Que penser de la paille de colza pour nourrir les animaux ? La paille de colza favorise la rumination mais son intérêt alimentaire reste limité. La paille de colza est plus riche en parois que les pailles de céréales (teneur en lignine et cellulose brute plus élevée), ce qui lui confère un fort pouvoir grattant dans le rumen. Elle favorise la rumination dans le cas d’une ration riche en éléments fermentescibles type ration vaches laitières ou animaux à l’engrais. Mais sa richesse en parois induit une valeur énergétique bien en dessous de celle des pailles de céréales, tandis que sa valeur protéique est à peine du même niveau. Ci-dessous les valeurs comparées de différentes pailles (sources : INRA et Institut de l’Elevage). Paille de colza UFL (/kg MS) (1) 0.25 PDIN (g/ kg MS) (2) 20 PDIE (g/kg MS) (3) 40 0.42 0.44 0.50 0.53 22 24 20 42 44 46 48 60 (données rares, valeur estimée) Paille de blé Paille d’orge Paille d’avoine Paille de pois Compte tenu de ses valeurs et de sa faible appétence, la paille de colza est loin d’être valorisée dans la panse au même titre qu’une paille de céréale ou de protéagineux. Autrement dit, elle n’est pas la ressource la mieux adaptée pour faire face à un profond déficit fourrager. Elle ne présente pas réellement d’intérêt sur des rations vaches ou brebis allaitantes à faible risque acidogène. Au delà de 10-15 % de la ration totale, son encombrement pourrait même perturber le transit. En revanche, elle peut être incorporée à hauteur de 0.5 à 1 kg maximum dans la ration d’une vache laitière pour apporter de la fibre, à condition qu’elle soit bien conservée et bien mélangée (cf. ci-dessous). Introduisez-là progressivement dans la ration afin de trouver l’équilibre optimum. Une valorisation possible en litière. Compte tenu de son faible potentiel fourrager, la paille de colza peut être utilisée en litière pour économiser de la paille de céréale, mieux adaptée à l’alimentation. Toutefois, son efficacité pour capter les liquides est moins bonne que celle de la paille de céréale. Ainsi, privilégiez une utilisation en alternance avec de la paille de céréale pour améliorer l’absorption des jus. Par exemple, pour ceux qui curent fréquemment, faites votre première couche de litière, qui représente souvent un volume important, en paille de colza, et ajoutez la paille de céréale pour les couches suivantes. Vous pouvez éventuellement l’utiliser en litière pure sur des animaux moins exigeants (génisses, brebis à l’entretien, …), sachant que pour un même résultat de propreté, il faut une quantité plus importante qu’avec de la paille de céréale. Attention : des précautions incontournables sont à prendre dès la récolte. La qualité de conservation est primordiale. Il faut impérativement que la paille soit très sèche pour éviter le développement de moisissures dans les bottes qui rendraient son utilisation difficile (les vaches trient) voire risquée (présence de toxines). A la récolte, les tiges de colza sont généralement encore vertes. Seule solution : armez-vous de patience ! Il est nécessaire d’attendre plusieurs jours après la moisson, souvent une semaine, avant de presser. La partie intéressante est l’arborescence du colza, la tige étant trop grosse et trop difficile à faire sécher. L’idéal est donc de presser derrière une moissonneuse ancienne génération qui fauche haut (les pailles moins brisées restent sur la chaume et le pick-up les ramasse aisément). Pour être consommés, les brins doivent être d’une longueur maximum de 10 cm (optimum 4 à 8 cm). Si vous ne possédez pas de mélangeuse, mieux vaut pré-hacher la paille au rotocut avant prise en charge par la remorque distributrice. (1) (2) (3) UFL : Unité fourragère laitière PDIN : Protéines digestibles dans l’intestin permis par l’azote PDIE : Protéines digestibles dans l’intestin permis par l’énergie Et les repousses de colza ? Elles présentent davantage d’intérêt sur le plan alimentaire : elles sont plus appétentes et leur valeur est supérieure. Elles se prêtent donc à une exploitation en pâturage, mais attention, en rationné. Comme un choux ou un colza fourrager, les repousses sont à faire pâturer au fil, 2 à 3 heures par jour maximum et associées à une fibre, du fait de leur forte teneur en azote soluble, dont un excédent dans la ration pourrait provoquer des accidents métaboliques. Solution à proscrire sur parcelle drainée : les racines bouchent les drains ! On peut aussi semer 80 à 100 kg d’avoine de printemps ou 10 kg de ray-grass italien alternatif après déchaumage superficiel dans les repousses de colza. Si le semis se fait en juillet, vous obtiendrez un couvert fourrager peu coûteux, pâturable en octobre avant un nouveau semis de céréale d’hiver. Si vous manquez de fourrage, essayez de récupérer un maximum de résidus de récolte. Saisissez toutes les opportunités de mettre la main sur des pailles de pois, de céréales, ou de graminées fourragères porte-graines, qui pourront être valorisées dans les rations en lait comme en viande. Dans tous les cas, n’oubliez pas de prendre les options le plus tôt possible. Par exemple en incorporant sans tarder la paille dans la ration pour éviter de pénaliser les performances animales tout en diluant les besoins de complémentation. Julia CHEMARIN Conseillère Bovin lait Chambre d’Agriculture de Vivonne 05 49 36 33 60