E R.
FRANÇOIS-XAVIER CHENET
LA MÉTAPHYSIQUE
DE LA MÉTAPHYSIQUE
Essais et Recherches
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E R.
CHAPITRE PREMIER
LE PROPOS DE LA CRITIQUE DE LA RAISON
PURE
« Je présuppose donc des lecteurs qui ne veuillent pas savoir une
cause juste [gerechte Sache] défendue avec injustice » (A 750 /
B 778 ; R 626)
« … l'inestimable avantage d'en finir à tout jamais sur un mode
socratique […] avec toutes les objections élevées contre la mo-
rale » (B XXXI ; R 85).
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I. La préface de 1781
Les deux préfaces successives de l'œuvre (A : Riga, 1781 ;
B : 1787) et son introduction permettent une vue adéquate de l'in-
tention à laquelle répond la Critique de la raison pure.
Éclipsée par celle qui lui sera substituée en 1787, la brève
préface de 1781 de la Critique n'est pas à délaisser, aucune évolu-
tion intellectuelle de Kant ne venant la frapper de caducité. C'est
du destin particulier de la raison que cette première préface nous
entretient et dans ses mésaventures qu'elle inscrit explicitement le
projet d'une critique de la raison pure.
I. Le singulier destin de la raison
La préface s'ouvre sur la présentation, devenue célèbre, de la
métaphysique comme d'une arène [Kampfplatz]. Le destin parti-
culier [das besondere Schicksal] de la raison dans un des genres [in
einer Gattung] de ses connaissances (la taphysique vs. la con-
naissance mathématique, voir A 712/B 740 sq ; R 603 sq) est en
effet d'être accablée [belästigt] de questions qu'elle ne peut ni écarter
[abweisen] (elles lui sont proposées [aufgegeben] par sa nature
me ; ce sont des questions domestiques : la raison ne les reçoit
pas d'une autre faculté), ni davantage résoudre [beantworten] (elles
dépassent [übersteigen] totalement tout pouvoir de la raison)
jusqu'à présent du moins, c'est-à-dire tant que l'on n'a pas l'idée
d'une critique de la raison pure ou tant que l'on ne se résout pas à
l'effectuer.
« Si Newton avait su pondre avec certitude à la question :
l'âme peut-elle encore esrer une continuation après la mort ? Y a-
t-il un être unique qui gouverne le monde ?, il aurait certainement
renoncé [dafür aufgegeben] à toutes ses inventions, car ces ques-
tions concernent l'intérêt supme de la raison humaine, et sans el-
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les, la raison cesse d'être raison » Métaphysique Volckmann (1784-
85), trad. L. Freuler.
Il ne s'agira donc pas de rejeter les questions métaphysiques ;
l'Aufklärung méconnaît l'ancrage de la métaphysique dans l'esprit
humain, la disposition naturelle de l'homme pour la métaphysique
en en faisant un produit artificiel de la culture. Le monde a-t-il un
commencement ? Y a-t-il quelque chose en nous qui subsiste par
soi-même ?, etc. Nul ne peut écarter ces questions. L'indiffé-
rentisme en métaphysique ne peut être qu'affecté, prétendu
(cf. Prolégomènes, p. 149-150 ; IV, 367). En tant que questions de
la raison, les questions métaphysiques doivent pourtant pouvoir
êtresolues ; la Critique de la raison pure devra, à sa manière,
leur procurer une solution (cf. notamment R 462 sq et R 590 sq).
La raison tombe alors dans un embarras [Verlegenheit] qui
n'est pas sa faute en ce qu'elle ne fait qu'obéir à sa nature même :
dans le cours de l'expérience, elle doit en effet recourir à des prin-
cipes ou « propositions fondamentales » [Grundsätze], lesquels,
quoiqu'ils ne viennent pas de l'expérience elle-même, qu'ils ne lui
soient pas empruntés (comme on le verra), trouvent néanmoins
une garantie suffisante [hinreichend gewährt] dans cette expérience
même. Elle s'élève toujours plus haut vers des conditions plus
éloignées (nous verrons que la raison consiste dans cette exigence
me de l'Incondition). Pour achever cette entreprise, autrement
condame à rester inachevée, la raison se voit forcée [genötigt] de
sefugier [ihre Zuflucht zu nehmen] dans des propositions fon-
damentales qui, quoiqu'ellespassent tout usage possible dans
l'expérience [allen möglichen Erfahrungsgebrauch übersteigend],
semblent malgré tout si insoupçonnables [unverdächtig] que même
le sens commun [die gemeine Menschenvernunft] les approuve.
C'est pour achever la remontée vers des conditions toujours
plus éloignées que la raison met en œuvre des propositions fon-
damentales dépassant tout usage possible dans l'expérience. Elle se
précipite [stürzt] ainsi dans des contradictions [Widersprüche] (allu-
sion à l'Antithétique de la raison pure qui ne concerne en vérité que
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