Si les études cinématographiques et l’anthropolo-
gie ont longtemps été des champs appréhendés
séparément, une réévaluation de leurs apports
respectifs est progressivement à l’œuvre. Récem
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ment, des colloques (Cinéma et Anthropologie,
Paris, 2014 ; Puissances du végétal. Cinéma
animiste et anthropologie du vivant, Paris, 2016)
ou des expositions (Animism, Berlin, 2012 ; Neo
Preistoria - 100 Verbs, Milan, 2016) ont ouvert de
nouvelles perspectives.
Convaincus que cette question ne concerne pas
seulement le cinéma, mais l’ensemble des images
en mouvement, nous souhaitons explorer les
moments où, à partir des années 1920 notamment,
la théorie du cinéma et des médias a croisé certains
courants de la pensée anthropologique, en partie
relativementà la pensée pré-logique, pré-verbale,
animiste, mythique.
Dès le début du XX
ème
siècle, on s’est aperçu d’une
analogie structurelle entre l’agencement des
images cinématographiques et le fonctionnement
de la pensée qui ne devait pas laisser indiérente
la théorie du cinéma naissante. Cependant,
dans les milieux avant-gardistes notamment, on
reconnaissait au lm la possibilité de mettre en
œuvre, non pas la pensée en général, mais l’une
de ses modalités spéciques : les formes de pensée
non-logique. Des auteurs proches du Surréalisme
exploraient la possibilité du lm de s’apparenter à
la « mécanique d’un rêve ». Mais la catégorie du
rêve n’épuise pas ce genre d’espoirs sur lesquels
misait le cinéma. À ce titre, les écrits d’Epstein
fournissent une sorte de catalogue terminolo-
gique (« logique sentimentale », « rudimentaire »,
« onirique », « pensée visuelle », « irrationnelle »,
« prélogique », « introvertie » ou « paralogique
aective »). Le cinéma politique – Pasolini et son
cinéma « barbare » – et expérimental du Second
Après-Guerre jusqu’à nos jours hériteront de ce
genre de préoccupations et les développeront.
Si la théorie du cinéma élaborée par l’avant-
garde valorisait des modalités non-rationnelles
de la pensée, c’était dans une stratégie oensive.
L’opposition esthétique se joignait au combat
politique : contre l’industrialisation culturelle, et
toute une société qui semblait se fonder sur la
rationalisation de tous les domaines de la vie.
Le cinéma pouvait alors être pensé comme le
médium pour communiquer de formes de pensée
pré-logique. Les apports de l’anthropologie et de
la psychologie expérimentales – de l’Institut de
Filmologie par exemple – semblaient conrmer
la thèse selon laquelle le spectacle cinémato-
graphique réactivait des expériences que la
société industrielle semblait avoir dépassées :
au cinéma, revivaient les expériences du mythe
et de la croyance, du rite et du sacré.
Selon la conviction que la théorie et l’esthétique du
cinéma ne peuvent pas être comprises séparément
des autres disciplines qui les structurent, il s’agit de
confronter la question de la pensée non-logique au
cinéma – et dans les autres médias et formes de
l’audio-vision (télévision, Internet, vidéo-art, lms
didactiques, lms d’amateurs, vidéos musicales,
bandes-annonces, théâtre lmé, documentaires
ethnologiques, etc.) – par des regards croisés et
pluridisciplinaires, pour en remettre en discussion
certaines assises ; c’est la raison pour laquelle sont
privilégiées des approches plurielles touchant
à d’autres domaines tels que l’anthropologie,
la psychologie, la philosophie.
Comité d’organisation : Marie Gueden (Paris 1, ACTE) | Virgilio Mortari (Paris 3, LIRA)
Comité scientique : Vincent Amiel (Paris 1, ACTE) | Teresa Castro (Paris 3, IRCAV) | Marie Gueden (Paris 1, ACTE)
Virgilio Mortari (Paris 3, LIRA) | José Moure (Paris 1, ACTE) | Antonio Somaini (Paris 3, LIRA)
Avec la collaboration du projet « S.U.R.D.I.T.É. Cinéma » (représentations sociales de la surdité dans le cinéma
contemporain) porté par Ruth Kitchen (Marie Curie Fellow, EHESS) avec Barbara Fougère (Paris I),
dans le cadre du Programme « Handicaps et Sociétés » (PHS) de l’EHESS, et avec l’association de Media Res,
groupe de recherche en théorie des médias, composé, outre les organisateurs, de Guilherme Machado,
Natacha Milovzorova et Guglielmo Scarimuto (Paris 3).