euseius gallicus en premiere ligne de defense

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AFPP – DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE
MONTPELLIER – 22 ET 23 OCTOBRE 2014
EUSEIUS GALLICUS EN PREMIERE LIGNE DE DEFENSE CONTRE LES THRIPS EN CULTURE DE ROSES
J. PIJNAKKER(1), A. DE SOUZA(2) et F. WACKERS(1)
(1)
(2)
Biobest Belgique. Ilse Velden 18 2260 Westerlo. Belgique
Biobest France. 294 rue Roussanne 84100 Orange. France
RÉSUMÉ
En roses, le succès de la protection intégrée est principalement dû à l’utilisation de Phytoseiulus
persimilis contre les acariens tétranyques. Mais les thrips engendrent toujours des dégâts en période
estivale. En raison du faible nombre de proies en début d’année, les prédateurs ne parviennent pas
à s’installer sur la culture et donc à assurer un contrôle efficace de prévention. Les introductions
d’auxiliaires contre les thrips doivent être régulièrement répétées. Plusieurs expérimentations ont
montré que l’acarien prédateur Euseius gallicus introduit avec du pollen s’installait mieux en culture
de roses en l'absence de proie que les auxiliaires couramment utilisés. De fortes densités
d’ E. gallicus ont été ainsi obtenues dans les six semaines suivant son lâcher et les populations se
sont maintenues aussi longtemps que le pollen a été appliqué. L'utilisation d’E. gallicus avec le pollen
est la première stratégie commerciale offrant toute l'année une protection contre les ravageurs.
Mots-clés : acarien prédateur, Euseius, thrips, rose, serre.
ABSTRACT
EUSEIUS GALLICUS A FIRST LINE OF DEFENSE AGAINST PESTS IN GREENHOUSE CUT ROSES
In roses, the successes obtained with Phytoseiulus persimilis against spider mites have greatly
contributed to the development of Integrated Pest Management. However, the presence of thrips
remains a bottleneck in the summer. Due to the low pest density in roses, the inundative releases of
predatory mites don’t result in good colonization and thus fail to provide effective preventative
control. A series of trials in greenhouse grown roses demonstrated that the predatory mite Euseius
gallicus in combination with pollen establishes better under field conditions in absence of prey than
the commonly used predator Amblyseius swirskii. High densities of Euseius gallicus were obtained
within six weeks and populations persisted as long as pollen was applied. Repeated inundative
introductions of predators were no longer required. The use of E. gallicus with pollen is the first
commercial strategy in ornamentals offering year-round protection against pests.
Keywords: predatory mites, Euseius, thrips, roses, greenhouse.
INTRODUCTION
Depuis les années 2000, la protection intégrée est devenue pratique courante pour les producteurs
de roses aux Pays-Bas. Les acariens prédateurs Phytoseiulus persimilis Athias-Henriot, Neoseiulus
cucumeris (Oudemans) et Amblyseius swirskii (Athias-Henriot) ont joué un rôle important dans ce
développement. En présence de ravageurs, de nombreuses espèces d’ acariens phytoséiides
peuvent s’installer en culture de roses, comme Euseius ovalis (Evans), Euseius gallicus Kreiter &
Tixier, Amblydromalus limonicus (Garman & McGregor), lphiseius degenerans (Berlese), Amblyseius
andersoni Chant et Neoseiulus alpinus (Schweizer). Certains d'entre eux sont d’importants
prédateurs du thrips californien Frankliniella occidentalis (Pergande) (Thysanoptera: Thripidae) et
d'aleurodes (Hemiptera: Aleyrodidae). Malheureusement, ces prédateurs ne se maintiennent pas sur
le long terme en cultures ornementales parce que les producteurs ne peuvent tolérer aucun
ravageur, donc aucune proie pour les auxiliaires. Les phytoséiides doivent être par conséquent
réintroduits régulièrement. Les producteurs utilisent chaque mois des sachets contenant les acariens
prédateurs, du son et des acariens servant de nourriture aux prédateurs. Certains dispersent leurs
auxiliaires chaque semaine ou toutes les deux semaines en vrac sur leur culture. Malgré cette
stratégie, les thrips continuent d’ occasionner des dégâts, en particulier en été où la pression de
thrips est à son plus haut niveau.
Tous les spécialistes en protection biologique sont d’ avis qu’une méthode doit être mise au point
pour obtenir un nombre élévé d'acariens prédateurs dans la culture avant que le thrips californien
ne se reproduise. L'idée d'élever les acariens prédateurs avec une alimentation artificielle dans les
serres de production n’est pas nouvelle. Les acariens astigmates (proies) utilisés actuellement dans
les sachets sont malheureusement incapables de coloniser la culture de roses et ne sont d’aucune
aide aux prédateurs pour survivre sur les plants. Des essais récents sont en cours pour stimuler les
auxiliaires en leur fournissant de la nourriture dans la litière (Muñoz-Cárdenas, données non publiées
2014). Le pollen a aussi longuement été étudié et est une excellente source de nourriture pour les
acariens prédateurs (van Rijn & Tanigoshi, 1999). Mais aucune stratégie d’apport de pollen sur les
cultures n’était rendue possible pour les producteurs jusqu’à présent. En 2014, cela a changé avec le
lancement de Nutrimite, un complément alimentaire à base de pollen de massette Typha sp. L .
Grâce à cette nourriture alternative, de fortes densités de population de certains phytoséiides
peuvent être obtenues dans les cultures et servir de protection préventive, une première ligne de
défense contre les thrips. Le pollen est appliqué toutes les deux semaines à une dose de 500 g/ha.
Parmi les espèces d’acariens prédateurs commercialisées, seules quelques unes réagissent au pollen
dans les serres. Deux espèces d’Euseius semblent particulièrement intéressantes pour la culture de
roses : Euseius ovalis testée depuis 2003 aux Pays-Bas (Pijnakker, 2005) et E. gallicus, espèce
présente naturellement sur Rosacées aux Pays-Bas et qui fut trouvée en 2013 dans une serre
commerciale sur Rosa sp. cv. Red Naomi. Le but de notre étude était de comparer le potentiel de
l'acarien prédateur Euseius gallicus avec celui d’ Euseius ovalis et Amblyseius swirskii. Ces trois
espèces sont connues pour être de bons prédateurs de thrips et d’aleurodes, présenter une certaine
affinité pour la culture de roses et réagir au pollen.
MATERIEL ET MÉTHODE
Expérimentation en cages - Évaluation de deux acariens prédateurs sur jeunes plants (ca. 2 mois)
L’essai a été mené de mars à juin 2013 (semaine 13 – 24) dans les serres expérimentales du
Greenlab de Biobest à Westerlo (Belgique). Soixante jeunes rosiers cv. Red Naomi cultivés sur des
pains de laine de roche ont été répartis dans douze cages de 3,75 m2 faites de filet insect-proof. La
serre était équipée de systèmes de climatisation pour réguler la température et l'hygrométrie. La
température était de 20 ± 3°C et l’humidité relative de 70 ± 20%. L'essai a été réalisé avec quatre
modalités en trois répétitions avec des acariens prédateurs qui provenaient d’élevages de Biobest.
Les traitements consistaient en : 1. témoin, 2. un lâcher de 50 Euseius ovalis par cage, 3. trois lâchers
hebdomadaires consécutifs de 50 Euseius ovalis par cage, et, 4. trois lâchers hebdomadaires
consécutifs de 50 Euseius gallicus par cage. Les introductions ont été réalisées en l'absence de proie.
En semaine 13, les acariens prédateurs ont été transférés sur des disques de feuilles de poivron et
introduits dans chaque cage à raison de 50 femelles d'une espèce d'acariens prédateurs (10 acariens
prédateurs par plante). Dans les modalités 3. et 4., les introductions furent répétées en semaine 14
et 15. Cinq semaines après la première introduction de prédateurs (semaine 17), dix adultes et cinq
larves de Frankliniella occidentalis ont été lâchés par cage dans toutes les modalités. Les infestations
ont été répétées deux fois (semaines 18 et 19). Chaque semaine, un piège attractif collant bleu fut
accroché au-dessus des plantes de la semaine 21 à la semaine 26 et le nombre de thrips fut noté. Les
stades mobiles des phytoséiides ont été comptés chaque semaine sur toutes les plantes à l’aide
d’une loupe. Les tiges présentant des piqûres de thrips ont été dénombrées de la semaine 20 à la
semaine 23.
Expérimentation en serre de production - Colonisation d'une culture de roses commerciale par trois
acariens prédateurs
Une serre de production de roses cv. Red Naomi de 60 400 m² équipée de lumière artificielle de
7h00 à 23h00 (18 000 lux ou 240 mmoles) fut choisie pour tester l'effet du Nutrimite sur les acariens
prédateurs Amblyseius swirskii, Euseius gallicus et Euseius ovalis. L’essai a commencé en Juin 2013
dans une culture dense (8 plantes/m2) où seuls quelques acariens tétranyques et quelques acariens
rouges des pomacées étaient présents avec leur ennemi naturel Phytoseiulus persimilis. La serre
était pourvue d'un système de climatisation et d’air conditionné permettant une température
moyenne de 19°C (15°C la nuit et de 21 à 24°C le jour) et une humidité relative de 80%. Les lampes à
soufre étaient éteintes. L’essai comportait trois modalités en quatre répétitions. Douze parcelles de
24 m2 ont été créées sur quatre rangées séparées d’un mètre. Aucune parcelle tampon n’ a été mise
en place entre les parcelles élémentaires afin d’éviter les risques de dégâts de thrips pour le
producteur. Les trois espèces d'acariens prédateurs ont été deux fois introduites en semaine 23 et
25 à une dose de 100 individus par m² par introduction. Tous les prédateurs ont été livrés par
Biobest Belgium NV. Amblyseius swirskii a été introduit dans du son ; E. gallicus et E. ovalis dans de
la vermiculite. Le pollen (Nutrimite) a été apporté toutes les deux semaines dans chaque rang avec
un applicateur de pollen à une dose de 500 g/ha.
Une plaquette engluée bleue fut accrochée par parcelle juste au-dessus de la culture et fut
remplacée toutes les deux semaines. Au cours des semaines 27, 29, 33 et 36, trente feuilles ont été
prélevées au hasard dans chaque parcelle. Les prédateurs ont été dénombrés à l’aide d'une loupe
binoculaire. En semaine 29, 33 et 36, tous les acariens ont été montés entre lame et lamelle dans
une solution de Marc André. Les lames ont été chauffées pendant quelques jours afin d’éclaircir les
échantillons et les identifier.
Les résultats ont été analysés à l'aide d’une analyse de régression, en utilisant un modèle linéaire
généralisé (GLM) qui présente une distribution de Poisson des données.
RESULTATS ET DISCUSSION
Expérimentation en cage
Euseius gallicus a montré un taux d’ accroissement de population plus élevé et a atteint un niveau de
population supérieur à celui d’Euseius ovalis. En semaine 19, E. gallicus atteint des densités de 22,3
acariens par plant (env. 10 feuilles par plante) contre 6,6 (3 introductions) et 1,9 (1 introduction)
individus par plante pour Euseius ovalis. En semaine 21, nous avons compté 13 E. gallicus par plante
contre 12,6 (3 introductions) et 5,9 (1 introduction) E. ovalis et en semaine 23, leur nombre était de
18,7 par plante (environ 30 feuilles par plante) contre 7,1 et 7,4 respectivement. Le témoin ne
comportait aucun acarien prédateur pendant toute l'expérience.
E. gallicus a été aussi efficace qu’E. ovalis contre les thrips : il a été observé une moyenne de 3,8
thrips par piège pour E. gallicus, 4,1 (3 introductions) et 4,6 (1 introduction) pour E. ovalis et 7,4 pour
le témoin sur une période de cinq semaines. Cependant, les plantes ont été moins endommagées
dans les cages comportant E. gallicus. En effet, 29,9% des feuilles présentaient des piqûres de thrips
sur une période de cinq semaines, alors que 36,4% (3 introductions) et 48,2% (1 introduction) des
feuilles ont été endommagées sur les plants colonisés par E. ovalis et 59,6% dans le témoin.
Expérimentation en serre de production
Euseius gallicus et Euseius ovalis étaient nettement les plus performants sur roses dans cet essai de
terrain. E. gallicus s’est installé encore une fois le plus rapidement. La figure 1 montre le
développement des acariens prédateurs dans la culture. Les deux espèces d’Euseius ont atteint des
niveaux de population nettement plus élevés qu’Amblyseius swirskii. Euseius gallicus et E. ovalis
prédominaient sur A. swirskii, mais les trois espèces ont persisté jusqu'à la fin de l'expérience. Des
Euseius spp. ont été identifiés dans les parcelles d’A. swirskii dès la semaine 29. Il n'y avait pas de
feuilles ou de fleurs endommagées par les thrips. Le nombre de thrips sur les plaquettes engluées
n’a pas dépassé 3 thrips par semaine.
Figure 1 :
Evolution des populations d’acariens prédateurs dans une culture de roses où le pollen est
appliqué toutes les deux semaines
Development of predatory mites in a rose crop where pollen is blown every two weeks
Les facteurs suivants peuvent avoir contribué à la performance des Euseius spp. : (1) le fait que ces
espèces sont des acariens prédateurs généralistes de Type IV, réagissant très bien au pollen (2) la
capacité des Euseius spp. à survivre plus longtemps sans nourriture en rose, étant donné que ces
espèces sont en mesure de se nourrir de matériel végétal (3) la mobilité et le comportement de
recherche de ces prédateurs et (4) la capacité d’Euseius gallicus en particulier à se reproduire
rapidement.
Cependant, nous avons compté jusqu'à 1,5 acariens mobiles d’Euseius spp. par feuille contre max.
0,15 A. swirskii par feuille. Ces densités sont très inférieures à celles trouvées en culture de
concombres : 7 à 30 acariens par feuille (Messelink, 2005). En plus de la taille des feuilles de
concombre, la faible pilosité du feuillage des roses peut expliquer le faible nombre de prédateurs,
les phytoséiides utilisant souvent les poils des feuilles comme sites de ponte.
CONCLUSION
L'acarien prédateur Euseius gallicus semble avoir un bon potentiel en protection biologique contre
les thrips en cultures de roses. Cette espèce semble également être plus apte qu’ A. swirskii à tolérer
des températures basses . E. gallicus est maintenant testé dans d'autres cultures comme les fraises
et les poinsettias. A la suite de ces expérimentations, E. gallicus a été commercialisé par Biobest en
janvier 2014 contre les thrips en rose sur certains marchés internationaux.
Euseius gallicus, E. ovalis et A. swirskii sont également des prédateurs efficaces d’œufs et de jeunes
larves d’ aleurodes. Dans les essais effectués sur concombre avec l’acarien prédateur A. swirskii,
l’addition de pollen a favorisé la croissance de population de l’auxiliaire et a abouti à une meilleure
maîtrise des aleurodes (Nomikou, 2003). L’ application de pollen en cultures ornementales pourrait
également augmenter l’efficacité de ces prédateurs contre les aleurodes.
REMERCIEMENTS
Nous remercions Aad van Luijk (Porta Nova) pour avoir mis sa serre à notre disposition et Marion
Cellier (Biobest Belgique) pour son soutien en statistiques.
BIBLIOGRAPHIE
Messelink G.J., Steenpaal S.E.F., Van wensveen W. 2005- Typhlodromips swirskii (Athias-Henriot)
(Acari: Phytoseiidae): a new predator for thrips control in greenhouse cucumber. Integrated
Control in Protected Crops, Temperate Climate IOBC/wprs Bulletin Vol. 28, 1, 183-186.
Muñoz-Cárdenas K., Ersin-Dogan F., Pappas M., Pijnakker J., Leman A., Sabelis, M. W. & Janssen, A.
2014- Evidence of apparent competition between an aboveground-herbivore pest and
belowground litter-inhabiting detritivores on rose plants. In: Abstracts of the XIV International
congress of Acarology.
Nomikou M., 2003. Combating whiteflies: Predatory mites as a novel weapon. Ph.D Thesis,
Section Population Biology, University of Amsterdam, 156 pp.
Pijnakker J., 2005- Biocontrol of the greenhouse whitefly, Trialeurodes vaporariorum with the
predatory mite Euseius ovalis in cut roses. IOBC wprs bulletin, vol. 28, 1, 205-208.
Van Rijn P.C.J., & Tanigoshi L.K., 1999- Pollen as food for the predatory mites Iphiseius degenerans
and Neoseiulus cucumeris (Acari: Phytoseiidae): dietary range and life history. Experimental &
applied acarology 23, 10, 785-802.
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