Les formateurs, les étudiants, les élèves mais aussi un large public pourront y puiser les outils qui les aideront à mieux saisir le corse sous ses différentes formes, à découvrir les mécanismes qui gouvernent la variation linguistique, à bien comprendre l’orthographe et les principales particularités linguistiques du corse par des indications pertinentes et efficaces, et enfin à appréhender sereinement les problèmes de l’évolution linguistique dans un esprit tolérant. Le travail de Jean-Marie Comiti apporte aussi toute une série de nouveautés qui sont le fruit de nombreuses recherches. C’est une nécessaire mise à jour des connaissances dans un contexte où le corse semble vouloir reprendre force et vigueur. Jean-Marie Comiti est professeur des Universités en sciences de l’éducation au sein de l’UFR Lettres de l’università di Corsica. Ancien président du jury du CAPES de corse, il veille tout naturellement à une formation poussée en matière de connaissance du corse dans le respect de sa diversité et à la patiente élaboration de l’esprit de tolérance associé au concept de « langue polynomique ». UMR 6240 LISA Jean-Marie Comiti Jean-Marie Comiti A pratica è a grammatica Le livre de Jean-Marie Comiti se propose d’exposer au public les connaissances de base que doit acquérir l’enseignant de langue corse (au-delà d’une pratique linguistique assurée) dans le cadre de sa formation. À ce titre le présent ouvrage est appelé à devenir un instrument de référence et de vulgarisation. • UNIVERSITÀ DI CORSICA Les tendances de la normalisation du corse laissent apparaître une grande originalité qui s’exprime à travers le respect de la diversité linguistique, notamment dans l’enseignement. Le corse polynomique, comme le nomment les spécialistes, suppose des modalités de formation et d’enseignement différentes de celles mises en œuvre pour les langues dites « officielles ». Quand unité et diversité font bon ménage 14 € ISBN : 978-2-84698-436-2 couv a pratica.indd 1 UNIVERSITÀ DI CORSICA 01/12/2011 11:00:33 Jean-Marie Comiti A pratica è a grammatica Quand unité et diversité font bon ménage UNIVERSITÀ DI CORSICA Ouvrage coordonné par Christophe Luzi, université de Corse Pasquale Paoli – UMR CNRS 6240 LISA Sommaire Avant-propos ................................................................................... 9 Préface ............................................................................................ 11 Introduction ...................................................................................... 13 Chapitre 1 : L’organisation de la variation linguistique........................................ 17 Chapitre 2 : L’alternance consonantique............................................................. 53 Chapitre 3 : L’orthographe du corse.................................................................... 67 Chapitre 4 : Classification verbale ...................................................................... 107 Chapitre 5 : Les classes nominales .................................................................... 161 Chapitre 6 : La création des mots ....................................................................... 173 Chapitre 7 : L’évolution de la langue : Le corse du IIIe millénaire....................... 191 Bibliographie .................................................................................... 203 Table des matières .......................................................................... 209 Avant-propos Une deuxième édition de A pratica è a grammatica signale le succès obtenu par cet ouvrage auprès du public. Ce manuel correspondait bien à un besoin notamment chez les enseignants du premier degré et du secondaire mais aussi dans le supérieur où les étudiants de la filière d’Études corses et ceux de l’IUFM trouvent de nombreux éléments utiles à leur formation linguistique. Ce n’est pas un hasard car cet ouvrage est le fruit de recherches menées par l’auteur au cours des vingt-cinq dernières années, recherches enrichies et renforcées par la fréquentation d’autres chercheurs qui de près ou de loin ont contribué par leurs écrits à une meilleure connaissance de la langue corse. Aussi, ce livre se présente-t-il comme un hommage à tous ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice par la rédaction d’articles, d’essais, de manuels, de dictionnaires, de lexiques, d’atlas linguistiques et dont la plupart des références se trouvent en bibliographie. Qu’ils soient associés au succès de A pratica è a grammatica. L’auteur Préface Jean-Marie Comiti est à l’heure actuelle l’un des plus représentatifs des chercheurs en études corses. S’il a publié des ouvrages de linguistique, dont le dernier concerne la langue bonifacienne, il possède aussi une connaissance directe de l’enseignement dans les classes : d’abord maître-auxiliaire, reçu au CAPES de corse à la première session de ce concours, puis maître de conférences à l’IUFM de Corse, il ne sépare pas la réflexion intellectuelle de l’expérience pédagogique. Il sait en faire bénéficier ses étudiants de l’IUFM, candidats au CAPES comme certifiés stagiaires, qui connaissent son enthousiasme et son dévouement. Il est depuis 1994, membre du jury du CAPES, où son sens de l’organisation et sa formation pédagogique le rendent indispensable. Cet équilibre théorie-pratique se retrouve dans le titre A pratica è a grammatica, malicieuse allusion à un proverbe bien connu (a pratica vinci a grammatica), mais qui va bien au-delà. Jean-Marie Comiti part d’un constat objectif des évolutions récentes : de nombreuses transformations ont touché l’enseignement du corse, même si des difficultés persistent, en particulier dans le premier degré : passage à l’offre de trois heures hebdomadaires d’enseignement, publication d’ouvrages pour tous les niveaux, CAPES qui a permis le recrutement de nombreux professeurs… Parallèlement s’élaborait le concept du corse comme langue polynomique, qui permettait enfin l’abandon des débats infinis sur « le vrai corse », « l’Académie » et la langue officielle normalisée dont la construction serait indispensable. Jean-Marie Comiti tente dans cet ouvrage de faciliter la connaissance de cette diversité enfin acceptée, en apportant l’information minimale nécessaire. Il ne s’agit évidem11 PRÉFACE ment pas d’imposer un livre officiel et la discussion se poursuit sur bien des points, pour lesquels l’ouvrage indique l’état des questions. Cette information est toujours donnée avec le souci de l’efficacité, et la rédaction simple de l’ouvrage le rend accessible, bien au-delà du milieu universitaire, à tous ceux qui souhaitent une connaissance plus poussée de notre langue. Il convient enfin de signaler que tout l’ouvrage est construit dans un esprit de débat démocratique, l’auteur et les enseignants en général n’y étant jamais présentés comme propriétaires omniscients de la langue, mais comme membres à part entière d’une communauté en devenir. Jean-Marie Arrighi Inspecteur pédagogique régional de langue et culture corses Introduction Après vingt-cinq ans d’une progressive et laborieuse mise en place, l’enseignement du corse a atteint aujourd’hui sa vitesse de croisière. Un nombre important d’élèves du primaire et du secondaire reçoit tous les ans un enseignement de langue et culture corses et l’objectif de généralisation, clairement affiché par le ministère de l’Éducation nationale, semble en bonne voie de concrétisation. L’université de Corti a pour sa part installé le « corse obligatoire » dans chacune de ses filières et inauguré en 2006 le « certificat de langue corse ». Malgré quelques zones d’ombre qui persistent, notamment la formation initiale et continue des maîtres et la garantie de la continuité de l’enseignement dans le primaire ordinaire et bilingue, la situation de la langue corse dans l’institution scolaire a considérablement progressé depuis 1974, année de l’extension au corse de la loi Deixonne, et 1981, année de son entrée officielle dans les écoles de l’île. De nombreux conseillers pédagogiques de langue corse dans le primaire, plus d’une centaine de professeurs titulaires dans le secondaire, un inspecteur dans le premier degré, un inspecteur dans le second degré, 33 sites bilingues dans le primaire et 4 collèges qui pratiquent le bilinguisme, une multitude de manuels scolaires adaptés à tous les niveaux de l’enseignement, bref une situation que nous envient de nombreuses régions de France. Au départ, parallèlement à une installation chaotique, les enseignants durent faire face aux problèmes d’ordre pédagogique et didactique posés par un enseignement qui n’avait jamais été 13 INTRODUCTION dispensé jusqu’alors. Mais en marge du système scolaire le milieu associatif avait fort heureusement entamé un travail de qualité en matière d’enseignement du corse, notamment à travers l’organisation de cours en Corse et sur le continent, et les premiers professeurs de langue corse qui se portèrent volontaires pour inaugurer l’entrée du corse dans les salles de classe en tirèrent un profit immédiat. Cependant, les rares travaux à caractère pédagogique étaient trop souvent ciblés sur un dialecte et ne tenaient pas compte de l’ensemble des variétés linguistiques corses. Le risque du renforcement des comportements dialectaux était patent et le casse-tête que représentait la diversité linguistique a souvent alimenté la tentation de l’uniformisation linguistique. C’est avec les années 1980 que la dimension supradialectale s’est fait jour et que les problèmes relatifs à la variation dialectale se sont estompés. Aujourd’hui les difficultés liées à la question de la normalisation linguistique et à la codification (l’orthographe) ont trouvé une réponse cohérente et convaincante et les enseignants sont formés dans l’esprit de ce qu’on appelle le corse polynomique. Le corse polynomique illustre cette langue appréhendée dans le respect de sa diversité. Toutes les variétés sont reconnues légitimes et aucune ne peut prétendre représenter à elle seule la langue corse. C’est une approche tout à fait originale, voire révolutionnaire, d’un enseignement linguistique qui demande une ouverture d’esprit et un sens de la tolérance particulièrement pointus. Mais l’enseignement d’une langue polynomique, contrairement au français qui se fonde sur la seule variété officielle, suppose une connaissance poussée de la variation linguistique qui puisse éviter d’injustes sanctions. L’enseignement du corse polynomique demande alors une formation adaptée qui doit amener le professeur à connaître le corse au-delà de sa propre variété. Le professeur doit également faire passer auprès de ses élèves cette notion de « différence 14 INTRODUCTION linguistique interne » à laquelle ils ne sont jamais confrontés dans le cadre des autres enseignements linguistiques. Cet ouvrage propose aux formateurs du premier et du second degré un ensemble d’informations susceptibles de les aider dans le cadre de leur enseignement. Il intéresse également un public scolaire et universitaire qui voudrait approfondir ses connaissances en matière de langue corse. Il livre enfin à un large public une approche de la notion de grammaire qui se veut plus tolérante et plus démocratique. CHAPITRE 1 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Comme toute langue dans le monde, le corse ne se parle pas exactement de la même façon selon qu’on se trouve dans une région ou dans une autre. C’est la conséquence naturelle de cette volonté qu’ont les groupes humains à se distinguer les uns des autres. Parmi les diverses pratiques culturelles, la langue est un support efficace de la différenciation. Cela se traduit par la constitution de plusieurs variétés linguistiques que les Corses n’ont généralement aucun mal à identifier. Ainsi, lorsqu’on a l’oreille suffisamment exercée, reconnaît-on sans grande difficulté l’origine géographique d’un locuteur corse. L’identité linguistique régionale et, au-delà, micro-régionale repose sur un faisceau de particularités qui ne doivent rien au hasard. On peut même parler d’une véritable « organisation » de la variation linguistique qui va s’appuyer sur des choix, et pourquoi pas des « options », qui vont donner sa cohérence et son unité à une variété tout en la distanciant d’une autre. C’est comme si vous choisissiez et personnalisiez un véhicule en ayant recours à des options différentes de celles proposées pour un autre véhicule ; vos choix permettront de vous classer dans un groupe de personnes possédant une voiture de même marque dont le modèle et les options peuvent varier. Transposons l’image au domaine linguistique corse : la marque du véhicule correspond à la langue corse dans son ensemble ; les différents modèles renvoient aux grandes variétés linguistiques identifiables au nord, au centre et au sud de l’île ; les options permettent, pour chaque modèle, d’opérer des classements plus réduits qui peuvent aller jusqu’à l’exemplaire unique, c’est-à-dire un parler local qui correspond à la manière tout à fait particulière qu’ont les habitants d’un village, voire d’un quartier, de parler le corse. 19 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Pour ce qui concerne la langue, les choix des « options » sont possibles dans différents domaines : la phonologie, la morphologie, le lexique et la syntaxe. Bien entendu ces choix ne s’opèrent pas partout en même temps mais au cours du déroulement de l’histoire de la langue, selon des procédures complexes qui rendent ces choix pratiquement inconscients contrairement aux choix relatifs à un véhicule. Il aura donc fallu des siècles pour que la variation linguistique corse s’organise et aboutisse à son état actuel. Cela implique également l’inévitable évolution de la langue qui continuera de se modifier au cours des siècles à venir. Mais rien d’inquiétant dans la mesure où tout ceci est normal et naturel. Dans ce chapitre nous proposons d’examiner à grands traits les modalités de la différenciation linguistique à partir des quatre domaines évoqués plus haut. Nous verrons quelles sont les principales particularités qui permettent de tracer des frontières linguistiques et qui fondent l’identité des grandes variétés du corse. Il est fondamental, dans le cadre de l’enseignement du corse polynomique, que le professeur sache comment s’opère et s’organise la variation linguistique à l’échelle de l’île entière. C’est une des conditions de l’efficacité de son enseignement. I. LE PLAN PHONOLOGIQUE A. Le vocalisme Le corse utilise les sept voyelles toniques suivantes : [a] [è] [é] [i] [ò] [ó] [u]. Le [u] se prononce toujours « ou » comme dans le français « cou », [a] et [i] comme dans « tata » et « titi », la voyelle e peut être ouverte [è] comme dans « mer » ou fermée [é] comme dans « fée », et pour finir la voyelle o peut être ouverte [ò] comme dans « port » ou fermée [ó] comme dans « sot ». En examinant l’utilisation de ces voyelles dans de nombreux mots on remarque que dans certaines zones de la Corse on entend [i] et [u] quand ailleurs on entend respectivement [è] et [ò]. C’est ainsi qu’on pourra avoir d’une part fritu (froid) et puzzu (puits), et d’autre part 20 LE PLAN PHONOLOGIQUE fretu et pozzu ; mais aussi lignu (bois), pinna (plume), siccu (sec), missa (messe), vitru (verre), aspissu (souvent), pira (poire), pilu (poil), iddu (lui), fitta (tranche), nivi (neige), friscu (frais), duminica (dimanche), gula (gorge), cruci (croix), furru (four), curra (courir), furca (fourche), musca (mouche), bucca (bouche), suttu (dessous), cursu (cours), sgiucca (chèvre domestique), tussa (toux), vargugna (honte), dulci (doux, gâteau), ruspu (crapaud) etc. où les voyelles [i] et [u] toniques se réaliseront ailleurs [è] et [ò]. Cette particularité résulte d’une évolution différente du i bref et du u bref latins qui se sont maintenus en l’état dans certains endroits et se sont transformés en [è] et [ò] ailleurs. C’est une constatation d’ordre phonologique qui va nous permettre de tracer une première frontière linguistique comme l’indique le schéma ci-dessous. Sone de passage de i bref à [è] et de u bref à [ò] Sone de maintien de i et u brefs latins La zone linguistique identifiée sur la base du maintien de i et u brefs latins couvre, au sud de l’île, la Rocca, l’Alta Rocca, la région de Portivechju ainsi que tout l’extrême sud. 21 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Sans quitter le domaine du vocalisme nous pouvons tracer une deuxième frontière en examinant cette fois les voyelles atones, c’est-à-dire celles qui dans les mots ne portent pas l’accent tonique. On s’aperçoit en effet que dans certaines régions il n’apparaît, en situation atone, que trois voyelles [a i u] quand on peut en percevoir davantage ailleurs [a è ò i u]. Nous ne retiendrons pas, pour le moment, les particularités relatives à la position prétonique et post-tonique. Voyelles atones [a è ò i u] Voyelles atones [a i u] On remarque alors que la Corse est pratiquement coupée en deux et que la zone nord présente un inventaire de voyelles atones plus riche que la zone sud. Cela veut dire que les voyelles atones [a i u] pourront apparaître partout en Corse alors que [è ò] ne sont possibles qu’au nord. Au sud, ces dernières seront représentées par les seules voyelles possibles [a i u]. 22 LE PLAN PHONOLOGIQUE Prenons quelques exemples : dans le mot Corsica (Corse) les voyelles atones i et a apparaissent de la même manière au nord et au sud puisqu’elles existent dans les deux inventaires. Il en est de même pour le mot pecura (brebis) dans lequel les voyelles atones u et a sont communes aux deux systèmes. Si nous prenons en revanche le mot onore (honneur), la prononciation [ònòrè] avec les voyelles atones ò et è n’est possible que si ces voyelles existent en position atone, ce qui est le cas dans la zone nord. Dans la zone sud on entendra anori [anóri] ou unori [unóri] conformément aux possibilités offertes par le système du sud. Bien entendu il existe des zones de « transition », notamment les régions frontalières, où peuvent apparaître des prononciations comme unore et onori. Mais en règle générale les deux systèmes restent bien distincts : ZONE NORD [a è ò u i] continentale cuntinentale paesanu paisanu portone purtone esattu Europa esercitu pretende esamine nettà nittà ZONE SUD [a i u] cuntinintali « continental » paisanu « paysan » purtoni purtonu asattu Auropa asercitu pratenda asamini « portail » « exact » « Europe » « armée » « prétendre » « examen » nittà « nettoyer » odore adori udori « odeur » posà pusà pusà « s’asseoir » 23 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE On remarquera qu’au nord comme au sud on joue sur les différentes possibilités qu’offrent les systèmes respectifs. C’est précisément sur ces possibilités que s’appuiera ensuite une autre phase de la différenciation, micro-régionale cette fois, qui aboutira à la constitution de dialectes. Nous y reviendrons plus loin. À l’issue de la seule analyse des différents systèmes vocaliques du corse, toniques et atones, on voit clairement se constituer trois grandes zones linguistiques qui coïncident avec ce qu’on appellera des régiolectes. Un « régiolecte » représente une variété linguistique que l’on utilise dans une région ; le terme « région » étant pris dans son sens géographique et non administratif. Il s’agit donc d’une variété qui s’étend sur un territoire assez vaste et dont les caractéristiques linguistiques (régies par des règles propres) lui confèrent une certaine homogénéité. Les régiolectes du corse Régiolecte septentrional Régiolecte central Régiolecte méridional 24 LE PLAN PHONOLOGIQUE La frontière qui sépare le régiolecte méridional du régiolecte central part à quelques kilomètres au nord de Portivechju, passe par le plateau du Cuscioni et descend sur la côte occidentale en suivant le Rizzanesi jusqu’à son embouchure. La frontière qui sépare le régiolecte central du régiolecte septentrional remonte le Fium’Orbu vers la région de Ghisoni pour redescendre le long de la vallée de la Gravona et aboutir dans le golfe de Lava au nord d’Aiacciu. Il est bon de noter qu’en matière de langue corse les observateurs ont toujours séparé l’île en deux en nommant le nord Cismonte et le sud Pumonte. Or cette partition à la fois géographique (la référence étant la chaîne montagneuse qui s’étend du sud-est au nord-ouest de l’île) et historique (on se situe par rapport à Gênes à laquelle a longtemps appartenu la Corse) ne coïncide pas avec notre partition linguistique. On remarquera par exemple qu’une partie du régiolecte septentrional entre dans le Pumonte au nord-ouest, et qu’une partie du régiolecte central s’étend dans le Cismonte au sud-est. Nos trois régiolectes corses se distingueront aussi grâce à d’autres particularités qui vont confirmer les frontières que nous venons d’établir. Il est d’ores et déjà utile de faire remarquer qu’une particularité linguistique qui conditionne la différence entre régiolectes peut aussi être commune à deux d’entre eux : ainsi les régiolectes septentrional et central se rejoignent dans le traitement de i et u brefs latins alors qu’ils se séparent au plan du vocalisme atone. Ce jeu de « divergences » et de « convergences » assure à la langue à la fois son unité organique et sa fonction différenciatrice. La notion de frontière linguistique renvoie bien entendu à des aires linguistiques disctinctes ; toutefois, elle admet une certaine perméabilité, de sorte que sur les zones frontalières se produisent des interférences. Il résulte de ces « métissages » interrégiolectaux de nouvelles variétes auxquelles nous avons donné le nom d’intralectes. Nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur les 25 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE caractéristiques linguistiques des « intralectes » qui constituent une modalité particulière de la différenciation. Pour l’heure il nous faut voir quelles sont les autres « options linguistiques » qui, dans le domaine phonologique, renforcent l’identité et la réalité de nos trois régiolectes. Le vocalisme, encore une fois, permet de distinguer le régiolecte méridional des deux autres. On remarquera par exemple que les voyelles e et o qui sont les seules à présenter deux degrés d’aperture [è é] et [ò ó] se comportent différemment dans les syllabes fermées, c’est-à-dire les syllabes terminées par une consonne. Dans ce contexte on entendra toujours des voyelles ouvertes dans la zone méridionale alors que, dans les mêmes mots, elles seront généralement fermées dans les zones centrale et septentrionale. C’est ce qui explique qu’on prononce au sud Corsica avec [ò] alors qu’on entend [ó] ailleurs. Prenons quelques exemples : 26 RÉGIO. MÉRIDIONAL CENTRAL/SEPTENTRIONAL Prononciation [ò] Prononciation [ó] morti morti/morte « mort » cottu cottu « cuit » donna donna « femme » corru corru/cornu « corne » ortu ortu « potager » coltu coltu « cueilli » inchjostru inchjostru « encre » mostra mostra « exposition » porta porta « porte » notti notti/notte « nuit » sò corsu sò corsu « je suis corse » LE PLAN PHONOLOGIQUE RÉGIO. MÉRIDIONAL CENTRAL/SEPTENTRIONAL Prononciation [è] Prononciation [é] pettu pettu « poitrine » vechju vechju « vieux » bestia bestia « bête » lettu lettu « lit » leghja leghja/leghje « lire » rispettu rispettu « respect » lestru lestru « rapide » metta metta/mette « mettre » ughjettu ughjettu/ogettu « objet » festa festa « fête » aspettu aspettu « aspect » Cette particularité, qui touche un nombre important de mots, nous amène à dire que l’ aperture vocalique est une des propriétés phonologiques sur laquelle les régiolectes peuvent s’appuyer largement pour se différencier. Un autre phénomène vocalique sépare cette fois le régiolecte septentrional des deux autres : c’est la transformation de la séquence [er] (généralement étymologique) en [ar]. Aussi auronsnous d’un côté terra (terre) et de l’autre tarra. RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL ferru farru « fer » erba arba « herbe » serrà sarrà « fermer » maschera mascara « masque » soceru sociaru « beau-père » 27 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL libertà libartà « liberté » persona parsona « personne » lettera lettara « lettre » serpu sarpu « serpent » terrore tarrori « terreur » cerbellu ciarbeddu « cerveau » nummeru nummaru « nombre » interru intarru « enterrement » nerbu narbu « nerf » serra sarra « chaîne montagn. » B. Le consonantisme Le consonantisme représente également un domaine privilégié de la différenciation linguistique. Il donne lieu à des processus qui vont encore une fois nous permettre de tracer et de confirmer des frontières. Nous n’en retiendrons que les principaux. Examinons par exemple la diffusion d’un phénomène qui au cours de l’histoire a concerné pratiquement toutes les langues romanes : la sonorisation. Il se trouve que s’est présentée en Corse la possibilité de transformer des consonnes intervocaliques (entre deux voyelles) sourdes en consonnes sonores. Ainsi les consonnes latines sourdes P T C, qu’on pouvait entendre dans CAPUT (tête), SITEM (soif), LOCUS (lieu), sont-elles devenues sonores [b] [d] [g] dans la zone septentrionale [k’abu] [s’èdè] [l’ógu]. La zone centrale a sonorisé uniquement C : [k’apu] [s’èti] mais [l’ógu] ; alors que la zone méridionale n’a pas opéré de sonorisation : [k’apu] [s’iti] [l’óku]. 28 LE PLAN PHONOLOGIQUE Diffusion de la sonorisation de PCT latins Sonorisation totale Sonorisation partielle Pas de sonorisation La sonorisation a toutefois touché d’égale manière les trois régiolectes quant à l’évolution de la consonne S intervocalique qui, en latin, se prononçait toujours sourde. Partout en Corse cette consonne a évolué vers la sonore [z] que l’on entend dans casa (maison), nasu (nez), pusà (s’asseoir), rosula (rose), etc. Le phénomène de la sonorisation va servir de support aux oppositions phonologiques qui règlent le sens des mots. Dans ce domaine les régiolectes central et méridional vont se rejoindre pour se distinguer du régiolecte septentrional. Par exemple, lorsqu’on différencie, dans la moitié nord de l’île, facce [f’atchè] (visages) de face [f’adgè] (il fait), la différence de sens repose sur l’opposition sourd/sonore des consonnes [tche] et [dge]. Le système orthographique transcrit cette opposition en doublant la consonne liée à la forme sourde et en laissant simple la consonne associée à la forme sonore. 29 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Ce même principe régit les oppositions entre fatta (faite) et fata (fée) [t/d], scappà (s’échapper) et scapà (décapiter) [p/b], buccata (bouchée) et bucata (lessive) [k/g], cotta (cuite) et cota (galet) [t/d], beccu (bouc) et vecu (je vois) [k/g]. Au rapport sourd/sonore correspond, dans la moitié sud de l’île, un rapport tendu/non-tendu par lequel les consonnes en opposition seront prononcées avec plus ou moins de puissance. Dans la zone concernée, ce qui oppose fatta et fata c’est la prononciation de la consonne [t] qui peut être tendue (forte) [tt] ou non-tendue (faible) [t]. Il en va de même pour des oppositions comme frittu (frit) et fritu (froid) [tt/t] dans le régiolecte méridional ; notti (nuit) et noti (tu nages) [tt/t] dans le régiolecte central. Les exemples peuvent bien entendu se multiplier. L’oreille est donc capable de faire la distinction entre les deux types de prononciation. Dans cette situation, le phénomène qui intervient pour règler le sens des mots se nomme la tension. Nous avons donc la frontière nord du régiolecte central qui sépare deux grandes régions : le nord se présente comme une zone de sonorisation alors que le sud apparaît comme une zone de tension. Zone de sonorisation Zone de tension 30 LE PLAN PHONOLOGIQUE Rappelons que la partition en deux zones, nord et sud, suppose que le sud englobe les régiolectes central et méridional qui se comportent de la même manière devant un phénomène linguistique donné. Il en sera de même pour ce qui va suivre. En conservant la même ligne de partage entre zone nord et zone sud, nous pouvons identifier un autre phénomène important : le bétacisme. Il s’agit de la transformation d’un V étymologique en [b], ce qui conduit à une confusion entre [v] et [b]. En la matière c’est la zone nord qui opère cette confusion. Dès lors on entendra toujours la consonne [b] dans vinu (vin), ventu (vent), vittura (voiture), invernu (hiver), vapore (vapeur), vacca (vache), vulè (vouloir), vela (voile), etc. comme dans bonu (bon), bancu (banc), bellu (beau), barca (barque), basgiu (baiser), etc. Dans la zone sud, au contraire, il n’y a pas de confusion entre [v] et [b] : dans la phrase babbu hà trè vitturi (papa a trois voitures) les consonnes b et v seront prononcées distinctement. Diffusion du bétacisme Zone de confusion de [b] et [v] Zone de distinction de [b] et [v] . 31 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Il existe quelques cas de bétacisme au sud, ce qui prouve que le phénomène a dû s’étendre bien au-delà de la zone nord avant de rebrousser chemin. Dans les mots boci (voix), bolu (vol), bulà (voler), biotu (vide), balisgia (valise), narbu (nerf), corbu (corbeau) le V étymologique est définitivement passé à [b]. Nous utiliserons encore une fois la même ligne de séparation pour évoquer un phénomène qui sépare l’île en deux : le passage de la séquence étymologique RN à RR (assimilation progressive). Par exemple, le mot latin CORNU reste cornu au nord et devient corru au sud. C’est donc la moitié sud qui développe le phénomène : NORD SUD cornu corru « corne » fornu forru/furru « four » carne carri « viande » turnà turrà « rentrer » cisterna cistarra « citerne » pernice parrici « perdrix » infernu infarru « enfer » Une autre particularité consonantique qui concerne les régiolectes méridional et central se trouve dans une consonne inconnue au nord : la consonne d’origine prélatine que l’on appelle [d] « cacuminal » ou « rétroflexe » et que l’on rend dans l’écriture par dd : cavaddu (cheval), coddu (cou), famidda (famille), padda (paille), etc. Au nord, ce son est rendu soit par la séquence ll (cavallu, collu), soit par gli (famiglia, paglia). Le d « cacuminal » n’est cependant pas systématique dans le régiolecte central où les autres choix sont également possibles. 32 LE PLAN PHONOLOGIQUE C. Autres phénomènes différenciateurs Nous avons examiné jusqu’ici des phénomènes qui nous ont permis d’identifier des variétés linguistiques dans leur extension la plus grande : les régiolectes. Sur la base des seules particularités phonologiques, les locuteurs corsophones n’ont aucun mal à situer un autre locuteur dans un des trois régiolectes. Toutefois, la différenciation linguistique ne s’arrête pas aux limites de nos trois grands ensembles régiolectaux. À l’intérieur même des régiolectes le processus de différenciation se poursuit pour aboutir à la constitution de nouvelles aires linguistiques plus réduites que nous appellerons des dialectes. Les dialectes se présentent alors comme des éléments constitutifs d’un régiolecte, ce dernier étant lui-même un élément constitutif de la langue. Cette phase fondatrice des dialectes va mettre en œuvre les mêmes processus de « choix d’options » qui ont présidé à la création des régiolectes. Ces « options » pourront coïncider avec des particularités linguistiques relatives à un autre régiolecte ou bien constituer des formes inédites. Chaque dialecte prendra alors une coloration particulière qui le distinguera des dialectes voisins. Les locuteurs ne s’y trompent pas, et à l’intérieur de chaque régiolecte ils reconnaissent les indicateurs dialectaux qui leur permettent de localiser géographiquement des locuteurs qui n’utilisent pas le même dialecte. En général on nomme les dialectes par le nom de l’habitant d’une micro-région ou par le nom de la micro-région précédé de « le parler de… » : le niolin, le balanin, le parler du Nebbiu, le capcorsin, le Bastiais, le parler de la Castagniccia, de la Casinca, du Cortenais pour le nord ; l’Ajaccien, le parler de la Gravona, le taravais, le parler du Fium’Orbu pour le centre ; le parler de la Rocca et de l’Alta Rocca (généralement rassemblés sous l’appellation de « sartenais »), le parler de Portivechju pour le sud. Il est bien évident que nous ne pourrons pas examiner ici, par le menu détail, toutes les particularités relatives à chaque dialecte 33 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE de l’île ; ce n’est d’ailleurs pas l’objectif premier de cet ouvrage dont l’orientation « scolaire » nous limite à l’évocation de grands ensembles linguistiques. Ce qui nous intéresse essentiellement c’est de faire comprendre les « mécanismes » qui régissent la diversité dialectale du corse. C’est pourquoi nous nous en tiendrons à quelques exemples relatifs à quelques dialectes et parlers. Nous avons vu plus haut que le vocalisme atone permettait de distinguer une zone nord d’une zone sud. Mais nous n’avions pas tenu compte de la position prétonique et post-tonique. Il se trouve que la position prétonique permet de répartir la zone nord en deux ensembles ouest/est dans lesquels les dialectes « occidentaux » (Niolu, Balagne, Nebbiu, Cortenais) développent un système à trois éléments [a i u] alors que les dialectes « orientaux » (Cap, Bastia, Casinca, Castagniccia) possèdent un système à cinq élements [a i u è ò]. Nous pouvons illustrer les différences ouest/est de la manière suivante : OUEST pinsà [i] paisanu [i] vindicà [i] piscadore [i] nittà [i] littucciu [i] cullà [u] purtone [u] pusà [u] tufone [u] unestu [u] anestu [a] unore [u] anore [a] 34 EST pensà [è] paesanu [è] vendicà [è] pescadore [è] nettà [è] lettucciu [è] collà [ò] portone [ò] posà [ò] tofone [ò] « penser » « paysan » « venger » « pêcheur » « nettoyer » « petit lit » « monter » « portail » « s’asseoir » « trou » onestu [ò] « honnête » onore [ò] « honneur » LE PLAN PHONOLOGIQUE Au plan phonologique, ce qui peut différencier le niolin du balanin c’est, par exemple, l’apparition dans le Niolu d’un [m] épenthétique dans certaines formes : – niolin : pombi (pommes de terre), piumba (plume), cambara (chambre), umbule (souple), fambe (faim) numberu (nombre) ; – balanin : pomi, piuma, camara, umule, fame, nummaru. En revanche, le balanin choisira de transformer le [l] en [r] (rhotacisme) dans des formes comme cardu (chaud), carcosa (quelque chose), carcagnu (talon), sartà (sauter), etc. ; choix que l’on pourra également observer dans d’autres dialectes de l’île, notamment dans la région bastiaise et ajaccienne. Si nous allons plus au sud, le dialecte de la Gravona et l’Ajaccien se distinguent du taravais par leur manière de confondre parfois le [d] et le [r] : i peri (les pieds), a ronna (la femme), crera (croire), vera (voir). L’Ajaccien se singularise lorsqu’il prononce famighja (famille), paghja (paille), tinaghja (tenaille), cunighju (lapin), pighjà (prendre), taghjà (couper), etc. alors qu’une grande partie du Fium’Orbu prononcera familla, palla, tinalla, tuvalla, pillà, tallà, etc. L’expression classique qui permet d’observer les différentes évolutions de la séquence latine LI (que l’on a dans FAMILIA) et d’identifier différentes variétés linguistiques est « piglia, taglia è metti in tuvaglia » (prends, coupe et mets sur la nappe) : – pighja, taghja è metti in tuvaghja (dialecte ajaccien) ; – piia, taia è metti in tuvaia (la frange nord du régiolecte central et tout le régiolecte septentrional) ; – piglia, taglia è metti in tuvaglia (une partie du dialecte taravais) ; – pilla, talla è metti in tuvalla (une partie du dialecte fiumorbais) ; – pidda, tadda è metti in tuvadda (la frange sud du régiolecte central et tout le régiolecte méridional). Certaines options linguistiques qui caractérisent un régiolecte (voire deux), peuvent être utilisées dans les processus de 35 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE dialectalisation. C’est pourquoi un phénomène comme le passage de ER à [ar], que nous avons présenté comme un fait commun aux régiolectes central et méridional, pourra être mis en œuvre au nord, notamment en Balagne : parsona, lettara, mascara, etc. Pour aller plus avant dans la constitution des variétés linguistiques, on peut remarquer qu’à l’intérieur même des zones dialectales se produisent des phénomènes différenciateurs qui vont nous permettre d’identifier le parler d’un village, voire d’un quartier dans les grands centres urbains, sur la base d’une ou deux particularités phonologiques. À ce niveau aussi les options linguistiques peuvent coïncider d’une variété à l’autre mais elles concernent des parlers qui appartiennent généralement à des régiolectes différents. Par exemple, on entendra les habitants de Pastricciola (qui se situe sur la frange sud du régiolecte septentrional) prononcer la consonne [p] quand on entend ailleurs [b] : sapatu (samedi), ropa (affaires, victuailles), bapu (père), apa (abeille), depule (faible), gapia (cage). Ce même phénomène va se rencontrer à Zicavu qui se situe dans le régiolecte central. Sur ce point précis, et pour reprendre l’image de l’automobile, on peut dire qu’une option est commune à deux modèles différents. Dans la cité impériale, les pêcheurs issus du quartier de « A Calata » se distinguent par la manière qu’ils ont de transformer les consonnes [r] et [s] en [l] dans de nombreuses formes : colda palta oltu fultuna balca molti poltu colciu 36 pour pour pour pour pour pour pour pour corda parta ortu furtuna barca morti portu corciu « corde » « partir » « potager » « fortune, chance » « barque » « mort » « port » « pauvre, paresseux » LE PLAN MORPHOLOGIQUE felta pilcà colta pour pour pour festa piscà costa « fête » « pêcher » « côte »… Dès lors les Ajacciens reconnaissent « le parler des pêcheurs de A Calata » qui mettent en œuvre un processus de distanciation en prenant le contre-pied d’une option ajaccienne que nous avons indiquée plus haut, à savoir la transformation d’un [l] en [r] : sartu (saut), corpu (coup), carzetta (chaussette), artru (autre), sarpà (appareiller, lever l’ancre), cardu (chaud), una vorta (une fois), carcosa (quelque chose), sarsa (sauce), etc. Plus au nord les locuteurs de la Castagniccia sont reconnaissables à leur manière d’ajouter un [i] à la fin des noms tronqués en -à : citai (ville), libertai (liberté), generositai (générosité), etc. Ce phénomène est aussi repérable dans d’autres variétés comme, par exemple, le vicolais. En Casinca, la séquence étymologique AR évolue vers [er], contrairement à ce qui se passe dans la partie ouest du regiolecte où on met en œuvre le phénomène inverse ; carcà (charger) devient alors chercà, marchjà (marcher), devient merchjà, carne (viande) devient cherne, etc. Dans le Cap, les locuteurs opèrent une assimilation particulière en faisant passer la séquence [str] à [ss] : u nostru (le nôtre) > u nossu, u vostru (le vôtre) > u vossu, mustrà (montrer) > mussà. Dans les régiolectes central et méridional la même séquence devient [che] : u nosciu, u vosciu, muscià. II. LE PLAN MORPHOLOGIQUE Les particularités morphologiques des différentes variétés corses seront directement tributaires du matériau phonologique qu’elles utilisent. C’est ce qui explique la grande diversité des formes verbales, nominales et autres classes grammaticales qui caractérisent la langue corse. 37 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Nous proposons d’examiner ici le domaine des verbes et des noms. A. Les verbes Le polymorphisme du corse apparaît clairement avec l’examen des désinences verbales relatives aux différents modes et temps. L’étude des infinitifs montre déjà une partition de la Corse en deux zones, nord et sud, corrélée au système vocalique atone propre à chacune des deux zones. Ainsi le régiolecte septentrional optera pour la désinence -E afin de marquer l’infinitif des verbes rhizotoniques (accent tonique sur le radical) et les régiolectes central et méridional opteront pour la désinence -A : vende sente cresce more munghje venda senta crescia mora mugna « vendre » « entendre » « croître » « mourir » « traire », etc. Le nord utilise donc une voyelle [è] qui existe dans son système vocalique atone post-tonique [a è ò i u] ; le sud doit choisir dans un inventaire à trois éléments [a i u]. Bien entendu les choix auraient pu être identiques sur la base des trois voyelles communes, mais les lois de la distanciation linguistique entrent en jeu et une frontière morphologique peut alors s’établir. Les variétés linguistiques jouent sur des propriétés phonologiques qui se répercutent sur la forme même des désinences verbales. Par exemple, l’existence au nord de la voyelle atone [è] va permettre de distinguer les deuxième et troisième personnes du singulier du présent de l’indicatif relatives aux verbes évoqués plus haut : vendi (tu vends), vende (il vend). Dans la zone sud on utilisera la même voyelle [i] pour les mêmes personnes : vendi (tu vends), vendi (il vend). Il se trouve que [a] 38 LE PLAN MORPHOLOGIQUE marque l’infinitif (venda) ; [u] marque la première personne du singulier (vendu) et que la seule voyelle qui reste disponible dans le système atone marquera la deuxième et la troisième personne. Ce type de distanciation repose sur des possibilités d’ordre « matériel » ; au sud par exemple on ne peut pas utiliser des sons qui n’existent pas dans le système phonologique. Toutefois, il apparaît des différences morphologiques dans le même régiolecte où on utilise le même matériau sonore. C’est bien la preuve qu’il existe à l’origine de la diversité dialectale des « choix » qui ont vocation à particulariser une micro-communauté linguistique. Par exemple, la désinence -a marque la troisième personne du singulier des verbes en -à comme cantà (chanter), manghjà (manger), parlà (parler), etc. Il se trouve que le balanin utilise -e : cante (il chante), manghje (il mange), parle (il parle), etc. à seule fin de créer une particularité dialectale qui va le différencier des dialectes voisins mais aussi de tous les autres dialectes corses. Le balanin continuera de se singulariser en alignant la désinence de la troisième personne du pluriel des verbes en -à sur celle des verbes en -e : cantenu, manghjenu, parlenu (quand on trouve ailleurs cantanu, manghjanu, parlanu) comme vendenu, sentenu, etc. La variété cortenaise procèdera de la même manière en choisissant une autre personne, la première du pluriel, et alignera la désinence des verbes en -à sur celle des verbes en -e : cantimu, manghjimu, parlimu comme vindimu, sintimu, durmimu, etc. Si nous écoutons l’Ajaccien et le parler de la Gravona nous entendrons une désinence de première personne du pluriel en -emi ou -imi quand partout ailleurs ont cours -emu ou imu : cantemi, manghjemi, parlemi, vindimi, sintimi, durmimi, etc. en face de cantemu, manghjemu, parlemu, vindimu, sintimu, durmimu. En revanche, les deux dialectes vont se distinguer au niveau de la troisième personne du pluriel : l’Ajaccien va aligner la désinence des verbes en -à (cantà) sur celle des verbes en -a (venda) : cantini, manghjini, parlini comme vendini, sentini, dormini ; 39 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE alors que la Gravona distinguera cantani, manghjani, parlani de vendini, sentini, dormini. La troisième personne du pluriel de tous les verbes (sauf auxiliaire esse/a « être ») est aussi l’occasion de distinguer une zone nord d’une zone sud grâce à la voyelle finale de la désinence : -u pour le nord, -i pour le sud. ZONE NORD cantanu parlanu leghjenu escenu finiscenu facenu stanu danu anu volenu ZONE SUD cantani parlani leghjini escini finiscini facini stani dani ani volini « ils chantent » « ils parlent » « ils lisent » « ils sortent » « ils finissent » « ils font » « ils restent » « ils donnent » « ils ont » « ils veulent » Le présent de l’indicatif n’est pas le seul temps qui donne lieu à différenciation. Prenons, par exemple, le futur : trois personnes sont communes à toutes les variétés corses et trois autres distiguent le régiolecte septentrional des deux autres : – désinences communes : 1re et 3e du singulier, 1re du pluriel ; – désinences différenciatrices : 2e du singulier, 2e et 3e du pluriel. DÉSINENCES COMMUNES RÉG. SEPTENTRIONAL canteraghju canterà canteremu 40 CENTRAL/MÉRIDIONAL cantaraghju cantarà cantaremu je chanterai il chantera nous chanterons LE PLAN MORPHOLOGIQUE DÉSINENCES COMMUNES RÉG. SEPTENTRIONAL venderaghju venderà venderemu seraghju serà seremu CENTRAL/MÉRIDIONAL vindaraghju vindarà vindaremu saraghju sarà saremu je vendrai il vendra nous vendrons je serai il sera nous serons DÉSINENCES DIFFÉRENCIATRICES RÉG. SEPTENTRIONAL canterai canterete canteranu venderai venderete venderanu serai serete seranu CENTRAL/MÉRIDIONAL cantarè cantareti cantarani vindarè vindareti vindarani sarè sareti sarani tu chanteras vous chanterez ils chanteront tu vendras vous vendrez ils vendront tu seras vous serez ils seront À noter que le passage de [èr] à [ar] est un phénomène phonologique (que nous avons déjà évoqué plus haut) qui vient renforcer le processus de différenciation. Toutefois, le régiolecte septentrional n’est concerné par ce phénomène que dans sa moitié occidentale. Si la morphologie verbale permet souvent de distinguer le nord et le sud, elle peut également révéler des différences entre le régiolecte central et le régiolecte méridional. On peut remarquer, par exemple, que l’imparfait de l’indicatif différencie le régiolecte méridional des deux autres qui en cette occasion se rejoignent. 41 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE En effet, les désinences des verbes en -à permettent de tracer une frontière : RÉG. SEPT/CENTRAL cantavu/a cantavi cantava cantavamu/-vami cantavate/-vati cantavanu/-vani RÉG. MÉRIDIONAL cantaiu/a cantai cantaia cantaiami cantaiati cantaiani je chantais tu chantais il chantait nous chantions vous chantiez ils chantaient Toujours à l’imparfait de l’indicatif, le régiolecte méridional développe une désinence particulière pour les verbes stà (rester), dà (donner), andà (aller) : stà staghjiu/a staghjii staghjia staghjiami staghjiati staghjiani dà daghjiu/a daghjii daghjia daghjiami daghjiati daghjiani andà andaghjiu/a andaghjii andaghjia andaghjiami andaghjiati andaghjiani Il existe bien entendu encore de nombreuses combinaisons différenciatrices dans la morphologie verbale du corse. Nous ne saurions ici explorer la totalité du champ, c’est pourquoi nous renvoyons aux planches de conjugaison dans le chapitre « classification verbale ». B. Les noms La différenciation morphologique touche également les noms au plan du genre et du nombre, et c’est le domaine 42 LE PLAN MORPHOLOGIQUE phonologique qui fournira les instruments de la distanciation. Aussi, à côté des noms masculins en -u comme libru (livre), trouverons-nous des noms en -e dans le régiolecte septentrional auxquels correspondent des noms en -i dans les deux autres régiolectes. C’est encore une fois la différence des systèmes vocaliques atones qui explique cette partition : RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL u pede u pedi le pied u mare u mari la mer u sangue u sangui le sang u core u cori le cœur u ponte u ponti le pont u paese u paesi le village/le pays Il en est de même pour le féminin où une classe en -e répond à une classe en -i : RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL a morte a morti la mort a sorte a sorti le sort a chjave a chjavi la clé a fame a fami la faim a notte a notti la nuit a carne a carri la viande La présence de la voyelle atone [è] dans le régiolecte septentrional est mise à contribution pour marquer le pluriel des noms féminins en -a : a casa (la maison) > e case, a zitella (la fille) > e zitelle, a donna (la femme) > e donne, etc. Dans les deux autres régiolectes on utilisera la voyelle [i] : i casi, i ziteddi, i donni, etc. 43 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Dans le domaine de la formation du pluriel le régiolecte méridional va se distinguer des deux autres régiolectes avec un pluriel en -a réservé aux noms masculins en -u qui n’ont pas de féminin en -a, auquel cas le pluriel se ferait en -i. Par exemple, le nom libru (livre) n’a pas de féminin ; le pluriel sera i libra. En revanche, le nom ziteddu (garçon) a un féminin zitedda (fille) ; le pluriel sera i ziteddi pour le masculin comme pour le féminin. Le nom u cavaddu (le cheval) fera i cavadda au pluriel car le féminin est a ghjumenta ; alors que u ghjacaru (le chien) fera i ghjacari car le féminin est a ghjacara. RÉG. MÉRIDIONAL CENTRAL/SEPTENTRIONAL pluriel en -a pluriel en -i i loca i lochi les lieux i foca i fochi les feux i labra i labri les lèvres i mura i muri les murs i luma i lumi les lumières i poma i pomi pommes de terre La distinction entre régiolectes peut s’établir à partir de noms masculins qui présentent un suffixe. Par exemple, au suffixe augmentatif -ONE du régiolecte septentrional correspond -ONI au centre et -ONU au sud : NORD 44 CENTRE SUD purtone purtoni purtonu portail muraglione muraglioni muraddonu muraille buccone bucconi bucconu bouchée pataccone patacconi patacconu pièce pidone pidoni pidonu facteur LE PLAN LEXICAL III. LE PLAN LEXICAL Le lexique, bien que moins performant que la phonologie et la morphologie dans les processus de différenciation linguistique, est incontestablement le domaine qui retient le plus l’attention. C’est en effet principalement le lexique que le sens commun évoque lorsqu’il s’agit de souligner les différences dialectales. « Chez nous on dit comme ça, là-bas c’est plutôt comme ça » entend-on souvent dans les commentaires relatifs à la diversité linguistique. Et dans la majorité des cas ce sont toujours les mêmes exemples symboliques qui reviennent : ghjacaru et cane (chien), finestra et purtellu (fenêtre), caminu et sciaminè (cheminée), guardà et fighjulà (regarder), sameru et asinu (âne), vaghjimu et auturnu (automne), etc. pour les termes différents qui ont le même sens ; scruchjetta (braguette/lumbago), chjinà si (se coucher/s’asseoir), etc. pour un même terme qui renvoie à des sens différents. Il est indéniable que des choix lexicaux ont été opérés dans différentes régions corses et que l’emploi de tel ou tel mot peut révéler l’origine géographique d’un locuteur. Ainsi la forme cane permet d’identifier quelqu’un issu du régiolecte septentrional alors que ghjacaru renvoie aux régiolectes central et méridional. Mais à lui tout seul l’un de ces deux termes peut induire en erreur car chacun d’eux peut être utilisé dans la phase de différenciation « dialectale » (et non plus « régiolectale »). C’est ainsi que l’Ajaccien dira u cani alors qu’il se trouve dans la zone de « ghjacaru », et que le vicolais dira ghjacaru alors qu’il se trouve dans la zone de « cane ». En revanche, certains termes donnent une indication précise de leur provenance. Au plan régiolectal, missiavu et minnanna (grand-père, grand-mère) renvoient au régiolecte méridional ; babbonu/babbone et mammona/mammone aux régiolectes central et septentrional (la différence étant d’ordre morphologique) ; et à l’intérieur du régiolecte septentrional caccaru et caccara est propre aux parlers du Nebbiu, Bastia et le Cap Corse. 45 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Quand on entend le mot monda pour signifier « beaucoup » on peut dire qu’on a affaire au régiolecte méridional ; assai couvre le régiolecte septentrional ; le régiolecte central proposera une variation dialectale basée sur assai et monda, mais aussi sur massi et mori typiques du Taravu. Pour rendre l’adjectif indéfini « rien », le régiolecte méridional dispose de nudda et nienti avec une préférence pour le second ; le régiolecte central utilise nudda mais l’Ajaccien opte pour nienti ; tandis que le régiolecte septentrional choisit la forme nunda qui évolue vers nulla à mesure que l’on approche du Cap. Voici encore quelques exemples de différenciation lexicale à travers des termes dont vous pourrez rechercher l’origine géographique : – charrue : aratu, armacciu, cunceghju ; – outil : arnese, attrazzu, farru, erdignu ; – usé : frustu, frazatu, raspiatu, liveru ; – crier : briunà, gridà, mughjà, stridà ; – haleine : ansciu, fiatu, alinatu ; – fou : scemu, scioccu, tontu, mattu, pazzu ; – se tacher : taccà si, imbruttà si, mullizzà si, maganà si, impiastrà si, musinà si ; – trébucher : pilà, investe, inciampicà, inticcià, incappuccià, impettà, impiccicà, iscuntrà, inciampà ; – célibataire : vechju figliu, figliu, fantinu, ghjuvanottu, rumasciu, monacu ; – bébé : cininu, criampulu, criaturu/a, ciucciu ; – ruisseau : vadina, ghjargalu, fiumarellu, vadellu, vergalellu ; – poussière : pula, fulena, polvara, pulvariccia ; – s’asseoir : pusà si, chjinà si, calà si, chjinà si à pusà ; – poupée : puppona, puppatula, buatta, pupatta ; – furoncle : brisgiolu, chjaveddu, biddisgiolu, chjirchjoni ; 46 LE PLAN LEXICAL – épuisé : scantatu, acciaccatu, accaliatu, troncu, stancu mortu, stancu pestu, spussatu, dicinnulatu, achjacchitu, struncatu, fiaccu ; – toupie : frulla/u, trufulu, schincara, zufulella, bussò, corulu, frugulu, biribì, ballarinu, maroccula ; – coccinelle : gallina di u Signore, ciriola, bulamantellu, cincinella, sciaccumantellu, induvinellu, bulellu, bulabuledda, santa Lucia, – paresseux : corciu, culisciacciatu, scansafatica, fannullone, langaione, vagabondu, sciupparatu, pultronu, prienzosu, natufiaccu, fannientone, mullacconu, tranchju, piazzone, michelazzu, stercaghju, infingardu, pigru, stundaghjone. IV. LE PLAN SYNTAXIQUE La syntaxe représente la partie de la langue la plus stable ; c’est pourquoi la variation relative à ce domaine semble peu perceptible. Il existe toutefois des particularités qui sont de nature à permettre l’identification de telle ou telle variété. Nous nous limiterons à quelques exemples. Dans la construction comparative, la conjonction utilisée va permettre de distinguer le régiolecte septentrional des deux autres : chè pour le premier, cà pour les autres. Aussi auronsnous hè più inteligente chè tè (il est plus intelligent que toi), hè più bravu chè Petru (il est plus gentil que Pierre) au nord ; et hè più intalighjenti cà tè, hè più bravu cà Petru au sud. La conjonction chè peut toutefois déborder sur le nord du régiolecte central. Le pronom interrogatif est également susceptible de donner des indications quant à l’origine d’un locuteur. En général le corse utilise chì : chì dici ? (que dis-tu ?), chì si manghja oghje ? (que mange-t-on aujourd’hui ?) ; or certaines variétés comme le Bastiais et l’Ajaccien vont utiliser cosa : cosa dici ? cosa si magna oghji ? 47 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Ces deux variétés vont également se rejoindre dans l’utilisation de l’ordre datif-accusatif en cas de cumul de pronoms : mi lu dai (tu me le donnes), ti la dicu eiu (c’est moi qui te le dis), mi lu compru (je me l’achète) ; alors que l’ordre accusatif-datif est de rigueur partout ailleurs : u mi dai, a ti dicu eiu, u mi compru. La variété linguistique qui couvre la région vicolaise se distingue par une syntaxe particulière de certaines phrases interrogatives dans lesquelles l’ordre pronom adverbial-verbe est inversé : hè ci ne ghjente ? (y a-t-il des gens ?), ai ne soldi ? (as-tu de l’argent ?), voli ne vinu ? (veux-tu du vin ?). Ailleurs, c’est le « ton » qui indique l’interrogation : ci n’hè ghjente ? ne ai soldi ? ne voli vinu ? Dans cette même variété on trouve une construction originale (quoique possible mais rare ailleurs) dans l’expression du superlatif relatif : a più casa bella di u paese (la plus belle maison du village), u più casgiu bonu di u rughjone (le meilleur fromage de la région) pour a casa più bella di u paese, u casgiu più bonu di u rughjone, etc. La région de Portivechju se distingue par la construction du complément de nom sans la préposition di : a guerra ‘llu quattordici (la guerre de 14) pour a guerra di u quattordici ; a morti ‘llu vechju Paulinu (la mort du vieux Paulin) pour a morti di u vechju Paulinu, etc. Le Bastiais propose une expression particulière du participe datif qu’il distingue de l’accusatif par la désinence -i : l’aghju dati l’aghju datu l’aghju cumprati l’aghju cumpratu > je lui ai donné > je l’ai donné > je lui ai acheté > je l’ai acheté La syntaxe du cortenais se singularise par l’extension de l’adjectif possessif post-posé à fratellu (frère) et à surella (sœur) : fratellumu (mon frère), surellama (ma sœur) à côté de babbitu 48 LE PLAN SYNTAXIQUE (ton père) et mammata (ta mère) commun à toutes les autres variétés. L’Ajaccien propose un pronom original ghi lorsqu’on trouve ailleurs li : ghi dò un schiaffu > li dò un schiaffu (je lui donne une gifle) dà ghi stu libru > dà li stu libru (donne-lui ce livre) V. LA NOTION D’« INTRALECTE » Nous avons déjà évoqué le terme d’intralecte pour désigner une variété linguistique issue, d’une part, du contact entre deux variétés et, d’autre part, de choix inédits et originaux. Ces variétés se trouvent principalement sur des frontières linguistiques et se présentent comme des zones de transition. Pour illustrer les particularités de l’« intralecte » nous prendrons l’exemple du vicolais qui se trouve à l’intersection des régiolectes central et septentrional, sur le versant ouest de l’île. Le caractère hybride du vicolais est lié à certains choix qui le rapprochent soit du régiolecte septentrional soit du régiolecte central. On peut dire en effet qu’en règle générale les traits phonologiques et morphologiques l’apparentent au nord tandis que les traits lexicaux et syntaxiques le rapprochent du centre/sud. Par exemple, le vicolais possède, comme au nord, la voyelle atone [è] qui marque l’infinitif des verbes qui présentent [a] plus au sud (sente, vende, dorme, etc.) Cette même voyelle marque le féminin pluriel (case, donne, zitelle) quand le sud emploie [i] (casi, donni, ziteddi). Comme au nord le vicolais ne distingue pas [b] de [v] et il privilégie la « sonorisation consonantique ». En revanche, le lexique le rapproche du centre/sud car on y retrouve des termes comme ghjacaru, vaghjimu, fighjulà. Un terme comme carre (viande) apparaît comme une véritable forme de compromis car on décèle à la fois un [è] atone qui renvoie au nord et une assimilation progressive RN > [rr] qui relève du centre/sud. 49 L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE Toutefois, l’intralecte peut générer des formes et des tours qui lui sont propres. Au plan de la morphologie verbale le vicolais dira sete (vous êtes) quand au nord on utilise site et au centre/ sud seti. Il se distinguera également des autres variétés en alignant les désinences des verbes en -e (vende, sente, dorme…) sur les désinences des verbes en -à (cantà, parlà, pusà…) à la première personne du pluriel : VICOLAIS vindemu sintemu durmemu partemu cusgemu vinemu AUTRES vindimu sintimu durmimu partimu cusgimu vinimu nous vendons nous entendons nous dormons nous partons nous cousons nous venons Le vicolais distingue une forme propre parchè (pourquoi) de perchè (parce que) quand le nord et le centre/sud utilisent la même forme pour les deux sens, soit respectivement perchè et parchì. * * * Pour conclure ce chapitre sur « l’organisation de la variation linguistique », nous insisterons sur le caractère naturel, voire inéluctable, de la différenciation. Les variétés linguistiques qui en résultent sont toutes légitimes et ne sauraient donner lieu à une quelconque hiérarchisation. Une fois intégrée cette dimension plurielle de la langue on s’aperçoit que bien des obstacles tombent dans le domaine pédagogique et didactique car on aborde la discipline dans un état d’esprit différent. La notion de « faute », que nous a si profondément inculquée le système normatif français fondé sur la « norme officielle unique », perd de sa consistance et devient toute relative. 50 LA NOTION D’« INTRALECTE » On s’aperçoit alors avec soulagement que l’on peut prononcer de diverses manières, conjuguer de différentes façons, construire librement sur la base d’un corse polynomique dont l’approche n’a plus rien d’angoissant. Dès lors, l’enseignement du corse appelle une connaissance des principes généraux qui régissent la variation. La question tant de fois posée par le passé, à savoir « quel corse enseigner ? », n’est plus d’actualité aujourd’hui. L’enseignant de langue corse sait aller au-delà de sa propre pratique dialectale en utilisant des supports pédagogiques qui rendent compte de la diversité linguistique. Une conséquence de l’enseignement de type variationnel c’est qu’il favorise, chez l’enseigné, des phénomènes d’amalgame linguistique qui se traduisent par l’apparition de formes à caractère « intralectal » similaires à celles que nous avons vues plus haut à propos des intralectes. Si on admet que les « intralectes » sont des variétés légitimes et qu’ils participent de la vie même du corse, il est inutile de s’inquiéter devant ce type de phénomène. D’autant que les moyens modernes de communication et de diffusion linguistique (télévision, radio, disques, presse…) renforcent les métissages dialectaux. Si la sensibilisation à la variation linguistique doit accompagner l’enseignement du corse en favorisant l’ouverture d’esprit et la tolérance, il ne saurait être question d’en faire un véritable objet d’étude dans les écoles. On aura compris que les connaissances théoriques intéressent davantage les enseignants et que les apprenants attendent qu’on leur fournisse les clés de l’expression en langue corse sans qu’ils soient désorientés ou gênés par la diversité dialectale. CHAPITRE 2 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE L’alternance consonantique (ou mutation consonantique) est un phénomène important que tout professeur de langue corse est amené à traiter dans son enseignement car une bonne prononciation des consonnes dites « mutantes » (cunsunali cambiarine) en dépend. Il s’agit en effet d’un phénomène qui touche une grande partie des consonnes initiales et dont la prononciation peut varier en fonction de l’entourage phonique. C’est en fait ce qui précède une consonne initiale (et nous insistons bien sur initiale car la mutation consonantique n’existe pas à l’intérieur du mot) qui va déterminer sa prononciation. En règle générale ce qui précède un mot c’est : soit une pause (notée à l’écrit par un point, une virgule ou tout autre signe de ponctuation) soit un autre mot qui se termine par une voyelle atone, une voyelle tonique ou une consonne. La mutation consonantique (scunsunatura) est aussi un phénomène complexe que nous ne pouvons, dans le cadre de cet ouvrage, appréhender dans toute son ampleur car les contraintes pédagogiques nous obligent à opérer des simplifications. Toutefois, nous en décrirons les modalités au niveau des trois régiolectes que nous avons identifiés dans le chapitre précédent. Il se trouve que les ouvrages à vocation pédagogique et didactique (hormis les quelques ouvrages et articles spécialisés à caractère universitaire), qui jusqu’à ce jour ont évoqué l’alternance consonantique, présentent le phénomène sous un angle restreint car les différentes descriptions offertes au public se limitent à une seule région linguistique : le nord. L’inconvénient majeur se trouve dans le fait que les règles généralement édictées fonctionnent pour le régiolecte septentrional ; mais elles deviennent totalement inopérantes pour les régiolectes central et méridional. 55 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE Un autre inconvénient est d’ordre terminologique dans la mesure où l’usage didactique a consacré les termes de pretta pour indiquer une prononciation « forte », et frolla pour une prononciation « faible ». Nous verrons plus loin que ces deux termes ne recouvrent pas les mêmes réalités phonologiques au nord et au sud ; il nous faudra donc préciser les choses sur ce point. En outre, le phénomène de la scunsunatura est présenté à partir d’une base écrite. Les différents auteurs passent en revue les consonnes de l’alphabet orthographique (u santacroce) et leurs possibles combinaisons et indiquent comment lire et prononcer correctement un texte écrit. Pour notre part, nous étudierons la mutation consonantique à partir d’un système de sons (phonologique) que nous transcrirons, par commodité, à l’aide de signes graphiques courants (l’alphabet français) mis entre crochets. Nous disions plus haut que nous nous intéresserions à l’alternance consonantique au plan des trois régiolectes ; en fait, nous pouvons simplifier et traiter ensemble les régiolectes central et méridional dans la mesure où ils réalisent la mutation consonantique de manière à peu près identique. Nous pouvons d’ores et déjà confirmer une frontière linguistique déjà utilisée plus haut et qui distingue une zone nord d’une zone sud. Le phénomène en question nous confronte grossièrement à deux systèmes, septentrional et méridional, qui vont se distancier sur un certain nombre de points et se rejoindre sur d’autres. Nous retrouverons donc des mouvements alternatifs de divergence et de convergence qui replacent l’alternance consonantique dans une entité linguistique à la fois « une et multiple ». I. LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL Dans la mesure où l’alternance consonantique concerne uniquement les consonnes initiales, nous nous intéresserons à celles qui, étant soumises au phénomène, peuvent apparaître dans cette 56 LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL position. Nous pouvons exclure les consonnes qui, dans tous les cas, se prononcent de manière sensiblement identique ; il s’agit des consonnes suivantes, appelées non-mutantes (en corse manse « domestiques ») : [che] [ge] [dz] [dge] [gne] > > > > > scemu sgiò zanu giardinu gneri « idiot » « seigneur, notable » « sac en peau » « jardin » « grimaces » Pour ce qui concerne les autres consonnes nous distinguerons les non-sonantes des sonantes car les modalités de la mutation leur sont spécifiques. A. Les consonnes non-sonantes La règle de l’alternance consonantique qui peut s’appliquer à ce type de consonnes est la suivante : 1. Après une pause, une voyelle tonique ou une consonne, les consonnes sourdes restent sourdes et les consonnes sonores restent sonores. 2. Après une voyelle atone, les consonnes sourdes deviennent sonores et les consonnes sonores se transforment en semiconsonnes ou disparaissent. Nous pouvons schématiser ce phénomène dans un tableau en utilisant les sigles P.Vt.C. et Va qui renvoient respectivement aux positions 1. et 2. : ALTERNANCE CONSONANTIQUE DES NON-SONANTES Après PVtC Après Va Après PVtC Après Va sourdes sonores sonores [p] [t] [k] [f] [s] [ts] [tche] [tj] [b] [d] [g] [v] [z] [dz] [dge] [dj] [b] [d] [g] [dj] [w] [/] [w] [j] [j] [/] [/] 57 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE Après P.Vt.C. Pane hè pane un pane Topu trè topi un topu Cane sò cani un cane Festa hè festa in festa Seta hè seta per seta Ziu hè ziu un ziu Cecu hè cecu un cecu Chjodu sò chjodi un chjodu Battellu trè battelli un battellu Ditu trè diti un ditu Gola trè gole in gola Ghjudice hè ghjudice un ghjudice 58 Après Va [p] u pane [b] [t] u topu [d] [k] u cane [g] [f] a festa [v] [s] a seta [z] [ts] u ziu [dz] [tche] u cecu [dge] [tj] u chjodu [dj] [b] u battellu u biancu u bracciu [w] [j] [/] [d] u ditu [/] [g] a gola u granu [w] [/] [dj] u ghjudice [j] LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL B. Les consonnes sonantes Il s’agit des consonnes [m] [n] [l] [r] pour lesquelles la règle de la mutation peut s’énoncer ainsi : 1. Après une voyelle tonique (Vt) la prononciation est tendue. 2. Après une pause, une voyelle atone ou une consonne (P.Va.C.) la prononciation est non-tendue. ALTERNANCE CONSONANTIQUE DES SONANTES Après Vt Après PVaC tendues non-tendues Après Vt Hè mamma [mm] Trè nipoti [nn] Hè Luisa [ll] Trè ragni [rr] [mm] [nn] [ll] [rr] [m] [n] [l] [r] Après P.Va.C. mamma a mamma per mamma nipote u nipote per nipote Luisa di Luisa per Luisa ragnu u ragnu un ragnu [m] [n] [l] [r] Nous remarquerons que l’alternance consonantique telle qu’elle fonctionne dans le système septentrional privilégie la sonorisation en cohérence avec la région où elle se réalise et que nous appelions dans le chapitre précédent « zone de sonorisation ». Dans la mesure où les consonnes sonantes ne peuvent pas se réaliser sourdes ou sonores, on les soumet au phénomène de la tension sur le modèle de ce qui se passe dans la « zone de tension », à savoir les régiolectes central et méridional. 59 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE C’est en ce sens que le système septentrional rejoint, dans le domaine des consonnes sonantes, le système méridional. Comme nous le faisions remarquer en introduisant le chapitre, la terminologie pretta et frolla pour indiquer une prononciation « forte » ou « faible » ne peut s’appliquer que si on considère que pretta renvoie à sourde et frolla à sonore. Mais alors les consonnes sonantes sont exclues du système d’alternance alors qu’elles y participent pleinement. On comprend alors pourquoi les divers ouvrages qui traitent du phénomène déclarent les cossons [m] [n] [l] [r] « non-mutantes » (manse), ce qui semble une manière commode de contourner la difficulté. II. LE SYSTÈME MÉRIDIONAL Comme au nord le système méridional présente des consonnes dont la prononciation reste plus ou moins stable dans tous les cas de figure : [che] [ge] [gne] [tj] [dge] > > > > > scimmia sgiucca gnocchi chjavi giardinu « singe » « chèvre domestique » « gnocchi » « clé » « jardin » Nous remarquerons toutefois que le son [dge] est relativement rare dans la zone méridionale et qu’il se réalise la plupart du temps [tche] ciaddu (jaune), ciandarmu (gendarme) ou [dj] ghjurnali (journal), ghjuvintù (jeunesse), etc. La règle de l’alternance consonantique qui prévaut dans le système méridional peut s’énoncer comme suit : 1. Après une voyelle tonique (Vt) les consonnes (sonantes et non-sonantes) se prononcent tendues. 60 LE SYSTÈME MÉRIDIONAL 2. Après une pause, une voyelle atone ou une consonne (P.Va. C) les consonnes (sonantes et non-sonantes) se prononcent non-tendues. 3. Après une pause, une voyelle tonique ou une consonne (P.Vt.C.) les consonnes sourdes [f] et [s] (et [k] dans le régiolecte central) restent sourdes et les consonnes sonores [v] et [dj] restent sonores. 4. Après une voyelle atone (Va) les consonnes sourdes [f] et [s] deviennent sonores et les consonnes sonores [v] et [dj] se transforment en semi-consonnes. Après Vt tendues [pp] [tt] [kk] [tts] [ttche] Apr. PVaC non-ten. [p] [t] [k] [ts] [tche] Après Vt tendues [bb] [dd] [gg] [mm] [nn] [ll] [rr] Apr. PVaC non-ten. [b] [d] [g] [m] [n] [l] [r] Apr. PVtC sonores [f] [s] [v] [dj] ([k] régio. centr.) Après Va sonores sem-con [v] [z] ([g] régio. centr.) [w] [j] Nous remarquerons que dans la zone méridionale, que nous avons nommée « zone de tension », c’est bien le rapport tendu/ non-tendu qui est privilégié. La convergence avec le système septentrional s’établit sur la base de quelques consonnes non-sonantes qui peuvent être soumises au rapport sourd/sonore et qui suivent la règle du nord. Après Vt hè pani Après P.Va.C. [pp] pani u pani un pani [p] 61 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE Après Vt trè topi hè casgiu hè ziu hè cecu hè babbu trè duttori hè goffu sò morti trè nipoti sò lonzi sò ragni 62 Après P.Va.C. topu [tt] u topu un topu casgiu [kk] u casgiu un casgiu ziu [tts] u ziu un ziu cecu [ttche] u cecu un cecu babbu [bb] u babbu un babbu duttori [dd] u duttori un duttori goffu [gg] u goffu un goffu mortu [mm] u mortu per mortu nipoti [nn] u nipoti par nipoti lonzu [ll] u lonzu un lonzu [rr] ragnu u ragnu un ragnu [t] [k] [ts] [tche] [b] [d] [g] [m] [n] [l] [r] LE SYSTÈME MÉRIDIONAL Apr. PVtC Après Va festa hè festa in festa [f] a festa [v] sognu sò sogni par sognu [s] u sognu [z] vuluntà hè vuluntà cun vuluntà [v] a vuluntà [w] ghjacaru trè ghjacari par ghjacaru [dj] u ghjacaru [j] a casa [g] RÉGIOLECTE CENTRAL casa trè casi in casa [k] Il nous reste à préciser quelques points qui nous semblent importants. * S’agissant de la consonne mutante [s] qui peut se réaliser sourde ou sonore, il nous faut ajouter que la règle de la mutation s’applique uniquement lorsque cette consonne est suivie d’une voyelle. Si [s] précède une autre consonne, c’est la nature de celle-ci qui déterminera la prononciation sourde ou sonore. La règle est la suivante : – si [s] est suivi d’une consonne sonore, sa prononciation est obligatoirement sonore ; – si [s] est suivi d’une consonne sourde, sa prononciation est obligatoirement sourde. La raison en est physiologique et il n’est pas possible de faire autrement : 63 L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE devant cons. sourde prononciation [s] spazzola stuzzicà scappaticciu sfacciatu schjattà devant cons. sonore prononciation [z] sbugiardà sdentatu sgaiuffu svintulata sbatta Si [s] est suivi d’une consonne sonante, la prononciation peut être sourde ou sonore : smania, snudà, slanciu, sradicà, etc. * Les règles de prononciation des consonnes sonantes peuvent parfois être prises en défaut par des phénomènes phonétiques. S’il est admis, par exemple, que la prononciation de [n] est non-tendue après une pause, une voyelle atone ou une consonne (PVaC), il se peut que la consonne qui précède soit identique à la consonne en question ou qu’elle en soit phonétiquement très proche ; il s’en suivra une prononciation tendue conditionnée par l’addition ou l’assimilation consonantique : – nasu, u nasu avec [n], – noia, a noia avec [n], – manu, a manu avec [m], – mè, da mè avec [m], – locu, u locu avec [l], – rè, u rè avec [r], mais un nasu avec [nn] mais cun noia avec [nn] mais in manu avec [mm] mais cun mè avec [mm] mais in locu avec [ll] mais per rè avec [rr] * La consonne [dz], non-mutante au nord, subit un traitement particulier au sud où, en position forte Vt (après voyelle tonique), elle se désonorise en [ts]. D’une part, elle échappe au phénomène général de la tension, et d’autre part, elle inverse le rapport généralement sourd/sonore en rapport sonore/sourd : 64 LE SYSTÈME MÉRIDIONAL – zinu, u zinu, un zinu avec [dz] mais trè zini [ts] – zanu, u zanu, un zanu avec [dz] mais trè zani [ts] – zerru, u zerru, un zerru avec [dz] mais trè zerri [ts] * * * Pour conclure nous rappelons que le phénomène de l’alternance consonantique tel qu’il est présenté dans ce chapitre ne fonctionne pas exactement de la même façon partout en Corse. C’est d’ailleurs un phénomène qui, dans le cadre de la différenciation dialectale, donne lieu à de petits écarts par rapport aux deux grands systèmes que nous venons de décrire. L’essentiel était de montrer que les modalités de la mutation prennent généralement appui sur la sonorisation au nord et sur la tension au sud, d’une part, et que des interéchanges entre systèmes s’opèrent au plan de certaines consonnes, d’autre part. Notre but n’était pas de détailler par le menu la mutation consonantique mais de donner les éléments explicatifs d’un phénomène important que les enseignants de langue corse doivent pouvoir transmettre dans de bonnes conditions. Nous ne saurions trop leur conseiller de manier avec précaution les termes pretta et frolla dont nous avons vu qu’ils renvoient à des réalités différentes en fonction du système étudié. CHAPITRE 3 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Depuis la fin du XIXe siècle l’usage écrit du corse a généré une orthographe basée sur le système italien. Les adaptations successives ont abouti, au début des années 1970, à l’édition d’un manuel qui rencontrera un franc succès : Intricciate è cambiarine de D.A. Geronimi et P. Marchetti. Novateur dans son contenu et dans sa démarche militante, le manuel en question ne tardera pas à devenir l’instrument de référence prépondérant. Hormis quelques scripteurs qui tiennent à demeurer fidèles à une orthographe dite « traditionnelle », le système Intricciate è cambiarine est désormais largement employé dans les usages littéraires et autres. Sa grande originalité réside dans l’adaptation cohérente de l’orthographe au phénomène de la mutation consonantique, et notamment dans le transfert à l’intérieur du mot de ce phénomène qui concerne uniquement la position initiale (cf. chapitre 2). C’est ainsi que les transformations que subissent les consonnes en début de mot vont se transporter à l’intérieur de celui-ci et aboutir à une relative unification de l’orthographe. Si on écrit, par exemple, cità avec un seul t c’est qu’on considère que la consonne sourde [t] se sonorise en [d] après une voyelle atone au nord et qu’elle reste sourde au sud, conformément à la règle de l’alternance consonantique. Si on n’avait pas opéré le transfert de la règle de la mutation consonantique à l’intérieur du mot, c’est-à-dire à un endroit où elle n’existe pas réellement, on aurait écrit cidà au nord et città au sud, et cela dans le respect absolu des prononciations relatives aux deux régions. 69 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Il faut toutefois être conscient que ce type de solution appelle des adaptations (pour ne pas dire des « concessions ») mutuelles entre les différents régiolectes. Dans le cas de cità les scripteurs du sud renonceront à la double consonne tt, pourtant conforme à leur prononciation, afin de permettre aux lecteurs du nord de pratiquer une sonorisation qu’une double consonne neutraliserait. En sens inverse, c’est bien parce que le « sudiste » prononce un [v] dans vittura que le « nordiste » écrira v au lieu de b ; c’est une manière de respecter la distinction b/v qui s’opère au sud, contrairement à ce qui se passe au nord. Ce sont des attitudes graphiques qui soulignent un esprit de tolérance et de reconnaissance réciproque que nous avons appelé l’esprit polynomique. Une particularité importante de l’adaptation « intérieure » de la mutation consonantique c’est qu’elle ne tient pas compte de la tonicité de la voyelle précédant la consonne mutante. Par exemple, dans le mot fata (fée) le premier a est tonique, ce qui n’empêche pas, au nord, la sonorisation de t : [f’ada]. C’est bien la preuve que le caractère tonique ou atone de la voyelle est neutralisé à l’intérieur du mot. Intricciate è cambiarine a eu le grand mérite de fournir au corse les instruments de sa codification. Toutefois, les auteurs ont appuyé leurs réflexions sur leur connaissance du système septentrional en oubliant beaucoup trop souvent les systèmes méridionaux. De ce point de vue on peut dire que l’ouvrage demeure incomplet ou inachevé. Ajoutons que, parallèlement à un ensemble de propositions acceptées dans leur grande majorité, certaines graphies recommandées par le manuel n’ont pas été consacrées par l’usage : l’emploi du tréma, les lettres intricciate (enchevêtrées), l’expression de l’impersonnel par les formes s’è lu, s’è la (désormais orthographiées s’ellu, s’ella). Dans la mesure où le corse polynomique suppose le respect de la variation linguistique, il est naturel que le système orthographique 70 en soit le reflet. Aussi le système orthographique corse doit-il s’appuyer sur les systèmes phonologiques afin de coller au mieux à la réalité linguistique. En conséquence, le corse emploie principalement une orthographe phonologique qui s’avère d’un usage à la fois souple et aisé. Le système orthographique corse ne tient pas compte de l’étymologie car cette dernière pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il n’est que de regarder l’extrême complexité de l’orthographe française qui précisément s’appuie la plupart du temps sur le latin (et malheur à qui ne connaît pas le latin !) Personne ne peut nier que le corse est issu, comme toute langue romane, du latin. Mais quel latin ? Le latin dit vulgaire ou populaire. Cette langue qui très tôt s’était distanciée du latin dit classique pour donner naissance, plus tard, à de nouvelles langues. Invoquer le latin (et qui dit latin dit « latin classique ») pour gérer l’orthographe suppose des risques d’erreur et devient un non-sens dans la mesure où le corse renvoie à un système différent : le latin populaire. Se référer à ce dernier serait certainement plus légitime, mais encore une fois cela demanderait une bonne maîtrise du latin dans sa version classique et vulgaire. En fait, les éventuels problèmes orthographiques du corse se résolvent facilement en ayant une relative connaissance du corse des autres. Cela s’acquiert dans le cadre d’un enseignement polynomique. C’est généralement l’écriture des consonnes doubles qui pose problème. Cela vient de la différenciation régiolectale fondée sur la sonorisation ou la tension (cf. chapitre 1). Quand on sait comment on prononce dans une autre région linguistique, on a pratiquement résolu le problème sans avoir eu recours à un quelconque latin. Nous essaierons de livrer, dans ce chapitre, les outils qui permettent d’écrire le corse et nous proposerons quelques réflexions sur des points qui, dans la pratique actuelle, révèlent un certain flottement. 71 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE I. LES CONSONNES Un système orthographique doit évidemment permettre de transcrire des sons. Mais non pas tous les sons que nous entendons dans une langue, sinon nous verserions dans une orthographe phonétique. Cela veut dire qu’il faut opérer un choix entre les sons dont les fonctions linguistiques imposent qu’ils soient écrits et les sons qui relèvent d’un effet de variation sans conséquences sur le sens des mots. Par exemple, ce n’est pas parce que certaines variétés prononcent un [b] « spirantisé » après une voyelle atone qu’il faut absolument traduire la spirantisation dans l’écriture. L’orthographe phonétique peut le faire par souci de précision ; l’orthographe phonologique n’en tient pas compte dans la mesure où le changement de prononciation n’entraîne pas de changement de sens. Par conséquent on écrira u boiu (le bœuf) avec un b qui renvoie à une prononciation bilabiale même si dans certaines variétés de corse on réalise une spirante (pas de contact des lèvres). Nous proposons, dans le tableau ci-dessous, les sons consonantiques et semi-consonantiques qui ont un équivalent orthographique : sourdes sonores nasales liquides sem.cons. 72 tendues [pp] [tt] [kk] [tts] [ttche] [ff] [ss] non-tend. [p] [t] [k] [ts] [tche] [tj] [f] [s] [che] tendues [bb] [dd] [dd.] [gg] [vv] non-tend. [b] [d] [g] [dge] [dz] [dj] [v] [z] [ge] tendues [mm] [nn] non-tend. [m] [n] [gne] tendues [ll] [rr] non-tend. [l] [r] [lje] [w] [j] [y] LES CONSONNES La consonne que nous avons notée [dd.] renvoie au « d cacuminal » en usage dans la zone sud. Pour indiquer la graphie associée à chacun des sons ci-dessus identifiés, nous constituerons trois groupes : a/ les cossons non-tendues, b/ les consonnes tendues, c/ les semi-consonnes. Par souci d’équité interdialectale nous présenterons la graphie de chaque consonne dans le cadre des trois régiolectes corses (septentrional, central, méridional). Les exemples indiqueront également la place occupée par la consonne dans le mot : à l’initiale, après consonne, après voyelle. L’indication est d’importance car la diversité des systèmes phonologiques peut amener, dans le cadre d’une orthographe phonologique, à une seule et même écriture pour deux sons différents. A. Les consonnes non-tendues Occlusives : [p] [t] [k] [b] [d] [g] * [p] comme dans « papa » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit P à l’initiale et après consonne : pane, pesciu, corpu, colpu. Régiolecte central : cette consonne s’écrit P à l’initiale, après consonne et après voyelle : povaru, pumonti, scarpu, colpu, scopu, scopra. Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit P à l’initiale, après consonne et après voyelle : parenti, piscà, talpa, colpu, capu, topu. * [t] comme dans « tata » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit T à l’initiale et après consonne : tepidu, tappu, carta, stortu. 73 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Régiolecte central : cette consonne s’écrit T à l’initiale, après consonne et après voyelle : toiu, teppa, porta, cultura, fata, seta. Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit T à l’initiale, après consonne et après voyelle : tianu, tontu, sparta, curtu, ditu, cota. * [k] comme dans « kaki » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou CH + i, e à l’initiale et après consonne : casa, cosa, curà, china, chere, mercatu, turcu, calanca, carchi, barche. Régiolecte central : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou CH + i, e à l’initiale et après consonne : caspa, cori, culà, chinesu, chersu, marcatu, porcu, panca, parchì, forchi. Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou CH + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : caru, costula, curciu, chilò, chirurgu, marcuri, vescu, purcaghju, macaru, amiconi, fuculaghju. * [b] comme dans « baba » Régiolecte septentrional : compte tenu de la confusion [b/v] qui s’opère dans ce régiolecte, cette consonne s’écrit B ouV à l’initiale et après consonne, elle s’écrit P après voyelle : barca, boie, corbu, alba, vinu, ventu, invità, invernu, capu, topu, scopa, capelli. Régiolecte central : cette consonne s’écrit B à l’initiale, après consonne et après voyelle : barba, borsa, arburu, albori, tabaccu, ribombu, dibattitu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit B à l’initiale, après consonne et après voyelle : bughju, butti, narbu, tabaccu, ribatta, trabuccà si. 74 LES CONSONNES Remarque : pour ce qui concerne le régiolecte septentrional, le choix entre B ou V se fait par rapport aux autres régiolectes et non par rapport à l’étymologie ; si on entend [b] ailleurs on écrit B, si on entend [v] on écrit V. Certains mots ont été touchés par le bétacisme au niveau de toute la Corse (cf. chapitre 1) ; il nous semble plus cohérent de faire enregistrer le phénomène par le système orthographique afin de respecter à la fois la prononciation effective et le choix d’une orthographe phonologique : boci, bulà, bolu, biotu, balisgia, corbu, narbu, annarbà. Il est donc inutile de faire appel à l’écriture étymologique dans la mesure où la consonne V ne correspond pas à la réalité phonologique. * [d] comme dans « dada » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit D à l’initiale et après consonne, elle s’écrit T après voyelle : dente, dumane, corda, rende, ditu, fata, rota. Régiolecte central : cette consonne s’écrit D à l’initiale, après consonne et après voyelle : drentu, dopu, lardu, stenda, coda, radica. Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit D à l’initiale, après consonne et après voyelle : daretu, donna, perda, ricordu, strada, deda. * [g] comme dans « gaga » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou GH + i, e à l’initiale et après consonne, elle s’écrit C + a, o, u ou CH + i, e après voyelle : galera, goffu, gustu, ghigna, Gherardu verga, largu, larghi, lunghezza amica, fucone, locu, lochi, poche. Régiolecte central : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou GH + i, e à l’initiale et après consonne, elle s’écrit C + a, o, u ou CH + i, e après voyelle : gabbia, goffu, gustu, ghigna, Ghilardu purga, ingodda, alghi, lunghezza Corsica, fuconi, ficu, lumachi, pochi 75 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou GH + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : gastrunumia, goffu, gula, ghigna, ghizzu purgu, largu, magu, figarettu. Remarque : dans les régiolectes septentrional et central, on saura qu’il faut orthographier C après voyelle, si on sait que dans la même position on prononce [k] dans le régiolecte méridional. Encore une fois, c’est la connaissance des autres qui donne la solution. Nasales : [m] [n] [gne] * [m] comme dans « maman » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit M à l’initiale, après consonne et après voyelle : mare, muntagna, calmu, soma, suminà Régiolecte central : cette consonne s’écrit M à l’initiale, après consonne et après voyelle : moru, muntonu, colmu, fami, sameru Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit M à l’initiale, après consonne et après voyelle : morti, matrimoniu, palmu, famosu, lamaghjoni Remarque : une tendance générale révèle que la prononciation de [m] se réalise de plus en plus tendue [mm]. Cela se traduit dans l’orthographe par un doublement de la consonne : commu, cumm’è, nommu, ommu, cummunu, somma, cunsummà, trimmà etc. Il est légitime que ce type d’évolution soit pris en compte par le système orthographique. Toutefois, il nous semble opportun de conserver, dans l’attente d’une neutralisation complète de l’opposition [mm]/ [m], certaines graphies qui lèvent l’ambiguïté entre des formes comme soma (charge) et somma (somme), caminu (cheminée) et camminu (chemin)… * [n] comme dans « nana » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit N à l’initiale, après consonne et après voyelle : neru, nota, cornu, pernu, pane, sonu 76 LES CONSONNES Régiolecte central : cette consonne s’écrit N à l’initiale, après consonne et après voyelle : nodu, nidu, scornu, vernacula, pena, sanu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit N à l’initiale, après consonne et après voyelle : nudu, natà, inguernu, lana, spona Remarque : dans la majeure partie du régiolecte septentrional, la consonne [n] placée après voyelle entraîne une nasalisation de la voyelle : pane [p’ãnè], cane [k’ãnè], lana [l’ãna], etc. L’écriture ne tient pas compte de ce phénomène. * [gne] comme dans « gnangnan » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GN à l’initiale et après voyelle : gneri, gnocchi, pignotta, castagna Régiolecte central : cette consonne s’écrit GN à l’initiale et après voyelle : gneri, gnocchi, pagnu, muntagna Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit GN à l’initiale et après voyelle : gneri, gnocchi, stagnu, pignatta. * Remarque : la consonne [gne] ne peut pas apparaître après consonne. Par ailleurs, après voyelle elle a tendance à se « dénasaliser » en [ndj] dans le régiolecte septentrional : [munt’andja], [kast’andja], etc. sur le modèle de ghjunghje, munghje, manghjà, etc. Si l’orthographe enregistre cette prononciation pour les verbes, elle ne le fait pas pour les noms et les adjectifs. Aussi, des graphies comme muntanghja, castanghja, panghju, etc. sont-elles erronées. Fricatives : [f] [s] [che] [v] [z] [ge] * [f] comme dans « fanfan » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit F à l’initiale et après consonne : focu, festa, incalfà, disfà Régiolecte central : cette consonne s’écrit F à l’initiale et après consonne : fola, fughja, incalfà, malfidatu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit F à l’initiale et après consonne : fatica, finestra, incalfà, malfatta. 77 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE * [s] comme dans « souci » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit S à l’initiale (quand elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne sourde) et après consonne : sera, sole, salute, scurdà si, sfruttà, corsu, salsa, insegnà Régiolecte central : cette consonne s’écrit S à l’initiale (quand elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne sourde) et après consonne : sarra, solu, sabbatu, scappà, sfacciatu, cursinu, falsu, cunsiglià Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit S à l’initiale (quand elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne sourde) et après consonne : sognu, sarpu, saluta, scapizzonu, sfaccindatu, mursicà, cursu, insista. * [che] comme dans « chichi » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u ou SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciatica, scioccu, scimizia, scemu, pasce, usciu, cusciottulu, cuscinu, cascetta Régiolecte central : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u ou SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciappà, sciroccu, scimità, scempiu, pasciali, gusciu, cusciali, nosciu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u ou SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciuppà, sciuma, scimmia, scemu, rascià, lascita, cascia, pisciu, fascia * [v] comme dans « vivant » Régiolecte septentrional : dans ce régiolecte cette consonne n’existe pas à l’initiale et après consonne, elle existe après voyelle et elle s’écrit F : stofa, tufone, lofia Régiolecte central : cette consonne s’écrit V à l’initiale et après consonne, elle s’écrit F après voyelle : ventu, vinu, vittura, invitu, stalvatoghju, Calvi stofa, tafonu, lofia 78 LES CONSONNES Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit V à l’initiale et après consonne, elle s’écrit F après voyelle : vigna, vuluntà, vaddi, viculu, invintà, cunventu stofa, tafonu, lofia * [z] comme dans « zig-zag » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit S après voyelle et lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore : casa, pusà, nasu, sgaiuffu, sdentatu, sbatte Régiolecte central : cette consonne s’écrit S après voyelle et lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore : cosa, pisà, mesi, sgangaratu, sdinticatu, sbuttà Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit S après voyelle et lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore : pesu, musu, rasu, svintulata, sbuchjà, sgarbatu. * [ge] comme dans « jeu » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit SGI + a, o, u ou SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiotta, misgiu, camisgia, brisgiolu Régiolecte central : cette consonne s’écrit SGI + a, o, u ou SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiucca, casgiu, grisgiu, fasgiolu, brusgià Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit SGI + a, o, u ou SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiucca, basgiu, damisgiana, cusgia Affriquées : [ts] [tche] [tj] [dz] [dge] [dj] * [ts] comme dans « tsigane » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale et après consonne : zucca, zappa, marzu, terzu 79 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Régiolecte central : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, après consonne et après voyelle : zeppu, zocculu, forza, calzetta, nazioni, prumuzioni Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, après consonne et après voyelle : zoppu, zuccaru, ziu, calzittà, pinzutu, rilazioni, pusizioni. Remarque : l’orthographe corse utilise le même signe (graphème) pour rendre compte de deux sons différents : [ts] et [dz]. C’est certainement une faiblesse du système qui peut générer des incertitudes et des flottements aussi bien dans l’écriture que dans la lecture de certaines formes. En effet, le système phonologique septentrional laisse entendre une consonne sonore [dz] là où les autres réalisent une sourde [ts]. Le risque est de voire apparaître la double consonne ZZ là où la consonne simple suffit. * [tche] comme dans « tchétchène » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit CI + a, o, u ou C + i, e à l’initiale et après consonne : cena, cele, cicala, carciara, falcinu Régiolecte central : cette consonne s’écrit CI + a, o, u ou C + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : cera, cennara, incirata, calcina, paci, foci Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit CI + a, o, u ou C + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : cetara, ciudda, ciò, quarciu, parcittori, faci, cocia. * [tj] à peu près comme dans « Mathieu » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : chjaru, chjamà, marchjà, maschju, vechju, machja Régiolecte central : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : chjucu, chjarasgia, marchjà, inchjudà, spechju, cuchjaru 80 LES CONSONNES Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : chjavi, chjodu, chjinà si, inchjostru, arichji, attrachju. * [dz] comme dans « Dzaoudzi » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, après consonne et après voyelle : zanu, zinu, lonzu, orzu, mezu, azezu Régiolecte central : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, et après consonne : zerri, zeru, pranzu, lonzu, orzu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, et après consonne : zanu, zini, zerri, orzu, lonzu. * [dge] comme dans « Djerba » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GI + a, o, u ou G + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle. giallu, giovanu, giurnale, ginerale argentu, margine regione, regina, prigiò, pagina Elle s’écrit CI + a, o, u ou C + i, e après voyelle lorsqu’elle renvoie au son [tche] dans les deux autres régiolectes : pace, face, puce, luce, macinà, mucidisce, coce. Régiolecte central : cette consonne n’existe pas dans le système phonologique du régiolecte central. On trouvera à la place soit [tche] soit [dj] : ciaddu, ciandarmu, ciuvanottu, cucinu arghjentu, paghjina, prighjò, righjoni, righjina. Régiolecte méridional : même commentaire que ci-dessus. * [dj] à peu près comme dans « adieu » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle intérieure : ghjocu, ghjudice, manghjà, punghje, paghju, maghju 81 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Elle s’écrit CHJ à l’initiale lorsqu’elle est précédée d’une voyelle et qu’elle renvoie au son [tj] dans les deux autres régiolectes : a chjave, u chjodu, u chjosu, a chjudenda etc. Régiolecte central : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : ghjacaru, ghjornu, sparghja, inghjennà, oghji, sulaghjolu Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : ghjilusia, ghjustra, inghjò, inghjulià, coghju, pughjali. Liquides : [l] [lje] [r] * [l] comme dans « lilas » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit L à l’initiale, après consonne et après voyelle : locu, lenza, cultura, ciarlà, pala, mela Régiolecte central : cette consonne s’écrit L à l’initiale, après consonne et après voyelle : lionu, latti, parlà, Carlu, palu, scalà Régiolecte méridional : lana, lamaghja, sparlaccià, ascultà, malignu * Remarque : dans certaines variétés la consonne [l] a tendance à se transformer en [r] (cf. chapitre 1). Afin de ne pas introduire de risques de confusion (corpu « corps », corpu « coup » ; cardu « chardon », cardu « chaud », etc.), il est souhaitable de conserver le l d’origine avec la possibilité de le prononcer autrement (variation orale libre). C’est ce qui se pratique dans des cas d’amuïssement, principalement au nord, lorsqu’on écrit mela, pala, culà alors que la consonne l disparaît pratiquement de la prononciation. Une particularité importante de la consonne [l] placée derrière la sonore [b], c’est qu’elle empêche cette dernière de se transformer en semi-consonne après une voyelle, à l’intérieur du mot. 82 LES CONSONNES Cette propriété phonologique peut être mise à profit afin de simplifier l’orthographe. En effet, puisque la consonne [b] se prononce obligatoirement si elle est suivie de [l] il est inutile de doubler le B pour assurer sa prononciation : publicu, ubligà, ablativu, republica, abluccà, etc. [lje] comme dans « lieu » Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GLI ; elle ne peut apparaître qu’à l’intérieur du mot et après voyelle : famiglia, moglia, butteglia, cunsigliu, muraglione, paglietta Régiolecte central : quand elle existe cette consonne s’écrit GLI dans les mêmes conditions que ci-dessus. Régiolecte méridional : cette consonne est rare dans le système phonologique du régiolecte méridional. Toutefois, lorsqu’elle apparaît elle s’écrit comme ci-dessus : cunsigliu, buttiglia, cunigliu En général le son [lje] est systématiquement remplacé par [dd.] : famidda, padda, mudderi, buddettu, muradda, spadda, etc. Remarque : le son [lje] se transforme généralement en semi-consonne [j] ([p’aja] [m’ója] [fam’ija], etc.) dans la zone nord ; l’orthographe ne tient pas compte de cette particularité. En revanche la graphie restitue d’autres prononciations comme famighja ou familla. * [r] le son est « roulé » comme en italien. Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit R à l’initiale, après consonne et après voyelle : risu, rimore, copre, altru, core, tirà Régiolecte central : cette consonne s’écrit R à l’initiale, après consonne et après voyelle : rosula, raza, cotru, latru, maiori, curà 83 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit R à l’initiale, après consonne et après voyelle : risata, rustaghja, patronu, crudu, suredda, maritu. * Remarque : la consonne [r] a la propriété phonologique de neutraliser, à l’intérieur du mot, le changement d’une consonne sonore en semi-consonne (ou son amuïssement). En effet, le système phonologique corse n’admet pas des séquences comme [wr] [jr] [yr]. Les consonnes sonores susceptibles de se changer en semi-consonnes après une voyelle sont : [b] [d] [g] [v]. Ces consonnes se maintiennent obligatoirement dans la prononciation si elles sont suivies de [r] ; cela nous permet de ne pas doubler la consonne dans des mots comme libru, labru, abracciu, ebreiu, ibridu, fabrica, uttobre, agrancatu, abrustulì, agradì, etc. et de ne pas passer par la consonne sourde dans des mots comme madrigale, quadrigliu, Avretu, muvra, muvrinu, calavrone, etc. Cette solution nous semble cohérente car elle s’appuie essentiellement sur le système phonologique et nous évite de faire appel à d’éventuelles formes étymologiques. B. Les consonnes tendues L’orthographe rend compte de la tension des consonnes en doublant celles-ci dans l’écriture. Puisque le système orthographique n’admet pas deux consonnes identiques en début de mot (l’usage en a décidé ainsi), les doubles consonnes se trouveront toujours à l’intérieur des mots et après voyelle. Dans la mesure où l’écriture de ces consonnes est généralement la même dans les trois régiolectes, nous les traiterons de manière commune. Toutefois, nous apporterons quelques commentaires relatifs à la différenciation graphique lorsque nous le jugerons nécessaire. Occlusives : [pp] [tt] [kk] [bb] [dd] [dd.] [gg] * [pp] Cette consonne s’écrit PP : tappu, scappà, coppa 84 LES CONSONNES * [tt] Cette consonne s’écrit TT : cottu, lettu, pattighjà * [kk] Cette consonne s’écrit CC + a, o, u ou CCH + i, e : rocca, taroccu, tacchi, stecchi, stacche * [bb] Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit BB ou VV si elle renvoie au son [vv] des autres régiolectes : babbu, robba, sabbatu, debbitu, debbule, abbacinu avvene, avvinghje, avvicinà si, avvilinà Régiolectes central/méridional : cette consonne s’écrit BB : abba, gabbia, rabbia, abbandunà, ubbidiscia. Remarque : dans certains parlers la consonne tendue [bb] tend à se « désonoriser » en [p] ; c’est la raison pour laquelle on rencontre des formes comme sapatu, bapu, depuli, ropa, etc. On peut interpréter cette orthographe comme une volonté du scripteur à signaler une particularité phonologique d’un parler ; toutefois, il ne faut pas généraliser ce type d’écriture pour rendre compte du son [bb] auquel cas on imposerait une prononciation [p] à ceux qui ne sont pas concernés par le phénomène. Sur ce point précis il serait bon que l’on écrive toujours BB et que la prononciation [p] reste du domaine de la variation orale libre. * [dd] Cette consonne s’écrit DD : addiu, adduluratu, addurmintatu, adducà… * [dd.] Cette consonne n’existe pas dans le régiolecte septentrional. Ailleurs elle s’écrit DD : cavaddu, capeddi/capiddi, middi, scoddu, moddu, tuvaddolu, piddà, scaddà, patedda, padedda… 85 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE * [gg] Cette consonne s’écrit GG : agguantà, agguainà si, agguattà, aggalabbatu. Nasales : [mm] [nn] * [mm] Cette consonne s’écrit MM : mamma, cummare, ammintà, cummentu, grammatica, ammanitu. * [nn] Cette consonne s’écrit NN : nanna, annannà, cannone, sonnu, annu, annuncià, cunnutà, pannu, canna. Fricatives : [ff] [ss] [vv] * [ff] Cette consonne s’écrit FF : staffa, goffu, muffa, raffica, affari, soffre/a, suffrittu, affollu, diffamà. * [ss] Cette consonne s’écrit SS : rossu/russu, spassighjata, passu, fossu, messa/missa, stessu, cuntessa. * [vv] Cette consonne n’existe pas dans le régiolecte septentrional. Ailleurs elle s’écrit VV : avvedaci, avveda si, avvilinà, avvena, avvinimentu, avvià si. * Affriquées : [tts] [ttche] * [tts] Cette consonne s’écrit ZZ : azzione/i, pozzu/puzzu, razza, pazzia, pezzu, mazzulu, cazzarola. * [ttche] Cette consonne s’écrit CCI + a, o, u ou CC + i, e : faccia, stacciu, stracciatu, bracci, stucci, muccicosu 86 LES VOYELLES * Liquides : [ll] [rr] * [ll] Cette consonne, rare dans le régiolecte méridional, s’écrit LL : ghjallina, collu, spalla, pullone, palla. * [rr] Cette consonne s’écrit RR : carrettu, porru, ferru, tarra, currulà, merrula, sarrà, incurrà, zerri. C. Les semi-consonnes Les semi-consonnes sont des sons transitoires particuliers qui représentent toujours le premier terme d’une diphtongue (dans le cas inverse on aurait affaire à des semi-voyelles). Elles n’ont pas de signe orthographique propre, c’est pourquoi elles sont représentées par une consonne ou une voyelle lorsqu’on les fait apparaître dans la graphie. * [w] comme l’anglais « want » ou l’arabe « oued » Ce son est représenté par la consonne V dans : uva [‘u-wa], livame [li-w’a-mè], lavà [la-w’a], scavà [ska-w’a], spaventu [spa-w’èn-tu], etc. Dans le régiolecte septentrional, il est la réalisation d’un B intervocalique : tabaccu [ta-w’a-kku], dibattitu [di-w’a-tti-du], etc. Il est représenté par la voyelle U dans : quandu [kw’an-du], quantu [kw’an-tu], acqua [‘a-kkwa], etc. * [j] comme dans « pieu » Ce son est représenté par I lorsqu’il est suivi des autres voyelles : più [pj’u], piaghja [pj’a-dja], piombu [pj’òm-bu], pienu [pjè-nu], etc. 87 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE * [y] comme dans « huit » Ce son est représenté par la consonne V lorsque celle-ci se trouve devant la voyelle [i] : ovi [‘ó-yi], novi [n’ó-yi], nuvità [nu-yi-t’a], aviò [a-yi-’ò], chjavi [tj’a-yi], etc. Il est représenté par la voyelle U lorsque celle-ci se trouve devant la voyelle [i] : quì [ky’i], quillu [ky’i-llu], cinqui [tch’in-kyi], etc. II. LES VOYELLES Les sept sons vocaliques du corse (voire huit si on considère le son [æ] qui apparaît dans certains contextes au nord) sont représentés par les cinq signes graphiques suivants : A E I O U. Cela veut dire que, contrairement au français par exemple, aucun signe « diacritique » n’est utilisé pour rendre compte de l’aperture des voyelles moyennes. Aussi le graphème E renvoie-t-il aux sons [è] [é], et le graphème O aux sons [ò] [ó]. Cela s’explique par la diversité dialectale qui veut qu’on prononce « ouvert » dans une variété quand on prononce « fermé » dans d’autres. Dans le domaine de l’écriture des voyelles, la diversité dialectale est respectée quand les signes graphiques le permettent. Ainsi pourra-t-on écrire seccu et siccu ; fretu et fritu ; esse et essa ; dinò, dinù et danò ; onore, unore, onori et anori ; perchè et parchì, etc. En revanche, ne disposant pas de signe pour écrire le son [æ] qui existe dans le régiolecte septentrional, on aligne l’écriture sur les autres régiolectes : carne et non cherne, partutu et non pertutu, piaghja et non pieghja etc. Dans certains mots on utilise soit la voyelle E soit la voyelle A : bellu, ferru, terra, serra, bracciu, impiastru, cardu, stracciu, etc. 88 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE Au terme de ce regard panoramique sur la transcription orthographique des sons du corse, nous sommes en mesure de donner la liste des signes graphiques qui composent l’alphabet spécifique corse (u santacroce, u salteriu/saltere) : ABCDEFGHIJLMNOPQRSTUVZ Ce sont ces 22 graphèmes qui, seuls ou combinés, vont nous permettre d’écrire le corse. Il nous faut également retenir les éléments suivants : – le signe J n’apparaît que dans les trigrammes CHJ et GHJ. Sa fonction est de permettre une prononciation palatale des consonnes appelées inchjaccatoghji. – le signe H sert à identifier les verbes essa/e et avè à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent (hè, hà). Il sert également à former les digrammes CH et GH devant les voyelles e et i afin d’assurer le caractère occlusif de la consonne. Le signe H apparaît aussi dans les trigrammes CHJ et GHJ. – le signe I sert à former, d’une part, les digrammes CI et GI et, d’autre part, les trigrammes SCI et SGI afin que la prononciation palatale soit assurée devant les voyelles a, o, u. Dans cette situation précise le signe I n’est pas à considérer comme une voyelle, d’autant qu’il ne se prononce pas. Toutefois, il existe des cas où le I perd son statut de simple signe et se transforme en véritable voyelle pour marquer un pluriel : u pesciu > i pesci, u casgiu > i casgi, etc. III. LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE Comme nous le disions plus haut, l’orthographe corse n’utilise pas de signe particulier pour marquer l’aperture des voyelles. Elle n’utilise pas davantage de signes pour marquer la place de l’accent tonique dont on sait qu’il peut occuper plusieurs positions : dernière syllabe (formes oxytoniques), avant-dernière syllabe (formes paroxytoniques), antépénultième (formes proparoxytoniques). C’est peut-être une faiblesse au plan de la précision phonologique 89 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE mais c’est aussi une manière d’éviter une multiplication complexe des signes diacritiques. Le seul signe diacritique qui apparaisse est un accent (l’aletta, toujours grave dans sa forme) dont la fonction est directement associée au phénomène de la mutation consonantique. Ce choix graphique s’appuie donc exclusivement sur ce phénomène phonologique important. En conséquence l’accent graphique signalera une voyelle susceptible de précéder une consonne mutante (cambiarina) afin que celle-ci soit correctement prononcée. C’est pourquoi l’accent graphique apparaîtra toujours sur une voyelle finale qui conditionnera la prononciation « forte » d’une consonne mutante qui pourrait suivre (pour simplifier nous emploierons « fort » et « faible » pour caractériser la prononciation des consonnes mutantes. Pour plus de précisions cf. chapitre 2). Dès lors, tous les mots (verbes, noms, prépositions, etc.) polysyllabiques et monosyllabiques qui admettent à leur suite la présence d’une consonne dont la prononciation doit être forte portent un accent graphique sur leur voyelle finale. On peut dire que l’accent graphique a une fonction préventive ou anticipatoire. L’absence d’accent graphique est toujours associée à une prononciation faible de la consonne mutante qui suit. Par exemple, si on accentue le -à final de l’infinitif manghjà, ce n’est pas pour signaler que l’accent tonique de ce verbe se trouve sur la dernière syllabe (c’est ici une coïncidence), mais c’est bien en prévision d’une situation qui imposerait une prononciation forte d’une consonne mutante consécutive : manghjà ci un buccone, manghjà pianu, manghjà figatellu, etc. où les consonnes seront prononcées respectivement [ttche] [pp] [ff]. Si la fonction de l’accent graphique était d’indiquer la place de l’accent tonique (fonction contrastive), il n’y aurait aucune raison pour que les autres mots soient exclus de cette préoccupation, notamment les proparoxytons (sguilluli) qui, à la lecture, peuvent poser des problèmes de prononciation. 90 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE Il nous faut donc être bien conscients que l’utilisation de l’accent graphique doit signaler exclusivement la présence toujours possible d’une consonne mutante qu’il faudra prononcer « forte ». Il nous reste à savoir quels sont les mots qui demandent un accent graphique sur leur voyelle finale. Un premier groupe peut être constitué par les mots dont l’accent tonique frappe la dernière syllabe (mots oxytons). Dans ce cas il y aura toujours coïncidence entre la place de l’accent graphique et la place de l’accent phonologique. On peut compter parmi ceux-ci les verbes dont les désinences de l’infinitif sont toniques (verbes arhizotoniques) : cantà, parlà, pudè, vulè, capì, finì, etc. On peut y ajouter tous les noms à forme oxytonique (tronchi) comme cità, vuluntà, camiò, aviò, virtù, ghjuventù, etc. Un autre groupe de mots qui demandent l’accent graphique est à chercher parmi les formes « homonymiques ». Ce sont généralement des monosyllabes (curtaghjoli di sumiglia). Ce domaine, dans lequel coexistent de nombreuses formes accentuées ou atones, fait l’objet de divers choix orthographiques qu’il est bon de connaître. C’est sur ce domaine, parfois jugé épineux, que nous nous pencherons plus particulièrement. L’homonymie suppose des sons identiques pour des sens différents. On utilisera l’accent graphique pour distinguer les homonymes à finale vocalique qui appellent une prononciation « forte » des consonnes mutantes des homonymes qui entraînent, au contraire, une prononciation « faible » de ces mêmes consonnes. Dans ce cas l’accent aura une fonction « phonologique ». Éventuellement on utilisera l’accent graphique pour distinguer des homonymes à finale consonantique au plan de leur fonction grammaticale. Dans ce cas l’accent aura une fonction essentiellement « morphologique ». Nous présentons, ci-dessous, ces différentes formes dans l’ordre alphabétique. Bien entendu, nous partirons toujours d’une forme phonique pour arriver à sa forme orthographique. 91 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE * [a] Graphies possibles : hà, à, a. – hà : c’est la troisième personne du singulier du verbe avè (avoir) conjuguée au présent de l’indicatif. Le signe h a ici une fonction morphologique. Cette forme est tonique et entraîne une prononciation forte de la consonne qui suit : hà fattu, hà vutatu, hà chjamatu… – à : c’est une préposition tonique qui conditionne la prononciation forte de la consonne suivante : ci vole à vutà, l’hà ditta à Ghjuvanni… – a : c’est l’article féminin singulier non-tonique ; il détermine une prononciation faible de la consonne suivante : a casa, a festa… – a : c’est le pronom féminin complément singulier ; non-tonique, il appelle une prononciation faible de la consonne suivante : sta zitedda, a vicu mali ; a cena, a facciu eiu… * [bò] Graphies possibles : vò, vo (régiolecte septentrional) – vò : il s’agit de la première personne du singulier du verbe andà à l’indicatif présent : vò pianu. Cette forme est tonique et entraîne une prononciation forte de la consonne qui suit. – vo : c’est la forme élidée de voi, pronom personnel de la 2e personne du pluriel : quant’è vo dite. C’est une forme atone qui détermine une prononciation faible de la consonne qui suit. * [kè] Graphies possibles : chè, ch’è, ch’e. – chè : c’est une conjonction (régiolecte septentrional) qui marque la comparaison : hè più bravu chè tè. Son équivalent de la zone sud est cà. C’est une forme tonique. 92 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE – ch’è : c’est l’association de la conjonction élidée chì et de l’explétif è : ci vole à dì ch’è tù sì forte. Dans tous les cas on peut la remplacer par la seule forme chì : ci vole à dì chì tù sì forte. – ch’e : il s’agit de la conjonction élidée chì suivie de la forme élidée du pronom personnel eiu : ci voli ch’e parli u primu. * [da] Graphies possibles : dà, da, d’a. – dà : il s’agit du verbe dà (donner) : a/ à l’infinitif : ci voli à dà tuttu. b/ à la 3e personne du singulier de l’indicatif présent : l’aliva dà l’oliu. c/ à la 2e personne de l’impératif : dà qui ! Les trois formes sont toniques et appellent une prononciation forte de la consonne qui suit. – da : c’est une préposition : hè ghjuntu da paese, campa luntanu da mè, hè mortu da a paura, etc. Cette forme est atone ; la consonne qui suit est prononcée faible. – d’a : c’est l’association de la préposition élidée da qui précède l’article défini féminin singulier : ghjunghje d’a piaghja. Il est toutefois préférable d’écrire da a. * [di] Graphies possibles : dì, di. – dì : il s’agit : a/ du verbe dì (dire) à l’infinitif : ci vole à dì tuttu. b/ du verbe dì à la 2e personne de l’impératif : ùn dì tuntie. c/ du nom masculin synonyme de ghjornu que l’on trouve dans l’expression « bon dì è bon annu » Ce sont des formes toniques qui déterminent une prononciation forte de la consonne qui suit. 93 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE – di : c’est une préposition atone qui entraîne la prononciation faible de la consonne qui suit : u paesi di babbu. * [è] Graphies possibles : hè, è, e. – hè : c’est la troisième personne du verbe esse/essa (être) conjuguée au présent de l’indicatif. Comme pour le verbe auxiliaire précédent le signe h revêt une fonction morphologique. Cette forme est tonique et entraîne une prononciation forte de la consonne qui suit : hè vinutu, hè finitu… – è : il s’agit de la conjonction de coordination ; elle est tonique et appelle une prononciation forte de la consonne qui suit : sò frateddu è suredda, acqua è ventu… – e : c’est l’article féminin pluriel (régiolecte septentrional) ; atone, il entraîne une prononciation faible de la consonne qui suit : e donne, e fate… – e : c’est le pronom complément féminin (régiolecte septentrional) ; atone, il appelle une prononciation faible de la consonne qui suit : ste faccende e facciu eiu, e dice è e face… * [fa] Graphies possibles : fà, fa. – fà : cette forme représente : a/ l’infinitif du verbe fà (faire) : ci voli à fà pianu. b/ la 2e personne de l’impératif de ce même verbe : fà ciò ch’è tù voli ! Ces deux formes sont toniques. – fa : cette forme exprime l’action passée : l’aghju fattu deci ghjorni fa. * [indè] Graphies possibles : ind’è, ind’e, inde. – ind’è : c’est l’association de la préposition élidée indu et de l’explétif è : vengu ind’è tè s’è tù veni ind’è mè. 94 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE Cette forme a toujours le sens de « chez » ; elle est tonique et conditionne la prononciation forte de la consonne qui suit. – ind’e : c’est la préposition élidée indu suivie de l’article féminin pluriel e (régiolecte septentrional) : hà e mani ind’e stacche. Cette forme a toujours le sens de « dans » ; elle est atone. – inde : c’est la forme, atone, que prend la préposition in lorsqu’elle est suivie d’un déterminant consonantique : l’acellu canta inde l’arburu, mi sò stracquatu inde l’erba, l’aghju lettu inde stu libru. Il s’agit en fait de l’adjonction d’une particule euphonique atone [de] qui vient se coller à la préposition in et qui évite la prononciation difficile de certaines suites consonantiques [nl], [nst]. * [mè] Graphies possibles : mè, m’hè, me. – mè : c’est le pronom personnel complément de première personne : tocca à mè di ghjucà ? Il est tonique. – m’hè : c’est l’association du pronom personnel mi élidé qui précède le verbe essa à la 3e personne du singulier de l’indicatif présent : m’hè andata ancu bè. – me : c’est la forme atone de l’adjectif possessif de première personne. Dans le régiolecte méridional cette forme se distingue oralement des autres par son e fermé [é] : u me libru, a me casa. * [mi] Graphies possibles : mì, mi. – mì : il s’agit de l’impératif interjectif du verbe mirà (regarder) ; c’est une forme tonique : mì tamant’omu ! – mi : c’est le pronom réfléchi de première personne ; il est atone : mi vestu è vengu. * [nè] Graphies possibles : nè, n’hè, ne. 95 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE – nè : c’est une conjonction négative : ùn aghju nè fame nè sete ; elle est tonique et entraîne une prononciation forte de la consonne qui suit. – n’hè : c’est l’association du pronom élidé ne suivi du verbe essa au présent de l’indicatif, 3e personne du singulier : quantu n’hè vinutu parsoni ? C’est une forme tonique. – ne : cette forme représente : a/ un pronom (régiolecte septentrional) : quantu ne voli ? b/ une particule euphonique : andemu ci ne in casa. * [nò] Graphies possibles : nò, no. – nò : c’est l’adverbe de négation : quandu dicu nò, hè nò ! Cette forme est tonique. – no : avec un o ouvert [ò] c’est le pronom personnel pluriel de première personne utilisé dans le régiolecte septentrional : piombu, quant’è no simu ! C’est une forme atone élidée issue de noi. Dans la zone sud ce pronom se prononce avec un o fermé [nó]. * [pó] Graphies possibles : pò, po. – pò : c’est la 2e et la 3e personne du singulier du verbe pudè (pouvoir) à l’indicatif présent : s’è tù pò falà, fala. S’ellu pò vene, vinarà. Les deux formes sont toniques et entraînent une prononciation forte de la consonne qui suit. – po : il s’agit de la forme élidée de l’adverbe poi : tù fà cusì, po vidaremu. C’est une forme atone. * [sè] Graphies possibles : s’hè, s’è, s’e, sè, se. 96 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE – s’hè : il s’agit de l’association du pronom réfléchi si élidé et du verbe esse/essa conjugué à la 3e personne du singulier du présent de l’indicatif : s’hè fattu mali. – s’è : il s’agit de l’association de la conjonction sì élidée et de l’explétif è. L’explétif è étant tonique, il détermine la prononciation forte de la consonne qui suit : s’è tù dici cussì ! – s’e : sous cette forme la conjonction sì élidée précède le pronom personnel eiu élidé. Le pronom étant atone, la consonne qui suit se prononce faible : s’e vengu. – sè : il s’agit de la forme forte du pronom réfléchi : faci tuttu da par sè. – se : cette forme non-accentuée se distingue, à l’écrit, de la précédente. Elle représente la 2e personne du verbe essa conjugué au présent et qu’on entend généralement dans la zone sud. Toutefois, cette forme présente un e fermé [é] qui, à l’oral, évite toute confusion. La forme méridionale élidée se est atone car elle est issue de la forme sei ; elle entraîne donc une prononciation faible de la consonne qui suit : se ghjuntu [sé j’untu]. * [si] Graphies possibles : sì, si. – sì : cette forme, tonique, représente : a/ la 2e personne du singulier du verbe esse au présent (régiolecte septentrional) : sì ghjuntu. b/ la conjonction : sì tù voli. c/ l’adverbe d’affirmation : ti dicu di sì. – si : cette forme, atone, représente : a/ le pronom réfléchi de 3e personne : si lava. b/ un impersonnel : si face ciò ch’ellu si pò. c/ un explétif : beie si una butteglia di vinu. * [sò] Graphies possibles : sò, s’o, so. 97 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE – sò : cette forme, tonique, représente : a/ la première personne du singulier du verbe esse au présent (régiolecte septentrional) : sò venutu. b/ la troisième personne du pluriel du même verbe au présent (tous régiolectes) : sò vinuti. c/ la première personne de l’indicatif présent du verbe sapè (régiolecte septentrional) : sò fà tuttu ! Il nous faut signaler que, malgré l’unification graphique, la zone sud présente une forme atone pour la première personne du verbe essa ; la prononciation de la consonne qui suit est donc faible car elle fonctionne comme la forme élidée de socu. On fera la différence entre [sòwin’utu] « je suis venu » et [sòvvinuti] « ils sont venus ». – s’o : c’est l’association de la conjonction sì et du pronom personnel sujet de 1re personne eo élidé, en usage dans le régiolecte septentrional : ci vengu s’o possu. – so : dans la zone sud, cette forme atone se distingue oralement des autres par son o fermé [ó]. Elle représente partout la troisième personne, singulier et pluriel, de l’adjectif possessif : u so frateddu, i so fratedda * [sta] Graphies possibles : stà, sta. – stà : cette forme peut représenter : a/ l’infinitif du verbe stà (rester) : ci vole à stà quì. b/ la 3e personne du singulier de ce même verbe à l’indicatif présent : ellu stà vicinu à mè. c/ la 2e personne de l’impératif : stà chetu ! Ces formes sont toniques et entraînent une prononciation forte de la consonne qui suit. – sta : c’est l’adjectif démonstratif féminin singulier : a vedi sta bella zitella ? C’est une forme atone. 98 LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE * [tè] Graphies possibles : tè, t’hè. – tè : cette forme peut représenter : a/ la 2e personne de l’impératif du verbe tena/e : tè, piglia sti soldi ! b/ la forme forte du pronom réfléchi : l’aghju fatta par tè, è par tè solu. * [un] Graphies possibles : ùn, un. – ùn : avec l’accent graphique il désigne un adverbe de négation : ùn vogliu micca. – un : sans l’accent graphique il désigne l’article indéfini masculin : un ghjornu, un fattu. * [vò] [vó] Graphies possibles : vò, vo (régiolectes centr./mérid.) – vò : avec o ouvert [vò] c’est la première personne du singulier du verbe andà à l’indicatif présent : vò pianu. C’est une forme tonique. – vo : avec o fermé [vó] c’est la forme élidée de voi qu’on utilise dans la zone zud : vo seti sempri pronti à minà. Les adverbes quantu, tamantu, comu/cumu ainsi que la conjonction quandu prennent souvent appui sur la particule explétive « è » (qui n’a aucun rôle grammatical). Cette particule, que nous avons déjà rencontrée plus haut, est toujours isolée et tonique ; elle entraîne la prononciation forte de la consonne qui suit : Quant’è tù dici, o filicò ! Quissu hè tamant’è un boiu. Bravu com’è tè ùn ci n’hè più. Ci andemu quand’è vo vuleti. Il nous faut signaler que certaines variétés du régiolecte septentrional emploient la forme come à voyelle finale atone ; la consonne qui suit est donc prononcée « faible ». 99 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE IV. L’ÉCRITURE DES MONOSYLLABES ATONES DERRIÈRE LES FORMES VERBALES Certains monosyllabes atones comme les pronoms personnels ou les particules explétives (mi, ti, si, ci, vi, si), les pronoms compléments complets (lu, la, li, le), le pronom complément datif li, l’adverbe de lieu ci, le pronom adverbial ne/ni, se trouvent souvent placés derrière une forme verbale. Ce sont généralement des verbes à l’infinitif et à l’impératif. A. Après une forme verbale accentuée Dans ce cas l’usage révèle deux graphies concurrentes : l’une sépare le verbe du monosyllabe atone, l’autre soude l’un à l’autre en doublant la consonne initiale du monosyllabe. Mi ne vò à fà mi un giru. fammi Ci vole à lavà si. lavassi Ci vole à pacà li subbitu. pacalli Cumu fate à stà ci quì ? stacci Dà ci un pezzu di pani. dacci Và ci tù in stu puzzicheghju. vacci Fà lu cun cura. fallu Stà mi vicinu. stammi Les deux graphies sont légitimes et ne semblent pas pouvoir faire l’objet d’un choix exclusif. Toutefois, pour des raisons purement didactiques il nous paraît plus opportun de séparer les monosyllabes afin de mieux les identifier dans leur fonction grammaticale. Cela nous semble d’autant plus cohérent que nous pouvons avoir deux monosyllabes à la suite. Dès lors, il est plus simple de les isoler pour les mêmes raisons didactiques : – dà mi ni unu ancu à mè. – ci voli à piddà li ni dui o trè. – fà li ne torna duie o trè. 100 L'ÉCRITURE DES MONOSYLLABES ATONES DERRIÈRE LES FORMES VERBALES – ci vole à piglià ti la cun tè stessu. B. Après une forme verbale non-accentuée Lorsque la forme verbale n’est pas accentuée, l’usage laisse apparaître diverses solutions : soit on soude le ou les monosyllabes au verbe, soit on soude le premier et on sépare le second, soit on sépare le tout : – cantemucine una – andemucine subbitu – cantemuci ne una – andemuci ne subbitu – cantemu ci ne una – andemu ci ne subbitu – auguremucila bona – eccutili quì – auguremuci la bona – eccuti li quì – auguremu ci la bona – eccu ti li quì Dans ce cas aussi la différenciation graphique présente l’avantage de diminuer les risques d’erreur ; toutefois, la solution qui consiste à séparer toutes les formes nous semble la plus intéressante du point de vue de la simplicité et de la rentablité didactique. V. LES LOCUTIONS ADVERBIALES ET PRÉPOSITIVES La différenciation graphique concerne également certaines locutions adverbiales et prépositives dont la construction suppose l’apparition de prépositions ou de conjonctions. On peut y voir aussi des formes agglutinantes ou, au contraire, analytiques : eppuru è puru eppo è po sippuru sì puru annantu à nantu abbastabza à bastanza addossu à dossu avveru à veru soprattuttu sopra à tuttu 101 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE piuttostu ghjustappuntu altrettantu pressapocu appena mancappena nemmenu nemmancu ingiru à accantu più tostu ghjustu à puntu altru è tantu pressu à pocu à pena mancu à pena nè menu nè mancu in giru à à cantu… VI. LA POLYNOMIE ORTHOGRAPHIQUE Si le caractère polynomique du corse apparaît à travers une variation linguistique reconnue et jugée naturelle, il est tout à fait logique que l’orthographe enregistre et restitue la polynomie corse. On pourra ainsi avoir diverses orthographes pour un seul mot, orthographes qui renvoient à des prononciations différentes ou à des choix différents. Nous avons vu comment cela est possible dans le domaine vocalique (siccu/seccu, pilu/pelu, cruci/croci/croce, etc.), dans le domaine consonantique (famidda/familla/famiglia/famighja ; pulenta/pulenda ; squassà/sguassà ; cusì/cussì, etc.), dans le domaine morphologique (cantemu/cantemi/cantimu, parlanu/ parlini/parlenu, lavà si/lavassi, etc.). Mais il existe d’autres phénomènes qui donnent lieu à variation et que l’orthographe enregistre : – assimilation : carne — carri cisterna — cistarra fornu — furru/forru… – dissimilation : nudda — nunda allora — andora micca — minca… – métathèse : burla — brulla 102 LA POLYNOMIE ORTHOGRAPHIQUE – prothèse : – épenthèse : – épithèse : – aphérèse : – syncope : canaletta — calanetta strampalatu — stralampatu dorme/a — dromma frittella — firtella… cucinà — scucinà cunvince — scunvince bastà — abbastà scioglie — discioglie scopre — discopre… straurdinariu — strasurdinariu solamente — soladimente francamente — francadimente camara — cambara… rota — rotula cunigliu — cunigliulu prasca — prascula ciuffu — ciuffulu… idea — dea amministrà — ministrà… spiritu — spirtu/spirdu periculosu — priculosu… Cette diversité orthographique ne représente pas une difficulté en soi si on considère que nous avons affaire à un contexte tout à fait particulier : la polynomie. L’individu habitué à la diversité linguistique n’a en effet aucun mal à gérer la diversité orthographique car celle-ci est appréhendée comme une réponse naturelle à la variation. Il n’en va pas de même dans des contextes normalisés autour de la notion de « norme unique » qui vise l’uniformisation linguistique et orthographique : un seul mot reconnu correct, une seule forme orthographique reconnue légitime. Il est clair que le système « à la française » que l’école nous a inculqué ne nous prédispose pas au système polynomique « à 103 L’ORTHOGRAPHE DU CORSE la corse » (c’est ce qui explique certaines réactions parfois virulentes), mais il faut bien comprendre que le corse a fait l’objet d’un choix de normalisation qui a ses propres règles, logiques et cohérentes, que nous pouvons assimiler et maîtriser sans problème dans le cadre d’un apprentissage organisé. VII. PLURIEL DES DIPHTONGUES FINALES De nombreux mots se terminent par une diphtongue : eserciziu, viziu, laziu, coppiu, cappiu, studiu, oliu, nutizia, narpia, gabbia, nebbia, rabbia, etc. Rappelons que, dans une syllabe, la diphtongue est toujours formée par une semi-consonne suivie d’une voyelle (diphtongue ascendante) ou par une voyelle suivie d’une semi-voyelle (diphtongue descendante). La différence entre semi-consonne et semi-voyelle est d’ordre terminologique et reste liée à la position prévocalique ou post-vocalique, la voyelle constituant pour sa part le « sommet » de la syllabe. Par exemple, dans più nous avons une diphtongue ascendante car elle est formée par une semi-consonne [j] suivie d’une voyelle [u] ; dans mai nous avons une diphtongue descendante car la voyelle [a] précède la semi-voyelle [i]. Dès lors, il ne faut pas confondre avec les mots qui se terminent par un hiatus (deux voyelles contiguës qui appartiennent à deux syllabes différentes), voire une seule voyelle. Les mots ziu, diu, ghjilusia, curtesia, etc. présentent des hiatus (les deux voyelles finales sont distinctes et appartiennent à deux syllabes différentes) ; les mots pesciu, casgiu, cunigliu, brocciu, famiglia, moglia, cascia, camisgia, faccia, etc. présentent une seule voyelle finale (le signe i n’existe que dans l’orthographe et absolument pas dans la prononciation). Pour ce qui concerne la forme orthographique du pluriel des noms à diphtongue finale, elle s’aligne sur le pluriel des noms terminés par un hiatus : la voyelle finale qui marque le genre et le nombre du singulier est remplacée par la voyelle qui marque le genre et le 104 PLURIEL DES DIPHTONGUES FINALES nombre du pluriel. En règle générale les noms corses se terminent par une diphtongue ascendante (semi-consonne + voyelle). MASCULIN RÉG. SEPTENTRIONAL eserciziu viziu laziu coppiu cappiu studiu oliu esercizii vizii lazii coppii cappii studii olii CENTRAL/MÉRIDIONAL esercizii vizii lazii coppii cappii studii olii FÉMININ RÉG. SEPTENTRIONAL ingurdizia nutizia storia narpia gabbia nebbia rabbia ingurdizie nutizie storie narpie gabbie nebbie rabbie CENTRAL/MÉRIDIONAL ingurdizii nutizii storii narpii gabbii nebbii rabbii Il en va donc de même pour les noms qui se terminent par deux syllabes en hiatus : diu > dii ziu > zii zia > zie/zii spia > spie/spii ghjilusia > ghjilusie/ghjilusii curtesia > curtesie/curtasii abbazia > abbazie/abbazii, etc. Quant aux noms à finale -sciu/a, -sgiu/a, -ciu/a, -giu/a, -gliu/a qui ont besoin, au singulier, du signe i pour s’assurer une 105 prononciation palatale, ils utiliseront uniquement la voyelle qui marque le pluriel dans la mesure où celle-ci permet aussi une prononciation palatale. basgiu casgiu lisciu brocciu ragiu cunigliu cunsigliu cascia coscia camisgia faccia > basgi > casgi > lisci > brocci > ragi > cunigli > cunsigli > casce/casci > cosce/cosci > camisge/camisgi > facce/facci L’usage orthographique laisse apparaître une exception dans le pluriel des noms féminins en -glia relatif au régiolecte septentrional, où on remarque le maintien de la voyelle i : a famiglia a sumiglia a canaglia a quaglia etc. > i famigli > i sumigli > i canagli > i quagli mais mais mais mais e famiglie e sumiglie e canaglie e quaglie CHAPITRE 4 CLASSIFICATION VERBALE La place de l’accent tonique représente le critère principal que nous utilisons pour classer les verbes corses ; cela nous permet de distinguer deux grands groupes : 1. le groupe des verbes arhizotoniques qui portent l’accent sur la désinence de l’infinitif : cantà, pudè, capì, etc. 2. le groupe des verbes rhizotoniques qui portent l’accent sur le radical : vende/a, sparte/a, dorme/a, etc. Chacun de ces deux groupes peut ensuite se décomposer en classes sur la base de critères particuliers que nous verrons plus avant. Nous proposons dans ce chapitre l’identification et la description des différentes classes et sous-classes verbales ainsi que les tableaux de conjugaison relatifs à chacune d’entre elles. Les verbes seront toujours conjugués aux temps simples et les désinences refléteront, autant que possible, la diversité linguistique corse. I. LES VERBES ARHIZOTONIQUES Nous pouvons d’ores et déjà constituer trois classes sur la base de la voyelle tonique finale : – les verbes en -à – les verbes en -è – les verbes en -ì A. La classe des verbes en -à Cette classe très riche demande la constitution de sous-classes fondée sur le critère principal de la régularité. 109 CLASSIFICATION VERBALE 1. Les verbes réguliers Ce sont les verbes du type parlà, cantà, pusà, nittà, etc. pour lesquels il suffit de remplacer la désinence de l’infinitif par les désinences relatives aux temps et aux modes que l’on veut utiliser. De nombreux verbes de cette classe laisseront apparaître, dans les variétés linguistiques concernées, le phénomène de l’alternance vocalique (apophonie) qui n’est pas à considérer comme une irrégularité. * Conjugaison régulière : verbe parlà MODE/TEMPS CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ parlatu parlatu PARTICIPE PRÉSENT parlendu parlendu GÉRONDIF parlendu parlendu parlu parli parla, e parlemu, imu parlate parlanu, enu parlu parli parla parlemu, emi parleti parlani, ini parlava, avu parlavi parlava, ave parlavamu parlavate parlavanu, avenu parlava, avu, aia, aiu parlai parlava, aia parlaiami parlaiati parlaiani parlai parlasti parlò parlaimu parlaste parlonu parleti parlesti parlò, parleti parletimi parlesti parletini, parlonu INDICATIF PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 110 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL parleraghju parlerai parlerà parleremu parlerete parleranu parlaraghju parlarè parlarà parlaremu, aremi parlareti parlarani parleria, eriu parlerii, eristi parleria, erie parleriamu parleriate parlerianu, erienu parlaria, ariu parlarii, aristi parlaria parlariami parlariati, aristi parlariani parlerebbi, eribbe parleresti parlerebbe, eribbe parlerebbimu, eribbemu parlereste parlerebbenu, eribbenu parli parli parli, e parlimu parlite parlinu, enu parli parli parli parlimi parliti parlini parlassi, essi parlassi, essi parlassi, essi parlassimu, essimu parlassite, essite parlassinu, essinu parlessi parlessi parlessi parlessimi parlessiti parlessini parla parlemu, imu parlate parla parlemu, emi parleti 111 CLASSIFICATION VERBALE 2. Les verbes irréguliers Nous fondons la notion d’ irrégularité sur les changements de désinences à certains temps et à certaines personnes, d’une part, et sur l’apparition d’un infixe, d’autre part. a. Désinences irrégulières L’irrégularité relative aux désinences concerne les verbes fà, stà, dà, andà. Conjugaison irrégulière : verbe fà MODE/TEMPS CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ fattu fattu PARTICIPE PRÉSENT facendu, fendu fendu GÉRONDIF facendu, fendu fendu INDICATIF facciu fai, faci face femu fatew facenu, fanu facciu, focciu, focu faci faci femu, femi feti facini, fani facia, faciu facii facia faciamu faciate facianu facia, faciu facii facia faciami faciati faciani feci facesti, facisti fece fecimu faceste, faciste fecenu feci facisti feci fecimi facisti fecini PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 112 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 1RE FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 2E FORME RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL feraghju ferai ferà feremu ferete feranu faraghju farè farà faremu, faremi fareti farani feria feristi, ferii feria, ferie feriamu feriate, feriste ferianu, farienu faria farii, faristi faria fariami fariati fariani ferebbi, feribbe feresti ferebbe, feribbe ferebbemu, feribbemu fereste ferebbenu, feribbenu faccia faccia faccia faccimu, facciamu faccite, facciate faccinu, faccianu facci facci facci faccimi facciti faccini fia fia fia, fie fiamu, fiemu fiate fianu, fienu fii fii fii fiimi fiiti fiini 113 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS SUBJONCTIF IMPARFAIT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL fessi fessi fessi fessimu fessite fessinu fessi fessi fessi fessimu fessite fessinu fà femu fate CENTRAL/MÉRIDIONAL fessi fessi fessi fessimi fessiti fessini fessi fessi fessi fessimi fessiti fessini fà femu, femi feti Verbe stà La conjugaison de ce verbe s’établit à partir du radical stMODE/TEMPS CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ statu statu PARTICIPE PRÉSENT stendu stendu GÉRONDIF stendu stendu INDICATIF stò, ocu stai stà stemu state stanu stò, ocu stai stà stemu state stanu stocu, ò stai stà stemu, emi steti stani stocu, ò stai stà stemu, emi steti stani PRÉSENT INDICATIF PRÉSENT 114 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL stava, avu stavi stava stavamu stavate stavanu staia, aiu, aghjiu/a staii, aghjii staia, aghjia staiami, aghjiami staiati, aghjiati staiani, aghjiani stava, avu stavi stava stavamu stavate stavanu staia, aiu, aghjiu/a staii, aghjii staia, aghjia staiami, aghjiami staiati, aghjiati staiani, aghjiani steti stesti stete stetimu steste stetenu steti stesti steti stetimi stesti stetini steraghju sterai sterà steremu sterete steranu staraghju starè starà staremu, aremi stareti starani steria/u steristi, erii steria steriamu steriste sterianu staria/u staristi, arii staria stariami stariati stariani 115 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL sterebbi, eribbe steresti sterebbe, eribbe sterebbimu, eribbemu stereste sterebbenu, eribbenu stia stia stia, stie stiamu, stiemu stiate stianu, stienu stochi, ii stochi, ii stochi, ii stochimi, iimi stochiti, iiti stochini, iini stessi stessi stessi stessimu stessite stessenu stessi stessi stessi stessimi stessiti stessini stai, à stemu state stà stemu, emi steti La conjugaison du verbe dà s’établit avec les mêmes désinences que stà ; le radical étant d-. Verbe andà MODE/TEMPS 116 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ andatu andatu PARTICIPE PRÉSENT andendu andendu GÉRONDIF andendu andendu LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF PRÉSENT INDICATIF PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL vocu, vò vai và andemu, imu andate vanu vocu vai và andemu, emi andeti vani vocu, vò vai và andemu, imu andate vanu vocu vai và andemu, emi andeti vani andava/u andavi andava andavamu andavate andavanu andaia/u, aghjia/u andaii, aghjii andaia, aghjia andaiami, aghjiami andaiati, aghjiati andaiani, aghjiani andeti andesti andete andetimu andeste andetinu andeti andesti andeti andetimi andesti andetini anderaghju anderai anderà anderemu anderete anderanu andaraghju andarè andarà andaremu, aremi andareti andarani 117 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT 118 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL anderia/u anderisti, erii anderia anderiamu anderiste anderianu andaria/u andaristi, arii andaria andariami andariati andariani anderia/u anderisti, erii anderia anderiamu anderiste anderianu andaria/u andaristi, arii andaria andariami andariati andariani anderebbi, eribbe anderesti anderebbe, eribbe anderebbemu/ ribbemu andereste anderebbenu/ eribbenu vachi, vochi vachi, vochi vachi, vochi vachimu, vochimu vachite, vochite vachinu, vochinu vachi, vochi vachi, vochi vachi, vochi vachimi, vochimi vachiti, vochiti vachini, vochini andassi, essi andassi, essi andassi, essi andassimu, essimu andassite, essite andassinu, essinu andessi andessi andessi andessimi andessiti andessini LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL vai, và andemu, imu andate CENTRAL/MÉRIDIONAL vai, và andemu, emi andeti b. Infixe -eghj (régiolectes septentrional/central), infixe -ighj (régiolecte méridional). L’apparition de cet infixe est limitée : – aux trois personnes du singulier et à la troisième du pluriel de l’indicatif présent ; – à toutes les personnes du subjonctif présent ; – à la deuxième personne du singulier de l’impératif. Partout ailleurs la conjugaison est régulière. La fonction principale de cet infixe, intercalé entre le radical et la désinence, est de recevoir l’accent tonique en le fixant à l’endroit assigné par les règles de la conjugaison. Le « schème accentuel » du présent de l’indicatif, pour prendre cet exemple, impose que l’accent tonique se trouve sur la pénultième aux trois personnes du singulier et aux deux premières personnes du pluriel et sur l’antépénultième à la troisième personne du pluriel. Lorsque cette règle est compromise avec des verbes de trois syllabes et plus, l’infixe apparaît aux personnes où il est nécessaire. Prenons l’exemple du verbe trisyllabique ghjudicà : sans infixe on aurait, à la première personne du singulier, les deux possibilés ghjudicu et ghjudicu ; or la première forme ne respecte pas le schème accentuel car l’accent se trouve sur l’antépénultième au lieu de la pénultième et la deuxième forme n’existe pas dans la pratique linguistique. C’est donc l’infixe qui va rétablir l’ordre en accueillant l’accent tonique à la bonne place : ghjudicheghju/ghjudichighju. Il en est de même pour les deux autres personnes du singulier et pour la troisième du pluriel. En revanche, les deux premières personnes du pluriel ne nécessitent pas l’intervention d’un infixe car 119 CLASSIFICATION VERBALE l’accent tonique se trouve déjà à la bonne place : ghjudichemu, ghjudicheti/ghjudicate. Au subjonctif présent, le schème accentuel demande l’accent tonique sur la pénultième aux trois personnes du singulier et sur l’antépénultième aux trois personnes du pluriel. L’infixe sera là pour recevoir l’accent tonique en bonne place. Il se trouve que l’infixe -eghj/-ighj peut être obligatoire pour certains verbes et facultatif pour d’autres : > infixe obligatoire : sciaccamanà, cuntinuà, pridicà, ghjudicà, dubbità, calculà, favurizà, participà, purificà, numinà, identificà, lucalizà, qualificà, assucià, valurizà etc. Verbe ghjudicà (infixe obligatoire) MODE/TEMPS RADICAL INDICATIF PRÉSENT ghjudich- identificà, lucalizà, qualificà, assucià, IMPÉRATIF 2E PERS. ghjudich120 SEPTENTRIONAL CENTRAL MÉRIDIONAL eghju eghji eghja/e emu, imu ate eghjanu/enu eghju eghji eghja emu, emi eti eghjani/ini ighju ighji ighja emu eti ighjani eghji eghji eghji/e eghjimu eghjite eghjinu/enu eghji eghji eghji eghjimi eghjiti eghjini ighji ighji ighji ighjimi ighjiti ighjini eghja eghja ighja LES VERBES ARHIZOTONIQUES > infixe facultatif : appiccicà, trinnicà, runzicà, annannà, mursicà, liticà, sminticà, stuzzicà, luccicà, praticà, vindicà, merità, occupà, suvità, sunnià, etc. Le caractère facultatif tient au fait que l’accent tonique peut se trouver, contrairement aux verbes vus précédemment, sur la dernière syllabe du radical lorsqu’il n’y a pas l’infixe ; on a alors des formes comme appiccicu, trinnecu, etc. à côté de appiccicheghju/ighju, trinnicheghju/ighju, etc. c. infixe -g Cet infixe peut être facultatif dans certaines variétés du nord. Son apparition est limitée : – à la première personne de l’indicatif présent ; – à toutes les personnes du subjonctif présent. Les verbes concernés ont la plupart du temps un radical terminé par les consonnes sonantes l, n, ou r : falà, minà, ghjurà, sperà, mirà, sunà, innamurà (si), etc. Verbe falà MODE/TEMPS INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT REG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL falgu fali fala, e falemu, imu falate falanu, enu falgu fali fala falemu, emi faleti falani, ini falga, ghi falga, ghi falga, ghi falgamu, ghimu falgate, ghite falganu, ghinu falga, ghi falga, ghi falga, ghi falgami, ghimi falgati, ghiti falgani, ghini 121 CLASSIFICATION VERBALE d. Choix facultatif de -eghj/-ighj ou -g. Certains verbes donnent la possibilité de choisir entre l’infixe -eghj/-ighj et l’infixe -g à l’indicatif présent et au subjonctif présent : bastunà, bufunà, vultulà, suminà etc. Verbe suminà MODE/TEMPS INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT INFIXE -EGHJ/IGHJ INFIXE -G sumineghju/ighju sumineghji/ighji sumineghja/ighja suminemu, emi suminate, eti sumineghjanu/ighjani sumengu sumeni sumena, e suminemu, emi suminate, eti sumenanu, ini, ani sumineghji/ighji sumineghji/ighji sumineghji/ighji sumineghjimu/ighjimi sumineghjite/ighjiti sumineghjinu/ighjini sumenga, ghi sumenga, ghi sumenga, ghi sumengamu, ghimi sumengate, ghiti sumenganu, ghini e. Verbes à double participe passé Certains verbes laissent apparaître, à côté d’un participe passé régulier, une forme courte qui prend la forme de la première personne du singulier de l’indicatif présent : cumprà, tumbà, circà, liccà, struppià, buscà, tuccà etc. Ils sont par ailleurs tout à fait réguliers. INFINITIF 122 PARTICIPE LONG PARTICIPE COURT cumprà aghju cumpratu aghju compru tumbà aghju tumbatu aghju tombu circà aghju circatu aghju cercu liccà aghju liccatu aghju leccu piscà aghju piscatu aghju pescu tuccà aghju tuccatu aghju toccu LES VERBES ARHIZOTONIQUES B. La classe des verbes en -è Il s’agit d’une classe fermée qui compte sept verbes, tous irréguliers : avè, pudè, vulè, sapè, valè, parè, duvè. 1. Le verbe auxiliaire avè MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ avutu avutu PARTICIPE PRÉSENT avendu avendu GÉRONDIF avendu aghju ai hà avemu, avimu avete, avite anu avia, iu avii avia, ie aviamu aviate avianu, ienu ebbi avesti, avisti ebbe ebbimu aveste, aviste, ebbite ebbenu averaghju averai averà averemu, averimu averete, averite averanu avendu aghju ai hà avemu, avemi aveti ani avia, iu avii avia aviami avaviati aviani ebbi avisti ebbi ebbimi avisti, ebbiti ebbini INDICATIF PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR avaraghju avarè avarà avaremu, avaremi avareti avarani 123 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 1RE FORME RÉG. SEPTENTRIONAL averiu/a averii, averisti averia averiamu averiste averianu abbia abbia abbia abbiamu abbiate abbianu 2E FORME IMPÉRATIF 124 abbi abbi abbi abbimi abbiti abbini aghji, aghja aghji, aghja aghji, aghja aghjimi, aghjami aghjiti, aghjati aghjini, aghjani PRÉSENT IMPARFAIT avariu/a avarii, avaristi avaria avariami avariati avariani averebbi, averibbe averesti averebbe, averibbe averebbemu/ ibbemu avereste averebbenu/ibbenu SUBJONCTIF SUBJONCTIF CENTRAL/MÉRIDIONAL avessi avessi avessi avessimu avessite avessinu avissi avissi avissi avissimi avissiti avissini abbia, abbii abbimu abbite abbii, aghji, aghja abbimi, aghjimi abbiti, aghjiti LES VERBES ARHIZOTONIQUES 2. Les autres verbes en -è Duvè MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ duvutu duvutu PARTICIPE PRÉSENT duvendu duvendu duvindu GÉRONDIF duvendu duvendu duvindu INDICATIF devu devi deve duvemu, duvimu duvete, duvite devenu devu devi devi duvemu, duvemi duveti devini duviu, duvia duvii duvia, duvie duviamu, duviemu duviate duvianu, duvienu duviu, duvia duvii duvia duviami duviati duviani duveti duvesti duvete duvetimu duveste duvetenu duveti duvisti duveti duvetimi duvisti duvetini duveraghju duverai duverà duveremu duverete duveranu duvaraghju duvarè duvarà duvaremu, -emi duvareti duvarani PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR 125 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL duverebbi, -ribbe duveresti duverebbe, -ribbe duverebbimu duvereste duverebbenu, -ribbenu duvaria duvaristi duvaria duvariami duvariati duvariani deva deva deva devamu devate devanu devi devi devi devimi deviti devini duvessi duvessi duvessi duvessimu duvessite duvessinu duvissi duvissi duvissi duvissimi duvissiti duvissini devi duvemu, divimu duvete devi duvemu, duvemi duveti Parè MODE/TEMPS 126 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ parsu parsu PARTICIPE PRÉSENT parendu parendu parindu GÉRONDIF parendu parendu parindu LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL pargu, paru pari pare paremu, parimu parite parenu pargu, pari pari pari parimu, parimi pariti parini pariu, paria parii paria, parie pariamu pariate parianu, parienu pariu, paria parii paria pariami pariati pariani parsi paristi parse parsimu pariste parsenu parsi paristi parsi parsimi paristi parsini pareraghju parerai parerà pareremu parerete pareranu pararaghju pararè pararà pararemu, -emi parareti pararani parerebbi, -ribbe pareresti parerebbe, -ribbe parerebbimu parereste parerebbenu, -ribbenu parariu, pararia pararisti pararia parariami parariati parariani 127 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL parga parga parga parghimu parghite parghinu parghi parghi parghi parghimi parghiti parghini parissi parissi parissi parissimu parissite parissinu parissi parissi parissi parissimi parissiti parissini pari parimu parite pari parimu, parimi pariti Pudè MODE/TEMPS CENTRAL/MÉRIDIONAL pussutu pudutu pussutu pudutu pudendu pudendu pudindu GÉRONDIF pudendu pudendu pudindu INDICATIF possu poi pò pudemu, pudimu pudete, pudite ponu possu poi pò pudemu, pudemi pudeti poni PARTICIPE PASSÉ PARTICIPE PRÉSENT PRÉSENT 128 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 1RE FORME INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL possu poi pò pudemu, pudimu pudete, pudite ponu possu poi pò pudemu, pudemi pudeti poni pudiu, pudia pudii pudia pudiamu pudiate pudianu pudiu, pudia pudii pudia pudiami pudiati pudiani pudeti pudesti pudete pudetimu pudeste pudetenu pudeti pudisti pudeti pudetimi pudisti pudetini puderaghju puderai puderà puderemu puderete puderanu pudaraghju pudarè pudarà pudaremu, pudaremi pudareti pudarani puderiu, puderia puderii, puderisti puderia puderiamu puderiate, puderiste puderianu pudariu, pudaria pudarii, pudaristi pudaria pudariami pudariati pudariani 129 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 1RE FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF IMPARFAIT RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL puderebbi, -eribbe puderesti puderebbe, -eribbe puderebbimu pudereste puderebbinu, -eribbenu possa possa possa possamu possate possanu possi possi possi possimi possiti possini posca posca posca poscamu poscate poscanu poschi poschi poschi poschimi poschiti poschini pudessi pudessi pudessi pudessimu pudessite pudessinu pudissi pudissi pudissi pudissimi pudissiti pudissini Sapè MODE/TEMPS PARTICIPE PASSÉ 130 RÉG. SEPTENTRIONAL saputu sappiutu CENTRAL/MÉRIDIONAL saputu LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PRÉSENT sapendu sapendu sapindu GÉRONDIF sapendu sapendu sapindu INDICATIF sò sai sà sapemu, sapimu sapete, sapite sanu socu, sò sai sà sapemu, sapemi sapeti sani sapiu, sapia sapii sapia sapiamu sapiate sapianu sapiu, sapia sapii sapia sapiami sapiati sapiani sappi, seppi sapesti, sapisti sappe, seppe sappimu, seppimu sapeste, sapiste sappenu, seppenu sappi, seppi sapisti sappi, seppi sappimi, seppimi sapisti sappini, seppini saperaghju saperai saperà saperemu saperete saperanu saparaghju saparè saparà saparemu, saparemi sapareti saparani PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR 131 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF 132 RÉG. SEPTENTRIONAL saperiu, saperia saperii, saperisti saperia saperiamu saperiate, saperiste saperianu CENTRAL/MÉRIDIONAL sapariu, saparia saparii, saparisti saparia sapariami sapariati sapariani saperebbi, saperibbe saperesti saperebbe, saperibbe saperebbimu sapereste saperebbinu, -eribbenu sappia sappia sappia, sappie sappiamu sappiate sappianu, sappienu sappi sappi sappi sappimi sappiti sappini sapessi, sapissi sapessi, sapissi sapessi, sapissi sapessimu, -issimu sapessite, -issite sapessinu, -issinu sapissi sapissi sapissi sapissimi sapissiti sapissini sappia, sappie sappiamu sappiate sappi sappimi sappiti LES VERBES ARHIZOTONIQUES Valè MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ valsutu valsu valsutu valsu PARTICIPE PRÉSENT valendu valendu valindu GÉRONDIF valendu valendu valindu INDICATIF valgu vali vale valemu, valimu valete, valite valenu valgu vali vali valemu, valemi valeti valini valiu, valia valii valia valiamu valiate valianu valiu, valia valii valia valiami valiati valiani valsi valisti valse valsimu valsite valsenu valsi valisti valsi valsimi valsiti valsini valeraghju valerai valerà valeremu valerete valeranu valaraghju valarè valarà valaremu, valaremi valareti valarani PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR 133 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF 134 RÉG. SEPTENTRIONAL valeriu, valeria valeristi valeria valeriamu valeriate, valeriste valerianu CENTRAL/MÉRIDIONAL valariu, valaria valaristi valaria valariami valariati valariani velerebbi, valeribbe veleresti valerebbe, valeribbe valerebbimu valereste valerebbinu, -eribbenu valga valga valga valghimu valghite valghinu valghi valghi valghi valghimi valghiti valghini valessi, valissi valessi, valissi valessi, valissi valessimu, valissimu valessite, valissite valessinu, valissinu valissi valissi valissi valissimi valissiti valissini valga valgamu valgate valghi valghimi valghiti LES VERBES ARHIZOTONIQUES Vulè MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ vulsutu vugliutu vulsutu PARTICIPE PRÉSENT vulendu vulendu vulindu GÉRONDIF vulendu vulendu vulindu INDICATIF vogliu voli vole vulemu, vulimu vulete, vulite volenu vogliu, voddu voli voli vulemu, vulemi vuleti volini vuliu, vulia vulii vulia vuliamu vuliate vulianu vuliu, vulia vulii vulia vuliami vuliati vuliani volsi vulisti volse volsimu vuliste volsenu volsi vulisti volsi volsimi vulisti volsini vuleraghju vulerai vulerà vuleremu vulerete vuleranu vularaghju vularè vularà vularemu, vularemi vulareti vularani PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR 135 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL vuleriu, vuleria vuleristi vuleria vuleriamu vuleriate vulerianu CENTRAL/MÉRIDIONAL vulariu, vularia vularisti vularia vulariami vulariati vulariani vulerebbi, vuleribbe vuleresti vulerebbe, vuleribbe vulerebbimu vulereste vulerebbinu, -eribbenu voglia voglia voglia vogliamu vogliate voglianu vogli, voddi vogli, voddi vogli, voddi voglimi, voddimi vogliti, vodditi voglini, voddini vulessi, vulissi vulessi, vulissi vulessi, vulissi vulessimu, vulissimu vulessite, vulissite vulessinu, vulissinu vulissi vulissi vulissi vulissimi vulissiti vulissini voglia vogliamu vogliate vogli, voddi voglimi, voddimi vogliti, vodditi C. La classe des verbes en -ì Cette classe a la particularité de posséder deux formes à l’infinitif : – la forme tronquée en -ì : capì, finì, pulì, etc. 136 LES VERBES ARHIZOTONIQUES – la forme suffixée en -iscia (régiolectes central et méridional) ou -isce (régiolecte septentrional) : capiscia/capisce, finiscia/ finisce, puliscia/pulisce, etc. C’est la raison pour laquelle la conjugaison des verbes appartenant à cette classe laisse apparaître une alternance, à certaines personnes et à certains temps, entre désinences suffixées et désinences non-suffixées. Par ailleurs, il existe un verbe, irrégulier, qui possède un seul infinitif en -ì : le verbe dì (dire). 1. Les verbes à double infinitif Verbe finì – finisce/finiscia MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ finitu finitu PARTICIPE PRÉSENT finendu finendu, finindu finiscendu GÉRONDIF finendu finendu, finindu finiscendu INDICATIF finiscu finisci finisce finimu finite finiscenu finiscu finisci finisci finimu, imi, iscimi finiti, isciti finiscini finiu, ia finii finia finiamu finiate finianu finiu, ia finii finia finiami, iimi finiati, iiti finiani, iini PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT 137 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT 138 RÉG. SEPTENTRIONAL finii finisti finì finiimu finiste fininu finisceraghju finiscerai finiscerà finisceremu finiscerete finisceranu finisceria/u finiscerii, isceristi finisceria finisceriamu finisceriate, isceriste finiscerianu finiscerebbi, isceribbe finisceresti finiscerebbe, isceribbe finiscerebbimu, isceribbemu finiscereste finiscerebbenu, isceribbenu finisca finisca finisca finiscamu finiscate finiscanu CENTRAL/MÉRIDIONAL finii finisti finì finiimi finisti finini finsciaraghju finisciarè finisciarà finisciaremu/i finisciareti finisciarani finisciaria/u finisciarii, isciaristi finisciaria finisciariami finisciariati finisciariani finischi finischi finischi finischimi finischiti finischini LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL finissi finissi finissi finissimu finissite finissinu finissi finissi finissi finissimi finissiti finissini finisci finimu finite finisci finimu, imu, iscimi finiti, isciti Il faut signaler que cette sous-classe comporte quelques verbes qui présentent un double participe passé : une forme régulière en -itu et une forme irrégulière. Par exemple : custruì (construire) : custruitu/custruttu apparì (apparaître) : apparitu/apparsu scumparì (disparaître) : scumparitu/scumparsu Cette irrégularité « facultative » entraîne des formes irrégulières dans la conjugaison du passé défini qui présente alors deux formes, le reste de la conjugaison s’effectuant régulièrement sur le modèle de finì : INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CUSTRUÌ/ISCE 1RE FORME custruii custruisti custruì custruiimu custruiste custruinu CENTRAL/MÉRIDIONAL APPARÌ/ISCIA custruii custruisti custruì custruiimi custruisti custruini 139 CLASSIFICATION VERBALE INDICATIF PASSÉ DÉFINI 2E FORME RÉG. SEPTENTRIONAL custrusi custruisti custruse custrusimu custruiste custrusenu CENTRAL/MÉRIDIONAL custrusi custruisti custrusi custrusimi custruisti custrusini 2. Le verbe irrégulier dì MODE/TEMPS PARTICIPE PASSÉ dettu PARTICIPE PRÉSENT dicendu GÉRONDIF dicendu INDICATIF dicu dici dice dimu, dicemu dite dicenu, dinu diciu/a dicii dicia diciamu diciate dicianu dissi dicisti disse dissimu diciste dissenu PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 140 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL dettu dittu dicendu dicindu dicendu dicindu dicu dici dici dimu, dimi diti dicini, dini diciu/a dicii dicia diciami, diciimi diciati, diciiti diciani, diciini dissi dicisti dissi dissimi dicisti dissini LES VERBES ARHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL diceraghju dicerai dicerà diceremu dicerete diceranu diciaraghju diciarè diciarà diciaremu, diciaremi diciareti diciarani diceria/u dicerii, diceristi diceria diceriamu diceriate dicerianu diciaria/u diciarii, diciaristi diciaria diciariami diciariati diciariani dicerebbi, diceribbe diceresti dicerebbe, diceribbe dicerebbimu, diceribbemu dicereste dicerebbinu, diceribbenu dica dica dica dicamu dicate dicanu dichi dichi dichi dichimi dichiti dichini dicissi dicissi dicissi dicissimu dicissite dicissinu dicissi dicissi dicissi dicissimi dicissiti dicissini 141 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL dì dimu dite CENTRAL/MÉRIDIONAL dì dimu, dimi diti II. LES VERBES RHIZOTONIQUES Il s’agit de tous les verbes accentués sur le radical dont l’infinitif se termine par la désinence E au nord et A au sud. Ce groupe verbal demande également à être subdivisé. Nous retiendrons les critères suivants : – verbe auxiliaire ; – formes du participe passé ; – apparition d’un infixe. A. Le verbe auxiliaire essa/essa MODE/TEMPS CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ statu statu PARTICIPE PRÉSENT essendu issendu GÉRONDIF essendu issendu INDICATIF socu, sò sì hè simu, semu site, sete sò socu, sò se hè semu, semi seti sò eru, era eri era eramu erate eranu eru, era eri era erami, erimi erati, eriti erani, erini PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT 142 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES RHIZOTONIQUES MODE/TEMPS INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL eru, era eri era eramu erate eranu eru, era eri era erami, erimi erati, eriti erani, erini fui, fubbi fusti fù, fubbe fuimu, fubbimu fuste funu, fubbenu fui, fuiu, fubbi fusti fù, fubbi fuimi, fummu fusti funi, fubbini seraghju serai serà seremu serete seranu saraghju sarè sarà saremu, saremi sareti sarani seriu/a serii, seristi seria seriamu seriate, seriste serianu sariu/a sarii, saristi saria sariami sariati, saristi sariani serebbi, seribbe seresti serebbe, seribbe serebbimu, seribbemu sereste serebbenu, seribbenu 143 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL sia sia sia, sie siamu siate sianu, sienu sii, sighi sii, sighi sii, sighi siimi, sighimi siiti, sighiti siini, sighini fussi fussi fussi fussimu fussite fussinu fussi fussi fussi fussimi fussiti fussini sia, sie siamu siate sii, sighi siimi, sighimi siiti, sighiti B. Les formes du participe passé Les verbes rhizotoniques peuvent se diviser en différentes classes sur la base de la forme de leur participe passé. 1. Participe passé en -utu Il s’agit de verbes comme vende/a, sparte/a, batte/a, cresce/ crescia, crede/a, empie/a, sente/a, accunsente/a, accade/a, parte/a, etc. Verbe sparte – sparta MODE/TEMPS 144 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ spartutu spartutu PARTICIPE PRÉSENT spartendu spartendu spartindu LES VERBES RHIZOTONIQUES MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL GÉRONDIF spartendu spartendu spartindu INDICATIF spartu sparti sparte spartimu, emu spartite spartenu spartu sparti sparti spartimu, imi spartiti spartini spartiu, ia spartii spartia spartiamu spartiate spartianu spartiu, ia spartii spartia spartiami spartiati spartiani spartii spartisti spartì spartiimu spartiste spartinu spartii spartisti spartì spartiimi spartisti spartini sparteti spartisti spartete spartetimu spartiste spartetenu sparteti, iti spartisti sparteti, iti spartetimi, itimi spartisti spartetini, itini sparteraghju sparterai sparterà sparteremu sparterete sparteranu spartaraghju spartarè spartarà spartaremu, aremi spartareti spartarani PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 1RE FORME INDICATIF PASSÉ DÉFINI 2E FORME INDICATIF FUTUR 145 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME sparteria/u sparterii, eristi sparteria sparteriamu sparteriate, eriste sparterianu CENTRAL/MÉRIDIONAL spartaria/u spartarii, aristi spartaria spartariami spartariati spartariani CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME sparterebbi, eribbe sparteresti sparterebbe, eribbe sparterebbimu spartereste sparterebbenu, eribbenu SUBJONCTIF sparti sparti sparti spartimu spartite spartinu sparti sparti sparti spartimi spartiti spartini spartessi, issi spartessi, issi spartessi, issi spartessimu, issimu spartessite, issite spartessinu, issinu spartissi spartissi spartissi spartissimi spartissiti spartissini sparti spartimu, emu spartite sparti spartimu, imi spartiti PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF 146 RÉG. SEPTENTRIONAL LES VERBES RHIZOTONIQUES 2. Participe passé en -itu Ce sont des verbes qui alignent leur conjugaison sur les verbes arhizotoniques en -ì car ils sont issus du même groupe étymologique. Cela explique la désinence commune du participe passé. On trouve des verbes comme dorme/a (dromma), fughje/a, arruste/a, bolle/bodda/budda, cosge/cosgia, etc. Verbe fughje – fughja MODE/TEMPS RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PARTICIPE PASSÉ fughjitu fughjitu PARTICIPE PRÉSENT fughjendu fughjendu fughjindu GÉRONDIF fughjendu fughjendu fughjindu INDICATIF fughju fughji fughje fughjimu fughjite fughjenu fughju fughji fughji fughjimu, imi fughjiti fughjini fughjiu, ia fughjii fughjia fughjiamu fughjiate fughjianu fughjiu, ia fughjii fughjia fughjiami fughjiati fughjiani fughjii fughjisti fughjì fughjiimu fughjiste fughjinu fughjii fughjisti fughjì fughjiimi fughjisti fughjini PRÉSENT INDICATIF IMPARFAIT INDICATIF PASSÉ DÉFINI 147 CLASSIFICATION VERBALE MODE/TEMPS INDICATIF FUTUR CONDITIONNEL PRÉSENT 1RE FORME CONDITIONNEL PRÉSENT 2E FORME SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF IMPARFAIT IMPÉRATIF 148 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL fughjeraghju fughjerai fughjerà fughjeremu fughjerete fughjeranu fughjaraghju fughjarè fughjarà fughjaremu, aremi fughjareti fughjarani fughjeriu/a fughjerii, eristi fughjeria fughjeriamu fughjeriate, eriste fughjerianu fughjariu/a fughjarii, aristi fughjaria fughjariami fughjariati, aristi fughjariani fughjerebbi, eribbe fughjeresti fughjerebbe, eribbe fughjerebbimu fughjereste fughjerebbenu, eribbenu fughji fughji fughji fughjimu fughjite fughjinu fughjissi fughjissi fughjissi fughjissimu fughjissite fughjissinu fughji fughjimu fughjite fughji fughji fughji fughjimi fughjiti fughjini fughjissi fughjissi fughjissi fughjissimi fughjissiti fughjissini fughji fughjimu, imi fughjiti LES VERBES RHIZOTONIQUES 3. Participe passé irrégulier Dans le groupe des verbes rhizotoniques on trouve de nombreux verbes à participe passé irrégulier. Cette irrégularité signale également des formes irrégulières de la conjugaison, notamment au passé défini de l’indicatif. * participe passé en -tu – sur radical irrégulier On trouve des verbes comme : assume/assuma (assumer) riassume/riassuma (résumer) sceglie/sceglia/scedda (choisir) sparghje/sparghja (répandre) vince/vincia (vaincre) torce/torcia (tordre) coglie/coglia/codda (cueillir) > assuntu > riassuntu > sceltu > spartu > vintu > tortu > coltu Le passé défini demeure régulier à la deuxième personne du singulier et du pluriel ; aux autres personnes, les désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier du participe passé : INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL VINCE VINCIA vinsi vincisti vinse vinsimu vinciste vinsenu vinsi vincisti vinsi vinsimi vincisti vinsini Dans cette sous-classe on notera le verbe nasce/nascia (naître) dont le participe passé est natu. Sa conjugaison est irrégulière à la 1re personne de l’indicatif présent et à toutes les personnes du subjonctif présent : 149 CLASSIFICATION VERBALE RÉG. SEPTENTRIONAL INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT CENTRAL/MÉRIDIONAL nascu nasci nasce nascimu, nascemu nascite nascenu nascu nasci nasci nascimu, nascimi nasciti nascini nasca nasca nasca naschimu naschite naschinu naschi naschi naschi naschimi vaschiti naschini La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. – sur radical régulier On trouve le verbe beie/bia (boire) dont le participe passé est betu au nord et bitu au sud. Au passé défini de l’indicatif, il présente une forme régulière et une forme irrégulière : INDICATIF PASSÉ DÉFINI 1RE FORME 2E FORME 150 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL BEIE BIA beii beisti beì beiimu beiste beiinu bebbi beisti bebbe bebbimu beiste bebbenu biii biisti biì biiimi biisti biiini bibbi biisti bibbi bibbimi biisti bibbini LES VERBES RHIZOTONIQUES * participe passé en -ttu (sur radical irrégulier). Cela concerne des verbes comme : scrive/scriva (écrire) cunduce/cunducia (conduire) elege/aleghja (élire) prutege/pruteghja (protéger) strughje/strughja (fondre) pruduce/pruducia (produire) frighje/frighja (frire) distrughje/distrughja (détruire) > scrittu > cunduttu > elettu/alettu > prutettu > struttu > pruduttu > frittu > distruttu Les désinences du passé défini restent régulières à la deuxième personne du singulier et du pluriel ; aux autres personnes les désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier : INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL SCRIVE SCRIVA scrissi scrivisti scrisse scrissimu scriviste scrissenu scrissi scrivisti scrissi scrissimi scrivisti scrissini La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. On trouve, dans cette sous-classe, un verbe dont le participe passé est irrégulier alors que le reste de la conjugaison demeure régulière. Il s’agit du verbe rompe/rompa (rompre) qui fait rottu au participe passé. 151 CLASSIFICATION VERBALE * participe passé en -su (sur radical irrégulier) Cette sous-classe regroupe des verbes comme : perde/perda (perdre) > persu corre/corra/curra (courir) > corsu rode/roda (ronger) > rosu accende/accenda (allumer) > accesu chjode/chjuda (fermer) > chjosu/chjusu decide/dicida (décider) > decisu/dicisu difende/difenda (défendre) > difesu ride/rida (rire) > risu tende/tenda (tendre) > tesu stende/stenda (étendre) > stesu rende/renda (rendre) > resu Au passé défini, les désinences restent régulières à la deuxième personne du singulier et du pluriel ; aux autres personnes, les désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier : INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL ACCENDE ACCENDA accesi accendisti accese accesimu accendiste accesinu accesi accindisti accesi accesimi accindisti accesini La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. * Participe passé en -ssu (sur radical irrégulier) Cela concerne des verbes comme : mette/metta (mettre) > messu/missu permette/parmetta (permettre) > permessu/parmissu prumette/prumetta (promettre) > prumessu/prumissu 152 LES VERBES RHIZOTONIQUES rimette/rimetta (remettre) scummette/a (parier) move/mova (mouvoir) scote/scota (secouer) > rimessu/rimissu > scummessu/scummissu > mossu > scossu Comme pour les verbes précédents, les désinences demeurent régulières à la deuxième personne du singulier et du pluriel du passé défini ; les désinences irrégulières s’adjoignent au radical irrégulier : INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL METTE METTA messi mittisti messe messemu mittiste messenu missi mittisti missi missimi mittisti missini La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. * Participe passé en -ertu/-artu (sur radical irrégulier) Cela concerne un certain nombre de verbes qui, hormis leur participe passé, présentent une conjugaison régulière alignée sur sparte/sparta. On trouve notamment : apre/apra (ouvrir) copre/copra (couvrir) scopre/scopra (découvrir) offre/offra (offrir) soffre/soffra (souffrir) > apertu/apartu > cupertu/cupartu > scupertu/scupartu > offertu/uffartu > suffertu/suffartu 153 CLASSIFICATION VERBALE C. L’apparition de l’infixe -g De nombreux verbes développent l’infixe -g à la première personne du singulier de l’indicatif présent ainsi qu’à toutes les personnes du subjonctif présent. Il se trouve également que le participe passé est toujours irrégulier, ce qui implique une irrégularité du passé défini. * participe passé en -tu Radical irrégulier pienghje/piegna (pleurer) cinghje/cigna (ceindre) ghjunghje/ghjugna (arriver) munghje/mugna (traire) stringhje/strigna (serrer) pinghje/pigna (peindre) tinghje/tigna (teindre) INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT 154 > pientu > cintu > ghjuntu > muntu > strintu > pintu > tintu RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PIENGHJE PIEGNA piengu pienghji pienghje pienghjimu pienghjite pienghjenu piengu piegni piegni piignimu, piignimi piigniti piegnini pienga pienga pienga piengamu, pienghimu piengate, pienghite pienganu, pienghinu pienghi pienghi pienghi pienghimi pienghiti pienghini LES VERBES RHIZOTONIQUES INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PIENGHJE PIEGNA piensi pienghjisti piense piensimu pienghjiste piensenu piensi piignisti piensi piensimi piignisti piensini La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. Radical régulier more/mora (mourir) > mortu INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL MORE MORA morgu mori more murimu, muremu murite morenu morgu mori mori murimu, murimi muriti morini morga morga morga morgamu, morghimu morgate, morghite morganu, morghinu morghi morghi morghi morghimi morghiti morghini Au passé défini, la conjugaison laisse apparaître deux formes : une régulière et une irrégulière. Pour ce qui est de la forme irrégulière, les désinences de la deuxième personne du singulier et du pluriel restent régulières ; les autres désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical régulier de l’infinitif : 155 CLASSIFICATION VERBALE INDICATIF PASSÉ DÉFINI RÉGULIER INDICATIF PASSÉ DÉFINI IRRÉGULIER murii muristi murì muriimu muriste murinu morsi muristi morse morsimu muriste morsenu murii muristi murì muriimi muristi murini morsi muristi morsi morsimi muristi morsini La conjugaison régulière s’aligne sur fughje/fughja. * Participe passé en -utu (sur radical régulier) Sont concernés des verbes comme : vene/vena (venir) > venutu/vinutu tene/tena (tenir) > tenutu/tinutu sustene/sustena (soutenir) > sustenutu/sustinutu mantene/mantena (maintenir) > mantenutu/mantinutu crede/creda (croire) > credutu/cridutu INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT 156 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL VENE VENA vengu veni vene nenimu venite venenu vengu veni veni vinimu, vinimi viniti venini venga venga venga vengamu, venghimu vengate, venghite venganu, venghinu venghi venghi venghi venghimi venghiti venghini LES VERBES RHIZOTONIQUES INDICATIF PASSÉ DÉFINI vensi venisti vense vensimu veniste vensenu vensi vinisti vensi vensimi vinisti vensini Le reste de la conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta. Pour ce qui concerne le verbe crede/creda (croire), il développe une irrégularité dans le radical (apparition d’un r) à la première personne du singulier de l’indicatif présent et à toutes les personnes du subjonctif présent : – indicatif présent : crergu SUBJONCTIF PRÉSENT : crerga crerga crerga crergamu, crerghimu crergate, crerghite crerganu, crerghinu crerghi crerghi crerghi crerghimi crerghiti crerghini La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/ sparta. * Participe passé en -su (sur radical régulier). chere/chera (demander) > chersu INDICATIF présent RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL CHERE CHERA chergu cheri chere cherimu, cheremu cherite cherenu chergu cheri cheri chirimu, chirimi chiriti cherini 157 CLASSIFICATION VERBALE SUBJONCTIF PRÉSENT INDICATIF PASSÉ DÉFINI cherga cherga cherga chergamu, cherghimu chergate, cherghite cherganu, cherghinu cherghi cherghi cherghi cherghimi cherghiti cherghini chersi cheristi cherse chersimu cheriste chersenu chersi chiristi chersi chersimi chiristi chersini Le reste de la conjugaison régulière s’établit sur sparte/sparta. * participe passé en -stu (sur radical irrégulier) pone/pona (poser) > postu La conjugaison irrégulière concerne la première personne du singulier de l’indicatif présent et toutes les personnes du subjonctif présent. La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/ sparta. INDICATIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT 158 RÉG. SEPTENTRIONAL CENTRAL/MÉRIDIONAL PONE PONA pongu poni pone punimu, punemu punite ponenu pongu poni poni punimu, punimi puniti ponini ponga ponga ponga pongamu, ponghimu pongate, ponghite ponganu, ponghinu ponghi ponghi ponghi ponghimi ponghiti ponghini LES VERBES RHIZOTONIQUES On peut intégrer dans cette sous-classe le verbe vede/veda/ vida (voir) et ses dérivés rivede/riveda (revoir), prevede/priveda (prévoir) etc. dont le participe passé fait vistu, rivistu, privistu… sur un radical irrégulier. La particularité de ce verbe c’est qu’il développe un infixe -c dans le régiolecte méridional alors que les deux autres régiolectes développent l’infixe -g. Pour tenir compte de ce phénomène on devra orthographier toutes les formes avec infixe (nord et sud) à l’aide de la consonne c. RÉG. SEPTENTRIONAL RÉG. CENTRAL RÉG. MÉRIDIONAL VEDE VEDA VIDA INDICATIF PRÉSENT INDICATIF PRÉSENT INDICATIF PRÉSENT vecu vedi vede vidimu, videmu vidite, videte vedenu vecu vedi vedi vidimu, vidimi videti vedini vicu vidi vidi vidimu viditi vidini SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT SUBJONCTIF PRÉSENT veca veca veca vecamu vecate vecanu vechi vechi vechi vechimi vechiti vechini vichi vichi vichi vichimi vichiti vichini La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/ sparta. 159 CLASSIFICATION VERBALE D. Les oscillations verbales On sait que, par le passé, de nombreux verbes appartenaient à une classe différente de celle qui leur est propre aujourd’hui. Il peut d’ailleurs en rester des traces dans des expressions figées. Ainsi dans par piuvì, poivi !/per piuvì, piove ! (pour pleuvoir, il pleut !) peut-on remarquer la forme piuvì qui renvoie à un infinitif qui n’est plus en usage de nos jours. On peut en déduire qu’une classe en -ì, différente de celle qui utilise deux infinitifs (pulì/ pulisce, capì/capiscia, etc.), a disparu du groupe des verbes arhizotoniques pour rejoindre le groupe rhizotonique. Il en est de même pour la classe des verbes en -è qui semble se réduire aujourd’hui. Des verbes comme gode/a (jouir), piace/piacia faisaient autrefois gudè, piacè. De nos jours, nous pouvons observer des mouvements oscillatoires qui témoignent de changements en cours. Aussi pouvons-nous trouver des verbes qui fluctuent entre une classe et une autre. Par exemple, le verbe « entrer » fonctionne à partir de l’infinitif arhizotonique intrà/entrà et de l’infinitif rhizotonique entra/entre (avec variante ghjentra). Cela explique le double participe passé intratu/intrutu. Pour ce verbe le changement semble s’effectuer du groupe arhizotonique vers le groupe rhizotonique, la conjugaison se déclinant sur les deux tableaux. Nous pouvons également observer le mouvement inverse avec des verbes comme discute/a (discuter), sprime/a (exprimer) qui se réalisent souvent en discutà, sprimà. Nous retrouvons alors des doubles participes passés comme discussu/discutatu, sprimutu/ sprimatu. Ces « oscillations verbales » n’ont rien de surprenant et prouvent que la langue est en perpétuel mouvement. Ce qui nous paraît le plus intéressant c’est de pouvoir observer de tels changements en synchronie alors qu’habituellement ils s’opèrent sur la très longue durée. CHAPITRE 5 LES CLASSES NOMINALES Nous pouvons classer les noms en fonction du genre, masculin ou féminin, et du nombre, singulier ou pluriel. La morphologie nominale est également un domaine qui devient le support de la différenciation linguistique. Ainsi retrouverons-nous des caractéristiques propres à chacun des trois régiolectes corses. I. LES NOMS MASCULINS Les noms masculins peuvent se répartir en deux groupes : – les noms à voyelle finale atone ; – les noms à voyelle finale tonique. A. Les noms à voyelle finale atone Appartiennent à ce groupe les noms dont l’accent tonique frappe l’avant-dernière syllabe (paroxytons) et les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième (proparoxytons). La voyelle finale atone peut changer en fonction du régiolecte concerné, au singulier comme au pluriel. 1. Régiolecte septentrional Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes : – les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font -e au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel. 163 LES CLASSES NOMINALES sing. -u u zitellu u libru u lettu u ghjornu l’ocellu l’arburu u bancu u zanu u pranzu l’ortu sing. -e u paese u nome u cane u fiore u sole u pane u ponte u prete u latte u male plur. -i i zitelli i libri i letti i ghjorni l’ocelli l’arburi i banchi i zani i pranzi l’orti plur. -i i paesi i nomi i cani i fiori i soli i pani i ponti i preti i latti i mali sing. -a u pueta u papa u prublema u sistema u prugramma u dramma u pianeta u boia u clima u tema plur. -a i pueta i papa i prublema i sistema i prugramma i dramma i pianeta i boia i clima i tema Signalons que, dans l’usage actuel, la troisième classe tend à rejoindre la première classe. Cela explique des formes comme puetu, prublemu, sistemu, prugrammu, drammu… qui font alors leur pluriel en -i : i pueti, i prublemi, i prugrammi, i sistemi, i drammi… Le mot papa semble bien résister encore, alors que pianeta tend à changer de genre, a pianeta, vraisemblablement sous la pression du français. 2. Régiolecte central Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes : – les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ; 164 LES NOMS MASCULINS – les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel. sing. -u u ghjacaru u nodu u basgiu u mazzulu u stazzu u topu u ventu u cantu u lumu u pesciu plur. -i i ghjacari i nodi i basgi i mazzuli i stazzi i topi i venti i canti i lumi i pesci sing. -i u pani u pastori u culori u mobbuli u duttori u pedi u cori u monti l’adori u muradori plur. -i i pani i pastori i culori i mobbuli i duttori i pedi i cori i monti l’adori i muradori sing. -a u pueta u papa u prublema u sistema u prugramma u dramma u pianeta u boia u clima u tema plur. -a i pueta i papa i prublema i sistema i prugramma i dramma i pianeta i boia i clima i tema Nous ferons la même remarque que précédemment à propos de la troisième classe qui semble vouloir rejoindre la première classe. 3. Le régiolecte méridional Dans ce régiolecte, le masculin compte quatre classes : – les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ; 165 LES CLASSES NOMINALES – les noms qui font -u au singulier et -a au pluriel ; – les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel. 166 sing. -u/plur. -i u ziteddu u ghjacaru u maestru u ziu u cataru u monacu u tordulu u zocculu i ziteddi i ghjacari i maestri i zii i catari i monachi i torduli i zocculi sing. -u/plur. -a u locu u focu u muru u corpu u colpu u batteddu u marteddu u capiddu i loca i foca i mura i corpa i colpa i battedda i martedda i capidda sing. -i/plur. -i u mudori u signori u sangui u pastori u fucili u campanili u mesi u paesi i mudori i signori i sangui i pastori i fucili i campanili i mesi i paesi sing. -a/plur. -a u pueta u papa u prublema u prugramma u dramma u sistema u pianeta u boia u clima u tema i pueta i papa i prublema i prugramma i dramma i sistema i pianeta i boia i clima i tema LES NOMS MASCULINS Comme dans les autres régiolectes la classe des noms en -a tend à rejoindre la classe des noms en -u. Pour ce qui concerne le pluriel en -a, la règle traditionnelle voudrait qu’il fût réservé aux seuls noms masculins en -u qui n’ont pas de féminin en -a, auquel cas le pluriel se ferait en -i. Sont toutefois exclus du pluriel en -a les noms masculins en -u qui, sans présenter de féminin, ont une forme proparoxytonique, autrement dit les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième. C’est le cas de cataru, monacu, zocculu, tordulu, que nous avons donnés en exemple plus haut. On peut avoir des cas pour lesquels le féminin est seulement apparent ; ce qui provoque un pluriel en -i pour les deux noms (pourtant différents) : u portu (le port) a porta (la porte) u coppiu (le couple) a coppia (le joug) u bancu (le banc) a banca (la banque) u coghju (le cuir) a coghja (la couenne) u pilu (le poil) a pila (le bassin) > i porti > i porti > i coppii > i coppii > i banchi > i banchi > i coghji > i coghji > i pili > i pili De nos jours, on peut constater un certain nombre de phénomènes qui remettent en cause les règles traditionnelles. Nous avons vu comment la classe des noms en -a tend à s’aligner sur la classe des noms en -u. C’est un phénomène assez courant que l’on nomme métaplasme. Il se trouve que la classe des noms en -e pour le nord et -i pour le sud semble sujette au même phénomène. En effet, il n’est pas exceptionnel d’entendre aujourd’hui des formes comme u paesu, u fiumu, u nomu, u fioru, u duttoru, etc. 167 LES CLASSES NOMINALES qui sont le témoignage d’un réaménagement des classes nominales. Il apparaît cependant que ce phénomène touche prioritairement le Pumonti. Un autre changement important concerne le pluriel en -a, propre au régiolecte méridional. On constate en effet que ce pluriel particulier tend à se propager et à investir le régiolecte central, notamment le Taravu (le régiolecte septentrional n’est aucunement concerné). Cependant, cette diffusion du pluriel en -a s’effectue avec des évolutions particulières dans la mesure où celui-ci s’applique pratiquement à tous les noms en -u ainsi qu’à la plupart des noms en -i. La conséquence majeure de ce type d’évolution se perçoit dans la généralisation du pluriel en -a qui va jusqu’à s’étendre à des noms féminins qui traditionnellement n’étaient pas concernés par ce pluriel. Dès lors il n’est plus rare d’entendre des formes comme : i peda, i fiuma, i paesa, i fiora, i ponta, i noma, etc. que le système traditionnel ne connaissait pas. On peut penser que la généralisation du pluriel en -a, dans une grande partie du Pumonti, est associée au caractère identitaire de ce pluriel que les variétés linguistiques du sud exploitent « au maximum » pour se distancier des variétés septentrionales. Nous pouvons signaler également que les choix relatifs aux classes nominales ne sont pas nécessairement les mêmes dans les trois régiolectes. Par exemple, on trouvera des noms en -u au nord (un ochju, un arburu) quand on aura les mêmes noms en -i dans le sud (un ochji, un arburi). B. Les noms à voyelle finale tonique On trouve les mêmes classes du nord au sud. Tous les noms à voyelle finale tonique, dont la plupart sont issus d’emprunts aux langues étrangères ou représentent d’anciennes formes latines tronquées, sont invariables. 168 LES NOMS FÉMININS * finale -à : * finale -è : * finale -ì : * finale -ò : * finale -ù : u soffà, u pascià, u sgiasgià, u sinemà. u caffè, u rè, u sciaminè, u piacè, u sapè, u canapè. u schì, u zinzì, u tassì. l’aviò, u camiò, u chilò, u prò, u sgiò. u caucciù, u bambù, u tabbù. II. LES NOMS FÉMININS Comme pour les noms masculins nous pouvons distinguer les noms à voyelle finale atone des noms à voyelle finale tonique. A. Les noms à voyelle finale atone 1. Régiolecte septentrional Dans ce régiolecte, le féminin compte trois classes : – les noms qui font -a au singulier et -e au pluriel ; – les noms qui font -e au singulier et -i/-e au pluriel ; – les noms qui font -i au singulier et -i/-e au pluriel. sing. -a a casa a donna a strada a vacca a pecura plur. -e e case e donne e strade e vacche e pecure sing. -e a croce a chjave a corte a noce a notte plur. -i/e e croci, e croce e chjavi, e chjave e corti, e corte e noci, e noce e notti, e notte sing. -i a crisi l’annalisi a sintesi plur. -i/e e crisi, e crise l’annalisi/e e sintesi, e sintese 169 LES CLASSES NOMINALES La troisième classe se résume à des cas rares que certaines variétés ont fini par supprimer en l’alignant sur la première classe : a crisa, l’annalisa, a sintesa (avec déplacement de l’accent tonique sur la pénultième pour les deux dernières formes). On peut également signaler, pour le régiolecte septentrional uniquement, une forme exceptionnelle de féminin en -u avec a manu (la main). C’est une forme que certaines variétés abandonnent (Bastia, Cap) pour l’aligner sur la première classe : a mana/e mane (la main/les mains). Ce féminin exceptionnel en -u s’explique par l’étymologie (MANUS), mais aussi par le besoin de distinguer les formes du pluriel : a manu (la main) > e mani (les mains) a mane (le matin) > e mane (les matins) Dans les variétés où les formes du pluriel sont identiques, c’est le contexte qui explicite le sens. À noter la forme invariable de la région de Vicu : a manu > e manu. 2. Régiolecte central Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes : – les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font — i au singulier et -i au pluriel. sing. -a/plur. -i sing. -i/plur. -i 170 a pignatta a spazzola a femmina a canzona l’arba a notti a boci a croci a noci a foci i pignatti i spazzoli i femmini i canzoni l’arbi i notti i boci i croci i noci i foci LES NOMS FÉMININS 3. Régiolecte méridional Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes : – les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel ; – les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel. sing. -a/plur. -i a stadda a ghjumenta a padedda a vittura a stantara i staddi i ghjumenti i padeddi i vitturi i stantari sing. -i/plur. -i a mudderi a turri a cruci a noci a peddi i mudderi i turri i cruci i noci i peddi B. Les noms à voyelle finale tonique Au féminin, les classes à voyelle finale tonique sont moins nombreuses qu’au masculin. Nous pouvons en déterminer trois : * finale -à : a qualità, a cità, l’università, a libbartà, a civiltà, a sucetà, a publicità, a scularità, a prupietà, a capacità, a rialità, a virità, a metà… * finale -ù : a virtù, a ghjuventù, a schiavitù, a servitù, a tribbù. * finale ò : a televisò, a lizziò. La classe en -ò est représentée par des formes tronquées que l’on peut toujours reconstituer dans leur version complète : televisione/i, lizzione/i. CHAPITRE 6 LA CRÉATION DES MOTS La langue corse dispose d’un lexique qui représente l’ensemble des mots mis à la disposition des locuteurs corsophones pour exprimer le monde qui les entoure. Le lexique corse s’est constitué et s’est développé au fil de l’histoire par des procédés de création qui ont mobilisé les aptitudes de la langue à construire des mots nouveaux (évolution interne). L’enrichissement lexical s’est également opéré par l’emprunt à d’autres langues (évolution externe). Dans ce domaine important et délicat de la néologie (création de nouveaux mots), le corse a eu recours, comme toutes les langues romanes, à l’emprunt et à la création. I. ÉVOLUTION EXTERNE Par évolution externe nous entendons un développement du fonds lexical d’une langue par l’emprunt de mots à une ou plusieurs langues étrangères. L’emprunt est dit de nécessité lorsqu’une langue, ne disposant pas du mot pour désigner un nouvel objet ou un nouveau concept, emprunte un mot déjà inventé et utilisé dans une langue étrangère. C’est un procédé banal qui se manifeste le plus souvent dans les domaines qui évoluent rapidement, notamment le domaine technique. Certains pays en mal d’identité peuvent, parfois, mettre en œuvre une politique linguistique qui vise à remplacer, avec plus ou moins de réussite, le mot étranger par une création indigène. L’emprunt est dit de luxe quand un mot étranger est utilisé alors que la langue locale dispose du terme équivalent. Ce phénomène 175 LA CRÉATION DES MOTS peut être dû à un effet de mode ou bien à la pression d’une langue sur l’autre dans un contexte diglossique. Qu’il soit de nécessité ou de luxe, l’emprunt est intégral s’il est utilisé sous sa forme étrangère, et il est partiel s’il est adapté au système phonologique et morphologique de la langue autochtone. Pour ce qui concerne le corse, l’évolution externe s’est le plus souvent opérée par emprunt partiel. On peut alors trouver dans le lexique des mots qui, bien que considérés comme totalement corses aujourd’hui, sont issus de différentes langues étrangères. Au plan historique, il nous faut appréhender comme étrangères au corse les langues qui étaient aussi étrangères au latin. Relèvent donc du substrat prélatin les mots que le latin a empruntés à la langue que parlait la population qui se trouvait en Corse au moment de la conquête romaine (259 av. J.-C.). À l’époque, qu’ils fussent de nécessité ou de luxe, de nombreux emprunts se sont intégrés au lexique latin de sorte qu’on les retrouve de nos jours dans le lexique corse. Ghjacaru, caracutu, muvra, taravellu (tarabucciu), caravonu, chjappa, cuscogliula, ghjargalu, tafonu… sont autant de mots qui puisent leur origine dans la langue « corse » prélatine. Après la chute de l’empire romain ce sont les langues de superstrat (langues des envahisseurs qui ont recouvert le latin sans toutefois l’éliminer) qui ont fourni du vocabulaire nouveau au latin. De ces emprunts aux langues germaniques nous viennent : guerra, guardà, guardia, brandu, rubbà, robba, tregua, guarì, guadagnà, guantu, tuvaglia/tuvadda, anca, schincu, schiuma, bancu, biancu, grattà, savonu, grisgiu, urgogliu, riccu, frescu/ friscu, spia, schisà, abbandunà, vanga… Le gothique nous a livré : banda, rocca, steccu, bandera, schiettu, stanga, schiattà, fiascu. Le lombard a fourni : spietu, surnachjà, staffa, milza, scherzu, techju, balconu, trappula, lestru, lonzu, ciuffu… Lors de la graduelle constitution des langues romanes (issues du latin), d’autres emprunts se sont opérés au gré des contacts 176 ÉVOLUTION EXTERNE de langues dus aux différentes invasions, incursions et autres conquêtes. C’est ainsi que de nombreux termes nous viennent de l’arabe : amiragliu, libbecciu, zeru, milanzana, arsenale, cutone, aranciu, sciroccu, dugana, limone, cerra, risu, zuccaru, baracuccu, giraffa, azardu, à buzeffu… Par la suite, de nombreux emprunts ont pu s’opérer entre langues romanes : – ancien français : manghjà, ghjustra, viaghju, baullu, giardinu… – espagnol : sgiò, cumplimentu, crianza, lindu… – génois : piola, carrega, camallu, brandale, carbusgiu, scagnu, spichjetti, carrughju, missiavu… – toscan : armariu, tamantu, lebbiu, etima, mansu, albasgia, minuci, avà, besgiu… De nos jours, les effets de la francisation linguistique de la Corse révèlent une évolution qui privilégie l’emprunt partiel de luxe. Ainsi peut-on entendre des mots comme bulansgeru, busceru, buatta, pruminata, lunetti, orosamenti… dont le corse pourrait se passer dans la mesure où il possède ses termes propres : panatteru, macillaru, scatula, spassighjata, spichjetti, ancu assai/ ancu di grazia… Un autre type d’emprunt s’observe dans le calque qui consiste à traduire, avec des moyens lexicaux autochtones, une expression étrangère en lui conservant ses caractéristiques syntaxiques. C’est le fameux « mot-à-mot » que l’on conseille d’éviter dans les exercices de traduction. On trouve, par exemple, des expressions comme un colpu d’ochju, un colpu di telefunu, fà a coda, fà rivene, vene di ghjunghje, ci hè u mondu, etc. qui renvoient respectivement à « un coup d’œil, un coup de téléphone, faire la queue, faire revenir (culinaire), il vient d’arriver, il y a du monde » que le corse rendrait par un’uchjata, una telefunata, fà a fila, suffrighje, ghjunghje à pena avà, ci hè a ghjente. 177 LA CRÉATION DES MOTS Le calque peut revêtir un caractère « nécessaire » dans des formes comme autostrada, televisione, magnetofunu, magnetoscopu, grattacelu, lavapanni, tavula à vela, etc. II. ÉVOLUTION INTERNE On distingue le lexique simple du lexique construit. Le premier concerne les mots qui ne peuvent pas se décomposer : rena, lettu, pani, barca, portu, funa, vacca… Le second s’applique aux mots construits : – par dérivation : muntagna, linguaghju, misincu, cumbatte, arcibabbone, intarru… – par composition : capimachja, paracqua, benistà, codimozzu, portavista… – par formation savante : pulinumia, zuulugia, rizutonicu, psicuterapia… Nous proposons d’étudier, dans cette partie, les modalités de création lexicale relevant du lexique construit. A. La dérivation La dérivation est un procédé de construction qui met en jeu une base lexicale à laquelle on ajoute un élément. Si cet élément est antéposé il s’agira d’un préfixe, s’il est post-posé il s’agira d’un suffixe. On peut également trouver des mots qui présentent à la fois un préfixe et un suffixe ; ce sont des formes dites parasynthétiques. En règle générale la base est issue du lexique simple ou d’un emprunt. Il existe une forme de dérivation dite impropre qui consiste à faire passer un mot d’une classe grammaticale dans une autre : manghjà (verbe) > u manghjà (nom), sapè (verbe) > u sapè (nom), etc. 178 ÉVOLUTION INTERNE 1. Suffixation Les critères fonctionnels de classification tiennent compte de la classe de départ (base) et de la classe d’arrivée (mot dérivé). On peut ainsi obtenir des noms construits à partir de noms, d’adjectifs et de verbes ; des adjectifs formés sur des noms, des adjectifs et des verbes ; des verbes issus de noms, d’adjectifs, de verbes. BASE nom nom nom BASE adjectif adjectif adjectif BASE verbe verbe verbe MOT DÉRIVÉ nom adjectif verbe CLASSE D’ARRIVÉE CLASSE DE DÉPART nom adjectif verbe porcu bellu spirà nom nom nom purcaghju billezza spiranza nom adjectif verbe pelu/pilu rossu/russu capì adjectif adjectif adjectif pilosu russicciu capiscitoghju nom adjectif verbe saltu sciancu scrive/a verbe verbe verbe saltichjà scianchittà scrivacciulà Un autre critère de classification se trouve dans la fonction des suffixes. On peut alors distinguer les suffixes dérivatifs des suffixes altératifs. Les premiers modifient le contenu sémantique de la base en introduisant un sens nouveau ou une réalité différente : capra représente un animal ; capraghju une personne. Les seconds introduisent une dimension « affective » sans que l’on puisse parler d’un véritable changement du contenu sémantique ; il s’agit d’une 179 LA CRÉATION DES MOTS simple « altération » du sens qui s’effectue dans quatre directions grâce aux suffixes diminutifs, augmentatifs, péjoratifs et laudatifs. Les diminutifs et les augmentatifs expriment « l’objectivité » (du plus petit au plus grand) ; les péjoratifs et les laudatifs expriment la « subjectivité » (du négatif au positif). a. Suffixes altératifs Par commodité nous présenterons les principaux suffixes au masculin ; les exemples tiendront compte des deux genres. * Diminutifs : – ellu/-eddu – ettu – inu – olu – ucciu furnellu, purtellu, chjuseddu… casetta, dunnetta, librettu… cuchjarinu, ghjattinu… paisolu, caniolu… zitellucciu, tupucciu… * Augmentatifs : – one/i/u purtone, caponi, zitiddonu… – issimu grandissimu… – ottu vichjottu, anzianottu… 180 * Péjoratifs : – acciu – achju – aglia – anciu – astru animalacciu, linguaccia, littacciu… nigrachju… rubbaglia, purcaglia… piglianciu… russastru, biancastru… * Laudatifs : – acciu – issimu – izzone/i/u – one/i/u amicacciu… bellissimu.. capizzone… umone… ÉVOLUTION INTERNE Certains suffixes sont polyvalents car ils ont la faculté d’exprimer différentes significations dans le domaine de l’altération. Par ailleurs, ils peuvent faire partie des suffixes dérivatifs. Par exemple, dans amicacciu le suffixe est un altératif augmentatif ; dans animalacciu c’est un altératif péjoratif ; dans bastiacciu c’est un dérivatif qui exprime l’origine géographique ; dans Bastelicaccia c’est un dérivatif qui exprime l’appartenance. On peut également trouver des formes accumulatives dans lesquelles les suffixes s’additionnent : purcaccione/i présente -acciu + one/i qui expriment un péjoratif doublé d’un augmentatif. b. Suffixes dérivatifs – abile/i cuntabile – acciu purtivichjacciu Ghisunaccia – ace/i luquace – adore/i piscadore – aghja ghjandaghja – aghjolu lignaghjolu curtaghjolu – aghju linguaghju mulinaghju granaghju pitricaghju – aglia muraglia – agnu calcagnu – agna muntagna – ale/i murtale fiuminale ditale cumunale – ame/i muntame fugliame (qualité, agent) (origine) (appartenance) (qualité) (agent) (zoologie) (agent) (qualité) (concept) (agent) (lieu) (collectif) (résultat) (anatomie) (géologie) (qualité) (géol.) (instrument) (appartenance) (résultat) (collectif) 181 LA CRÉATION DES MOTS – anu – ante/i – anza – ardu – are/i – ariu – aru – ascu – ata – aticu – atteru – atu – azzu – dore/i – ecciu – eghju 182 suttanu castellanu purtulanu ignurante ghjurnatante spiranza fratellanza tistardu pupulare filare reazziunariu funziunariu seminariu macellaru campanaru murascu amarascu ruchjata manata bacinata annata uchjata cullata buaticu terraticu panatteru parentatu viscuvatu tinazzu piscadore mammarecciu natalecciu arrubbecciu schifeghju (qualité) (fonction) (origine géogr.) (qualité) (agent) (abstrait) (abstrait) (qualité) (qualité) (résultat) (qualité) (agent) (lieu) (profession) (fonction) (origine géogr.) (qualité) (collectif) (contenu) (mesure) (résultat) (action) (qualité) (impôt) (location) (agent) (collectif) (religieux) (contenant) (agent) (qualité) (temps) (résultat) (qualité) ÉVOLUTION INTERNE – enda – ente/i – enza – era – eria – eru – escu – esca – ese/i/u – esimu – estru – etu – evule/i – ezza – ia – ianu – ichj– icciu – iccia – ieru – ifica lighjenda faccenda sarrenda accugliente dirigente accuglienza tribbiera spiccera caffittera panera purcheria biancheria pinseru rumanescu pitturescu muresca curtinese burghese marchese incantesimu campestru ulmetu piacevule bellezza maestria signuria partianu saltichjà massicciu malaticciu lamaghjuniccia guerrieru altieru classifica (genre littéraire) (action) (lieu) (qualité) (fonction) (notion) (action) (manière) (instrument) (contenant) (qualité) (collectif) (abstrait) (ethnique) (qualité) (manière) (origine géogr.) (qualité) (rang) (abstrait) (qualité) (lieu planté en…) (qualité) (qualité) (qualité) (rang) (qualité) (action) (qualité) (état) (collectif) (agent) (qualité) (ordre) 183 LA CRÉATION DES MOTS – igianu – ignu – ile/i – ighj– ime/i/u – incu – inu – ina – iu – isimu – istu/a – ita – ità – ite/i/a – itù – itudine/i – izia – izzul– iz– izza – izzu – mentu 184 artigianu partigianu malignu purcile caccighjà runzichime bunifazincu misincu guardincu arrutinu aiaccinu purcinu pecurinu briachina pisiu murmuriu tardiu sucialisimu determinisimu banditisimu cumunistu linguistu ghjurnalistu durmita vanità brunchite schiavitù sulitudine ghjustizia scudizzulà sucializà panizza pastizzu cambiamentu (agent) (appartenance) (qualité) (lieu) (action) (action) (origine géogr.) (temps) (qualité) (agent) (origine géogr.) (appartenance) (provenance) (action) (qualité) (intensité) (temps) (appartenance) (concept) (résultat) (appartenance) (spécialité) (agent) (résultat) (qualité) (médecine) (qualité/collectif) (état) (valeur) (action) (action) (culinaire) (culinaire) (état) ÉVOLUTION INTERNE – ognulu – oghju – one/i/u – oni – ore/i – osu – ticciu – tivu – toghju – (t) tore/i – tù – tura – ulugia – ume/i/u – ura – uta – utu – ughjine/i – usca – zione/i sciuglimentu verdognulu missoghju rasoghju pidone trascinoni chjarore albore attore pilosu ghjunghjiticciu ghjuvativu lavatoghju capiscitoghju direttore ghjuventù andatura musiculugia sudiciume pianura brusgiatura altura battuta barbutu scimughjine manghjusca spurtazione (action) (qualité) (qualité) (instrument) (agent) (manière) (qualité) (temps) (agent) (qualité) (qualité) (qualité) (lieu) (qualité) (fonction) (qualité/collectif) (manière) (spécialité) (qualité) (géolog.) (résultat) (qualité) (action) (qualité) (qualité) (collectif) (action) 2. Préfixation Les modalités de la préfixation laissent apparaître deux types de préfixes : les préfixes monovalents et les préfixes polyvalents. Les premiers n’ont qu’une seule fonction : créer des formes 185 LA CRÉATION DES MOTS dérivées ; les seconds peuvent être préfixes, mais aussi adverbes, prépositions etc. Les exemples qui vont suivre pourront être à la fois préfixés et suffixés. a. Préfixes monovalents aapuliticu antiantinaziunalistu arciarcibabbonu arcivescu bibimisincu bisbislinguisimu catacatapughjà catalettu didirascà disdisunori eevasione esespurtà ilillicitu imimpussibuli inintrappulà intarrà incapacità infrainfrastruttura inframetta infrarossu interinternaziunali intraintrappona irirraziunali mismisfatta paraparamilitari polipolimorfu prepreputente prestabulì 186 (privatif) (opposition) (parenté) (grade) (intensité) (intensité) (espace) (fonction) (privatif) (négatif) (action) (espace) (qualité) (privatif) (action) (intérieur) (qualité) (organisation) (espace) (qualité) (espace) (espace) (négatif) (négatif) (qualité) (qualité) (intensité) (temps) ÉVOLUTION INTERNE prupuretrurirs- strastrassupertratranstrasvice- prumetta pruvena pumonti retruattivu rivucà rispechjà raligrà sfurtunatu smova sbarcà strariccu straparlà strasurdinariu supermarcatu tramuntana trabuccà transerupeiu trasfurmà trasportu vicerè b. Préfixes polyvalents aavvicinà allungà attunduliscia contracontrafà contrariforma cumcumbatta cumpani cuncunfederazione cundivide cunturrà culcullegà (temps) (espace) (espace) (temps) (négatif) (répétition) (intensité) (privatif, négatif) (intensité) (espace) (intensité) (négatif) (intensité) (intensité) (espace) (intensif) (espace) (intensité) (espace) (intensité) (espace) (espace, temps) (intensité) (négatif) (opposition) (intensité) (union, relation) (espace) (union, relation) (espace) (espace) 187 LA CRÉATION DES MOTS curframalmale/aper/parsoprasu- tra- currisponda frattempu maltrattà maladettu perdunà permanente soprappone sopravalutà sualzà suppurtà sughjornu trafrancà (espace) (temps) (négatif) (négatif) (intensité) (temps) (espace) (intensité) (espace) (intensif) (temps) (espace) 3. Formes parasynthétiques Il s’agit des mots qui présentent à la fois un préfixe et un suffixe ; la forme sans préfixe étant impossible. Le mot arcibabbone est suffixé puis préfixé : babbu > babbone > arcibabbone ; ce n’est pas une forme parasynthétique. Le mot indebbulisce est parasynthétique car la forme « debbulisce » n’existe pas. La plupart des formes parasynthétiques sont des verbes : arrussisce, attundulisce, imbellisce, etc. En fait, les formes parasynthétiques peuvent présenter une désinence en lieu et place du suffixe, ce qui explique la fréquence des formes verbales qui ne peuvent exister sans préfixe : abbandunà, intarrà, impastughjà, arrutà, etc. B. La composition Les mots composés sont construits à partir de l’association de mots qui, dans la langue, ont une existence autonome. La composition est une sorte d’ « agglutination » de deux mots différents qui crée un troisième mot avec son sens propre. On peut dire qu’à 188 ÉVOLUTION INTERNE partir de deux unités lexicales indépendantes on construit une nouvelle unité lexicale indépendante. Le procédé de la composition aboutit à la création de noms composés, d’adjectifs composés, de verbes composés. 1. Noms composés * nom + nom : capu + machja = capimachja capu + ciocciu = capiciocciu capu + squadra = capisquadra * nom + adjectif : pettu + rossu = pettirossu pede + neru = pedineru capu + biancu = capibiancu ochju + stortu = ochjistortu campu + santu = campusantu * adjectif + nom : negru + fume = negrufume dolce + vita = dolcevita biancu + spinu = biancuspinu * verbe + nom : parà + acqua = paracqua truncà + collu = troncacollu stantà + pane = stantapane sparte + tempu = spartitempu asciuvà + manu = asciuvamanu scurnà + boiu = scornaboiu * verbe + verbe : parà + piglià = parapiglia * adverbe + verbe : bè (ne) + stà = benistà 2. Adjectifs composés * nom + adjectif : coda + mozzu = codimozzu bocca + finu = bocchifinu lingua + furcutu = linguifurcutu capu + tosu = capitosu capelli + rossu = capellirossu culu + sciacciatu = culisciacciatu * verbe + nom : rompe + stacche = rompistacche 189 LA CRÉATION DES MOTS 3. Verbes composés * nom + verbe : capu + ciuttà = capiciuttà capu + ficcà = capuficcà capu + vultà = capivultà radiu + trasmette = radiutrasmette * verbe + nom : sciaccà + manu = sciaccamanà girà + tondulu = giratondulà * adverbe + verbe : male + avvià = malavvià male + dì = maledì 4. Autres formes composées Il peut exister des formes composées dont les constituants sont séparés mais n’en demeurent pas moins solidaires. Ces formes peuvent se construire : – par répétition du même mot : scappa scappa, fughji fughji, piglia piglia ; – par deux mots différents : stancu mortu, imbriacu zeppu, crosciu intintu ; – par deux mots liés par une conjonction : colla è fala, passa è vene ; – par deux mots liés par une préposition : capi d’opara. Chacune de ces formes représente un ensemble solidaire que l’on ne peut pas rompre en intercalant un autre élément. On ne dira jamais un passa (pianu) è vene, hè stancu (u) mortu, un capi (chjucu) d’opara etc. sous peine de compromettre l’unité de sens. CHAPITRE 7 L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE : LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE Une langue n’est jamais figée. Elle évolue dans le temps, se modifie, change en permanence. Certaines périodes de l’histoire sont propices au changement, d’autres, au contraire, favorisent le ralentissement. On sait, par exemple, que l’isolement (faiblesse des relations internationales, interculturelles…) contrarie l’évolution linguistique. En revanche, les situations plurilingues donnent lieu à de multiples changements. Toutefois, même pendant les périodes d’isolement sévère, une langue peut subir des modifications par des innovations qui ne doivent rien à l’influence extérieure. L’évolution est donc due à des réaménagements internes et/ou à des influences externes. L’évolution linguistique laisse supposer qu’une langue change dans tous les domaines : lexical, phonologique, morphologique, syntaxique, pour ne citer que les principaux. La langue corse, comme toute langue, n’échappe pas à la règle. On peut ainsi observer de nos jours des évolutions qui relèvent d’une part, du réaménagement interne et, d’autre part, de l’influence extérieure. I. RÉAMÉNAGEMENT INTERNE Nous avons eu l’occasion, dans le chapitre consacré à la morphologie, de signaler certaines évolutions qui ne doivent rien aux influences allogènes. La morphologie nominale, par exemple, est sujette à un phénomène qui remet en cause tout le système nominal : le métaplasme. En effet, les classes nominales ont tendance à se réduire et à se simplifier : la désinence -u semble destinée à représenter tout 193 L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE : LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE le genre masculin et la désinence -a tout le genre féminin. Cela suppose la disparition des classes du masculin en -e/i au bénéfice de la classe en -u, et des classes du féminin en -e/i au bénéfice de la classe en -a. ÉVOLUTION DES CLASSES NOMINALES Masculin – e/i > -u u paese/i u fiume/i u nome/i u male/i u paesu u fiumu u nomu u malu Féminin – e/i > -a a pelle/i a corte/i a croce/i a torre/i a pella a corta a crocia a torra Parallèlement à l’évolution du genre on observe l’évolution du nombre : généralisation d’un pluriel masculin en -a (i pedi > i peda) avec possibilité d’extension au féminin (i vacchi > i vacca) dans le sud de l’île ; généralisation d’un pluriel féminin en -e (e notti > e notte) dans le nord. Cette évolution du nombre semble également motivée par une simplification du système. Dans le domaine verbal nous avons déjà fait allusion à la réduction de la classe des verbes arhizotoniques en -è (pudè, sapè…) qui devraient rejoindre, à terme, le groupe des verbes rhizotoniques en -e/a. Un autre genre d’évolution relève du développement des relations interdialectales. En effet, plusieurs paramètres nouveaux favorisent les contacts entre variétés corses qui, chez de nombreux locuteurs, se traduisent par un mélange de type « intralectal ». Parmi ces paramètres nouveaux nous pouvons citer : – le désenclavement des régions ; – le renouveau culturel, notamment à travers le chant et la littérature ; – l’expression en langue corse dans plusieurs médias ; 194 INFLUENCES EXTÉRIEURES – la convergence vers les villes de locuteurs issus de différentes régions de la Corse ; – l’université qui regroupe des milliers de jeunes en provenance de toutes les régions de l’île ; – l’enseignement du corse « polynomique » dans l’école publique. II. INFLUENCES EXTÉRIEURES Le contexte sociolinguistique corse est caractérisé par la diglossie. Il s’agit d’une situation dans laquelle coexistent deux langues dans des rapports de dominant à dominé. Sans entrer dans la recherche des causes historiques et politiques d’une telle situation, nous dirons simplement que le contexte diglossique favorise fortement l’évolution linguistique par les influences que chacune des deux langues exerce sur l’autre. L’influence du corse sur le français mène à ce qui est communément appelé le « français régional de Corse » dont les particularités sont directement liées au système linguistique corse. Cette variété, lorsqu’elle n’est pas utilisée sciemment pour rechercher un effet particulier, est toujours appréhendée comme du « mauvais » français et tend à dévaloriser la personne qui la pratique. L’influence du français sur le corse, qui nous intéresse davantage dans le cadre de ce chapitre, aboutit à un corse jugé « déchiré » (u corsu stracciatu) que les puristes dénoncent. Le « francorse » (u francorsu) se présente alors comme le fac-similé d’un français à peine maquillé. Les influences linguistiques françaises sur le corse se manifestent dans différents domaines. A. Le lexique Nous indiquions, dans le chapitre précédent, que la tendance actuelle privilégie le recours à l’« emprunt partiel de luxe ». Cela s’exprime par l’utilisation de mots français que l’on a adaptés au 195 L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE : LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE système phonologique et morphologique corse, bien que les mots corses équivalents existent déjà. Ainsi nous pouvons entendre des formes comme : bulansgeru bicchiglie burò amusà si pruminà orosu arrusà nappa sgenà busceru futtogliu cumparà dangiorosu evaluà etc. pour ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ panatteru crochje scagnu diverte/a si spassighjà felice annacquà tuvaglia/tuvadda scumudà, disturbà macellaru/maciddaru carrigone/i/u paragunà periculosu valutà Le calque est également un secteur important de l’influence française. Rappelons qu’il s’agit d’une forme d’emprunt qui s’exprime par une traduction littérale (terme à terme) : un coup d’œil > un colpu d’ochju, faire la queue > fà a coda, poser une question > pone/a una quistione/i… Le calque peut aussi aboutir à des traductions erronées. C’est le cas dans pusà una quistione/i où le verbe pusà n’a rien à voir avec « poser » ; elettu cù 55 % di e voce (élu avec 55 % des voix) où la forme e voce (les « voix ») remplace i voti ; una cuppa di capelli (une coupe de cheveux) où cuppa renvoie à un contenant. Passons sur a voce ferrata qui voudrait désigner « la voie ferrée ». 196 INFLUENCES EXTÉRIEURES B. La phonologie Les sons et l’organisation de ceux-ci dans le système peuvent faire l’objet d’évolutions dues à l’influence du français. Par exemple, la prononciation de la consonne r évolue de plus en plus sûrement vers le « r vélaire » à la française alors que le r corse se voudrait « roulé ». Des séquences consonantiques comme [ks] [gz] [pt] [kt] [dm] [bd] peuvent se transférer au corse dans des formes jugées incorrectes mais néanmoins pratiquées : clacsunà, exilatu, adaptà, actualità, administrà, ebdomadariu (respectivement : klaxonner, exilé, adapter, actualité, administrer, hebdomadaire). On peut noter certaines évolutions comme la consonne [dz] qui se transforme en [z] dans des formes comme culunisazione, armunisazione, sucialisazione, etc. qui sont pourtant dérivées de culunizà, armunizà, sucializà, etc. Certaines prononciations comme cunstruisce, munstrà, instituzione, institudore sont calquées sur le français ; le corse demanderait custruisce (ou custruce), mustrà, istituzione, stitudore. L’accent tonique, qui ressortit également à la phonologie, tend à se déplacer vers la fin du mot sur le modèle français : origine, lessicu, sinonimu, gravissimu, simpaticu, ecunomicu, sintesi/a, analisi/a, etc. C. La morphologie Dans ce domaine, on peut remarquer des alignements sur le français dans l’emploi des prépositions : ghjunghje di u cuntinente scrittu pà u scularu una casa in legnu fà à manghjà pocu à pocu pour pour pour pour pour da u cuntinente da u scularu di legnu da manghjà à pocu à pocu 197 L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE : LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE in cantendu facini mori di rimori ci sò d’altri parsoni pienu di… pour pour pour pour cantendu mori rimori ci sò altri parsoni pienu à… On peut également trouver des alignements dans l’emploi des suffixes : capiscevule pour capiscitoghju faciulmente pour faciule guvernamentu pour guvernu classamentu pour classifica piacente pour piacevule L’influence du français touche parfois le genre en faisant basculer le masculin vers le féminin : u fiore/i > a fiora, l’affare/i > l’affara, u scarpu > a scarpa, un bellu culore > una bella culore ; ou le féminin vers le masculin : a palma (le palmier) > u palmu, a fronte/i > u fronte/i/u, e belle arti > i belli arti. On remarque également certains verbes rhizotoniques en -e/a qui, sous la pression du français, rejoignent la classe des verbes arhizotoniques en -à : sprime/a > sprimà, ripete/a > ripetà, cunsiste/a > cunsistà, discute/a > discutà. Il en est de même pour certains verbes en -ì qui prennent des formes nouvelles : prugredì > prugressà, custruì > custruce/ custrucia. D. La syntaxe La pression du français peut avoir des conséquences sur la syntaxe corse en altérant des formes idiomatiques : vene di ghjunghje ci hè trè anni tutti i centu anni qual’hè chì vene ? 198 pour pour pour pour ghjunghje à pena trè anni fa ogni centu anni quale vene ? L’IDENTITÉ LINGUISTIQUE nimu ùn parla tantu megliu di tantu in tantu a casa a più bella di… pour pour pour pour nimu parla megliu cusì di quandu in quandu a casa più bella di… III. L’IDENTITÉ LINGUISTIQUE Nous l’avons dit : le corse évolue, il se modifie, il change. Le changement linguistique est toujours appréhendé par ceux qui le perçoivent comme une perte d’identité qui touche particulièrement le domaine affectif. Car l’identité suppose la permanence et la pureté qui ne peuvent s’accorder avec l’évolution et l’hybridation. Pourtant, la plus parfaite des langues, quelle qu’elle soit, n’est autre que l’aboutissement provisoire d’une évolution faite d’innovations, d’emprunts et de mélanges de toutes sortes. Le corse n’échappe pas à cette loi universelle et n’a aucune vocation à s’y soustraire. Cela veut dire que le corse du IIIe millénaire, oral et écrit, n’aura vraisemblablement pas le même aspect que le corse actuel. Il faut se faire une raison. Cependant, cela ne signifie pas que les Corses du « futur » ne parleront plus corse. Ils utiliseront une langue qu’ils nommeront « corse » et lui attribueront des fonctions identitaires semblables à celles que nous lui conférons aujourd’hui. Dès lors, il nous faut concevoir l’identité linguistique (ou l’identité tout court) comme une construction évolutive. C’est un processus permanent de « production identitaire » qui amène une communauté à adapter ses divers codes culturels (langue, musique, littérature, etc.) au contexte historique dans lequel elle évolue. En aucun cas il ne peut s’agir d’une construction figée et définitive. La langue corse se présente comme une entité abstraite qui aujourd’hui se réalise sous les différentes formes que nous avons tenté de décrire dans les chapitres précédents. À côté des « règles » 199 L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE : LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE objectives que les grammaires descriptives font émerger, il existe toutes les possibilités linguistiques non réalisées et qui ne demandent qu’à être mises en œuvre. Que cela se fasse par innovation interne, par influence externe ou les deux à la fois, peu importe ; le changement est toujours au rendez-vous. Cela n’implique pas pour autant que l’identité linguistique soit gravement compromise. Nous pouvons comparer le corse à un énorme « iceberg » dont nous connaissons la seule partie émergée. La partie immergée représente ce domaine des possibles que nous évoquions plus haut et qui apparaîtra à mesure que le sommet fondra au soleil. Il est évident qu’un iceberg ne fond pas aussi vite qu’un glaçon dans le pastis. Si nous considérons que la langue des Corses est le résultat d’une longue évolution et qu’elle a connu sous ses états antérieurs (prélatin, latin, roman) des bouleversements extraordinaires, nous pouvons nous demander pourquoi cela s’arrêterait tout à coup. Il faut s’attendre davantage à ce que de nombreux changements surviennent encore. Les Corses sauront les assumer parce qu’ils en seront les propres auteurs. IV. L’ENSEIGNANT FACE À L’ÉVOLUTION La « mission » confiée à l’enseignant de corse consiste à donner à son public scolaire les moyens de s’exprimer dans un corse qui soit le plus fonctionnel possible. Dès lors, l’enseignant de corse ne peut rester indifférent aux processus évolutifs. Il lui appartient de gérer le changement en identifiant les nouveaux choix linguistiques opérés par la communauté corse. Il lui faut évaluer le caractère éphémère ou durable d’une innovation avant de l’intégrer à son enseignement. Bref, il doit suivre (et non précéder) l’évolution en sachant expliquer que celle-ci n’a rien de dramatique. L’idée que l’enseignant de corse aurait en charge (écrasante responsabilité !) la survie du corse ne peut se concevoir. Sa vocation n’est pas de « sauver » le corse sous une forme jugée idéale 200 L'ENSEIGNANT FACE À L’ÉVOLUTION (par qui ?) mais de « former » un public scolaire à la communication. Il participe bien évidemment au maintien d’une « conscience de la langue » sur laquelle s’appuie l’affirmation identitaire ; et dans le domaine de la sauvegarde c’est l’essentiel. Comme il a été dit tout au long de cet ouvrage, le corse est une langue polynomique. L’enseignant de corse, confronté à cette réalité originale de la diversité assumée, est idéalement placé pour gérer le changement linguistique. Car la polynomie n’est autre que le reflet d’une évolution diversifiée et reconnue. Elle suppose la tolérance qui doit s’exprimer pour toute forme d’évolution. Il n’y a pas en effet, en matière de langue, de bonne ou de mauvaise évolution mais des adaptations fonctionnelles que met en œuvre toute une communauté pour ses besoins communicatifs. En qualité d’acteur de la normalisation linguistique, même si celle-ci revêt un caractère empirique, l’enseignant de langue corse doit tout naturellement prendre part au débat et aux décisions relatifs aux choix linguistiques. Telle forme inexistante ou jugée incorrecte par le passé peut-elle être prise en compte dans l’enseignement ? Tel « gallicisme », ou « italianisme », ou « anglicisme » a-t-il vocation à intégrer le lexique corse ? C’est l’éternel débat sur les rapports entre l’usage et le code. La communauté corse répond par un dicton qui ne laisse aucune ambiguïté : a pratica vinci/e a grammatica. BIBLIOGRAPHIE Dans chaque rubrique les ouvrages sont classés en ordre chronologique. Concernant les ouvrages didactiques, nous signalons s’ils sont destinés au cycle primaire ou secondaire. 1. OUVRAGES DIDACTIQUES 1974 :Stà à sente o Pè. Jean Chiorboli – Jacques Thiers, Le Petit Bastiais, Bastia. Secondaire. 1974 :Le corse sans peine (ASSIMIL). Pascal Marchetti, Aubin Imprimeur, Poitiers. Secondaire. 1975 :Mamma o Mà. Ghj.T. Rocchi, Stamperia Typo-lino-offset, Corti. Primaire. 1978 :Da u scioglilingua à a lingue sciolta. Collectif, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire. 1978 :Primi passi in lingua corsa. Collectif, CRDP, Aiacciu. Primaire. 1978 :Scola aperta. Collectif, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire. 1978 :U corsu in liceu. Alfonsi – Fazi – Sforzini, CRDP, Aiacciu. Secondaire. 1979 :Vita è stagione. Acquaviva – Massiani – Santucci, CRDP, Aiacciu. Primaire. 1982 :Larenzu è Catalina. Collectif, CRDP, Aiacciu. Primaire. 1985 :Pede pede. C.N.E.D.Secondaire. 1986 :U corsu d’ogni ghjornu. Ghj.D. Seta. Primaire. 203 BIBLIOGRAPHIE 1987 :U corsu integratu. Collectif, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire. 1987 :Corsi di corsu. F. Perfettini, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire. 1987 :Parlemu u corsu 1. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco, Firenze. Secondaire. 1988 :Parlemu u corsu 2. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco, Firenze. Secondaire. 1989 :Dì tù. Chiorboli – Rocchi – Thiers, CRDP, Aiacciu. Secondaire. 1989 :Aiò à a scola. Ghj.T. Rocchi, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire. 1989 :Imparemu à parlà u corsu. Casta – Susini Cheneau – Orsoni, CRDP, Aiacciu. Primaire. 1989 :Fà ùn dì. Ghj.D. Seta, Imprimerie de la Manutention, Mayenne. Primaire. 1990 :Parlemu u corsu 3. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco, Firenze. Secondaire. 1991 :L’ore belle 1. Squadra di Balagna, Scola Corsa di Bastia (puis CRDP). Primaire. 1992 :Di manu in manu. Di Meglio – Maisetti – Papi, CRDP, Aiacciu. Primaire. 1992 :Forme è primure di a puesia d’oghje. Ghj. Ghj. Franchi, CRDP, Aiacciu. Secondaire. 1992 :Lingua viva 1. S. Casta, CRDP, Aiacciu. Secondaire. 1994 :Lingua viva 2. S. Casta, CRDP, Aiacciu. Secondaire. 1994 :L’ore belle 2. Squadra di Balagna. Primaire. 1997 :ELI CORSU Dizziunariu à figure. D.A Geronimu, D. Ottavi, Squadra di u Finusellu, Aiacciu. Primaire et secondaire. 1997 :Per l’andati di a nostra lingua. M. Acquaviva, S. Massiani, P. Ottavi, CNDP-CRDP de Corse, Aiacciu. Secondaire 204 GRAMMAIRES 1998 : Prosa d’oghje. G.G. Franchi, CRDP di Corsica. Secondaire 1999 :Animali salvatichi di Corsica. M. Salotti, P. Pergola, CRDP di Corsica, Aiacciu. Primaire bilingue et secondaire. 1999 :Parlons corse. Ghjacumu Fusina, L’Harmattan, Paris. 2. GRAMMAIRES 1926 :A prima grammatichella corsa. A. Bonifacio, in L’annu corsu. 1968 :Petite grammaire corse. J. Albertini, C.E.R.C. 1972 :Précis de grammaire corse. J. Albertini, C.E.R.C. 1972 :Grammaire corse. H. Yvia-Croce, Cyrnos Méditerranée, Aiacciu. 1976 :Un jalon pour construire la grammaire générale de la langue corse. Éléments du parler sartenais. J. Paganelli. 1984 :L’usu di a nostra lingua. Grammaire descriptive corse. P.M. Agostini, Imprimerie Esmenjaud, Gardanne. 1996 :Grammaire corse pour le collège et l’école. Gilbert Romani, éditions Mediterranea, Bastia. 2000 :Puntelli di gramatica. Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, CRDP di Corsica, Aiacciu. 2003 :La syntaxe du corse. Santu Casta, CRDP di Corsica, Aiacciu. 3. MANUELS D’ORTHOGRAPHE 1971 :Intricciate è cambiarine. D.A. Geronimi et P. Marchetti, éditions de Beaulieu, Nogent-sur-Marne. 1976 :Orthographe. 200 esercizii di scrittura nustrale. G. Romani, éditions du Dauphin, Bastia. 2002 :Ortugrafia classica. G. Romani, Auto édition. 205 BIBLIOGRAPHIE 4. LEXIQUES ET DICTIONNAIRES 1968 :Dictionnaire corse-français (Pieve d’Evisa). M. Ceccaldi, Klincksieck, Paris. 1971 :Lexique français-corse. U Muntese, Bastia. 1972 :Vocabulaire analogique de la langue corse. J. Albertini, C.E.R.C. 1972 :Vocabolario dei dialetti della Corsica. F.D. Falcucci, Licosa reprints, Firenze. 1974 :Dictionnaire français-corse. J. Albertini, CERC 1982 :Lexique français-corse. H. Yvia-Croce, CRDP, Aiacciu. 1984 :Anthologie des expressions corses. Fernand Ettori, éditions Rivages, Marseille. 1984 :Pruverbii è detti corsi. Paul Dalmas-Alfonsi, éditions Rivages, Marseille. 1985 :Dizziunariu corsu-francese. U Muntese, éditions Albiana, Livia. 1994 :Dizziunariu di i scumpienti. F. Perfettini, Stamperia Sammarcelli, Biguglia. 1997 :Dictionnaire français-corse, corsu-francese. I Culioli, DCL éditions, Ajaccio. 1999 :Vucabulariu corsu-italianu-francese. Anton Francescu Filippini, Anima corsa, Bastia. 2001 :Parolle di Corsica. Avis de recherche pour une langue perdue. Xavier Versini, DCL éditions, Ajaccio. 2001 :L’usu corsu. Pasquale Marchetti, Sammarcelli, Biguglia. 5. OUVRAGES SPÉCIALISÉS 1978 :Langue corse. Une approche linguistique. M.J. DalberaStefanaggi, Klincksieck, Paris. 1989 :Papiers d’identité(s). Ghj. Thiers, Albiana, Livia. 206 OUVRAGES SPÉCIALISÉS 1991 :Unité et diversité des parlers corses. M.J. Dalbera-Stefanaggi, Edizioni dell’Orso, Alessandria. 1992 :Les Corses face à leur langue. J.-M. Comiti, Squadra di u Finusellu, Aiacciu. 1992 :La langue des Corses. Notes linguistiques et glottopolitiques. J. Chiorboli, JPC Infograffia, Bastia. 1993 :Études linguistiques du corse. Don J. Damiani, La Marge, Aiacciu. 1994 :L’enseignement du corse. Histoire, développements, perspectives. Ghj. Fusina, Squadra di u Finusellu, Aiacciu. 2002 :Histoire de la langue corse. J.-M. Arrighi, éditions Jean-Paul Gisserot. 2005 :La langue corse entre chien et loup. J.-M. Comiti, éd. L’Harmattan, Paris. Table des matières Sommaire ........................................................................................... Avant-propos ...................................................................................... Préface................................................................................................ Introduction ........................................................................................ 7 9 11 13 CHAPITRE 1 : L’organisation de la variation linguistique ................................... 17 I. Le plan phonologique ..................................................................... A. Le vocalisme ............................................................................ B. Le consonantisme..................................................................... C. Autres phénomènes différenciateurs ........................................ 20 20 28 33 II. Le plan morphologique ................................................................. A. Les verbes ................................................................................ B. Les noms .................................................................................. 37 38 42 III. Le plan lexical ............................................................................. 45 IV. Le plan syntaxique ....................................................................... 47 V. La notion d’« intralecte » .............................................................. 49 CHAPITRE 2 : L’alternance consonantique ............................................................ 53 I. Le système septentrional ................................................................ A. Les consonnes non-sonantes.................................................... B. Les consonnes sonantes ........................................................... 56 57 59 II. Le système méridional .................................................................. 60 209 TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE 3 : L’orthographe du corse ................................................................... 67 I. Les consonnes................................................................................. A. Les consonnes non-tendues ..................................................... B. Les consonnes tendues ............................................................. C. Les semi-consonnes ................................................................. 72 73 84 87 II. Les voyelles................................................................................... 88 III. Le rôle de l’accent graphique ...................................................... 89 IV. L’écriture des monosyllabes atones derrière les formes verbales ............................................................................ 100 A. Après une forme verbale accentuée ......................................... 100 B. Après une forme verbale non-accentuée .................................. 101 V. Les locutions adverbiales et prépositives ...................................... 101 VI. La polynomie orthographique ..................................................... 102 VII. Pluriel des diphtongues finales .................................................. 104 CHAPITRE 4 : Classification verbale ....................................................................... 107 210 I. Les verbes arhizotoniques .............................................................. A. La classe des verbes en -à ....................................................... 1. Les verbes réguliers ............................................................. 2. Les verbes irréguliers .......................................................... B. La classe des verbes en -è ........................................................ 1. Le verbe auxiliaire avè ........................................................ 2. Les autres verbes en -è ........................................................ C. La classe des verbes en -ì ........................................................ 1. Les verbes à double infinitif................................................ 2. Le verbe irrégulier DÌ.......................................................... 109 109 110 112 123 123 125 136 137 140 II. Les verbes rhizotoniques............................................................... A. Le verbe auxiliaire ESSE/ESSA ............................................. B. Les formes du participe passé .................................................. 1. Participe passé en -utu ......................................................... 2. Participe passé en -itu.......................................................... 142 142 144 144 147 TABLE DES MATIÈRES 3. Participe passé irrégulier ..................................................... 149 C. L’apparition de l’infixe -g ........................................................ 154 D. Les oscillations verbales .......................................................... 160 CHAPITRE 5 : Les classes nominales ....................................................................... 161 I. Les noms masculins. ...................................................................... A. Les noms à voyelle finale atone .............................................. 1. Régiolecte septentrional ...................................................... 2. Régiolecte central ................................................................ 3. Le régiolecte méridional...................................................... B. Les noms à voyelle finale tonique ........................................... 163 163 163 164 165 168 II. Les noms féminins ........................................................................ A. Les noms à voyelle finale atone .............................................. 1. Régiolecte septentrional ...................................................... 2. Régiolecte central ................................................................ 3. Régiolecte méridional.......................................................... B. Les noms à voyelle finale tonique. .......................................... 169 169 169 170 171 171 CHAPITRE 6 : La création des mots ........................................................................ 173 I. Évolution externe ........................................................................... 175 II. Évolution interne ........................................................................... A. La dérivation ............................................................................ 1. Suffixation ........................................................................... a. Suffixes altératifs ............................................................ b. Suffixes dérivatifs ........................................................... 2. Préfixation ........................................................................... a. Préfixes monovalents...................................................... b. Préfixes polyvalents........................................................ 3. Formes parasynthétiques ..................................................... B. La composition......................................................................... 1. Noms composés ................................................................... 2. Adjectifs composés .............................................................. 3. Verbes composés ................................................................. 178 178 179 180 181 185 186 187 188 188 189 189 190 211 TABLE DES MATIÈRES 4. Autres formes composées .................................................... 190 CHAPITRE 7 : L’évolution de la langue : Le corse du IIIe millénaire .................. 191 I. Réaménagement interne ................................................................. 193 II. Influences extérieures ................................................................... A. Le lexique ................................................................................ B. La phonologie .......................................................................... C. La morphologie ........................................................................ D. La syntaxe ................................................................................ 195 195 197 197 198 III. L’identité linguistique .................................................................. 199 IV. L’enseignant face à l’évolution .................................................... 200 Bibliographie...................................................................................... 203 Achevé d’imprimer en décembre 2011 sur les presses du Groupe Horizon 200 avenue de Coulin 13420 Gémenos-F Dépôt légal : décembre 2011 Imprimé en France ISBN : 978-2-84698-436-2 Maquette et mise en page : Atelier Graphite Albiana – 4, rue Emmanuel-Arène – 20000 Ajaccio Tél. : 04 95 50 03 00 – Fax : 04 95 50 03 01 www.albiana.fr E-mail : [email protected] © Tous droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays – Albiana 2011