118 Les nouveaux paradigmes delamédecine personnalisée oumédecine de précision
Le 14avril 2003, après treize ans de recherches intensives, la mobilisation de
plusieurs milliers de chercheurs et un budget global estimé à 3milliards de dol-
lars, le projet génome humain atteint son objectif principal: établir le séquen-
çage complet du génome humain. Aujourd’hui, l’opération ne prend que quelques
heures, ne mobilise qu’un technicien et ne coûte que quelques milliers de dol-
lars, et il est plus que probable que les prix continueront encore à chuter dans
les années à venir. Par définition, le séquençage de l’ADN équivaut à déterminer
la séquence en nucléotides d’un fragment d’ADN donné jusqu’au génome entier
d’un individu appelé aussi « Whole Genome Sequencing » (WGS), à la différence
du génotypage appelé aussi « Genome Wide Association » (GWA) ou étude d’as-
sociation pangénomique qui recherche chez plusieurs individus des variants géné-
tiques polymorphes en commun d’un SNP (Single Nucleotide Polymorphism) ou
plusieurs nucléotides (CNV, Copie Number Variation, Microsatellites) potentiel-
lement associés à des « gènes délétères », c’est- à- dire des gènes dont certains de
leurs allèles associés à ces marqueurs peuvent être à l’origine de pathologies graves
chez l’homme. Ces deux approches ayant un même objectif, celui d’améliorer nos
connaissances sur les causes génétiques de certaines maladies, mais offrant des
résultats qualitativement et quantitativement significativement différents pour un
coût qui ne fait que se rapprocher financièrement, favorisent les études de WGS
dans les laboratoires.
Depuis 2006, les États- Unis ont vu se développer sur leur territoire des
sociétés privées comme « 23andMe » pratiquant majoritairement des études
de GWA et non de WGS afin de proposer directement aux consommateurs
une offre de génomique dite « personnalisée », financièrement très abordable et
facile d’accès grâce à Internet, susceptible de fournir des facteurs de risques géné-
tiques dans le cas de maladies comme le cancer. Mais, en raison de l’absence
de cadre formel préexistant, cette offre s’est avérée très problématique pour le
consommateur car ces informations, relatives à son état de santé, étaient direc-
tement accessibles via Internet, sans accompagnement par un professionnel de
santé et au final globalement peu informatives sur son état de santé présent
ou futur en raison de l’approche du GWA qui peu à peu a montré ses limites
dans un cadre d’application à une médecine prédictive généraliste. Ainsi, le
22novembre 2013, 23andMe s’est vu interdire par la Food and Drug Adminis-
tration (FDA) la commercialisation de leur kit permettant l’analyse de données
génétiques liées à la santé. Cette décision de la FDA laisse ouverte la question
du moyen et du but de l’utilisation de ces techniques dans le domaine de la
santé, notamment dans le champ du cancer: quels avantages concrets ont tiré
les utilisateurs de ce service de dépistage génétique rétrospectif « à la carte »?
Pour quelles raisons ces pratiques ont- elles été et continuent à être interdites
en France ? Enfin, si les techniques de GWA ont montré leurs limites dans le
domaine de la santé via ces sociétés privées, est- ce qu’une utilisation médicale
en routine des techniques de WGS, bien plus informatives, est envisageable en
France ? Et si oui, de quelle façon ?