Microphysique des nuages

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SCA 3641
MÉTÉOROLOGIE PHYSIQUE
PARTIE 2 : microphysique des nuages
Eva Monteiro, 2007
Microphysique des nuages
Table de matières
1
Formation des nuages ................................................................................................. 4
2
La formation des précipitations .................................................................................. 5
3
Microstructure des nuages et des précipitations ......................................................... 8
4
3.1
Nuages contenant de l'eau liquide....................................................................... 8
3.2
Distribution des gouttelettes de nuage en fonction de leurs dimensions ............ 8
3.3
Brouillards......................................................................................................... 10
3.4
Pluie .................................................................................................................. 10
3.5
Neige ................................................................................................................. 12
3.6
Grêle.................................................................................................................. 12
Formation des gouttelettes de nuage......................................................................... 14
4.1
Tension superficielle......................................................................................... 14
4.2
Nucléation des gouttes de nuage....................................................................... 16
4.3
La nucléation hétérogène .................................................................................. 18
4.3.1
5
6
Formation des cristaux de glace................................................................................ 23
5.1
La nucléation homogène ................................................................................... 23
5.2
Nucléation hétérogène ...................................................................................... 24
5.3
Concentration de particules de glace dans le nuage.......................................... 26
Croissance des gouttelettes dans les nuages chauds ................................................. 27
5.4
Croissance par diffusion ................................................................................... 27
5.5
Croissance d'une population de gouttelettes ..................................................... 30
5.5.1
6
Pression de vapeur des solutions. Loi de Raoult....................................... 18
Profil du rapport de saturation (S) ............................................................ 30
Formation de la précipitation dans les nuages chauds .............................................. 31
6.1
Vitesse de chute des gouttes ............................................................................. 31
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2
Microphysique des nuages
7
8
6.2
Collision............................................................................................................ 34
6.3
Coalescence....................................................................................................... 35
6.4
Croissance par collision continue ..................................................................... 36
6.5
Croissance stochastique .................................................................................... 38
Croissance des particules de glace............................................................................ 39
7.1
Croissance par diffusion ................................................................................... 39
7.2
Croissance par givrage: grêlons ........................................................................ 44
7.3
Croissance par agrégation ................................................................................. 46
7.4
Formation de la précipitation dans les nuages froids........................................ 47
Références................................................................................................................. 48
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3
Microphysique des nuages
Physique des nuages
1 Formation des nuages
La plupart des nuages atmosphériques sont associés à des courants d'air ascendants. On
note trois principaux types de soulèvements:
1. le soulèvement orographique qui est relié à la présence d'un relief, par exemple une
barrière montagneuse,
2. le soulèvement de grande échelle, relié à la convergence horizontale des masses d'air,
comme un centre de basse pression par exemple, et
3. le soulèvement convectif qui est lié à l'instabilité thermique au sein d'une masse d'air.
Par exemple, lors d'un réchauffement des basses couches atmosphériques pendant un
jour ensoleillé, l'air au voisinage du sol peut devenir moins dense que l'air des
couches immédiatement au-dessus.
Une parcelle d'air soulevée dans l'atmosphère voit sa pression diminuer. Elle se détend
alors de façon plus ou moins adiabatique (dans certains cas le diabatisme est
particulièrement important, notamment dans les cumulus d'alizés), sa température
diminue et son humidité relative augmente. Si le refroidissement est suffisant, l'humidité
relative dépasse les 100 %; une partie de la vapeur d'eau qui est contenue dans la
particule d'air se dépose alors sur des aérosols et forme de minuscules gouttes d'eau qui
constituent le nuage. Une importante libération d'énergie accompagne ce phénomène
(chaleur latente de condensation) et donne une poussée supplémentaire au nuage
(augmentation de la poussée d'Archimède). Dans l'atmosphère, de nombreux aérosols
peuvent jouer le rôle de noyaux de condensation. La condensation y est donc assez
efficace et l'humidité relative dépasse rarement 101%.
Si l'altitude atteinte est suffisante, la température de la parcelle d'air devient négative. Les
gouttes d'eau peuvent alors se congeler et des cristaux de glace peuvent se former
directement par déposition sur des noyaux glaçogènes. La congélation des gouttelettes et
la condensation solide de la vapeur d'eau s'accompagnent du dégagement de chaleur
latente qui augmente encore la poussée d'Archimède et permet alors un développement
plus important du nuage. Mais l'atmosphère est souvent pauvre en aérosols glaçogènes.
Dans les nuages convectifs en particulier, avec des courants ascendants rapides, on trouve
de fortes sursaturations par rapport à la glace et des gouttelettes d'eau surfondues à des
niveaux où la température est inférieure à -20 °C. Pour les gouttelettes d'eau pure, la
congélation n'est atteinte qu'à une température de -40 °C (congélation homogène).
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Figure 1.1: Changements de phase
Les caractéristiques du nuage dépendent essentiellement de la stabilité thermique de l'air,
de la température de son sommet et du contenu en aérosols de l'air nuageux.
Dans une atmosphère relativement stable, les nuages sont peu développés et ont tendance
à s'étaler sous forme de voiles (stratus, altostratus, cirrostratus, …). La vitesse ascendante
de l'air nuageux est alors assez faible (quelques cm/s). Dans une atmosphère instable, les
nuages prennent rapidement une forte extension verticale (cumulus, cumulonimbus) avec
des vitesses ascendantes de quelques mètres, voire des dizaines de mètres par seconde.
Suivant la température de leur sommet, les nuages peuvent être composés ou non de
particules de glace (la présence de cristaux de glace donne souvent un aspect fibreux aux
nuages).
Le contenu en aérosols conditionne le nombre et la grosseur des gouttelettes d'eau et des
particules de glace dans le nuage et donc sa stabilité et son aptitude à former des
précipitations. Le nombre et la composition d'aérosols varient fortement dans l'espace et
dans le temps. On trouve principalement des poussières minérales, des produits de
combustion, des sels ou solutions de sels hygroscopiques, ainsi que des bactéries dans des
débris végétaux.
Les noyaux de condensation sont généralement beaucoup plus nombreux au-dessus des
continents qu'au-dessus des mers. Sur les continents, ils sont plus nombreux au-dessus
des villes qu'au-dessus des campagnes. Leur nombre varie aussi avec la force du vent, la
stabilité de la masse d'air et l'occurrence de précipitations qui «lavent» l'atmosphère.
2 La formation des précipitations
En l'absence des cristaux de glace, chaque mètre cubique d'air nuageux contient 107 à 109
gouttelettes ayant un diamètre compris entre 10 et 40 microns. Ces gouttelettes
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minuscules restent en suspension dans l'air et s'évaporent rapidement dès qu'elles
rencontrent des régions où l'humidité relative est inférieure à 100 % (limite du nuage).
Seules les grosses gouttes, de diamètre supérieur à environ 0,2 mm, peuvent espérer
atteindre le sol avant leur évaporation complète. Leur diamètre dépasse rarement 6 mm et
leur vitesse de chute est de l'ordre de 8 m/s.
Dans un nuage, le grand nombre de gouttelettes présentes limite la sursaturation. La
croissance par condensation y est trop lente pour permettre la formation de gouttes assez
grandes pour pouvoir précipiter dans un laps de temps compatible avec la durée de vie
des nuages. Il faudrait plus de 10 heures pour faire grossir une goutte saline jusqu'à un
rayon de 50 microns en supposant une sursaturation d'environ 0.05 %. Les nuages non
précipitants présentent une structure relativement stable. La formation de précipitation n'y
est possible que si certaines gouttes réussissent à grossir aux dépens des autres.
Deux mécanismes peuvent permettre cette croissance: la collection, par une goutte, de
gouttes plus petites (collision suivie de coalescence) ou l'interaction entre les gouttelettes
d'eau liquide et particules de glace (effet Bergeron). Pour une même température
négative, la tension de vapeur d'équilibre par rapport à une surface plane d'eau, ew, est
inférieure à la tension de vapeur d'équilibre par rapport à une surface plane de glace, ei.
Dans ces conditions, dans un nuage où coexistent des cristaux de glace et des gouttelettes
d'eau surfondue, si la vapeur d'eau est en équilibre avec les gouttelettes d'eau liquide, elle
sera sursaturante par rapport à la glace. Il se produit alors un phénomène de condensation
solide sur les cristaux qui grossissent aux dépens des gouttelettes qui s’évaporent.
Lorsqu'ils sont suffisamment gros, ils tombent, et fondent s'ils rencontrent des
températures positives. Le nuage donne de la pluie.
Le nombre de collisions est important lorsque les gouttelettes ont des vitesses de chute (et
donc des tailles) bien différentes. Cependant, l'influence des forces aérodynamiques
limite fortement la collision des petites gouttes (gouttes de diamètre inférieur à 40
microns). Ainsi, la collection restera négligeable dans un nuage constitué de petites
gouttes dont les diamètres sont à peu près égaux (mono dispersés), comme par exemple
dans le cas d'un petit cumulus continental; elle sera plus efficace dans les nuages
constitués de grosses gouttes ayant un spectre dimensionnel large. La collection
commence à être efficace lorsque le diamètre des gouttes dépasse 80 microns.
La tension de vapeur d'équilibre par rapport à la glace étant inférieure à celle par rapport
à l'eau, un nuage de gouttelettes surfondues est un milieu sursaturé par rapport à la glace.
Quand un petit nombre de cristaux se trouve dans ce milieu, leur croissance par
condensation peut être très rapide (effet Bergeron). Cette croissance atteint son maximum
d'efficacité aux environs de -12 °C. Elle se fait aux dépens des gouttelettes d'eau qui
s'évaporent pour maintenir la tension de vapeur environnante en l'équilibre avec la phase
liquide. Après avoir atteint une taille suffisante, les cristaux peuvent continuer à grossir
par agrégation avec d'autres cristaux (neige) ou par accrétion de gouttelettes d'eau
surfondue (neige roulée, grésil, grêle). Pendant leur chute vers le sol, ils peuvent fondre
en atteignant des niveaux où la température est positive et continuer leur croissance par
collection de gouttelettes d'eau avant d'atteindre le sol sous forme de pluie.
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Microphysique des nuages
Aux latitudes moyennes (climats tempérés), les nuages suffisamment développés pour
donner des précipitations atteignent presque toujours des niveaux où la température est
négative. L'effet Bergeron y joue donc un rôle important. Dans les régions intertropicales,
l'isotherme 0 °C se trouve à une altitude relativement élevée (4000 mètres) et beaucoup
de cumulus donnent des précipitations avant d'avoir pu atteindre ce niveau. La croissance
des gouttes se fait alors uniquement par collection.
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Microphysique des nuages
3 Microstructure des nuages et des précipitations
3.1
Nuages contenant de l'eau liquide
Dans les nuages, l'humidité relative reste proche de 100%. Pour des valeurs supérieures à
100 %, l'évaluation de l'humidité fait appel à des mesures indirectes et qui introduisent
une forte incertitude. À partir de nombreuses mesures de la dimension des gouttes et de la
vitesse verticale de l'air, Warner (1968) déduit que l'humidité relative dans les nuages est
presque toujours comprise entre 98 % et 102%. Les valeurs les plus fréquentes seraient
de l'ordre de 100,05 ou de 100,1 %. Elles dépendent du type de nuage, de sa phase de vie,
de l'altitude et présentent une forte variabilité à petite échelle à l'intérieur du nuage.
Un grand nombre d'observations effectuées à partir d'avions montrent que les nuages sont
souvent entièrement composés d'eau liquide, même à des températures inférieures au
point de congélation. La fréquence d'observation de tels nuages décroît rapidement avec
la température et l'on observe rarement des nuages qui ne contiennent pas de cristaux de
glace à des températures inférieures à -30 °C.
3.2
Distribution des gouttelettes de nuage en fonction de leurs
dimensions
La plupart des mesures effectuées dans les nuages montrent des distributions qui
présentent un maximum pour des diamètres compris entre 10 et 40 microns, puis
décroissent de façon quasi exponentielle vers les plus grands diamètres. Dans plusieurs
cas étudiés, les distributions ont pu être représentées avec une assez bonne approximation
par une relation du type
n(r ) = Ar k exp(− Br )
où n(r )dr (?) est la concentration en gouttes dont le rayon est compris entre r et r + dr.
Les coefficients A et B peuvent être obtenus à partir des premiers moments de la
distribution.
Cette relation ne représente qu'une partie des distributions observées. Dans certains cas,
la forme peut être très différente. On trouve de nombreuses références à des spectres
bimodaux.
La distribution de la taille des gouttes dépend aussi de l'altitude au-dessus de la base du
nuage, et de son état de développement. En général, le spectre s'élargit rapidement audessus de la base et ne se resserre qu'au voisinage du sommet dans les régions de fort
mélange avec l'air sec environnant.
De même, le spectre s'élargit au fur et à mesure que le nuage se développe. Le spectre est
souvent étroit pour un petit cumulus de beau temps et beaucoup plus large dans un
cumulus congestus ou un cumulonimbus (Tableau 3.1). Des différences importantes
apparaissent souvent entre les nuages qui se forment en des masses d'air d'origines
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Microphysique des nuages
différentes. La concentration en gouttelettes est en moyenne 5 à 10 fois plus élevée dans
les cumulus d'origine continentale que dans ceux d'origine océanique. Dans les nuages
d'origine océanique, les gouttelettes sont moins nombreuses et de taille plus élevée. On
observe dans ces nuages des spectres qui sont souvent plus larges que ceux observés dans
les masses d'air d'origine continentale.
Plus un nuage est développé, plus le spectre dimensionnel des gouttes tend à s'élargir vers
de forts diamètres et plus la probabilité d'obtenir des précipitations est importante.
Un nuage d'origine continentale à souvent besoin de se développer beaucoup plus qu'un
nuage de type océanique pour donner naissance à des précipitations.
Tableau - 3-1 - Caractéristiques des populations de gouttelettes dans différents nuages. Les valeurs sont
des valeurs moyennes établies à partir d'observations rapportées par différents auteurs. rmin et rmax sont
respectivement les rayons de la plus petite et de la plus grosse goutte rencontrées, N est la concentration par
cm-3, QL est le contenu en eau liquide évalué pour chaque type de nuage (pour le nimbo-stratus et les stratocumulus cette valeur n'a pas été déterminée).
rmax (μm)
N (cm-3)
QL (g m-3)
Petit cumulus 2,5
continental
20
350
0,5
Petit cumulus 2,5
maritime
30
70
0,5
Cumulus
congestus
2
80
80
1,5
Cumulonimbus
2
100
70
2,5
Altostratus
1
13
400
0,6
Nimbostratus
1
20
350
---
Stratus
1
30
200
0,35
Strato-cumulus
1
20
450
-
5
Nuage
orographique à
Hawaï
35
45
0,3
type de nuage
rmin (μm)
Les observations effectuées par Squires (1958) montrent que les gouttes tendent à devenir
plus petites, plus nombreuses et de taille plus uniforme lorsqu'on passe d'un nuage
orographique à un stratus ou d'un cumulus maritime à un cumulus continental.
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Le contenu en eau liquide est donné par:
QL (kgm −3 ) =
π
6
ρL
Dmax
∫
D 3 n( D)dD
Dmin
où ρ L est la densité de l'eau liquide en kg/m3, n( D)dD est le nombre de gouttes par unité
de volume dont la taille est comprise entre D et D + dD, Dmin et Dmax les diamètres de la
plus petite et de la plus grosse goutte observées dans le volume étudié.
Le contenu en eau liquide varie considérablement sur de très courtes distances (de l'ordre
de la centaine de mètres) en relation avec l'altitude au-dessus de la base du nuage. Il passe
par un maximum dans la moitié supérieure du nuage puis décroît brusquement vers le
sommet.
Le contenu en eau liquide est généralement inférieur à sa valeur adiabatique, QL(adiabatique),
car l'air sec est constamment entraîné et saturé aux dépens des gouttes liquides.
QL / QL ( adiabatique ) varie avec l'épaisseur du nuage et peut être proche de 1 à l'intérieur d'un
gros nuage dans lequel l'entraînement n'atteint pas le centre.
Souvent QL / QL ( adiabatique ) est supérieur à 1 dans les régions de précipitation.
3.3
Brouillards
Contrairement aux nuages, les brouillards sont souvent caractérisés par de faibles
contenus en eau liquide (souvent inférieurs à 0.1 g/m3) et des petites gouttes
(généralement comprises entre 0,5 et 15 microns).
3.4
Pluie
Les forces de cohésion interne qui s'exercent entre les molécules d'eau tendent à donner à
la goutte une forme sphérique de façon à réduire sa surface de contact avec le milieu
extérieur. Les petites gouttes (D<300 microns), qui ont une faible vitesse de chute,
conservent une forme sphérique car les forces aérodynamiques restent négligeables
devant les forces de cohésion. Lorsque les gouttes sont plus grosses, les forces
aérodynamiques peuvent devenir importantes et conduire à la déformation de la goutte.
Les gouttes de diamètre supérieur à 1 mm ressemblent souvent à des ellipsoïdes aplatis.
Lorsque leur diamètre devient supérieur à 6 mm, elles deviennent hydrodynamiquement
instables et éclatent en un grand nombre de petites gouttes.
Les gouttes les plus grosses tendent aussi à éclater à la suite de collisions avec d'autres
gouttes; dans les pluies d'intensité moyenne, les gouttes dépassent rarement 2 à 3 mm. Si,
pendant leur chute vers le sol, les gouttes traversent des régions sous-saturées, le spectre
de gouttes est alors largement modifié par évaporation principalement des petites gouttes,
par collision et coalescence des gouttes entre elles, par éclatement des grandes gouttes et
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de plus, il est certainement biaisé vers les grosses gouttes en raison de leur plus grande
vitesse de chute.
La distribution de la taille des précipitations qui atteignent le sol est finalement une
fonction très complexe des caractéristiques dynamiques et microphysiques du nuage,
mais aussi de la température, de l'humidité et du vent rencontrés sous le nuage.
L'intensité des précipitations arrivant au sol est donnée par:
R (ms −1 ) =
π
6
Dmax
∫
D 3v( D)n( D)dD
Dmin
où v(D) est la vitesse de chute des particules de diamètre D.
Cette grandeur s'exprime généralement en mm/h. On doit donc multiplier l'équation cidessus par «1000mm m-1 3600sh-1»
De nombreuses formules empiriques ont été proposées pour représenter la distribution
dimensionnelle des gouttes de pluie. Ces distributions dépendent du type de précipitation.
Figure 3.1: Distributions dimensionnelles de gouttes de pluie, mesurées à différentes intensités de
précipitations, comparées aux meilleurs ajustements exponentiels et à des distributions
rapportées par différents auteurs (D'après Marshall et Palmer, 1948).
La formule la plus employée est la distribution de Marshall et Palmer (1948):
n( D) = N 0 exp(−ΛD)
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où Λ et N 0 sont constants pour un taux de précipitation donnée R:
Λ = 4.1R −0.21
N 0 = 8 ×103 m −3 mm −1 si D est en mm.
De nombreuses études ont montré que la valeur de N 0 varie beaucoup, pouvant avoir des
valeurs dans l'intervalle 3 ×103 < N 0 < 105 m −3mm −1 . On associe souvent une valeur de
N 0 à une valeur de taux de précipitation. Sekhorn et Srivastava (1971) proposent pour
N 0 et Λ les valeurs
N 0 = 7 ×103 R 0.37 m −3 mm −1
Λ = 3.8 R −0.14 mm −1
Cependant, la valeur de N 0 est variable, même lorsque le taux de précipitation ne change
pas.
3.5
Neige
Figure 3.2 : Distribution dimensionnelle des flocons de neige en fonction du diamètre équivalent (diamètre
des gouttes produites après fonte des flocons). (D'après Gunn et Marshall, 1958)
3.6
Grêle
Le grêlon est une particule de glace de diamètre supérieur à 5 mm et de forme
généralement conique, ovoïde ou irrégulière.
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Les grêlons de 0,5 à 2,5 cm de diamètre sont les plus fréquents. Le plus gros grêlon
analysé à ce jour a été collecté à Coffeyville dans le Kansas. Il avait une circonférence de
44 cm et pesait 770 grammes (Knight et Knight, 1971).
Dans une précipitation, le nombre de gros grêlons est beaucoup plus faible que celui des
petits grêlons. La distribution de leurs tailles est approximativement une fonction
exponentielle inverse du diamètre:
n( D )
= 32.2 exp(−0.309 D)
QL
n( D) = 12 exp(−0.42 D)
n( D) = 115Λ 3.63 exp(−ΛD)
QL = 1.22 exp(−2.38 D)
(Douglas, 1964)
(Federer et Waldvogel, 1975)
(Cheng and English, 1983)
où le diamètre D est exprimé en mm, n(D) en m-3mm-1 et QL en g m-3.
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4 Formation des gouttelettes de nuage
Nous avons étudié les conditions d'équilibre entre les différentes phases de la substance
H2O. La formation des nuages est due à la condensation (liquide ou solide) de la vapeur
d'eau. Dans le cas de la condensation, nous avons vu que s'il y a une sursaturation, c’està-dire une pression partielle de vapeur supérieure à la pression de vapeur correspondant à
l'équilibre avec la phase condensée, il y a un transport net de molécules de la phase
vapeur vers la phase condensée.
Dans ce chapitre, nous parlerons de nucléation, le processus par lequel un élément stable
de la nouvelle phase apparaît dans la phase existante. Les transitions de phase ne se
réalisent pas dans des conditions d'équilibre thermodynamique. La création de l'interface
entre les deux phases requiert de l'énergie.
Si la vapeur est pure, la nucléation ne peut s'effectuer qu'à partir de l'agglomération d'un
grand nombre de molécules qui s'entrechoquent sous l'effet de l'agitation thermique. On
dit alors qu'il y a nucléation homogène.
Si la vapeur d'eau n'est pas pure, les impuretés (aérosols) peuvent faciliter la
condensation de façon très efficace. C'est la nucléation hétérogène.
Une fois la nucléation réalisée, cet embryon stable peut continuer à croître si les
conditions sont favorables
4.1
Tension superficielle
Contrairement aux gaz, qui occupent systématiquement le volume disponible, les phases
condensées sont limitées par une surface et occupent un volume bien défini. L'interface
entre un liquide et sa vapeur n'est pas une surface dans le sens mathématique du terme,
mais une région d'épaisseur égale à quelques molécules, dans laquelle la concentration
des molécules d'eau varie continuellement. Une molécule à la surface du liquide est libre
de rester à la surface ou de se déplacer vers l'intérieur. La place ainsi libérée à la surface
est occupée par une autre molécule. Cependant, la molécule ne peut pas se déplacer
librement de l'intérieur du liquide vers la surface. Les molécules qui forment la surface
libre du liquide subissent l'action des forces intermoléculaires exercées par les molécules
juste au-dessous de la surface. Le champ de forces qui entoure une molécule de l'interface
n'est pas symétrique. Il y a une force nette appliquée à la molécule de surface dirigée vers
l'intérieur du liquide (figure 4.1).
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Microphysique des nuages
Figure 4.1: Le champ de forces agissant sur les molécules de la surface d'un liquide est différent du champ
à l'intérieur du liquide: une force nette, dirigée vers l'intérieur du liquide, est appliquée à la
molécule A de la surface. Une molécule à l'intérieur du liquide subit des forces d'attraction de
toutes les molécules voisines, situation qui rend plus difficile son déplacement vers la surface.
(Source : Curry, 2000)
Si on augmente la dimension de la surface, sans que le nombre de molécules augmente,
les molécules de l'intérieur doivent se déplacer vers la surface. Pour ce faire, il faut
fournir du travail à ces molécules pour qu'elles puissent se déplacer dans le champ de
forces intermoléculaires. L'énergie d'une molécule à la surface est donc plus élevée que
l'énergie d'une molécule à l'intérieur. Nous pouvons ainsi considérer que la formation
d'une interface, ou une augmentation de celle-ci, représente une augmentation d'énergie
potentielle. Pour une quantité macroscopique d'eau, comme un verre d'eau ou une nappe
d'eau, la tension superficielle est négligeable par rapport à l'énergie potentielle totale.
Dans le cas d'une petite gouttelette, par contre, l'énergie superficielle est une fraction
importante de l'énergie potentielle totale. Les gouttelettes prennent une forme sphérique
en suivant le principe d'énergie minimale. La sphère est la forme géométrique dont le
rapport surface / volume est minimum.
Nous pouvons introduire, dans les équations thermodynamiques, les effets de surface en
considérant le travail de la tension superficielle, Wts. Soit σ la tension superficielle
(énergie potentielle de surface par unité de surface) entre la vapeur et la phase liquide. Le
travail nécessaire pour augmenter la surface d'un liquide de dA en présence de la vapeur
est:
dWts = σ dA
où dA est l’augmentation de surface et σ la tension superficielle entre les deux phases.
La tension superficielle est définie comme l’énergie potentielle de surface par unité de
surface. La première et la deuxième loi de la thermodynamique nous permettent d’écrire
dG = − SdT + Vdp + σ dA
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Microphysique des nuages
4.2
Nucléation des gouttes de nuage
Une petite quantité de collisions entre les molécules de vapeur d'eau, dans l'atmosphère,
sont inélastiques, amenant à la formation d'agrégats. La taille de ces agrégats peut
augmenter par collision avec d'autres agrégats ou par agrégation d'autres molécules d'eau.
La plupart de ces embryons de goutte ont une durée de vie très courte, puisqu'ils
subissent un bombardement continuel de la part des autres molécules. Quand un embryon
atteint une taille suffisante pour survivre, on parle de nucléation.
Considérons la formation d'une gouttelette liquide au sein de la vapeur dont la pression
est e et la température T. Imaginons un processus à pression et température constantes.
L'énergie libre de Gibbs du système ne changera pas. La croissance de la goutte requiert
de l'énergie pour que l'augmentation de sa surface soit possible. Cette énergie doit être
proportionnelle à la surface. Nous avons ainsi:
dG = d (mv g v + mw g w + σ A) = 0
dG = ( g w − g v )dmw + σ dA = 0
La masse de la phase liquide est mw = 4π r 3 ρ w 3 et sa surface A = 4π r 2 , d'où
⎛
2σ ⎞
⎜ g w − gv +
⎟ dr = 0
r ρw ⎠
⎝
Dans cette équation, nous avons supposé que l'énergie spécifique de Gibbs de la surface,
σ , et la densité de l'eau, ρ w , sont indépendantes du rayon, r. Pour que cette équation soit
valide pour tout processus isobarique et isotherme, il faut que l'égalité suivante soit
vérifiée:
g w ( e, T ) = g v ( e, T ) −
2σ
r ρw
Cette expression nous donne la condition d'équilibre entre la gouttelette liquide et sa
vapeur. Dans le cas d'une surface plane, r → ∞ , et nous obtenons la condition d'équilibre
entre la vapeur et le liquide déjà étudiée dans la première partie du cours.
Pour obtenir maintenant la relation de dépendance entre la pression de vapeur d'équilibre
et le rayon de la gouttelette, nous devrons différencier l'équation ci-dessus par rapport au
rayon en considérant la température constante:
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d
d
d ⎛ 2σ ⎞
g w ( e, T ) − g v ( e, T ) + ⎜
⎟=0
dr
dr
dr ⎝ r ρ w ⎠
∂g w de ∂g v de ⎛ 2σ ⎞
−
−⎜
⎟=0
∂e dr ∂e dr ⎝ r 2 ρ w ⎠
de ⎛ ∂g w ∂g v ⎞ 2σ
−
⎜
⎟=
dr ⎝ ∂p ∂p ⎠ r 2 ρ w
or, ∂g w ∂e = α w = ρ w−1 et ∂g v ∂e = α v = ρ v−1
de ⎛ 1
1 ⎞ 2σ
− ⎟= 2
⎜
dr ⎝ ρ w ρ v ⎠ r ρ w
de
−2σρ v
= 2
dr r ( ρ w − ρ v )
Puisque la vapeur peut être considérée comme un gaz parfait, ρ v = e RvT
ρ w RvT
de
2σ
− de = − 2 dr
e
r
Cette équation différentielle d'ordre un est facilement intégrable si on considère σ et ρ w
indépendantes de r.
⎛e
ln ⎜ sr
⎝ es∞
⎞
ρ ⎛e −e ⎞
2σ
+ v ⎜ sr s∞ ⎟
⎟=
⎠ r ρ w RvT ρ w ⎝ esr ⎠
Les indices ∞ et sr représentent la pression de vapeur d'équilibre par rapport à une
surface plane et par rapport à une surface de rayon de courbure r. Le deuxième terme de
l'équation est négligeable par rapport au premier dans les conditions atmosphériques
normales. Avec cette simplification, nous obtenons l'équation de Kelvin qui nous donne
la pression de vapeur en équilibre avec une gouttelette de liquide de rayon r:
S=
⎛
⎞
esr
2σ
= exp ⎜
⎟
es∞
⎝ r * ρ w RvT ⎠
où S est le rapport de saturation et r* la taille de la gouttelette qui est en équilibre avec S.
La figure 4.2 montre un graphique de S en fonction de r*. Pour un rapport de saturation
donné, une goutte dont le rayon se situe au-dessus de la courbe grandira de façon
spontanée. Une goutte dont le rayon se situe en bas de la courbe s’évaporera
spontanément. Pour que la nucléation homogène se réalise (rayons inférieurs à 1 μm) le
rapport de saturation doit être supérieur à 3 (humidité relative supérieure à 300 % !). Des
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17
Microphysique des nuages
valeurs si élevées ne sont pas observées dans l’atmosphère, ce qui nous amène à la
conclusion que la nucléation dans l’atmosphère n’est pas homogène. En effet, dans
l’atmosphère, les gouttelettes des nuages se forment par nucléation hétérogène.
Figure 4.2 : rapport de saturation d'équilibre dans le cas de l'eau pure, en fonction du rayon. Les valeurs ont
été calculées par l'équation de Kelvin. La courbe représente un équilibre instable. Une goutte
dont le rayon est légèrement supérieur au rayon d'équilibre grossira et une goutte dont le rayon
est légèrement plus petit que le rayon d'équilibre s’évaporera.
4.3
La nucléation hétérogène
En suspension dans l’atmosphère, on retrouve plusieurs particules. Une partie de ces
particules sont hygroscopiques. Les molécules d’eau ont des affinités chimiques ou
électriques avec ces particules. Ces aérosols peuvent former une solution saturée à des
valeurs d’humidité relative inférieures à 100 %. Par exemple, à la température de 25 °C,
le point de déliquescence du NaCl est de 75 %. Les noyaux de condensation sont un
sous-ensemble de particules hygroscopiques qui permettent la nucléation des gouttelettes
à des humidités relatives inférieures à 101%. Des particules solubles, comme le NaCl et
le (NH4)SO4, provoquent une diminution de la tension de vapeur d’équilibre par rapport à
l’eau pure, ce que compense, en partie, l’effet de courbure ou de tension superficielle. Les
sources de CCN sont naturelles et artificielles (voir notes de cours de Wanda Szyrmer).
4.3.1 Pression de vapeur des solutions. Loi de Raoult
La plupart des substances qui nous entourent sont des mélanges. Quand les composantes
d’un mélange sont intimement liées, c’est-à-dire quand le mélange est homogène, on
parle de solution. Il existe des solutions de gaz, de liquides et de solides. On appelle
soluté, la substance dissoute, et solvant, le milieu dans lequel cette substance a été
dissoute. Quand le solvant est l’eau, on parle de solution aqueuse.
Parce que la composition d’un mélange n’est pas fixe, on doit spécifier les proportions
relatives des substances présentes dans la solution. Nous utiliseront la fraction molaire,
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18
Microphysique des nuages
χ, définie comme le rapport entre le nombre de moles d’une composante donnée (ni) et le
nombre total de moles présentes dans la solution.
χi =
ni
n
∑ nj
1
Les solutions liquides ont des propriétés bien différentes de celles du solvant pur, ce qui
est d’une grande importance pratique. Par exemple, on ajoute de l’antigel au système de
refroidissement d’une voiture pour l’empêcher de geler en hiver et de bouillir en été. On
fait également fondre de la glace sur les trottoirs et dans les rues en épandant du sel. On
sait aussi, par expérience, que la pression de vapeur d’équilibre d’une solution est
inférieure à la pression de l’équilibre de la substance pure. Le modèle de la figure 4.3
illustre ce phénomène. La présence de soluté non volatil dissous fait diminuer le nombre
de molécules de solvant par unité de volume, ce qui, par conséquent, fait diminuer le
nombre de molécules de solvant à la surface et devrait proportionnellement diminuer la
tendance des molécules à quitter le solvant. Par exemple, dans une solution composée à
50 % de molécules de solvant, la pression de vapeur d’équilibre ne devrait être que la
moitié de celle du solvant pur, étant donné que la moitié seulement des molécules
peuvent quitter la solution. C’est en fait ce que l’on observe.
Figure 4.3 : la présence d'un soluté non volatil empêche partiellement les molécules du solvant de quitter le
liquide, ce qui fait baisser la pression de vapeur du solvant. (Zumdahl, p. 13)
François Raoult a étudié en détail les pressions de vapeur des solutions contenant des
solutés non volatils. Ses résultats ont donné naissance à une équation connue sous le nom
de loi de Raoult:
0
psolution = χ solvant psolvant
où psolution est la pression d’équilibre de la solution, χ solvant la fraction molaire du solvant
0
la pression de vapeur du solvant pur.
et psolvant
La loi de Raoult est une équation linéaire de la forme y = mx . Ainsi, le graphique de la
0
variation de psolution en fonction de χ solvant est une droite dont la pente est psolvant
(voir
figure 4.4). Une solution qui suit la loi de Raoult est une solution idéale.
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19
Microphysique des nuages
Figure 4.4 : si la solution est régie par la loi de Raoult, le graphique de la variation de la pression de vapeur
de la solution avec la fraction molaire du solvant est une ligne droite. (Zumdahl, p. 14)
Les solides peuvent se dissoudre dans l’eau de deux façons: les molécules du solide
peuvent rester intactes ou peuvent se séparer en ions. Quand le sucre se dissout dans
l’eau, la molécule de sucre reste tel quel. Quand le sel (NaCl) se dissout dans l’eau, les
molécules de sel se dissocient en deux types d’ions : Na+ et Cl-. La loi de Raoult a été
modifiée pour décrire le comportement de solutions électrolytiques par van’t Hoff, qui a
trouvé que la dissociation des molécules correspond à une augmentation du nombre de
moles dissoutes.
eff
nsoluté
= insoluté
où i est le facteur de dissociation de van’t Hoff. Le facteur de dissociation i dépend du
type de solution électrolytique mais est toujours supérieur à 1, c’est-à-dire que la tension
d’équilibre d’une solution aqueuse électrolytique est toujours inférieure à celle d’une
solution aqueuse non électrolytique. La figure 4.5 illustre, de façon schématique, les
effets des solutés sur la tension de vapeur d’équilibre.
Figure 4.5 Diagramme schématique illustrant l’effet des solutés sur la valeur de la tension de vapeur
d’équilibre. a) et b): les molécules d’eau sont représentées par des cercles blancs et les
molécules dissoutes non dissociées par des cercles noirs. La tension de vapeur diminue dans la
solution b) à cause de la réduction de la surface occupée par les molécules du soluté. En c), les
molécules du soluté et du solvant deviennent ionisées, ce que contribue à diminuer davantage
la pression d’équilibre, puisque des forces d’attraction s’établissent entre les molécules. (Curry,
p.. 117)
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20
Microphysique des nuages
En appliquant la loi de Raoult - van’t Hoff à une goutte d’eau formée sur un aérosol
soluble et en considérant que la solution est très diluée, nous obtenons:
nH 2O
es (nsolution )
in
=
≅ 1 − sel
es
nH 2O + insel
nH 2O
comme n = m / M , nous pouvons écrire:
es (nsolution )
3imsel M v
b
= 1−
= 1− 3
3
es
4π M solt ρl r
r
où
b = 3iM v
msel
4π M solt ρl
Pour une masse de soluté donnée, la pression d’équilibre décroît avec le cube du rayon.
Avec la croissance du rayon par condensation, la fraction molaire du soluté diminue et
l’effet de solution diminue rapidement. En combinant les effets de courbure et de
solution, nous obtenons le rapport entre la pression d’équilibre d’une goutte de rayon r et
la pression d’équilibre par rapport à l’eau pure de(sur une?) surface plane:
es (r , msolt ) ⎛
b⎞
⎛a⎞
= ⎜1 − 3 ⎟ exp ⎜ ⎟
es
⎝ r ⎠
⎝r⎠
où a = 2σ lv /( ρl RvT ) . Si r n’est pas trop petit, cette équation peut s’écrire:
es (r , msolt )
a b
= 1+ − 3
es
r r
La figure 4.6 montre la courbe d’équilibre pour un noyau de condensation de masse
donnée (courbe de Köhler). Selon l’état de dilution de la solution, le rapport de saturation
peut être supérieur ou inférieur à l’unité.
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21
Microphysique des nuages
Figure 4.6 : rapport de saturation pour une goutte de solution en fonction du rayon de la goutte. L’effet de
solution est dominant quand la goutte est très petite. Tant que r < r*, la croissance des gouttes
est due à l’augmentation de l’humidité relative. Si l’humidité relative excède légèrement le
rapport de saturation critique S*, la goutte grandira spontanément et continuera à grandir aussi
longtemps que le rapport de saturation est supérieur au rapport de saturation d’équilibre de la
goutte.
Les maxima dans les courbes de Köhler correspondent aux valeurs critiques de S et r. Si
r < r*, les particules sont en équilibre avec la vapeur et grandiront en réponse à une
augmentation de l’humidité relative. C’est la brume. Les noyaux de condensation sont
considérés actifs quand la goutte atteint la taille de r*. Si la goutte continue de grossir,
son rapport de saturation d’équilibre devient inférieur à S*, et la gouttelette grandit
spontanément. Les noyaux de condensation typiques présents dans l’atmosphère ont des
sursaturations critiques de l’ordre de 1% (sursaturation = S-1).
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22
Microphysique des nuages
5 Formation des cristaux de glace
Si, dans le nuage, les températures sont inférieures à 0 °C, la formation de cristaux de
glace devient probable. Le nuage est alors qualifié de froid. Cependant, même si la
température est négative, certaines gouttelettes d'eau peuvent rester liquides. On parle
alors de gouttes surfondues. Si le nuage est constitué uniquement de particules de glace,
on dit qu'il est glacé. Si les deux types de phase coexistent dans le nuage, on parlera de
nuage mixte.
⎧Surfondu
⎪
Nuage froid ⎨ Mixte
⎪ Glacé
⎩
5.1
La nucléation homogène
La nucléation de la glace dans l'atmosphère peut se faire par condensation solide ou
congélation de gouttes surfondues. Une goutte surfondue est en équilibre instable.
Cependant, pour que la congélation se produise, il doit se former à l'intérieur de la goutte
un embryon de glace de taille supérieure à une certaine valeur critique r*. La température
de congélation de la goutte dépend de la taille de celle-ci. Plus petite est la goutte et
moins probable est la formation d'une structure cristalline stable à l'intérieur de la goutte
qui constituera l'embryon du cristal. L'expression du rayon critique de l'embryon de glace
est analogue à l'expression déjà déduite pour les gouttelettes d'eau:
r* =
2σ il
ρi Rv ln ( es esi )
où σ il est la tension superficielle de l'interface glace - liquide. Si l'embryon dépasse cette
taille critique, sa croissance ultérieure sera facilitée car elle correspondra alors à une
diminution de l'énergie totale du système. Par contre, la croissance d'un embryon plus
petit que la taille critique sera limitée car elle provoque une augmentation de l'énergie
totale du système; par conséquent, un tel embryon tend à se dissocier. La situation est
analogue à la formation d'un embryon d'une goutte d'eau à partir de la phase vapeur.
En utilisant l'équation de Clausius Clapeyron, r* peut être donné en fonction de la
température:
r* =
2σ ilTt
ρi lil (Tt − T )
où Tt est la température du point critique, T la température et lil la chaleur latente de
fusion moyenne dans l'intervalle de températures T et Tt. La valeur de σ il est
approximativement 0.002 N m-1. Le tableau 5.1 montre les températures typiques de
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23
Microphysique des nuages
congélation homogène des gouttes d'eau de différentes tailles. Les gouttelettes de nuages
congèlent à des températures voisines de -40 °C.
Tableau - 5-1 : températures de congélation typiques en fonction de la taille des gouttes
Diamètre de la goutte (μm)
Température de congélation (°C)
1
-42.3
10
-38.2
100
-34.8
1000
-32.2
10000
-30.0
La nucléation homogène par solidification de gouttelettes de nuage n'est pas possible
dans l'atmosphère. Chaque goutte contient au moins un noyau de condensation à
l'intérieur. Nous avons vu que la tension d'équilibre de vapeur d'une solution est
inférieure à celle de l'eau pure. Cependant, la solution se dilue à mesure que la goutte
grossit. Les Cirrus sont formés de cristaux de glace possiblement par nucléation
homogène puisque les températures dans la haute troposphère sont souvent inférieures à 40 °C. La congélation homogène est possible seulement dans les régions supérieures de
la troposphère.
5.2
Nucléation hétérogène
La plupart des nuages dont la température est autour de -20 °C contiennent des particules
de glace, ce qui démontre l'importance de la nucléation hétérogène dans l'atmosphère.
Les aérosols qui agissent comme des noyaux de congélation ne sont pas les mêmes
aérosols qui agissent comme des noyaux de condensation. Les noyaux de condensation
facilitent la nucléation liquide en baissant la valeur de la tension de vapeur d'équilibre
entre la vapeur et la phase liquide. Par contre, les noyaux de condensation solide ou de
glaciation, facilitent la nucléation en fournissant une structure à partir de laquelle le
réseau cristallin de la glace peut se former. Pour qu'un aérosol soit un noyau glaçogène, il
doit avoir une structure moléculaire proche de celle de glace ainsi que des liens
moléculaires compatibles avec celle-ci. Des particules de sol comme la kaolinite sont
efficaces parce que leur structure cristalline est semblable à celle de la glace. Certaines
bactéries constituent des noyaux de glaciation très efficaces à cause des liens hydrogène
compatibles avec ceux de la glace.
On peut classer la nucléation solide selon le mécanisme d'interaction entre les noyaux
glaçogènes et la vapeur ou les gouttes d'eau surfondue.
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24
Microphysique des nuages
Des particules de glace peuvent se former par condensation solide à condition que l'air
soit saturé par rapport à la glace et que la température soit suffisamment basse. Si l'air est
saturé par rapport à l'eau, la formation de la glace peut se faire aussi bien par congélation
(dans ce cas, de la vapeur se condense sur la particule et l'eau liquide qui en résulte se
congèle aussitôt) que par condensation solide (dans ce cas, il n'y a pas de phase liquide
intermédiaire, au moins à l'échelle macroscopique). Nous pouvons aussi parler de
congélation par immersion. Ce type de nucléation a lieu quand le noyau de congélation
est présent dans une goutte d'eau. À mesure que la goutte devient plus froide, la
probabilité de nucléation solide augmente. Plus la goutte est grosse, plus la température
de congélation est élevée pour le même type de noyau de congélation. La congélation par
contact a lieu quand un noyau de congélation entre en contact avec une goutte d'eau
surfondue. D'après des expériences de laboratoire, un noyau de glaciation peut provoquer
la nucléation à des températures plus élevées que celles qui seraient nécessaires si
l'aérosol était contenu dans la goutte.
⎧
⎪
Noyaux de glaciation ⎨
⎪
⎩
Inorganiques(ex: silicate d'aluminium) Ts > −15 0C
Organiques: pseudomonas syringae, Ts ≅ −4 0C
Le comptage des noyaux de glaciation dans l'air peut se faire en laboratoire. La méthode
classique consiste à refroidir un volume connu d'air jusqu'à ce que le nuage se forme. On
mesure, pour chaque température, le nombre de cristaux formés. La figure suivante
montre des résultats obtenus par diverses méthodes et en plusieurs régions
géographiques.
Figure 5.1: Concentration moyenne en noyaux glaçogènes. A, dans l'hémisphère sud, mesuré avec une
chambre à expansion. B, dans l'hémisphère nord, mesuré avec une chambre à mélange. C, dans
l'hémisphère nord, mesuré avec une chambre à expansion. D, dans l'hémisphère sud, mesuré
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25
Microphysique des nuages
avec une chambre à mélange. Les traits verticaux indiquent les domaines de mesures effectuées
à l'aide de filtres multipores dans différentes régions du monde.
En moyenne, le nombre de noyaux actifs par litre d'air à une température T suit
approximativement une loi empirique de la forme:
ln N = a ( T1 − T )
où T1 est la température à laquelle on rencontre un noyau glaçogène actif par litre d'air
(typiquement environ -20 °C) et où a varie entre 0,3 et 0,8. Pour a = 0,6, selon l'équation
précédente, la concentration de noyaux de glaciation augmente d'un facteur de 10, pour
une diminution de température de -4 °C. Comme la concentration totale d'aérosols est de
108 par litre d'air, une seule particule sur ces 108 aérosols agira comme noyau glaçogène à
la température de -20 °C. À titre de comparaison, rappelons que pour une sursaturation de
1% par rapport à l'eau, il y a 106 noyaux de condensation actifs.
5.3
Concentration de particules de glace dans le nuage
La probabilité d'avoir des particules de glace dans un nuage augmente avec la diminution
de la température. Les nuages dont les sommets se situent à des températures comprises
entre 0 et -4 °C sont généralement formés entièrement de gouttelettes surfondues. C'est
dans ce type de nuage que le danger de givrage sur les avions est le plus grand. Pour des
nuages où les sommets se trouvent à -10 °C, il y a environ 50% de chance de rencontrer
des particules de glace et si le sommet se trouve à -20 °C, la probabilité devient
supérieure à 95%.
Dans les vieux nuages, on observe fréquemment des concentrations en particules de glace
nettement plus importantes (100 par litre et plus) que celles qui pourraient être prévues à
partir des concentrations en noyaux glaçogènes. Les tours de cumulus en formation sont
généralement entièrement constituées de gouttelettes d'eau surfondues. Les premiers
signes de glaciation n'apparaissent généralement qu'après une dizaine de minutes.
Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l'observation de fortes
concentrations de particules de glace dans les nuages. Tout d'abord, il est possible que les
techniques de mesure ne fournissent pas une bonne estimation des concentrations de
noyaux glaçogènes actifs dans les nuages dans certaines conditions. Il est aussi possible
que le nombre de particules de glace augmente indépendamment de l'action des noyaux
de glaciation par ce que nous appellerons les mécanismes de multiplication de la glace.
Par exemple, certains cristaux de glace sont fragiles et peuvent se briser en plusieurs
morceaux, en particulier lors des chocs avec d'autres particules liquides ou solides.
Cependant, à l'heure actuelle, le mécanisme qui paraît être prépondérant pour la
multiplication des particules de glace dans les nuages fait intervenir la congélation des
gouttelettes surfondues au contact d'une particule de glace. Lorsqu'une particule d'eau
surfondue rencontre une particule de glace, elle se congèle en deux étapes. Dans la
première étape, qui se produit presque instantanément, un fin réseau de glace se propage
à travers la goutte et congèle juste assez d'eau pour ramener la température de la goutte à
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26
Microphysique des nuages
0 °C. La deuxième étape est plus lente et fait intervenir le transfert de chaleur de la goutte
partiellement gelée vers l'environnement plus froid. Pendant cette phase, une pellicule de
glace se forme d'abord à la surface de la goutte puis s'épaissit progressivement vers
l'intérieur. De l'eau liquide se trouve alors emprisonnée dans la coquille de glace. En se
congelant, cette eau va augmenter de volume et peut provoquer l'éclatement de la
coquille. Les petits éclats de glace ainsi formés peuvent entrer en contact à leur tour avec
des gouttelettes surfondues et le processus de multiplication se poursuit.
6 Croissance des gouttelettes dans les nuages chauds
5.4
Croissance par diffusion
Les gouttelettes de nuage grandissent par diffusion de la vapeur d'eau vers la goutte. La
vapeur d'eau est transférée vers la goutte par diffusion aussi longtemps que la pression de
vapeur environnante est supérieure à la pression d'équilibre de la goutte. Quand la vapeur
se condense, il y a dégagement de chaleur latente, ce qui augmente la température de la
goutte et diminue son taux de croissance. La goutte devient plus chaude que son
environnement et il y a de la diffusion de chaleur vers l'environnement. La condensation
est ainsi un processus de diffusion double. La vapeur d'eau se diffuse vers la goutte et de
la chaleur se diffuse vers l'environnement. Dans le cas de l'évaporation d'une goutte, le
processus se renverse. La diffusion de la vapeur se réalise vers l'environnement et la
chaleur de l'environnement vers la goutte.
En premier, nous allons trouver une équation de croissance d'une seule goutte qui existe
dans un champ de vapeur d'extension infinie.
Considérons une gouttelette dont la taille dépasse la valeur r*. La gouttelette continue à
grossir par condensation des molécules d'eau si la pression partielle de la vapeur dans l'air
environnant dépasse la tension de vapeur de l'air autour de la gouttelette.
Soit une gouttelette de rayon r ≥ r * au temps t:
L'équation de diffusion de la vapeur d'eau est
∂ρ v
∂ 2 ρv
= Dv
∂t
∂xi
où on considère que Dv ne dépend pas des coordonnées spatiales xi. Dans des conditions
de stationnarité, le flux de masse de la vapeur d'eau, dm dt , sur une sphère de rayon r (la
gouttelette d'eau) est égal au flux de vapeur au travers de la surface de la goutte:
d ρv
dm
= 4π r 2 Dv
dt
dr
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27
Microphysique des nuages
En intégrant de la surface de la goutte jusqu'à l'infini (une distance assez loin de la goutte
pour pouvoir être considéré comme un environnement non perturbé) et en supposant
dm dt = const , nous obtenons:
ρv ( ∞ )
dm ∞ dr
D
=
4
π
v ∫ d ρv
∫
dt r r 2
ρv ( r )
le taux de croissance stationnaire sera:
dm
= 4π rDv [ ρ v (∞) − ρ v (r )]
dt
La chaleur latente libérée par condensation à la surface de la goutte sera diffusée vers
l'environnement selon l'équation de diffusion de la chaleur:
dQ
dm
= −llv
= 4π rK [T (r ) − T (∞) ]
dt
dt
La variation de la masse peut être donnée en termes de changement de rayon:
dm
dV
dr
= ρw
= ρ w 4π r 2
dt
dt
dt
La combinaison des deux équations de diffusion détermine le taux de croissance d'une
goutte par diffusion. Mason (1971) obtient une expression approximative pour le taux de
croissance par diffusion:
r
dr
S −1
=
2
dt ⎛ llv ρ w
ρ RT
+ w v
⎜
2
es (T ) Dv
⎝ KRvT
⎞
⎟
⎠
=
S −1
K +D
Quand S<1, cette équation décrit l'évaporation d'une goutte. Dans cette équation, la
croissance de la goutte dépend seulement des conditions de l'environnement (S,T,p) et
n'exige pas la connaissance de la température de la goutte. Notez que, dans cette
équation, on a négligé les effets de solution et de courbure. Ces effets sont négligeables
quand la goutte dépasse la taille de quelques microns.
Le terme K représente le terme thermodynamique associé à la conduction de la chaleur,
et D est associé à la diffusion de la vapeur. La conductivité thermique K la diffusivité Dv
de la vapeur varient avec la température.
Comme K et D dépendent de la pression et de la température, l'intégration analytique est
impossible. Si on considère que les conditions ambiantes demeurent constantes, nous
pouvons obtenir la variation de r dans le temps avec S, K et D constants:
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28
Microphysique des nuages
2( S − 1)
⎡
⎤
r (t ) = ⎢ r02 +
(t − t0 ) ⎥
K +D
⎣
⎦
1
2
On voit que la croissance est parabolique, ce qui veut dire que le taux de croissance du
rayon diminue avec la valeur de r. La distribution de la taille des gouttelettes a tendance à
devenir plus étroite.
Exemple:
t0
t 0 + Δt
r1 = 1 μm
r1 = 10 μm
r2 = 10 μm
r2 = 14 μm
dr
< 0 , alors la gouttelette s'évapore. Nous pouvons calculer la distance
dt
parcourue par une goutte de taille r avant de s'évaporer complètement. La figure 6.1
montre graphiquement la distance parcourue par une goutte, en fonction de sa taille, en
chute dans un environnement sous-saturé (S = 0.8) et isotherme (T = 280 K)
Si S < 0 ⇒
10000.000000
1000.000000
100.000000
Fall Distance (m)
10.000000
1.000000
0.100000
0.010000
0.001000
0.000100
0.000010
0.000001
1
10
100
1000
Original Drop Radius (μm)
Figure 6.1 : Distance parcourue par une goutte en fonction de sa taille avant son évaporation totale. S = 0.8
et T = 280 K. (P. Durkee)
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29
Microphysique des nuages
5.5
Croissance d'une population de gouttelettes
Dans les nuages naturels, toute une population de gouttelettes croît simultanément et est
en compétition pour la vapeur d'eau disponible pour la condensation (sursaturation).
Lorsque les gouttelettes sont assez nombreuses et grosses, le taux de condensation aurait
tendance à dépasser le taux de production de la sursaturation et le processus de croissance
s'arrête.
La sursaturation se réalise dans la nature principalement à cause du refroidissement
adiabatique dû à l'ascension des particules d'air. L'augmentation de la sursaturation à un
temps donné est déterminée par le taux de production et le taux de condensation selon
l'expression:
dS
=
dt
dz
Q1
dt
N
augmentation de
l'humidité par
refroidissement
adiabatique
dC
− Q2
dt
diminution de
l'humidité par
condensation
⎛ RT
dS ⎛ ε lv g
g ⎞ dz
ε lv2 ⎞ drl
=⎜
−
−
+
ρ
⎟
⎜⎜
⎟
dt ⎜⎝ Rc pT 2 RT ⎟⎠ dt
ε es pTc p ⎟⎠ dt
⎝
P=Taux de production
C=Taux de «consommation»
où dz dt est la vitesse verticale de l'air et drl dt est le taux de condensation mesuré en
kilogrammes de matière condensée par kilogramme d'air, par seconde.
5.5.1 Profil du rapport de saturation (S)
Au dessous de la base du nuage, S < 1, et le taux de «consommation», C, est très petit ou
nul. La variation du rapport de saturation avec z devient pratiquement égale aux taux de
production, P.
dS
≅ P > 0 ⇒ S augmente avec z
dt
Au niveau de condensation, S = 1. Au dessus de ce niveau, les premiers noyaux de
condensation sont activés et la «consommation» de vapeur d'eau, C, augmente à cause de
la formation de gouttelettes dont le rayon est supérieur au rayon critique.
C<P⇒
dS
> 0 ⇒ S continue d'augmenter avec z
dt
S continue d'augmenter mais à un taux de plus en plus petit.
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30
Microphysique des nuages
C ≅P⇒
dS
= 0 ⇒ S = Smax
dt
Quand le taux de production est exactement égal au taux de «consommation», c'est-à-dire
que la population de gouttelettes «consomme» tout l'excès de vapeur par rapport à la
saturation, alors l'activation de nouveaux noyaux de condensation s'arrête, la
concentration de gouttes atteint sa valeur maximale et S = Smax.
À partir de ce niveau, le rapport de saturation diminue, le taux de consommation est
supérieur au taux de production.
C >P⇒
dS
< 0 ⇒ S diminue avec z
dt
Toutes les gouttelettes dont le rayon est inférieur au rayon critique s'évaporent, celles
dont le rayon est supérieur grossissent. Le taux de «consommation» tend à diminuer et
s'approche de la valeur du taux de production. À un certain moment, il s'établit un
équilibre entre la production d'excès de vapeur et la condensation sur les gouttes activées
dont la taille devient de plus en plus uniforme.
6 Formation de la précipitation dans les nuages chauds
Un nuage chaud est un nuage où les conditions thermodynamiques sont très peu propices
à la formation de la phase solide. Le mécanisme responsable de la formation de gouttes
précipitantes (pluie) est la collision suivie de coalescence entre les gouttelettes de nuage.
Les collisions se produisent entre les gouttes se déplaçant à des vitesses différentes. La
différence de vitesse entre les gouttes est essentiellement due aux différences de masse.
Les plus grandes gouttes tombent plus vite que les petites gouttes et, dans sa trajectoire,
entrent en collision avec un certain pourcentage de plus petites gouttes rencontrées dans
son espace de balayage. Supposant qu'une goutte de rayon R, dont la vitesse terminale est
U, tombe à travers une population de gouttelettes de rayon r et de vitesse terminale u, le
volume balayé, par unité de temps au sein de ce nuage, est π R 2 U − u . Le rapport entre
le nombre de collisions et le nombre de gouttes rencontré dans le volume géométrique
balayé par la goutte collectrice est l'efficacité de collision entre les gouttes de rayon R et
les gouttelettes de rayon r. Cette efficacité de collision dépend surtout des rayons de la
goutte collectrice et des gouttes collectées.
6.1
Vitesse de chute des gouttes
La vitesse de chute des gouttes dépend des forces exercées sur celles-ci. Les forces
G
G
agissant sur une goutte sont la force de frottement, FR , et la force de gravité, FG . En
assimilant une goutte à une sphère se déplaçant dans un fluide visqueux, nous pouvons
écrire l'équation de mouvement de la goutte:
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31
Microphysique des nuages
G
G
du G
= FR + FG ,
dt
L’intensité de la force de frottement exercée dans une sphère de rayon r, se déplaçant
dans un fluide de densité ρ , avec une vitesse u relativement au fluide, est donnée par:
FR =
π
2
r 2u 2 ρ CD
où CD est le coefficient de traînée qui caractérise la circulation. En termes de nombre de
Reynolds Re = 2 ρ ur μ où μ est la viscosité dynamique du fluide, FR prend la forme:
FR = 6πμ ru ( CD Re 24 )
D'autre part, l’intensité de la force gravitationnelle exercée sur la goutte est:
4
FG = π r 3 g ( ρ w − ρ )
3
où ρl est la densité de la sphère. Dans le cas de l'eau, ρ w >> ρ et l'expression de la force
gravitationnelle peut être représentée avec une bonne approximation par
4
FG = π r 3 g ρ w
3
Dans la situation d'équilibre, puisque ces deux forces ont des directions opposées,
FR = FG , la goutte tombera à sa vitesse terminale. Dans ce cas
u=
r 2 g ρw
2
9 ( CD Re 24 ) μ
Dans le cas de très petites sphères (petit nombre de Reynolds), CD Re 24 = 1 . La vitesse
de chute des gouttes sera alors:
u=
2 r 2 g ρw
= k1r 2
9 μ
où k1 ≈ 1.19 × 106 cm −1s −1 . Cette dépendance quadratique entre la vitesse et le rayon est
appelée «loi de Stokes» et est valide pour les gouttes de rayon inférieur à 40 μm.
Expérimentalement, on arrive à la conclusion que pour des nombres de Reynolds assez
élevés, CD devient indépendant du nombre de Reynolds, et sa valeur est de 4,5. La vitesse
d'équilibre des gouttes de grande taille (r > 0.6 mm) sera alors:
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32
Microphysique des nuages
u = k2 r
12
⎛ρ ⎞
où k2 = 2, 2 × 10 ⎜ 0 ⎟ cm1 2 s −1 , ρ est la densité de l'air et ρ 0 une densité de référence
⎝ ρ ⎠
de valeur 1,2 kg/m3 (densité de l'air à la pression de 1013 mb et à la température de 20
°C). Ce régime est applicable aux gouttes de taille supérieure à 0.6 mm.
3
Dans l'intervalle de tailles 40 μ m < r < 0.6 mm on obtient une formule approximative
u = k3 r
où k3 = 8 ×103 s −1 .
Le tableau 7.1 nous donne un résumé des calculs présentés ci-dessus:
Tableau 7.1 : vitesse des gouttes d'eau en fonction de leur taille
taille
vitesse (cm/s), r (cm)
r ≤ 40 μ m
u = 1.19x106(cm-1s-1) r2
40 μ m < r ≤ 0.6 mm
u = 8x103(s-1) r
0.6 mm < r ≤ 2mm
u = 2.01x103(cm1/2s-1) r1/2
Pour des gouttes de pluie, on utilise les valeurs expérimentales de Gunn et Kinzer (1949),
représentées graphiquement dans la figure 7.1.
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33
Microphysique des nuages
Figure 6-1 Vitesse terminale des gouttes de nuage et de pluie. (Gunn and Kinzer, 1949)
6.2
Collision
La figure 7.1 et le tableau 7.1 montrent que les gouttes tombent à des vitesses variables
dépendant de leurs tailles. Les plus grosses gouttes tombent plus rapidement que les
petites et peuvent entrer en collision avec les gouttes plus petites et plus lentes qui se
trouvent dans leur trajectoire. La collision n'est cependant pas assurée, à cause des forces
d'inertie et aérodynamiques.
L'efficacité de collision entre une goutte de rayon R et une goutte de rayon r,
Ecollision ( R, r ) , est donnée par la probabilité qu'un goutte de rayon R ait une collision avec
une gouttelette de rayon r qui se trouve dans sa trajectoire.
Ecollision =
Nombre de collisions
Nombre de collisions possibles
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34
Microphysique des nuages
figure 7.1 : la probabilité de collision entre une goutte de rayon r1 et une goutte de rayon r2
Ecollision ( R, r ) =
y2
(R + r)
2
Figure 6-3 : efficacité de collision entre paires de gouttes de tailles R et r. Les courbes sont étiquetées avec
la taille de la goutte collectrice. (Klett and Davis, 1973)
6.3
Coalescence
Une collision ne garantit pas la coalescence. Quand deux gouttes entrent en collision,
plusieurs interactions sont possibles:
1. elles peuvent rebondir et maintenir leur identité (rebondissement);
2. elles peuvent s'unir pour former une goutte (coalescence);
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35
Microphysique des nuages
3. elles peuvent s'unir temporairement et se séparer en maintenant (au moins
apparemment) leur identité (coalescence temporaire et séparation);
4. l'union peut se faire temporairement et être suivie de l'éclaboussement de la goutte en
plusieurs petites gouttes de tailles complètement différentes aux tailles initiales
(coalescence temporaire et éclatement).
Le type d'interaction dépend de la taille des gouttes et de leur trajectoire. D'autres
facteurs, comme la présence de charges électriques, ont aussi un rôle dans ce processus.
Le rapport entre le nombre de collisions suivies de coalescence et le nombre total de
collisions définit l'efficacité de coalescence entre les gouttes collectrices et les gouttes
collectées. L'efficacité de collection est le produit de l'efficacité de collision par
l'efficacité de coalescence.
Ecoalescence =
Nombre de captures
,
Nombre de collisions
Ecollection = Ecollision Ecoalescence
Pour des gouttes de taille inférieure à 100 μm, les interactions prédominantes sont les
interactions 1 et 2. Des études en laboratoire ont montré que les collisions entre les petites
gouttelettes de nuage étaient suivies de coalescence, amenant à la conclusion que
l'efficacité de coalescence entre les gouttelettes de nuage est pratiquement 1. Le taux de
croissance de gouttelettes par coalescence, gouverné par l'efficacité de collection, se
réduit donc à déterminer le taux de collision entre une population de gouttelettes.
6.4
Croissance par collision continue
Le volume balayé par unité de temps par une gouttelette de rayon R, gouttelette
collectrice, est donné par:
π ( R + r ) [u ( R) − u (r )]
2
Le nombre de gouttelettes d'un rayon compris entre r-dr/2 et r+dr/2, collectées et
capturées par unité de temps, est donné par:
π ( R + r ) [u ( R) − u (r )] Ec ( R, r )n(r )dr
2
Le taux d'augmentation du volume de la gouttelette de rayon R est alors:
dV R
4
2
= ∫ π ( R + r ) [ u ( R) − u (r ) ] Ec ( R, r ) π r 3 n(r )dr
3
dt 0
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36
Microphysique des nuages
Puisque V ( R ) = 4π R 3 3 ⇒ dV dt = 4π R 2 dR dt , en termes d'augmentation de taille nous
avons:
dR π R ( R + r )
= ∫π
[u ( R) − u (r )] Ec ( R, r )r 3n(r )dr
2
dt 3 0
R
2
si R >> r ⇒ u ( R) >> u (r ), et R + r ≅ R
R
dR π
= u ( R) ∫ Ec ( R, r )r 3 n(r )dr
dt 3
0
=
R
Ec
4
u ( R ) ∫ π r 3 ρ w n(r )dr
4ρw
0 3
wl = ρ a rl
=
Ec wl
u ( R)
4ρw
où wl est le contenu en eau liquide du nuage (kg d'eau / kg d'air sec), ρa la densité de l'air
sec et rl le rapport de mélange d'eau liquide. De plus:
dt =
dz
w − u (r )
où w est la vitesse verticale de l'air,
dR Ec wl u ( R )
=
dz
4 ρl w − u ( R)
Si w est petit:
Ew
dR
=− c l
dz
4 ρl
Comme l'efficacité de collection et la vitesse terminale augmentent avec la taille, le taux
de croissance par collection augmente rapidement avec la taille des gouttes collectrices.
La figure 7.4 compare la croissance par diffusion et la croissance par collection, en
fonction du rayon des gouttelettes.
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37
Microphysique des nuages
Figure 6.4 : taux de croissance des gouttelettes par condensation et collection en fonction de leur rayon. La
ligne en tiret représente la croissance par diffusion seulement et la ligne de points représente la
croissance par collection uniquement. La ligne solide représente la croissance due aux deux
mécanismes de croissance. La croissance par diffusion diminue avec l'augmentation du rayon,
tandis que la croissance par collection augmente avec le rayon.
Le taux de croissance par condensation (diffusion) diminue avec le rayon, pendant que le
taux par collection augmente avec celui-ci. Pour des rayons supérieurs à 25 μm, le taux
de croissance est essentiellement dû à la collection de gouttelettes. La figure 7.4 montre
l'existence d'un intervalle de taille de gouttes, entre 10 et 25 μm, où le taux de croissance
est très lent. Selon les équations de diffusion, un embryon de goutte prend 1 à 2 heures à
atteindre la taille de 20 μm. Or, dans la nature, la précipitation se forme bien plus
rapidement. En 15 minutes, un nuage peut se former et précipiter. Les gouttes doivent
atteindre plus rapidement la taille de 25 μm que ce qui est prédit par les mécanismes
étudiés.
L'équation de croissance par diffusion ne prend pas en considération la turbulence et
l'entraînement que provoquent des variations spatiales du taux de sursaturation. Ces deux
phénomènes contribuent à élargir le spectre des tailles de gouttes.
Dans la collection continue, on a fait aussi des hypothèses simplificatrices. On a supposé
que la goutte collectrice entre en collision de façon continue avec des gouttes plus petites
distribuées uniformément dans l'espace et dans le temps. En réalité, les collisions sont des
événements individuels statistiquement distribués dans l'espace et dans le temps. Le
modèle de croissance par collection stochastique tient compte de cette réalité.
6.5
Croissance stochastique
Le modèle de croissance stochastique prend en compte les aspects statistiques de la
collection et de la coalescence. Dans ce modèle, on suppose que certaines gouttes,
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38
Microphysique des nuages
favorisées statistiquement, ont des taux de croissances supérieurs à d'autres gouttes
initialement de même taille. On peut parler de «gouttes chanceuses». La figure 7.5 illustre
de façon schématique cette théorie.
Figure 7.5 : Dans une population de 100 gouttes égales et dans l'intervalle de temps de 1s, 10% des gouttes
ont une probabilité 1 de collectionner d'autres gouttes et les 90% restantes, une probabilité 0.
Après 1 seconde, 10 gouttes ont augmenté leur taille, pendant que 90 maintiennent leur taille
initiale. Après 2 s, il y aura 3 tailles de gouttes différentes: 1 de taille plus élevée, 81 de taille
initiale et 9 de taille intermédiaire.
Le processus stochastique est particulièrement important au début (les premières 20
collisions). Une fois que le spectre est élargi et que les plus grosses gouttes atteignent des
taille supérieures à 25 μm, la collection devient essentiellement continue.
7 Croissance des particules de glace
7.1
Croissance par diffusion
Dans un nuage mixte dominé par les gouttelettes surfondues, l'air est proche de la
saturation par rapport à l'eau liquide et se trouve donc sursaturé par rapport à la glace. Par
exemple:
T (°C)
Sw (%)
SI (%)
-10
100
110
-20
100
120
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39
Microphysique des nuages
Ces valeurs sont plus fortes que les sursaturations de l'air nuageux par rapport à l'eau
liquide, qui ne dépassent que très rarement 1 %. Par conséquent, dans les nuages mixtes,
les particules de glace peuvent grandir par déposition de vapeur beaucoup plus
rapidement que ne peuvent les gouttelettes.
Les facteurs qui contrôlent le taux de croissance d'un cristal de glace par déposition de
vapeur sont identiques à ceux qui contrôlent la croissance d'une gouttelette par
condensation. Cependant, le problème est plus compliqué parce que les cristaux ne sont
pas sphériques et, par conséquent, les points d'égale densité de vapeur d'eau ne décrivent
pas des sphères centrées sur le cristal comme cela se passe dans le cas d'une gouttelette.
Pour le cas particulier d'une particule de glace sphérique de rayon r, nous pouvons écrire
par analogie:
dM
= 4π rD ⎡⎣ ρ v ( ∞ ) − ρ vc ( r ) ⎤⎦
dt
où ρ vc (r ) est la densité de vapeur au voisinage de la surface du cristal et les autres
symboles sont définis comme auparavant. Nous pouvons trouver une expression plus
générale de cette équation pour un cristal de forme arbitraire en utilisant l'analogie entre
le champ de vapeur autour du cristal et un champ de potentiel électrostatique autour d'un
conducteur chargé de même taille et de même forme. La fuite de charges à partir du
conducteur (l'analogue du flux de vapeur se rapprochant ou s'éloignant du cristal) est
proportionnelle à la capacité électrostatique C du conducteur, exprimée en farads, qui est
entièrement déterminée par la taille et la forme du conducteur. Pour une sphère (en unités
SI):
C
ε0
= 4π r
où ε 0 est la permittivité du vide (8.85x10-12C2N-1m-2). En utilisant cette relation, nous
pouvons écrire l'expression du taux de croissance d'un cristal sphérique:
dM C
= D ⎡⎣ ρ v ( ∞ ) − ρ vc ( r ) ⎤⎦
dt
ε0
Cette expression est générale et peut être appliquée à un cristal de taille quelconque et de
capacité C.
Capacités électrostatiques PhysiquedesNuagesEva Monteiro
Page 40
08-31
(a est la demi-longueur de l'axe majeur et b la demi-longueur de l'axe mineur)
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2007-
40
Microphysique des nuages
Capacités électrostatiques PhysiquedesNuagesEva Monteiro
Page 40
08-31
(a est la demi-longueur de l'axe majeur et b la demi-longueur de l'axe mineur)
Sphère
C = 4πε 0 r
Disque plat
C = 8ε 0 r
Prolate sphéroïdale
Oblate sphéroïdale
C = 4πε 0
C = 4πε 0
2007-
a 2 − b2
⎡ a + a 2 − b2 ⎤
ln ⎢
⎥
b
⎥⎦
⎣⎢
a 1 − b2 a 2
arcsin ⎡ 1 − b 2 a 2 ⎤
⎣
⎦
Si la tension de vapeur dans l'environnement n'est pas trop différente de la tension de
vapeur saturante au-dessus d'une surface plane de glace et si le cristal de glace n'est pas
trop petit, nous pouvons écrire:
dM C
= Gi Si
dt
ε0
où Si =
e(∞) − esi (r )
et Gi = D ρ v (∞) .
esi (r )
Figure 7-1 Variations de GISI avec la température.
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41
Microphysique des nuages
Les variations de Gi Si avec la température dans le cas d'un cristal de glace grossissant
dans l'air saturé par rapport à l'eau sont montrées dans la figure 8.1. Ce produit atteint une
valeur maximale vers 15 °C, ce qui est essentiellement dû au fait que la différence entre
les tensions de vapeur saturante par rapport à l'eau et par rapport à la glace est maximale
à cette température. En conséquence, des cristaux de glace grossissant par déposition de
vapeur dans un nuage mixte auront une croissance maximale aux températures proches de
-15 °C. Les cristaux de glace grossissant par condensation solide peuvent avoir des
formes variées (figure 8.2). Cependant, le mode de base est soit du type de plaque soit du
type prisme. Les cristaux de type plaque les plus simples sont les plaquettes hexagonales
simples et les cristaux de type prisme les plus simples sont les colonnes solides à section
droite hexagonale.
Des études détaillées de la croissance des cristaux à partir de la phase vapeur en
laboratoire et dans les nuages naturels ont montré que la structure d'un cristal de glace est
déterminée par la température à laquelle il se forme. Pour des températures comprises
entre 0 et -50 °C, le mode de croissance change trois fois. Ces changements ont lieu à -4,
-10 et -22 °C (figure 8.3). Quand l'air est sursaturé par rapport à l'eau, les modes de
croissance sont modifiés. Les cristaux de glace sont exposés à des températures et à des
sursaturations qui changent continuellement pendant leur chute à travers le nuage. Ainsi,
même lorsque le seul mode de croissance est la déposition, la forme des cristaux peut être
très complexe.
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42
Microphysique des nuages
Figure 7.2 Diverses formes de particules de glace
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43
Microphysique des nuages
(fom
KCY)
Figure 7-3 : Modes de croissance des cristaux de glace en fonction de la température et de la sursaturation
par rapport à la glace.
7.2
Croissance par givrage: grêlons
Dans un nuage mixte, les particules de glace peuvent grossir par collection de gouttelettes
surfondues qui se congèlent à leur contact. Ce mécanisme est appelé croissance par
accrétion ou par givrage de gouttelettes surfondues. Quand l'accrétion est suffisante, il
devient difficile de discerner la forme initiale du cristal de glace. La particule givrée est
alors appelée particule de neige roulée ou de grésil, selon sa structure et sa densité. Les
particules de neige roulée (opaques et de densité comprise dans l'intervalle de 0.1 à 0.7)
sont formées par congélation rapide des gouttelettes surfondues rencontrées. Elles
contiennent un grand nombre de bulles d'air qui diffusent la lumière et donnent à la glace
une apparence opaque. Les particules de grésil (glace transparente, densité entre 0.7 et
0.9) sont formées par congélation lente de l'eau et contiennent peu de bulles d'air.
Par analogie à la croissance par collection uniforme des gouttelettes de nuage, l'équation
de croissance d'une particule de glace par collection uniforme de gouttelettes surfondues
s'écrit:
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44
Microphysique des nuages
dm
= Ewlπ r 2u ( R )
dt
où m est la masse de la particule de gaz, E est une valeur moyenne du coefficient de
collection, wl est le contenu en eau liquide du nuage, et R et u( R ) sont respectivement le
rayon et la vitesse de chute de la particule de glace.
Le coefficient de collection est influencé d'une part par les problèmes aérodynamiques
reliés à l'efficacité de collision, et d'autre par l'adhérence après collision des gouttelettes
surfondues à la particule de glace. Ces deux aspects du problème ne sont pas bien connus.
Cependant, puisque les cristaux de glace tombent plus lentement que les gouttelettes de
même masse, il semble approprié de considérer l'efficacité de collection plus grande que
dans le cas d'un nuage chaud.
Les grêlons représentent un cas extrême de la croissance des particules de glace par
accrétion. Ils se forment dans les nuages convectifs vigoureux qui ont un fort contenu en
eau liquide. Avec des conditions très rigoureuses, des grêlons de plus de 15 cm de
diamètre et de plus de 600 g ont été observés. Si un grêlon collecte des gouttelettes
surfondues à un taux trop important, sa température de surface atteint 0 °C par libération
de chaleur latente de congélation et une partie de l'eau collectée reste liquide. La surface
du grêlon se recouvre alors d'une couche d'eau liquide et le grêlon subit une croissance
humide. Dans ces conditions, une partie de l'eau liquide peut être perdue dans le sillage
du grêlon mais une autre partie peut être incorporée dans la structure eau-glace pour
former de la grêle spongieuse.
Si on coupe une tranche mince dans un grêlon et qu'on la regarde par transparence, on
aperçoit généralement une structure d'oignon constituée de couches sombres alternées de
couches claires. Les couches sombres sont constituées de glace opaque contenant un très
grand nombre de petites bulles d'air et les couches claires, de glace ne contenant que très
peu de bulles d'air. La glace claire se forme en général lors d'une croissance humide.
Figure 7.4 : Certains grêlons sont constitués de lobes très prononcés. Ces lobes peuvent être des régions
ayant une forte efficacité de collection des gouttelettes.
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45
Microphysique des nuages
Un aspect important de la croissance par givrage est la chaleur latente libérée lors de la
congélation des gouttes surfondues collectées. Grâce à ce chauffage, la particule de glace
peut devenir plus chaude que l'environnement de plusieurs degrés.
7.3
Croissance par agrégation
Le troisième mécanisme de croissance de particules de glace dans les nuages se produit
par collision et agrégation des particules entre elles. Les particules peuvent entrer en
collision si leurs vitesses de chute sont différentes.
Figure 7.5 Vitesses terminales des particules de glace mesurées par Nakaya et Terada. (Fletcher, 1962)
La vitesse de chute d'un cristal non givré de type prisme augmente avec la taille. Par
contre, les cristaux non givrés de type plaque ont des vitesses de chute relativement
indépendantes du diamètre. En conséquence, deux cristaux non givrés de type plaque ont
une très faible probabilité de rencontre sauf s'ils sont suffisamment proches l'un de l'autre
pour être influencés par les effets de sillage.
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Microphysique des nuages
La vitesse de chute des cristaux givrés et des particules de neige roulée dépend fortement
de leur degré de givrage et de leurs dimensions. Le nombre de collisions entre particules
de glace augmente en présence de givrage.
Le deuxième facteur qui influence la croissance par agrégation est la possibilité
d'adhérence des particules après collision. La probabilité d'adhérence est déterminée
essentiellement par le type de particule et par la température. Les cristaux de forme
complexe comme les dendrites adhèrent facilement les uns aux autres parce qu'ils
s'entrelacent lors de la collision, alors que deux plaquettes tendent plutôt à rebondir. La
probabilité d'adhérence augmente avec la température et devient très importante pour des
températures supérieures à -5 °C.
7.4
Formation de la précipitation dans les nuages froids
Dans les nuages froids, les précipitations (pluie ou neige) peuvent être initiées par la
formation des cristaux de glace. En appliquant l'équation de croissance par diffusion
(condensation solide) au cas d'une plaquette hexagonale dans un nuage liquide, saturé par
rapport à l'eau liquide et à la température de -5 °C, on obtient une augmentation de masse
d'environ 7 μg en une demi-heure. Cette masse correspond à la masse d'un cristal de 1
mm de diamètre. Cependant, la seule croissance des cristaux par diffusion aux dépens des
gouttelettes d'eau n'explique pas la formation de gouttes de pluie. La croissance des
cristaux se poursuit par collection. Contrairement au taux de croissance par diffusion, le
taux de croissance par collection augmente avec la taille de la particule. Un calcul simple
montre qu'une plaquette hexagonale de 1 mm de diamètre tombant dans un nuage
contenant 0,5 gm-3 d'eau liquide surfondue peut, par accrétion, donner naissance à une
particule de neige roulée sphérique de 1 mm de diamètre au bout d'environ 10 minutes.
Une telle particule, avec une densité de 0,1, a une vitesse de chute d'environ 1 m/s et
donne, après fonte, une goutte de 460 μm de diamètre.
Le diamètre d'un flocon de neige peut augmenter de 1 mm à 1 cm par agrégation dans sa
chute dans un nuage de contenant 1 g m-3 de cristaux de glace, en 30 minutes. Ce flocon,
de masse de 3 mg et une vitesse de chute de 1 m/s, formera, après fonte, une goutte de 2
mm de diamètre.
Ainsi, la croissance des cristaux de glace, dans les nuages mixtes, d'abord par diffusion
de vapeur d'eau, puis par accrétion et agrégation, peut produire des particules
suffisamment grosses pour précipiter, en intervalles de temps comparables à ceux passés
par les particules dans les nuages (environ 30 à 40 minutes).
Le rôle de la phase solide dans la production des précipitations dans les nuages froids est
clairement montré par l'observation radar des bandes brillantes. Ces bandes, qui
correspondent à des échos de forte intensité, sont observées dans les régions de fonte de
glace. Les cristaux de glace, en fondant, se recouvrent d'une pellicule d'eau qui augmente
leur réflectivité radar. Lorsque les particules sont complètement fondues, elles se
transforment en gouttes d'eau de petite taille et leur vitesse de chute augmente, si bien
que la concentration de particules est réduite. Ces transformations entraînent une forte
diminution de l'écho radar sous la région de fonte.
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Microphysique des nuages
8 Références
Boheren C. and B.A. Albretcht, 1998, Atmospheric Thermodynamics
Curry, J. et P.J. Webster, 1999 : Thermodynamics of atmosphere and oceans.
Iribarne, J.V. et W.L. Godson, 1981 : Atmospheric Thermodynamics
Riegel, C.A., 1992 : Fundamentals of atmospheric dynamics and thermodynamics.
Rogers R. R., A short Course in Cloud Physics
Szyrmer, Wanda, 2002 : notes de cours SCA7050
Wallace, J.M. et P.V. Hobbs, 2006 : Atmospheric Science. An introductory Survey.
Zumdahl, C. Chimie des solutions
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