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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : UN AVENIR À FAIRE SOI-MÊME
Quelles sortes de loups, d’hommes ou de moutons habiteront
la planète ? Pour nous les humains, cette question signifie : quelle
sorte d’humain voulons-nous être ? L’homme peut être un loup
pour l’homme, mais il a surtout été un loup pour le loup, et
pour toutes les espèces naturelles dont il provoque l’extinction.
L’homme peut aussi être un mouton pour l’homme, dans les
cultures de soumission idéologique que l’on nous propose.
Le défi du développement durable ou de la « soutenabilité »
est de conduire la coévolution entre les humains, la nature (les
loups, les forêts, le climat, l’eau…) et les artefacts (les moutons,
les ordinateurs, les voitures, les médicaments…), de manière à ce
que l’humain puisse être humain selon le meilleur de ses possibles,
dans un monde où la nature conserve sa place et sa valeur, et où
les artefacts ne déshumanisent pas leur créateur.
Nous avons donc à vivre une révolution dans l’histoire des
civilisations humaines, la troisième révolution. La révolution n° 1 a
été celle du néolithique, la révolution n° 2 celle de l’avènement de
l’industrie, la révolution n° 3 est celle du soutenable. La révolution
n° 1 était à l’échelle de l’espèce, elle nous a permis de devenir une
espèce différente des autres, qui construit une culture matérielle et
une culture symbolique, qui construit des civilisations. La révolution
n° 2 était à l’échelle des États-nations, elle nous a donné la puissance
sur la nature et sur les humains, dans le cadre d’une civilisation
industrielle qui se globalise aujourd’hui en menaçant la survie
de l’écosystème et celle des humains eux-mêmes. La révolution
n° 3 sera à l’échelle de l’individu, pour que la personne devienne
soutenable, au sens le plus complet du terme1. Cette révolution n° 3
a commencé, mais elle est écrasée par le poids des cultures de la
puissance et de la soumission. Le développement durable, qui pose
les bonnes questions pour accomplir cette révolution du soutenable,
est encombré par des discours confus, de la récupération idéologique,
publicitaire et institutionnelle, et des stratégies contre-productives.