LES PARALYSIES OCULOMOTRICES
DOSSIER
114Pratiques en Ophtalmologie • Mai 2011 • vol. 5 • numéro 44
L’EXAMEN CLINIQUE
La diplopie représente le symp-
tôme principal d’une POM ac-
quise. Extrêmement invalidante,
elle s’accompagne parfois d’un
torticolis compensateur, sou-
vent, les patients arrivent avec
un œil caché
(Fig. 1)
.
Linterrogatoire pcise l’âge du
patient, les circonstances de
survenue, le type de la diplopie,
déventuelles douleurs associées,
les ancédents.
L’inspection note l’attitude de la
tête, la déviation oculaire, la pré-
sence de signes locaux (inflam-
matoires, traumatiques…), l’as-
pect des paupières, l’existence
d’une asymétrie faciale.
La palpation apprécie l’inté-
grité ou non du cadre orbitaire,
la sensibilité sous orbitaire, re-
cherche des adénopathies sa-
1 Service d’ophtalmologie Dr. Galatoire
Fondation oph A de Rothschild Paris
tellites. L’auscultation orbitaire
recherche un souffle.
L’examen ophtalmologique doit
être complet : AV, LAF, TO, FO,
sans oublier l’examen des pu-
pilles, l’examen des paupières,
statique et dynamique, l’étude
de la sensibilité cornéenne.
L’examen oculomoteur étudie
les ductions, les versions, on réa-
lise la manœuvre de Bielschows-
ky, la manœuvre des "yeux de
poupée" (réflexes oculocépha-
liques).
On évalue le contexte général :
èvre, état général, traumatismes,
associations pathologiques.
L’examen orthoptique permet
de compléter l’étude de la di-
plopie, de réaliser des examens
coordimétriques (si le patient est
en CRN, condition sine qua non
à la réalisation de ces examens),
un bilan sensoriel.
Lexamen électro-oculographique
(EOG) est rarement demandé. Au
terme de cet examen, le diagnos-
tic de POM et de son territoire
(nerfs III, IV, VI…) est posé, uni ou
bilatéral, avec ou non des asso-
ciations. Si le diagnostic n’est pas
évident, notamment dans des
paralysies anciennes, on pourra
saider d’un EOG. Lorientation
étiologique va guider les exa-
mens complémentaires domis
par l’imagerie.
L’ÉPIDÉMIOLOGIE
L’ÉPIDÉMIOLOGIE CHEZ L’ADULTE
L’atteinte du VI nerf est la plus fré-
quente, suivie de celle du IV, puis
du III, puis des atteintes mul-
tiples. Les atteintes bilatérales
surviennent surtout sur le VI.
L’âge moyen de présentation est
60 ans, sans distinction de sexe.
Les étiologies sont par ordre de
fréquence décroissant : vascu-
laires, indéterminées, néopla-
siques, anévrismales, trauma-
tiques, autres.
Les statistiques diffèrent selon
un recrutement neurologique
ou ophtalmologique.
L’ÉPIDÉMIOLOGIE CHEZ L’ENFANT
L’atteinte du VI est aussi la
plus fréquente (55 %), suivie du
III (12 %) et du IV (12 %), puis
des atteintes multiples (11 %).
Les formes bilatérales sont le fait
du VI (19 %) puis du IV (15 %)
puis du III (8 %).
Les principales étiologies sont
congénitales (30-40 %), trauma-
tiques (20-40 %), néoplasiques
(10-20 %), indéterminées (15 %),
infectieuses, inflammatoires, mi-
graineuses, vasculaires (anévrys-
males ou malformatives) (3 %).
xxxxx
xxxxx
xxxxxx
xxxxx
La fréquence des
différentes étiologies
varie selon l’âge, avec
une majorité de :
- formes congénitales : à 4 mois
- formes infectieuses : à 18 mois
- formes traumatiques : à 8,5 ans
- formes néoplasiques : à 9
(± 5) ans
Pathologie de l’enfant ou de l’adulte,
congénitale ou acquise, le diagnostic
d’une paralysie oculomotrice (POM)
impose sa prise en charge rapide.
Il faut souligner l’importance de l’exa-
men clinique soigneux, qui permet de
faire le diagnostic positif, d’apprécier
son importance, son retentissement,
son étiologie et donc d’orienter la
stratégie des examens complémen-
taires. L’examen orthoptique en est le
complément indispensable.
Introduction
1 Les paralysies oculomotrices
Le diagnostic clinique, étiologique et épidémiologie
Dr Corinne Bok-Beaube1
LES PARALYSIES OCULOMOTRICES
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Pratiques en Ophtalmologie • Mai 2011 • vol. 5 • numéro 44 115
Figure 1 - La diplopie est supprimée. Photo du haut : par un
torticolis (paralysie du VI gauche). Photo du bas : par un cache.
Figure 2 - Paralysie congénitale bilatérale des III.
Figure 3 - Paralysie acquise du III gauche avec atteinte pupillaire.
Figure 4 - Paralysie acquise du III gauche avec épargne pupillaire.
CONDUITE À TENIR (CAT)
CONDUITE À TENIR DEVANT
UNE PARALYSIE DU IIIe
1. La forme congénitale
Elle est liée le plus souvent à un
traumatisme obstétrical ou à
une hypoxie néonatale. La pa-
ralysie est souvent totale. Le dia-
gnostic est immédiat
(Fig. 2)
.
Une IRM avec bilan neurolo-
gique s’impose.
2. La forme acquise
L’attitude est guidée par l’exis-
tence d’une atteinte ou épargne
pupillaire
(Fig. 3 et 4)
. Les fibres
pupilloconstrictives circulent
en superficie du nerf III. Leur
atteinte est due dans 95 % des
cas à des causes compressives
(traumatisme, tumeur, ané-
vrisme), lorsqu’elles sont épar-
gnées il s’agit dans 80 % des cas
de causes ischémiques.
L’existence d’un anévrisme céré-
bral engage le pronostic vital.
La CAT est résumée dans les
ta-
bleaux 1A et 1B
.
CONDUITE À TENIR DEVANT
UNE PARALYSIE DU IVe
3. La forme congénitale
L’origine congénitale est sus-
pectée devant l’existence d’une
asymétrie faciale, avec souvent
problèmes d’articulé dentaire,
chez l’enfant : chez l’adulte :
Les plus congénitale, vasculaire
fréquentes traumatique
Les plus néoplasies,
inquiétantes anévrismes
Quelles étiologies ?
Enfant < 10 ans
IRM
Ano neuro
Normal
Prise en charge
Arrêt, surveillance
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
Enfant > 10 ans
Épargne p.
IRM
Normale
Bilan médical
régulier
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan régulier
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
< 40 ans
Signes cliniques
Symptomatologie non
classique, fatigabilité,
signes associées
Bilan myasthénie
Bilan infectieux, viral
> 40 ans : HTA, DB
Bilan médical
Progression paralysie
IRM
Unilatérale
Étiologie bénigne
Abstention surveillance fréquente
(IRM en fonction des parents)
Signes additionnels ou
aggravation ou pas guérison
IRM
Bilatéral
IRM
Normale
PL
Penser aux enfants battus
Épargne pupillaire
> 40 ans
Bilan médical TA,
DB, VS BAT
après 55 ans
Bilan médical
régulier
< 55 ans
Bilan médical
Contôle médical
Pas d’amélioration :
bilan médical + IRM
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan médical, PL
> 55 ans
VS BAT
Tableau 1A - Arbre décisionnel : III isolé non traumatique, enfant (tous les tableaux sont
tirés de « Cahiers de sensorio-motricité » FNRO, XXVIe colloque de Nantes, 1999 : « les
paralysies oculomotrices »).
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116Pratiques en Ophtalmologie • Mai 2011 • vol. 5 • numéro 44
la présence d’un torticolis « de-
puis toujours » (importance de
voir les photos antérieures)
(Fig 5)
.
L’amplitude de fusion verticale
est augmentée 6 dp.
Le diagnostic en général ne
pose pas de problème et il n’est
pas nécessaire de faire des in-
vestigations complémentaires.
Cependant dans certains cas,
une IRM peut être demandée,
elle montre alors l’atrophie du
muscle oblique supérieur
(Fig. 6)
.
4. La forme acquise
Les étiologies sont diverses, les
photos antérieures montrent
l’absence de torticolis ancien.
Il peut s’agir de formes transi-
toires notamment dans les cas
infectieux. Se méfier des formes
congénitales à révélation tar-
dive, à l’occasion d’un trauma-
tisme ou d’une association pa-
thologique.
La CAT est résumée dans le
ta-
bleau 2
.
CONDUITE À TENIR
DEVANT UNE PARALYSIE DU VI
1. La forme congénitale
Une particularité chez l’enfant
est l’absence fréquente de signe
fonctionnel, on note parfois un
torticolis. La déviation en posi-
tion primaire et/ou l’atteinte de
l’abduction est le principal mo-
tif de consultation.
L’état sensoriel est variable,
fonction de la précocité de l’at-
teinte (torticolis compensateur).
La paralysie du VI isolée congé-
nitale est rare, dans ce cas, il
existe le plus souvent une amé-
lioration spontanée rapide, dans
les six premiers mois de vie.
On recherchera un contexte neu-
rologique (IMC) ou systémique.
(La CAT est résumée dans le
ta-
bleau 3A
).
Enfant < 10 ans
IRM
Ano neuro
Normal
Prise en charge
Arrêt, surveillance
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
Enfant > 10 ans
Épargne p.
IRM
Normale
Bilan médical
régulier
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan régulier
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
< 40 ans
Signes cliniques
Symptomatologie non
classique, fatigabilité,
signes associées
Bilan myasthénie
Bilan infectieux, viral
> 40 ans : HTA, DB
Bilan médical
Progression paralysie
IRM
Unilatérale
Étiologie bénigne
Abstention surveillance fréquente
(IRM en fonction des parents)
Signes additionnels ou
aggravation ou pas guérison
IRM
Bilatéral
IRM
Normale
PL
Penser aux enfants battus
Épargne pupillaire
> 40 ans
Bilan médical TA,
DB, VS BAT
après 55 ans
Bilan médical
régulier
< 55 ans
Bilan médical
Contôle médical
Pas d’amélioration :
bilan médical + IRM
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan médical, PL
> 55 ans
VS BAT
Enfant < 10 ans
IRM
Ano neuro
Normal
Prise en charge
Arrêt, surveillance
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
Enfant > 10 ans
Épargne p.
IRM
Normale
Bilan médical
régulier
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan régulier
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
< 40 ans
Signes cliniques
Symptomatologie non
classique, fatigabilité,
signes associées
Bilan myasthénie
Bilan infectieux, viral
> 40 ans : HTA, DB
Bilan médical
Progression paralysie
IRM
Unilatérale
Étiologie bénigne
Abstention surveillance fréquente
(IRM en fonction des parents)
Signes additionnels ou
aggravation ou pas guérison
IRM
Bilatéral
IRM
Normale
PL
Penser aux enfants battus
Épargne pupillaire
> 40 ans
Bilan médical TA,
DB, VS BAT
après 55 ans
Bilan médical
régulier
< 55 ans
Bilan médical
Contôle médical
Pas d’amélioration :
bilan médical + IRM
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan médical, PL
> 55 ans
VS BAT
Tableau 1B - Arbre décisionnel : III isolé non traumatique, adulte.
Tableau 2 - Arbre décisionnel : IV non traumatique acquise.
Figure 5 - Paralysie du IV gauche, en faveur de l’origine congénitale, on retient. Photo
de gauche : l’asymétrie faciale (atrophie de l’hémiface droite). Photo de droite: le torti-
colis retrouvé sur les photos anciennes.
Figure 6 - L’IRM trouve une atrophie de l’oblique supérieur gauche.
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Enfant < 10 ans
IRM
Ano neuro
Normal
Prise en charge
Arrêt, surveillance
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
Enfant > 10 ans
Épargne p.
IRM
Normale
Bilan médical
régulier
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan régulier
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
< 40 ans
Signes cliniques
Symptomatologie non
classique, fatigabilité,
signes associées
Bilan myasthénie
Bilan infectieux, viral
> 40 ans : HTA, DB
Bilan médical
Progression paralysie
IRM
Unilatérale
Étiologie bénigne
Abstention surveillance fréquente
(IRM en fonction des parents)
Signes additionnels ou
aggravation ou pas guérison
IRM
Bilatéral
IRM
Normale
PL
Penser aux enfants battus
Épargne pupillaire
> 40 ans
Bilan médical TA,
DB, VS BAT
après 55 ans
Bilan médical
régulier
< 55 ans
Bilan médical
Contôle médical
Pas d’amélioration :
bilan médical + IRM
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan médical, PL
> 55 ans
VS BAT
Enfant < 10 ans
IRM
Ano neuro
Normal
Prise en charge
Arrêt, surveillance
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
Enfant > 10 ans
Épargne p.
IRM
Normale
Bilan médical
régulier
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan régulier
Atteinte pupillaire
(anévrysme ++)
AngioIRM
Normale
Artériographie
< 40 ans
Signes cliniques
Symptomatologie non
classique, fatigabilité,
signes associées
Bilan myasthénie
Bilan infectieux, viral
> 40 ans : HTA, DB
Bilan médical
Progression paralysie
IRM
Unilatérale
Étiologie bénigne
Abstention surveillance fréquente
(IRM en fonction des parents)
Signes additionnels ou
aggravation ou pas guérison
IRM
Bilatéral
IRM
Normale
PL
Penser aux enfants battus
Épargne pupillaire
> 40 ans
Bilan médical TA,
DB, VS BAT
après 55 ans
Bilan médical
régulier
< 55 ans
Bilan médical
Contôle médical
Pas d’amélioration :
bilan médical + IRM
< 40 ans
IRM
Normale
Bilan médical, PL
> 55 ans
VS BAT
Tableau 3A - Conduite à tenir devant P VI chez l’enfant de moins de 15 ans.
Tableau 3B - Conduite à tenir devant P VI, chez l’enfant de plus de 15 ans.
Mots-clés : Diplopie,
Paralysies oculomotrices
2. La forme acquise
Les étiologies sont diverses (la
CAT est résumée dans le
tableau
3B
).
QUEL BILAN ?
Il est d’abord clinique : ophtal-
mologique et orthoptique, les
examens complémentaires sont
dominés par la neuroradiologie :
IRM, angio-IRM.
Le problème se pose devant une
IRM normale : il ne faut pas si-
ter à faire relire les images, voire
à refaire l’examen. S’il y a un
doute sur un anévrysme, il faut
demander une angiographie de-
vant une angio-IRM normale.
CONCLUSION
On retiendra l’importance d’une
bonne coopération multidisci-
plinaire, entre ophtalmologistes,
orthoptistes, neurologues, ra-
diologues et l’importance d’un
diagnostic rapide car le pronos-
tic vital est parfois en jeu. n
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