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COLLOQUES 2015-2016 - CHANGEMENT CLIMATIQUE
Présentation d'Associations régionales
concernées par le Changement Climatique
Un train pour le climat,
par Christophe Cassou
Alternatiba,
par Julien Herreros
Les Petits Débrouillards,
par Pascal Desjours
Partageons les Jardins - Toulouse en Transition
, par Benjamin Toullec
Avenir Climatique,
par Thomas Bouichet
Café Bricol’, par
Philippe Martorell
Framacold,
par Franck Krier
Eco-Industrie Locale,
par Hubert Cros
Solagro,
par Christian Couturier
GREP MP,
par Hélène Cabanes
Un train pour le climat
par Christophe Cassou
Je vais vous demander un petit exercice d’imagination: vous imaginez 150m² d’expo-
sition, vous imaginez 40 chercheurs, vous mettez tout ça dans un train, vous parcourez
8000km en trois semaines avec une équipe technique assez formidable et vous avez à
peu près la dénition du
train pour le climat
qui a circulé dans toute la France, s’est
arrêté dans 19 villes, de grandes métropoles mais aussi des villes de taille moyenne.
C’est donc une exposition itinérante qui a été imaginée par trois chercheurs - trois cher-
cheurs toulousains, je tiens ici à le souligner - avec une médiatrice scientique qui a été
absolument essentielle pour calmer le milieu des chercheurs, réunir toute la recherche
pour le climat dans toute sa diversité, de la recherche fondamentale à la recherche très
appliquée, dans un train de trois wagons qui a accueilli nombre de visiteurs. Car au
nal, ce sont 23000 visiteurs qui ont parcouru ce train, dont 3000 scolaires et 1500
élus. Notre but était de toucher vraiment ces deux dernières catégories. Les élus parce
qu’on sentait bien, qu’en politique, c’était un peu compliqué, et les scolaires, parce qu’ils
représentent l’avenir.
Le but de ce train était d’aller au-devant du public, partout en France. La communauté
des chercheurs s’est mobilisée parce que nous avions l’impression qu’il se passait beau-
coup de choses à Paris et que peu de chose se faisait en province, en particulier dans
les villes moyennes. C’est pour cela que nous avons décidé de monter une exposition
itinérante et de porter cet
Objet exposition
, ce train du climat, dans toute la France.
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COP21, CLIMAT ET DÉVELOPPEMENT ÉQUITABLE - ASSOCIATIONS RÉGIONALES
Ce sont donc trois fous passionnés qui se sont lancés dans cette aventure, avec une mé-
diatrice scientique et trois autres personnes - un spécialiste vidéo et deux spécialistes
de l’événementiel - qui ont monté ce projet en commençant par envoyer un dossier au
comité de la COP21, qui l’a labellisé, et c’est devenu au nal ce que je vous demandais
tout à l’heure d’imaginer. C’est devenu aussi un élément de l’opération nationale de la
Fête de la science
, ce qui nous a permis de bénécier d’un soutien très fort du ministère
de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et, évidem-
ment, de la SNCF. Grâce à cette aide, nous avons pu, à chaque étape du train, monter
un
Village du climat
où les associations étaient présentes et exposaient ce qu’elles fai-
saient au niveau local.
Ce train a été un véritable succès. Maintenant que l’opération est terminée, on com-
mence a avoir des retours et ils sont tous extrêmement positifs. le contact direct entre
le chercheur et le public fut l’aspect très important du succès de ce train. On était dans
une démarche complètement inverse de la démarche habituelle qui consiste à dire: je
suis sollicité pour vous présenter mes recherches. On a construit cette exposition dans
cette démarche, puisque c’est le chercheur qui va au contact du public, ce qui est très
inhabituel et trouble le public. Au début on se présentait: «Je suis chercheur au CNRS,
à l’Ifremer, à Météo France…» et le public était vraiment très surpris d’avoir, en face
de lui, un chercheur qui se déplace car ça cassait l’image du chercheur enfermé dans
son laboratoire et complètement autiste. Cette image-là était rompue et cela pertur-
bait le public mais aussi les élus. Pendant une heure, les élus circulaient dans le train
et étaient très perturbés par le fait d’avoir un contact direct avec ce chercheur. En fait,
c’était comme si ils avaient une heure d’intraveineuse de climat. Un train, c’est étroit,
c’est très conné et, pendant une heure, ils restaient là et on les prenait par la main, du
premier jusqu’au troisième wagon, et on leur racontait l’histoire du climat: comment
marche la recherche, comment elle fonctionne, à quoi on peut s’attendre, quels sont les
impacts si on ne fait rien. On leur montrait le scénario du laisser-faire, qu’on présentait
comme une forme d’assurance. En fait, il s’agissait de présenter le pire pour aider à s’en
prémunir, pour éviter que cela n’arrive. On présentait aussi le fait qu’il y a des solutions,
pour donner un peu d’optimisme car, quand on arrivait au moment où on présentait les
impacts, ils étaient quand même assez déprimés.
Il fallait leur remonter un peu le moral en leur disant: «Voilà, ça, c’est ce qu’on ne veut
pas voir advenir mais, en revanche, il y a des solutions». Nous avions construit ce qu’on
a appelé la voiture des solutions, un espace dédié aux discussions avec les gens, pour leur
redonner la parole et pour qu’ils soient de nouveau acteurs.
C’est vraiment ce qui a fait le succès de ce train. Quelqu’un nous a dit que ce train était un
accélérateur de connaissances et de conscience, qu'on peut, peut-être, le résumer comme
cela. C’est un endroit où 23000 personnes sont passées qui, en une heure, se sont fami-
liarisées avec les sciences du climat, des sciences dures, mais ont aussi pris conscience du
fait que les climatologues, le signal des climatologues, le message des climatologues étaient
sérieux et que, d’autre part, les climatologues étaient le premier maillon de la chaîne de
décision et avaient un devoir d’objectivité et d’impartialité. Ils ont rencontré tout ça dans
le train et je pense que c’est ce qui a fait, vraiment, le succès de l’opération.
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COLLOQUES 2015-2016 - CHANGEMENT CLIMATIQUE
Alternatiba
par Julien Herreros
Avant de vous parler d’Alternatiba Toulouse, je vais rappeler rapidement l’origine de ce
mouvement. Suite aux échecs des différentes COP, des membres de l’association basque
Bizi ont eu l’idée de créer un événement autour des alternatives pour lutter contre le
changement climatique. Ils ont donc organisé le premier
Village des alternatives
en oc-
tobre2013, à Bayonne.
A la n de ce premier Alternatiba, qui a connu un franc succès - puisque près de
12000 personnes y ont participé - Madame Christiane Hessel, marraine de l’événe-
ment, a lancé un appel à organiser, partout en France et en Europe, 10, 100, 1000
Alternatiba. A ce jour, une centaine de villes de France ou des pays limitrophes ont
répondu à cet appel, et plus de 600000 personnes ont participé à ces forums. L’objec-
tif d’Alternatiba est de montrer à un très large public toutes les solutions concrètes,
les alternatives au changement climatique et à ses conséquences sociales: injustices
et appauvrissement.
A Toulouse, ce sont quelques militants impliqués dans des associations écologistes qui
ont relevé ce dé, considérant que la métropole toulousaine, ayant un fort potentiel,
pouvait et devait être un exemple dans ce domaine. Dès le mois de mars2014, ils ont
commencé à réunir et à motiver tous les citoyens ou membres d’associations désireux
d’agir dans ce sens et, après 18 mois de travail en équipe, les efforts collectifs ont été
couronnés de succès.
Les 12 et 13septembre 2015, sur les allées Jules Guesde,
Alternatiba Toulouse
rece-
vait 35000 visiteurs curieux, intéressés, avides d’informations. 14 Villages thématiques
(notamment: Climat, Énergie, Eau, Transports, Agriculture et Alimentation, Habitat et
Construction, Santé…), animés par plus de 220 associations et 400 bénévoles, ont pré-
senté 70 ateliers, 50 conférences ou débats, et des expositions. Un côté ludique, avec des
concerts, des animations, des jeux et une restauration de qualité, contribuait à donner
un caractère festif et bon enfant à cet événement.
Au niveau du fonctionnement,
Alternatiba Toulouse
est un collectif ouvert à tous les
citoyens. Les décisions étant prises au consensus en assemblée plénière, le système de
gouvernance est donc horizontal. Chacun peut s’exprimer, apporter ses idées et compte
pour une voix. Des groupes de travail se sont constitués avec d’une part, des commis-
sions dédiées (coordination, budget, communication, régie…), mais aussi des villages
thématiques dont je vous ai déjà par. Les référents de chaque groupe proposent le
résultat de leur travail lors des plénières mensuelles, et tous les participants peuvent
alors en discuter. Les problèmes administratifs et juridiques nous ont incités à créer une
Association de Gestion d’
Alternatiba Toulouse
, qui compte à ce jour 24 membres mais
est ouverte à tous.
Le nancement, en amont de l’événement, a pu se faire grâce à des dons, quelques sub-
ventions et une campagne de nancement participatif. Les recettes des buvettes nous
ont ensuite permis d’équilibrer le budget. Je laisse la parole à François Poux, qui va vous
parler de ce qu'
Alternatiba
a préparé pendant la COP21, et de ce que nous envisageons
de faire après.
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COP21, CLIMAT ET DÉVELOPPEMENT ÉQUITABLE - ASSOCIATIONS RÉGIONALES
François Poux - La spécicité d’
Alternatiba Toulouse
est d’avoir réussi à fédérer 230
associations toulousaines, ce qui n’est pas si fréquent sur un événement de cette impor-
tance et qui a fonctionné. L’organisation en villages thématiques a permis d’aborder
toutes les composantes d’un problème qui est complexe.
Comme vous l’a dit Julien,
Alternatiba Toulouse
est un collectif avec un mode de déci-
sion horizontal. Il n’y a pas de président, pas de bureau, pas de CA et ce n’est pas simple
à faire fonctionner. Nous sommes ce soir dans un hémicycle où ces modes de décision
ne sont pas appliqués mais nous avons réussi, par ces méthodes, à enrichir les décisions
prises au consensus, ce qui n’est pas toujours facile quand on est 80 en plénière. Pen-
dant et après la COP21,
Alternatiba
continue. Beaucoup de citoyens qui n’étaient pas
des militants associatifs se sont impliqués, des jeunes en particulier, ils existent, on les a
rencontrés. Et ils souhaitent poursuivre l’aventure des événements à venir.
Alternatiba
est membre de la
Coalition Climat 21
, coalition de la société civile qui fé-
dère, au plan national, 130 associations, ONG, syndicats, etc. et organise des événe-
ments à Paris pendant la COP21, notamment une grande marche pour le climat, le
29novembre 2015. Nous marcherons aussi à Toulouse ce jour-là.
Alternatiba
organise, d’autre part, le
Village Mondial des Alternatives
à Montreuil (93),
les 5 et 6décembre 2015, avec la participation de tous les
Alternatiba
qui ont eu lieu à ce
jour et notamment 10 alternatives présentées par
Alternatiba Toulouse.
Il y aura aussi une mobilisation massive le 12/12 à 12h12 après la n de la COP21.
Les Petits Débrouillards
par Pascal Desjours
Pour dénir très rapidement
Les Petits Débrouillards
, je dirais que c’est une association
de culture scientique et technique, d’éducation populaire, qui se revendique de plu-
sieurs mouvements, en particulier des rapports entre science et société. Nous agissons
aussi dans le cadre de l’éducation à l’environnement et au développement durable que
nous appelons-nous, depuis 4 ans, éducation à la transition écologique et sociale.
L’histoire de l’éducation à l’environnement a commencé avec la volonté de connaître la
nature puis, dans les années 60, de la protéger et ensuite, dans les années 70, connaître
et protéger la nature (avec les clubs CPN du magazine
La Hulotte
mais aussi beaucoup
d’autres mouvements). L’éducation - je parle de l’éducation non formelle mais aussi de
l’éducation formelle - s’est emparée de l’éducation à la nature. C’est comme ça qu’on
pouvait l’appeler à l’époque.
Par la suite il y a eu aussi l’éducation à l’environnement car, d’un seul coup, on a
réalisé que la nature était quelque chose qui n’était pas forcément près de chez nous,
en particulier quand on habite en ville, même s’il y a un environnement urbain avec
de la nature en ville. Dans les années 80, on a commencé à intégrer l’être humain
dans son environnement et à le prendre en compte. Par la suite - effet de mode - c’est
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COLLOQUES 2015-2016 - CHANGEMENT CLIMATIQUE
devenu l’éducation à l’environnement et au développement durable, dans les années
90, jusqu‘à aujourd’hui. Ce soir, le titre de ce colloque parle de développement équi-
table, ce qui est bien préférable, encore faudrait-il bien dénir ce que l’on entend par
développement.
Dans le cadre de l’éducation, le développement durable, c’est beaucoup, beaucoup les
éco-gestes, beaucoup aussi la biodiversité et un peu la santé mais ça ne va pas beau-
coup plus loin. Aujourd’hui, à l’association Les Petits Débrouillards, avec des parte-
naires, des collectifs, nous préconisons de travailler sur l’impact écologique - climatique
si on veut faire mode aussi en ce moment - mais aussi social. On doit faire des choix.
Fermer le robinet quand on se lave les dents, cela a un impact qu’on ne voit pas. Ce
qu’il faut, quand on fait des choix, c’est de voir le résultat et de savoir quels impacts
ils vont avoir sur la nature et sur le réchauffement climatique, mais aussi d’un point
de vue social voire international. Là, intervient aussi l’aspect solidarité internationale
- donc l’éducation à la solidarité internationale - qui appelle la connaissance de ce qui
se passe ailleurs.
On dit habituellement «Agir local, penser global», mais cette formule correspond peut-
être au domaine de la consommation. Moi je parle de l’éducation du point de vue de la
nature au niveau de la planète. Maintenant, l’être humain doit aussi être pris en compte,
ce qui veut dire qu’on préconise aussi une éducation à la complexité, aux interdépen-
dances. Si on veut prendre un exemple juste local, prenons celui des circuits courts.
Il y a plein de bonnes raisons pour favoriser les circuits courts mais on peut aussi se
demander, tout bêtement, en particulier quand on intervient devant des enfants dans les
écoles, ce que va faire la caissière ou le caissier du supermarché si tout le monde utilise
les circuits courts.
La réponse serait: cultiver son jardin. Mais tout le monde n’a pas de jardin. Nous au-
rons tout à l’heure une autre réponse: cultiver son toit. Mais tout le monde n’a pas non
plus de toit, c’est donc une chose dont il faut aussi tenir compte quand on fait des choix.
Je ne vous ai pas dit auprès de quel public on agissait. Ce sont souvent des enfants, des
jeunes un peu plus âgés aussi et parfois des adultes mais sur un autre plan.
Pour terminer je vais vous donner un exemple récent. On travaillait sur la COP21 avec
des élèves de 3e d’un collège de Tournefeuille. Nous avions parlé du réchauffement cli-
matique et de ses causes, et ils avaient réagi, tout un tas de choses étaient sorties, tous
étaient très au courant. Quand on a commencé ensuite à faire la liste de ce qu’il fallait
faire, de ce qu’il fallait décider pour contrecarrer ce réchauffement climatique, il y avait
entre autre: manger moins de viande. Aussitôt ils m’ont dit (ils avaient reconnu mon
accent): «Mais Monsieur, on est dans le sud-ouest ici». Ce qui veut dire qu’il y a encore
du boulot. C’était une réponse très collective et même si ce n’est pas pareil dans toutes
les classes, c’est quand même une tendance assez générale. Il y a vraiment beaucoup de
boulot autre que de dire: «Il faut faire attention au climat et éteindre la lumière quand
je sors d’une pièce».
Juste une dernière chose sur l’éducation à la transition écologique et sociale. Derrière le
mot social, il y a des hommes et des femmes et ce serait bien que dans les colloques, il
n’y ait pas essentiellement que des hommes.
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