SSG,
responsable de la Task Force CRC-Screening
> Réflexions éthiques sur le dépistage
du cancer colorectal
Prof. Christoph Rehmann-Sutter, Dr phil.,
biol. dipl., directeur de l’Unité d’éthique
biomédicale de l’Université de Bâle, président
de la Commission nationale d’éthique pour
la médecine humaine
> Expériences issues de la première étude
suisse sur le dépistage du cancer colorectal
Prof. Dr Urs Marbet, médecin-chef à la
Clinique médicale de l’Hôpital cantonal d’Uri,
membre du comité de GastroMed Suisse
Esquisses de solutions pour la Suisse
> Prof. Urs Metzger, médecin-chef de la Clinique
chirurgicale et directeur médical de l’Hôpital
Triemli, Zurich, président de la Société Suisse
de Chirurgie Viscérale
> Prof. ass. Jean-Claude Givel, médecin-chef,
spécialiste FMH en chirurgie viscérale, Centre
Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
> Urs P. Gasche, journaliste scientifique RP,
Berne
> Christian Weymayr, Dr, journaliste scientifique,
Herne D
Conclusion
Alice Scherrer, Présidente de Oncosuisse et de
la RSC, ancienne présidente du Conseil d’Etat
et conseillère d’Etat
> Expériences issues du programme de dépistage précoce du cancer de sein en Suisse
Dr Chris J.M. de Wolf, Consultant Public Health
Les résumés, les présentations et les photos sont disponibles en ligne sous:
4 Programme national contre le cancer pour la Suisse
2005–2010, p. 46
30
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
www.colon-cancer.ch
Rapport «Non au cancer de l‘intestin! Oui, mais comment?»
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