2 ARRÊT SİNAN IŞIK c. TURQUIE
qu’elle constitue une religion à part, alors que pour les autres, il s’agit de
l’« essence » ou « la forme originelle » de l’islam. Sa pratique religieuse
diffère de celle des écoles sunnites1 de l’islam sur de nombreux points, tels
que la prière, le jeûne ou le pèlerinage (Hasan et Eylem Zengin c. Turquie,
no 1448/04, § 8, 9 octobre 2007).
6. Le requérant affirme que sa carte d’identité, établie par l’officier de
l’état civil, contient une rubrique consacrée à la religion et où figure la
mention « islam », alors qu’il n’adhère pas à cette religion.
7. Le 7 mai 2004, il intenta devant le tribunal de grande instance d’İzmir
une action tendant à l’inscription de la mention « alévi» sur sa carte
d’identité au lieu de la mention « islam ». Les parties pertinentes de son
mémoire introductif d’instance peuvent se traduire comme suit :
« (...) la mention de l’islam sur ma carte d’identité ne reflète pas la réalité. En étant
un citoyen alévi de la République de Turquie, j’ai cru, au regard de mes croyances et
des connaissances acquises, qu’une personne ne pouvait être à la fois « alévie » et
« islam » (sic !). En tant que citoyen de la République laïque de Turquie, qui protège
constitutionnellement la liberté de religion et de conscience, je refuse de porter plus
avant le poids de cette injustice et de cette contradiction fondée sur la volonté de
compenser une peur, qui n’a aucun lien avec la réalité et qui me blesse
profondément. »
8. A la suite de la demande du tribunal, le 9 juillet 2004, le conseiller
juridique de la direction des affaires religieuses déposa son avis sur la
demande du requérant. Il considéra notamment que le fait de mentionner les
interprétations religieuses ou les sous-cultures dans la place consacrée à la
religion sur les cartes d’identité ne pouvait se concilier avec l’unité
nationale, les principes républicains et le principe de laïcité. Pour ce faire, il
soutint notamment que le terme « alévi », qui désigne un sous-groupe au
sein de l’islam, ne pouvait être employé pour qualifier une religion
indépendante ou une branche (mezhep) de l’islam. Il s’agissait d’une
interprétation de l’islam influencée par le soufisme et ayant des
caractéristiques culturelles spécifiques.
9. Le 7 septembre 2004, le tribunal rejeta la demande du requérant. Il
formula notamment les considérations suivantes :
« 1. (...) la place consacrée à la religion sur les cartes d’identité contient une
information générale quant à la religion des citoyens. Il convient donc d’examiner si
Alévilik (confession des alévis) constitue une religion indépendante ou une
interprétation de l’islam. Il ressort de l’avis déposé par la présidence de la direction
des affaires religieuses que la confession des alévis est une interprétation de l’islam
influencée par le soufisme et ayant des caractéristiques culturelles spécifiques (...) Par
conséquent, cette confession constitue une interprétation de l’islam et non une religion
en tant que telle, conformément aux principes généraux dégagés en la matière. Par
ailleurs, seules les religions de manière générale sont mentionnées dans les cartes
d’identité et non une interprétation ou une branche d’une quelconque religion. Il n’y a
1. La majorité de la population de Turquie adhère à l’interprétation modérée de l’islam par
l’école de théologie hanéfite.