N ° 14
Les Échos du CPNLF
Post ScriptumPost Scriptum
d'un Congrès à l'autre...
110e session
110e session :
le second rapport
du CPNLF
Conférence Warot :
qu'apportent les neurosciences
aux psychiatres ?
N ° 14
notions est indispensable pour que le professionnel sache
comment définir solidement son approche par rapport à une
autre.
De même, il a rappeles quatre éléments à explorer, le carré
dans lequel le thérapeute doit évoluer lors d’un premier
entretien avec son patient : instaurer une alliance, repérer les
failles du sujet (les traumatismes, les problèmes identitaires,
les pathologies du narcissisme, les addictions), repérer la
structure du sujet, et bien sur partager des objectifs de soins
(améliorer un comportement, tablir une capacité pour
penser, promouvoir une autonomie).
Le Pr Schmitt a présenté plusieurs domaines dans lesquels
la psychothérapie de soutien s’applique désormais de
manière quasi systématique. Pour traiter des épisodes de
dépression majeure, par exemple, de nombreux thérapeutes
choisissent la thérapie de soutien par choix, et non par
défaut, pour de nombreux patients : ceux qui rencontrent la
maladie psychique pour la première fois, ceux qui n’arrivent
pas à penser les choses, ceux dont le niveau de détresse, de
rumination ou de focalisation symptomatique les
empêchent d’aller vers une autre approche. Les objectifs du
soutien, dans ces contextes, sont une psychoéducation, une
N°14
Directeur de la publication : Pierre Thomas - Rédacteur en Chef : Patrick Martin
Infographiste : Vivianne Lambert - Photos de ce numéro : Martine Bertheuil Post Scriptum
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L E S E C H O S D U C P N L F. . . L E S E C H O S D U C P N L F. . .
Post Scriptum, ce mois-ci comme chaque mois, rapporte dans la rubrique "Les Échos du CPNLF" une partie
des interventions communiquées dans le cadre du 110e congrès du CPNLF.
Les psychothérapies de soutien, tel était le thème du second rapport annuel de l'association. Cette pratique
semble être de plus en plus appliquée par les thérapeutes, d'où l'intétêt de débattre de ses voies et moyens
en France. "Modernité" encore, avec les neurosciences évoquées au cours de la conférence Warot.
Qu'apportent-elles aux psychiatres ? Enfin, saluons les efforts constants du CNPP-CNQSP dont les actions
pour l'amélioration de la qualité des soins en psychiatrie méritent d'être mentionnés.
Sous la présidence du Pr Guy Darcourt (Nice), le Pr Laurent
Schmitt (Toulouse) a présenté le second Rapport sur "Les
Psychothérapies de soutien" objet de son ouvrage, digé
dans le but d’offrir une aide aux psychothérapeutes et
professionnels de santé engagés dans une relation de
soutien avec leurs patients. Celle-ci s’applique à des cas
difficiles et à des situations cliniques aussi différentes que
le deuil, l’anxiété, les maladies graves, la pression,
l’alcoolisme, la schizophrénie, les troubles de la personnali
ou les conséquences du vieillissement. Lorsque le niveau de
gravité clinique diminue, les professionnels peuvent choisir
de progressivement remplacer la thérapie de soutien par
des techniques de soins plus spécialisées.
La psychothérapie de soutien est la psychothérapie la plus
pratiquée par les professionnels de santé. Paradoxalement,
en France, elle ne bénéficie pas d’un enseignement formel.
D’où de nombreuses zones floues dans sa pratique.
Le Pr Schmitt a donc choisi de revenir sur plusieurs
définitions de base notamment, ce qui permet de
distinguer le simple soutien de la psychothérapie de soutien
au risque "d’enfoncer certaines portes ouvertes" a-t-il
remarqué, mais pour rappeler que l’intégration de ces
le Pr Laurent Schmitt,
auteur du second
rapport annuel du
CPNLF
(médecine à distance) mises en place ces dernières
décennies aux Etats Unis, en Angleterre, en Australie et plus
récemment en France.
De par sa spécialisation en suicidologie, le Pr Vaiva s’est
particulièrement intéressé à décrire certains systèmes de
télémédecine dédiés à la "veille" de patients suicidaires,
c’est-à-dire dont le but est de maintenir un lien entre
l’équipe de soin et le patient après sa sortie de l’hôpital ou
des urgences. Il s’agit pour les soignants de tenter de
détecter à temps les signes d’une éventuelle rechute, ou
simplement de rappeler discrètement au patient que les
équipes sont toujours présentes en cas de besoin ou de
crise.
Certains aspects restent cependant à définir : quels sont les
patients les plus appropriés pour cette approche ? Quel est
le contenu le plus adapté ? Mais aussi quand commencer la
prise de contact, sous quelle forme, avec quelle fréquence et
durant combien de temps ? Les diverses expériences tentent
des approches variées.
Parmi ses exemples, le Pr Vaiva a fait état de l’étude menée
pendant 15 ans par le Pr Jerôme Motto, de l’Université de
Californie à San Francisco, sur presque 3 000 patients qui
avaient été admis dans son service pour une tentative de
suicide. Dès le premier mois suivant leur sortie de
l’établissement, chaque patient recevait une carte
personnalisée, rappelant par exemple une anecdote de leur
séjour hospitalier. Il s’agissait de rappeler aux patients que
l’hôpital n’est pas une structure anonyme, que leur passage
a marqué des individus empathiques, prêts à les recevoir à
nouveau en cas de nécessité. La première année, les patients
recevaient 8 cartes. Les cinq années suivantes, une carte
tous les 3 mois. Les sultats ont révé une différence
exploration des représentations, une recherche de l’origine
du trouble, des événements qui ont pu survenir, une mise à
disposition d’un espace d’expression et une amélioration
des capacités d’élaboration.
Le Pr Schmitt a aussi abordé certaines interrogations
difficiles que peuvent rencontrer les thérapeutes praticiens,
par exemple face à des patients schizophréniques : quelle
est la bonne attitude à adopter? Comment arriver à
maintenir une relation dans la durée avec ces patients qui
ont finalement assez peu d’expression ? Comment gérer le
délire et l’hallucination ? Comment peut-on soutenir une
personne attachée à son symptôme ?
La psychologie de soutien est aussi une des stratégies de
prise de charge des états limites de la personnalité : pour
beaucoup de patients, notamment éloignés des centres
spécialisés, la psychothérapie de soutien permet d’établir
un cadre régulier, de relativiser les angoisses, de maintenir
une stabilité des intervenants.
Enfin, le Pr Schmitt a conclut son intervention en réitérant
sa revendication pour un enseignement formel de la
psychothérapie de soutien en France, comme il en est dans
les pays anglo-saxons, ne serait-ce que pour clarifier les
frontières entre les différentes modalités psycho-
thérapeutique.
Au cours de la session de communications sur le thème du
Rapport, avec pour modérateurs les Prs Laurent Schmitt
(Toulouse) & Pr Dominique Drapier (Rennes), le
Pr Guillaume Vaiva (Lille) a évoqué "Le soutien en
télémédecine".
Le Pr Guillaume Vaiva a présenté quelques unes des
expériences les plus innovantes de "télémédecine"
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L E S E C H O S D U C P N L F. . . L E S E C H O S D U C P N L F. . .
Le Pr Guilaume Vaiva
le Pr Dominique Drapier
aujourd’hui, au-delà des querelles d’écoles, ce sont
l'expertise clinique et la dimension qualitative des
psychothérapies qui sont passées au crible. Il s’agit de
prendre en compte les variables individuelles, l'interaction
entre le soignant et le soigné, tout en s'efforçant de saisir les
principes fondamentaux de la méthode utilisée face à une
situation psychopathologique spécifique.
Le Dr Palazzolo a passé en revue certaines études ayant
rappor que le facteur thérapeute influence plus la
variabilité des résultats obtenus que la technique utilisée.
En analysant la pratique de thérapeutes rapportant "peu de
résultats satisfaisants", les chercheurs ont mis en évidence
l’existence accrue d’expériences déstabilisantes, stressantes,
voire à terme de désengagement chez ces praticiens.
D’autres études ont suggéré que les résultats de la thérapie
dépendent en grande partie de la capacité d’adaptation du
thérapeute. Les praticiens rapportant les meilleurs résultats
seraient les thérapeutes capables d’ajuster leurs approches
au profil de leur interlocuteur, c’est-à-dire à être attentifs au
feedback
de leurs patients, ou me des proches du
patient. Dans ce cadre, le thérapeute devient plus sensible
au contexte interactif et à l’expérience subjective du
patient, tout en restant à l’écoute sur sa propre expérience
émotionnelle.
Ainsi, un certain profil de thérapeutes serait en train de se
dégager aujourd’hui ; des thérapeutes qui bien sûr doivent
maitriser des théories, des techniques mais qui sont aussi
capables de les utiliser sans rigidi dogmatique et de
s’adapter au contexte en fonction du
feedback
de leur
patient.
De son té, le Dr Philippe Huguelet (Genève) pose une
autre question : "La religion peut-elle être utile au soutien
de nos patients ?"
Le Dr Huguelet est directeur de la consultation des Eaux-
Vives à l’hôpital universitaire de Genève. Lors du CPNLF, ce
spécialiste de l’interface entre religion et psychiatrie a
expo les raisons pour lesquelles il juge audacieux de
prendre en compte la religiosipotentielle des patients
dans l’échange thérapeutique, même lorsque le thérapeute
est lui-même agnostique ou issu d’une culture à spiritualité
autre que celle du patient.
La religion et la psychiatrie n’ont pas toujours fait bonne
entente, surtout en France,les psychiatres sont très peu
formés à l’interface religion-psychiatrie. Cependant, note le
Dr Huguelet, le fait est que la religion est pourvoyeuse de
sens existentiel chez de nombreux individus. La spiritualité
permet en effet de générer chez certains un but, un espoir,
et peut ainsi être qualifiée de méthode de "
coping
" - une
stratégie que l’on met en place pour faire face aux difficultés
de la vie.
Le
coping
religieux peut être positif (par exemple la prière
peut aider un individu à diminuer ses anxiétés) ou négatif
(par exemple la lecture de la Bible qui renforcerait la
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significative en terme de taux de mortalité par suicide en
faveur du dispositif de soutien à distance.
En France, une expérience similaire a été menée dans le
Nord-Pas-de-Calais, 13 des 16 services d’urgence de la
région se sont associés pour tester un système de veille
téléphonique des sujets récemment admis aux urgences
pour une tentative de suicide. Les résultats se sont révélés
positifs, avec deux fois mois de tentatives enregistrées à un
an. Une étude randomisée de grande envergure vient d’être
mise en route, visant à tester plusieurs modèles pour
dégager le meilleur algorithme de veille et de soutien à
distance, qui pourrait ensuite être déployé sur tout le
territoire Français à un coût raisonnable.
Mais "Peut-on évaluer l'efficacité d'une psychothérapie ?"
s'interroge le Dr Jérôme Palazzolo (Nice).
Alors que la méthodologie d’évaluation des thérapeutiques
médicamenteuses est aujourd’hui bien établie, quand il
s’agit d’évaluer "l’efficacité" d’une psychothérapie, les avis
divergent systématiquement et donnent lieu à de nombreux
débats. Lors de son intervention, le Dr Palazzolo a présenté
l’évolution actuelle des tentatives d’évaluation, en gardant
à l’esprit une question centrale: "Peut-on vraiment parler
d’évaluation dans un domaine qui a avant tout à voir avec
l’humain et la rencontre singulière entre un patient et un
thérapeute ?"
Comme dans tout domaine scientifique, les psychothérapies
ont d’abord été soumises aux critères d’efficacité et de
rentabilité de l’
evidence-based medicine
. L'efficacité
générale des psychothérapies puis l'efficacité relative des
différentes approches ont été évaluées. Cependant, cette
méthode d’analyse ne faisant pas consensus, la dynamique
de recherche s’est petit à petit recentrée sur une question
en lien direct avec la pratique clinique : "Pourquoi et
comment une psychothérapie marche-t-elle ?" Ainsi,
Le Dr Jérôme Palazzolo
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Post Scriptum
tendance paranoïaque d’un patient vis-à-vis son entourage).
Une étude récente d’envergure internationale et portant sur
des patients souffrant de psychoses a révélé que dans 70%
des cas, les patients psychotiques utilisaient la religion de
manière positive pour faire face à leurs difficultés, 15%
l’utilisaient de manière négative, et 15% ne l’utilisaient pas
– par absence de croyances.
En parallèle de ce rôle de
coping
, la religion peut aussi offrir
à certains patients un modèle explicatif vis-à-vis leur
maladie. Ainsi, la religion peut être à la fois une manière de
faire face et une manière de donner du sens à un
événement.
Le Dr Huguelet plaide donc l’intérêt d’une évaluation
spirituelle des patients en thérapie. Par l’intermédiaire de
situations cliniques communes, le Dr Huguelet a présenté
comment un thérapeute peut choisir d’adapter son
interaction avec le patient. Le dialogue peut être un déni de
religiosité – un mur s’érige alors, mettant de côté tout une
dimension du vécu du patient. Le thérapeute peut au
contraire se centraliser complètement sur l’aspect religieux.
Mais dans ces conditions peut-il exercer son le
correctement ? Enfin, la situation qui semble plus adaptée
pour une interaction productive, quelle que soit la distance
de croyance entre le patient et le thérapeute, est une
approche intégrée. Il s’agit pour le thérapeute de prendre en
compte le problème du patient dans une dimension
existentialiste mettant en évidence par exemple aux yeux
du patient le désaccord qui side entre son besoin de
liberet son engagement religieux. L’approche intégrée,
souligne le Dr Huguelet, permet un débat plus riche, ou qui
répond à une logique de psychothérapie de soutien, de
psychologie humaniste.
L E S E C H O S D U C P N L F. . . L E S E C H O S D U C P N L F. . .
La psychothérapie de soutien
Laurent Schmitt
La psychothérapie de soutien est la psychothérapie la plus
pratiquée par les professionnels de santé. Elle s’applique souvent à
des cas difficiles et à des situations cliniques aussi différentes que
le deuil, l’anxiété, les maladies graves, la dépression, l’alcoolisme,
la schizophrénie, les troubles de la personnaliou les conséquences
du vieillissement. Quelles demandes orientent vers une
psychothérapie de soutien ? Comment poser le cadre d’une
psychothérapie de soutien ? Comment la faire évoluer en fonction
des difficultés rencontrées ? Cet ouvrage pond à ces questions
en expliquant les fondements théoriques de la psychothérapie de
soutien et en présentant les outils, les stratégies et les contextes
dans lesquels elle s’exerce. Des indications sur le contenu et le
nombre des séances sont également proposées.
Ouvrage rédigé par des cliniciens de terrain dans ce domaine, il offre
une aide originale aux psychothérapeutes et professionnels de
santé engagés dans une relation de soutien.
Le Dr Philippe Huguelet
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