Dépistage préopératoire indications, méthode, décontamination Docteur Joseph HAJJAR Service d’hygiène et d’épidémiologie Question 1 En préopératoire, quels dépistages systématiques et quelles stratégies préventives appliquer pour réduire le risque infectieux ? 1.1 Dépistage et stratégies préventives préopératoires des infections bactériennes 1.1.1 Staphylococcus aureus (SA) Portage de S. aureus • Fosses nasales antérieures (site préférentiel) – Permanent 20% (10 – 30) – Intermittent 30% (15 – 70) • Cutané – Relation avec portage nasal auquel il succède • Tube digestif – Isolé sans portage nasal nécessaire Portage de SARM • Réanimation : 3 à 15% • Hors réanimation : 2% (ambulatoire) à 5% (hospitalisation) Relation portage - ISO • Démontrée depuis longtemps – Souches isolées similaires (nez – ISO) • Risque ISO à SA de 2 à 10 > chez les porteurs (chirurgie cardiaque ou orthopédique) • Tenir en compte des patients non porteurs à l’admission, détectés porteurs après l’acte – Transmission croisée per ou postopératoire – Non détection / réalisation de écouvillonnage, technique laboratoire, niveau de portage Facteurs de risque • Facteurs indépendants en chirurgie – Obésité – Sexe masculin – Pathologie cardiovasculaire • Race blanche, maladie sous-jacente (diabète, dialyse, SIDA), lésions cutanées chroniques, hospitalisation, portage familial, activités collectives,… Recommandations Il n’est pas recommandé de faire un dépistage systématique à la recherche d’un portage nasal de Staphylococcus aureus sensible à la méticilline (SAMS) en vue de son éradication préopératoire, quel que soit le type de chirurgie. E-2 Lorsque le taux d’ISO à staphylocoque doré, notamment en chirurgie orthopédique prothétique et chirurgie cardiaque de classe I, reste anormalement élevé (supérieur à 2%) après avoir remis en œuvre et/ou s’être assuré de l’application des mesures habituelles de prévention des ISO, il est recommandé de réaliser un dépistage nasal des soignants et un dépistage nasal préopératoire des patients. Dans cette situation, un traitement par la mupirocine est recommandé. B-2 Recommandations Le dépistage nasal du SARM est recommandé chez les patients devant bénéficier d’une chirurgie cardiaque ou orthopédique programmée, et venant de réanimation, de moyen ou long séjour ou en cas de lésions cutanées chroniques. B-2 Il n’est pas recommandé d’utiliser la mupirocine de manière systématique pour prévenir la survenue d’ISO chez les porteurs de SARM. D-2 Préparation cutanée de l’opéré l’incontournable, le discutable, les perspectives Docteur Joseph HAJJAR Service d’hygiène et d’épidémiologie Centre hospitalier de Valence Portage nasal de S. aureus et conduite à tenir Quoi de neuf en 2007 Revue et méta-analyse de Kallen et al. en 2005 • 3 essais randomisés contrôlés et 4 essais avant-après (non randomisés) – – – – au moins une dose préopératoire de mupirocine définitions standardisées et suivi à 28 jours des ISO chirurgie digestive, gynécologique, orthopédie et cardio-thoracique 11 088 patients • groupes traités et contrôles comparables (essais randomisés) • différences entre groupes (essais avant / après) : groupe muporicine plus jeune ou plus âgé, nombre élevé de patients colonisés par S. aureus dans le groupe contrôle Revue et méta-analyse de Kallen et al. en 2005 – en chirurgie générale, pas de réduction des taux d’ISO • 8,4% (M) vs 8,1% (C) ; RR = 1,04 (IC95% : 0,81 – 1,33) – en orthopédie et cardio-thoracique, réduction des taux d’ISO lors de l’utilisation de mupirocine • essais randomisés : 6,0% (M) versus 7,6% (C), RR = 0,80 (IC95% : 0,58 – 1,1) • essais avant-après : 1,7% (M) versus 4,1% (C), RR = 0,40 (IC95% : 0,29 – 0,56) • pas de résistance de S. aureus à la mupirocine et une seule étude rapporte des effets secondaires (rhinorrhée et prurit - 4,8% dans chaque groupe) • Conclusion des auteurs – application de mupirocine intra-nasale en périopératoire associée à une réduction de l’incidence des ISO en chirurgie orthopédique et cardio-thoracique – arguments supplémentaires pour son utilisation en chirurgie propre quand le risque d’ISO à S. aureus élevé : coût et risque faible Essai randomisé de Konvalinka et al. en 2006 • 257 patients de chirurgie programmée à cœur ouvert – – – – porteurs de S. aureus (dépistage nasal 2 semaines avant chirurgie) 2 fois/j (semaine préopératoire) : mupirocine ou placebo portage nasal en postopératoire éradiqué : 81,5% (M) et 46,5% (C) pas de différence significative entre les taux d’ISO à S. aureus : 3,8% (M) et 3,2% (C) • 2 infections associées à des bactériémies et ayant conduit soit à une complication sérieuse, soit au décès (C) – biais dont pourcentage élevé d’éradication du portage nasal dans le groupe placebo (vente libre de mupirocine au Canada) • Conclusion des auteurs – réduction des ISO à S. aureus par l’administration nasale préventive de mupirocine non démontrée en chirurgie cardiaque Comparaison historique de Nicholson et al. en 2006 • Chirurgie cardiaque – Avril 2003 – septembre 2004 (1077 patients) • prélèvement nasal + mupirocine avant entrée en salle d’opération de tout opéré (puis 2 fois/j pendant 14 jours sauf si culture négative) – Janvier 2002 – avril 2003 (954 patients) • période sans mupirocine • Résultats – portage nasal = 21 % des patients et réduction des taux d’ISO • 33% entre la première période (18/954) et la seconde (12/1077) • surtout réduction de 75% des taux d’ISO à S. aureus : 16/954 (1,68%) versus 4/1077 (0,37%) • Conclusions des auteurs – Impact sur les taux d’ISO à S. aureus en chirurgie cardiaque de l’identification et l’administration nasale préventive de mupirocine Le discutable ou l’incontournable à terme ? • En chirurgie prothétique, orthopédique et cardio-thoracique – Dépister en préopératoire le portage nasal de S. aureus – Traiter par la mupirocine Si je devais me faire opérer… • Et si une prothèse devait m’être implantée… – après avoir choisi une équipe opératoire qualifiée – je souhaiterai dans l’état actuel des connaissances (2007) • un dépistage nasal préopératoire d’un portage de S. aureus et le cas échéant l’utilisation de mupirocine • et s’il s’agit d’un SARM, une antibioprophylaxie adaptée Quoi de neuf en 2012 ? Décontamination par la mupirocine • Premières études non favorables − Pas d'impact sur les taux d'ISO (chirurgie générale, cardiaque, neurologique), mais... • • • • Patients non à haut risque Taux d'ISO à SA endogène 5 fois plus faible (0,3 vs 1,7) Taux d'éradication du portage +++ Patients dépistés pas tous traités « complètement » ni avec autre décontamination associée • SASM − Hétérogénéité méthodologique (schémas de décontamination, techniques de dépistage, …) Décontamination par la mupirocine • Etudes récentes favorables (SAMS) Commentaires • Essai randomisé multicentrique en double insu (patients à haut risque en chirurgie propre) • Dépistage rapide par PCR à l’entrée − Toutes les souches étudiées = SASM • Décontamination par mupirocine si SA+ associée à douche à la chlorhexidine − Pendant 5 jours, puis S3 et S6 si patient encore hospitalisé • Irritation locale et cutanée Décontamination par la mupirocine • Etudes récentes (SARM) - 21 754 patients / 8 services de chirurgie - Intervention vs control en cross-over - Dépistage rapide de SARM - Décontamination nasale mupirocine + douche chlorhexidine + PCH-C + ATP / vanco chez les SARM+ Pas de différence entre les 2 groupes : -Taux d’IN à SARM / 1 000 JH -Taux d’ISO / 100 interventions -Taux d’acquisition de SARM / 1 000 JH Décontamination par la mupirocine • Etudes récentes (SARM) - Méta-analyse de 5 essais - Taux d’ISO à SARM < dans le groupe intervention - Pas de différence significative Décontamination par la mupirocine • Etudes récentes favorables Décontamination par la mupirocine • Etudes récentes favorables Constats • SA = facteur de risque connu pour chirurgie classe I (cardiovasculaire, orthopédie) • Décontamination péri opératoire = efficacité démontrée • Bénéfice = individuel, surtout en chirurgie cardiaque et pour SAMS, moindre pour l’orthopédie De très nombreuses questions • Moment du dépistage ? − Admission, domicile − Technique de dépistage − Site (nasal, autre) • Modalités de décontamination ? − Systématique, ciblée, avec ou sans dépistage − Produit (mupirocine ou autre produit) : nombre de doses, durée, répétition à distance de l’acte, − Association : douche antiseptique, décontamination oro-pharyngée, − Impact écologique • SARM, autre microorganisme ? Rendez-vous pour les premières réponses