Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 7
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éloignée de son centre, plus lente devait
être sa vitesse orbitale. En observant com-
ment les vitesses orbitales des étoiles dé-
pendent de leurs distances au centre d'une
galaxie, les astronomes pouvaient, en
principe, calculer comment la masse était
distribuée au travers de la galaxie.
Vera Rubin et Kent Ford découvrirent
avec leurs calculs quelque chose de totale-
ment inattendu : les étoiles éloignées du
centre de M31, dans les bras de la galaxie
spirale (régions moins peuplées en étoiles)
se déplaçaient pratiquement aussi vite que
celles situées près du centre ! Cela était
singulier car la masse visible de la galaxie
ne possédait pas suffisamment de gravité
pour maintenir des étoiles se déplaçant si
rapidement sur leur orbite. En consé-
quence. Il devait y avoir une énorme
quantité de matière " invisible " dans les
régions extérieures de la galaxie pour compléter
la faible part de la matière stellaire visible. Re-
commençant leurs observations et calculs sur
d'autres galaxies, ils trouvèrent à chaque fois le
même résultat.
Les calculs de Vera Rubin montraient ainsi que
les galaxies devaient ainsi contenir environ dix
fois plus de masse " invisible " que celle produite
par les étoiles visibles : au moins nonante pour-
cents de la masse des galaxies, et donc dans l'uni-
vers observable, sont invisibles et non identifiés !
Vera Rubin se rappela alors de ce qu'elle avait ap-
pris en tant qu'étudiante sur une mise en évidence
antérieure de la masse invisible dans l'univers : en
1933, Fritz Zwicky avait analysé l'effet Doppler
de galaxies dans l'amas de la Coma. Il avait trou-
vé que les galaxies individuelles à l'intérieur de
l'amas se déplaçaient si vite qu'elles auraient du
s'échapper si elles n'étaient tenues ensemble que
Vera Rubin en 1987
par la gravité due à la masse visible. Puisque l'amas ne montrait pas
de signe de dispersion, il devait contenir une quantité prépondé-
rante de " matière noire ", environ dix fois plus que de matière visi-
ble. Les conclusions de Zwicky étaient correctes, mais ses collègues
avaient été très sceptiques. Vera Rubin réalisa alors qu'elle avait dé-
couvert une évidence absolue en faveur de la matière noire de Zwic-
ky. La majeure partie de la masse de l'univers est en fait cachée à
notre vue.
Au début, plusieurs astronomes furent bien sûr réticents à accepter
la conclusion de Vera Rubin. Ses observations étaient cependant
sans ambiguïté et son interprétation si directe qu'ils réalisèrent
bientôt qu'elle avait raison. La lumière des étoiles était seulement le
traceur visible d'une plus grande masse qui constitue une galaxie.
Les étoiles n'occupent que des régions intérieures d'un énorme halo
de matière noire invisible qui comprend la plus grande partie de la
masse de la galaxie. Peut-être même qu'il existe une accumulation
de matière noire dans le vaste espace entre les galaxies, sans aucune
étoile visible pour mettre en évidence sa présence. Si c'était le cas,
la matière noire serait vraiment difficile à observer. Ce qu'est au
juste la matière noire est l'un des principaux mystères non résolus
de l'astronomie aujourd'hui. Beaucoup d'astronomes et astrophysi-
ciens travaillent dur afin d'essayer de répondre à la question.
Vera Rubin continua et continue encore à explorer les galaxies. En
1992, elle découvrit une galaxie (NGC 4550) dans laquelle la moi-
tié des étoiles du disque orbitait dans une direction et l'autre moitié
orbitait dans l'autre direction, avec deux systèmes entremêlés…
Cette situation résultait peut-être de la fusion de deux galaxies tour-
nant dans des directions opposées. Ces observations interviennent
dans l'élaboration des théories possibles sur la formation des ga-
laxies. Vera Rubin a depuis mis en évidence plusieurs autres cas de
comportement bizarre des galaxies.
Bien que ce ne soient pas les honneurs que recherchait Vera Rubin
tout au long de sa carrière, mais seulement la satisfaction person-
nelle de la découverte scientifique, ses contributions furent recon-
nues et récompensées (bien que tardivement). Par exemple, elle fut
élue à l'Académie Nationale des Sciences en 1981, et elle reçut la
médaille d'or de la très britannique Royal Astronomical Society en
1996 : elle était seulement la deuxième femme à recevoir cet hon-
neur, 168 ans après une certaine Caroline Herschell…