10èmes  entretiens Science et Ethique ou le devoir de parole « La biodiversité du littoral » 
Session 1 : La biodiversité des habitats littoraux : histoire et évolution – 13 octobre 2006 
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grouille de vie et d’espèces. Il y a des éponges, des vers, des mollusques, … Dans un sable 
dunaire,  rien  n’est  apparent.  Est-ce  qu’il  faut  hiérarchiser  ces  habitats ?  En  terme  de 
fonctionnement, naturellement  Michel  Glémarec  et moi-même  nous  sommes  intéressés au 
banc  de  maërl  –  parce  que,  c’est  ce  que  disait  Laurent  Chauvaud  tout  à  l’heure,  il  y  a 
quelque chose d’affectif, on voit que c’est riche, on est plutôt attiré par le nombre d’espèces, 
par  les  couleurs.  On  a  réussi  à  montrer  que  les  bancs  de  maërl  pouvaient  avoir  un  rôle 
important, en particulier dans les écosystèmes côtiers comme la Rade de Brest. Mais si on 
s’était intéressé aux sables dunaires, on ne sait pas ce qu’on aurait trouvé. Il faut peut-être 
faire attention à ce côté affectif et ne pas toujours aller dans cette direction. 
 
Abordons un autre côté affectif, l’impact des marées noires sur la biodiversité. Sur les photos 
de  Belle-Île  après  l’Erika,  on  voit  le  pétrole  à  la  côte,  c’est  dramatique,  on  s’interroge 
« qu’est-ce qu’il va se passer ? la biodiversité va vraiment être « bousillée » par tout ça ». Au 
cours  d’une  étude  réalisée  avec  la  SEPNB  de  Vannes  et  un  bureau  d’études,  on  s’est 
intéressé  à  une  vingtaine  de  stations  dans  le  Morbihan,  principalement  sur  les  îles  du 
Morbihan.  On  a  fait  des  cartes  des  habitats,  réalisé  des  échantillonnages,  inventorié  la 
macrofaune sur tout l’estran, sur toutes les îles et essayé de voir s’il y avait une différence 
entre les sites impactés, qui sont en rouge, et les sites non impactés, ici en jaune. Y avait-il 
une différence de biodiversité en terme de nombre d’espèces ? Ce que montre notre étude, 
c’est qu’à l’échelle du Morbihan, il n’y a pas eu d’impact de la marée noire sur la biodiversité. 
En examinant la courbe d’accumulation des espèces en fonction du nombre d’échantillons, 
ceux-ci sont environ 450, il n’y a pas de différences entre les deux types de milieux, impacté 
ou non. L’Erika n’a donc pas eu d’impact sur la biodiversité. Par contre, si on examine ce qui 
se  passe  au  niveau  des  pollutions  chroniques  –  on  utilise  ici  un  indice  qui  représente  la 
diversité :  à  la  fois  le  nombre  d’espèces  total  identifiés  sur  les  stations  étudiées  mais 
également  le  nombre  d’espèces  rares  présentes  et  le  nombre  d’espèces  qu’on  pourrait 
appeler « patrimoniales ». Cet indice varie de 12 à 0 et il y a une différence entre les milieux 
insulaires  vraiment  séparés  du  continent  et  ceux  du  continent.  A  la  sortie  du  Golfe  du 
Morbihan, les indices sont beaucoup plus faibles et c’est une pollution chronique qui dégrade 
les  écosystèmes  littoraux  plutôt  que  les  pollutions  accidentelles.  Les  écosystèmes  côtiers 
sont sous l’influence d’agressions multiples, l’eutrophisation bien sûr aujourd’hui, mais il y a 
énormément d’autres types d’agression : la pêche, le climat, les espèces invasives – Laurent 
Chauvaud  en  a  parlé  tout  à  l’heure  –  les  aménagements,  l’aquaculture,  la  pollution 
chronique.  
Des naturalistes venus en Rade de Brest au cours du XIXème siècle, ont identifié quelques 
espèces  dont  certaines  étaient  rares  dans  certains  milieux.  Avec  la  bibliographie,  en 
retournant sur les mêmes sites, on retrouve toujours les mêmes espèces rares. Ce sont des 
mollusques,  des  tellines,  des  vers  ou  des  crabes  qui  aujourd’hui,  sont  encore  présents. 
Donc,  la  biodiversité  est  résiliente  dans  la  mesure  où  les  habitats  sont  toujours  présents. 
L’exemple d’
Atrina fragilis
 est assez caractéristique : je pense que la dernière fois qu’on l’a 
identifiée vivante en Rade de Brest, nous l’avons trouvée, Laurent et moi, empalée sur une 
drague  de coquille  Saint-Jacques. C’est  la seule espèce de  mollusques  qui disparaît sous 
l’effet  destructeur  des  dragues  en  Rade.  Quand  les  habitats  ont  disparu,  les  espèces  ont 
disparu.  Le  lien  est  donc  extrêmement  fort  entre  habitat  et  biodiversité.  On  peut  parler 
également de la nucelle, disparue de l’écosystème  Rade de Brest  du fait du TBT (tributyl-
etain) au cours des années 90, elle est en train de revenir aujourd’hui, mais sous une forme 
résistante au TBT. 
 
Il  y  a  aussi  un  risque  majeur  pour  la  biodiversité :  la  fragmentation  de  l’habitat.  Lucien 
Laubier  a  parlé  tout à  l’heure  des  activités  de  l’Homme.  Il  y  a  les  activités  de  loisirs,c’est 
l’exemple de quelqu’un qui pêche dans un herbier de zostères. D’autres activités modifient 
l’habitat, c’est l’exemple du passage d’une drague à coquille Saint-Jacques sur un banc de 
maërl. C’est le cas des espèces invasives comme la crépidule, introduite en Rade de Brest