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Les formateurs, les étudiants, les élèves mais aussi un large public pourront
y puiser les outils qui les aideront à mieux saisir le corse sous ses différentes
formes, à découvrir les mécanismes qui gouvernent la variation linguistique, à
bien comprendre l’orthographe et les principales particularités linguistiques du
corse par des indications pertinentes et efficaces, et enfin à appréhender sereinement les problèmes de l’évolution linguistique dans un esprit tolérant.
Le travail de Jean-Marie Comiti apporte aussi toute une série de nouveautés
qui sont le fruit de nombreuses recherches. C’est une nécessaire mise à jour des
connaissances dans un contexte où le corse semble vouloir reprendre force et
vigueur.
Jean-Marie Comiti est professeur des Universités en sciences de l’éducation
au sein de l’UFR Lettres de l’università di Corsica. Ancien président du jury
du CAPES de corse, il veille tout naturellement à une formation poussée
en matière de connaissance du corse dans le respect de sa diversité et à la
patiente élaboration de l’esprit de tolérance associé au concept de « langue
polynomique ».
UMR 6240
LISA
Jean-Marie Comiti
Jean-Marie Comiti
A pratica è a grammatica
Le livre de Jean-Marie Comiti se propose d’exposer au public les connaissances
de base que doit acquérir l’enseignant de langue corse (au-delà d’une pratique
linguistique assurée) dans le cadre de sa formation. À ce titre le présent ouvrage
est appelé à devenir un instrument de référence et de vulgarisation.
• UNIVERSITÀ DI CORSICA
Les tendances de la normalisation du corse laissent apparaître une grande originalité qui s’exprime à travers le respect de la diversité linguistique, notamment dans l’enseignement. Le corse polynomique, comme le nomment les spécialistes, suppose des modalités de formation et d’enseignement différentes de
celles mises en œuvre pour les langues dites « officielles ».
Quand unité
et diversité font bon ménage
14 €
ISBN : 978-2-84698-436-2
couv a pratica.indd 1
UNIVERSITÀ DI CORSICA
01/12/2011 11:00:33
Jean-Marie Comiti
A pratica
è a grammatica
Quand unité
et diversité font bon ménage
UNIVERSITÀ DI CORSICA
Ouvrage coordonné par Christophe Luzi,
université de Corse Pasquale Paoli – UMR CNRS 6240 LISA
Sommaire
Avant-propos ...................................................................................
9
Préface ............................................................................................
11
Introduction ......................................................................................
13
Chapitre 1 :
L’organisation de la variation linguistique........................................
17
Chapitre 2 :
L’alternance consonantique.............................................................
53
Chapitre 3 :
L’orthographe du corse....................................................................
67
Chapitre 4 :
Classification verbale ......................................................................
107
Chapitre 5 :
Les classes nominales ....................................................................
161
Chapitre 6 :
La création des mots .......................................................................
173
Chapitre 7 :
L’évolution de la langue : Le corse du IIIe millénaire.......................
191
Bibliographie ....................................................................................
203
Table des matières ..........................................................................
209
Avant-propos
Une deuxième édition de A pratica è a grammatica signale le
succès obtenu par cet ouvrage auprès du public. Ce manuel correspondait bien à un besoin notamment chez les enseignants du premier
degré et du secondaire mais aussi dans le supérieur où les étudiants
de la filière d’Études corses et ceux de l’IUFM trouvent de nombreux
éléments utiles à leur formation linguistique. Ce n’est pas un hasard
car cet ouvrage est le fruit de recherches menées par l’auteur au cours
des vingt-cinq dernières années, recherches enrichies et renforcées
par la fréquentation d’autres chercheurs qui de près ou de loin ont
contribué par leurs écrits à une meilleure connaissance de la langue
corse. Aussi, ce livre se présente-t-il comme un hommage à tous ceux
qui ont apporté leur pierre à l’édifice par la rédaction d’articles, d’essais, de manuels, de dictionnaires, de lexiques, d’atlas linguistiques
et dont la plupart des références se trouvent en bibliographie. Qu’ils
soient associés au succès de A pratica è a grammatica.
L’auteur
Préface
Jean-Marie Comiti est à l’heure actuelle l’un des plus représentatifs des chercheurs en études corses. S’il a publié des ouvrages
de linguistique, dont le dernier concerne la langue bonifacienne, il
possède aussi une connaissance directe de l’enseignement dans les
classes : d’abord maître-auxiliaire, reçu au CAPES de corse à la
première session de ce concours, puis maître de conférences à l’IUFM
de Corse, il ne sépare pas la réflexion intellectuelle de l’expérience
pédagogique. Il sait en faire bénéficier ses étudiants de l’IUFM,
candidats au CAPES comme certifiés stagiaires, qui connaissent son
enthousiasme et son dévouement. Il est depuis 1994, membre du jury
du CAPES, où son sens de l’organisation et sa formation pédagogique le rendent indispensable.
Cet équilibre théorie-pratique se retrouve dans le titre A pratica è a
grammatica, malicieuse allusion à un proverbe bien connu (a pratica
vinci a grammatica), mais qui va bien au-delà. Jean-Marie Comiti
part d’un constat objectif des évolutions récentes : de nombreuses
transformations ont touché l’enseignement du corse, même si des
difficultés persistent, en particulier dans le premier degré : passage
à l’offre de trois heures hebdomadaires d’enseignement, publication
d’ouvrages pour tous les niveaux, CAPES qui a permis le recrutement de nombreux professeurs…
Parallèlement s’élaborait le concept du corse comme langue polynomique, qui permettait enfin l’abandon des débats infinis sur « le
vrai corse », « l’Académie » et la langue officielle normalisée dont
la construction serait indispensable. Jean-Marie Comiti tente dans cet
ouvrage de faciliter la connaissance de cette diversité enfin acceptée,
en apportant l’information minimale nécessaire. Il ne s’agit évidem11
PRÉFACE
ment pas d’imposer un livre officiel et la discussion se poursuit sur
bien des points, pour lesquels l’ouvrage indique l’état des questions.
Cette information est toujours donnée avec le souci de l’efficacité, et
la rédaction simple de l’ouvrage le rend accessible, bien au-delà du
milieu universitaire, à tous ceux qui souhaitent une connaissance plus
poussée de notre langue.
Il convient enfin de signaler que tout l’ouvrage est construit
dans un esprit de débat démocratique, l’auteur et les enseignants en
général n’y étant jamais présentés comme propriétaires omniscients
de la langue, mais comme membres à part entière d’une communauté
en devenir.
Jean-Marie Arrighi
Inspecteur pédagogique régional de
langue et culture corses
Introduction
Après vingt-cinq ans d’une progressive et laborieuse mise en
place, l’enseignement du corse a atteint aujourd’hui sa vitesse
de croisière. Un nombre important d’élèves du primaire et du
secondaire reçoit tous les ans un enseignement de langue et
culture corses et l’objectif de généralisation, clairement affiché
par le ministère de l’Éducation nationale, semble en bonne voie
de concrétisation. L’université de Corti a pour sa part installé le
« corse obligatoire » dans chacune de ses filières et inauguré en
2006 le « certificat de langue corse ».
Malgré quelques zones d’ombre qui persistent, notamment
la formation initiale et continue des maîtres et la garantie de la
continuité de l’enseignement dans le primaire ordinaire et bilingue,
la situation de la langue corse dans l’institution scolaire a considérablement progressé depuis 1974, année de l’extension au corse
de la loi Deixonne, et 1981, année de son entrée officielle dans les
écoles de l’île. De nombreux conseillers pédagogiques de langue
corse dans le primaire, plus d’une centaine de professeurs titulaires
dans le secondaire, un inspecteur dans le premier degré, un inspecteur dans le second degré, 33 sites bilingues dans le primaire et
4 collèges qui pratiquent le bilinguisme, une multitude de manuels
scolaires adaptés à tous les niveaux de l’enseignement, bref une
situation que nous envient de nombreuses régions de France.
Au départ, parallèlement à une installation chaotique, les
enseignants durent faire face aux problèmes d’ordre pédagogique
et didactique posés par un enseignement qui n’avait jamais été
13
INTRODUCTION
dispensé jusqu’alors. Mais en marge du système scolaire le
milieu associatif avait fort heureusement entamé un travail de
qualité en matière d’enseignement du corse, notamment à travers
l’organisation de cours en Corse et sur le continent, et les premiers
professeurs de langue corse qui se portèrent volontaires pour
inaugurer l’entrée du corse dans les salles de classe en tirèrent un
profit immédiat.
Cependant, les rares travaux à caractère pédagogique étaient
trop souvent ciblés sur un dialecte et ne tenaient pas compte de
l’ensemble des variétés linguistiques corses. Le risque du renforcement des comportements dialectaux était patent et le casse-tête
que représentait la diversité linguistique a souvent alimenté la
tentation de l’uniformisation linguistique. C’est avec les années
1980 que la dimension supradialectale s’est fait jour et que les
problèmes relatifs à la variation dialectale se sont estompés.
Aujourd’hui les difficultés liées à la question de la normalisation linguistique et à la codification (l’orthographe) ont trouvé une
réponse cohérente et convaincante et les enseignants sont formés
dans l’esprit de ce qu’on appelle le corse polynomique.
Le corse polynomique illustre cette langue appréhendée dans
le respect de sa diversité. Toutes les variétés sont reconnues légitimes et aucune ne peut prétendre représenter à elle seule la langue
corse. C’est une approche tout à fait originale, voire révolutionnaire, d’un enseignement linguistique qui demande une ouverture
d’esprit et un sens de la tolérance particulièrement pointus.
Mais l’enseignement d’une langue polynomique, contrairement
au français qui se fonde sur la seule variété officielle, suppose une
connaissance poussée de la variation linguistique qui puisse éviter
d’injustes sanctions.
L’enseignement du corse polynomique demande alors une
formation adaptée qui doit amener le professeur à connaître le
corse au-delà de sa propre variété. Le professeur doit également
faire passer auprès de ses élèves cette notion de « différence
14
INTRODUCTION
linguistique interne » à laquelle ils ne sont jamais confrontés dans
le cadre des autres enseignements linguistiques.
Cet ouvrage propose aux formateurs du premier et du second
degré un ensemble d’informations susceptibles de les aider dans
le cadre de leur enseignement. Il intéresse également un public
scolaire et universitaire qui voudrait approfondir ses connaissances
en matière de langue corse.
Il livre enfin à un large public une approche de la notion de
grammaire qui se veut plus tolérante et plus démocratique.
CHAPITRE 1
L’ORGANISATION
DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Comme toute langue dans le monde, le corse ne se parle
pas exactement de la même façon selon qu’on se trouve dans
une région ou dans une autre. C’est la conséquence naturelle de
cette volonté qu’ont les groupes humains à se distinguer les uns
des autres. Parmi les diverses pratiques culturelles, la langue
est un support efficace de la différenciation. Cela se traduit par
la constitution de plusieurs variétés linguistiques que les Corses
n’ont généralement aucun mal à identifier. Ainsi, lorsqu’on a
l’oreille suffisamment exercée, reconnaît-on sans grande difficulté
l’origine géographique d’un locuteur corse.
L’identité linguistique régionale et, au-delà, micro-régionale
repose sur un faisceau de particularités qui ne doivent rien au
hasard. On peut même parler d’une véritable « organisation » de la
variation linguistique qui va s’appuyer sur des choix, et pourquoi
pas des « options », qui vont donner sa cohérence et son unité à
une variété tout en la distanciant d’une autre.
C’est comme si vous choisissiez et personnalisiez un véhicule
en ayant recours à des options différentes de celles proposées pour
un autre véhicule ; vos choix permettront de vous classer dans un
groupe de personnes possédant une voiture de même marque dont
le modèle et les options peuvent varier.
Transposons l’image au domaine linguistique corse : la marque
du véhicule correspond à la langue corse dans son ensemble ; les
différents modèles renvoient aux grandes variétés linguistiques identifiables au nord, au centre et au sud de l’île ; les options permettent,
pour chaque modèle, d’opérer des classements plus réduits qui
peuvent aller jusqu’à l’exemplaire unique, c’est-à-dire un parler
local qui correspond à la manière tout à fait particulière qu’ont les
habitants d’un village, voire d’un quartier, de parler le corse.
19
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Pour ce qui concerne la langue, les choix des « options » sont
possibles dans différents domaines : la phonologie, la morphologie,
le lexique et la syntaxe. Bien entendu ces choix ne s’opèrent pas
partout en même temps mais au cours du déroulement de l’histoire
de la langue, selon des procédures complexes qui rendent ces
choix pratiquement inconscients contrairement aux choix relatifs
à un véhicule. Il aura donc fallu des siècles pour que la variation
linguistique corse s’organise et aboutisse à son état actuel. Cela
implique également l’inévitable évolution de la langue qui
continuera de se modifier au cours des siècles à venir. Mais rien
d’inquiétant dans la mesure où tout ceci est normal et naturel.
Dans ce chapitre nous proposons d’examiner à grands traits
les modalités de la différenciation linguistique à partir des quatre
domaines évoqués plus haut. Nous verrons quelles sont les principales particularités qui permettent de tracer des frontières linguistiques et qui fondent l’identité des grandes variétés du corse.
Il est fondamental, dans le cadre de l’enseignement du corse
polynomique, que le professeur sache comment s’opère et s’organise la variation linguistique à l’échelle de l’île entière. C’est une
des conditions de l’efficacité de son enseignement.
I. LE PLAN PHONOLOGIQUE
A. Le vocalisme
Le corse utilise les sept voyelles toniques suivantes : [a] [è]
[é] [i] [ò] [ó] [u]. Le [u] se prononce toujours « ou » comme dans
le français « cou », [a] et [i] comme dans « tata » et « titi », la
voyelle e peut être ouverte [è] comme dans « mer » ou fermée [é]
comme dans « fée », et pour finir la voyelle o peut être ouverte [ò]
comme dans « port » ou fermée [ó] comme dans « sot ».
En examinant l’utilisation de ces voyelles dans de nombreux mots
on remarque que dans certaines zones de la Corse on entend [i] et [u]
quand ailleurs on entend respectivement [è] et [ò]. C’est ainsi qu’on
pourra avoir d’une part fritu (froid) et puzzu (puits), et d’autre part
20
LE PLAN PHONOLOGIQUE
fretu et pozzu ; mais aussi lignu (bois), pinna (plume), siccu (sec),
missa (messe), vitru (verre), aspissu (souvent), pira (poire), pilu
(poil), iddu (lui), fitta (tranche), nivi (neige), friscu (frais), duminica
(dimanche), gula (gorge), cruci (croix), furru (four), curra (courir),
furca (fourche), musca (mouche), bucca (bouche), suttu (dessous),
cursu (cours), sgiucca (chèvre domestique), tussa (toux), vargugna
(honte), dulci (doux, gâteau), ruspu (crapaud) etc. où les voyelles [i]
et [u] toniques se réaliseront ailleurs [è] et [ò].
Cette particularité résulte d’une évolution différente du i bref et
du u bref latins qui se sont maintenus en l’état dans certains endroits
et se sont transformés en [è] et [ò] ailleurs. C’est une constatation
d’ordre phonologique qui va nous permettre de tracer une première
frontière linguistique comme l’indique le schéma ci-dessous.
Sone de passage de
i bref à [è] et de
u bref à [ò]
Sone de maintien de
i et u brefs latins
La zone linguistique identifiée sur la base du maintien de i et
u brefs latins couvre, au sud de l’île, la Rocca, l’Alta Rocca, la
région de Portivechju ainsi que tout l’extrême sud.
21
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Sans quitter le domaine du vocalisme nous pouvons tracer une
deuxième frontière en examinant cette fois les voyelles atones,
c’est-à-dire celles qui dans les mots ne portent pas l’accent tonique.
On s’aperçoit en effet que dans certaines régions il n’apparaît,
en situation atone, que trois voyelles [a i u] quand on peut en
percevoir davantage ailleurs [a è ò i u].
Nous ne retiendrons pas, pour le moment, les particularités
relatives à la position prétonique et post-tonique.
Voyelles atones
[a è ò i u]
Voyelles atones
[a i u]
On remarque alors que la Corse est pratiquement coupée en
deux et que la zone nord présente un inventaire de voyelles atones
plus riche que la zone sud. Cela veut dire que les voyelles atones
[a i u] pourront apparaître partout en Corse alors que [è ò] ne sont
possibles qu’au nord. Au sud, ces dernières seront représentées par
les seules voyelles possibles [a i u].
22
LE PLAN PHONOLOGIQUE
Prenons quelques exemples :
dans le mot Corsica (Corse) les voyelles atones i et a apparaissent de la même manière au nord et au sud puisqu’elles existent
dans les deux inventaires. Il en est de même pour le mot pecura
(brebis) dans lequel les voyelles atones u et a sont communes aux
deux systèmes.
Si nous prenons en revanche le mot onore (honneur), la prononciation [ònòrè] avec les voyelles atones ò et è n’est possible que
si ces voyelles existent en position atone, ce qui est le cas dans la
zone nord. Dans la zone sud on entendra anori [anóri] ou unori
[unóri] conformément aux possibilités offertes par le système du
sud. Bien entendu il existe des zones de « transition », notamment
les régions frontalières, où peuvent apparaître des prononciations
comme unore et onori. Mais en règle générale les deux systèmes
restent bien distincts :
ZONE NORD
[a è ò u i]
continentale
cuntinentale
paesanu
paisanu
portone
purtone
esattu
Europa
esercitu
pretende
esamine
nettà
nittà
ZONE SUD
[a i u]
cuntinintali
« continental »
paisanu
« paysan »
purtoni
purtonu
asattu
Auropa
asercitu
pratenda
asamini
« portail »
« exact »
« Europe »
« armée »
« prétendre »
« examen »
nittà
« nettoyer »
odore
adori
udori
« odeur »
posà
pusà
pusà
« s’asseoir »
23
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
On remarquera qu’au nord comme au sud on joue sur les
différentes possibilités qu’offrent les systèmes respectifs. C’est
précisément sur ces possibilités que s’appuiera ensuite une autre
phase de la différenciation, micro-régionale cette fois, qui aboutira à
la constitution de dialectes. Nous y reviendrons plus loin.
À l’issue de la seule analyse des différents systèmes vocaliques
du corse, toniques et atones, on voit clairement se constituer trois
grandes zones linguistiques qui coïncident avec ce qu’on appellera
des régiolectes.
Un « régiolecte » représente une variété linguistique que l’on
utilise dans une région ; le terme « région » étant pris dans son
sens géographique et non administratif. Il s’agit donc d’une variété
qui s’étend sur un territoire assez vaste et dont les caractéristiques
linguistiques (régies par des règles propres) lui confèrent une
certaine homogénéité.
Les régiolectes du corse
Régiolecte
septentrional
Régiolecte
central
Régiolecte
méridional
24
LE PLAN PHONOLOGIQUE
La frontière qui sépare le régiolecte méridional du régiolecte
central part à quelques kilomètres au nord de Portivechju, passe
par le plateau du Cuscioni et descend sur la côte occidentale en
suivant le Rizzanesi jusqu’à son embouchure. La frontière qui
sépare le régiolecte central du régiolecte septentrional remonte le
Fium’Orbu vers la région de Ghisoni pour redescendre le long de
la vallée de la Gravona et aboutir dans le golfe de Lava au nord
d’Aiacciu.
Il est bon de noter qu’en matière de langue corse les observateurs ont toujours séparé l’île en deux en nommant le nord
Cismonte et le sud Pumonte. Or cette partition à la fois géographique (la référence étant la chaîne montagneuse qui s’étend du
sud-est au nord-ouest de l’île) et historique (on se situe par rapport
à Gênes à laquelle a longtemps appartenu la Corse) ne coïncide
pas avec notre partition linguistique. On remarquera par exemple
qu’une partie du régiolecte septentrional entre dans le Pumonte au
nord-ouest, et qu’une partie du régiolecte central s’étend dans le
Cismonte au sud-est.
Nos trois régiolectes corses se distingueront aussi grâce à
d’autres particularités qui vont confirmer les frontières que nous
venons d’établir. Il est d’ores et déjà utile de faire remarquer
qu’une particularité linguistique qui conditionne la différence
entre régiolectes peut aussi être commune à deux d’entre
eux : ainsi les régiolectes septentrional et central se rejoignent
dans le traitement de i et u brefs latins alors qu’ils se séparent
au plan du vocalisme atone. Ce jeu de « divergences » et de
« convergences » assure à la langue à la fois son unité organique
et sa fonction différenciatrice.
La notion de frontière linguistique renvoie bien entendu à des
aires linguistiques disctinctes ; toutefois, elle admet une certaine
perméabilité, de sorte que sur les zones frontalières se produisent
des interférences. Il résulte de ces « métissages » interrégiolectaux de nouvelles variétes auxquelles nous avons donné le nom
d’intralectes. Nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur les
25
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
caractéristiques linguistiques des « intralectes » qui constituent
une modalité particulière de la différenciation.
Pour l’heure il nous faut voir quelles sont les autres « options
linguistiques » qui, dans le domaine phonologique, renforcent
l’identité et la réalité de nos trois régiolectes.
Le vocalisme, encore une fois, permet de distinguer le régiolecte
méridional des deux autres. On remarquera par exemple que les
voyelles e et o qui sont les seules à présenter deux degrés d’aperture [è é] et [ò ó] se comportent différemment dans les syllabes
fermées, c’est-à-dire les syllabes terminées par une consonne.
Dans ce contexte on entendra toujours des voyelles ouvertes dans
la zone méridionale alors que, dans les mêmes mots, elles seront
généralement fermées dans les zones centrale et septentrionale.
C’est ce qui explique qu’on prononce au sud Corsica avec [ò]
alors qu’on entend [ó] ailleurs.
Prenons quelques exemples :
26
RÉGIO. MÉRIDIONAL
CENTRAL/SEPTENTRIONAL
Prononciation [ò]
Prononciation [ó]
morti
morti/morte
« mort »
cottu
cottu
« cuit »
donna
donna
« femme »
corru
corru/cornu
« corne »
ortu
ortu
« potager »
coltu
coltu
« cueilli »
inchjostru
inchjostru
« encre »
mostra
mostra
« exposition »
porta
porta
« porte »
notti
notti/notte
« nuit »
sò corsu
sò corsu
« je suis corse »
LE PLAN PHONOLOGIQUE
RÉGIO. MÉRIDIONAL
CENTRAL/SEPTENTRIONAL
Prononciation [è]
Prononciation [é]
pettu
pettu
« poitrine »
vechju
vechju
« vieux »
bestia
bestia
« bête »
lettu
lettu
« lit »
leghja
leghja/leghje
« lire »
rispettu
rispettu
« respect »
lestru
lestru
« rapide »
metta
metta/mette
« mettre »
ughjettu
ughjettu/ogettu
« objet »
festa
festa
« fête »
aspettu
aspettu
« aspect »
Cette particularité, qui touche un nombre important de mots,
nous amène à dire que l’ aperture vocalique est une des propriétés
phonologiques sur laquelle les régiolectes peuvent s’appuyer
largement pour se différencier.
Un autre phénomène vocalique sépare cette fois le régiolecte
septentrional des deux autres : c’est la transformation de la
séquence [er] (généralement étymologique) en [ar]. Aussi auronsnous d’un côté terra (terre) et de l’autre tarra.
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
ferru
farru
« fer »
erba
arba
« herbe »
serrà
sarrà
« fermer »
maschera
mascara
« masque »
soceru
sociaru
« beau-père »
27
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
libertà
libartà
« liberté »
persona
parsona
« personne »
lettera
lettara
« lettre »
serpu
sarpu
« serpent »
terrore
tarrori
« terreur »
cerbellu
ciarbeddu
« cerveau »
nummeru
nummaru
« nombre »
interru
intarru
« enterrement »
nerbu
narbu
« nerf »
serra
sarra
« chaîne montagn. »
B. Le consonantisme
Le consonantisme représente également un domaine privilégié de la différenciation linguistique. Il donne lieu à des
processus qui vont encore une fois nous permettre de tracer
et de confirmer des frontières. Nous n’en retiendrons que les
principaux.
Examinons par exemple la diffusion d’un phénomène qui au
cours de l’histoire a concerné pratiquement toutes les langues
romanes : la sonorisation. Il se trouve que s’est présentée en Corse
la possibilité de transformer des consonnes intervocaliques (entre
deux voyelles) sourdes en consonnes sonores. Ainsi les consonnes
latines sourdes P T C, qu’on pouvait entendre dans CAPUT (tête),
SITEM (soif), LOCUS (lieu), sont-elles devenues sonores [b] [d]
[g] dans la zone septentrionale [k’abu] [s’èdè] [l’ógu]. La zone
centrale a sonorisé uniquement C : [k’apu] [s’èti] mais [l’ógu] ;
alors que la zone méridionale n’a pas opéré de sonorisation :
[k’apu] [s’iti] [l’óku].
28
LE PLAN PHONOLOGIQUE
Diffusion de la sonorisation de PCT latins
Sonorisation
totale
Sonorisation
partielle
Pas de
sonorisation
La sonorisation a toutefois touché d’égale manière les trois
régiolectes quant à l’évolution de la consonne S intervocalique
qui, en latin, se prononçait toujours sourde. Partout en Corse
cette consonne a évolué vers la sonore [z] que l’on entend dans
casa (maison), nasu (nez), pusà (s’asseoir), rosula (rose), etc.
Le phénomène de la sonorisation va servir de support aux
oppositions phonologiques qui règlent le sens des mots. Dans ce
domaine les régiolectes central et méridional vont se rejoindre
pour se distinguer du régiolecte septentrional.
Par exemple, lorsqu’on différencie, dans la moitié nord de
l’île, facce [f’atchè] (visages) de face [f’adgè] (il fait), la
différence de sens repose sur l’opposition sourd/sonore des
consonnes [tche] et [dge]. Le système orthographique transcrit
cette opposition en doublant la consonne liée à la forme sourde
et en laissant simple la consonne associée à la forme sonore.
29
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Ce même principe régit les oppositions entre fatta (faite) et
fata (fée) [t/d], scappà (s’échapper) et scapà (décapiter) [p/b],
buccata (bouchée) et bucata (lessive) [k/g], cotta (cuite) et cota
(galet) [t/d], beccu (bouc) et vecu (je vois) [k/g].
Au rapport sourd/sonore correspond, dans la moitié sud de l’île, un
rapport tendu/non-tendu par lequel les consonnes en opposition seront
prononcées avec plus ou moins de puissance. Dans la zone concernée,
ce qui oppose fatta et fata c’est la prononciation de la consonne [t]
qui peut être tendue (forte) [tt] ou non-tendue (faible) [t]. Il en va de
même pour des oppositions comme frittu (frit) et fritu (froid) [tt/t]
dans le régiolecte méridional ; notti (nuit) et noti (tu nages) [tt/t] dans
le régiolecte central. Les exemples peuvent bien entendu se multiplier.
L’oreille est donc capable de faire la distinction entre les deux types
de prononciation. Dans cette situation, le phénomène qui intervient
pour règler le sens des mots se nomme la tension.
Nous avons donc la frontière nord du régiolecte central qui sépare
deux grandes régions : le nord se présente comme une zone de
sonorisation alors que le sud apparaît comme une zone de tension.
Zone de
sonorisation
Zone de
tension
30
LE PLAN PHONOLOGIQUE
Rappelons que la partition en deux zones, nord et sud, suppose
que le sud englobe les régiolectes central et méridional qui se
comportent de la même manière devant un phénomène linguistique donné. Il en sera de même pour ce qui va suivre.
En conservant la même ligne de partage entre zone nord et
zone sud, nous pouvons identifier un autre phénomène important :
le bétacisme.
Il s’agit de la transformation d’un V étymologique en [b], ce
qui conduit à une confusion entre [v] et [b]. En la matière c’est la
zone nord qui opère cette confusion. Dès lors on entendra toujours
la consonne [b] dans vinu (vin), ventu (vent), vittura (voiture),
invernu (hiver), vapore (vapeur), vacca (vache), vulè (vouloir),
vela (voile), etc. comme dans bonu (bon), bancu (banc), bellu
(beau), barca (barque), basgiu (baiser), etc.
Dans la zone sud, au contraire, il n’y a pas de confusion entre
[v] et [b] : dans la phrase babbu hà trè vitturi (papa a trois
voitures) les consonnes b et v seront prononcées distinctement.
Diffusion du bétacisme
Zone de
confusion de
[b] et [v]
Zone de
distinction de
[b] et [v]
.
31
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Il existe quelques cas de bétacisme au sud, ce qui prouve que
le phénomène a dû s’étendre bien au-delà de la zone nord avant
de rebrousser chemin. Dans les mots boci (voix), bolu (vol),
bulà (voler), biotu (vide), balisgia (valise), narbu (nerf), corbu
(corbeau) le V étymologique est définitivement passé à [b].
Nous utiliserons encore une fois la même ligne de séparation
pour évoquer un phénomène qui sépare l’île en deux : le passage
de la séquence étymologique RN à RR (assimilation progressive).
Par exemple, le mot latin CORNU reste cornu au nord et
devient corru au sud. C’est donc la moitié sud qui développe le
phénomène :
NORD
SUD
cornu
corru
« corne »
fornu
forru/furru
« four »
carne
carri
« viande »
turnà
turrà
« rentrer »
cisterna
cistarra
« citerne »
pernice
parrici
« perdrix »
infernu
infarru
« enfer »
Une autre particularité consonantique qui concerne les régiolectes méridional et central se trouve dans une consonne inconnue
au nord : la consonne d’origine prélatine que l’on appelle [d]
« cacuminal » ou « rétroflexe » et que l’on rend dans l’écriture par
dd : cavaddu (cheval), coddu (cou), famidda (famille), padda
(paille), etc.
Au nord, ce son est rendu soit par la séquence ll (cavallu,
collu), soit par gli (famiglia, paglia).
Le d « cacuminal » n’est cependant pas systématique dans le
régiolecte central où les autres choix sont également possibles.
32
LE PLAN PHONOLOGIQUE
C. Autres phénomènes différenciateurs
Nous avons examiné jusqu’ici des phénomènes qui nous ont
permis d’identifier des variétés linguistiques dans leur extension la
plus grande : les régiolectes. Sur la base des seules particularités
phonologiques, les locuteurs corsophones n’ont aucun mal à situer
un autre locuteur dans un des trois régiolectes.
Toutefois, la différenciation linguistique ne s’arrête pas aux
limites de nos trois grands ensembles régiolectaux. À l’intérieur
même des régiolectes le processus de différenciation se poursuit
pour aboutir à la constitution de nouvelles aires linguistiques
plus réduites que nous appellerons des dialectes. Les dialectes se
présentent alors comme des éléments constitutifs d’un régiolecte,
ce dernier étant lui-même un élément constitutif de la langue.
Cette phase fondatrice des dialectes va mettre en œuvre les
mêmes processus de « choix d’options » qui ont présidé à la création des régiolectes. Ces « options » pourront coïncider avec des
particularités linguistiques relatives à un autre régiolecte ou bien
constituer des formes inédites. Chaque dialecte prendra alors une
coloration particulière qui le distinguera des dialectes voisins.
Les locuteurs ne s’y trompent pas, et à l’intérieur de chaque
régiolecte ils reconnaissent les indicateurs dialectaux qui leur
permettent de localiser géographiquement des locuteurs qui n’utilisent pas le même dialecte.
En général on nomme les dialectes par le nom de l’habitant
d’une micro-région ou par le nom de la micro-région précédé de
« le parler de… » : le niolin, le balanin, le parler du Nebbiu, le
capcorsin, le Bastiais, le parler de la Castagniccia, de la Casinca, du
Cortenais pour le nord ; l’Ajaccien, le parler de la Gravona, le taravais, le parler du Fium’Orbu pour le centre ; le parler de la Rocca
et de l’Alta Rocca (généralement rassemblés sous l’appellation de
« sartenais »), le parler de Portivechju pour le sud.
Il est bien évident que nous ne pourrons pas examiner ici, par
le menu détail, toutes les particularités relatives à chaque dialecte
33
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
de l’île ; ce n’est d’ailleurs pas l’objectif premier de cet ouvrage
dont l’orientation « scolaire » nous limite à l’évocation de grands
ensembles linguistiques. Ce qui nous intéresse essentiellement
c’est de faire comprendre les « mécanismes » qui régissent la
diversité dialectale du corse. C’est pourquoi nous nous en tiendrons à quelques exemples relatifs à quelques dialectes et parlers.
Nous avons vu plus haut que le vocalisme atone permettait de
distinguer une zone nord d’une zone sud. Mais nous n’avions pas
tenu compte de la position prétonique et post-tonique. Il se trouve
que la position prétonique permet de répartir la zone nord en deux
ensembles ouest/est dans lesquels les dialectes « occidentaux »
(Niolu, Balagne, Nebbiu, Cortenais) développent un système à
trois éléments [a i u] alors que les dialectes « orientaux » (Cap,
Bastia, Casinca, Castagniccia) possèdent un système à cinq
élements [a i u è ò].
Nous pouvons illustrer les différences ouest/est de la manière
suivante :
OUEST
pinsà [i]
paisanu [i]
vindicà [i]
piscadore [i]
nittà [i]
littucciu [i]
cullà [u]
purtone [u]
pusà [u]
tufone [u]
unestu [u]
anestu [a]
unore [u]
anore [a]
34
EST
pensà [è]
paesanu [è]
vendicà [è]
pescadore [è]
nettà [è]
lettucciu [è]
collà [ò]
portone [ò]
posà [ò]
tofone [ò]
« penser »
« paysan »
« venger »
« pêcheur »
« nettoyer »
« petit lit »
« monter »
« portail »
« s’asseoir »
« trou »
onestu [ò]
« honnête »
onore [ò]
« honneur »
LE PLAN PHONOLOGIQUE
Au plan phonologique, ce qui peut différencier le niolin du
balanin c’est, par exemple, l’apparition dans le Niolu d’un [m]
épenthétique dans certaines formes :
– niolin : pombi (pommes de terre), piumba (plume), cambara
(chambre), umbule (souple), fambe (faim) numberu (nombre) ;
– balanin : pomi, piuma, camara, umule, fame, nummaru.
En revanche, le balanin choisira de transformer le [l] en [r]
(rhotacisme) dans des formes comme cardu (chaud), carcosa
(quelque chose), carcagnu (talon), sartà (sauter), etc. ; choix que
l’on pourra également observer dans d’autres dialectes de l’île,
notamment dans la région bastiaise et ajaccienne.
Si nous allons plus au sud, le dialecte de la Gravona et l’Ajaccien
se distinguent du taravais par leur manière de confondre parfois le
[d] et le [r] : i peri (les pieds), a ronna (la femme), crera (croire),
vera (voir). L’Ajaccien se singularise lorsqu’il prononce famighja
(famille), paghja (paille), tinaghja (tenaille), cunighju (lapin),
pighjà (prendre), taghjà (couper), etc. alors qu’une grande partie
du Fium’Orbu prononcera familla, palla, tinalla, tuvalla, pillà,
tallà, etc.
L’expression classique qui permet d’observer les différentes
évolutions de la séquence latine LI (que l’on a dans FAMILIA) et
d’identifier différentes variétés linguistiques est « piglia, taglia è
metti in tuvaglia » (prends, coupe et mets sur la nappe) :
– pighja, taghja è metti in tuvaghja (dialecte ajaccien) ;
– piia, taia è metti in tuvaia (la frange nord du régiolecte
central et tout le régiolecte septentrional) ;
– piglia, taglia è metti in tuvaglia (une partie du dialecte
taravais) ;
– pilla, talla è metti in tuvalla (une partie du dialecte
fiumorbais) ;
– pidda, tadda è metti in tuvadda (la frange sud du régiolecte
central et tout le régiolecte méridional).
Certaines options linguistiques qui caractérisent un régiolecte (voire deux), peuvent être utilisées dans les processus de
35
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
dialectalisation. C’est pourquoi un phénomène comme le passage
de ER à [ar], que nous avons présenté comme un fait commun
aux régiolectes central et méridional, pourra être mis en œuvre au
nord, notamment en Balagne : parsona, lettara, mascara, etc.
Pour aller plus avant dans la constitution des variétés
linguistiques, on peut remarquer qu’à l’intérieur même des zones
dialectales se produisent des phénomènes différenciateurs qui
vont nous permettre d’identifier le parler d’un village, voire d’un
quartier dans les grands centres urbains, sur la base d’une ou deux
particularités phonologiques.
À ce niveau aussi les options linguistiques peuvent coïncider d’une variété à l’autre mais elles concernent des parlers
qui appartiennent généralement à des régiolectes différents.
Par exemple, on entendra les habitants de Pastricciola (qui se
situe sur la frange sud du régiolecte septentrional) prononcer la
consonne [p] quand on entend ailleurs [b] : sapatu (samedi),
ropa (affaires, victuailles), bapu (père), apa (abeille), depule
(faible), gapia (cage).
Ce même phénomène va se rencontrer à Zicavu qui se situe
dans le régiolecte central. Sur ce point précis, et pour reprendre
l’image de l’automobile, on peut dire qu’une option est commune
à deux modèles différents.
Dans la cité impériale, les pêcheurs issus du quartier de
« A Calata » se distinguent par la manière qu’ils ont de transformer
les consonnes [r] et [s] en [l] dans de nombreuses formes :
colda
palta
oltu
fultuna
balca
molti
poltu
colciu
36
pour
pour
pour
pour
pour
pour
pour
pour
corda
parta
ortu
furtuna
barca
morti
portu
corciu
« corde »
« partir »
« potager »
« fortune, chance »
« barque »
« mort »
« port »
« pauvre, paresseux »
LE PLAN MORPHOLOGIQUE
felta
pilcà
colta
pour
pour
pour
festa
piscà
costa
« fête »
« pêcher »
« côte »…
Dès lors les Ajacciens reconnaissent « le parler des pêcheurs
de A Calata » qui mettent en œuvre un processus de distanciation
en prenant le contre-pied d’une option ajaccienne que nous avons
indiquée plus haut, à savoir la transformation d’un [l] en [r] :
sartu (saut), corpu (coup), carzetta (chaussette), artru (autre),
sarpà (appareiller, lever l’ancre), cardu (chaud), una vorta (une
fois), carcosa (quelque chose), sarsa (sauce), etc.
Plus au nord les locuteurs de la Castagniccia sont reconnaissables à leur manière d’ajouter un [i] à la fin des noms tronqués en
-à : citai (ville), libertai (liberté), generositai (générosité), etc. Ce
phénomène est aussi repérable dans d’autres variétés comme, par
exemple, le vicolais.
En Casinca, la séquence étymologique AR évolue vers [er],
contrairement à ce qui se passe dans la partie ouest du regiolecte
où on met en œuvre le phénomène inverse ; carcà (charger)
devient alors chercà, marchjà (marcher), devient merchjà, carne
(viande) devient cherne, etc.
Dans le Cap, les locuteurs opèrent une assimilation particulière en
faisant passer la séquence [str] à [ss] : u nostru (le nôtre) > u nossu,
u vostru (le vôtre) > u vossu, mustrà (montrer) > mussà.
Dans les régiolectes central et méridional la même séquence
devient [che] : u nosciu, u vosciu, muscià.
II. LE PLAN MORPHOLOGIQUE
Les particularités morphologiques des différentes variétés
corses seront directement tributaires du matériau phonologique
qu’elles utilisent. C’est ce qui explique la grande diversité des
formes verbales, nominales et autres classes grammaticales qui
caractérisent la langue corse.
37
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Nous proposons d’examiner ici le domaine des verbes et des
noms.
A. Les verbes
Le polymorphisme du corse apparaît clairement avec l’examen
des désinences verbales relatives aux différents modes et temps.
L’étude des infinitifs montre déjà une partition de la Corse
en deux zones, nord et sud, corrélée au système vocalique
atone propre à chacune des deux zones. Ainsi le régiolecte
septentrional optera pour la désinence -E afin de marquer
l’infinitif des verbes rhizotoniques (accent tonique sur le
radical) et les régiolectes central et méridional opteront pour la
désinence -A :
vende
sente
cresce
more
munghje
venda
senta
crescia
mora
mugna
« vendre »
« entendre »
« croître »
« mourir »
« traire », etc.
Le nord utilise donc une voyelle [è] qui existe dans son système
vocalique atone post-tonique [a è ò i u] ; le sud doit choisir dans un
inventaire à trois éléments [a i u]. Bien entendu les choix auraient
pu être identiques sur la base des trois voyelles communes, mais
les lois de la distanciation linguistique entrent en jeu et une frontière morphologique peut alors s’établir.
Les variétés linguistiques jouent sur des propriétés phonologiques qui se répercutent sur la forme même des désinences
verbales. Par exemple, l’existence au nord de la voyelle atone [è]
va permettre de distinguer les deuxième et troisième personnes
du singulier du présent de l’indicatif relatives aux verbes évoqués
plus haut : vendi (tu vends), vende (il vend).
Dans la zone sud on utilisera la même voyelle [i] pour les mêmes
personnes : vendi (tu vends), vendi (il vend). Il se trouve que [a]
38
LE PLAN MORPHOLOGIQUE
marque l’infinitif (venda) ; [u] marque la première personne du
singulier (vendu) et que la seule voyelle qui reste disponible dans
le système atone marquera la deuxième et la troisième personne.
Ce type de distanciation repose sur des possibilités d’ordre
« matériel » ; au sud par exemple on ne peut pas utiliser des sons
qui n’existent pas dans le système phonologique. Toutefois, il
apparaît des différences morphologiques dans le même régiolecte
où on utilise le même matériau sonore. C’est bien la preuve qu’il
existe à l’origine de la diversité dialectale des « choix » qui ont
vocation à particulariser une micro-communauté linguistique.
Par exemple, la désinence -a marque la troisième personne
du singulier des verbes en -à comme cantà (chanter), manghjà
(manger), parlà (parler), etc. Il se trouve que le balanin utilise -e :
cante (il chante), manghje (il mange), parle (il parle), etc. à seule
fin de créer une particularité dialectale qui va le différencier des
dialectes voisins mais aussi de tous les autres dialectes corses. Le
balanin continuera de se singulariser en alignant la désinence de la
troisième personne du pluriel des verbes en -à sur celle des verbes
en -e : cantenu, manghjenu, parlenu (quand on trouve ailleurs
cantanu, manghjanu, parlanu) comme vendenu, sentenu, etc.
La variété cortenaise procèdera de la même manière en choisissant une autre personne, la première du pluriel, et alignera la
désinence des verbes en -à sur celle des verbes en -e : cantimu,
manghjimu, parlimu comme vindimu, sintimu, durmimu, etc.
Si nous écoutons l’Ajaccien et le parler de la Gravona nous
entendrons une désinence de première personne du pluriel en -emi
ou -imi quand partout ailleurs ont cours -emu ou imu : cantemi,
manghjemi, parlemi, vindimi, sintimi, durmimi, etc. en face de
cantemu, manghjemu, parlemu, vindimu, sintimu, durmimu.
En revanche, les deux dialectes vont se distinguer au niveau
de la troisième personne du pluriel : l’Ajaccien va aligner la désinence des verbes en -à (cantà) sur celle des verbes en -a (venda) :
cantini, manghjini, parlini comme vendini, sentini, dormini ;
39
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
alors que la Gravona distinguera cantani, manghjani, parlani de
vendini, sentini, dormini.
La troisième personne du pluriel de tous les verbes (sauf auxiliaire esse/a « être ») est aussi l’occasion de distinguer une zone
nord d’une zone sud grâce à la voyelle finale de la désinence :
-u pour le nord, -i pour le sud.
ZONE NORD
cantanu
parlanu
leghjenu
escenu
finiscenu
facenu
stanu
danu
anu
volenu
ZONE SUD
cantani
parlani
leghjini
escini
finiscini
facini
stani
dani
ani
volini
« ils chantent »
« ils parlent »
« ils lisent »
« ils sortent »
« ils finissent »
« ils font »
« ils restent »
« ils donnent »
« ils ont »
« ils veulent »
Le présent de l’indicatif n’est pas le seul temps qui donne lieu
à différenciation. Prenons, par exemple, le futur : trois personnes
sont communes à toutes les variétés corses et trois autres distiguent le régiolecte septentrional des deux autres :
– désinences communes : 1re et 3e du singulier, 1re du pluriel ;
– désinences différenciatrices : 2e du singulier, 2e et 3e du
pluriel.
DÉSINENCES COMMUNES
RÉG. SEPTENTRIONAL
canteraghju
canterà
canteremu
40
CENTRAL/MÉRIDIONAL
cantaraghju
cantarà
cantaremu
je chanterai
il chantera
nous chanterons
LE PLAN MORPHOLOGIQUE
DÉSINENCES COMMUNES
RÉG. SEPTENTRIONAL
venderaghju
venderà
venderemu
seraghju
serà
seremu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
vindaraghju
vindarà
vindaremu
saraghju
sarà
saremu
je vendrai
il vendra
nous vendrons
je serai
il sera
nous serons
DÉSINENCES DIFFÉRENCIATRICES
RÉG. SEPTENTRIONAL
canterai
canterete
canteranu
venderai
venderete
venderanu
serai
serete
seranu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
cantarè
cantareti
cantarani
vindarè
vindareti
vindarani
sarè
sareti
sarani
tu chanteras
vous chanterez
ils chanteront
tu vendras
vous vendrez
ils vendront
tu seras
vous serez
ils seront
À noter que le passage de [èr] à [ar] est un phénomène
phonologique (que nous avons déjà évoqué plus haut) qui vient
renforcer le processus de différenciation. Toutefois, le régiolecte
septentrional n’est concerné par ce phénomène que dans sa moitié
occidentale.
Si la morphologie verbale permet souvent de distinguer le
nord et le sud, elle peut également révéler des différences entre le
régiolecte central et le régiolecte méridional. On peut remarquer,
par exemple, que l’imparfait de l’indicatif différencie le régiolecte
méridional des deux autres qui en cette occasion se rejoignent.
41
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
En effet, les désinences des verbes en -à permettent de tracer une
frontière :
RÉG. SEPT/CENTRAL
cantavu/a
cantavi
cantava
cantavamu/-vami
cantavate/-vati
cantavanu/-vani
RÉG. MÉRIDIONAL
cantaiu/a
cantai
cantaia
cantaiami
cantaiati
cantaiani
je chantais
tu chantais
il chantait
nous chantions
vous chantiez
ils chantaient
Toujours à l’imparfait de l’indicatif, le régiolecte méridional
développe une désinence particulière pour les verbes stà (rester),
dà (donner), andà (aller) :
stà
staghjiu/a
staghjii
staghjia
staghjiami
staghjiati
staghjiani
dà
daghjiu/a
daghjii
daghjia
daghjiami
daghjiati
daghjiani
andà
andaghjiu/a
andaghjii
andaghjia
andaghjiami
andaghjiati
andaghjiani
Il existe bien entendu encore de nombreuses combinaisons
différenciatrices dans la morphologie verbale du corse. Nous
ne saurions ici explorer la totalité du champ, c’est pourquoi
nous renvoyons aux planches de conjugaison dans le chapitre
« classification verbale ».
B. Les noms
La différenciation morphologique touche également les
noms au plan du genre et du nombre, et c’est le domaine
42
LE PLAN MORPHOLOGIQUE
phonologique qui fournira les instruments de la distanciation.
Aussi, à côté des noms masculins en -u comme libru (livre),
trouverons-nous des noms en -e dans le régiolecte septentrional
auxquels correspondent des noms en -i dans les deux autres
régiolectes. C’est encore une fois la différence des systèmes
vocaliques atones qui explique cette partition :
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
u pede
u pedi
le pied
u mare
u mari
la mer
u sangue
u sangui
le sang
u core
u cori
le cœur
u ponte
u ponti
le pont
u paese
u paesi
le village/le pays
Il en est de même pour le féminin où une classe en
-e répond à une classe en -i :
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
a morte
a morti
la mort
a sorte
a sorti
le sort
a chjave
a chjavi
la clé
a fame
a fami
la faim
a notte
a notti
la nuit
a carne
a carri
la viande
La présence de la voyelle atone [è] dans le régiolecte septentrional est mise à contribution pour marquer le pluriel des noms
féminins en -a : a casa (la maison) > e case, a zitella (la fille) >
e zitelle, a donna (la femme) > e donne, etc.
Dans les deux autres régiolectes on utilisera la voyelle [i] :
i casi, i ziteddi, i donni, etc.
43
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Dans le domaine de la formation du pluriel le régiolecte méridional va se distinguer des deux autres régiolectes avec un pluriel
en -a réservé aux noms masculins en -u qui n’ont pas de féminin
en -a, auquel cas le pluriel se ferait en -i.
Par exemple, le nom libru (livre) n’a pas de féminin ; le pluriel
sera i libra. En revanche, le nom ziteddu (garçon) a un féminin
zitedda (fille) ; le pluriel sera i ziteddi pour le masculin comme
pour le féminin. Le nom u cavaddu (le cheval) fera i cavadda
au pluriel car le féminin est a ghjumenta ; alors que u ghjacaru
(le chien) fera i ghjacari car le féminin est a ghjacara.
RÉG. MÉRIDIONAL
CENTRAL/SEPTENTRIONAL
pluriel en -a
pluriel en -i
i loca
i lochi
les lieux
i foca
i fochi
les feux
i labra
i labri
les lèvres
i mura
i muri
les murs
i luma
i lumi
les lumières
i poma
i pomi
pommes de terre
La distinction entre régiolectes peut s’établir à partir de noms
masculins qui présentent un suffixe. Par exemple, au suffixe
augmentatif -ONE du régiolecte septentrional correspond -ONI
au centre et -ONU au sud :
NORD
44
CENTRE
SUD
purtone
purtoni
purtonu
portail
muraglione
muraglioni
muraddonu
muraille
buccone
bucconi
bucconu
bouchée
pataccone
patacconi
patacconu
pièce
pidone
pidoni
pidonu
facteur
LE PLAN LEXICAL
III. LE PLAN LEXICAL
Le lexique, bien que moins performant que la phonologie et la
morphologie dans les processus de différenciation linguistique, est
incontestablement le domaine qui retient le plus l’attention. C’est
en effet principalement le lexique que le sens commun évoque
lorsqu’il s’agit de souligner les différences dialectales. « Chez
nous on dit comme ça, là-bas c’est plutôt comme ça » entend-on
souvent dans les commentaires relatifs à la diversité linguistique.
Et dans la majorité des cas ce sont toujours les mêmes exemples
symboliques qui reviennent : ghjacaru et cane (chien), finestra
et purtellu (fenêtre), caminu et sciaminè (cheminée), guardà et
fighjulà (regarder), sameru et asinu (âne), vaghjimu et auturnu
(automne), etc. pour les termes différents qui ont le même sens ;
scruchjetta (braguette/lumbago), chjinà si (se coucher/s’asseoir),
etc. pour un même terme qui renvoie à des sens différents.
Il est indéniable que des choix lexicaux ont été opérés dans différentes régions corses et que l’emploi de tel ou tel mot peut révéler
l’origine géographique d’un locuteur. Ainsi la forme cane permet
d’identifier quelqu’un issu du régiolecte septentrional alors que
ghjacaru renvoie aux régiolectes central et méridional.
Mais à lui tout seul l’un de ces deux termes peut induire en
erreur car chacun d’eux peut être utilisé dans la phase de différenciation « dialectale » (et non plus « régiolectale »). C’est ainsi
que l’Ajaccien dira u cani alors qu’il se trouve dans la zone de
« ghjacaru », et que le vicolais dira ghjacaru alors qu’il se trouve
dans la zone de « cane ».
En revanche, certains termes donnent une indication précise
de leur provenance. Au plan régiolectal, missiavu et minnanna
(grand-père, grand-mère) renvoient au régiolecte méridional ;
babbonu/babbone et mammona/mammone aux régiolectes
central et septentrional (la différence étant d’ordre morphologique) ; et à l’intérieur du régiolecte septentrional caccaru et
caccara est propre aux parlers du Nebbiu, Bastia et le Cap Corse.
45
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Quand on entend le mot monda pour signifier « beaucoup » on
peut dire qu’on a affaire au régiolecte méridional ; assai couvre le
régiolecte septentrional ; le régiolecte central proposera une variation dialectale basée sur assai et monda, mais aussi sur massi et
mori typiques du Taravu.
Pour rendre l’adjectif indéfini « rien », le régiolecte méridional
dispose de nudda et nienti avec une préférence pour le second ; le
régiolecte central utilise nudda mais l’Ajaccien opte pour nienti ;
tandis que le régiolecte septentrional choisit la forme nunda qui
évolue vers nulla à mesure que l’on approche du Cap.
Voici encore quelques exemples de différenciation lexicale
à travers des termes dont vous pourrez rechercher l’origine
géographique :
– charrue : aratu, armacciu, cunceghju ;
– outil : arnese, attrazzu, farru, erdignu ;
– usé : frustu, frazatu, raspiatu, liveru ;
– crier : briunà, gridà, mughjà, stridà ;
– haleine : ansciu, fiatu, alinatu ;
– fou : scemu, scioccu, tontu, mattu, pazzu ;
– se tacher : taccà si, imbruttà si, mullizzà si, maganà si,
impiastrà si, musinà si ;
– trébucher : pilà, investe, inciampicà, inticcià, incappuccià,
impettà, impiccicà, iscuntrà, inciampà ;
– célibataire : vechju figliu, figliu, fantinu, ghjuvanottu,
rumasciu, monacu ;
– bébé : cininu, criampulu, criaturu/a, ciucciu ;
– ruisseau : vadina, ghjargalu, fiumarellu, vadellu, vergalellu ;
– poussière : pula, fulena, polvara, pulvariccia ;
– s’asseoir : pusà si, chjinà si, calà si, chjinà si à pusà ;
– poupée : puppona, puppatula, buatta, pupatta ;
– furoncle : brisgiolu, chjaveddu, biddisgiolu, chjirchjoni ;
46
LE PLAN LEXICAL
– épuisé : scantatu, acciaccatu, accaliatu, troncu, stancu
mortu, stancu pestu, spussatu, dicinnulatu, achjacchitu,
struncatu, fiaccu ;
– toupie : frulla/u, trufulu, schincara, zufulella, bussò,
corulu, frugulu, biribì, ballarinu, maroccula ;
– coccinelle : gallina di u Signore, ciriola, bulamantellu,
cincinella, sciaccumantellu, induvinellu, bulellu, bulabuledda, santa Lucia,
– paresseux : corciu, culisciacciatu, scansafatica, fannullone,
langaione, vagabondu, sciupparatu, pultronu, prienzosu,
natufiaccu, fannientone, mullacconu, tranchju, piazzone,
michelazzu, stercaghju, infingardu, pigru, stundaghjone.
IV. LE PLAN SYNTAXIQUE
La syntaxe représente la partie de la langue la plus stable ; c’est
pourquoi la variation relative à ce domaine semble peu perceptible.
Il existe toutefois des particularités qui sont de nature à permettre
l’identification de telle ou telle variété. Nous nous limiterons à
quelques exemples.
Dans la construction comparative, la conjonction utilisée
va permettre de distinguer le régiolecte septentrional des deux
autres : chè pour le premier, cà pour les autres. Aussi auronsnous hè più inteligente chè tè (il est plus intelligent que toi),
hè più bravu chè Petru (il est plus gentil que Pierre) au nord ;
et hè più intalighjenti cà tè, hè più bravu cà Petru au sud.
La conjonction chè peut toutefois déborder sur le nord du
régiolecte central.
Le pronom interrogatif est également susceptible de donner des
indications quant à l’origine d’un locuteur. En général le corse
utilise chì : chì dici ? (que dis-tu ?), chì si manghja oghje ?
(que mange-t-on aujourd’hui ?) ; or certaines variétés comme
le Bastiais et l’Ajaccien vont utiliser cosa : cosa dici ? cosa si
magna oghji ?
47
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Ces deux variétés vont également se rejoindre dans l’utilisation
de l’ordre datif-accusatif en cas de cumul de pronoms : mi lu dai
(tu me le donnes), ti la dicu eiu (c’est moi qui te le dis), mi lu
compru (je me l’achète) ; alors que l’ordre accusatif-datif est de
rigueur partout ailleurs : u mi dai, a ti dicu eiu, u mi compru.
La variété linguistique qui couvre la région vicolaise se
distingue par une syntaxe particulière de certaines phrases interrogatives dans lesquelles l’ordre pronom adverbial-verbe est
inversé : hè ci ne ghjente ? (y a-t-il des gens ?), ai ne soldi ?
(as-tu de l’argent ?), voli ne vinu ? (veux-tu du vin ?). Ailleurs,
c’est le « ton » qui indique l’interrogation : ci n’hè ghjente ? ne
ai soldi ? ne voli vinu ?
Dans cette même variété on trouve une construction originale
(quoique possible mais rare ailleurs) dans l’expression du superlatif relatif : a più casa bella di u paese (la plus belle maison du
village), u più casgiu bonu di u rughjone (le meilleur fromage
de la région) pour a casa più bella di u paese, u casgiu più bonu
di u rughjone, etc.
La région de Portivechju se distingue par la construction
du complément de nom sans la préposition di : a guerra ‘llu
quattordici (la guerre de 14) pour a guerra di u quattordici ; a
morti ‘llu vechju Paulinu (la mort du vieux Paulin) pour a morti
di u vechju Paulinu, etc.
Le Bastiais propose une expression particulière du participe
datif qu’il distingue de l’accusatif par la désinence -i :
l’aghju dati
l’aghju datu
l’aghju cumprati
l’aghju cumpratu
> je lui ai donné
> je l’ai donné
> je lui ai acheté
> je l’ai acheté
La syntaxe du cortenais se singularise par l’extension de
l’adjectif possessif post-posé à fratellu (frère) et à surella (sœur) :
fratellumu (mon frère), surellama (ma sœur) à côté de babbitu
48
LE PLAN SYNTAXIQUE
(ton père) et mammata (ta mère) commun à toutes les autres
variétés.
L’Ajaccien propose un pronom original ghi lorsqu’on trouve
ailleurs li :
ghi dò un schiaffu > li dò un schiaffu (je lui donne une gifle)
dà ghi stu libru
> dà li stu libru (donne-lui ce livre)
V. LA NOTION D’« INTRALECTE »
Nous avons déjà évoqué le terme d’intralecte pour désigner
une variété linguistique issue, d’une part, du contact entre deux
variétés et, d’autre part, de choix inédits et originaux. Ces variétés
se trouvent principalement sur des frontières linguistiques et se
présentent comme des zones de transition. Pour illustrer les particularités de l’« intralecte » nous prendrons l’exemple du vicolais
qui se trouve à l’intersection des régiolectes central et septentrional, sur le versant ouest de l’île.
Le caractère hybride du vicolais est lié à certains choix qui
le rapprochent soit du régiolecte septentrional soit du régiolecte
central. On peut dire en effet qu’en règle générale les traits phonologiques et morphologiques l’apparentent au nord tandis que les
traits lexicaux et syntaxiques le rapprochent du centre/sud.
Par exemple, le vicolais possède, comme au nord, la voyelle
atone [è] qui marque l’infinitif des verbes qui présentent [a] plus
au sud (sente, vende, dorme, etc.) Cette même voyelle marque
le féminin pluriel (case, donne, zitelle) quand le sud emploie [i]
(casi, donni, ziteddi). Comme au nord le vicolais ne distingue pas
[b] de [v] et il privilégie la « sonorisation consonantique ».
En revanche, le lexique le rapproche du centre/sud car on y
retrouve des termes comme ghjacaru, vaghjimu, fighjulà.
Un terme comme carre (viande) apparaît comme une véritable
forme de compromis car on décèle à la fois un [è] atone qui renvoie
au nord et une assimilation progressive RN > [rr] qui relève du
centre/sud.
49
L’ORGANISATION DE LA VARIATION LINGUISTIQUE
Toutefois, l’intralecte peut générer des formes et des tours qui
lui sont propres. Au plan de la morphologie verbale le vicolais
dira sete (vous êtes) quand au nord on utilise site et au centre/
sud seti. Il se distinguera également des autres variétés en alignant
les désinences des verbes en -e (vende, sente, dorme…) sur les
désinences des verbes en -à (cantà, parlà, pusà…) à la première
personne du pluriel :
VICOLAIS
vindemu
sintemu
durmemu
partemu
cusgemu
vinemu
AUTRES
vindimu
sintimu
durmimu
partimu
cusgimu
vinimu
nous vendons
nous entendons
nous dormons
nous partons
nous cousons
nous venons
Le vicolais distingue une forme propre parchè (pourquoi) de
perchè (parce que) quand le nord et le centre/sud utilisent la même
forme pour les deux sens, soit respectivement perchè et parchì.
*
*
*
Pour conclure ce chapitre sur « l’organisation de la variation
linguistique », nous insisterons sur le caractère naturel, voire
inéluctable, de la différenciation. Les variétés linguistiques qui en
résultent sont toutes légitimes et ne sauraient donner lieu à une
quelconque hiérarchisation.
Une fois intégrée cette dimension plurielle de la langue on
s’aperçoit que bien des obstacles tombent dans le domaine pédagogique et didactique car on aborde la discipline dans un état
d’esprit différent. La notion de « faute », que nous a si profondément inculquée le système normatif français fondé sur la « norme
officielle unique », perd de sa consistance et devient toute relative.
50
LA NOTION D’« INTRALECTE »
On s’aperçoit alors avec soulagement que l’on peut prononcer de
diverses manières, conjuguer de différentes façons, construire
librement sur la base d’un corse polynomique dont l’approche n’a
plus rien d’angoissant.
Dès lors, l’enseignement du corse appelle une connaissance des
principes généraux qui régissent la variation. La question tant de
fois posée par le passé, à savoir « quel corse enseigner ? », n’est
plus d’actualité aujourd’hui. L’enseignant de langue corse sait aller
au-delà de sa propre pratique dialectale en utilisant des supports
pédagogiques qui rendent compte de la diversité linguistique.
Une conséquence de l’enseignement de type variationnel c’est
qu’il favorise, chez l’enseigné, des phénomènes d’amalgame
linguistique qui se traduisent par l’apparition de formes à caractère « intralectal » similaires à celles que nous avons vues plus
haut à propos des intralectes. Si on admet que les « intralectes »
sont des variétés légitimes et qu’ils participent de la vie même du
corse, il est inutile de s’inquiéter devant ce type de phénomène.
D’autant que les moyens modernes de communication et de diffusion linguistique (télévision, radio, disques, presse…) renforcent
les métissages dialectaux.
Si la sensibilisation à la variation linguistique doit accompagner
l’enseignement du corse en favorisant l’ouverture d’esprit et la
tolérance, il ne saurait être question d’en faire un véritable objet
d’étude dans les écoles. On aura compris que les connaissances
théoriques intéressent davantage les enseignants et que les
apprenants attendent qu’on leur fournisse les clés de l’expression
en langue corse sans qu’ils soient désorientés ou gênés par la
diversité dialectale.
CHAPITRE 2
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
L’alternance consonantique (ou mutation consonantique) est un
phénomène important que tout professeur de langue corse est amené
à traiter dans son enseignement car une bonne prononciation des
consonnes dites « mutantes » (cunsunali cambiarine) en dépend.
Il s’agit en effet d’un phénomène qui touche une grande partie
des consonnes initiales et dont la prononciation peut varier en
fonction de l’entourage phonique. C’est en fait ce qui précède
une consonne initiale (et nous insistons bien sur initiale car la
mutation consonantique n’existe pas à l’intérieur du mot) qui va
déterminer sa prononciation. En règle générale ce qui précède un
mot c’est : soit une pause (notée à l’écrit par un point, une virgule
ou tout autre signe de ponctuation) soit un autre mot qui se termine
par une voyelle atone, une voyelle tonique ou une consonne.
La mutation consonantique (scunsunatura) est aussi un phénomène complexe que nous ne pouvons, dans le cadre de cet ouvrage,
appréhender dans toute son ampleur car les contraintes pédagogiques nous obligent à opérer des simplifications. Toutefois, nous en
décrirons les modalités au niveau des trois régiolectes que nous
avons identifiés dans le chapitre précédent.
Il se trouve que les ouvrages à vocation pédagogique et
didactique (hormis les quelques ouvrages et articles spécialisés à
caractère universitaire), qui jusqu’à ce jour ont évoqué l’alternance
consonantique, présentent le phénomène sous un angle restreint
car les différentes descriptions offertes au public se limitent à une
seule région linguistique : le nord.
L’inconvénient majeur se trouve dans le fait que les règles généralement édictées fonctionnent pour le régiolecte septentrional ;
mais elles deviennent totalement inopérantes pour les régiolectes
central et méridional.
55
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
Un autre inconvénient est d’ordre terminologique dans la
mesure où l’usage didactique a consacré les termes de pretta pour
indiquer une prononciation « forte », et frolla pour une prononciation « faible ». Nous verrons plus loin que ces deux termes ne
recouvrent pas les mêmes réalités phonologiques au nord et au
sud ; il nous faudra donc préciser les choses sur ce point.
En outre, le phénomène de la scunsunatura est présenté à
partir d’une base écrite. Les différents auteurs passent en revue
les consonnes de l’alphabet orthographique (u santacroce) et leurs
possibles combinaisons et indiquent comment lire et prononcer
correctement un texte écrit.
Pour notre part, nous étudierons la mutation consonantique à
partir d’un système de sons (phonologique) que nous transcrirons,
par commodité, à l’aide de signes graphiques courants (l’alphabet
français) mis entre crochets.
Nous disions plus haut que nous nous intéresserions à l’alternance consonantique au plan des trois régiolectes ; en fait, nous
pouvons simplifier et traiter ensemble les régiolectes central et
méridional dans la mesure où ils réalisent la mutation consonantique de manière à peu près identique.
Nous pouvons d’ores et déjà confirmer une frontière linguistique déjà utilisée plus haut et qui distingue une zone nord d’une
zone sud. Le phénomène en question nous confronte grossièrement
à deux systèmes, septentrional et méridional, qui vont se distancier
sur un certain nombre de points et se rejoindre sur d’autres. Nous
retrouverons donc des mouvements alternatifs de divergence et de
convergence qui replacent l’alternance consonantique dans une
entité linguistique à la fois « une et multiple ».
I. LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL
Dans la mesure où l’alternance consonantique concerne uniquement les consonnes initiales, nous nous intéresserons à celles
qui, étant soumises au phénomène, peuvent apparaître dans cette
56
LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL
position. Nous pouvons exclure les consonnes qui, dans tous les
cas, se prononcent de manière sensiblement identique ; il s’agit
des consonnes suivantes, appelées non-mutantes (en corse manse
« domestiques ») :
[che]
[ge]
[dz]
[dge]
[gne]
>
>
>
>
>
scemu
sgiò
zanu
giardinu
gneri
« idiot »
« seigneur, notable »
« sac en peau »
« jardin »
« grimaces »
Pour ce qui concerne les autres consonnes nous distinguerons
les non-sonantes des sonantes car les modalités de la mutation
leur sont spécifiques.
A. Les consonnes non-sonantes
La règle de l’alternance consonantique qui peut s’appliquer à
ce type de consonnes est la suivante :
1. Après une pause, une voyelle tonique ou une consonne,
les consonnes sourdes restent sourdes et les consonnes sonores
restent sonores.
2. Après une voyelle atone, les consonnes sourdes deviennent
sonores et les consonnes sonores se transforment en semiconsonnes ou disparaissent.
Nous pouvons schématiser ce phénomène dans un tableau en
utilisant les sigles P.Vt.C. et Va qui renvoient respectivement aux
positions 1. et 2. :
ALTERNANCE CONSONANTIQUE DES NON-SONANTES
Après PVtC
Après Va
Après PVtC
Après Va
sourdes
sonores
sonores
[p] [t] [k] [f] [s] [ts] [tche] [tj]
[b] [d] [g] [v] [z] [dz] [dge] [dj]
[b] [d] [g] [dj]
[w] [/] [w] [j]
[j] [/] [/]
57
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
Après P.Vt.C.
Pane
hè pane
un pane
Topu
trè topi
un topu
Cane
sò cani
un cane
Festa
hè festa
in festa
Seta
hè seta
per seta
Ziu
hè ziu
un ziu
Cecu
hè cecu
un cecu
Chjodu
sò chjodi
un chjodu
Battellu
trè battelli
un battellu
Ditu
trè diti
un ditu
Gola
trè gole
in gola
Ghjudice
hè ghjudice
un ghjudice
58
Après Va
[p]
u pane
[b]
[t]
u topu
[d]
[k]
u cane
[g]
[f]
a festa
[v]
[s]
a seta
[z]
[ts]
u ziu
[dz]
[tche] u cecu
[dge]
[tj]
u chjodu
[dj]
[b]
u battellu
u biancu
u bracciu
[w]
[j]
[/]
[d]
u ditu
[/]
[g]
a gola
u granu
[w]
[/]
[dj]
u ghjudice
[j]
LE SYSTÈME SEPTENTRIONAL
B. Les consonnes sonantes
Il s’agit des consonnes [m] [n] [l] [r] pour lesquelles la règle
de la mutation peut s’énoncer ainsi :
1. Après une voyelle tonique (Vt) la prononciation est tendue.
2. Après une pause, une voyelle atone ou une consonne
(P.Va.C.) la prononciation est non-tendue.
ALTERNANCE CONSONANTIQUE DES SONANTES
Après Vt
Après PVaC
tendues
non-tendues
Après Vt
Hè mamma
[mm]
Trè nipoti
[nn]
Hè Luisa
[ll]
Trè ragni
[rr]
[mm] [nn] [ll] [rr]
[m] [n] [l] [r]
Après P.Va.C.
mamma
a mamma
per mamma
nipote
u nipote
per nipote
Luisa
di Luisa
per Luisa
ragnu
u ragnu
un ragnu
[m]
[n]
[l]
[r]
Nous remarquerons que l’alternance consonantique telle qu’elle
fonctionne dans le système septentrional privilégie la sonorisation
en cohérence avec la région où elle se réalise et que nous appelions
dans le chapitre précédent « zone de sonorisation ».
Dans la mesure où les consonnes sonantes ne peuvent pas se
réaliser sourdes ou sonores, on les soumet au phénomène de la
tension sur le modèle de ce qui se passe dans la « zone de tension »,
à savoir les régiolectes central et méridional.
59
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
C’est en ce sens que le système septentrional rejoint, dans le
domaine des consonnes sonantes, le système méridional.
Comme nous le faisions remarquer en introduisant le chapitre,
la terminologie pretta et frolla pour indiquer une prononciation
« forte » ou « faible » ne peut s’appliquer que si on considère
que pretta renvoie à sourde et frolla à sonore. Mais alors les
consonnes sonantes sont exclues du système d’alternance alors
qu’elles y participent pleinement.
On comprend alors pourquoi les divers ouvrages qui traitent du
phénomène déclarent les cossons [m] [n] [l] [r] « non-mutantes »
(manse), ce qui semble une manière commode de contourner
la difficulté.
II. LE SYSTÈME MÉRIDIONAL
Comme au nord le système méridional présente des consonnes
dont la prononciation reste plus ou moins stable dans tous les cas
de figure :
[che]
[ge]
[gne]
[tj]
[dge]
>
>
>
>
>
scimmia
sgiucca
gnocchi
chjavi
giardinu
« singe »
« chèvre domestique »
« gnocchi »
« clé »
« jardin »
Nous remarquerons toutefois que le son [dge] est relativement
rare dans la zone méridionale et qu’il se réalise la plupart du temps
[tche] ciaddu (jaune), ciandarmu (gendarme) ou [dj] ghjurnali
(journal), ghjuvintù (jeunesse), etc.
La règle de l’alternance consonantique qui prévaut dans le
système méridional peut s’énoncer comme suit :
1. Après une voyelle tonique (Vt) les consonnes (sonantes et
non-sonantes) se prononcent tendues.
60
LE SYSTÈME MÉRIDIONAL
2. Après une pause, une voyelle atone ou une consonne
(P.Va. C) les consonnes (sonantes et non-sonantes) se prononcent non-tendues.
3. Après une pause, une voyelle tonique ou une consonne
(P.Vt.C.) les consonnes sourdes [f] et [s] (et [k] dans le régiolecte central) restent sourdes et les consonnes sonores [v] et [dj]
restent sonores.
4. Après une voyelle atone (Va) les consonnes sourdes [f] et
[s] deviennent sonores et les consonnes sonores [v] et [dj] se
transforment en semi-consonnes.
Après Vt
tendues
[pp] [tt] [kk] [tts] [ttche]
Apr. PVaC
non-ten.
[p] [t] [k] [ts] [tche]
Après Vt
tendues
[bb] [dd] [gg] [mm] [nn] [ll] [rr]
Apr. PVaC
non-ten.
[b] [d] [g] [m] [n] [l] [r]
Apr. PVtC
sonores
[f] [s] [v] [dj] ([k] régio. centr.)
Après Va
sonores
sem-con
[v] [z] ([g] régio. centr.)
[w] [j]
Nous remarquerons que dans la zone méridionale, que nous
avons nommée « zone de tension », c’est bien le rapport tendu/
non-tendu qui est privilégié. La convergence avec le système
septentrional s’établit sur la base de quelques consonnes
non-sonantes qui peuvent être soumises au rapport sourd/sonore
et qui suivent la règle du nord.
Après Vt
hè pani
Après P.Va.C.
[pp]
pani
u pani
un pani
[p]
61
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
Après Vt
trè topi
hè casgiu
hè ziu
hè cecu
hè babbu
trè duttori
hè goffu
sò morti
trè nipoti
sò lonzi
sò ragni
62
Après P.Va.C.
topu
[tt] u topu
un topu
casgiu
[kk] u casgiu
un casgiu
ziu
[tts] u ziu
un ziu
cecu
[ttche] u cecu
un cecu
babbu
[bb] u babbu
un babbu
duttori
[dd] u duttori
un duttori
goffu
[gg] u goffu
un goffu
mortu
[mm] u mortu
per mortu
nipoti
[nn] u nipoti
par nipoti
lonzu
[ll] u lonzu
un lonzu
[rr]
ragnu
u ragnu
un ragnu
[t]
[k]
[ts]
[tche]
[b]
[d]
[g]
[m]
[n]
[l]
[r]
LE SYSTÈME MÉRIDIONAL
Apr. PVtC
Après Va
festa
hè festa
in festa
[f]
a festa
[v]
sognu
sò sogni
par sognu
[s]
u sognu
[z]
vuluntà
hè vuluntà
cun vuluntà
[v]
a vuluntà
[w]
ghjacaru
trè ghjacari
par ghjacaru
[dj]
u ghjacaru
[j]
a casa
[g]
RÉGIOLECTE CENTRAL
casa
trè casi
in casa
[k]
Il nous reste à préciser quelques points qui nous semblent
importants.
* S’agissant de la consonne mutante [s] qui peut se réaliser
sourde ou sonore, il nous faut ajouter que la règle de la mutation s’applique uniquement lorsque cette consonne est suivie
d’une voyelle. Si [s] précède une autre consonne, c’est la nature
de celle-ci qui déterminera la prononciation sourde ou sonore.
La règle est la suivante :
– si [s] est suivi d’une consonne sonore, sa prononciation est
obligatoirement sonore ;
– si [s] est suivi d’une consonne sourde, sa prononciation est
obligatoirement sourde.
La raison en est physiologique et il n’est pas possible de faire
autrement :
63
L’ALTERNANCE CONSONANTIQUE
devant cons. sourde
prononciation [s]
spazzola
stuzzicà
scappaticciu
sfacciatu
schjattà
devant cons. sonore
prononciation [z]
sbugiardà
sdentatu
sgaiuffu
svintulata
sbatta
Si [s] est suivi d’une consonne sonante, la prononciation peut
être sourde ou sonore : smania, snudà, slanciu, sradicà, etc.
* Les règles de prononciation des consonnes sonantes peuvent
parfois être prises en défaut par des phénomènes phonétiques. S’il
est admis, par exemple, que la prononciation de [n] est non-tendue
après une pause, une voyelle atone ou une consonne (PVaC), il se
peut que la consonne qui précède soit identique à la consonne en
question ou qu’elle en soit phonétiquement très proche ; il s’en
suivra une prononciation tendue conditionnée par l’addition ou
l’assimilation consonantique :
– nasu, u nasu avec [n],
– noia, a noia avec [n],
– manu, a manu avec [m],
– mè, da mè avec [m],
– locu, u locu avec [l],
– rè, u rè avec [r],
mais un nasu avec [nn]
mais cun noia avec [nn]
mais in manu avec [mm]
mais cun mè avec [mm]
mais in locu avec [ll]
mais per rè avec [rr]
* La consonne [dz], non-mutante au nord, subit un traitement
particulier au sud où, en position forte Vt (après voyelle tonique),
elle se désonorise en [ts]. D’une part, elle échappe au phénomène
général de la tension, et d’autre part, elle inverse le rapport généralement sourd/sonore en rapport sonore/sourd :
64
LE SYSTÈME MÉRIDIONAL
– zinu, u zinu, un zinu avec [dz] mais trè zini [ts]
– zanu, u zanu, un zanu avec [dz] mais trè zani [ts]
– zerru, u zerru, un zerru avec [dz] mais trè zerri [ts]
*
*
*
Pour conclure nous rappelons que le phénomène de l’alternance
consonantique tel qu’il est présenté dans ce chapitre ne fonctionne
pas exactement de la même façon partout en Corse. C’est d’ailleurs
un phénomène qui, dans le cadre de la différenciation dialectale,
donne lieu à de petits écarts par rapport aux deux grands systèmes
que nous venons de décrire.
L’essentiel était de montrer que les modalités de la mutation
prennent généralement appui sur la sonorisation au nord et sur la
tension au sud, d’une part, et que des interéchanges entre systèmes
s’opèrent au plan de certaines consonnes, d’autre part.
Notre but n’était pas de détailler par le menu la mutation consonantique mais de donner les éléments explicatifs d’un phénomène
important que les enseignants de langue corse doivent pouvoir
transmettre dans de bonnes conditions. Nous ne saurions trop leur
conseiller de manier avec précaution les termes pretta et frolla
dont nous avons vu qu’ils renvoient à des réalités différentes en
fonction du système étudié.
CHAPITRE 3
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Depuis la fin du XIXe siècle l’usage écrit du corse a généré
une orthographe basée sur le système italien. Les adaptations
successives ont abouti, au début des années 1970, à l’édition d’un
manuel qui rencontrera un franc succès : Intricciate è cambiarine
de D.A. Geronimi et P. Marchetti.
Novateur dans son contenu et dans sa démarche militante, le
manuel en question ne tardera pas à devenir l’instrument de référence prépondérant.
Hormis quelques scripteurs qui tiennent à demeurer fidèles à
une orthographe dite « traditionnelle », le système Intricciate è
cambiarine est désormais largement employé dans les usages littéraires et autres.
Sa grande originalité réside dans l’adaptation cohérente de l’orthographe au phénomène de la mutation consonantique, et notamment dans le transfert à l’intérieur du mot de ce phénomène qui
concerne uniquement la position initiale (cf. chapitre 2).
C’est ainsi que les transformations que subissent les consonnes
en début de mot vont se transporter à l’intérieur de celui-ci et
aboutir à une relative unification de l’orthographe.
Si on écrit, par exemple, cità avec un seul t c’est qu’on considère que la consonne sourde [t] se sonorise en [d] après une
voyelle atone au nord et qu’elle reste sourde au sud, conformément
à la règle de l’alternance consonantique. Si on n’avait pas opéré le
transfert de la règle de la mutation consonantique à l’intérieur du
mot, c’est-à-dire à un endroit où elle n’existe pas réellement, on
aurait écrit cidà au nord et città au sud, et cela dans le respect
absolu des prononciations relatives aux deux régions.
69
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Il faut toutefois être conscient que ce type de solution
appelle des adaptations (pour ne pas dire des « concessions »)
mutuelles entre les différents régiolectes. Dans le cas de cità les
scripteurs du sud renonceront à la double consonne tt, pourtant
conforme à leur prononciation, afin de permettre aux lecteurs
du nord de pratiquer une sonorisation qu’une double consonne
neutraliserait.
En sens inverse, c’est bien parce que le « sudiste » prononce un
[v] dans vittura que le « nordiste » écrira v au lieu de b ; c’est une
manière de respecter la distinction b/v qui s’opère au sud, contrairement à ce qui se passe au nord. Ce sont des attitudes graphiques
qui soulignent un esprit de tolérance et de reconnaissance réciproque que nous avons appelé l’esprit polynomique.
Une particularité importante de l’adaptation « intérieure » de
la mutation consonantique c’est qu’elle ne tient pas compte de la
tonicité de la voyelle précédant la consonne mutante. Par exemple,
dans le mot fata (fée) le premier a est tonique, ce qui n’empêche
pas, au nord, la sonorisation de t : [f’ada]. C’est bien la preuve
que le caractère tonique ou atone de la voyelle est neutralisé à
l’intérieur du mot.
Intricciate è cambiarine a eu le grand mérite de fournir au corse
les instruments de sa codification. Toutefois, les auteurs ont appuyé
leurs réflexions sur leur connaissance du système septentrional en
oubliant beaucoup trop souvent les systèmes méridionaux. De ce
point de vue on peut dire que l’ouvrage demeure incomplet ou
inachevé.
Ajoutons que, parallèlement à un ensemble de propositions
acceptées dans leur grande majorité, certaines graphies
recommandées par le manuel n’ont pas été consacrées par
l’usage : l’emploi du tréma, les lettres intricciate (enchevêtrées),
l’expression de l’impersonnel par les formes s’è lu, s’è la
(désormais orthographiées s’ellu, s’ella).
Dans la mesure où le corse polynomique suppose le respect de la
variation linguistique, il est naturel que le système orthographique
70
en soit le reflet. Aussi le système orthographique corse doit-il
s’appuyer sur les systèmes phonologiques afin de coller au
mieux à la réalité linguistique. En conséquence, le corse emploie
principalement une orthographe phonologique qui s’avère d’un
usage à la fois souple et aisé.
Le système orthographique corse ne tient pas compte de l’étymologie car cette dernière pose plus de problèmes qu’elle n’en
résout. Il n’est que de regarder l’extrême complexité de l’orthographe française qui précisément s’appuie la plupart du temps sur
le latin (et malheur à qui ne connaît pas le latin !)
Personne ne peut nier que le corse est issu, comme toute
langue romane, du latin. Mais quel latin ? Le latin dit vulgaire ou
populaire. Cette langue qui très tôt s’était distanciée du latin dit
classique pour donner naissance, plus tard, à de nouvelles langues.
Invoquer le latin (et qui dit latin dit « latin classique ») pour gérer
l’orthographe suppose des risques d’erreur et devient un non-sens
dans la mesure où le corse renvoie à un système différent : le latin
populaire. Se référer à ce dernier serait certainement plus légitime,
mais encore une fois cela demanderait une bonne maîtrise du latin
dans sa version classique et vulgaire.
En fait, les éventuels problèmes orthographiques du corse se
résolvent facilement en ayant une relative connaissance du corse
des autres. Cela s’acquiert dans le cadre d’un enseignement
polynomique.
C’est généralement l’écriture des consonnes doubles qui pose
problème. Cela vient de la différenciation régiolectale fondée
sur la sonorisation ou la tension (cf. chapitre 1). Quand on sait
comment on prononce dans une autre région linguistique, on
a pratiquement résolu le problème sans avoir eu recours à un
quelconque latin.
Nous essaierons de livrer, dans ce chapitre, les outils qui
permettent d’écrire le corse et nous proposerons quelques
réflexions sur des points qui, dans la pratique actuelle, révèlent un
certain flottement.
71
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
I. LES CONSONNES
Un système orthographique doit évidemment permettre de
transcrire des sons. Mais non pas tous les sons que nous entendons
dans une langue, sinon nous verserions dans une orthographe
phonétique. Cela veut dire qu’il faut opérer un choix entre les
sons dont les fonctions linguistiques imposent qu’ils soient écrits
et les sons qui relèvent d’un effet de variation sans conséquences
sur le sens des mots. Par exemple, ce n’est pas parce que certaines
variétés prononcent un [b] « spirantisé » après une voyelle atone
qu’il faut absolument traduire la spirantisation dans l’écriture.
L’orthographe phonétique peut le faire par souci de précision ;
l’orthographe phonologique n’en tient pas compte dans la mesure
où le changement de prononciation n’entraîne pas de changement
de sens. Par conséquent on écrira u boiu (le bœuf) avec un b
qui renvoie à une prononciation bilabiale même si dans certaines
variétés de corse on réalise une spirante (pas de contact des lèvres).
Nous proposons, dans le tableau ci-dessous, les sons
consonantiques et semi-consonantiques qui ont un équivalent
orthographique :
sourdes
sonores
nasales
liquides
sem.cons.
72
tendues
[pp] [tt] [kk] [tts] [ttche] [ff] [ss]
non-tend.
[p] [t] [k] [ts] [tche] [tj] [f] [s] [che]
tendues
[bb] [dd] [dd.] [gg] [vv]
non-tend.
[b] [d] [g] [dge] [dz] [dj] [v] [z] [ge]
tendues
[mm] [nn]
non-tend.
[m] [n] [gne]
tendues
[ll] [rr]
non-tend.
[l] [r] [lje]
[w] [j] [y]
LES CONSONNES
La consonne que nous avons notée [dd.] renvoie au
« d cacuminal » en usage dans la zone sud.
Pour indiquer la graphie associée à chacun des sons ci-dessus
identifiés, nous constituerons trois groupes :
a/ les cossons non-tendues,
b/ les consonnes tendues,
c/ les semi-consonnes.
Par souci d’équité interdialectale nous présenterons la graphie de
chaque consonne dans le cadre des trois régiolectes corses (septentrional, central, méridional).
Les exemples indiqueront également la place occupée par la
consonne dans le mot : à l’initiale, après consonne, après voyelle.
L’indication est d’importance car la diversité des systèmes phonologiques peut amener, dans le cadre d’une orthographe phonologique,
à une seule et même écriture pour deux sons différents.
A. Les consonnes non-tendues
Occlusives : [p] [t] [k] [b] [d] [g]
* [p] comme dans « papa »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit P à l’initiale et
après consonne : pane, pesciu, corpu, colpu.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit P à l’initiale, après
consonne et après voyelle : povaru, pumonti, scarpu,
colpu, scopu, scopra.
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit P à l’initiale,
après consonne et après voyelle : parenti, piscà, talpa,
colpu, capu, topu.
* [t] comme dans « tata »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit T à l’initiale et
après consonne : tepidu, tappu, carta, stortu.
73
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Régiolecte central : cette consonne s’écrit T à l’initiale, après
consonne et après voyelle : toiu, teppa, porta, cultura, fata,
seta.
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit T à l’initiale,
après consonne et après voyelle : tianu, tontu, sparta,
curtu, ditu, cota.
* [k] comme dans « kaki »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou
CH + i, e à l’initiale et après consonne : casa, cosa, curà,
china, chere, mercatu, turcu, calanca, carchi, barche.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou CH
+ i, e à l’initiale et après consonne : caspa, cori, culà,
chinesu, chersu, marcatu, porcu, panca, parchì, forchi.
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit C + a, o, u ou
CH + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : caru,
costula, curciu, chilò, chirurgu, marcuri, vescu, purcaghju, macaru, amiconi, fuculaghju.
* [b] comme dans « baba »
Régiolecte septentrional : compte tenu de la confusion [b/v]
qui s’opère dans ce régiolecte, cette consonne s’écrit B ouV
à l’initiale et après consonne, elle s’écrit P après voyelle :
barca, boie, corbu, alba,
vinu, ventu, invità, invernu,
capu, topu, scopa, capelli.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit B à l’initiale, après
consonne et après voyelle : barba, borsa, arburu, albori,
tabaccu, ribombu, dibattitu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit B à l’initiale,
après consonne et après voyelle : bughju, butti, narbu,
tabaccu, ribatta, trabuccà si.
74
LES CONSONNES
Remarque : pour ce qui concerne le régiolecte septentrional, le choix
entre B ou V se fait par rapport aux autres régiolectes et non par rapport
à l’étymologie ; si on entend [b] ailleurs on écrit B, si on entend [v] on
écrit V.
Certains mots ont été touchés par le bétacisme au niveau de toute la
Corse (cf. chapitre 1) ; il nous semble plus cohérent de faire enregistrer
le phénomène par le système orthographique afin de respecter à la fois
la prononciation effective et le choix d’une orthographe phonologique :
boci, bulà, bolu, biotu, balisgia, corbu, narbu, annarbà. Il est donc
inutile de faire appel à l’écriture étymologique dans la mesure où la
consonne V ne correspond pas à la réalité phonologique.
* [d] comme dans « dada »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit D à l’initiale et
après consonne, elle s’écrit T après voyelle : dente, dumane,
corda, rende, ditu, fata, rota.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit D à l’initiale, après
consonne et après voyelle : drentu, dopu, lardu, stenda,
coda, radica.
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit D à l’initiale,
après consonne et après voyelle : daretu, donna, perda,
ricordu, strada, deda.
* [g] comme dans « gaga »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou
GH + i, e à l’initiale et après consonne, elle s’écrit C + a, o,
u ou CH + i, e après voyelle :
galera, goffu, gustu, ghigna, Gherardu
verga, largu, larghi, lunghezza
amica, fucone, locu, lochi, poche.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou GH
+ i, e à l’initiale et après consonne, elle s’écrit C + a, o, u ou
CH + i, e après voyelle :
gabbia, goffu, gustu, ghigna, Ghilardu
purga, ingodda, alghi, lunghezza
Corsica, fuconi, ficu, lumachi, pochi
75
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit G + a, o, u ou
GH + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle :
gastrunumia, goffu, gula, ghigna, ghizzu
purgu, largu, magu, figarettu.
Remarque : dans les régiolectes septentrional et central, on saura
qu’il faut orthographier C après voyelle, si on sait que dans la même
position on prononce [k] dans le régiolecte méridional. Encore une
fois, c’est la connaissance des autres qui donne la solution.
Nasales : [m] [n] [gne]
* [m] comme dans « maman »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit M à l’initiale,
après consonne et après voyelle : mare, muntagna, calmu,
soma, suminà
Régiolecte central : cette consonne s’écrit M à l’initiale, après
consonne et après voyelle : moru, muntonu, colmu, fami,
sameru
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit M à l’initiale,
après consonne et après voyelle : morti, matrimoniu,
palmu, famosu, lamaghjoni
Remarque : une tendance générale révèle que la prononciation de
[m] se réalise de plus en plus tendue [mm]. Cela se traduit dans
l’orthographe par un doublement de la consonne : commu, cumm’è,
nommu, ommu, cummunu, somma, cunsummà, trimmà etc. Il est
légitime que ce type d’évolution soit pris en compte par le système
orthographique. Toutefois, il nous semble opportun de conserver,
dans l’attente d’une neutralisation complète de l’opposition [mm]/
[m], certaines graphies qui lèvent l’ambiguïté entre des formes
comme soma (charge) et somma (somme), caminu (cheminée) et
camminu (chemin)…
* [n] comme dans « nana »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit N à l’initiale,
après consonne et après voyelle : neru, nota, cornu, pernu,
pane, sonu
76
LES CONSONNES
Régiolecte central : cette consonne s’écrit N à l’initiale, après
consonne et après voyelle : nodu, nidu, scornu, vernacula,
pena, sanu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit N à l’initiale,
après consonne et après voyelle : nudu, natà, inguernu,
lana, spona
Remarque : dans la majeure partie du régiolecte septentrional, la
consonne [n] placée après voyelle entraîne une nasalisation de la
voyelle : pane [p’ãnè], cane [k’ãnè], lana [l’ãna], etc. L’écriture ne
tient pas compte de ce phénomène.
* [gne] comme dans « gnangnan »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GN à l’initiale
et après voyelle : gneri, gnocchi, pignotta, castagna
Régiolecte central : cette consonne s’écrit GN à l’initiale et
après voyelle : gneri, gnocchi, pagnu, muntagna
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit GN à l’initiale et
après voyelle : gneri, gnocchi, stagnu, pignatta.
* Remarque : la consonne [gne] ne peut pas apparaître après consonne.
Par ailleurs, après voyelle elle a tendance à se « dénasaliser » en
[ndj] dans le régiolecte septentrional : [munt’andja], [kast’andja],
etc. sur le modèle de ghjunghje, munghje, manghjà, etc. Si l’orthographe enregistre cette prononciation pour les verbes, elle ne le
fait pas pour les noms et les adjectifs. Aussi, des graphies comme
muntanghja, castanghja, panghju, etc. sont-elles erronées.
Fricatives : [f] [s] [che] [v] [z] [ge]
* [f] comme dans « fanfan »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit F à l’initiale et
après consonne : focu, festa, incalfà, disfà
Régiolecte central : cette consonne s’écrit F à l’initiale et après
consonne : fola, fughja, incalfà, malfidatu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit F à l’initiale et
après consonne : fatica, finestra, incalfà, malfatta.
77
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
* [s] comme dans « souci »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit S à l’initiale
(quand elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne
sourde) et après consonne : sera, sole, salute, scurdà si,
sfruttà, corsu, salsa, insegnà
Régiolecte central : cette consonne s’écrit S à l’initiale (quand
elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne sourde) et
après consonne : sarra, solu, sabbatu, scappà, sfacciatu,
cursinu, falsu, cunsiglià
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit S à l’initiale
(quand elle est suivie d’une voyelle ou d’une consonne
sourde) et après consonne : sognu, sarpu, saluta,
scapizzonu, sfaccindatu, mursicà, cursu, insista.
* [che] comme dans « chichi »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u
ou SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciatica, scioccu,
scimizia, scemu, pasce, usciu, cusciottulu, cuscinu,
cascetta
Régiolecte central : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u ou
SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciappà, sciroccu,
scimità, scempiu, pasciali, gusciu, cusciali, nosciu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit SCI + a, o, u
ou SC + i, e à l’initiale et après voyelle : sciuppà, sciuma,
scimmia, scemu, rascià, lascita, cascia, pisciu, fascia
* [v] comme dans « vivant »
Régiolecte septentrional : dans ce régiolecte cette consonne
n’existe pas à l’initiale et après consonne, elle existe après
voyelle et elle s’écrit F : stofa, tufone, lofia
Régiolecte central : cette consonne s’écrit V à l’initiale et après
consonne, elle s’écrit F après voyelle :
ventu, vinu, vittura, invitu, stalvatoghju, Calvi
stofa, tafonu, lofia
78
LES CONSONNES
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit V à l’initiale et
après consonne, elle s’écrit F après voyelle :
vigna, vuluntà, vaddi, viculu, invintà, cunventu
stofa, tafonu, lofia
* [z] comme dans « zig-zag »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit S après voyelle
et lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore :
casa, pusà, nasu, sgaiuffu, sdentatu, sbatte
Régiolecte central : cette consonne s’écrit S après voyelle et
lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore :
cosa, pisà, mesi, sgangaratu, sdinticatu, sbuttà
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit S après voyelle
et lorsqu’elle est suivie d’une consonne sonore :
pesu, musu, rasu, svintulata, sbuchjà, sgarbatu.
* [ge] comme dans « jeu »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit SGI + a, o,
u ou SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiotta,
misgiu, camisgia, brisgiolu
Régiolecte central : cette consonne s’écrit SGI + a, o, u ou
SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiucca, casgiu,
grisgiu, fasgiolu, brusgià
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit SGI + a, o, u ou
SG + i, e à l’initiale et après voyelle : sgiò, sgiucca, basgiu,
damisgiana, cusgia
Affriquées : [ts] [tche] [tj] [dz] [dge] [dj]
* [ts] comme dans « tsigane »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale et
après consonne : zucca, zappa, marzu, terzu
79
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Régiolecte central : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, après
consonne et après voyelle : zeppu, zocculu, forza, calzetta,
nazioni, prumuzioni
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale,
après consonne et après voyelle : zoppu, zuccaru, ziu,
calzittà, pinzutu, rilazioni, pusizioni.
Remarque : l’orthographe corse utilise le même signe (graphème)
pour rendre compte de deux sons différents : [ts] et [dz]. C’est certainement une faiblesse du système qui peut générer des incertitudes
et des flottements aussi bien dans l’écriture que dans la lecture de
certaines formes. En effet, le système phonologique septentrional
laisse entendre une consonne sonore [dz] là où les autres réalisent
une sourde [ts]. Le risque est de voire apparaître la double consonne
ZZ là où la consonne simple suffit.
* [tche] comme dans « tchétchène »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit CI + a, o, u
ou C + i, e à l’initiale et après consonne : cena, cele, cicala,
carciara, falcinu
Régiolecte central : cette consonne s’écrit CI + a, o, u ou C
+ i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : cera,
cennara, incirata, calcina, paci, foci
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit CI + a, o, u ou
C + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle : cetara,
ciudda, ciò, quarciu, parcittori, faci, cocia.
* [tj] à peu près comme dans « Mathieu »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : chjaru, chjamà,
marchjà, maschju, vechju, machja
Régiolecte central : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale,
après consonne et après voyelle : chjucu, chjarasgia,
marchjà, inchjudà, spechju, cuchjaru
80
LES CONSONNES
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit CHJ à l’initiale,
après consonne et après voyelle : chjavi, chjodu, chjinà si,
inchjostru, arichji, attrachju.
* [dz] comme dans « Dzaoudzi »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale,
après consonne et après voyelle : zanu, zinu, lonzu, orzu,
mezu, azezu
Régiolecte central : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, et après
consonne : zerri, zeru, pranzu, lonzu, orzu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit Z à l’initiale, et
après consonne : zanu, zini, zerri, orzu, lonzu.
* [dge] comme dans « Djerba »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GI + a, o, u ou
G + i, e à l’initiale, après consonne et après voyelle.
giallu, giovanu, giurnale, ginerale
argentu, margine
regione, regina, prigiò, pagina
Elle s’écrit CI + a, o, u ou C + i, e après voyelle lorsqu’elle
renvoie au son [tche] dans les deux autres régiolectes :
pace, face, puce, luce, macinà, mucidisce, coce.
Régiolecte central : cette consonne n’existe pas dans le système
phonologique du régiolecte central. On trouvera à la place
soit [tche] soit [dj] :
ciaddu, ciandarmu, ciuvanottu, cucinu
arghjentu, paghjina, prighjò, righjoni, righjina.
Régiolecte méridional : même commentaire que ci-dessus.
* [dj] à peu près comme dans « adieu »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle intérieure : ghjocu,
ghjudice, manghjà, punghje, paghju, maghju
81
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Elle s’écrit CHJ à l’initiale lorsqu’elle est précédée
d’une voyelle et qu’elle renvoie au son [tj] dans les deux
autres régiolectes : a chjave, u chjodu, u chjosu, a chjudenda etc.
Régiolecte central : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale,
après consonne et après voyelle : ghjacaru, ghjornu, sparghja, inghjennà, oghji, sulaghjolu
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit GHJ à l’initiale, après consonne et après voyelle : ghjilusia, ghjustra,
inghjò, inghjulià, coghju, pughjali.
Liquides : [l] [lje] [r]
* [l] comme dans « lilas »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit L à l’initiale,
après consonne et après voyelle : locu, lenza, cultura,
ciarlà, pala, mela
Régiolecte central : cette consonne s’écrit L à l’initiale, après
consonne et après voyelle : lionu, latti, parlà, Carlu, palu,
scalà
Régiolecte méridional : lana, lamaghja, sparlaccià, ascultà,
malignu
* Remarque : dans certaines variétés la consonne [l] a tendance à se
transformer en [r] (cf. chapitre 1). Afin de ne pas introduire de risques
de confusion (corpu « corps », corpu « coup » ; cardu « chardon »,
cardu « chaud », etc.), il est souhaitable de conserver le l d’origine
avec la possibilité de le prononcer autrement (variation orale libre).
C’est ce qui se pratique dans des cas d’amuïssement, principalement
au nord, lorsqu’on écrit mela, pala, culà alors que la consonne l
disparaît pratiquement de la prononciation.
Une particularité importante de la consonne [l] placée derrière la
sonore [b], c’est qu’elle empêche cette dernière de se transformer en
semi-consonne après une voyelle, à l’intérieur du mot.
82
LES CONSONNES
Cette propriété phonologique peut être mise à profit afin de simplifier l’orthographe. En effet, puisque la consonne [b] se prononce
obligatoirement si elle est suivie de [l] il est inutile de doubler le B
pour assurer sa prononciation : publicu, ubligà, ablativu, republica,
abluccà, etc.
[lje] comme dans « lieu »
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit GLI ; elle ne
peut apparaître qu’à l’intérieur du mot et après voyelle :
famiglia, moglia, butteglia, cunsigliu, muraglione,
paglietta
Régiolecte central : quand elle existe cette consonne s’écrit
GLI dans les mêmes conditions que ci-dessus.
Régiolecte méridional : cette consonne est rare dans le système
phonologique du régiolecte méridional. Toutefois, lorsqu’elle
apparaît elle s’écrit comme ci-dessus : cunsigliu, buttiglia,
cunigliu
En général le son [lje] est systématiquement remplacé par
[dd.] : famidda, padda, mudderi, buddettu, muradda,
spadda, etc.
Remarque : le son [lje] se transforme généralement en semi-consonne
[j] ([p’aja] [m’ója] [fam’ija], etc.) dans la zone nord ; l’orthographe
ne tient pas compte de cette particularité.
En revanche la graphie restitue d’autres prononciations comme famighja ou familla.
* [r] le son est « roulé » comme en italien.
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit R à l’initiale,
après consonne et après voyelle : risu, rimore, copre, altru,
core, tirà
Régiolecte central : cette consonne s’écrit R à l’initiale, après
consonne et après voyelle : rosula, raza, cotru, latru,
maiori, curà
83
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
Régiolecte méridional : cette consonne s’écrit R à l’initiale,
après consonne et après voyelle : risata, rustaghja, patronu,
crudu, suredda, maritu.
* Remarque : la consonne [r] a la propriété phonologique de neutraliser, à l’intérieur du mot, le changement d’une consonne sonore en
semi-consonne (ou son amuïssement). En effet, le système phonologique corse n’admet pas des séquences comme [wr] [jr] [yr]. Les
consonnes sonores susceptibles de se changer en semi-consonnes
après une voyelle sont : [b] [d] [g] [v].
Ces consonnes se maintiennent obligatoirement dans la prononciation si elles sont suivies de [r] ; cela nous permet de ne pas doubler
la consonne dans des mots comme libru, labru, abracciu, ebreiu,
ibridu, fabrica, uttobre, agrancatu, abrustulì, agradì, etc. et de ne
pas passer par la consonne sourde dans des mots comme madrigale,
quadrigliu, Avretu, muvra, muvrinu, calavrone, etc.
Cette solution nous semble cohérente car elle s’appuie essentiellement sur le système phonologique et nous évite de faire appel à
d’éventuelles formes étymologiques.
B. Les consonnes tendues
L’orthographe rend compte de la tension des consonnes en
doublant celles-ci dans l’écriture. Puisque le système orthographique
n’admet pas deux consonnes identiques en début de mot (l’usage
en a décidé ainsi), les doubles consonnes se trouveront toujours à
l’intérieur des mots et après voyelle.
Dans la mesure où l’écriture de ces consonnes est généralement
la même dans les trois régiolectes, nous les traiterons de manière
commune. Toutefois, nous apporterons quelques commentaires
relatifs à la différenciation graphique lorsque nous le jugerons
nécessaire.
Occlusives : [pp] [tt] [kk] [bb] [dd] [dd.] [gg]
* [pp]
Cette consonne s’écrit PP : tappu, scappà, coppa
84
LES CONSONNES
* [tt]
Cette consonne s’écrit TT : cottu, lettu, pattighjà
* [kk]
Cette consonne s’écrit CC + a, o, u ou CCH + i, e : rocca,
taroccu, tacchi, stecchi, stacche
* [bb]
Régiolecte septentrional : cette consonne s’écrit BB ou VV si
elle renvoie au son [vv] des autres régiolectes :
babbu, robba, sabbatu, debbitu, debbule, abbacinu
avvene, avvinghje, avvicinà si, avvilinà
Régiolectes central/méridional : cette consonne s’écrit BB :
abba, gabbia, rabbia, abbandunà, ubbidiscia.
Remarque : dans certains parlers la consonne tendue [bb] tend à se
« désonoriser » en [p] ; c’est la raison pour laquelle on rencontre des
formes comme sapatu, bapu, depuli, ropa, etc.
On peut interpréter cette orthographe comme une volonté du scripteur à signaler une particularité phonologique d’un parler ; toutefois,
il ne faut pas généraliser ce type d’écriture pour rendre compte du
son [bb] auquel cas on imposerait une prononciation [p] à ceux qui
ne sont pas concernés par le phénomène.
Sur ce point précis il serait bon que l’on écrive toujours BB et que la
prononciation [p] reste du domaine de la variation orale libre.
* [dd]
Cette consonne s’écrit DD : addiu, adduluratu, addurmintatu, adducà…
* [dd.]
Cette consonne n’existe pas dans le régiolecte septentrional. Ailleurs elle s’écrit DD : cavaddu, capeddi/capiddi,
middi, scoddu, moddu, tuvaddolu, piddà, scaddà, patedda,
padedda…
85
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
* [gg]
Cette consonne s’écrit GG : agguantà, agguainà si, agguattà,
aggalabbatu.
Nasales :
[mm] [nn]
* [mm]
Cette consonne s’écrit MM : mamma, cummare, ammintà,
cummentu, grammatica, ammanitu.
* [nn]
Cette consonne s’écrit NN : nanna, annannà, cannone, sonnu,
annu, annuncià, cunnutà, pannu, canna.
Fricatives : [ff] [ss] [vv]
* [ff]
Cette consonne s’écrit FF : staffa, goffu, muffa, raffica,
affari, soffre/a, suffrittu, affollu, diffamà.
* [ss]
Cette consonne s’écrit SS : rossu/russu, spassighjata, passu,
fossu, messa/missa, stessu, cuntessa.
* [vv]
Cette consonne n’existe pas dans le régiolecte septentrional.
Ailleurs elle s’écrit VV : avvedaci, avveda si, avvilinà, avvena,
avvinimentu, avvià si.
* Affriquées : [tts] [ttche]
* [tts]
Cette consonne s’écrit ZZ : azzione/i, pozzu/puzzu, razza,
pazzia, pezzu, mazzulu, cazzarola.
* [ttche]
Cette consonne s’écrit CCI + a, o, u ou CC + i, e : faccia,
stacciu, stracciatu, bracci, stucci, muccicosu
86
LES VOYELLES
* Liquides :
[ll] [rr]
* [ll]
Cette consonne, rare dans le régiolecte méridional, s’écrit LL :
ghjallina, collu, spalla, pullone, palla.
* [rr]
Cette consonne s’écrit RR : carrettu, porru, ferru, tarra,
currulà, merrula, sarrà, incurrà, zerri.
C. Les semi-consonnes
Les semi-consonnes sont des sons transitoires particuliers qui
représentent toujours le premier terme d’une diphtongue (dans le
cas inverse on aurait affaire à des semi-voyelles). Elles n’ont pas
de signe orthographique propre, c’est pourquoi elles sont représentées par une consonne ou une voyelle lorsqu’on les fait apparaître
dans la graphie.
* [w] comme l’anglais « want » ou l’arabe « oued »
Ce son est représenté par la consonne V dans :
uva [‘u-wa], livame [li-w’a-mè], lavà [la-w’a], scavà [ska-w’a],
spaventu [spa-w’èn-tu], etc.
Dans le régiolecte septentrional, il est la réalisation d’un B
intervocalique : tabaccu [ta-w’a-kku], dibattitu [di-w’a-tti-du],
etc.
Il est représenté par la voyelle U dans :
quandu [kw’an-du], quantu [kw’an-tu], acqua [‘a-kkwa], etc.
* [j] comme dans « pieu »
Ce son est représenté par I lorsqu’il est suivi des autres
voyelles :
più [pj’u], piaghja [pj’a-dja], piombu [pj’òm-bu], pienu
[pjè-nu], etc.
87
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
* [y] comme dans « huit »
Ce son est représenté par la consonne V lorsque celle-ci se
trouve devant la voyelle [i] :
ovi [‘ó-yi], novi [n’ó-yi], nuvità [nu-yi-t’a], aviò [a-yi-’ò],
chjavi [tj’a-yi], etc.
Il est représenté par la voyelle U lorsque celle-ci se trouve
devant la voyelle [i] :
quì [ky’i], quillu [ky’i-llu], cinqui [tch’in-kyi], etc.
II. LES VOYELLES
Les sept sons vocaliques du corse (voire huit si on considère le
son [æ] qui apparaît dans certains contextes au nord) sont représentés par les cinq signes graphiques suivants : A E I O U. Cela
veut dire que, contrairement au français par exemple, aucun signe
« diacritique » n’est utilisé pour rendre compte de l’aperture des
voyelles moyennes. Aussi le graphème E renvoie-t-il aux sons [è]
[é], et le graphème O aux sons [ò] [ó].
Cela s’explique par la diversité dialectale qui veut qu’on
prononce « ouvert » dans une variété quand on prononce « fermé »
dans d’autres.
Dans le domaine de l’écriture des voyelles, la diversité dialectale est respectée quand les signes graphiques le permettent. Ainsi
pourra-t-on écrire seccu et siccu ; fretu et fritu ; esse et essa ;
dinò, dinù et danò ; onore, unore, onori et anori ; perchè et
parchì, etc.
En revanche, ne disposant pas de signe pour écrire le son [æ]
qui existe dans le régiolecte septentrional, on aligne l’écriture
sur les autres régiolectes : carne et non cherne, partutu et non
pertutu, piaghja et non pieghja etc.
Dans certains mots on utilise soit la voyelle E soit la voyelle
A : bellu, ferru, terra, serra, bracciu, impiastru, cardu,
stracciu, etc.
88
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
Au terme de ce regard panoramique sur la transcription orthographique des sons du corse, nous sommes en mesure de donner
la liste des signes graphiques qui composent l’alphabet spécifique
corse (u santacroce, u salteriu/saltere) :
ABCDEFGHIJLMNOPQRSTUVZ
Ce sont ces 22 graphèmes qui, seuls ou combinés, vont nous
permettre d’écrire le corse.
Il nous faut également retenir les éléments suivants :
– le signe J n’apparaît que dans les trigrammes CHJ et GHJ.
Sa fonction est de permettre une prononciation palatale des
consonnes appelées inchjaccatoghji.
– le signe H sert à identifier les verbes essa/e et avè à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent (hè, hà). Il sert
également à former les digrammes CH et GH devant les voyelles
e et i afin d’assurer le caractère occlusif de la consonne.
Le signe H apparaît aussi dans les trigrammes CHJ et GHJ.
– le signe I sert à former, d’une part, les digrammes CI et GI et,
d’autre part, les trigrammes SCI et SGI afin que la prononciation
palatale soit assurée devant les voyelles a, o, u. Dans cette situation précise le signe I n’est pas à considérer comme une voyelle,
d’autant qu’il ne se prononce pas.
Toutefois, il existe des cas où le I perd son statut de simple
signe et se transforme en véritable voyelle pour marquer un
pluriel : u pesciu > i pesci, u casgiu > i casgi, etc.
III. LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
Comme nous le disions plus haut, l’orthographe corse n’utilise
pas de signe particulier pour marquer l’aperture des voyelles. Elle
n’utilise pas davantage de signes pour marquer la place de l’accent
tonique dont on sait qu’il peut occuper plusieurs positions : dernière
syllabe (formes oxytoniques), avant-dernière syllabe (formes
paroxytoniques), antépénultième (formes proparoxytoniques).
C’est peut-être une faiblesse au plan de la précision phonologique
89
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
mais c’est aussi une manière d’éviter une multiplication complexe
des signes diacritiques.
Le seul signe diacritique qui apparaisse est un accent (l’aletta,
toujours grave dans sa forme) dont la fonction est directement
associée au phénomène de la mutation consonantique. Ce choix
graphique s’appuie donc exclusivement sur ce phénomène phonologique important.
En conséquence l’accent graphique signalera une voyelle
susceptible de précéder une consonne mutante (cambiarina) afin
que celle-ci soit correctement prononcée. C’est pourquoi l’accent
graphique apparaîtra toujours sur une voyelle finale qui conditionnera la prononciation « forte » d’une consonne mutante qui pourrait suivre (pour simplifier nous emploierons « fort » et « faible »
pour caractériser la prononciation des consonnes mutantes. Pour
plus de précisions cf. chapitre 2).
Dès lors, tous les mots (verbes, noms, prépositions, etc.)
polysyllabiques et monosyllabiques qui admettent à leur suite
la présence d’une consonne dont la prononciation doit être forte
portent un accent graphique sur leur voyelle finale. On peut dire
que l’accent graphique a une fonction préventive ou anticipatoire.
L’absence d’accent graphique est toujours associée à une
prononciation faible de la consonne mutante qui suit.
Par exemple, si on accentue le -à final de l’infinitif manghjà, ce
n’est pas pour signaler que l’accent tonique de ce verbe se trouve
sur la dernière syllabe (c’est ici une coïncidence), mais c’est bien
en prévision d’une situation qui imposerait une prononciation forte
d’une consonne mutante consécutive : manghjà ci un buccone,
manghjà pianu, manghjà figatellu, etc. où les consonnes seront
prononcées respectivement [ttche] [pp] [ff].
Si la fonction de l’accent graphique était d’indiquer la place de
l’accent tonique (fonction contrastive), il n’y aurait aucune raison
pour que les autres mots soient exclus de cette préoccupation,
notamment les proparoxytons (sguilluli) qui, à la lecture, peuvent
poser des problèmes de prononciation.
90
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
Il nous faut donc être bien conscients que l’utilisation de
l’accent graphique doit signaler exclusivement la présence
toujours possible d’une consonne mutante qu’il faudra prononcer
« forte ».
Il nous reste à savoir quels sont les mots qui demandent un
accent graphique sur leur voyelle finale.
Un premier groupe peut être constitué par les mots dont l’accent
tonique frappe la dernière syllabe (mots oxytons). Dans ce cas il
y aura toujours coïncidence entre la place de l’accent graphique et
la place de l’accent phonologique. On peut compter parmi ceux-ci
les verbes dont les désinences de l’infinitif sont toniques (verbes
arhizotoniques) : cantà, parlà, pudè, vulè, capì, finì, etc. On peut
y ajouter tous les noms à forme oxytonique (tronchi) comme cità,
vuluntà, camiò, aviò, virtù, ghjuventù, etc.
Un autre groupe de mots qui demandent l’accent graphique est
à chercher parmi les formes « homonymiques ». Ce sont généralement des monosyllabes (curtaghjoli di sumiglia). Ce domaine,
dans lequel coexistent de nombreuses formes accentuées ou
atones, fait l’objet de divers choix orthographiques qu’il est bon
de connaître. C’est sur ce domaine, parfois jugé épineux, que nous
nous pencherons plus particulièrement.
L’homonymie suppose des sons identiques pour des sens
différents. On utilisera l’accent graphique pour distinguer les
homonymes à finale vocalique qui appellent une prononciation
« forte » des consonnes mutantes des homonymes qui entraînent,
au contraire, une prononciation « faible » de ces mêmes consonnes.
Dans ce cas l’accent aura une fonction « phonologique ».
Éventuellement on utilisera l’accent graphique pour distinguer
des homonymes à finale consonantique au plan de leur fonction
grammaticale. Dans ce cas l’accent aura une fonction essentiellement « morphologique ».
Nous présentons, ci-dessous, ces différentes formes dans l’ordre
alphabétique. Bien entendu, nous partirons toujours d’une forme
phonique pour arriver à sa forme orthographique.
91
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
* [a]
Graphies possibles : hà, à, a.
– hà : c’est la troisième personne du singulier du verbe avè
(avoir) conjuguée au présent de l’indicatif. Le signe h a ici une
fonction morphologique. Cette forme est tonique et entraîne une
prononciation forte de la consonne qui suit : hà fattu, hà vutatu,
hà chjamatu…
– à : c’est une préposition tonique qui conditionne la prononciation forte de la consonne suivante : ci vole à vutà, l’hà ditta à
Ghjuvanni…
– a : c’est l’article féminin singulier non-tonique ; il détermine une prononciation faible de la consonne suivante : a casa, a
festa…
– a : c’est le pronom féminin complément singulier ; non-tonique, il appelle une prononciation faible de la consonne suivante :
sta zitedda, a vicu mali ; a cena, a facciu eiu…
* [bò]
Graphies possibles : vò, vo (régiolecte septentrional)
– vò : il s’agit de la première personne du singulier du verbe
andà à l’indicatif présent : vò pianu.
Cette forme est tonique et entraîne une prononciation forte de
la consonne qui suit.
– vo : c’est la forme élidée de voi, pronom personnel de la 2e
personne du pluriel : quant’è vo dite.
C’est une forme atone qui détermine une prononciation faible
de la consonne qui suit.
* [kè]
Graphies possibles : chè, ch’è, ch’e.
– chè : c’est une conjonction (régiolecte septentrional) qui
marque la comparaison : hè più bravu chè tè.
Son équivalent de la zone sud est cà. C’est une forme tonique.
92
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
– ch’è : c’est l’association de la conjonction élidée chì et de
l’explétif è : ci vole à dì ch’è tù sì forte.
Dans tous les cas on peut la remplacer par la seule forme chì :
ci vole à dì chì tù sì forte.
– ch’e : il s’agit de la conjonction élidée chì suivie de la forme
élidée du pronom personnel eiu : ci voli ch’e parli u primu.
* [da]
Graphies possibles : dà, da, d’a.
– dà : il s’agit du verbe dà (donner) :
a/ à l’infinitif : ci voli à dà tuttu.
b/ à la 3e personne du singulier de l’indicatif présent : l’aliva
dà l’oliu.
c/ à la 2e personne de l’impératif : dà qui !
Les trois formes sont toniques et appellent une prononciation
forte de la consonne qui suit.
– da : c’est une préposition : hè ghjuntu da paese, campa
luntanu da mè, hè mortu da a paura, etc.
Cette forme est atone ; la consonne qui suit est prononcée
faible.
– d’a : c’est l’association de la préposition élidée da qui
précède l’article défini féminin singulier : ghjunghje d’a piaghja.
Il est toutefois préférable d’écrire da a.
* [di]
Graphies possibles : dì, di.
– dì : il s’agit :
a/ du verbe dì (dire) à l’infinitif : ci vole à dì tuttu.
b/ du verbe dì à la 2e personne de l’impératif : ùn dì tuntie.
c/ du nom masculin synonyme de ghjornu que l’on trouve dans
l’expression « bon dì è bon annu »
Ce sont des formes toniques qui déterminent une prononciation
forte de la consonne qui suit.
93
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
– di : c’est une préposition atone qui entraîne la prononciation
faible de la consonne qui suit : u paesi di babbu.
* [è]
Graphies possibles : hè, è, e.
– hè : c’est la troisième personne du verbe esse/essa (être)
conjuguée au présent de l’indicatif. Comme pour le verbe
auxiliaire précédent le signe h revêt une fonction morphologique.
Cette forme est tonique et entraîne une prononciation forte de la
consonne qui suit : hè vinutu, hè finitu…
– è : il s’agit de la conjonction de coordination ; elle est tonique
et appelle une prononciation forte de la consonne qui suit : sò
frateddu è suredda, acqua è ventu…
– e : c’est l’article féminin pluriel (régiolecte septentrional) ;
atone, il entraîne une prononciation faible de la consonne qui suit :
e donne, e fate…
– e : c’est le pronom complément féminin (régiolecte septentrional) ; atone, il appelle une prononciation faible de la consonne
qui suit : ste faccende e facciu eiu, e dice è e face…
* [fa]
Graphies possibles : fà, fa.
– fà : cette forme représente :
a/ l’infinitif du verbe fà (faire) : ci voli à fà pianu.
b/ la 2e personne de l’impératif de ce même verbe : fà ciò ch’è
tù voli ! Ces deux formes sont toniques.
– fa : cette forme exprime l’action passée : l’aghju fattu deci
ghjorni fa.
* [indè]
Graphies possibles : ind’è, ind’e, inde.
– ind’è : c’est l’association de la préposition élidée indu et de
l’explétif è : vengu ind’è tè s’è tù veni ind’è mè.
94
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
Cette forme a toujours le sens de « chez » ; elle est tonique et
conditionne la prononciation forte de la consonne qui suit.
– ind’e : c’est la préposition élidée indu suivie de l’article
féminin pluriel e (régiolecte septentrional) : hà e mani ind’e
stacche. Cette forme a toujours le sens de « dans » ; elle est
atone.
– inde : c’est la forme, atone, que prend la préposition in
lorsqu’elle est suivie d’un déterminant consonantique : l’acellu
canta inde l’arburu, mi sò stracquatu inde l’erba, l’aghju lettu
inde stu libru.
Il s’agit en fait de l’adjonction d’une particule euphonique atone
[de] qui vient se coller à la préposition in et qui évite la prononciation difficile de certaines suites consonantiques [nl], [nst].
* [mè]
Graphies possibles : mè, m’hè, me.
– mè : c’est le pronom personnel complément de première
personne : tocca à mè di ghjucà ? Il est tonique.
– m’hè : c’est l’association du pronom personnel mi élidé qui
précède le verbe essa à la 3e personne du singulier de l’indicatif
présent : m’hè andata ancu bè.
– me : c’est la forme atone de l’adjectif possessif de première
personne. Dans le régiolecte méridional cette forme se distingue
oralement des autres par son e fermé [é] : u me libru, a me casa.
* [mi]
Graphies possibles : mì, mi.
– mì : il s’agit de l’impératif interjectif du verbe mirà
(regarder) ; c’est une forme tonique : mì tamant’omu !
– mi : c’est le pronom réfléchi de première personne ; il est
atone : mi vestu è vengu.
* [nè]
Graphies possibles : nè, n’hè, ne.
95
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
– nè : c’est une conjonction négative : ùn aghju nè fame nè
sete ; elle est tonique et entraîne une prononciation forte de la
consonne qui suit.
– n’hè : c’est l’association du pronom élidé ne suivi du verbe
essa au présent de l’indicatif, 3e personne du singulier : quantu
n’hè vinutu parsoni ? C’est une forme tonique.
– ne : cette forme représente :
a/ un pronom (régiolecte septentrional) : quantu ne voli ?
b/ une particule euphonique : andemu ci ne in casa.
* [nò]
Graphies possibles : nò, no.
– nò : c’est l’adverbe de négation : quandu dicu nò, hè nò !
Cette forme est tonique.
– no : avec un o ouvert [ò] c’est le pronom personnel pluriel
de première personne utilisé dans le régiolecte septentrional :
piombu, quant’è no simu ! C’est une forme atone élidée issue de
noi.
Dans la zone sud ce pronom se prononce avec un o fermé [nó].
* [pó]
Graphies possibles : pò, po.
– pò : c’est la 2e et la 3e personne du singulier du verbe pudè
(pouvoir) à l’indicatif présent : s’è tù pò falà, fala. S’ellu pò vene,
vinarà.
Les deux formes sont toniques et entraînent une prononciation
forte de la consonne qui suit.
– po : il s’agit de la forme élidée de l’adverbe poi : tù fà cusì,
po vidaremu. C’est une forme atone.
* [sè]
Graphies possibles : s’hè, s’è, s’e, sè, se.
96
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
– s’hè : il s’agit de l’association du pronom réfléchi si élidé
et du verbe esse/essa conjugué à la 3e personne du singulier du
présent de l’indicatif : s’hè fattu mali.
– s’è : il s’agit de l’association de la conjonction sì élidée et de
l’explétif è. L’explétif è étant tonique, il détermine la prononciation forte de la consonne qui suit : s’è tù dici cussì !
– s’e : sous cette forme la conjonction sì élidée précède le
pronom personnel eiu élidé. Le pronom étant atone, la consonne
qui suit se prononce faible : s’e vengu.
– sè : il s’agit de la forme forte du pronom réfléchi : faci tuttu
da par sè.
– se : cette forme non-accentuée se distingue, à l’écrit, de la
précédente. Elle représente la 2e personne du verbe essa conjugué
au présent et qu’on entend généralement dans la zone sud. Toutefois, cette forme présente un e fermé [é] qui, à l’oral, évite toute
confusion.
La forme méridionale élidée se est atone car elle est issue de
la forme sei ; elle entraîne donc une prononciation faible de la
consonne qui suit : se ghjuntu [sé j’untu].
* [si]
Graphies possibles : sì, si.
– sì : cette forme, tonique, représente :
a/ la 2e personne du singulier du verbe esse au présent (régiolecte septentrional) : sì ghjuntu.
b/ la conjonction : sì tù voli.
c/ l’adverbe d’affirmation : ti dicu di sì.
– si : cette forme, atone, représente :
a/ le pronom réfléchi de 3e personne : si lava.
b/ un impersonnel : si face ciò ch’ellu si pò.
c/ un explétif : beie si una butteglia di vinu.
* [sò]
Graphies possibles : sò, s’o, so.
97
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
– sò : cette forme, tonique, représente :
a/ la première personne du singulier du verbe esse au présent
(régiolecte septentrional) : sò venutu.
b/ la troisième personne du pluriel du même verbe au présent
(tous régiolectes) : sò vinuti.
c/ la première personne de l’indicatif présent du verbe sapè
(régiolecte septentrional) : sò fà tuttu !
Il nous faut signaler que, malgré l’unification graphique, la
zone sud présente une forme atone pour la première personne
du verbe essa ; la prononciation de la consonne qui suit est donc
faible car elle fonctionne comme la forme élidée de socu. On fera
la différence entre [sòwin’utu] « je suis venu » et [sòvvinuti] « ils
sont venus ».
– s’o : c’est l’association de la conjonction sì et du pronom
personnel sujet de 1re personne eo élidé, en usage dans le régiolecte septentrional : ci vengu s’o possu.
– so : dans la zone sud, cette forme atone se distingue oralement des autres par son o fermé [ó]. Elle représente partout la
troisième personne, singulier et pluriel, de l’adjectif possessif :
u so frateddu, i so fratedda
* [sta]
Graphies possibles : stà, sta.
– stà : cette forme peut représenter :
a/ l’infinitif du verbe stà (rester) : ci vole à stà quì.
b/ la 3e personne du singulier de ce même verbe à l’indicatif
présent : ellu stà vicinu à mè.
c/ la 2e personne de l’impératif : stà chetu !
Ces formes sont toniques et entraînent une prononciation forte
de la consonne qui suit.
– sta : c’est l’adjectif démonstratif féminin singulier : a vedi
sta bella zitella ? C’est une forme atone.
98
LE RÔLE DE L’ACCENT GRAPHIQUE
* [tè]
Graphies possibles : tè, t’hè.
– tè : cette forme peut représenter :
a/ la 2e personne de l’impératif du verbe tena/e : tè, piglia sti
soldi !
b/ la forme forte du pronom réfléchi : l’aghju fatta par tè, è
par tè solu.
* [un]
Graphies possibles : ùn, un.
– ùn : avec l’accent graphique il désigne un adverbe de négation : ùn vogliu micca.
– un : sans l’accent graphique il désigne l’article indéfini
masculin : un ghjornu, un fattu.
* [vò] [vó]
Graphies possibles : vò, vo (régiolectes centr./mérid.)
– vò : avec o ouvert [vò] c’est la première personne du singulier
du verbe andà à l’indicatif présent : vò pianu. C’est une forme
tonique.
– vo : avec o fermé [vó] c’est la forme élidée de voi qu’on
utilise dans la zone zud : vo seti sempri pronti à minà.
Les adverbes quantu, tamantu, comu/cumu ainsi que la
conjonction quandu prennent souvent appui sur la particule explétive « è » (qui n’a aucun rôle grammatical). Cette particule, que
nous avons déjà rencontrée plus haut, est toujours isolée et tonique ;
elle entraîne la prononciation forte de la consonne qui suit :
Quant’è tù dici, o filicò !
Quissu hè tamant’è un boiu.
Bravu com’è tè ùn ci n’hè più.
Ci andemu quand’è vo vuleti.
Il nous faut signaler que certaines variétés du régiolecte
septentrional emploient la forme come à voyelle finale atone ; la
consonne qui suit est donc prononcée « faible ».
99
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
IV. L’ÉCRITURE DES MONOSYLLABES ATONES
DERRIÈRE LES FORMES VERBALES
Certains monosyllabes atones comme les pronoms personnels
ou les particules explétives (mi, ti, si, ci, vi, si), les pronoms
compléments complets (lu, la, li, le), le pronom complément datif
li, l’adverbe de lieu ci, le pronom adverbial ne/ni, se trouvent
souvent placés derrière une forme verbale. Ce sont généralement
des verbes à l’infinitif et à l’impératif.
A. Après une forme verbale accentuée
Dans ce cas l’usage révèle deux graphies concurrentes : l’une
sépare le verbe du monosyllabe atone, l’autre soude l’un à l’autre
en doublant la consonne initiale du monosyllabe.
Mi ne vò à fà mi un giru.
fammi
Ci vole à lavà si.
lavassi
Ci vole à pacà li subbitu.
pacalli
Cumu fate à stà ci quì ?
stacci
Dà ci un pezzu di pani.
dacci
Và ci tù in stu puzzicheghju.
vacci
Fà lu cun cura.
fallu
Stà mi vicinu.
stammi
Les deux graphies sont légitimes et ne semblent pas pouvoir
faire l’objet d’un choix exclusif.
Toutefois, pour des raisons purement didactiques il nous paraît
plus opportun de séparer les monosyllabes afin de mieux les identifier dans leur fonction grammaticale.
Cela nous semble d’autant plus cohérent que nous pouvons
avoir deux monosyllabes à la suite. Dès lors, il est plus simple de
les isoler pour les mêmes raisons didactiques :
– dà mi ni unu ancu à mè.
– ci voli à piddà li ni dui o trè.
– fà li ne torna duie o trè.
100
L'ÉCRITURE DES MONOSYLLABES ATONES DERRIÈRE LES FORMES VERBALES
– ci vole à piglià ti la cun tè stessu.
B. Après une forme verbale non-accentuée
Lorsque la forme verbale n’est pas accentuée, l’usage laisse
apparaître diverses solutions : soit on soude le ou les monosyllabes
au verbe, soit on soude le premier et on sépare le second, soit on
sépare le tout :
– cantemucine una
– andemucine subbitu
– cantemuci ne una
– andemuci ne subbitu
– cantemu ci ne una
– andemu ci ne subbitu
– auguremucila bona
– eccutili quì
– auguremuci la bona
– eccuti li quì
– auguremu ci la bona
– eccu ti li quì
Dans ce cas aussi la différenciation graphique présente l’avantage
de diminuer les risques d’erreur ; toutefois, la solution qui consiste
à séparer toutes les formes nous semble la plus intéressante du point
de vue de la simplicité et de la rentablité didactique.
V. LES LOCUTIONS ADVERBIALES ET
PRÉPOSITIVES
La différenciation graphique concerne également certaines
locutions adverbiales et prépositives dont la construction suppose
l’apparition de prépositions ou de conjonctions. On peut y voir
aussi des formes agglutinantes ou, au contraire, analytiques :
eppuru
è puru
eppo
è po
sippuru
sì puru
annantu
à nantu
abbastabza
à bastanza
addossu
à dossu
avveru
à veru
soprattuttu
sopra à tuttu
101
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
piuttostu
ghjustappuntu
altrettantu
pressapocu
appena
mancappena
nemmenu
nemmancu
ingiru à
accantu
più tostu
ghjustu à puntu
altru è tantu
pressu à pocu
à pena
mancu à pena
nè menu
nè mancu
in giru à
à cantu…
VI. LA POLYNOMIE ORTHOGRAPHIQUE
Si le caractère polynomique du corse apparaît à travers une
variation linguistique reconnue et jugée naturelle, il est tout à
fait logique que l’orthographe enregistre et restitue la polynomie
corse. On pourra ainsi avoir diverses orthographes pour un seul
mot, orthographes qui renvoient à des prononciations différentes
ou à des choix différents.
Nous avons vu comment cela est possible dans le domaine
vocalique (siccu/seccu, pilu/pelu, cruci/croci/croce, etc.), dans
le domaine consonantique (famidda/familla/famiglia/famighja ;
pulenta/pulenda ; squassà/sguassà ; cusì/cussì, etc.), dans le
domaine morphologique (cantemu/cantemi/cantimu, parlanu/
parlini/parlenu, lavà si/lavassi, etc.).
Mais il existe d’autres phénomènes qui donnent lieu à variation
et que l’orthographe enregistre :
– assimilation : carne — carri
cisterna — cistarra
fornu — furru/forru…
– dissimilation : nudda — nunda
allora — andora
micca — minca…
– métathèse :
burla — brulla
102
LA POLYNOMIE ORTHOGRAPHIQUE
– prothèse :
– épenthèse :
– épithèse :
– aphérèse :
– syncope :
canaletta — calanetta
strampalatu — stralampatu
dorme/a — dromma
frittella — firtella…
cucinà — scucinà
cunvince — scunvince
bastà — abbastà
scioglie — discioglie
scopre — discopre…
straurdinariu — strasurdinariu
solamente — soladimente
francamente — francadimente
camara — cambara…
rota — rotula
cunigliu — cunigliulu
prasca — prascula
ciuffu — ciuffulu…
idea — dea
amministrà — ministrà…
spiritu — spirtu/spirdu
periculosu — priculosu…
Cette diversité orthographique ne représente pas une difficulté
en soi si on considère que nous avons affaire à un contexte tout
à fait particulier : la polynomie. L’individu habitué à la diversité
linguistique n’a en effet aucun mal à gérer la diversité orthographique car celle-ci est appréhendée comme une réponse naturelle
à la variation.
Il n’en va pas de même dans des contextes normalisés autour de
la notion de « norme unique » qui vise l’uniformisation linguistique et orthographique : un seul mot reconnu correct, une seule
forme orthographique reconnue légitime.
Il est clair que le système « à la française » que l’école nous
a inculqué ne nous prédispose pas au système polynomique « à
103
L’ORTHOGRAPHE DU CORSE
la corse » (c’est ce qui explique certaines réactions parfois virulentes), mais il faut bien comprendre que le corse a fait l’objet
d’un choix de normalisation qui a ses propres règles, logiques et
cohérentes, que nous pouvons assimiler et maîtriser sans problème
dans le cadre d’un apprentissage organisé.
VII. PLURIEL DES DIPHTONGUES FINALES
De nombreux mots se terminent par une diphtongue :
eserciziu, viziu, laziu, coppiu, cappiu, studiu, oliu, nutizia,
narpia, gabbia, nebbia, rabbia, etc.
Rappelons que, dans une syllabe, la diphtongue est toujours
formée par une semi-consonne suivie d’une voyelle (diphtongue
ascendante) ou par une voyelle suivie d’une semi-voyelle
(diphtongue descendante). La différence entre semi-consonne et
semi-voyelle est d’ordre terminologique et reste liée à la position
prévocalique ou post-vocalique, la voyelle constituant pour sa part
le « sommet » de la syllabe. Par exemple, dans più nous avons une
diphtongue ascendante car elle est formée par une semi-consonne
[j] suivie d’une voyelle [u] ; dans mai nous avons une diphtongue
descendante car la voyelle [a] précède la semi-voyelle [i].
Dès lors, il ne faut pas confondre avec les mots qui se terminent
par un hiatus (deux voyelles contiguës qui appartiennent à deux
syllabes différentes), voire une seule voyelle. Les mots ziu, diu,
ghjilusia, curtesia, etc. présentent des hiatus (les deux voyelles
finales sont distinctes et appartiennent à deux syllabes différentes) ;
les mots pesciu, casgiu, cunigliu, brocciu, famiglia, moglia,
cascia, camisgia, faccia, etc. présentent une seule voyelle finale (le
signe i n’existe que dans l’orthographe et absolument pas dans la
prononciation).
Pour ce qui concerne la forme orthographique du pluriel des noms
à diphtongue finale, elle s’aligne sur le pluriel des noms terminés
par un hiatus : la voyelle finale qui marque le genre et le nombre
du singulier est remplacée par la voyelle qui marque le genre et le
104
PLURIEL DES DIPHTONGUES FINALES
nombre du pluriel. En règle générale les noms corses se terminent
par une diphtongue ascendante (semi-consonne + voyelle).
MASCULIN
RÉG. SEPTENTRIONAL
eserciziu
viziu
laziu
coppiu
cappiu
studiu
oliu
esercizii
vizii
lazii
coppii
cappii
studii
olii
CENTRAL/MÉRIDIONAL
esercizii
vizii
lazii
coppii
cappii
studii
olii
FÉMININ
RÉG. SEPTENTRIONAL
ingurdizia
nutizia
storia
narpia
gabbia
nebbia
rabbia
ingurdizie
nutizie
storie
narpie
gabbie
nebbie
rabbie
CENTRAL/MÉRIDIONAL
ingurdizii
nutizii
storii
narpii
gabbii
nebbii
rabbii
Il en va donc de même pour les noms qui se terminent par deux
syllabes en hiatus :
diu
> dii
ziu
> zii
zia
> zie/zii
spia
> spie/spii
ghjilusia
> ghjilusie/ghjilusii
curtesia
> curtesie/curtasii
abbazia
> abbazie/abbazii, etc.
Quant aux noms à finale -sciu/a, -sgiu/a, -ciu/a, -giu/a,
-gliu/a qui ont besoin, au singulier, du signe i pour s’assurer une
105
prononciation palatale, ils utiliseront uniquement la voyelle qui
marque le pluriel dans la mesure où celle-ci permet aussi une
prononciation palatale.
basgiu
casgiu
lisciu
brocciu
ragiu
cunigliu
cunsigliu
cascia
coscia
camisgia
faccia
> basgi
> casgi
> lisci
> brocci
> ragi
> cunigli
> cunsigli
> casce/casci
> cosce/cosci
> camisge/camisgi
> facce/facci
L’usage orthographique laisse apparaître une exception dans
le pluriel des noms féminins en -glia relatif au régiolecte septentrional, où on remarque le maintien de la voyelle i :
a famiglia
a sumiglia
a canaglia
a quaglia
etc.
> i famigli
> i sumigli
> i canagli
> i quagli
mais
mais
mais
mais
e famiglie
e sumiglie
e canaglie
e quaglie
CHAPITRE 4
CLASSIFICATION VERBALE
La place de l’accent tonique représente le critère principal que
nous utilisons pour classer les verbes corses ; cela nous permet de
distinguer deux grands groupes :
1. le groupe des verbes arhizotoniques qui portent l’accent sur
la désinence de l’infinitif : cantà, pudè, capì, etc.
2. le groupe des verbes rhizotoniques qui portent l’accent sur le
radical : vende/a, sparte/a, dorme/a, etc.
Chacun de ces deux groupes peut ensuite se décomposer en
classes sur la base de critères particuliers que nous verrons plus
avant.
Nous proposons dans ce chapitre l’identification et la description des différentes classes et sous-classes verbales ainsi que les
tableaux de conjugaison relatifs à chacune d’entre elles. Les verbes
seront toujours conjugués aux temps simples et les désinences
refléteront, autant que possible, la diversité linguistique corse.
I. LES VERBES ARHIZOTONIQUES
Nous pouvons d’ores et déjà constituer trois classes sur la base
de la voyelle tonique finale :
– les verbes en -à
– les verbes en -è
– les verbes en -ì
A. La classe des verbes en -à
Cette classe très riche demande la constitution de sous-classes
fondée sur le critère principal de la régularité.
109
CLASSIFICATION VERBALE
1. Les verbes réguliers
Ce sont les verbes du type parlà, cantà, pusà, nittà, etc. pour
lesquels il suffit de remplacer la désinence de l’infinitif par les désinences relatives aux temps et aux modes que l’on veut utiliser.
De nombreux verbes de cette classe laisseront apparaître, dans
les variétés linguistiques concernées, le phénomène de l’alternance
vocalique (apophonie) qui n’est pas à considérer comme une irrégularité.
* Conjugaison régulière : verbe parlà
MODE/TEMPS
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
parlatu
parlatu
PARTICIPE PRÉSENT
parlendu
parlendu
GÉRONDIF
parlendu
parlendu
parlu
parli
parla, e
parlemu, imu
parlate
parlanu, enu
parlu
parli
parla
parlemu, emi
parleti
parlani, ini
parlava, avu
parlavi
parlava, ave
parlavamu
parlavate
parlavanu, avenu
parlava, avu, aia, aiu
parlai
parlava, aia
parlaiami
parlaiati
parlaiani
parlai
parlasti
parlò
parlaimu
parlaste
parlonu
parleti
parlesti
parlò, parleti
parletimi
parlesti
parletini, parlonu
INDICATIF PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
110
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
parleraghju
parlerai
parlerà
parleremu
parlerete
parleranu
parlaraghju
parlarè
parlarà
parlaremu, aremi
parlareti
parlarani
parleria, eriu
parlerii, eristi
parleria, erie
parleriamu
parleriate
parlerianu, erienu
parlaria, ariu
parlarii, aristi
parlaria
parlariami
parlariati, aristi
parlariani
parlerebbi, eribbe
parleresti
parlerebbe, eribbe
parlerebbimu,
eribbemu
parlereste
parlerebbenu,
eribbenu
parli
parli
parli, e
parlimu
parlite
parlinu, enu
parli
parli
parli
parlimi
parliti
parlini
parlassi, essi
parlassi, essi
parlassi, essi
parlassimu, essimu
parlassite, essite
parlassinu, essinu
parlessi
parlessi
parlessi
parlessimi
parlessiti
parlessini
parla
parlemu, imu
parlate
parla
parlemu, emi
parleti
111
CLASSIFICATION VERBALE
2. Les verbes irréguliers
Nous fondons la notion d’ irrégularité sur les changements de
désinences à certains temps et à certaines personnes, d’une part, et
sur l’apparition d’un infixe, d’autre part.
a. Désinences irrégulières
L’irrégularité relative aux désinences concerne les verbes fà,
stà, dà, andà.
Conjugaison irrégulière : verbe fà
MODE/TEMPS
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
fattu
fattu
PARTICIPE PRÉSENT
facendu, fendu
fendu
GÉRONDIF
facendu, fendu
fendu
INDICATIF
facciu
fai, faci
face
femu
fatew
facenu, fanu
facciu, focciu, focu
faci
faci
femu, femi
feti
facini, fani
facia, faciu
facii
facia
faciamu
faciate
facianu
facia, faciu
facii
facia
faciami
faciati
faciani
feci
facesti, facisti
fece
fecimu
faceste, faciste
fecenu
feci
facisti
feci
fecimi
facisti
fecini
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
112
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
1RE FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
2E FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
feraghju
ferai
ferà
feremu
ferete
feranu
faraghju
farè
farà
faremu, faremi
fareti
farani
feria
feristi, ferii
feria, ferie
feriamu
feriate, feriste
ferianu, farienu
faria
farii, faristi
faria
fariami
fariati
fariani
ferebbi, feribbe
feresti
ferebbe, feribbe
ferebbemu, feribbemu
fereste
ferebbenu, feribbenu
faccia
faccia
faccia
faccimu, facciamu
faccite, facciate
faccinu, faccianu
facci
facci
facci
faccimi
facciti
faccini
fia
fia
fia, fie
fiamu, fiemu
fiate
fianu, fienu
fii
fii
fii
fiimi
fiiti
fiini
113
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
fessi
fessi
fessi
fessimu
fessite
fessinu
fessi
fessi
fessi
fessimu
fessite
fessinu
fà
femu
fate
CENTRAL/MÉRIDIONAL
fessi
fessi
fessi
fessimi
fessiti
fessini
fessi
fessi
fessi
fessimi
fessiti
fessini
fà
femu, femi
feti
Verbe stà
La conjugaison de ce verbe s’établit à partir du radical stMODE/TEMPS
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
statu
statu
PARTICIPE PRÉSENT
stendu
stendu
GÉRONDIF
stendu
stendu
INDICATIF
stò, ocu
stai
stà
stemu
state
stanu
stò, ocu
stai
stà
stemu
state
stanu
stocu, ò
stai
stà
stemu, emi
steti
stani
stocu, ò
stai
stà
stemu, emi
steti
stani
PRÉSENT
INDICATIF
PRÉSENT
114
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
stava, avu
stavi
stava
stavamu
stavate
stavanu
staia, aiu, aghjiu/a
staii, aghjii
staia, aghjia
staiami, aghjiami
staiati, aghjiati
staiani, aghjiani
stava, avu
stavi
stava
stavamu
stavate
stavanu
staia, aiu, aghjiu/a
staii, aghjii
staia, aghjia
staiami, aghjiami
staiati, aghjiati
staiani, aghjiani
steti
stesti
stete
stetimu
steste
stetenu
steti
stesti
steti
stetimi
stesti
stetini
steraghju
sterai
sterà
steremu
sterete
steranu
staraghju
starè
starà
staremu, aremi
stareti
starani
steria/u
steristi, erii
steria
steriamu
steriste
sterianu
staria/u
staristi, arii
staria
stariami
stariati
stariani
115
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
sterebbi, eribbe
steresti
sterebbe, eribbe
sterebbimu,
eribbemu
stereste
sterebbenu, eribbenu
stia
stia
stia, stie
stiamu, stiemu
stiate
stianu, stienu
stochi, ii
stochi, ii
stochi, ii
stochimi, iimi
stochiti, iiti
stochini, iini
stessi
stessi
stessi
stessimu
stessite
stessenu
stessi
stessi
stessi
stessimi
stessiti
stessini
stai, à
stemu
state
stà
stemu, emi
steti
La conjugaison du verbe dà s’établit avec les mêmes désinences
que stà ; le radical étant d-.
Verbe andà
MODE/TEMPS
116
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
andatu
andatu
PARTICIPE PRÉSENT
andendu
andendu
GÉRONDIF
andendu
andendu
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
PRÉSENT
INDICATIF
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
vocu, vò
vai
và
andemu, imu
andate
vanu
vocu
vai
và
andemu, emi
andeti
vani
vocu, vò
vai
và
andemu, imu
andate
vanu
vocu
vai
và
andemu, emi
andeti
vani
andava/u
andavi
andava
andavamu
andavate
andavanu
andaia/u, aghjia/u
andaii, aghjii
andaia, aghjia
andaiami, aghjiami
andaiati, aghjiati
andaiani, aghjiani
andeti
andesti
andete
andetimu
andeste
andetinu
andeti
andesti
andeti
andetimi
andesti
andetini
anderaghju
anderai
anderà
anderemu
anderete
anderanu
andaraghju
andarè
andarà
andaremu, aremi
andareti
andarani
117
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
118
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
anderia/u
anderisti, erii
anderia
anderiamu
anderiste
anderianu
andaria/u
andaristi, arii
andaria
andariami
andariati
andariani
anderia/u
anderisti, erii
anderia
anderiamu
anderiste
anderianu
andaria/u
andaristi, arii
andaria
andariami
andariati
andariani
anderebbi, eribbe
anderesti
anderebbe, eribbe
anderebbemu/
ribbemu
andereste
anderebbenu/
eribbenu
vachi, vochi
vachi, vochi
vachi, vochi
vachimu, vochimu
vachite, vochite
vachinu, vochinu
vachi, vochi
vachi, vochi
vachi, vochi
vachimi, vochimi
vachiti, vochiti
vachini, vochini
andassi, essi
andassi, essi
andassi, essi
andassimu, essimu
andassite, essite
andassinu, essinu
andessi
andessi
andessi
andessimi
andessiti
andessini
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
vai, và
andemu, imu
andate
CENTRAL/MÉRIDIONAL
vai, và
andemu, emi
andeti
b. Infixe -eghj (régiolectes septentrional/central), infixe -ighj
(régiolecte méridional).
L’apparition de cet infixe est limitée :
– aux trois personnes du singulier et à la troisième du pluriel de
l’indicatif présent ;
– à toutes les personnes du subjonctif présent ;
– à la deuxième personne du singulier de l’impératif.
Partout ailleurs la conjugaison est régulière.
La fonction principale de cet infixe, intercalé entre le radical et
la désinence, est de recevoir l’accent tonique en le fixant à l’endroit assigné par les règles de la conjugaison.
Le « schème accentuel » du présent de l’indicatif, pour
prendre cet exemple, impose que l’accent tonique se trouve
sur la pénultième aux trois personnes du singulier et aux
deux premières personnes du pluriel et sur l’antépénultième
à la troisième personne du pluriel. Lorsque cette règle est
compromise avec des verbes de trois syllabes et plus, l’infixe
apparaît aux personnes où il est nécessaire. Prenons l’exemple du
verbe trisyllabique ghjudicà : sans infixe on aurait, à la première
personne du singulier, les deux possibilés ghjudicu et ghjudicu ;
or la première forme ne respecte pas le schème accentuel car
l’accent se trouve sur l’antépénultième au lieu de la pénultième
et la deuxième forme n’existe pas dans la pratique linguistique.
C’est donc l’infixe qui va rétablir l’ordre en accueillant l’accent
tonique à la bonne place : ghjudicheghju/ghjudichighju. Il en est
de même pour les deux autres personnes du singulier et pour la
troisième du pluriel. En revanche, les deux premières personnes
du pluriel ne nécessitent pas l’intervention d’un infixe car
119
CLASSIFICATION VERBALE
l’accent tonique se trouve déjà à la bonne place : ghjudichemu,
ghjudicheti/ghjudicate.
Au subjonctif présent, le schème accentuel demande l’accent
tonique sur la pénultième aux trois personnes du singulier et sur
l’antépénultième aux trois personnes du pluriel. L’infixe sera là
pour recevoir l’accent tonique en bonne place.
Il se trouve que l’infixe -eghj/-ighj peut être obligatoire pour
certains verbes et facultatif pour d’autres :
> infixe obligatoire : sciaccamanà, cuntinuà, pridicà,
ghjudicà, dubbità, calculà, favurizà, participà, purificà,
numinà, identificà, lucalizà, qualificà, assucià, valurizà etc.
Verbe ghjudicà (infixe obligatoire)
MODE/TEMPS
RADICAL
INDICATIF
PRÉSENT
ghjudich-
identificà,
lucalizà,
qualificà,
assucià,
IMPÉRATIF
2E PERS.
ghjudich120
SEPTENTRIONAL
CENTRAL
MÉRIDIONAL
eghju
eghji
eghja/e
emu, imu
ate
eghjanu/enu
eghju
eghji
eghja
emu, emi
eti
eghjani/ini
ighju
ighji
ighja
emu
eti
ighjani
eghji
eghji
eghji/e
eghjimu
eghjite
eghjinu/enu
eghji
eghji
eghji
eghjimi
eghjiti
eghjini
ighji
ighji
ighji
ighjimi
ighjiti
ighjini
eghja
eghja
ighja
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
> infixe facultatif : appiccicà, trinnicà, runzicà, annannà,
mursicà, liticà, sminticà, stuzzicà, luccicà, praticà, vindicà,
merità, occupà, suvità, sunnià, etc.
Le caractère facultatif tient au fait que l’accent tonique peut
se trouver, contrairement aux verbes vus précédemment, sur
la dernière syllabe du radical lorsqu’il n’y a pas l’infixe ; on a
alors des formes comme appiccicu, trinnecu, etc. à côté de
appiccicheghju/ighju, trinnicheghju/ighju, etc.
c. infixe -g
Cet infixe peut être facultatif dans certaines variétés du nord.
Son apparition est limitée :
– à la première personne de l’indicatif présent ;
– à toutes les personnes du subjonctif présent.
Les verbes concernés ont la plupart du temps un radical terminé
par les consonnes sonantes l, n, ou r : falà, minà, ghjurà, sperà,
mirà, sunà, innamurà (si), etc.
Verbe falà
MODE/TEMPS
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
REG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
falgu
fali
fala, e
falemu, imu
falate
falanu, enu
falgu
fali
fala
falemu, emi
faleti
falani, ini
falga, ghi
falga, ghi
falga, ghi
falgamu, ghimu
falgate, ghite
falganu, ghinu
falga, ghi
falga, ghi
falga, ghi
falgami, ghimi
falgati, ghiti
falgani, ghini
121
CLASSIFICATION VERBALE
d. Choix facultatif de -eghj/-ighj ou -g.
Certains verbes donnent la possibilité de choisir entre l’infixe
-eghj/-ighj et l’infixe -g à l’indicatif présent et au subjonctif
présent : bastunà, bufunà, vultulà, suminà etc.
Verbe suminà
MODE/TEMPS
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
INFIXE -EGHJ/IGHJ
INFIXE -G
sumineghju/ighju
sumineghji/ighji
sumineghja/ighja
suminemu, emi
suminate, eti
sumineghjanu/ighjani
sumengu
sumeni
sumena, e
suminemu, emi
suminate, eti
sumenanu, ini, ani
sumineghji/ighji
sumineghji/ighji
sumineghji/ighji
sumineghjimu/ighjimi
sumineghjite/ighjiti
sumineghjinu/ighjini
sumenga, ghi
sumenga, ghi
sumenga, ghi
sumengamu, ghimi
sumengate, ghiti
sumenganu, ghini
e. Verbes à double participe passé
Certains verbes laissent apparaître, à côté d’un participe passé
régulier, une forme courte qui prend la forme de la première personne
du singulier de l’indicatif présent : cumprà, tumbà, circà, liccà,
struppià, buscà, tuccà etc. Ils sont par ailleurs tout à fait réguliers.
INFINITIF
122
PARTICIPE LONG
PARTICIPE COURT
cumprà
aghju cumpratu
aghju compru
tumbà
aghju tumbatu
aghju tombu
circà
aghju circatu
aghju cercu
liccà
aghju liccatu
aghju leccu
piscà
aghju piscatu
aghju pescu
tuccà
aghju tuccatu
aghju toccu
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
B. La classe des verbes en -è
Il s’agit d’une classe fermée qui compte sept verbes, tous irréguliers : avè, pudè, vulè, sapè, valè, parè, duvè.
1. Le verbe auxiliaire avè
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
avutu
avutu
PARTICIPE PRÉSENT
avendu
avendu
GÉRONDIF
avendu
aghju
ai
hà
avemu, avimu
avete, avite
anu
avia, iu
avii
avia, ie
aviamu
aviate
avianu, ienu
ebbi
avesti, avisti
ebbe
ebbimu
aveste, aviste,
ebbite
ebbenu
averaghju
averai
averà
averemu, averimu
averete, averite
averanu
avendu
aghju
ai
hà
avemu, avemi
aveti
ani
avia, iu
avii
avia
aviami
avaviati
aviani
ebbi
avisti
ebbi
ebbimi
avisti, ebbiti
ebbini
INDICATIF
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
avaraghju
avarè
avarà
avaremu, avaremi
avareti
avarani
123
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
1RE FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
averiu/a
averii, averisti
averia
averiamu
averiste
averianu
abbia
abbia
abbia
abbiamu
abbiate
abbianu
2E FORME
IMPÉRATIF
124
abbi
abbi
abbi
abbimi
abbiti
abbini
aghji, aghja
aghji, aghja
aghji, aghja
aghjimi, aghjami
aghjiti, aghjati
aghjini, aghjani
PRÉSENT
IMPARFAIT
avariu/a
avarii, avaristi
avaria
avariami
avariati
avariani
averebbi, averibbe
averesti
averebbe, averibbe
averebbemu/
ibbemu
avereste
averebbenu/ibbenu
SUBJONCTIF
SUBJONCTIF
CENTRAL/MÉRIDIONAL
avessi
avessi
avessi
avessimu
avessite
avessinu
avissi
avissi
avissi
avissimi
avissiti
avissini
abbia, abbii
abbimu
abbite
abbii, aghji, aghja
abbimi, aghjimi
abbiti, aghjiti
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
2. Les autres verbes en -è
Duvè
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
duvutu
duvutu
PARTICIPE PRÉSENT
duvendu
duvendu
duvindu
GÉRONDIF
duvendu
duvendu
duvindu
INDICATIF
devu
devi
deve
duvemu, duvimu
duvete, duvite
devenu
devu
devi
devi
duvemu, duvemi
duveti
devini
duviu, duvia
duvii
duvia, duvie
duviamu, duviemu
duviate
duvianu, duvienu
duviu, duvia
duvii
duvia
duviami
duviati
duviani
duveti
duvesti
duvete
duvetimu
duveste
duvetenu
duveti
duvisti
duveti
duvetimi
duvisti
duvetini
duveraghju
duverai
duverà
duveremu
duverete
duveranu
duvaraghju
duvarè
duvarà
duvaremu, -emi
duvareti
duvarani
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
125
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
duverebbi, -ribbe
duveresti
duverebbe, -ribbe
duverebbimu
duvereste
duverebbenu,
-ribbenu
duvaria
duvaristi
duvaria
duvariami
duvariati
duvariani
deva
deva
deva
devamu
devate
devanu
devi
devi
devi
devimi
deviti
devini
duvessi
duvessi
duvessi
duvessimu
duvessite
duvessinu
duvissi
duvissi
duvissi
duvissimi
duvissiti
duvissini
devi
duvemu, divimu
duvete
devi
duvemu, duvemi
duveti
Parè
MODE/TEMPS
126
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
parsu
parsu
PARTICIPE PRÉSENT
parendu
parendu
parindu
GÉRONDIF
parendu
parendu
parindu
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
pargu, paru
pari
pare
paremu, parimu
parite
parenu
pargu, pari
pari
pari
parimu, parimi
pariti
parini
pariu, paria
parii
paria, parie
pariamu
pariate
parianu, parienu
pariu, paria
parii
paria
pariami
pariati
pariani
parsi
paristi
parse
parsimu
pariste
parsenu
parsi
paristi
parsi
parsimi
paristi
parsini
pareraghju
parerai
parerà
pareremu
parerete
pareranu
pararaghju
pararè
pararà
pararemu, -emi
parareti
pararani
parerebbi, -ribbe
pareresti
parerebbe, -ribbe
parerebbimu
parereste
parerebbenu,
-ribbenu
parariu, pararia
pararisti
pararia
parariami
parariati
parariani
127
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
parga
parga
parga
parghimu
parghite
parghinu
parghi
parghi
parghi
parghimi
parghiti
parghini
parissi
parissi
parissi
parissimu
parissite
parissinu
parissi
parissi
parissi
parissimi
parissiti
parissini
pari
parimu
parite
pari
parimu, parimi
pariti
Pudè
MODE/TEMPS
CENTRAL/MÉRIDIONAL
pussutu
pudutu
pussutu
pudutu
pudendu
pudendu
pudindu
GÉRONDIF
pudendu
pudendu
pudindu
INDICATIF
possu
poi
pò
pudemu, pudimu
pudete, pudite
ponu
possu
poi
pò
pudemu, pudemi
pudeti
poni
PARTICIPE
PASSÉ
PARTICIPE
PRÉSENT
PRÉSENT
128
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
1RE FORME
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
possu
poi
pò
pudemu, pudimu
pudete, pudite
ponu
possu
poi
pò
pudemu, pudemi
pudeti
poni
pudiu, pudia
pudii
pudia
pudiamu
pudiate
pudianu
pudiu, pudia
pudii
pudia
pudiami
pudiati
pudiani
pudeti
pudesti
pudete
pudetimu
pudeste
pudetenu
pudeti
pudisti
pudeti
pudetimi
pudisti
pudetini
puderaghju
puderai
puderà
puderemu
puderete
puderanu
pudaraghju
pudarè
pudarà
pudaremu,
pudaremi
pudareti
pudarani
puderiu, puderia
puderii, puderisti
puderia
puderiamu
puderiate,
puderiste
puderianu
pudariu, pudaria
pudarii, pudaristi
pudaria
pudariami
pudariati
pudariani
129
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
1RE FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
puderebbi, -eribbe
puderesti
puderebbe, -eribbe
puderebbimu
pudereste
puderebbinu,
-eribbenu
possa
possa
possa
possamu
possate
possanu
possi
possi
possi
possimi
possiti
possini
posca
posca
posca
poscamu
poscate
poscanu
poschi
poschi
poschi
poschimi
poschiti
poschini
pudessi
pudessi
pudessi
pudessimu
pudessite
pudessinu
pudissi
pudissi
pudissi
pudissimi
pudissiti
pudissini
Sapè
MODE/TEMPS
PARTICIPE PASSÉ
130
RÉG. SEPTENTRIONAL
saputu
sappiutu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
saputu
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PRÉSENT
sapendu
sapendu
sapindu
GÉRONDIF
sapendu
sapendu
sapindu
INDICATIF
sò
sai
sà
sapemu, sapimu
sapete, sapite
sanu
socu, sò
sai
sà
sapemu, sapemi
sapeti
sani
sapiu, sapia
sapii
sapia
sapiamu
sapiate
sapianu
sapiu, sapia
sapii
sapia
sapiami
sapiati
sapiani
sappi, seppi
sapesti, sapisti
sappe, seppe
sappimu, seppimu
sapeste, sapiste
sappenu, seppenu
sappi, seppi
sapisti
sappi, seppi
sappimi, seppimi
sapisti
sappini, seppini
saperaghju
saperai
saperà
saperemu
saperete
saperanu
saparaghju
saparè
saparà
saparemu, saparemi
sapareti
saparani
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
131
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
132
RÉG. SEPTENTRIONAL
saperiu, saperia
saperii, saperisti
saperia
saperiamu
saperiate, saperiste
saperianu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
sapariu, saparia
saparii, saparisti
saparia
sapariami
sapariati
sapariani
saperebbi,
saperibbe
saperesti
saperebbe,
saperibbe
saperebbimu
sapereste
saperebbinu,
-eribbenu
sappia
sappia
sappia, sappie
sappiamu
sappiate
sappianu, sappienu
sappi
sappi
sappi
sappimi
sappiti
sappini
sapessi, sapissi
sapessi, sapissi
sapessi, sapissi
sapessimu, -issimu
sapessite, -issite
sapessinu, -issinu
sapissi
sapissi
sapissi
sapissimi
sapissiti
sapissini
sappia, sappie
sappiamu
sappiate
sappi
sappimi
sappiti
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
Valè
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
valsutu
valsu
valsutu
valsu
PARTICIPE PRÉSENT
valendu
valendu
valindu
GÉRONDIF
valendu
valendu
valindu
INDICATIF
valgu
vali
vale
valemu, valimu
valete, valite
valenu
valgu
vali
vali
valemu, valemi
valeti
valini
valiu, valia
valii
valia
valiamu
valiate
valianu
valiu, valia
valii
valia
valiami
valiati
valiani
valsi
valisti
valse
valsimu
valsite
valsenu
valsi
valisti
valsi
valsimi
valsiti
valsini
valeraghju
valerai
valerà
valeremu
valerete
valeranu
valaraghju
valarè
valarà
valaremu, valaremi
valareti
valarani
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
133
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
134
RÉG. SEPTENTRIONAL
valeriu, valeria
valeristi
valeria
valeriamu
valeriate, valeriste
valerianu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
valariu, valaria
valaristi
valaria
valariami
valariati
valariani
velerebbi, valeribbe
veleresti
valerebbe,
valeribbe
valerebbimu
valereste
valerebbinu,
-eribbenu
valga
valga
valga
valghimu
valghite
valghinu
valghi
valghi
valghi
valghimi
valghiti
valghini
valessi, valissi
valessi, valissi
valessi, valissi
valessimu,
valissimu
valessite, valissite
valessinu, valissinu
valissi
valissi
valissi
valissimi
valissiti
valissini
valga
valgamu
valgate
valghi
valghimi
valghiti
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
Vulè
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
vulsutu
vugliutu
vulsutu
PARTICIPE PRÉSENT
vulendu
vulendu
vulindu
GÉRONDIF
vulendu
vulendu
vulindu
INDICATIF
vogliu
voli
vole
vulemu, vulimu
vulete, vulite
volenu
vogliu, voddu
voli
voli
vulemu, vulemi
vuleti
volini
vuliu, vulia
vulii
vulia
vuliamu
vuliate
vulianu
vuliu, vulia
vulii
vulia
vuliami
vuliati
vuliani
volsi
vulisti
volse
volsimu
vuliste
volsenu
volsi
vulisti
volsi
volsimi
vulisti
volsini
vuleraghju
vulerai
vulerà
vuleremu
vulerete
vuleranu
vularaghju
vularè
vularà
vularemu, vularemi
vulareti
vularani
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
135
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
vuleriu, vuleria
vuleristi
vuleria
vuleriamu
vuleriate
vulerianu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
vulariu, vularia
vularisti
vularia
vulariami
vulariati
vulariani
vulerebbi, vuleribbe
vuleresti
vulerebbe, vuleribbe
vulerebbimu
vulereste
vulerebbinu,
-eribbenu
voglia
voglia
voglia
vogliamu
vogliate
voglianu
vogli, voddi
vogli, voddi
vogli, voddi
voglimi, voddimi
vogliti, vodditi
voglini, voddini
vulessi, vulissi
vulessi, vulissi
vulessi, vulissi
vulessimu, vulissimu
vulessite, vulissite
vulessinu, vulissinu
vulissi
vulissi
vulissi
vulissimi
vulissiti
vulissini
voglia
vogliamu
vogliate
vogli, voddi
voglimi, voddimi
vogliti, vodditi
C. La classe des verbes en -ì
Cette classe a la particularité de posséder deux formes à
l’infinitif :
– la forme tronquée en -ì : capì, finì, pulì, etc.
136
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
– la forme suffixée en -iscia (régiolectes central et méridional)
ou -isce (régiolecte septentrional) : capiscia/capisce, finiscia/
finisce, puliscia/pulisce, etc.
C’est la raison pour laquelle la conjugaison des verbes appartenant à cette classe laisse apparaître une alternance, à certaines
personnes et à certains temps, entre désinences suffixées et désinences non-suffixées.
Par ailleurs, il existe un verbe, irrégulier, qui possède un seul
infinitif en -ì : le verbe dì (dire).
1. Les verbes à double infinitif
Verbe finì – finisce/finiscia
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
finitu
finitu
PARTICIPE PRÉSENT
finendu
finendu, finindu
finiscendu
GÉRONDIF
finendu
finendu, finindu
finiscendu
INDICATIF
finiscu
finisci
finisce
finimu
finite
finiscenu
finiscu
finisci
finisci
finimu, imi, iscimi
finiti, isciti
finiscini
finiu, ia
finii
finia
finiamu
finiate
finianu
finiu, ia
finii
finia
finiami, iimi
finiati, iiti
finiani, iini
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
137
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
138
RÉG. SEPTENTRIONAL
finii
finisti
finì
finiimu
finiste
fininu
finisceraghju
finiscerai
finiscerà
finisceremu
finiscerete
finisceranu
finisceria/u
finiscerii, isceristi
finisceria
finisceriamu
finisceriate,
isceriste
finiscerianu
finiscerebbi,
isceribbe
finisceresti
finiscerebbe,
isceribbe
finiscerebbimu,
isceribbemu
finiscereste
finiscerebbenu,
isceribbenu
finisca
finisca
finisca
finiscamu
finiscate
finiscanu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
finii
finisti
finì
finiimi
finisti
finini
finsciaraghju
finisciarè
finisciarà
finisciaremu/i
finisciareti
finisciarani
finisciaria/u
finisciarii, isciaristi
finisciaria
finisciariami
finisciariati
finisciariani
finischi
finischi
finischi
finischimi
finischiti
finischini
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
finissi
finissi
finissi
finissimu
finissite
finissinu
finissi
finissi
finissi
finissimi
finissiti
finissini
finisci
finimu
finite
finisci
finimu, imu, iscimi
finiti, isciti
Il faut signaler que cette sous-classe comporte quelques verbes
qui présentent un double participe passé : une forme régulière en
-itu et une forme irrégulière.
Par exemple :
custruì (construire)
: custruitu/custruttu
apparì (apparaître)
: apparitu/apparsu
scumparì (disparaître)
: scumparitu/scumparsu
Cette irrégularité « facultative » entraîne des formes irrégulières dans la conjugaison du passé défini qui présente alors deux
formes, le reste de la conjugaison s’effectuant régulièrement sur le
modèle de finì :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CUSTRUÌ/ISCE
1RE FORME
custruii
custruisti
custruì
custruiimu
custruiste
custruinu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
APPARÌ/ISCIA
custruii
custruisti
custruì
custruiimi
custruisti
custruini
139
CLASSIFICATION VERBALE
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
2E FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
custrusi
custruisti
custruse
custrusimu
custruiste
custrusenu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
custrusi
custruisti
custrusi
custrusimi
custruisti
custrusini
2. Le verbe irrégulier dì
MODE/TEMPS
PARTICIPE PASSÉ
dettu
PARTICIPE PRÉSENT
dicendu
GÉRONDIF
dicendu
INDICATIF
dicu
dici
dice
dimu, dicemu
dite
dicenu, dinu
diciu/a
dicii
dicia
diciamu
diciate
dicianu
dissi
dicisti
disse
dissimu
diciste
dissenu
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
140
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
dettu
dittu
dicendu
dicindu
dicendu
dicindu
dicu
dici
dici
dimu, dimi
diti
dicini, dini
diciu/a
dicii
dicia
diciami, diciimi
diciati, diciiti
diciani, diciini
dissi
dicisti
dissi
dissimi
dicisti
dissini
LES VERBES ARHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
diceraghju
dicerai
dicerà
diceremu
dicerete
diceranu
diciaraghju
diciarè
diciarà
diciaremu,
diciaremi
diciareti
diciarani
diceria/u
dicerii, diceristi
diceria
diceriamu
diceriate
dicerianu
diciaria/u
diciarii, diciaristi
diciaria
diciariami
diciariati
diciariani
dicerebbi, diceribbe
diceresti
dicerebbe, diceribbe
dicerebbimu,
diceribbemu
dicereste
dicerebbinu,
diceribbenu
dica
dica
dica
dicamu
dicate
dicanu
dichi
dichi
dichi
dichimi
dichiti
dichini
dicissi
dicissi
dicissi
dicissimu
dicissite
dicissinu
dicissi
dicissi
dicissi
dicissimi
dicissiti
dicissini
141
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
dì
dimu
dite
CENTRAL/MÉRIDIONAL
dì
dimu, dimi
diti
II. LES VERBES RHIZOTONIQUES
Il s’agit de tous les verbes accentués sur le radical dont l’infinitif
se termine par la désinence E au nord et A au sud.
Ce groupe verbal demande également à être subdivisé. Nous
retiendrons les critères suivants :
– verbe auxiliaire ;
– formes du participe passé ;
– apparition d’un infixe.
A. Le verbe auxiliaire essa/essa
MODE/TEMPS
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
statu
statu
PARTICIPE PRÉSENT
essendu
issendu
GÉRONDIF
essendu
issendu
INDICATIF
socu, sò
sì
hè
simu, semu
site, sete
sò
socu, sò
se
hè
semu, semi
seti
sò
eru, era
eri
era
eramu
erate
eranu
eru, era
eri
era
erami, erimi
erati, eriti
erani, erini
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
142
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES RHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
eru, era
eri
era
eramu
erate
eranu
eru, era
eri
era
erami, erimi
erati, eriti
erani, erini
fui, fubbi
fusti
fù, fubbe
fuimu, fubbimu
fuste
funu, fubbenu
fui, fuiu, fubbi
fusti
fù, fubbi
fuimi, fummu
fusti
funi, fubbini
seraghju
serai
serà
seremu
serete
seranu
saraghju
sarè
sarà
saremu, saremi
sareti
sarani
seriu/a
serii, seristi
seria
seriamu
seriate, seriste
serianu
sariu/a
sarii, saristi
saria
sariami
sariati, saristi
sariani
serebbi, seribbe
seresti
serebbe, seribbe
serebbimu,
seribbemu
sereste
serebbenu,
seribbenu
143
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
sia
sia
sia, sie
siamu
siate
sianu, sienu
sii, sighi
sii, sighi
sii, sighi
siimi, sighimi
siiti, sighiti
siini, sighini
fussi
fussi
fussi
fussimu
fussite
fussinu
fussi
fussi
fussi
fussimi
fussiti
fussini
sia, sie
siamu
siate
sii, sighi
siimi, sighimi
siiti, sighiti
B. Les formes du participe passé
Les verbes rhizotoniques peuvent se diviser en différentes
classes sur la base de la forme de leur participe passé.
1. Participe passé en -utu
Il s’agit de verbes comme vende/a, sparte/a, batte/a, cresce/
crescia, crede/a, empie/a, sente/a, accunsente/a, accade/a,
parte/a, etc.
Verbe sparte – sparta
MODE/TEMPS
144
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
spartutu
spartutu
PARTICIPE PRÉSENT
spartendu
spartendu
spartindu
LES VERBES RHIZOTONIQUES
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
GÉRONDIF
spartendu
spartendu
spartindu
INDICATIF
spartu
sparti
sparte
spartimu, emu
spartite
spartenu
spartu
sparti
sparti
spartimu, imi
spartiti
spartini
spartiu, ia
spartii
spartia
spartiamu
spartiate
spartianu
spartiu, ia
spartii
spartia
spartiami
spartiati
spartiani
spartii
spartisti
spartì
spartiimu
spartiste
spartinu
spartii
spartisti
spartì
spartiimi
spartisti
spartini
sparteti
spartisti
spartete
spartetimu
spartiste
spartetenu
sparteti, iti
spartisti
sparteti, iti
spartetimi, itimi
spartisti
spartetini, itini
sparteraghju
sparterai
sparterà
sparteremu
sparterete
sparteranu
spartaraghju
spartarè
spartarà
spartaremu, aremi
spartareti
spartarani
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
1RE FORME
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
2E FORME
INDICATIF
FUTUR
145
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
sparteria/u
sparterii, eristi
sparteria
sparteriamu
sparteriate, eriste
sparterianu
CENTRAL/MÉRIDIONAL
spartaria/u
spartarii, aristi
spartaria
spartariami
spartariati
spartariani
CONDITIONNEL PRÉSENT
2E FORME
sparterebbi, eribbe
sparteresti
sparterebbe, eribbe
sparterebbimu
spartereste
sparterebbenu,
eribbenu
SUBJONCTIF
sparti
sparti
sparti
spartimu
spartite
spartinu
sparti
sparti
sparti
spartimi
spartiti
spartini
spartessi, issi
spartessi, issi
spartessi, issi
spartessimu, issimu
spartessite, issite
spartessinu, issinu
spartissi
spartissi
spartissi
spartissimi
spartissiti
spartissini
sparti
spartimu, emu
spartite
sparti
spartimu, imi
spartiti
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
146
RÉG. SEPTENTRIONAL
LES VERBES RHIZOTONIQUES
2. Participe passé en -itu
Ce sont des verbes qui alignent leur conjugaison sur les
verbes arhizotoniques en -ì car ils sont issus du même groupe
étymologique. Cela explique la désinence commune du participe
passé. On trouve des verbes comme dorme/a (dromma), fughje/a,
arruste/a, bolle/bodda/budda, cosge/cosgia, etc.
Verbe fughje – fughja
MODE/TEMPS
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PARTICIPE PASSÉ
fughjitu
fughjitu
PARTICIPE PRÉSENT
fughjendu
fughjendu
fughjindu
GÉRONDIF
fughjendu
fughjendu
fughjindu
INDICATIF
fughju
fughji
fughje
fughjimu
fughjite
fughjenu
fughju
fughji
fughji
fughjimu, imi
fughjiti
fughjini
fughjiu, ia
fughjii
fughjia
fughjiamu
fughjiate
fughjianu
fughjiu, ia
fughjii
fughjia
fughjiami
fughjiati
fughjiani
fughjii
fughjisti
fughjì
fughjiimu
fughjiste
fughjinu
fughjii
fughjisti
fughjì
fughjiimi
fughjisti
fughjini
PRÉSENT
INDICATIF
IMPARFAIT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
147
CLASSIFICATION VERBALE
MODE/TEMPS
INDICATIF
FUTUR
CONDITIONNEL
PRÉSENT
1RE FORME
CONDITIONNEL
PRÉSENT
2E FORME
SUBJONCTIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
IMPARFAIT
IMPÉRATIF
148
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
fughjeraghju
fughjerai
fughjerà
fughjeremu
fughjerete
fughjeranu
fughjaraghju
fughjarè
fughjarà
fughjaremu, aremi
fughjareti
fughjarani
fughjeriu/a
fughjerii, eristi
fughjeria
fughjeriamu
fughjeriate, eriste
fughjerianu
fughjariu/a
fughjarii, aristi
fughjaria
fughjariami
fughjariati, aristi
fughjariani
fughjerebbi, eribbe
fughjeresti
fughjerebbe, eribbe
fughjerebbimu
fughjereste
fughjerebbenu,
eribbenu
fughji
fughji
fughji
fughjimu
fughjite
fughjinu
fughjissi
fughjissi
fughjissi
fughjissimu
fughjissite
fughjissinu
fughji
fughjimu
fughjite
fughji
fughji
fughji
fughjimi
fughjiti
fughjini
fughjissi
fughjissi
fughjissi
fughjissimi
fughjissiti
fughjissini
fughji
fughjimu, imi
fughjiti
LES VERBES RHIZOTONIQUES
3. Participe passé irrégulier
Dans le groupe des verbes rhizotoniques on trouve de nombreux
verbes à participe passé irrégulier. Cette irrégularité signale
également des formes irrégulières de la conjugaison, notamment
au passé défini de l’indicatif.
* participe passé en -tu
– sur radical irrégulier
On trouve des verbes comme :
assume/assuma (assumer)
riassume/riassuma (résumer)
sceglie/sceglia/scedda (choisir)
sparghje/sparghja (répandre)
vince/vincia (vaincre)
torce/torcia (tordre)
coglie/coglia/codda (cueillir)
> assuntu
> riassuntu
> sceltu
> spartu
> vintu
> tortu
> coltu
Le passé défini demeure régulier à la deuxième personne du
singulier et du pluriel ; aux autres personnes, les désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier du participe passé :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
VINCE
VINCIA
vinsi
vincisti
vinse
vinsimu
vinciste
vinsenu
vinsi
vincisti
vinsi
vinsimi
vincisti
vinsini
Dans cette sous-classe on notera le verbe nasce/nascia (naître)
dont le participe passé est natu. Sa conjugaison est irrégulière à
la 1re personne de l’indicatif présent et à toutes les personnes du
subjonctif présent :
149
CLASSIFICATION VERBALE
RÉG. SEPTENTRIONAL
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
CENTRAL/MÉRIDIONAL
nascu
nasci
nasce
nascimu, nascemu
nascite
nascenu
nascu
nasci
nasci
nascimu, nascimi
nasciti
nascini
nasca
nasca
nasca
naschimu
naschite
naschinu
naschi
naschi
naschi
naschimi
vaschiti
naschini
La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
– sur radical régulier
On trouve le verbe beie/bia (boire) dont le participe passé
est betu au nord et bitu au sud. Au passé défini de l’indicatif, il
présente une forme régulière et une forme irrégulière :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
1RE FORME
2E FORME
150
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
BEIE
BIA
beii
beisti
beì
beiimu
beiste
beiinu
bebbi
beisti
bebbe
bebbimu
beiste
bebbenu
biii
biisti
biì
biiimi
biisti
biiini
bibbi
biisti
bibbi
bibbimi
biisti
bibbini
LES VERBES RHIZOTONIQUES
* participe passé en -ttu (sur radical irrégulier).
Cela concerne des verbes comme :
scrive/scriva (écrire)
cunduce/cunducia (conduire)
elege/aleghja (élire)
prutege/pruteghja (protéger)
strughje/strughja (fondre)
pruduce/pruducia (produire)
frighje/frighja (frire)
distrughje/distrughja (détruire)
> scrittu
> cunduttu
> elettu/alettu
> prutettu
> struttu
> pruduttu
> frittu
> distruttu
Les désinences du passé défini restent régulières à la deuxième
personne du singulier et du pluriel ; aux autres personnes les désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
SCRIVE
SCRIVA
scrissi
scrivisti
scrisse
scrissimu
scriviste
scrissenu
scrissi
scrivisti
scrissi
scrissimi
scrivisti
scrissini
La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
On trouve, dans cette sous-classe, un verbe dont le participe
passé est irrégulier alors que le reste de la conjugaison demeure
régulière. Il s’agit du verbe rompe/rompa (rompre) qui fait rottu
au participe passé.
151
CLASSIFICATION VERBALE
* participe passé en -su (sur radical irrégulier)
Cette sous-classe regroupe des verbes comme :
perde/perda (perdre)
> persu
corre/corra/curra (courir)
> corsu
rode/roda (ronger)
> rosu
accende/accenda (allumer)
> accesu
chjode/chjuda (fermer)
> chjosu/chjusu
decide/dicida (décider)
> decisu/dicisu
difende/difenda (défendre)
> difesu
ride/rida (rire)
> risu
tende/tenda (tendre)
> tesu
stende/stenda (étendre)
> stesu
rende/renda (rendre)
> resu
Au passé défini, les désinences restent régulières à la deuxième
personne du singulier et du pluriel ; aux autres personnes, les
désinences irrégulières viennent s’adjoindre au radical irrégulier :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
ACCENDE
ACCENDA
accesi
accendisti
accese
accesimu
accendiste
accesinu
accesi
accindisti
accesi
accesimi
accindisti
accesini
La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
* Participe passé en -ssu (sur radical irrégulier)
Cela concerne des verbes comme :
mette/metta (mettre)
> messu/missu
permette/parmetta (permettre) > permessu/parmissu
prumette/prumetta (promettre) > prumessu/prumissu
152
LES VERBES RHIZOTONIQUES
rimette/rimetta (remettre)
scummette/a (parier)
move/mova (mouvoir)
scote/scota (secouer)
> rimessu/rimissu
> scummessu/scummissu
> mossu
> scossu
Comme pour les verbes précédents, les désinences demeurent
régulières à la deuxième personne du singulier et du pluriel du
passé défini ; les désinences irrégulières s’adjoignent au radical
irrégulier :
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
METTE
METTA
messi
mittisti
messe
messemu
mittiste
messenu
missi
mittisti
missi
missimi
mittisti
missini
La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
* Participe passé en -ertu/-artu (sur radical irrégulier)
Cela concerne un certain nombre de verbes qui, hormis leur
participe passé, présentent une conjugaison régulière alignée sur
sparte/sparta.
On trouve notamment :
apre/apra (ouvrir)
copre/copra (couvrir)
scopre/scopra (découvrir)
offre/offra (offrir)
soffre/soffra (souffrir)
> apertu/apartu
> cupertu/cupartu
> scupertu/scupartu
> offertu/uffartu
> suffertu/suffartu
153
CLASSIFICATION VERBALE
C. L’apparition de l’infixe -g
De nombreux verbes développent l’infixe -g à la première
personne du singulier de l’indicatif présent ainsi qu’à toutes
les personnes du subjonctif présent. Il se trouve également que
le participe passé est toujours irrégulier, ce qui implique une
irrégularité du passé défini.
* participe passé en -tu
Radical irrégulier
pienghje/piegna (pleurer)
cinghje/cigna (ceindre)
ghjunghje/ghjugna (arriver)
munghje/mugna (traire)
stringhje/strigna (serrer)
pinghje/pigna (peindre)
tinghje/tigna (teindre)
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
154
> pientu
> cintu
> ghjuntu
> muntu
> strintu
> pintu
> tintu
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PIENGHJE
PIEGNA
piengu
pienghji
pienghje
pienghjimu
pienghjite
pienghjenu
piengu
piegni
piegni
piignimu, piignimi
piigniti
piegnini
pienga
pienga
pienga
piengamu, pienghimu
piengate, pienghite
pienganu, pienghinu
pienghi
pienghi
pienghi
pienghimi
pienghiti
pienghini
LES VERBES RHIZOTONIQUES
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PIENGHJE
PIEGNA
piensi
pienghjisti
piense
piensimu
pienghjiste
piensenu
piensi
piignisti
piensi
piensimi
piignisti
piensini
La conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
Radical régulier
more/mora (mourir) > mortu
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
MORE
MORA
morgu
mori
more
murimu, muremu
murite
morenu
morgu
mori
mori
murimu, murimi
muriti
morini
morga
morga
morga
morgamu, morghimu
morgate, morghite
morganu, morghinu
morghi
morghi
morghi
morghimi
morghiti
morghini
Au passé défini, la conjugaison laisse apparaître deux formes :
une régulière et une irrégulière. Pour ce qui est de la forme
irrégulière, les désinences de la deuxième personne du singulier
et du pluriel restent régulières ; les autres désinences irrégulières
viennent s’adjoindre au radical régulier de l’infinitif :
155
CLASSIFICATION VERBALE
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
RÉGULIER
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
IRRÉGULIER
murii
muristi
murì
muriimu
muriste
murinu
morsi
muristi
morse
morsimu
muriste
morsenu
murii
muristi
murì
muriimi
muristi
murini
morsi
muristi
morsi
morsimi
muristi
morsini
La conjugaison régulière s’aligne sur fughje/fughja.
* Participe passé en -utu (sur radical régulier)
Sont concernés des verbes comme :
vene/vena (venir)
> venutu/vinutu
tene/tena (tenir)
> tenutu/tinutu
sustene/sustena (soutenir)
> sustenutu/sustinutu
mantene/mantena (maintenir) > mantenutu/mantinutu
crede/creda (croire)
> credutu/cridutu
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
156
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
VENE
VENA
vengu
veni
vene
nenimu
venite
venenu
vengu
veni
veni
vinimu, vinimi
viniti
venini
venga
venga
venga
vengamu, venghimu
vengate, venghite
venganu, venghinu
venghi
venghi
venghi
venghimi
venghiti
venghini
LES VERBES RHIZOTONIQUES
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
vensi
venisti
vense
vensimu
veniste
vensenu
vensi
vinisti
vensi
vensimi
vinisti
vensini
Le reste de la conjugaison régulière s’aligne sur sparte/sparta.
Pour ce qui concerne le verbe crede/creda (croire), il développe une irrégularité dans le radical (apparition d’un r) à la
première personne du singulier de l’indicatif présent et à toutes les
personnes du subjonctif présent :
– indicatif présent : crergu
SUBJONCTIF
PRÉSENT :
crerga
crerga
crerga
crergamu, crerghimu
crergate, crerghite
crerganu, crerghinu
crerghi
crerghi
crerghi
crerghimi
crerghiti
crerghini
La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/
sparta.
* Participe passé en -su (sur radical régulier).
chere/chera (demander) > chersu
INDICATIF
présent
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
CHERE
CHERA
chergu
cheri
chere
cherimu, cheremu
cherite
cherenu
chergu
cheri
cheri
chirimu, chirimi
chiriti
cherini
157
CLASSIFICATION VERBALE
SUBJONCTIF
PRÉSENT
INDICATIF
PASSÉ DÉFINI
cherga
cherga
cherga
chergamu, cherghimu
chergate, cherghite
cherganu, cherghinu
cherghi
cherghi
cherghi
cherghimi
cherghiti
cherghini
chersi
cheristi
cherse
chersimu
cheriste
chersenu
chersi
chiristi
chersi
chersimi
chiristi
chersini
Le reste de la conjugaison régulière s’établit sur sparte/sparta.
* participe passé en -stu (sur radical irrégulier)
pone/pona (poser) > postu
La conjugaison irrégulière concerne la première personne du
singulier de l’indicatif présent et toutes les personnes du subjonctif
présent. La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/
sparta.
INDICATIF
PRÉSENT
SUBJONCTIF
PRÉSENT
158
RÉG. SEPTENTRIONAL
CENTRAL/MÉRIDIONAL
PONE
PONA
pongu
poni
pone
punimu, punemu
punite
ponenu
pongu
poni
poni
punimu, punimi
puniti
ponini
ponga
ponga
ponga
pongamu, ponghimu
pongate, ponghite
ponganu, ponghinu
ponghi
ponghi
ponghi
ponghimi
ponghiti
ponghini
LES VERBES RHIZOTONIQUES
On peut intégrer dans cette sous-classe le verbe vede/veda/
vida (voir) et ses dérivés rivede/riveda (revoir), prevede/priveda
(prévoir) etc. dont le participe passé fait vistu, rivistu, privistu…
sur un radical irrégulier.
La particularité de ce verbe c’est qu’il développe un infixe -c
dans le régiolecte méridional alors que les deux autres régiolectes
développent l’infixe -g.
Pour tenir compte de ce phénomène on devra orthographier toutes les formes avec infixe (nord et sud) à l’aide de la
consonne c.
RÉG. SEPTENTRIONAL
RÉG. CENTRAL
RÉG. MÉRIDIONAL
VEDE
VEDA
VIDA
INDICATIF PRÉSENT
INDICATIF PRÉSENT
INDICATIF PRÉSENT
vecu
vedi
vede
vidimu, videmu
vidite, videte
vedenu
vecu
vedi
vedi
vidimu, vidimi
videti
vedini
vicu
vidi
vidi
vidimu
viditi
vidini
SUBJONCTIF PRÉSENT
SUBJONCTIF PRÉSENT
SUBJONCTIF PRÉSENT
veca
veca
veca
vecamu
vecate
vecanu
vechi
vechi
vechi
vechimi
vechiti
vechini
vichi
vichi
vichi
vichimi
vichiti
vichini
La conjugaison régulière s’établit sur le modèle de sparte/
sparta.
159
CLASSIFICATION VERBALE
D. Les oscillations verbales
On sait que, par le passé, de nombreux verbes appartenaient à
une classe différente de celle qui leur est propre aujourd’hui. Il peut
d’ailleurs en rester des traces dans des expressions figées.
Ainsi dans par piuvì, poivi !/per piuvì, piove ! (pour pleuvoir, il
pleut !) peut-on remarquer la forme piuvì qui renvoie à un infinitif
qui n’est plus en usage de nos jours. On peut en déduire qu’une
classe en -ì, différente de celle qui utilise deux infinitifs (pulì/
pulisce, capì/capiscia, etc.), a disparu du groupe des verbes arhizotoniques pour rejoindre le groupe rhizotonique.
Il en est de même pour la classe des verbes en -è qui semble se
réduire aujourd’hui. Des verbes comme gode/a (jouir), piace/piacia
faisaient autrefois gudè, piacè.
De nos jours, nous pouvons observer des mouvements
oscillatoires qui témoignent de changements en cours. Aussi
pouvons-nous trouver des verbes qui fluctuent entre une classe et
une autre.
Par exemple, le verbe « entrer » fonctionne à partir de l’infinitif
arhizotonique intrà/entrà et de l’infinitif rhizotonique entra/entre
(avec variante ghjentra). Cela explique le double participe passé
intratu/intrutu. Pour ce verbe le changement semble s’effectuer du
groupe arhizotonique vers le groupe rhizotonique, la conjugaison se
déclinant sur les deux tableaux.
Nous pouvons également observer le mouvement inverse avec
des verbes comme discute/a (discuter), sprime/a (exprimer) qui
se réalisent souvent en discutà, sprimà. Nous retrouvons alors des
doubles participes passés comme discussu/discutatu, sprimutu/
sprimatu.
Ces « oscillations verbales » n’ont rien de surprenant et prouvent
que la langue est en perpétuel mouvement. Ce qui nous paraît le
plus intéressant c’est de pouvoir observer de tels changements en
synchronie alors qu’habituellement ils s’opèrent sur la très longue
durée.
CHAPITRE 5
LES CLASSES NOMINALES
Nous pouvons classer les noms en fonction du genre, masculin
ou féminin, et du nombre, singulier ou pluriel. La morphologie
nominale est également un domaine qui devient le support de la
différenciation linguistique. Ainsi retrouverons-nous des caractéristiques propres à chacun des trois régiolectes corses.
I. LES NOMS MASCULINS
Les noms masculins peuvent se répartir en deux groupes :
– les noms à voyelle finale atone ;
– les noms à voyelle finale tonique.
A. Les noms à voyelle finale atone
Appartiennent à ce groupe les noms dont l’accent tonique
frappe l’avant-dernière syllabe (paroxytons) et les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième (proparoxytons). La voyelle
finale atone peut changer en fonction du régiolecte concerné, au
singulier comme au pluriel.
1. Régiolecte septentrional
Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes :
– les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font -e au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.
163
LES CLASSES NOMINALES
sing. -u
u zitellu
u libru
u lettu
u ghjornu
l’ocellu
l’arburu
u bancu
u zanu
u pranzu
l’ortu
sing. -e
u paese
u nome
u cane
u fiore
u sole
u pane
u ponte
u prete
u latte
u male
plur. -i
i zitelli
i libri
i letti
i ghjorni
l’ocelli
l’arburi
i banchi
i zani
i pranzi
l’orti
plur. -i
i paesi
i nomi
i cani
i fiori
i soli
i pani
i ponti
i preti
i latti
i mali
sing. -a
u pueta
u papa
u prublema
u sistema
u prugramma
u dramma
u pianeta
u boia
u clima
u tema
plur. -a
i pueta
i papa
i prublema
i sistema
i prugramma
i dramma
i pianeta
i boia
i clima
i tema
Signalons que, dans l’usage actuel, la troisième classe tend à
rejoindre la première classe. Cela explique des formes comme
puetu, prublemu, sistemu, prugrammu, drammu… qui
font alors leur pluriel en -i : i pueti, i prublemi, i prugrammi,
i sistemi, i drammi… Le mot papa semble bien résister encore,
alors que pianeta tend à changer de genre, a pianeta, vraisemblablement sous la pression du français.
2. Régiolecte central
Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes :
– les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ;
164
LES NOMS MASCULINS
– les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.
sing. -u
u ghjacaru
u nodu
u basgiu
u mazzulu
u stazzu
u topu
u ventu
u cantu
u lumu
u pesciu
plur. -i
i ghjacari
i nodi
i basgi
i mazzuli
i stazzi
i topi
i venti
i canti
i lumi
i pesci
sing. -i
u pani
u pastori
u culori
u mobbuli
u duttori
u pedi
u cori
u monti
l’adori
u muradori
plur. -i
i pani
i pastori
i culori
i mobbuli
i duttori
i pedi
i cori
i monti
l’adori
i muradori
sing. -a
u pueta
u papa
u prublema
u sistema
u prugramma
u dramma
u pianeta
u boia
u clima
u tema
plur. -a
i pueta
i papa
i prublema
i sistema
i prugramma
i dramma
i pianeta
i boia
i clima
i tema
Nous ferons la même remarque que précédemment à propos
de la troisième classe qui semble vouloir rejoindre la première
classe.
3. Le régiolecte méridional
Dans ce régiolecte, le masculin compte quatre classes :
– les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel ;
165
LES CLASSES NOMINALES
– les noms qui font -u au singulier et -a au pluriel ;
– les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.
166
sing. -u/plur. -i
u ziteddu
u ghjacaru
u maestru
u ziu
u cataru
u monacu
u tordulu
u zocculu
i ziteddi
i ghjacari
i maestri
i zii
i catari
i monachi
i torduli
i zocculi
sing. -u/plur. -a
u locu
u focu
u muru
u corpu
u colpu
u batteddu
u marteddu
u capiddu
i loca
i foca
i mura
i corpa
i colpa
i battedda
i martedda
i capidda
sing. -i/plur. -i
u mudori
u signori
u sangui
u pastori
u fucili
u campanili
u mesi
u paesi
i mudori
i signori
i sangui
i pastori
i fucili
i campanili
i mesi
i paesi
sing. -a/plur. -a
u pueta
u papa
u prublema
u prugramma
u dramma
u sistema
u pianeta
u boia
u clima
u tema
i pueta
i papa
i prublema
i prugramma
i dramma
i sistema
i pianeta
i boia
i clima
i tema
LES NOMS MASCULINS
Comme dans les autres régiolectes la classe des noms en -a
tend à rejoindre la classe des noms en -u.
Pour ce qui concerne le pluriel en -a, la règle traditionnelle
voudrait qu’il fût réservé aux seuls noms masculins en -u qui n’ont
pas de féminin en -a, auquel cas le pluriel se ferait en -i.
Sont toutefois exclus du pluriel en -a les noms masculins en -u
qui, sans présenter de féminin, ont une forme proparoxytonique,
autrement dit les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième. C’est le cas de cataru, monacu, zocculu, tordulu, que
nous avons donnés en exemple plus haut.
On peut avoir des cas pour lesquels le féminin est seulement
apparent ; ce qui provoque un pluriel en -i pour les deux noms
(pourtant différents) :
u portu (le port)
a porta (la porte)
u coppiu (le couple)
a coppia (le joug)
u bancu (le banc)
a banca (la banque)
u coghju (le cuir)
a coghja (la couenne)
u pilu (le poil)
a pila (le bassin)
> i porti
> i porti
> i coppii
> i coppii
> i banchi
> i banchi
> i coghji
> i coghji
> i pili
> i pili
De nos jours, on peut constater un certain nombre de
phénomènes qui remettent en cause les règles traditionnelles.
Nous avons vu comment la classe des noms en -a tend à
s’aligner sur la classe des noms en -u. C’est un phénomène assez
courant que l’on nomme métaplasme.
Il se trouve que la classe des noms en -e pour le nord et -i pour
le sud semble sujette au même phénomène.
En effet, il n’est pas exceptionnel d’entendre aujourd’hui des
formes comme u paesu, u fiumu, u nomu, u fioru, u duttoru, etc.
167
LES CLASSES NOMINALES
qui sont le témoignage d’un réaménagement des classes nominales.
Il apparaît cependant que ce phénomène touche prioritairement le
Pumonti.
Un autre changement important concerne le pluriel en -a,
propre au régiolecte méridional. On constate en effet que ce pluriel
particulier tend à se propager et à investir le régiolecte central,
notamment le Taravu (le régiolecte septentrional n’est aucunement
concerné). Cependant, cette diffusion du pluriel en -a s’effectue
avec des évolutions particulières dans la mesure où celui-ci s’applique pratiquement à tous les noms en -u ainsi qu’à la plupart des
noms en -i.
La conséquence majeure de ce type d’évolution se perçoit dans
la généralisation du pluriel en -a qui va jusqu’à s’étendre à des
noms féminins qui traditionnellement n’étaient pas concernés
par ce pluriel. Dès lors il n’est plus rare d’entendre des formes
comme : i peda, i fiuma, i paesa, i fiora, i ponta, i noma, etc.
que le système traditionnel ne connaissait pas.
On peut penser que la généralisation du pluriel en -a, dans une
grande partie du Pumonti, est associée au caractère identitaire de
ce pluriel que les variétés linguistiques du sud exploitent « au
maximum » pour se distancier des variétés septentrionales.
Nous pouvons signaler également que les choix relatifs aux
classes nominales ne sont pas nécessairement les mêmes dans les
trois régiolectes. Par exemple, on trouvera des noms en -u au nord
(un ochju, un arburu) quand on aura les mêmes noms en -i dans
le sud (un ochji, un arburi).
B. Les noms à voyelle finale tonique
On trouve les mêmes classes du nord au sud. Tous les noms à
voyelle finale tonique, dont la plupart sont issus d’emprunts aux
langues étrangères ou représentent d’anciennes formes latines
tronquées, sont invariables.
168
LES NOMS FÉMININS
* finale -à :
* finale -è :
* finale -ì :
* finale -ò :
* finale -ù :
u soffà, u pascià, u sgiasgià, u sinemà.
u caffè, u rè, u sciaminè, u piacè, u sapè, u canapè.
u schì, u zinzì, u tassì.
l’aviò, u camiò, u chilò, u prò, u sgiò.
u caucciù, u bambù, u tabbù.
II. LES NOMS FÉMININS
Comme pour les noms masculins nous pouvons distinguer les
noms à voyelle finale atone des noms à voyelle finale tonique.
A. Les noms à voyelle finale atone
1. Régiolecte septentrional
Dans ce régiolecte, le féminin compte trois classes :
– les noms qui font -a au singulier et -e au pluriel ;
– les noms qui font -e au singulier et -i/-e au pluriel ;
– les noms qui font -i au singulier et -i/-e au pluriel.
sing. -a
a casa
a donna
a strada
a vacca
a pecura
plur. -e
e case
e donne
e strade
e vacche
e pecure
sing. -e
a croce
a chjave
a corte
a noce
a notte
plur. -i/e
e croci, e croce
e chjavi, e chjave
e corti, e corte
e noci, e noce
e notti, e notte
sing. -i
a crisi
l’annalisi
a sintesi
plur. -i/e
e crisi, e crise
l’annalisi/e
e sintesi, e sintese
169
LES CLASSES NOMINALES
La troisième classe se résume à des cas rares que certaines
variétés ont fini par supprimer en l’alignant sur la première classe :
a crisa, l’annalisa, a sintesa (avec déplacement de l’accent
tonique sur la pénultième pour les deux dernières formes).
On peut également signaler, pour le régiolecte septentrional
uniquement, une forme exceptionnelle de féminin en -u avec a
manu (la main). C’est une forme que certaines variétés abandonnent (Bastia, Cap) pour l’aligner sur la première classe : a mana/e
mane (la main/les mains).
Ce féminin exceptionnel en -u s’explique par l’étymologie
(MANUS), mais aussi par le besoin de distinguer les formes du
pluriel :
a manu (la main) > e mani (les mains)
a mane (le matin) > e mane (les matins)
Dans les variétés où les formes du pluriel sont identiques, c’est
le contexte qui explicite le sens.
À noter la forme invariable de la région de Vicu : a manu > e
manu.
2. Régiolecte central
Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes :
– les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font — i au singulier et -i au pluriel.
sing. -a/plur. -i
sing. -i/plur. -i
170
a pignatta
a spazzola
a femmina
a canzona
l’arba
a notti
a boci
a croci
a noci
a foci
i pignatti
i spazzoli
i femmini
i canzoni
l’arbi
i notti
i boci
i croci
i noci
i foci
LES NOMS FÉMININS
3. Régiolecte méridional
Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes :
– les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel ;
– les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel.
sing. -a/plur. -i
a stadda
a ghjumenta
a padedda
a vittura
a stantara
i staddi
i ghjumenti
i padeddi
i vitturi
i stantari
sing. -i/plur. -i
a mudderi
a turri
a cruci
a noci
a peddi
i mudderi
i turri
i cruci
i noci
i peddi
B. Les noms à voyelle finale tonique
Au féminin, les classes à voyelle finale tonique sont moins
nombreuses qu’au masculin. Nous pouvons en déterminer trois :
* finale -à : a qualità, a cità, l’università, a libbartà, a civiltà,
a sucetà, a publicità, a scularità, a prupietà, a capacità, a rialità, a
virità, a metà…
* finale -ù : a virtù, a ghjuventù, a schiavitù, a servitù, a tribbù.
* finale ò : a televisò, a lizziò.
La classe en -ò est représentée par des formes tronquées
que l’on peut toujours reconstituer dans leur version complète :
televisione/i, lizzione/i.
CHAPITRE 6
LA CRÉATION DES MOTS
La langue corse dispose d’un lexique qui représente l’ensemble
des mots mis à la disposition des locuteurs corsophones pour
exprimer le monde qui les entoure. Le lexique corse s’est constitué
et s’est développé au fil de l’histoire par des procédés de création
qui ont mobilisé les aptitudes de la langue à construire des mots
nouveaux (évolution interne). L’enrichissement lexical s’est également opéré par l’emprunt à d’autres langues (évolution externe).
Dans ce domaine important et délicat de la néologie (création de nouveaux mots), le corse a eu recours, comme toutes les
langues romanes, à l’emprunt et à la création.
I. ÉVOLUTION EXTERNE
Par évolution externe nous entendons un développement
du fonds lexical d’une langue par l’emprunt de mots à une ou
plusieurs langues étrangères.
L’emprunt est dit de nécessité lorsqu’une langue, ne disposant
pas du mot pour désigner un nouvel objet ou un nouveau concept,
emprunte un mot déjà inventé et utilisé dans une langue étrangère.
C’est un procédé banal qui se manifeste le plus souvent dans les
domaines qui évoluent rapidement, notamment le domaine technique. Certains pays en mal d’identité peuvent, parfois, mettre en
œuvre une politique linguistique qui vise à remplacer, avec plus
ou moins de réussite, le mot étranger par une création indigène.
L’emprunt est dit de luxe quand un mot étranger est utilisé alors
que la langue locale dispose du terme équivalent. Ce phénomène
175
LA CRÉATION DES MOTS
peut être dû à un effet de mode ou bien à la pression d’une langue
sur l’autre dans un contexte diglossique.
Qu’il soit de nécessité ou de luxe, l’emprunt est intégral s’il est
utilisé sous sa forme étrangère, et il est partiel s’il est adapté au
système phonologique et morphologique de la langue autochtone.
Pour ce qui concerne le corse, l’évolution externe s’est le plus
souvent opérée par emprunt partiel. On peut alors trouver dans
le lexique des mots qui, bien que considérés comme totalement
corses aujourd’hui, sont issus de différentes langues étrangères.
Au plan historique, il nous faut appréhender comme étrangères
au corse les langues qui étaient aussi étrangères au latin. Relèvent
donc du substrat prélatin les mots que le latin a empruntés à la
langue que parlait la population qui se trouvait en Corse au moment
de la conquête romaine (259 av. J.-C.). À l’époque, qu’ils fussent
de nécessité ou de luxe, de nombreux emprunts se sont intégrés
au lexique latin de sorte qu’on les retrouve de nos jours dans le
lexique corse. Ghjacaru, caracutu, muvra, taravellu (tarabucciu),
caravonu, chjappa, cuscogliula, ghjargalu, tafonu… sont
autant de mots qui puisent leur origine dans la langue « corse »
prélatine.
Après la chute de l’empire romain ce sont les langues de
superstrat (langues des envahisseurs qui ont recouvert le latin
sans toutefois l’éliminer) qui ont fourni du vocabulaire nouveau au
latin. De ces emprunts aux langues germaniques nous viennent :
guerra, guardà, guardia, brandu, rubbà, robba, tregua, guarì,
guadagnà, guantu, tuvaglia/tuvadda, anca, schincu, schiuma,
bancu, biancu, grattà, savonu, grisgiu, urgogliu, riccu, frescu/
friscu, spia, schisà, abbandunà, vanga…
Le gothique nous a livré : banda, rocca, steccu, bandera,
schiettu, stanga, schiattà, fiascu.
Le lombard a fourni : spietu, surnachjà, staffa, milza, scherzu,
techju, balconu, trappula, lestru, lonzu, ciuffu…
Lors de la graduelle constitution des langues romanes (issues
du latin), d’autres emprunts se sont opérés au gré des contacts
176
ÉVOLUTION EXTERNE
de langues dus aux différentes invasions, incursions et autres
conquêtes. C’est ainsi que de nombreux termes nous viennent de
l’arabe : amiragliu, libbecciu, zeru, milanzana, arsenale, cutone,
aranciu, sciroccu, dugana, limone, cerra, risu, zuccaru, baracuccu, giraffa, azardu, à buzeffu…
Par la suite, de nombreux emprunts ont pu s’opérer entre
langues romanes :
– ancien français : manghjà, ghjustra, viaghju, baullu,
giardinu…
– espagnol : sgiò, cumplimentu, crianza, lindu…
– génois : piola, carrega, camallu, brandale, carbusgiu,
scagnu, spichjetti, carrughju, missiavu…
– toscan : armariu, tamantu, lebbiu, etima, mansu, albasgia,
minuci, avà, besgiu…
De nos jours, les effets de la francisation linguistique de la
Corse révèlent une évolution qui privilégie l’emprunt partiel
de luxe. Ainsi peut-on entendre des mots comme bulansgeru,
busceru, buatta, pruminata, lunetti, orosamenti… dont le corse
pourrait se passer dans la mesure où il possède ses termes propres :
panatteru, macillaru, scatula, spassighjata, spichjetti, ancu assai/
ancu di grazia…
Un autre type d’emprunt s’observe dans le calque qui consiste
à traduire, avec des moyens lexicaux autochtones, une expression
étrangère en lui conservant ses caractéristiques syntaxiques. C’est
le fameux « mot-à-mot » que l’on conseille d’éviter dans les exercices de traduction.
On trouve, par exemple, des expressions comme un colpu
d’ochju, un colpu di telefunu, fà a coda, fà rivene, vene di ghjunghje, ci hè u mondu, etc. qui renvoient respectivement à « un coup
d’œil, un coup de téléphone, faire la queue, faire revenir (culinaire), il vient d’arriver, il y a du monde » que le corse rendrait
par un’uchjata, una telefunata, fà a fila, suffrighje, ghjunghje à
pena avà, ci hè a ghjente.
177
LA CRÉATION DES MOTS
Le calque peut revêtir un caractère « nécessaire » dans des
formes comme autostrada, televisione, magnetofunu, magnetoscopu, grattacelu, lavapanni, tavula à vela, etc.
II. ÉVOLUTION INTERNE
On distingue le lexique simple du lexique construit. Le premier
concerne les mots qui ne peuvent pas se décomposer : rena, lettu,
pani, barca, portu, funa, vacca… Le second s’applique aux mots
construits :
– par dérivation : muntagna, linguaghju, misincu, cumbatte,
arcibabbone, intarru…
– par composition : capimachja, paracqua, benistà, codimozzu, portavista…
– par formation savante : pulinumia, zuulugia, rizutonicu,
psicuterapia…
Nous proposons d’étudier, dans cette partie, les modalités de
création lexicale relevant du lexique construit.
A. La dérivation
La dérivation est un procédé de construction qui met en jeu une
base lexicale à laquelle on ajoute un élément. Si cet élément est
antéposé il s’agira d’un préfixe, s’il est post-posé il s’agira d’un
suffixe. On peut également trouver des mots qui présentent à la
fois un préfixe et un suffixe ; ce sont des formes dites parasynthétiques. En règle générale la base est issue du lexique simple
ou d’un emprunt.
Il existe une forme de dérivation dite impropre qui consiste
à faire passer un mot d’une classe grammaticale dans une autre :
manghjà (verbe) > u manghjà (nom), sapè (verbe) > u sapè
(nom), etc.
178
ÉVOLUTION INTERNE
1. Suffixation
Les critères fonctionnels de classification tiennent compte de la
classe de départ (base) et de la classe d’arrivée (mot dérivé). On
peut ainsi obtenir des noms construits à partir de noms, d’adjectifs
et de verbes ; des adjectifs formés sur des noms, des adjectifs et
des verbes ; des verbes issus de noms, d’adjectifs, de verbes.
BASE
nom
nom
nom
BASE
adjectif
adjectif
adjectif
BASE
verbe
verbe
verbe
MOT DÉRIVÉ
nom
adjectif
verbe
CLASSE D’ARRIVÉE
CLASSE DE DÉPART
nom
adjectif
verbe
porcu
bellu
spirà
nom
nom
nom
purcaghju
billezza
spiranza
nom
adjectif
verbe
pelu/pilu
rossu/russu
capì
adjectif
adjectif
adjectif
pilosu
russicciu
capiscitoghju
nom
adjectif
verbe
saltu
sciancu
scrive/a
verbe
verbe
verbe
saltichjà
scianchittà
scrivacciulà
Un autre critère de classification se trouve dans la fonction
des suffixes. On peut alors distinguer les suffixes dérivatifs des
suffixes altératifs. Les premiers modifient le contenu sémantique
de la base en introduisant un sens nouveau ou une réalité différente :
capra représente un animal ; capraghju une personne. Les seconds
introduisent une dimension « affective » sans que l’on puisse parler
d’un véritable changement du contenu sémantique ; il s’agit d’une
179
LA CRÉATION DES MOTS
simple « altération » du sens qui s’effectue dans quatre directions
grâce aux suffixes diminutifs, augmentatifs, péjoratifs et laudatifs.
Les diminutifs et les augmentatifs expriment « l’objectivité »
(du plus petit au plus grand) ; les péjoratifs et les laudatifs expriment
la « subjectivité » (du négatif au positif).
a. Suffixes altératifs
Par commodité nous présenterons les principaux suffixes au
masculin ; les exemples tiendront compte des deux genres.
* Diminutifs :
– ellu/-eddu
– ettu
– inu
– olu
– ucciu
furnellu, purtellu, chjuseddu…
casetta, dunnetta, librettu…
cuchjarinu, ghjattinu…
paisolu, caniolu…
zitellucciu, tupucciu…
* Augmentatifs :
– one/i/u
purtone, caponi, zitiddonu…
– issimu
grandissimu…
– ottu
vichjottu, anzianottu…
180
* Péjoratifs :
– acciu
– achju
– aglia
– anciu
– astru
animalacciu, linguaccia, littacciu…
nigrachju…
rubbaglia, purcaglia…
piglianciu…
russastru, biancastru…
* Laudatifs :
– acciu
– issimu
– izzone/i/u
– one/i/u
amicacciu…
bellissimu..
capizzone…
umone…
ÉVOLUTION INTERNE
Certains suffixes sont polyvalents car ils ont la faculté
d’exprimer différentes significations dans le domaine de
l’altération. Par ailleurs, ils peuvent faire partie des suffixes
dérivatifs. Par exemple, dans amicacciu le suffixe est un altératif
augmentatif ; dans animalacciu c’est un altératif péjoratif ; dans
bastiacciu c’est un dérivatif qui exprime l’origine géographique ;
dans Bastelicaccia c’est un dérivatif qui exprime l’appartenance.
On peut également trouver des formes accumulatives
dans lesquelles les suffixes s’additionnent : purcaccione/i
présente -acciu + one/i qui expriment un péjoratif doublé d’un
augmentatif.
b. Suffixes dérivatifs
– abile/i
cuntabile
– acciu
purtivichjacciu
Ghisunaccia
– ace/i
luquace
– adore/i
piscadore
– aghja
ghjandaghja
– aghjolu
lignaghjolu
curtaghjolu
– aghju
linguaghju
mulinaghju
granaghju
pitricaghju
– aglia
muraglia
– agnu
calcagnu
– agna
muntagna
– ale/i
murtale
fiuminale
ditale
cumunale
– ame/i
muntame
fugliame
(qualité, agent)
(origine)
(appartenance)
(qualité)
(agent)
(zoologie)
(agent)
(qualité)
(concept)
(agent)
(lieu)
(collectif)
(résultat)
(anatomie)
(géologie)
(qualité)
(géol.)
(instrument)
(appartenance)
(résultat)
(collectif)
181
LA CRÉATION DES MOTS
– anu
– ante/i
– anza
– ardu
– are/i
– ariu
– aru
– ascu
– ata
– aticu
– atteru
– atu
– azzu
– dore/i
– ecciu
– eghju
182
suttanu
castellanu
purtulanu
ignurante
ghjurnatante
spiranza
fratellanza
tistardu
pupulare
filare
reazziunariu
funziunariu
seminariu
macellaru
campanaru
murascu
amarascu
ruchjata
manata
bacinata
annata
uchjata
cullata
buaticu
terraticu
panatteru
parentatu
viscuvatu
tinazzu
piscadore
mammarecciu
natalecciu
arrubbecciu
schifeghju
(qualité)
(fonction)
(origine géogr.)
(qualité)
(agent)
(abstrait)
(abstrait)
(qualité)
(qualité)
(résultat)
(qualité)
(agent)
(lieu)
(profession)
(fonction)
(origine géogr.)
(qualité)
(collectif)
(contenu)
(mesure)
(résultat)
(action)
(qualité)
(impôt)
(location)
(agent)
(collectif)
(religieux)
(contenant)
(agent)
(qualité)
(temps)
(résultat)
(qualité)
ÉVOLUTION INTERNE
– enda
– ente/i
– enza
– era
– eria
– eru
– escu
– esca
– ese/i/u
– esimu
– estru
– etu
– evule/i
– ezza
– ia
– ianu
– ichj– icciu
– iccia
– ieru
– ifica
lighjenda
faccenda
sarrenda
accugliente
dirigente
accuglienza
tribbiera
spiccera
caffittera
panera
purcheria
biancheria
pinseru
rumanescu
pitturescu
muresca
curtinese
burghese
marchese
incantesimu
campestru
ulmetu
piacevule
bellezza
maestria
signuria
partianu
saltichjà
massicciu
malaticciu
lamaghjuniccia
guerrieru
altieru
classifica
(genre littéraire)
(action)
(lieu)
(qualité)
(fonction)
(notion)
(action)
(manière)
(instrument)
(contenant)
(qualité)
(collectif)
(abstrait)
(ethnique)
(qualité)
(manière)
(origine géogr.)
(qualité)
(rang)
(abstrait)
(qualité)
(lieu planté en…)
(qualité)
(qualité)
(qualité)
(rang)
(qualité)
(action)
(qualité)
(état)
(collectif)
(agent)
(qualité)
(ordre)
183
LA CRÉATION DES MOTS
– igianu
– ignu
– ile/i
– ighj– ime/i/u
– incu
– inu
– ina
– iu
– isimu
– istu/a
– ita
– ità
– ite/i/a
– itù
– itudine/i
– izia
– izzul– iz– izza
– izzu
– mentu
184
artigianu
partigianu
malignu
purcile
caccighjà
runzichime
bunifazincu
misincu
guardincu
arrutinu
aiaccinu
purcinu
pecurinu
briachina
pisiu
murmuriu
tardiu
sucialisimu
determinisimu
banditisimu
cumunistu
linguistu
ghjurnalistu
durmita
vanità
brunchite
schiavitù
sulitudine
ghjustizia
scudizzulà
sucializà
panizza
pastizzu
cambiamentu
(agent)
(appartenance)
(qualité)
(lieu)
(action)
(action)
(origine géogr.)
(temps)
(qualité)
(agent)
(origine géogr.)
(appartenance)
(provenance)
(action)
(qualité)
(intensité)
(temps)
(appartenance)
(concept)
(résultat)
(appartenance)
(spécialité)
(agent)
(résultat)
(qualité)
(médecine)
(qualité/collectif)
(état)
(valeur)
(action)
(action)
(culinaire)
(culinaire)
(état)
ÉVOLUTION INTERNE
– ognulu
– oghju
– one/i/u
– oni
– ore/i
– osu
– ticciu
– tivu
– toghju
– (t) tore/i
– tù
– tura
– ulugia
– ume/i/u
– ura
– uta
– utu
– ughjine/i
– usca
– zione/i
sciuglimentu
verdognulu
missoghju
rasoghju
pidone
trascinoni
chjarore
albore
attore
pilosu
ghjunghjiticciu
ghjuvativu
lavatoghju
capiscitoghju
direttore
ghjuventù
andatura
musiculugia
sudiciume
pianura
brusgiatura
altura
battuta
barbutu
scimughjine
manghjusca
spurtazione
(action)
(qualité)
(qualité)
(instrument)
(agent)
(manière)
(qualité)
(temps)
(agent)
(qualité)
(qualité)
(qualité)
(lieu)
(qualité)
(fonction)
(qualité/collectif)
(manière)
(spécialité)
(qualité)
(géolog.)
(résultat)
(qualité)
(action)
(qualité)
(qualité)
(collectif)
(action)
2. Préfixation
Les modalités de la préfixation laissent apparaître deux types de
préfixes : les préfixes monovalents et les préfixes polyvalents.
Les premiers n’ont qu’une seule fonction : créer des formes
185
LA CRÉATION DES MOTS
dérivées ; les seconds peuvent être préfixes, mais aussi adverbes,
prépositions etc.
Les exemples qui vont suivre pourront être à la fois préfixés et
suffixés.
a. Préfixes monovalents
aapuliticu
antiantinaziunalistu
arciarcibabbonu
arcivescu
bibimisincu
bisbislinguisimu
catacatapughjà
catalettu
didirascà
disdisunori
eevasione
esespurtà
ilillicitu
imimpussibuli
inintrappulà
intarrà
incapacità
infrainfrastruttura
inframetta
infrarossu
interinternaziunali
intraintrappona
irirraziunali
mismisfatta
paraparamilitari
polipolimorfu
prepreputente
prestabulì
186
(privatif)
(opposition)
(parenté)
(grade)
(intensité)
(intensité)
(espace)
(fonction)
(privatif)
(négatif)
(action)
(espace)
(qualité)
(privatif)
(action)
(intérieur)
(qualité)
(organisation)
(espace)
(qualité)
(espace)
(espace)
(négatif)
(négatif)
(qualité)
(qualité)
(intensité)
(temps)
ÉVOLUTION INTERNE
prupuretrurirs-
strastrassupertratranstrasvice-
prumetta
pruvena
pumonti
retruattivu
rivucà
rispechjà
raligrà
sfurtunatu
smova
sbarcà
strariccu
straparlà
strasurdinariu
supermarcatu
tramuntana
trabuccà
transerupeiu
trasfurmà
trasportu
vicerè
b. Préfixes polyvalents
aavvicinà
allungà
attunduliscia
contracontrafà
contrariforma
cumcumbatta
cumpani
cuncunfederazione
cundivide
cunturrà
culcullegà
(temps)
(espace)
(espace)
(temps)
(négatif)
(répétition)
(intensité)
(privatif, négatif)
(intensité)
(espace)
(intensité)
(négatif)
(intensité)
(intensité)
(espace)
(intensif)
(espace)
(intensité)
(espace)
(intensité)
(espace)
(espace, temps)
(intensité)
(négatif)
(opposition)
(intensité)
(union, relation)
(espace)
(union, relation)
(espace)
(espace)
187
LA CRÉATION DES MOTS
curframalmale/aper/parsoprasu-
tra-
currisponda
frattempu
maltrattà
maladettu
perdunà
permanente
soprappone
sopravalutà
sualzà
suppurtà
sughjornu
trafrancà
(espace)
(temps)
(négatif)
(négatif)
(intensité)
(temps)
(espace)
(intensité)
(espace)
(intensif)
(temps)
(espace)
3. Formes parasynthétiques
Il s’agit des mots qui présentent à la fois un préfixe et un
suffixe ; la forme sans préfixe étant impossible.
Le mot arcibabbone est suffixé puis préfixé : babbu > babbone
> arcibabbone ; ce n’est pas une forme parasynthétique.
Le mot indebbulisce est parasynthétique car la forme
« debbulisce » n’existe pas.
La plupart des formes parasynthétiques sont des verbes :
arrussisce, attundulisce, imbellisce, etc.
En fait, les formes parasynthétiques peuvent présenter une
désinence en lieu et place du suffixe, ce qui explique la fréquence
des formes verbales qui ne peuvent exister sans préfixe :
abbandunà, intarrà, impastughjà, arrutà, etc.
B. La composition
Les mots composés sont construits à partir de l’association de
mots qui, dans la langue, ont une existence autonome. La composition est une sorte d’ « agglutination » de deux mots différents
qui crée un troisième mot avec son sens propre. On peut dire qu’à
188
ÉVOLUTION INTERNE
partir de deux unités lexicales indépendantes on construit une
nouvelle unité lexicale indépendante.
Le procédé de la composition aboutit à la création de noms
composés, d’adjectifs composés, de verbes composés.
1. Noms composés
* nom + nom :
capu + machja = capimachja
capu + ciocciu = capiciocciu
capu + squadra = capisquadra
* nom + adjectif : pettu + rossu = pettirossu
pede + neru = pedineru
capu + biancu = capibiancu
ochju + stortu = ochjistortu
campu + santu = campusantu
* adjectif + nom : negru + fume = negrufume
dolce + vita = dolcevita
biancu + spinu = biancuspinu
* verbe + nom : parà + acqua = paracqua
truncà + collu = troncacollu
stantà + pane = stantapane
sparte + tempu = spartitempu
asciuvà + manu = asciuvamanu
scurnà + boiu = scornaboiu
* verbe + verbe : parà + piglià = parapiglia
* adverbe + verbe :
bè (ne) + stà = benistà
2. Adjectifs composés
* nom + adjectif : coda + mozzu = codimozzu
bocca + finu = bocchifinu
lingua + furcutu = linguifurcutu
capu + tosu = capitosu
capelli + rossu = capellirossu
culu + sciacciatu = culisciacciatu
* verbe + nom : rompe + stacche = rompistacche
189
LA CRÉATION DES MOTS
3. Verbes composés
* nom + verbe : capu + ciuttà = capiciuttà
capu + ficcà = capuficcà
capu + vultà = capivultà
radiu + trasmette = radiutrasmette
* verbe + nom : sciaccà + manu = sciaccamanà
girà + tondulu = giratondulà
* adverbe + verbe : male + avvià = malavvià
male + dì = maledì
4. Autres formes composées
Il peut exister des formes composées dont les constituants sont
séparés mais n’en demeurent pas moins solidaires.
Ces formes peuvent se construire :
– par répétition du même mot : scappa scappa, fughji fughji,
piglia piglia ;
– par deux mots différents : stancu mortu, imbriacu zeppu,
crosciu intintu ;
– par deux mots liés par une conjonction : colla è fala, passa
è vene ;
– par deux mots liés par une préposition : capi d’opara.
Chacune de ces formes représente un ensemble solidaire que
l’on ne peut pas rompre en intercalant un autre élément. On ne
dira jamais un passa (pianu) è vene, hè stancu (u) mortu, un
capi (chjucu) d’opara etc. sous peine de compromettre l’unité de
sens.
CHAPITRE 7
L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE :
LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE
Une langue n’est jamais figée. Elle évolue dans le temps, se
modifie, change en permanence. Certaines périodes de l’histoire
sont propices au changement, d’autres, au contraire, favorisent le
ralentissement. On sait, par exemple, que l’isolement (faiblesse des
relations internationales, interculturelles…) contrarie l’évolution
linguistique. En revanche, les situations plurilingues donnent lieu
à de multiples changements. Toutefois, même pendant les périodes
d’isolement sévère, une langue peut subir des modifications par
des innovations qui ne doivent rien à l’influence extérieure. L’évolution est donc due à des réaménagements internes et/ou à des
influences externes.
L’évolution linguistique laisse supposer qu’une langue change
dans tous les domaines : lexical, phonologique, morphologique,
syntaxique, pour ne citer que les principaux. La langue corse,
comme toute langue, n’échappe pas à la règle. On peut ainsi
observer de nos jours des évolutions qui relèvent d’une part, du
réaménagement interne et, d’autre part, de l’influence extérieure.
I. RÉAMÉNAGEMENT INTERNE
Nous avons eu l’occasion, dans le chapitre consacré à la
morphologie, de signaler certaines évolutions qui ne doivent rien
aux influences allogènes.
La morphologie nominale, par exemple, est sujette à un phénomène qui remet en cause tout le système nominal : le métaplasme.
En effet, les classes nominales ont tendance à se réduire et à se
simplifier : la désinence -u semble destinée à représenter tout
193
L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE
: LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE
le genre masculin et la désinence -a tout le genre féminin. Cela
suppose la disparition des classes du masculin en -e/i au bénéfice
de la classe en -u, et des classes du féminin en -e/i au bénéfice de
la classe en -a.
ÉVOLUTION DES CLASSES NOMINALES
Masculin
– e/i > -u
u paese/i
u fiume/i
u nome/i
u male/i
u paesu
u fiumu
u nomu
u malu
Féminin
– e/i > -a
a pelle/i
a corte/i
a croce/i
a torre/i
a pella
a corta
a crocia
a torra
Parallèlement à l’évolution du genre on observe l’évolution
du nombre : généralisation d’un pluriel masculin en -a (i pedi >
i peda) avec possibilité d’extension au féminin (i vacchi >
i vacca) dans le sud de l’île ; généralisation d’un pluriel féminin
en -e (e notti > e notte) dans le nord. Cette évolution du nombre
semble également motivée par une simplification du système.
Dans le domaine verbal nous avons déjà fait allusion à la réduction de la classe des verbes arhizotoniques en -è (pudè, sapè…)
qui devraient rejoindre, à terme, le groupe des verbes rhizotoniques en -e/a.
Un autre genre d’évolution relève du développement des relations interdialectales. En effet, plusieurs paramètres nouveaux
favorisent les contacts entre variétés corses qui, chez de nombreux
locuteurs, se traduisent par un mélange de type « intralectal ».
Parmi ces paramètres nouveaux nous pouvons citer :
– le désenclavement des régions ;
– le renouveau culturel, notamment à travers le chant et la
littérature ;
– l’expression en langue corse dans plusieurs médias ;
194
INFLUENCES EXTÉRIEURES
– la convergence vers les villes de locuteurs issus de différentes
régions de la Corse ;
– l’université qui regroupe des milliers de jeunes en provenance
de toutes les régions de l’île ;
– l’enseignement du corse « polynomique » dans l’école
publique.
II. INFLUENCES EXTÉRIEURES
Le contexte sociolinguistique corse est caractérisé par la
diglossie. Il s’agit d’une situation dans laquelle coexistent deux
langues dans des rapports de dominant à dominé. Sans entrer
dans la recherche des causes historiques et politiques d’une telle
situation, nous dirons simplement que le contexte diglossique
favorise fortement l’évolution linguistique par les influences que
chacune des deux langues exerce sur l’autre.
L’influence du corse sur le français mène à ce qui est
communément appelé le « français régional de Corse » dont les
particularités sont directement liées au système linguistique corse.
Cette variété, lorsqu’elle n’est pas utilisée sciemment pour rechercher
un effet particulier, est toujours appréhendée comme du « mauvais »
français et tend à dévaloriser la personne qui la pratique.
L’influence du français sur le corse, qui nous intéresse davantage
dans le cadre de ce chapitre, aboutit à un corse jugé « déchiré »
(u corsu stracciatu) que les puristes dénoncent. Le « francorse »
(u francorsu) se présente alors comme le fac-similé d’un français
à peine maquillé. Les influences linguistiques françaises sur le
corse se manifestent dans différents domaines.
A. Le lexique
Nous indiquions, dans le chapitre précédent, que la tendance
actuelle privilégie le recours à l’« emprunt partiel de luxe ». Cela
s’exprime par l’utilisation de mots français que l’on a adaptés au
195
L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE
: LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE
système phonologique et morphologique corse, bien que les mots
corses équivalents existent déjà. Ainsi nous pouvons entendre des
formes comme :
bulansgeru
bicchiglie
burò
amusà si
pruminà
orosu
arrusà
nappa
sgenà
busceru
futtogliu
cumparà
dangiorosu
evaluà
etc.
pour
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
‘’
panatteru
crochje
scagnu
diverte/a si
spassighjà
felice
annacquà
tuvaglia/tuvadda
scumudà, disturbà
macellaru/maciddaru
carrigone/i/u
paragunà
periculosu
valutà
Le calque est également un secteur important de l’influence
française. Rappelons qu’il s’agit d’une forme d’emprunt qui
s’exprime par une traduction littérale (terme à terme) : un coup
d’œil > un colpu d’ochju, faire la queue > fà a coda, poser une
question > pone/a una quistione/i…
Le calque peut aussi aboutir à des traductions erronées. C’est
le cas dans pusà una quistione/i où le verbe pusà n’a rien à voir
avec « poser » ; elettu cù 55 % di e voce (élu avec 55 % des voix)
où la forme e voce (les « voix ») remplace i voti ; una cuppa
di capelli (une coupe de cheveux) où cuppa renvoie à un contenant. Passons sur a voce ferrata qui voudrait désigner « la voie
ferrée ».
196
INFLUENCES EXTÉRIEURES
B. La phonologie
Les sons et l’organisation de ceux-ci dans le système peuvent
faire l’objet d’évolutions dues à l’influence du français.
Par exemple, la prononciation de la consonne r évolue de plus
en plus sûrement vers le « r vélaire » à la française alors que le r
corse se voudrait « roulé ».
Des séquences consonantiques comme [ks] [gz] [pt] [kt] [dm]
[bd] peuvent se transférer au corse dans des formes jugées incorrectes mais néanmoins pratiquées : clacsunà, exilatu, adaptà,
actualità, administrà, ebdomadariu (respectivement : klaxonner,
exilé, adapter, actualité, administrer, hebdomadaire).
On peut noter certaines évolutions comme la consonne [dz]
qui se transforme en [z] dans des formes comme culunisazione,
armunisazione, sucialisazione, etc. qui sont pourtant dérivées de
culunizà, armunizà, sucializà, etc.
Certaines prononciations comme cunstruisce, munstrà,
instituzione, institudore sont calquées sur le français ; le corse
demanderait custruisce (ou custruce), mustrà, istituzione,
stitudore.
L’accent tonique, qui ressortit également à la phonologie, tend
à se déplacer vers la fin du mot sur le modèle français : origine,
lessicu, sinonimu, gravissimu, simpaticu, ecunomicu, sintesi/a,
analisi/a, etc.
C. La morphologie
Dans ce domaine, on peut remarquer des alignements sur le
français dans l’emploi des prépositions :
ghjunghje di u cuntinente
scrittu pà u scularu
una casa in legnu
fà à manghjà
pocu à pocu
pour
pour
pour
pour
pour
da u cuntinente
da u scularu
di legnu
da manghjà
à pocu à pocu
197
L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE
: LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE
in cantendu
facini mori di rimori
ci sò d’altri parsoni
pienu di…
pour
pour
pour
pour
cantendu
mori rimori
ci sò altri parsoni
pienu à…
On peut également trouver des alignements dans l’emploi des
suffixes :
capiscevule
pour
capiscitoghju
faciulmente
pour
faciule
guvernamentu
pour
guvernu
classamentu
pour
classifica
piacente
pour
piacevule
L’influence du français touche parfois le genre en faisant
basculer le masculin vers le féminin : u fiore/i > a fiora, l’affare/i >
l’affara, u scarpu > a scarpa, un bellu culore > una bella
culore ; ou le féminin vers le masculin : a palma (le palmier) >
u palmu, a fronte/i > u fronte/i/u, e belle arti > i belli arti.
On remarque également certains verbes rhizotoniques en -e/a
qui, sous la pression du français, rejoignent la classe des verbes
arhizotoniques en -à : sprime/a > sprimà, ripete/a > ripetà,
cunsiste/a > cunsistà, discute/a > discutà.
Il en est de même pour certains verbes en -ì qui prennent des
formes nouvelles : prugredì > prugressà, custruì > custruce/
custrucia.
D. La syntaxe
La pression du français peut avoir des conséquences sur la
syntaxe corse en altérant des formes idiomatiques :
vene di ghjunghje
ci hè trè anni
tutti i centu anni
qual’hè chì vene ?
198
pour
pour
pour
pour
ghjunghje à pena
trè anni fa
ogni centu anni
quale vene ?
L’IDENTITÉ LINGUISTIQUE
nimu ùn parla
tantu megliu
di tantu in tantu
a casa a più bella di…
pour
pour
pour
pour
nimu parla
megliu cusì
di quandu in quandu
a casa più bella di…
III. L’IDENTITÉ LINGUISTIQUE
Nous l’avons dit : le corse évolue, il se modifie, il change.
Le changement linguistique est toujours appréhendé par
ceux qui le perçoivent comme une perte d’identité qui touche
particulièrement le domaine affectif. Car l’identité suppose
la permanence et la pureté qui ne peuvent s’accorder avec
l’évolution et l’hybridation.
Pourtant, la plus parfaite des langues, quelle qu’elle soit, n’est
autre que l’aboutissement provisoire d’une évolution faite d’innovations, d’emprunts et de mélanges de toutes sortes. Le corse
n’échappe pas à cette loi universelle et n’a aucune vocation à s’y
soustraire. Cela veut dire que le corse du IIIe millénaire, oral et
écrit, n’aura vraisemblablement pas le même aspect que le corse
actuel. Il faut se faire une raison. Cependant, cela ne signifie pas
que les Corses du « futur » ne parleront plus corse. Ils utiliseront
une langue qu’ils nommeront « corse » et lui attribueront des
fonctions identitaires semblables à celles que nous lui conférons
aujourd’hui.
Dès lors, il nous faut concevoir l’identité linguistique
(ou l’identité tout court) comme une construction évolutive. C’est
un processus permanent de « production identitaire » qui amène
une communauté à adapter ses divers codes culturels (langue,
musique, littérature, etc.) au contexte historique dans lequel elle
évolue. En aucun cas il ne peut s’agir d’une construction figée et
définitive.
La langue corse se présente comme une entité abstraite qui
aujourd’hui se réalise sous les différentes formes que nous avons
tenté de décrire dans les chapitres précédents. À côté des « règles »
199
L’ÉVOLUTION DE LA LANGUE
: LE CORSE DU IIIe MILLÉNAIRE
objectives que les grammaires descriptives font émerger, il existe
toutes les possibilités linguistiques non réalisées et qui ne demandent qu’à être mises en œuvre. Que cela se fasse par innovation
interne, par influence externe ou les deux à la fois, peu importe ; le
changement est toujours au rendez-vous. Cela n’implique pas pour
autant que l’identité linguistique soit gravement compromise.
Nous pouvons comparer le corse à un énorme « iceberg » dont
nous connaissons la seule partie émergée. La partie immergée
représente ce domaine des possibles que nous évoquions plus haut
et qui apparaîtra à mesure que le sommet fondra au soleil. Il est
évident qu’un iceberg ne fond pas aussi vite qu’un glaçon dans le
pastis.
Si nous considérons que la langue des Corses est le résultat
d’une longue évolution et qu’elle a connu sous ses états antérieurs
(prélatin, latin, roman) des bouleversements extraordinaires, nous
pouvons nous demander pourquoi cela s’arrêterait tout à coup.
Il faut s’attendre davantage à ce que de nombreux changements
surviennent encore. Les Corses sauront les assumer parce qu’ils
en seront les propres auteurs.
IV. L’ENSEIGNANT FACE À L’ÉVOLUTION
La « mission » confiée à l’enseignant de corse consiste à donner
à son public scolaire les moyens de s’exprimer dans un corse qui
soit le plus fonctionnel possible. Dès lors, l’enseignant de corse ne
peut rester indifférent aux processus évolutifs. Il lui appartient de
gérer le changement en identifiant les nouveaux choix linguistiques
opérés par la communauté corse. Il lui faut évaluer le caractère
éphémère ou durable d’une innovation avant de l’intégrer à son
enseignement. Bref, il doit suivre (et non précéder) l’évolution en
sachant expliquer que celle-ci n’a rien de dramatique.
L’idée que l’enseignant de corse aurait en charge (écrasante
responsabilité !) la survie du corse ne peut se concevoir. Sa vocation n’est pas de « sauver » le corse sous une forme jugée idéale
200
L'ENSEIGNANT FACE À L’ÉVOLUTION
(par qui ?) mais de « former » un public scolaire à la communication. Il participe bien évidemment au maintien d’une « conscience
de la langue » sur laquelle s’appuie l’affirmation identitaire ; et
dans le domaine de la sauvegarde c’est l’essentiel.
Comme il a été dit tout au long de cet ouvrage, le corse est
une langue polynomique. L’enseignant de corse, confronté à cette
réalité originale de la diversité assumée, est idéalement placé pour
gérer le changement linguistique. Car la polynomie n’est autre que
le reflet d’une évolution diversifiée et reconnue. Elle suppose la
tolérance qui doit s’exprimer pour toute forme d’évolution. Il n’y
a pas en effet, en matière de langue, de bonne ou de mauvaise
évolution mais des adaptations fonctionnelles que met en œuvre
toute une communauté pour ses besoins communicatifs.
En qualité d’acteur de la normalisation linguistique, même si
celle-ci revêt un caractère empirique, l’enseignant de langue corse
doit tout naturellement prendre part au débat et aux décisions
relatifs aux choix linguistiques. Telle forme inexistante ou jugée
incorrecte par le passé peut-elle être prise en compte dans l’enseignement ? Tel « gallicisme », ou « italianisme », ou « anglicisme »
a-t-il vocation à intégrer le lexique corse ?
C’est l’éternel débat sur les rapports entre l’usage et le code.
La communauté corse répond par un dicton qui ne laisse aucune
ambiguïté : a pratica vinci/e a grammatica.
BIBLIOGRAPHIE
Dans chaque rubrique les ouvrages sont classés en ordre
chronologique. Concernant les ouvrages didactiques, nous signalons
s’ils sont destinés au cycle primaire ou secondaire.
1. OUVRAGES DIDACTIQUES
1974 :Stà à sente o Pè. Jean Chiorboli – Jacques Thiers, Le Petit
Bastiais, Bastia. Secondaire.
1974 :Le corse sans peine (ASSIMIL). Pascal Marchetti, Aubin
Imprimeur, Poitiers. Secondaire.
1975 :Mamma o Mà. Ghj.T. Rocchi, Stamperia Typo-lino-offset, Corti.
Primaire.
1978 :Da u scioglilingua à a lingue sciolta. Collectif, CRDP (CDDP
Haute Corse). Primaire.
1978 :Primi passi in lingua corsa. Collectif, CRDP, Aiacciu. Primaire.
1978 :Scola aperta. Collectif, CRDP (CDDP Haute Corse). Primaire.
1978 :U corsu in liceu. Alfonsi – Fazi – Sforzini, CRDP, Aiacciu.
Secondaire.
1979 :Vita è stagione. Acquaviva – Massiani – Santucci, CRDP, Aiacciu.
Primaire.
1982 :Larenzu è Catalina. Collectif, CRDP, Aiacciu. Primaire.
1985 :Pede pede. C.N.E.D.Secondaire.
1986 :U corsu d’ogni ghjornu. Ghj.D. Seta. Primaire.
203
BIBLIOGRAPHIE
1987 :U corsu integratu. Collectif, CRDP (CDDP Haute Corse).
Primaire.
1987 :Corsi di corsu. F. Perfettini, CRDP (CDDP Haute Corse).
Primaire.
1987 :Parlemu u corsu 1. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco,
Firenze. Secondaire.
1988 :Parlemu u corsu 2. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco,
Firenze. Secondaire.
1989 :Dì tù. Chiorboli – Rocchi – Thiers, CRDP, Aiacciu. Secondaire.
1989 :Aiò à a scola. Ghj.T. Rocchi, CRDP (CDDP Haute Corse).
Primaire.
1989 :Imparemu à parlà u corsu. Casta – Susini Cheneau – Orsoni,
CRDP, Aiacciu. Primaire.
1989 :Fà ùn dì. Ghj.D. Seta, Imprimerie de la Manutention, Mayenne.
Primaire.
1990 :Parlemu u corsu 3. Squadra di u Finusellu, Giunti Marzocco,
Firenze. Secondaire.
1991 :L’ore belle 1. Squadra di Balagna, Scola Corsa di Bastia (puis
CRDP). Primaire.
1992 :Di manu in manu. Di Meglio – Maisetti – Papi, CRDP, Aiacciu.
Primaire.
1992 :Forme è primure di a puesia d’oghje. Ghj. Ghj. Franchi, CRDP,
Aiacciu. Secondaire.
1992 :Lingua viva 1. S. Casta, CRDP, Aiacciu. Secondaire.
1994 :Lingua viva 2. S. Casta, CRDP, Aiacciu. Secondaire.
1994 :L’ore belle 2. Squadra di Balagna. Primaire.
1997 :ELI CORSU Dizziunariu à figure. D.A Geronimu, D. Ottavi,
Squadra di u Finusellu, Aiacciu. Primaire et secondaire.
1997 :Per l’andati di a nostra lingua. M. Acquaviva, S. Massiani,
P. Ottavi, CNDP-CRDP de Corse, Aiacciu. Secondaire
204
GRAMMAIRES
1998 : Prosa d’oghje. G.G. Franchi, CRDP di Corsica. Secondaire
1999 :Animali salvatichi di Corsica. M. Salotti, P. Pergola, CRDP di
Corsica, Aiacciu. Primaire bilingue et secondaire.
1999 :Parlons corse. Ghjacumu Fusina, L’Harmattan, Paris.
2. GRAMMAIRES
1926 :A prima grammatichella corsa. A. Bonifacio, in L’annu corsu.
1968 :Petite grammaire corse. J. Albertini, C.E.R.C.
1972 :Précis de grammaire corse. J. Albertini, C.E.R.C.
1972 :Grammaire corse. H. Yvia-Croce, Cyrnos Méditerranée, Aiacciu.
1976 :Un jalon pour construire la grammaire générale de la langue
corse. Éléments du parler sartenais. J. Paganelli.
1984 :L’usu di a nostra lingua. Grammaire descriptive corse. P.M.
Agostini, Imprimerie Esmenjaud, Gardanne.
1996 :Grammaire corse pour le collège et l’école. Gilbert Romani,
éditions Mediterranea, Bastia.
2000 :Puntelli di gramatica. Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, CRDP di
Corsica, Aiacciu.
2003 :La syntaxe du corse. Santu Casta, CRDP di Corsica, Aiacciu.
3. MANUELS D’ORTHOGRAPHE
1971 :Intricciate è cambiarine. D.A. Geronimi et P. Marchetti, éditions
de Beaulieu, Nogent-sur-Marne.
1976 :Orthographe. 200 esercizii di scrittura nustrale. G. Romani,
éditions du Dauphin, Bastia.
2002 :Ortugrafia classica. G. Romani, Auto édition.
205
BIBLIOGRAPHIE
4. LEXIQUES ET DICTIONNAIRES
1968 :Dictionnaire corse-français (Pieve d’Evisa). M. Ceccaldi,
Klincksieck, Paris.
1971 :Lexique français-corse. U Muntese, Bastia.
1972 :Vocabulaire analogique de la langue corse. J. Albertini,
C.E.R.C.
1972 :Vocabolario dei dialetti della Corsica. F.D. Falcucci, Licosa
reprints, Firenze.
1974 :Dictionnaire français-corse. J. Albertini, CERC
1982 :Lexique français-corse. H. Yvia-Croce, CRDP, Aiacciu.
1984 :Anthologie des expressions corses. Fernand Ettori, éditions
Rivages, Marseille.
1984 :Pruverbii è detti corsi. Paul Dalmas-Alfonsi, éditions Rivages,
Marseille.
1985 :Dizziunariu corsu-francese. U Muntese, éditions Albiana, Livia.
1994 :Dizziunariu di i scumpienti. F. Perfettini, Stamperia Sammarcelli,
Biguglia.
1997 :Dictionnaire français-corse, corsu-francese. I Culioli, DCL
éditions, Ajaccio.
1999 :Vucabulariu corsu-italianu-francese. Anton Francescu Filippini,
Anima corsa, Bastia.
2001 :Parolle di Corsica. Avis de recherche pour une langue perdue.
Xavier Versini, DCL éditions, Ajaccio.
2001 :L’usu corsu. Pasquale Marchetti, Sammarcelli, Biguglia.
5. OUVRAGES SPÉCIALISÉS
1978 :Langue corse. Une approche linguistique. M.J. DalberaStefanaggi, Klincksieck, Paris.
1989 :Papiers d’identité(s). Ghj. Thiers, Albiana, Livia.
206
OUVRAGES SPÉCIALISÉS
1991 :Unité et diversité des parlers corses. M.J. Dalbera-Stefanaggi,
Edizioni dell’Orso, Alessandria.
1992 :Les Corses face à leur langue. J.-M. Comiti, Squadra di u
Finusellu, Aiacciu.
1992 :La langue des Corses. Notes linguistiques et glottopolitiques.
J. Chiorboli, JPC Infograffia, Bastia.
1993 :Études linguistiques du corse. Don J. Damiani, La Marge,
Aiacciu.
1994 :L’enseignement du corse. Histoire, développements, perspectives.
Ghj. Fusina, Squadra di u Finusellu, Aiacciu.
2002 :Histoire de la langue corse. J.-M. Arrighi, éditions Jean-Paul
Gisserot.
2005 :La langue corse entre chien et loup. J.-M. Comiti, éd.
L’Harmattan, Paris.
Table des matières
Sommaire ...........................................................................................
Avant-propos ......................................................................................
Préface................................................................................................
Introduction ........................................................................................
7
9
11
13
CHAPITRE 1 :
L’organisation de la variation linguistique ...................................
17
I. Le plan phonologique .....................................................................
A. Le vocalisme ............................................................................
B. Le consonantisme.....................................................................
C. Autres phénomènes différenciateurs ........................................
20
20
28
33
II. Le plan morphologique .................................................................
A. Les verbes ................................................................................
B. Les noms ..................................................................................
37
38
42
III. Le plan lexical .............................................................................
45
IV. Le plan syntaxique .......................................................................
47
V. La notion d’« intralecte » ..............................................................
49
CHAPITRE 2 :
L’alternance consonantique ............................................................
53
I. Le système septentrional ................................................................
A. Les consonnes non-sonantes....................................................
B. Les consonnes sonantes ...........................................................
56
57
59
II. Le système méridional ..................................................................
60
209
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE 3 :
L’orthographe du corse ...................................................................
67
I. Les consonnes.................................................................................
A. Les consonnes non-tendues .....................................................
B. Les consonnes tendues .............................................................
C. Les semi-consonnes .................................................................
72
73
84
87
II. Les voyelles...................................................................................
88
III. Le rôle de l’accent graphique ......................................................
89
IV. L’écriture des monosyllabes atones derrière
les formes verbales ............................................................................ 100
A. Après une forme verbale accentuée ......................................... 100
B. Après une forme verbale non-accentuée .................................. 101
V. Les locutions adverbiales et prépositives ...................................... 101
VI. La polynomie orthographique ..................................................... 102
VII. Pluriel des diphtongues finales .................................................. 104
CHAPITRE 4 :
Classification verbale ....................................................................... 107
210
I. Les verbes arhizotoniques ..............................................................
A. La classe des verbes en -à .......................................................
1. Les verbes réguliers .............................................................
2. Les verbes irréguliers ..........................................................
B. La classe des verbes en -è ........................................................
1. Le verbe auxiliaire avè ........................................................
2. Les autres verbes en -è ........................................................
C. La classe des verbes en -ì ........................................................
1. Les verbes à double infinitif................................................
2. Le verbe irrégulier DÌ..........................................................
109
109
110
112
123
123
125
136
137
140
II. Les verbes rhizotoniques...............................................................
A. Le verbe auxiliaire ESSE/ESSA .............................................
B. Les formes du participe passé ..................................................
1. Participe passé en -utu .........................................................
2. Participe passé en -itu..........................................................
142
142
144
144
147
TABLE DES MATIÈRES
3. Participe passé irrégulier ..................................................... 149
C. L’apparition de l’infixe -g ........................................................ 154
D. Les oscillations verbales .......................................................... 160
CHAPITRE 5 :
Les classes nominales ....................................................................... 161
I. Les noms masculins. ......................................................................
A. Les noms à voyelle finale atone ..............................................
1. Régiolecte septentrional ......................................................
2. Régiolecte central ................................................................
3. Le régiolecte méridional......................................................
B. Les noms à voyelle finale tonique ...........................................
163
163
163
164
165
168
II. Les noms féminins ........................................................................
A. Les noms à voyelle finale atone ..............................................
1. Régiolecte septentrional ......................................................
2. Régiolecte central ................................................................
3. Régiolecte méridional..........................................................
B. Les noms à voyelle finale tonique. ..........................................
169
169
169
170
171
171
CHAPITRE 6 :
La création des mots ........................................................................ 173
I. Évolution externe ........................................................................... 175
II. Évolution interne ...........................................................................
A. La dérivation ............................................................................
1. Suffixation ...........................................................................
a. Suffixes altératifs ............................................................
b. Suffixes dérivatifs ...........................................................
2. Préfixation ...........................................................................
a. Préfixes monovalents......................................................
b. Préfixes polyvalents........................................................
3. Formes parasynthétiques .....................................................
B. La composition.........................................................................
1. Noms composés ...................................................................
2. Adjectifs composés ..............................................................
3. Verbes composés .................................................................
178
178
179
180
181
185
186
187
188
188
189
189
190
211
TABLE DES MATIÈRES
4. Autres formes composées .................................................... 190
CHAPITRE 7 :
L’évolution de la langue : Le corse du IIIe millénaire .................. 191
I. Réaménagement interne ................................................................. 193
II. Influences extérieures ...................................................................
A. Le lexique ................................................................................
B. La phonologie ..........................................................................
C. La morphologie ........................................................................
D. La syntaxe ................................................................................
195
195
197
197
198
III. L’identité linguistique .................................................................. 199
IV. L’enseignant face à l’évolution .................................................... 200
Bibliographie...................................................................................... 203
Achevé d’imprimer en décembre 2011
sur les presses du Groupe Horizon
200 avenue de Coulin 13420 Gémenos-F
Dépôt légal : décembre 2011
Imprimé en France
ISBN : 978-2-84698-436-2
Maquette et mise en page : Atelier Graphite
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