16 Edition d’octobre 2012 #1 COMPTE-RENDU DE COLLOQUE SECONDES ASSISES NATIONALES DE LA BIODIVERSITÉ ET SI ON PARLAIT BIODIVERSITÉ ? CHRISTOPHE AUBEL Du 26 au 28 septembre dernier, se tenaient les secondes Assises Nationales de la Biodiversité au Palais du Littoral de la ville de GrandeSynthe. C’est dans cette commune élue première capitale française de la biodiversité en 2010, que s’est tenue une série de conférences, tables rondes et autres ateliers sur des sujets variés (ex : biodiversité marine, espèces exotiques envahissantes, espaces naturels ouverts au public, etc.), mais tous reliés par la thématique de la biodiversité. Le Professeur Damien Cuny, Viceprésident de l’APPA Nord – Pas de Calais, participant à l’animation de la conférence intitulée « La biodiversité au service de la santé publique », nous nous sommes rendus sur les lieux afin de vous faire partager cette expérience. La relation unissant la santé et la biodiversité est un sujet qui attire, puisque nombre de personnes étaient présentes pour écouter les quatre conférenciers venus s’exprimer sur le sujet : le Professeur André Caudron, Docteur en Pharmacie, Christophe Aubel, Directeur de l’association « Humanité et Biodiversité », Brigitte Deroo, Directrice du Centre de Santé de GrandeSynthe, ainsi que le Professeur Damien Cuny. Le Directeur de l’association Humanité et Biodiversité1 , Christophe Aubel, est le premier à prendre la parole et entre très vite dans le vif du sujet : sa réflexion se fera en trois points et fera écho au colloque qui a eu lieu en juin 2011 sur la même thématique, à Aix-enProvence. Dans un premier temps, il nous propose d’arrêter de voir la biodiversité comme un danger pour l’Homme. Cette dernière est en effet trop souvent perçue négativement et assimilée aux maladies ; dès lors, la réponse des pouvoirs publics est souvent disproportionnée. Si les microbes et les bactéries appartiennent à la biodiversité, c’est l’Homme qui est le plus souvent responsable des pandémies du fait des bouleversements liés à la mondialisation. C’est ainsi qu’il prend pour exemple la maladie de Chagas, cette pathologie transmise par les punaises et dont on dénombre 300 000 cas par an. Si à l’origine les punaises vivaient essentiellement dans les savanes sèches, le développement de l’urbanisation a conduit les territoires à se transformer, perturbant le milieu de vie de ces insectes. Contraints à trouver de nouveaux habitats, c’est dans les logements qu’ils ont commencé à élire domicile, entraînant inéluctablement la diffusion de la maladie. Chacun abordant des approches différentes autour de la question, il est intéressant de zoomer sur ces quatre regards. En savoir plus : http://www.humanite-biodiversite. fr/categorie/sante-et-biodiversite 1 C’est lors de son second temps que Christophe Aubel veut sensibiliser son public sur le fait que vouloir contrôler les êtres vivants a inévitablement un impact sur la santé de l’Homme. Il aborde alors le problème de l’antibiorésistance, la résistance aux antibiotiques et aux facteurs extérieurs qui viennent attaquer le système immunitaire. Il prend également pour exemple les moustiques, dont certaines espèces sont devenues résistantes aux pesticides. Ces techniques lourdes en conséquence sur l’écosystème ne s’avèrent donc plus efficaces et les retombées ont un impact certain sur toute la biodiversité, y compris sur ceux qui voulaient la contrôler. Le troisième point de Christophe Aubel se veut plus positif puisqu’il vise à démontrer que la biodiversité peut aussi nous soigner. Il rappelle ainsi que les médicaments contiennent de nombreuses molécules provenant des plantes et que des techniques médicinales se développent via la biodiversité ; en effet, des études tentent aujourd’hui d’insérer de « bonnes » bactéries sur des personnes malades, que les médicaments ne guérissent plus. Présentes dans notre tube digestif mais aussi sur notre peau, les bactéries sont vitales pour notre survie et une perte de leur diversité peut impacter notre santé. Protéger la nature contribuerait donc à notre bien-être et si la qualité de notre santé dépend aussi de la qualité de l’écosystème, ils méritent tous deux qu’on s’y intéresse de plus près. Edition d’octobre 2012 #1 17 ANDRÉ CAUDRON DAMIEN CUNY Lorsque le Professeur André Caudron prend la parole, il annonce immédiatement à son public que les plantes médicinales sont « [son] problème depuis 70 ans » et qu’elles ont un rôle à jouer dans la thérapeutique moderne. Elles susciteraient aujourd’hui un intérêt de plus en plus vif, puisqu’elles seraient, selon lui, mieux tolérées par l’être humain et ne présenteraient pas ou peu d’effets secondaires, contrairement aux médicaments de synthèse. Une fois les interventions de Christophe Aubel et André Caudron terminées, c’est à Damien Cuny, Vice-président de l’APPA Nord – Pas de Calais, de s’exprimer. Celui-ci propose à son public d’aborder la thématique donnée à travers la question de la pollution atmosphérique, son domaine de recherches depuis de nombreuses années. C’est via un PowerPoint illustré qu’il montre à son auditorat que les grandes causes anthropiques de l’appauvrissement de la biodiversité appartiennent à plusieurs catégories bien identifiées, dont le changement climatique et la pollution atmosphérique. Cette dernière, qu’il qualifie de « phénomène complexe » qui agit à différentes échelles, n’est pas à prendre à la légère : si déséquilibre il y a dans l’environnement, c’est la biodiversité qui sera altérée en premier. Et celle-ci concerne tout le monde, tous les jours, à toute échelle. Mais si les plantes médicinales peuvent jouer un rôle important sur la santé humaine, elles sont à utiliser avec minutie, puisque la chimie des plantes est une science précise et complexe. Afin d’illustrer ses propos, le Professeur prend l’exemple du fenouil, une plante aux effets multiples : les racines seraient diurétiques, les feuilles décongestionnantes, tandis que les graines lutteraient contre les colites et autres ballonnements intestinaux. Les différentes parties d’une même plante ont donc des rôles différents et il faut les utiliser à bon escient pour bénéficier de leurs vertus. Il faut également veiller à utiliser la plante quand celle-ci peut apporter des vertus thérapeutiques. En effet, si certaines d’entre elles perdent leurs propriétés thérapeutiques en séchant, d’autres au contraire les acquièrent à ce moment là. Le Professeur André Caudron clôt son discours en réaffirmant la légitimité des plantes dans le monde médical et en valorisant le rôle précieux qu’elles ont, si utilisées à bon escient. Car le véritable problème de la pollution atmosphérique réside dans le fait qu’un polluant se déplace et se transforme : si son chemin commence dans les airs, il finira dans les sols, puis dans les nappes phréatiques. Inévitablement, ce polluant aura un impact sur la biodiversité et bouleversera toute la chaîne alimentaire. Si une grenouille boit cette eau polluée, elle sera malade, consommera différemment et tout l’écosystème se comportera autrement. La pollution atmosphérique est donc ce facteur extérieur qui modifie les espèces, leur répartition dans l’espace et qui agit directement sur la santé de l’Homme, qui développe de nouvelles maladies : accidents cardiovasculaires, modification des agents pathogènes, etc. On comprend dès lors que tout est lié et qu’il existe encore un trop grand manque de connaissances car la question de la biodiversité n’est pas toujours encouragée dans les programmes de recherche, augmentant au fur et à mesure le déficit à rattraper. 18 Edition d’octobre 2012 #1 COMPTE-RENDU DE COLLOQUES SECONDES ASSISES NATIONALES DE LA BIODIVERSITÉ ET SI ON PARLAIT BIODIVERSITÉ ? BRIGITTE DEROO Brigitte Deroo, la Directrice du Centre de Santé de Grande-Synthe, est la quatrième et dernière intervenante à prendre la parole. Le public comprend très vite comment celle-ci va orienter son discours puisqu’elle aborde immédiatement la question des politiques publiques en matière de santé et de nutrition. Selon elle, notre alimentation a été et reste orientée par les lobbies agro-alimentaires, dont les publicités et slogans recommandent d’adopter un type d’alimentation bien précis et « formaté ». Si le concept de la promotion d’une alimentation équilibrée n’est pas mauvais en soi, évidemment, Brigitte Deroo rappelle qu’il devrait toutefois ne pas être le seul critère à prendre en compte. En effet, il faudrait veiller à replacer la nutrition dans sa régionalité afin de favoriser l’accessibilité aux « bons produits », mais aussi l’associer à la question du goût, de la durabilité et de l’agriculture. Une solution envisageable serait de ne consommer que les produits locaux, puisqu’ils conserveraient davantage leurs saveurs, nécessiteraient peu de transports et seraient moins polluants. La limite de cette idée réside bien évidemment dans le fait qu’une région ne peut pas produire à elle seule le nécessaire pour avoir une alimentation équilibrée et variée. Il existe donc des solutions, mais des solutions à étudier et à développer. En attendant des impacts à long terme, il faudrait avant tout promouvoir l’équilibre alimentaire auprès des enfants et les sensibiliser sur la relation qui lie l’alimentation au développement durable. On comprend dès lors que la question de la biodiversité au service de la santé publique est un sujet vaste qui peut être appréhendé de différentes façons : si M. Aubel a opté pour un constat général de la situation actuelle, M. Caudron l’a abordée via les plantes médicinales, tandis que M. Cuny et Mme Deroo ont respectivement choisi de lier cette thématique à la pollution atmosphérique et à l’alimentation. Cela prouve une nouvelle fois que la biodiversité régit notre quotidien et que toute perturbation entraîne indubitablement des conséquences pour l’Homme, à court ou à long terme. Elle mérite donc toute notre attention et tout notre soin.