94 | Bulletin de l’OMM 60 (2) - 2011
de jeunes gens brillants tels que Kiku
Miyakoda, Suki Manabe et Michio Yanai.
Toutefois, la plupart d’entre eux ont été
amenés à quitter le Japon pour les États-
Unis d’Amérique tant les conditions de
recherche étaient difficiles dans les
années 60. Les postes étaient rares à
l’université, les salaires et les subven-
tions de recherche étaient maigres, et les
jeunes chercheurs n’avaient pas d’ordi-
nateur à leur disposition. Aux États-Unis,
ils ont fini par devenir des chercheurs de
premier plan. Je crois que leur motiva-
tion première avait été la vulnérabilité de
notre pays aux catastrophes naturelles.
De nos jours, le Japon est infiniment
mieux préparé, et nous avons beau-
coup moins de dommages à déplorer.
Actuellement, certaines personnes dans
les pays tropicaux pourraient éprouver
ce même type de motivation et choisir
de devenir chercheurs. Je les encou-
rage dans cette voie.
Q. Quels sont les plus grands défis à
relever en matière de prévision et de
recherche?
R. La prévision numérique du temps
(PNT) dans les régions tropicales
constitue le plus grand défi actuel.
La PNT dans les régions situées aux
latitudes moyennes et élevées a fait
de grands progrès et a gagné en
précision. M. Adrian Simmons a fait
état des progrès remarquables de cette
discipline dans son intervention lors
du Congrès météorologique mondial.
Beaucoup reste encore à faire au niveau
des régions tropicales. Lors du Congrès
météorologique mondial, de nombreux
délégués du Sud ont fait observer que
la prévision numérique du temps devait
encore être améliorée.
Nous avons besoin d’ordinateurs puis-
sants pour les tropiques, car de très hautes
résolutions ou des mailles n’excédant pas
cinq kilomètres ou moins sont néces-
saires pour pouvoir traiter les nuages de
convection. L’organisation dans laquelle
je travaille étudie actuellement cette ques-
tion, et il serait fantastique que nous
puissions disposer de modèles à haute
résolution en conditions d’exploitation.
Q. Le Secrétaire général de l’OMM a
déclaré que vos travaux revêtaient
une importance cruciale dans la mise
en œuvre du Cadre mondial pour les
services climatologiques. Est-ce en
raison de l’attention que vous portez
au Sud?
R. Oui, je pense que ce facteur a joué.
Il convient d’accorder une plus grande
attention à la recherche sur le climat et
à ses applications pratiques dans les
pays du Sud. La PNT dans les pays situés
aux latitudes moyennes et élevées est
maintenant bien maîtrisée. Comme je
l’ai souligné dans ma présentation, la
modélisation numérique de l’atmosphère
dans le cadre de la PNT ou des études de
la circulation générale vise pour l’heure à
reproduire les systèmes météorologiques
et de circulation aux latitudes moyennes
et élevées, pour lesquelles on dispose
d’un grand nombre d’observations et
d’une base théorique solidement établie,
ce qui est encore plus important.
En revanche, en ce qui concerne l’at-
mosphère tropicale, la description et
la classification, même systématiques,
des systèmes météorologiques et de
circulation demeurent incomplètes,
bien que ces derniers soient relative-
ment différents de ceux observés aux
latitudes moyennes et élevées. D’un
point de vue théorique, la différence
entre les deux est claire et bien connue.
Aux latitudes moyennes et élevées, les
changements de temps liés aux cyclones
extratropicaux, aux anticyclones et aux
fronts sont connus sous le nom de modèle
du “cyclone norvégien”. Charney et Eady
ont démontré les mécanismes en jeu à la
fin des années 40 et défini la théorie de
l’instabilité barocline. Selon cette théo-
rie, ces phénomènes sont dus au gradient
thermique entre les régions polaires et
tropicales et au transfert de chaleur des
latitudes basses vers les latitudes élevées.
Dans les régions tropicales, la tempéra-
ture est relativement uniforme sur une
très vaste zone, environ la moitié de la
surface de la Terre. En conséquence, il
n’existe pas de gradient de température
lié à la latitude, lequel constitue la force
motrice des systèmes météorologiques
baroclines aux latitudes moyennes. En
revanche, dans le sens vertical, l’atmos-
phère est instable dans la mesure où
elle est chauffée à sa base et refroidie
par rayonnement thermique dans ses
couches supérieures. Ainsi, des nuages
de convection tels que les cumulonim-
bus se développent dans la majeure
partie des régions tropicales. En outre,
cette convection verticale ne se présente
pas sous la forme de cumulonimbus
isolés, mais plutôt d’amas de nuages
de plusieurs centaines de kilomètres,
comme le montrent les images satel-
lite. Malgré cette différence essentielle
entre les régions des latitudes moyennes
et élevées et les régions tropicales, rien
n’a été fait jusqu’à présent pour vérita-
blement traiter la convection verticale
©JMA
Dans les régions tropicales, l’énergie dégagée par
un grand nombre de systèmes convectifs de méso-
échelle provoque toute une série de phénomènes
météorologiques. L’analyse mathématique ne s’avérant
pas assez puissante pour élucider leur mécanisme aussi
bien que dans le cas des phénomènes des latitudes
moyennes et élevées, nous devons donc recourir aux
modèles de résolution des systèmes convectifs de
méso-échelle pour comprendre les mécanismes en
jeu et prévoir le temps et le climat sous les tropiques.
Des personnes brillantes et talentueuses peuvent
émerger partout dans le monde.