Etude des variations des traits fonctionnels de trois espèces de ligneux en réponse aux facteurs environnementaux (Alpes-de-Haute-Provence - 04) BERNARD Marie, FOURRIER Camille, LADENT Emilie, POUCHARD Nicolas, ROMERO Bastien, SCIBEK Pauline, WENDLAND Céline M1 Master Set parcours SBE Année 2014 / 2015 Résumé L’écologie fonctionnelle des communautés vise à comprendre les mécanismes d’assemblage des communautés, sur base des traits fonctionnels des espèces. La présence des espèces d’une communauté est influencée par les facteurs environnementaux. Les traits fonctionnels varient selon les contraintes abiotiques et les interactions biotiques constituant ainsi une réponse à un ou plusieurs facteurs environnementaux. L'étude a été réalisée dans une lande à genévriers. Elle avait pour but d'analyser les modifications des traits fonctionnels de trois espèces d’arbustes (Rosa montana, Rosa pimpinellifolia et Berberis vulgaris) en fonction de l’altitude (de 1623m à 2100m) et de la présence de genévrier (Juniperus communis et Juniperus sabina). Nous avons décidé de travailler sur la hauteur végétative ainsi que le nombre de fruits. Les résultats montrent globalement une baisse significative de la hauteur végétative et du nombre de fruits, pour toutes les espèces sauf Rosa montana, et pour tous les milieux. Pour ce qui est de l'influence du milieu, les traits fonctionnels sont toujours plus forts à l’extérieur des genévriers, excepté pour Berberis vulgaris. Cette observation pourrait montrer une relation de facilitation entre le genévrier et l'arbuste, c'est à dire que la niche écologique offerte par la plante nurse (protection contre le froid, présence d'un humus plus épais...) permettrait à Berberis v. de mieux se développer. Ceci ne s'observe cependant qu'à basse altitude. Pour les autres espèces, il est plus probable que la relation inter-spécifique arbuste – genévrier soit de type neutre ou compétitrice. La compétition peut avoir lieu au niveau de la lumière, ou au niveau des racines pour la quête de ressources nutritives. Mots clés : traits fonctionnels, altitude, interactions biotiques, variation, écosystème montagnard Introduction Les recherches en écologie se sont efforcées de mieux comprendre les processus et les patrons de répartition des espèces en fonction des conditions environnementales. Ainsi, depuis une dizaine d'années, le rôle des traits fonctionnels dans le fonctionnement des écosystèmes fait l'objet d'un questionnement important en écologie et motive de nombreuses recherches. Un trait fonctionnel est une caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique ayant un impact indirect sur la fitness de la plante via ses effets sur sa croissance, sa reproduction et sa survie (Violle et al. 2007). Les traits fonctionnels varient selon les contraintes abiotiques et les interactions biotiques (compétition, prédation, facilitation), constituant ainsi une réponse à un ou plusieurs facteurs environnementaux. Les traits fonctionnels des organismes sont au cœur de leur adaptation évolutive et écologique aux conditions des milieux dans lesquels ils vivent. Les conditions climatiques représentent un premier niveau de « filtre écologique » et déterminent ainsi le pool d’espèces susceptibles de se maintenir dans une zone géographique plus ou moins large (Keddy 1992). Les relations entre organismes sont étudiées comme un mécanisme important pour expliquer, entre autres, l’évolution des espèces, la coexistence des espèces, la structuration des communautés, ou la dynamique des successions végétales (Grassein 2011). L’approche fonctionnelle permet donc de faciliter l’interprétation du lien entre composition des communautés (notamment via les stratégies des différentes espèces présentes) et facteurs écologiques, via l’identification des mécanismes responsables de cette structuration (Ansquer 2006). Une meilleure compréhension de ces processus permettrait d’améliorer les stratégies de conservation ainsi que les programmes de restauration des milieux. 1 C’est dans ce contexte que se porte notre étude, le but étant de déterminer quelles influences exercent les conditions environnementales sur des espèces de ligneux dans un écosystème de montagne. Ce développement nous a conduits à étudier les variations des traits fonctionnels de trois espèces de ligneux épineux : Rosa montana, Rosa pimpinellifolia et Berberis vulgaris selon un facteur abiotique (l’altitude) et des interactions biotiques dans un site situé dans les Alpes de Hautes Provence. Nous souhaitons plus particulièrement déterminer quel lien existe-il entre Juniperus sabina, Juniperus communis et les trois espèces étudiées. Pour cela, nous nous concentrerons sur deux traits importants : la hauteur végétative maximale qui reflète le pouvoir de développement de la plante et le nombre de fruits qui détermine le pouvoir reproducteur de la plante. steppiques, éboulis et rochers (code CORINE 31.432). Le site est prospecté par un gradient altitudinal allant de 1623 mètres à 2110 mètres avec un changement des conditions environnementales. On observe ainsi une modification graduelle des facteurs biotiques tels que la température et l’exposition aux rayonnements solaires mais également des habitats et des communautés vivantes. Ainsi le gradient altitudinal détermine l'étagement de la végétation, avec une communauté dominée par des genévriers communs et sabine entre 1600m et 1900m (étage montagnard). Passé ce palier, une forêt de conifères est caractérisée par le pin sylvestre avec une diminution importante de la population de genévriers (entre l’étage montagnard et sub-alpin). Au-delà des 2100m, il y a une quasi absence de végétation, présence de quelques arbustes clairsemés. B. Récolte des données Matériels et méthodes A. Site d’étude Le site d’étude se situe à Meyronnes en région Provence-Alpes-Côte-D’azur dans les Alpes-deHaute-Provence (04). La zone est en versant sud, ou adret, avec une température plus élevée et une végétation montant plus haut qu'en versant nord, ou ubac. La formation végétale sous arbustive représentative de ce site est caractérisée par des fourrés à genévriers sabine (Juniperus sabina). Cette formation se définit par des zones claire et écorchée où sont présents des affleurements rocheux et du sol nu. Elle est principalement caractérisée par des tapis rampants et plaqués au sol de genévrier sabine dominant, associé à d’autres genévriers, églantiers et arbustes adaptés aux stations chaudes et sèches. Cette lande associe des arbustes rampants, semi-dressés ou dressés, en mosaïque avec des pelouses rocailleuses sèches Pour ce travail de terrain, 6 groupes ont été établis avec l’étude de différents aspects: caractéristique du sol, variation des traits fonctionnels des espèces et des communautés végétales en fonction des facteurs environnementaux… Le protocole d’échantillonnage s’est basé sur la méthode d’un transect horizontal établis sur 5 stations d’altitudes différentes: 1623 m, 1830 m, 1920 m, 1995 m et 2210 m. En ce qui concerne notre groupe d’étude, une zone d’acceptation des individus a été établis de chaque côté du transect, soit 10 m de part et d’autre. Afin d’obtenir un nombre suffisant de données, 10 individus de chaque espèces de genévriers (commun et sabine), avec présence d’espèces ligneuses à l’intérieur, ont été sélectionnées, et cela pour chaque station. Sur le versant, de nombreux tas de pierre, nommé « clapiers », sont les vestiges d’une 2 activité agricole. Ils ont été exclus de notre étude. Dans un premier temps, chaque point d’observation a été répertorié par coordonnées GPS (Garmin GPSMAP 62s). Puis, pour chaque groupe d’individus respectant les conditions de notre étude, différents points ont été annoté : L’espèce de genévrier (commun ou sabine) Les dimensions du genévrier (longueur, largeur, hauteur) La ou les espèces ligneuses présentent à l’intérieur de celui-ci Les paramètres des traits morphologiques potentiellement intéressants de l’espèce (la hauteur, le diamètre, le nombre de rejets, le nombre de fruits) L’altitude Afin de mesurer ces paramètres, nous avons utilisés: un compas forestier électronique, un décamètre, un mètre ruban et un dendromètre. Le modèle de régression linéaire a permis de donner les estimations des paramètres de ce modèle. On l’utilise avec le coefficient de détermination R² pour voir si la variable x a un effet sur celle de y donc ainsi remarquer s’il y a une corrélation entre les deux variables. Résultats A. Rosa montana / Hauteur L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les genévriers (Juniperus) et la hauteur des genévriers ont un effet sur la hauteur de Rosa montana. Ces effets sont tous les deux très significatifs avec des p-values respectives de 2e-6 et 1,37e8 (***). Le gradient altitudinal n’a par contre pas d’effet sur la hauteur sur cette espèce (Fig.1). Pour les informations concernant les espèces présentes à l’extérieur des genévriers, nous avons eu recours la base de données d’un autre groupe de ce travail de terrain. Et en ce qui concerne l’aspect pédologique des stations, nous avons également récupérés les données d’un autre groupe. L’humus et les horizons du sol ont été caractérisés (à l’intérieur et extérieur des genévriers). C. Analyses statistiques Fig.1 : Hauteur moyenne (cm) de Rosa montana en fonction de l'espèce de genévrier et de l'altitude (m). Pour l’étude statistique, seul la hauteur et le nombre de fruits des espèces seront analysés, car le nombre de données est suffisant. Les jeux de données ont été analysés avec le logiciel R. Un test d’analyse de la variance (ANOVA), à un facteur contrôlé a été effectué afin de comparer les moyennes de ces échantillons. Les P-values sont de 0.001 et 0.05. Pour la représentation graphique, les boxplots ont été utilisés, auxquelles sont associés la médiane et les quartiles. Cette approche statistique est un moyen rapide de faire figurer le profil de la série de données. Fig.2 : Hauteur moyenne (cm) de Rosa montana en fonction de l'espèce de genévrier. 3 La médiane de la hauteur du Rosa montana au sein du genévrier commun est de 50 cm, et de 160 cm dans le genévrier sabine de 160 cm, elle est plus importante à l'extérieur des genévriers, qui est égale à 200 cm (Fig.2). On observe une corrélation négative entre la hauteur des genévriers et la hauteur de Rosa montana dont la régression linéaire possède un R² ajusté de 0,36. Ceci montre la forte influence de la taille du genévrier hôte sur la hauteur de Rosa montana. Plus il est grand, moins le Rosa montana est développé. Il est important de noter l’absence surprenante de représentation des Rosa p. le long du gradient altitudinal. Ce biais méthodologique sera repris dans la discussion. On observe une baisse de la hauteur des Rosa p. le long du gradient altitudinal. La régression linéaire associée à un R² de 0.49 (Fig.4), ce qui indique que la moitié de la variance de la hauteur est corrélée à ce facteur. B. Rosa montana / Nombre de fruits L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les genévriers (Juniperus) (Fig.3) et la hauteur des genévriers ont un effet sur le nombre de fruits de Rosa montana. Le nombre de fruits est équivalent entre les espèces de genévriers mais est significativement plus important à l'extérieur (p-value= 6,45e-5 ***). Fig.4: Régression linéaire entre la hauteur (cm) de Rosa p. et le gradient altitudinal (m). D. Rosa pimpinellifolia / Nombre de fruits L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les genévriers (Juniperus), l’altitude et la hauteur des genévriers ont un effet sur les fruits de Rosa pimpinellifolia. Les effets des genévriers et de l’altitude sont tous les deux très significatifs (***). L’effet de la hauteur des genévriers est moins significative (*). Fig.3: Nombre de fruits chez Rosa montana en fonction de l'espèce de genévrier. Il existe une corrélation négative entre la hauteur des genévriers et le nombre de fruits, celle-ci est exprimée par un R² ajusté de 0,265. C. Rosa pimpinellifolia / Hauteur L’analyse de variance (ANOVA) a montré que les genévriers (Juniperus) et l’altitude ont un effet sur la hauteur de Rosa pimpinellifolia. Ces effets sont tous les deux très significatifs avec des pvalues respectives de 6e-13 et de 2e-16 (***). L’effet de la hauteur des genévriers est moins significative (*). Fig.5 : Régression linéaire entre le nombre de fruits chez Rosa p. et l'altitude (m). 4 On observe un nombre de fruit plus important à l’extérieur des genévriers (p-value=3e-7 ***) que à l'intérieur de ces derniers. Il existe une corrélation négative entre l'altitude et le nombre de fruits qui est représentée par une régression linéaire dont le R² ajusté est de 0.39, ce qui indique que 39 % de la variance du nombre de fruit est influencé directement par ce facteur (Fig.5). Plus on monte en altitude, moins l'on trouve de fruits. l’altitude est la hauteur du Berberis v. La valeur du R² ajusté est à 0,29, 29 % de la variance est donc expliqué par ce modèle de régression linéaire (Fig.7). Il est important de préciser que le dernier étage à 2110 m d'altitude est un biotope différent, un éboulis, où le Berberis v. semble bien se développer (hauteur et nombre de fruit en augmentation). Néanmoins, les individus sont uniquement extérieurs. E. Berberis vulgaris / Hauteur L’analyse de variance (ANOVA) a montré que l’altitude est le seul facteur qui a un effet sur la hauteur du Berberis v. Cet effet est très significative (p-value=1.32e-05 ***). La hauteur moyenne du Berberis v. à 1623 m. d’altitude est de 118,18 ± 51,15 cm et diminue jusqu’à une hauteur moyenne de 43,40 ± 11,49 cm à une altitude de 1995 m. Par contre la hauteur moyenne du Berberis v. augmente à 2210 m avec une taille de 78,33 ± 32,33cm. On observe une tendance à la baisse pour la hauteur du Berberis v. dans les genévriers communs, à l’extérieur des genévriers et dans les genévriers sabines. A partir de 1995 m d’altitude le genévrier sabine n’est plus présent (Fig.6). Fig.7 : Régression linéaire entre la hauteur (cm) du Berberis vulgaris et le gradient altitudinal (cm). F. Berberis vulgaris / Nombre de fruits Afin de mettre en lumière quel facteur a un effet ou non sur le nombre de fruits des Berberis v. l’analyse de variance (ANOVA) a montré que l’altitude est le seul facteur qui a un effet sur le nombre de fruits avec un p-value de 0,034 (*). Pour la régression linéaire du nombre de fruit en fonction de l’altitude le coefficient de détermination R² est à 0,07. Discussion A. Rosa montana Fig.6 : Hauteur (cm) du Berberis vulgaris en fonction de l'espèce de genévrier et du gradient altitudinal (m). L’effet de l’altitude sur la hauteur du Berberis v. est également visible par la régression linéaire. On observe une corrélation négative entre D'après les résultats obtenus à propos de la hauteur végétative maximale, Rosa montana se porte mieux à l’extérieur. En effet, les arbustes sont plus grands sur sol nu que dans les genévriers (quelle que soit l'espèce). Néanmoins, il semble que les plus petits Rosa m. soient dans les genévriers communs. 5 Ceci peut être dû à une compétition pour des ressources nutritives. Il se peut que la prospection racinaire des deux espèces s’effectue dans les mêmes horizons. Par conséquent, la disponibilité en ressources est moindre car partagée. De plus, le caractère ouvert du genévrier commun expose les individus de Rosa m. à la prédation (abroutissements) mais n'offre pas non plus de protection aux faibles températures. Pour ce qui est de la fructification, il y a significativement plus de fruit à l'extérieur. La compétition inter-spécifique pourrait expliquer ce phénomène, comme pour la hauteur végétative. En effet, les possibilités d'alimentation jouent un certain rôle pour la fructification. De plus, en milieu montagnard, l'azote disponible est le principal facteur limitant la croissance des plantes (Marty, 2009). Cette différence peut aussi s'expliquer par la disponibilité en lumière. En effet, plus cette dernière est importante, plus la surface feuillée de l'individu augmente. B. Rosa pimpinellifolia Pour ce qui est des données obtenues sur la hauteur de cette espèce, il en ressort une forte diminution de la hauteur en fonction de l’altitude. De plus, nous pouvons noter une hauteur végétative plus élevée à l’extérieur des deux espèces de genévriers. Il en est de même pour les fruits. Cependant, ce jeu de données est biaisé par une faute méthodologique. En effet, les données concernant les individus se situant à l’extérieur sont trop peu nombreuses (seulement six) pour en tirer des conclusions statistiques fiables. D’autant plus que ces six données portent sur une même altitude et sans doute sur un même individu mais avec plusieurs rejets de souches. Ces informations ont été récupérées dans la base de données d’un autre groupe. Seulement, une mauvaise communication combinée à une méthodologie encore peu précise en début d’étude nous a conduits à un manque de données suffisantes. Sachant cela, nous avons refait des tests statistiques (non exposés dans cette étude) en écartant les données de l’extérieur. C’est donc une simple comparaison entre les données obtenues dans les deux espèces de genévrier. Il en est ressorti, que la hauteur des individus de Rosa p. diminue avec l’altitude mais de manière moins significative et qu’elle reste stable suivant l’espèce. Pour les fruits, la significativité des résultats disparaît en enlevant les données extérieures, on ne peut pas dire qu’il y ait de différence entre le nombre de fruits sur le ligneux dans les deux espèces de genévriers. La hauteur végétative et le nombre de fruits ne varient pas en fonction des espèces de genévriers. Rosa pimpinellifolia réagit de la même manière quelques soit le genévrier, du moins pour la hauteur et le nombre de fruits. Mais savoir s’il est facilité par l’effet « plante nurse » des genévriers est impossible à dire ici. Néanmoins en gardant les données à l’extérieur, tout porte à croire que pousser dans un de ces derniers entrave sa croissance. C. Berberis vulgaris Une fois encore, les résultats indiquent une diminution significative de la hauteur végétative en fonction de l'altitude. À basse altitude (1623 m), les Berberis vulgaris présents dans les genévriers semblent être plus grands que sur sol nu. Ceci peut indiquer une relation de facilitation, c'est à dire que le milieu sous couvert des genévriers permet une meilleure fitness de Berberis vulgaris. A plus haute altitude, cette tendance s'efface, et les arbustes sont aussi grands à l'extérieur que dans les genévriers, quelle que soit l'espèce. Il semblerait que la facilitation soit inhibée quand l'altitude augmente. Comme pour les cas précédents, cette différence pourrait s'expliquer par les conditions plus défavorables liées à la haute altitude, concernant les ressources et le climat. Par ailleurs, en plus de se raréfier, les nutriments sont partagés entre les deux espèces et la disponibilité se réduit. 6 Pour ce qui est des fruits, on observe une diminution significative du nombre de fruits avec l'altitude. Tout porte à croire, comme pour la hauteur végétative, que la modification des facteurs abiotiques liée à l'altitude explique cette baisse du pouvoir reproducteur. On pourrait aussi penser que dans des conditions plus rudes, l'arbuste modifierait l'allocation de ses ressources, pour favoriser sa survie plus que sa reproduction. Nous n'observons pas de différences entre les trois milieux étudiés, ce qui montre que le facteur « fruits » n'est pas lié avec la relation de facilitation. La facilitation semble n’être observée que chez le Berberis vulgaris. Les espèces facilitatrices, ici le genévrier, se caractérisent principalement par une protection mécanique contre les rayonnements du soleil, la prédation ou la concurrence ; une disponibilité accrue des ressources ; une facilitation du transport des gènes, propagules ou individus ; un effet tampon face à divers stress environnementaux. Divers études ont confirmé que la facilitation réduit ainsi les impacts négatifs d'un environnement stressant. Cet effet est plus fréquent dans les environnements où les facteurs abiotiques sont limités comme dans les zones arides ou habitats alpins (Padilla and Pugnaire, 2006). Au contraire, nous avons également observé un phénomène de compétition. La compétition interspécifique est définie comme une réduction de la fécondité individuelle, de la survie, ou de la croissance résultant de l’exploitation commune des ressources ou de l’interférence avec des individus d’une autre espèce (Begon et al., 1996). Deux types de compétition sont généralement reconnus. Soit les ressources sont insuffisantes pour les individus des deux espèces et la ressource utilisée par une espèce réduit sa disponibilité pour les autres. Dans la compétition par interférence, par son comportement, une espèce prive une autre espèce d’accès à la nourriture ou aux sites de vie. Ceci peut se produire même quand la ressource est en quantité suffisante. Dans notre étude, ce type de d’interaction entre les genévriers et les ligneux s’explique par un sol appauvris en nutriments et en matière organique. Conclusion Dans les écosystèmes alpins, l’altitude et l’exposition aux rayonnements induisent des conditions de température et de pluviométrie, associés à l’herbivore, ces facteurs forment des patrons de végétations adaptés. Ces facteurs constituent des stress environnementaux déterminant les niches écologiques. Ces interactions biotiques peuvent donc améliorer le filtre abiotique et par conséquent modifier aussi la niche potentielle des espèces pour former ce que l’on appelle la niche réalisée. Selon l’effet réciproque des espèces en interaction, on distingue différents types d’interactions, dont les deux couramment étudiés en écologie des communautés végétales sont la compétition et la facilitation (Grassein, 2011). L’étude des traits fonctionnels nous a paru adaptée à notre étude, puisqu’ils varient selon les facteurs biotiques et abiotiques, constituant ainsi une réponse aux variations environnementales. Ainsi, les observations sur le terrain nous ont permis de répondre à notre problématique de base : quels sont les facteurs biotiques et abiotiques qui influencent les traits morphologiques et la fitness des espèces ligneuses de la lande à genévriers sabine ? i) Le gradient altitudinal entraîne un appauvrissement du sol, une baisse de la température, un enneigement prolongé ainsi qu'une période de végétation réduite ce qui a pour effets directs la baisse de la hauteur végétative et du nombre de fruits chez tous les arbustes et dans tous les milieux, sauf pour Rosa montana. ii) La hauteur du genévrier hôte n'était pas un facteur que nous pensions déterminant. Il se trouve qu'il y a des corrélations négatives entre 7 la hauteur des genévriers et les traits de Rosa m. et Rosa p. Nous sommes bien en présence de mécanisme de compétition inter-spécifique. iii) La présence ou non des genévriers (facteur biotique = milieu) influence fortement les traits morphologique des arbustes. Dans l’ensemble, on observe des traits plus développés chez les espèces ligneuses à l'extérieur des genévriers qu'à l'intérieur de ces derniers. Néanmoins, à basse altitude il apparaît une exception concernant le Berberis vulgaris, ceci pouvant s'apparenter à une facilitation. Pour les autres espèces, il est plus probable que la relation inter-spécifique arbuste – genévrier soit de type neutre ou compétitrice. La compétition peut se faire soit par rapport à la lumière, soit au niveau des racines pour la quête de ressources nutritives. Il serait donc nécessaire de réaménager le protocole afin de mieux cerner le mécanisme de la facilitation. Tout d'abord, les seules observations de facilitation ont été relevées à basse altitude. La lande à genévriers est un milieu que l'on retrouve plus bas (1100 m) que les premières altitudes étudiées dans notre étude (1523 m). Par conséquent, réaliser une deuxième étude en contre bas dans la vallée pourrait potentiellement montrer d'autres relations de facilitation. Ainsi, nous pourrions confirmer ou infirmer l'hypothèse qu'en altitude, cette relation est inhibée, ou même qu'elle est modifiée en relation de compétition. La nature du sol, en fonction de l'altitude et du milieu, est elle aussi un facteur manquant et qui pourrait être déterminant dans notre étude. Réaliser un rapport Carbone / Azote serait utile afin d'éliminer les suppositions faites sur les ressources nutritives du milieu. Il permettrait de mieux comprendre les observations en altitude, où la fitness des arbustes est moins importante dans les genévriers qu'à l'extérieur, ce qui pourrait être lié à une compétition racinaire souterraine. Il serait également judicieux de s’intéresser aux relations allélopathiques interspécifiques qui pourraient expliquer ces phénomènes. En ce qui concerne la méthodologie, nous déplorons un manque de données, notamment en extérieur, ce qui rend impossible des comparaisons pourtant clé dans la mise en évidence de tels mécanismes. Un des protocoles possible serait l'échantillonnage de 10 individus de chaque espèce ligneuse étudiée, dans chacun des milieux: genévriers sabine, communs et en extérieur ; et ceci à chaque altitude. D'un point de vue de la conservation, bien que couvrant des surfaces modestes, les landes à Sabine ne sont pas, à court terme, très menacées par les activités humaines. Cependant, il s’agit d’un stade transitoire qui se poursuivra à terme par leur reboisement naturel en pinèdes. Il est donc nécessaire de suivre l’évolution de ces landes. Bibliographie - Ansquer P. 2006. Caractérisation agroécologique des végétations prairiales naturelles en réponse aux pratiques agricoles. Apports pour la construction d’outils de diagnostic Begon M. Harper J.L., Townsend C.R., 1996. Ecology :Individuals, Populations and Communities, 3rd Edition. Blackwell Scientific Publications, Oxford Grassein F. 2011. Mécanismes de variation des traits fonctionnels dans les prairies des Alpes Keddy, P. A. 1992. Assembly and response rules: two goals for predictive community ecology. Journal of Vegetation Science 3:157-164 Padilla F.M, and Pugnaire F.I. 2006. The role of nurse plants in the restoration of degraded environments. Ecological environment4:196–202. Violle C., Navas M.L., Vile D., Kazakou E., Fortunel C., Hummel I. & Garnier E. 2007. Let the concept of trait be functional! Oikos 116: 882-892 8