La dénonciation (par les uns) de la présence de signes prétendument religieux dans les espaces
dits "publics", et sa défense à allure de bravade ostentatoire (par les autres), le tout non dénué de
jeux et d'enjeux partisans, installe un climat détestable d'affrontement idéologique en un jour de fête
où tout commanderait au contraire que chacun, croyant ou non, chargé de famille ou non, aille vers
son prochain pour partager la joie de célébrer la Bonne Nouvelle.
La Bonne Nouvelle ? Eh oui, qu'il y a-t-il de plus universel, de plus "laïque", de plus présent en tout
être humain que ce sentiment si naturel, si naïf, si spontané, d'espoir de lendemains meilleurs porté
par une nouvelle naissance ? Attaquer, moquer, dénoncer ce symbole d'innocence, c'est faire
l'éloge de notre cruel monde de fer et de feu ! Pourquoi ne pas profiter de ce que le calendrier nous
offre, au moins un jour dans l'année, pour donner et partager sans arrières-pensées ?
En cette matière, l'économie sociale se devrait d'être exemplaire, car elle puise ses racines les plus
anciennes tant dans le monde catholique (aux multiples sensibilités, souvent antagonistes...) que
dans la nébuleuse laïque et républicaine d'où sont issues tant de postures anticléricales. C'est dans
l'économie sociale que l'apologue de la rose et du réséda devrait naturellement se matérialiser et
s'épanouir au mieux des possibles. Ce n'est pas vraiment ce que j'observe, et je le regrette.
1951 ? C'était hier, et c'était aussi il y a une éternité : les deux perceptions sont également
recevables. C'est en 1951 que, sur le parvis de la cathédrale de Dijon et avec l'accord du chanoine
Kir, un Père Noël fut publiquement brûlé après avoir été dénoncé comme symbole païen et
mercantile, venu de l'étranger pour corrompre la pureté de la commémoration chrétienne de la
Nativité.
Autres temps, autres mœurs. L'argument peut nous sembler obscurantiste, à tout le moins obscur, et
être rapproché d'autres anciennes résistances, bien oubliées, à de multiples évolutions sociales qui
se sont depuis banalisées dans notre quotidien. C'est la version progressiste des choses. Il en est
une autre, que je veux bien laisser qualifier de réactionnaire : sincèrement, avons-nous gagné au
change, en troquant le vieux Saint Nicolas contre le bonhomme rouge et blanc de chez Coca-Cola ?
Certes, cela a poussé l'économie, la consommation. Et de la consommation nous sommes passés à
la sur-consommation. Ce Père Noël a fait de nous des adorateurs égoïstes et lobotomisés du Veau
d'Or. Et je ne vois pas ceci comme un progrès, mais comme une régression.
C'est là que j'attends l'économie sociale. C'est à elle de nous dire qu'il faut consommer pour vivre,
mais non vivre pour consommer. C'est à elle, en toutes circonstances, qu'il revient de dépasser le
dualisme délétère qui met face à face des postures bloquées de défense de traditions figées,
comme celle de l'autodafé de 1951, et le déferlement aliénant de la marchandise sans foi ni loi,
comme hier le père Noël, et aujourd'hui tant d'autres monstres poussés par le vent mauvais.
III
À l'intention de ses proches, de ses connaissances, de ses relations privées ou professionnelles,
chacun s'acquitte avec plus ou moins de conviction ou de sincérité de son devoir de début d'année.
Il ne s'agit alors, au sens strict, que de souhaits. Mais lorsque la diffusion du message de vœux
cesse d'être personnelle, et prend un caractère public voire officiel, les souhaits se donnent peu ou
prou des allures de prévisions, voire de promesses ou d'engagements.
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