Etude des variations des traits fonctionnels de trois

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Etude des variations des traits fonctionnels de trois
espèces de ligneux en réponse aux facteurs
environnementaux
(Alpes-de-Haute-Provence - 04)
BERNARD Marie, FOURRIER Camille, LADENT Emilie, POUCHARD Nicolas,
ROMERO Bastien, SCIBEK Pauline, WENDLAND Céline
M1 Master Set parcours SBE
Année 2014 / 2015
Résumé
L’écologie fonctionnelle des communautés vise à comprendre les mécanismes d’assemblage des
communautés, sur base des traits fonctionnels des espèces. La présence des espèces d’une
communauté est influencée par les facteurs environnementaux. Les traits fonctionnels varient selon
les contraintes abiotiques et les interactions biotiques constituant ainsi une réponse à un ou plusieurs
facteurs environnementaux. L'étude a été réalisée dans une lande à genévriers. Elle avait pour but
d'analyser les modifications des traits fonctionnels de trois espèces d’arbustes (Rosa montana, Rosa
pimpinellifolia et Berberis vulgaris) en fonction de l’altitude (de 1623m à 2100m) et de la présence de
genévrier (Juniperus communis et Juniperus sabina). Nous avons décidé de travailler sur la hauteur
végétative ainsi que le nombre de fruits.
Les résultats montrent globalement une baisse significative de la hauteur végétative et du nombre de
fruits, pour toutes les espèces sauf Rosa montana, et pour tous les milieux. Pour ce qui est de
l'influence du milieu, les traits fonctionnels sont toujours plus forts à l’extérieur des genévriers,
excepté pour Berberis vulgaris. Cette observation pourrait montrer une relation de facilitation entre le
genévrier et l'arbuste, c'est à dire que la niche écologique offerte par la plante nurse (protection contre
le froid, présence d'un humus plus épais...) permettrait à Berberis v. de mieux se développer. Ceci ne
s'observe cependant qu'à basse altitude. Pour les autres espèces, il est plus probable que la relation
inter-spécifique arbuste – genévrier soit de type neutre ou compétitrice. La compétition peut avoir lieu
au niveau de la lumière, ou au niveau des racines pour la quête de ressources nutritives.
Mots clés : traits fonctionnels, altitude, interactions biotiques, variation, écosystème montagnard
Introduction
Les recherches en écologie se sont efforcées de
mieux comprendre les processus et les patrons
de répartition des espèces en fonction des
conditions environnementales. Ainsi, depuis
une dizaine d'années, le rôle des traits
fonctionnels dans le fonctionnement des
écosystèmes fait l'objet d'un questionnement
important en écologie et motive de nombreuses
recherches.
Un trait fonctionnel est une caractéristique
morphologique,
physiologique
ou
phénologique ayant un impact indirect sur la
fitness de la plante via ses effets sur sa
croissance, sa reproduction et sa survie (Violle
et al. 2007). Les traits fonctionnels varient selon
les contraintes abiotiques et les interactions
biotiques (compétition, prédation, facilitation),
constituant ainsi une réponse à un ou plusieurs
facteurs
environnementaux.
Les
traits
fonctionnels des organismes sont au cœur de
leur adaptation évolutive et écologique aux
conditions des milieux dans lesquels ils vivent.
Les conditions climatiques représentent un
premier niveau de « filtre écologique » et
déterminent ainsi le pool d’espèces susceptibles
de se maintenir dans une zone géographique
plus ou moins large (Keddy 1992). Les relations
entre organismes sont étudiées comme un
mécanisme important pour expliquer, entre
autres, l’évolution des espèces, la coexistence
des espèces, la structuration des communautés,
ou la dynamique des successions végétales
(Grassein 2011).
L’approche fonctionnelle permet donc de
faciliter l’interprétation du lien entre
composition des communautés (notamment via
les stratégies des différentes espèces
présentes) et facteurs écologiques, via
l’identification des mécanismes responsables
de cette structuration (Ansquer 2006).
Une meilleure compréhension de ces processus
permettrait d’améliorer les stratégies de
conservation ainsi que les programmes de
restauration des milieux.
1
C’est dans ce contexte que se porte notre étude,
le but étant de déterminer quelles influences
exercent les conditions environnementales sur
des espèces de ligneux dans un écosystème de
montagne.
Ce développement nous a conduits à étudier les
variations des traits fonctionnels de trois
espèces de ligneux épineux : Rosa montana,
Rosa pimpinellifolia et Berberis vulgaris selon un
facteur abiotique (l’altitude) et des interactions
biotiques dans un site situé dans les Alpes de
Hautes Provence. Nous souhaitons plus
particulièrement déterminer quel lien existe-il
entre Juniperus sabina, Juniperus communis et
les trois espèces étudiées.
Pour cela, nous nous concentrerons sur deux
traits importants : la hauteur végétative
maximale qui reflète le pouvoir de
développement de la plante et le nombre de
fruits qui détermine le pouvoir reproducteur de
la plante.
steppiques, éboulis et rochers (code CORINE
31.432).
Le site est prospecté par un gradient altitudinal
allant de 1623 mètres à 2110 mètres avec un
changement
des
conditions
environnementales. On observe ainsi une
modification graduelle des facteurs biotiques
tels que la température et l’exposition aux
rayonnements solaires mais également des
habitats et des communautés vivantes.
Ainsi le gradient altitudinal détermine
l'étagement de la végétation, avec une
communauté dominée par des genévriers
communs et sabine entre 1600m et 1900m
(étage montagnard). Passé ce palier, une forêt
de conifères est caractérisée par le pin sylvestre
avec une diminution importante de la
population de genévriers (entre l’étage
montagnard et sub-alpin). Au-delà des 2100m, il
y a une quasi absence de végétation, présence
de quelques arbustes clairsemés.
B. Récolte des données
Matériels et méthodes
A. Site d’étude
Le site d’étude se situe à Meyronnes en région
Provence-Alpes-Côte-D’azur dans les Alpes-deHaute-Provence (04). La zone est en versant
sud, ou adret, avec une température plus élevée
et une végétation montant plus haut qu'en
versant nord, ou ubac.
La formation végétale sous arbustive
représentative de ce site est caractérisée par
des fourrés à genévriers sabine (Juniperus
sabina). Cette formation se définit par des
zones claire et écorchée où sont présents des
affleurements rocheux et du sol nu. Elle est
principalement caractérisée par des tapis
rampants et plaqués au sol de genévrier sabine
dominant, associé à d’autres genévriers,
églantiers et arbustes adaptés aux stations
chaudes et sèches. Cette lande associe des
arbustes rampants, semi-dressés ou dressés, en
mosaïque avec des pelouses rocailleuses sèches
Pour ce travail de terrain, 6 groupes ont été
établis avec l’étude de différents aspects:
caractéristique du sol, variation des traits
fonctionnels des espèces et des communautés
végétales
en
fonction
des
facteurs
environnementaux…
Le protocole d’échantillonnage s’est basé sur la
méthode d’un transect horizontal établis sur 5
stations d’altitudes différentes: 1623 m, 1830
m, 1920 m, 1995 m et 2210 m.
En ce qui concerne notre groupe d’étude, une
zone d’acceptation des individus a été établis de
chaque côté du transect, soit 10 m de part et
d’autre. Afin d’obtenir un nombre suffisant de
données, 10 individus de chaque espèces de
genévriers (commun et sabine), avec présence
d’espèces ligneuses à l’intérieur, ont été
sélectionnées, et cela pour chaque station.
Sur le versant, de nombreux tas de pierre,
nommé « clapiers », sont les vestiges d’une
2
activité agricole. Ils ont été exclus de notre
étude.
Dans un premier temps, chaque point
d’observation a été répertorié par coordonnées
GPS (Garmin GPSMAP 62s). Puis, pour chaque
groupe d’individus respectant les conditions de
notre étude, différents points ont été annoté :
 L’espèce de genévrier (commun ou sabine)
 Les dimensions du genévrier (longueur,
largeur, hauteur)
 La ou les espèces ligneuses présentent à
l’intérieur de celui-ci
 Les paramètres des traits morphologiques
potentiellement intéressants de l’espèce (la
hauteur, le diamètre, le nombre de rejets, le
nombre de fruits)
 L’altitude
Afin de mesurer ces paramètres, nous avons
utilisés: un compas forestier électronique, un
décamètre, un mètre ruban et un dendromètre.
Le modèle de régression linéaire a permis de
donner les estimations des paramètres de ce
modèle. On l’utilise avec le coefficient de
détermination R² pour voir si la variable x a un
effet sur celle de y donc ainsi remarquer s’il y a
une corrélation entre les deux variables.
Résultats
A. Rosa montana / Hauteur
L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les
genévriers (Juniperus) et la hauteur des
genévriers ont un effet sur la hauteur de Rosa
montana.
Ces effets sont tous les deux très significatifs
avec des p-values respectives de 2e-6 et 1,37e8 (***). Le gradient altitudinal n’a par contre pas
d’effet sur la hauteur sur cette espèce (Fig.1).
Pour les informations concernant les espèces
présentes à l’extérieur des genévriers, nous
avons eu recours la base de données d’un autre
groupe de ce travail de terrain. Et en ce qui
concerne l’aspect pédologique des stations,
nous avons également récupérés les données
d’un autre groupe. L’humus et les horizons du
sol ont été caractérisés (à l’intérieur et extérieur
des genévriers).
C. Analyses statistiques
Fig.1 : Hauteur moyenne (cm) de Rosa montana en
fonction de l'espèce de genévrier et de l'altitude (m).
Pour l’étude statistique, seul la hauteur et le
nombre de fruits des espèces seront analysés,
car le nombre de données est suffisant.
Les jeux de données ont été analysés avec le
logiciel R. Un test d’analyse de la variance
(ANOVA), à un facteur contrôlé a été effectué
afin de comparer les moyennes de ces
échantillons. Les P-values sont de 0.001 et 0.05.
Pour la représentation graphique, les boxplots
ont été utilisés, auxquelles sont associés la
médiane et les quartiles. Cette approche
statistique est un moyen rapide de faire figurer
le profil de la série de données.
Fig.2 : Hauteur moyenne (cm) de Rosa montana en
fonction de l'espèce de genévrier.
3
La médiane de la hauteur du Rosa montana au
sein du genévrier commun est de 50 cm, et de
160 cm dans le genévrier sabine de 160 cm, elle
est plus importante à l'extérieur des genévriers,
qui est égale à 200 cm (Fig.2).
On observe une corrélation négative entre la
hauteur des genévriers et la hauteur de Rosa
montana dont la régression linéaire possède un
R² ajusté de 0,36. Ceci montre la forte influence
de la taille du genévrier hôte sur la hauteur de
Rosa montana. Plus il est grand, moins le Rosa
montana est développé.
Il est important de noter l’absence surprenante
de représentation des Rosa p. le long du
gradient altitudinal. Ce biais méthodologique
sera repris dans la discussion.
On observe une baisse de la hauteur des Rosa p.
le long du gradient altitudinal. La régression
linéaire associée à un R² de 0.49 (Fig.4), ce qui
indique que la moitié de la variance de la
hauteur est corrélée à ce facteur.
B. Rosa montana / Nombre de fruits
L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les
genévriers (Juniperus) (Fig.3) et la hauteur des
genévriers ont un effet sur le nombre de fruits
de Rosa montana. Le nombre de fruits est
équivalent entre les espèces de genévriers mais
est significativement plus important à
l'extérieur (p-value= 6,45e-5 ***).
Fig.4: Régression linéaire entre la hauteur (cm) de Rosa p.
et le gradient altitudinal (m).
D. Rosa pimpinellifolia / Nombre de fruits
L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les
genévriers (Juniperus), l’altitude et la hauteur
des genévriers ont un effet sur les fruits de Rosa
pimpinellifolia. Les effets des genévriers et de
l’altitude sont tous les deux très significatifs
(***). L’effet de la hauteur des genévriers est
moins significative (*).
Fig.3: Nombre de fruits chez Rosa montana en fonction de
l'espèce de genévrier.
Il existe une corrélation négative entre la
hauteur des genévriers et le nombre de fruits,
celle-ci est exprimée par un R² ajusté de 0,265.
C. Rosa pimpinellifolia / Hauteur
L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les
genévriers (Juniperus) et l’altitude ont un effet
sur la hauteur de Rosa pimpinellifolia. Ces effets
sont tous les deux très significatifs avec des pvalues respectives de 6e-13 et de 2e-16 (***).
L’effet de la hauteur des genévriers est moins
significative (*).
Fig.5 : Régression linéaire entre le nombre de fruits chez
Rosa p. et l'altitude (m).
4
On observe un nombre de fruit plus important
à l’extérieur des genévriers (p-value=3e-7 ***)
que à l'intérieur de ces derniers.
Il existe une corrélation négative entre l'altitude
et le nombre de fruits qui est représentée par
une régression linéaire dont le R² ajusté est de
0.39, ce qui indique que 39 % de la variance du
nombre de fruit est influencé directement par
ce facteur (Fig.5). Plus on monte en altitude,
moins l'on trouve de fruits.
l’altitude est la hauteur du Berberis v. La valeur
du R² ajusté est à 0,29, 29 % de la variance est
donc expliqué par ce modèle de régression
linéaire (Fig.7).
Il est important de préciser que le dernier étage
à 2110 m d'altitude est un biotope différent, un
éboulis, où le Berberis v. semble bien se
développer (hauteur et nombre de fruit en
augmentation). Néanmoins, les individus sont
uniquement extérieurs.
E. Berberis vulgaris / Hauteur
L’analyse de variance (ANOVA) a montré que
l’altitude est le seul facteur qui a un effet sur la
hauteur du Berberis v. Cet effet est très
significative (p-value=1.32e-05 ***).
La hauteur moyenne du Berberis v. à 1623 m.
d’altitude est de 118,18 ± 51,15 cm et diminue
jusqu’à une hauteur moyenne de 43,40 ± 11,49
cm à une altitude de 1995 m. Par contre la
hauteur moyenne du Berberis v. augmente à
2210 m avec une taille de 78,33 ± 32,33cm. On
observe une tendance à la baisse pour la
hauteur du Berberis v. dans les genévriers
communs, à l’extérieur des genévriers et dans
les genévriers sabines. A partir de 1995 m
d’altitude le genévrier sabine n’est plus présent
(Fig.6).
Fig.7 : Régression linéaire entre la hauteur (cm) du Berberis
vulgaris et le gradient altitudinal (cm).
F. Berberis vulgaris / Nombre de fruits
Afin de mettre en lumière quel facteur a un effet
ou non sur le nombre de fruits des Berberis v.
l’analyse de variance (ANOVA) a montré que
l’altitude est le seul facteur qui a un effet sur le
nombre de fruits avec un p-value de 0,034 (*).
Pour la régression linéaire du nombre de fruit en
fonction de l’altitude le coefficient de
détermination R² est à 0,07.
Discussion
A. Rosa montana
Fig.6 : Hauteur (cm) du Berberis vulgaris en fonction de
l'espèce de genévrier et du gradient altitudinal (m).
L’effet de l’altitude sur la hauteur du Berberis v.
est également visible par la régression linéaire.
On observe une corrélation négative entre
D'après les résultats obtenus à propos de la
hauteur végétative maximale, Rosa montana se
porte mieux à l’extérieur. En effet, les arbustes
sont plus grands sur sol nu que dans les
genévriers (quelle que soit l'espèce).
Néanmoins, il semble que les plus petits Rosa m.
soient dans les genévriers communs.
5
Ceci peut être dû à une compétition pour des
ressources nutritives. Il se peut que la
prospection racinaire des deux espèces
s’effectue dans les mêmes horizons. Par
conséquent, la disponibilité en ressources est
moindre car partagée. De plus, le caractère
ouvert du genévrier commun expose les
individus de Rosa m. à la prédation
(abroutissements) mais n'offre pas non plus de
protection aux faibles températures.
Pour ce qui est de la fructification, il y a
significativement plus de fruit à l'extérieur. La
compétition inter-spécifique pourrait expliquer
ce phénomène, comme pour la hauteur
végétative. En effet, les
possibilités
d'alimentation jouent un certain rôle pour la
fructification. De plus, en milieu montagnard,
l'azote disponible est le principal facteur
limitant la croissance des plantes (Marty, 2009).
Cette différence peut aussi s'expliquer par la
disponibilité en lumière. En effet, plus cette
dernière est importante, plus la surface feuillée
de l'individu augmente.
B.
Rosa pimpinellifolia
Pour ce qui est des données obtenues sur la
hauteur de cette espèce, il en ressort une forte
diminution de la hauteur en fonction de
l’altitude. De plus, nous pouvons noter une
hauteur végétative plus élevée à l’extérieur des
deux espèces de genévriers. Il en est de même
pour les fruits.
Cependant, ce jeu de données est biaisé par une
faute méthodologique. En effet, les données
concernant les individus se situant à l’extérieur
sont trop peu nombreuses (seulement six) pour
en tirer des conclusions statistiques fiables.
D’autant plus que ces six données portent sur
une même altitude et sans doute sur un même
individu mais avec plusieurs rejets de souches.
Ces informations ont été récupérées dans la
base de données d’un autre groupe. Seulement,
une mauvaise communication combinée à une
méthodologie encore peu précise en début
d’étude nous a conduits à un manque de
données suffisantes.
Sachant cela, nous avons refait des tests
statistiques (non exposés dans cette étude) en
écartant les données de l’extérieur. C’est donc
une simple comparaison entre les données
obtenues dans les deux espèces de genévrier. Il
en est ressorti, que la hauteur des individus de
Rosa p. diminue avec l’altitude mais de manière
moins significative et qu’elle reste stable
suivant l’espèce. Pour les fruits, la significativité
des résultats disparaît en enlevant les données
extérieures, on ne peut pas dire qu’il y ait de
différence entre le nombre de fruits sur le
ligneux dans les deux espèces de genévriers.
La hauteur végétative et le nombre de fruits ne
varient pas en fonction des espèces de
genévriers. Rosa pimpinellifolia réagit de la
même manière quelques soit le genévrier, du
moins pour la hauteur et le nombre de fruits.
Mais savoir s’il est facilité par l’effet « plante
nurse » des genévriers est impossible à dire ici.
Néanmoins en gardant les données à
l’extérieur, tout porte à croire que pousser dans
un de ces derniers entrave sa croissance.
C.
Berberis vulgaris
Une fois encore, les résultats indiquent une
diminution significative de la hauteur végétative
en fonction de l'altitude. À basse altitude (1623
m), les Berberis vulgaris présents dans les
genévriers semblent être plus grands que sur sol
nu. Ceci peut indiquer une relation de
facilitation, c'est à dire que le milieu sous
couvert des genévriers permet une meilleure
fitness de Berberis vulgaris.
A plus haute altitude, cette tendance s'efface, et
les arbustes sont aussi grands à l'extérieur que
dans les genévriers, quelle que soit l'espèce. Il
semblerait que la facilitation soit inhibée quand
l'altitude augmente. Comme pour les cas
précédents,
cette
différence
pourrait
s'expliquer par les conditions plus défavorables
liées à la haute altitude, concernant les
ressources et le climat. Par ailleurs, en plus de
se raréfier, les nutriments sont partagés entre
les deux espèces et la disponibilité se réduit.
6
Pour ce qui est des fruits, on observe une
diminution significative du nombre de fruits
avec l'altitude. Tout porte à croire, comme pour
la hauteur végétative, que la modification des
facteurs abiotiques liée à l'altitude explique
cette baisse du pouvoir reproducteur. On
pourrait aussi penser que dans des conditions
plus rudes, l'arbuste modifierait l'allocation de
ses ressources, pour favoriser sa survie plus que
sa reproduction. Nous n'observons pas de
différences entre les trois milieux étudiés, ce qui
montre que le facteur « fruits » n'est pas lié avec
la relation de facilitation.
La facilitation semble n’être observée que chez
le Berberis vulgaris. Les espèces facilitatrices, ici
le genévrier, se caractérisent principalement
par une protection mécanique contre les
rayonnements du soleil, la prédation ou la
concurrence ; une disponibilité accrue des
ressources ; une facilitation du transport des
gènes, propagules ou individus ; un effet
tampon face à divers stress environnementaux.
Divers études ont confirmé que la facilitation
réduit ainsi les impacts négatifs d'un
environnement stressant. Cet effet est plus
fréquent dans les environnements où les
facteurs abiotiques sont limités comme dans les
zones arides ou habitats alpins (Padilla and
Pugnaire, 2006).
Au contraire, nous avons également observé un
phénomène de compétition. La compétition
interspécifique est définie comme une
réduction de la fécondité individuelle, de la
survie, ou de la croissance résultant de
l’exploitation commune des ressources ou de
l’interférence avec des individus d’une autre
espèce (Begon et al., 1996). Deux types de
compétition sont généralement reconnus. Soit
les ressources sont insuffisantes pour les
individus des deux espèces et la ressource
utilisée par une espèce réduit sa disponibilité
pour les autres. Dans la compétition par
interférence, par son comportement, une
espèce prive une autre espèce d’accès à la
nourriture ou aux sites de vie. Ceci peut se
produire même quand la ressource est en
quantité suffisante. Dans notre étude, ce type
de d’interaction entre les genévriers et les
ligneux s’explique par un sol appauvris en
nutriments et en matière organique.
Conclusion
Dans les écosystèmes alpins, l’altitude et
l’exposition aux rayonnements induisent des
conditions de température et de pluviométrie,
associés à l’herbivore, ces facteurs forment des
patrons de végétations adaptés. Ces facteurs
constituent des stress environnementaux
déterminant les niches écologiques. Ces
interactions biotiques peuvent donc améliorer
le filtre abiotique et par conséquent modifier
aussi la niche potentielle des espèces pour
former ce que l’on appelle la niche réalisée.
Selon l’effet réciproque des espèces en
interaction, on distingue différents types
d’interactions, dont les deux couramment
étudiés en écologie des communautés
végétales sont la compétition et la facilitation
(Grassein, 2011).
L’étude des traits fonctionnels nous a paru
adaptée à notre étude, puisqu’ils varient selon
les facteurs biotiques et abiotiques, constituant
ainsi
une
réponse
aux
variations
environnementales.
Ainsi, les observations sur le terrain nous ont
permis de répondre à notre problématique de
base : quels sont les facteurs biotiques et
abiotiques qui influencent les traits
morphologiques et la fitness des espèces
ligneuses de la lande à genévriers sabine ?
i) Le gradient altitudinal entraîne un
appauvrissement du sol, une baisse de la
température, un enneigement prolongé ainsi
qu'une période de végétation réduite ce qui a
pour effets directs la baisse de la hauteur
végétative et du nombre de fruits chez tous les
arbustes et dans tous les milieux, sauf pour Rosa
montana.
ii) La hauteur du genévrier hôte n'était pas un
facteur que nous pensions déterminant. Il se
trouve qu'il y a des corrélations négatives entre
7
la hauteur des genévriers et les traits de Rosa m.
et Rosa p. Nous sommes bien en présence de
mécanisme de compétition inter-spécifique.
iii) La présence ou non des genévriers (facteur
biotique = milieu) influence fortement les traits
morphologique des arbustes. Dans l’ensemble,
on observe des traits plus développés chez les
espèces ligneuses à l'extérieur des genévriers
qu'à l'intérieur de ces derniers. Néanmoins, à
basse altitude il apparaît une exception
concernant le Berberis vulgaris, ceci pouvant
s'apparenter à une facilitation. Pour les autres
espèces, il est plus probable que la relation
inter-spécifique arbuste – genévrier soit de type
neutre ou compétitrice. La compétition peut se
faire soit par rapport à la lumière, soit au niveau
des racines pour la quête de ressources
nutritives. Il serait donc nécessaire de
réaménager le protocole afin de mieux cerner le
mécanisme de la facilitation.
Tout d'abord, les seules observations de
facilitation ont été relevées à basse altitude. La
lande à genévriers est un milieu que l'on
retrouve plus bas (1100 m) que les premières
altitudes étudiées dans notre étude (1523 m).
Par conséquent, réaliser une deuxième étude
en contre bas dans la vallée pourrait
potentiellement montrer d'autres relations de
facilitation. Ainsi, nous pourrions confirmer ou
infirmer l'hypothèse qu'en altitude, cette
relation est inhibée, ou même qu'elle est
modifiée en relation de compétition.
La nature du sol, en fonction de l'altitude et du
milieu, est elle aussi un facteur manquant et qui
pourrait être déterminant dans notre étude.
Réaliser un rapport Carbone / Azote serait utile
afin d'éliminer les suppositions faites sur les
ressources nutritives du milieu. Il permettrait de
mieux comprendre les observations en altitude,
où la fitness des arbustes est moins importante
dans les genévriers qu'à l'extérieur, ce qui
pourrait être lié à une compétition racinaire
souterraine. Il serait également judicieux de
s’intéresser aux relations allélopathiques
interspécifiques qui pourraient expliquer ces
phénomènes.
En ce qui concerne la méthodologie, nous
déplorons un manque de données, notamment
en extérieur, ce qui rend impossible des
comparaisons pourtant clé dans la mise en
évidence de tels mécanismes. Un des
protocoles possible serait l'échantillonnage de
10 individus de chaque espèce ligneuse étudiée,
dans chacun des milieux: genévriers sabine,
communs et en extérieur ; et ceci à chaque
altitude.
D'un point de vue de la conservation, bien que
couvrant des surfaces modestes, les landes à
Sabine ne sont pas, à court terme, très
menacées par les activités humaines.
Cependant, il s’agit d’un stade transitoire qui se
poursuivra à terme par leur reboisement
naturel en pinèdes. Il est donc nécessaire de
suivre l’évolution de ces landes.
Bibliographie
-
Ansquer P. 2006. Caractérisation agroécologique des végétations prairiales naturelles en
réponse aux pratiques agricoles. Apports pour la construction d’outils de diagnostic
Begon M. Harper J.L., Townsend C.R., 1996. Ecology :Individuals, Populations and
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Grassein F. 2011. Mécanismes de variation des traits fonctionnels dans les prairies des Alpes
Keddy, P. A. 1992. Assembly and response rules: two goals for predictive community ecology.
Journal of Vegetation Science 3:157-164
Padilla F.M, and Pugnaire F.I. 2006. The role of nurse plants in the restoration of degraded
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Violle C., Navas M.L., Vile D., Kazakou E., Fortunel C., Hummel I. & Garnier E. 2007. Let the
concept of trait be functional! Oikos 116: 882-892
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