Étude optique et magnétique des composés RVO3 par Benoît Roberge Thèse présentée au département de physique en vue de l’obtention du grade de docteur ès sciences (Ph.D.) FACULTÉ des SCIENCES UNIVERSITÉ de SHERBROOKE Sherbrooke, Québec, Canada, 1 avril 2013 Le 14 janvier 2016 le jury a accepté la thèse de Monsieur Benoît Roberge dans sa version finale. Membres du jury Professeur Serge Jandl Directeur de recherche Département de physique Professeur David Sénéchal Membre interne Département de physique Catherine Deville Cavellin Professeur Membre externe Institut des nanosciences Université Paris-Est Créteil Professeur Patrick Fournier Président rapporteur Département de physique ii À mes parents et amis Sommaire Avec l’exploration de la multiferroïcité dans les manganites (RMnO3 et RMn2 O5 ), la recherche sur les mécanismes de couplage magnétoélectrique dans les oxydes de métaux de transition est devenue un champ d’études prolifique, à la fois motivé par des raisons académiques et technologiques. Les matériaux auparavant étudiés étaient principalement des systèmes régis par les orbitales e g du métal de transition, mais un intérêt récent s’est développé pour les oxydes de métaux de transition présentant une physique animée par les orbitales t2g . Ces composés se distinguent des systèmes e g par un effet Jahn-Teller (JT) plus faible, permettant à certaines interactions électroniques, normalement écrantées par le champ cristallin, de se manifester davantage. Il en résulte un riche diagramme de phase coloré par différents ordres orbitaux et magnétiques qui intéragissent fortement avec la structure cristalline. De plus, les mécanismes de couplage entre les degrés de liberté orbitaux, magnétiques et structuraux présents dans ces types de matériaux diffèrent de ceux observés dans les systèmes e g comme les manganites. La famille RVO3 présente les caractéristiques typiques d’un système t2g . Cette thèse est une étude des propriétés structurales, magnétiques et électriques des composés RVO3 (R=Yb,Y,Ho et La). Les outils expérimentaux utilisés pour sonder ces propriétés sont la spectroscopie Raman, la magnétométrie et la spectroscopie infrarouge par transmittance. Ce travail a pour objectif d’observer l’évolution du réseau, des transitions électroniques 4 f et de l’aimantation macroscopique avec la température afin de mettre en évidence les différents ordres présents dans les oxydes RVO3 . L’importance de ce couplage pour la réfrigération magnétique est mise en valeur par une étude des propriétés magnétocaloriques du HoVO3 . Le premier chapitre rapporte l’état de l’art des composés RVO3 en mettant l’accent sur les propriétés structurales, magnétiques et électriques utiles pour l’interprétation des résultats iii iv expérimentaux. Plus précisément, les divers ordres orbitaux et magnétiques habitant et cohabitant les oxydes RVO3 sont introduits. Le modèle théorique décrivant l’influence du rayon de la terre rare sur ces ordres émergents est également présenté en détail pour faciliter l’interprétation des résultats contenus dans cette thèse. Le deuxième chapitre aborde certaines technicité derrière cet oeuvre expérimental. La technique de croissance utilisée pour obtenir les composés RVO3 et les divers appareils utilisés dans la caractérisation de ces matériaux, soient le montage optique Raman, le montage optique infrarouge et le magnétomètre, sont décrits. Cette section introduit également l’effet magnétocalorique (EMC) et les calculs permettant d’extraire les propriétés magnétocaloriques des données expérimentales provenant du magnétomètre. Le troisième chapitre met en lumière certaines propriétés du réseau avec l’aide de la spectroscopie Raman. En plus de souligner l’influence du rayon de la terre rare sur les excitations Raman, l’impact des divers ordres magnétiques et orbitaux sur le réseau est observé et analysé. La compétition critique des deux ordres orbitaux dans les oxydes RVO3 est mise en évidence par la coexistence de ces ordres, qui se manifeste dans certains vanadates à basse température. Cette section se conclut en exposant des preuves expérimentales soutenant l’hypothèse d’un couplage entre les moments magnétiques 4 f et le réseau. Le quatrième chapitre sonde la terre rare dans le HoVO3 par la spectroscopie infrarouge et la magnétométrie. La configuration expérimentale utilisée dans le montage infrarouge nous permet de suivre l’évolution en température de certaines transitions électroniques 4 f . Ce comportement est ensuite analysé afin de déceler la présence d’ordres magnétiques émergeants des électrons 4 f . La présence de certains changements subtils dans le comportement en température de l’énergie des transitions peut être corrélée aux anomalies de certains phonons Raman à faible température. En plus de détecter certaines excitations identifiées comme des vibroniques, on observe des changements considérables dans les spectres de transmittance qui trahissent la présence d’un couplage entre la terre rare et son environnement. On poursuit l’étude de la terre rare en suivant l’aimantation totale du composé HoVO3 en température et sous différents champs magnétiques. Les anomalies magnétiques observées sont corrélées avec les anomalies détectées dans les phonons Raman. Ensuite, certaines caractéristiques de l’aimantation supportent les résultats obtenus par la spectroscopie infrarouge en indiquant la présence d’un couplage entre les moments magnétiques 4 f et le réseau. Les propriétés magnétocaloriques sont finalement étudiées afin de démontrer que, grâce au couplage entre les électrons 4 f et la maille cristalline, les v vanadates sont d’excellents candidats pour la réfrigération magnétique à basse température. La conclusion est constituée d’une synthèse des principaux résultats expérimentaux accompagnés de quelques idées découlant de ces observations. La finalité inclut une discussion sur le rôle de la compétition dans l’impact du couplage 4 f -réseau et sur l’application de ce principe dans l’élaboration de matériaux fonctionnels optimisés pour la réfrigération magnétique. Remerciements Le produit final de mon parcours académique présenté ici n’est pas seulement le fruit de mes efforts, mais est également le produit de diverses collaborations. Il faut souligner en premier lieu l’importance de mon directeur, le professeur Serge Jandl, qui a joué le rôle de mentor, en partageant une partie de son temps et son savoir pour ma formation. Ce travail est également enrichi par les nombreuses discussions que j’ai eu avec mes collègues Jonathan Vermette, Sabeur Mansouri et Mohamed Balli. Une mention spéciale à Mohamed qui m’a introduit et formé dans son domaine d’expertise qui touche les mesures d’aimantation et des propriétés magnétocaloriques. Je veux ensuite remercier les membres de mon comité, soit les professeurs Patrick Fournier, David Sénéchal et Catherine Deville Cavellin, pour leur temps consacré à l’évaluation de mon travail. Pour leur implication directe dans le travail, je dois exprimer ma gratitude aux professeurs T.T.M. Palstra et Geetha Balakrishnan pour avoir confié leurs échantillons qui font l’objet de cette étude. Je voudrais également remercier l’aide des techniciens Mario Castonguay et Stephane Pelletier pour leurs efforts soutenus qui a permis aux expériences de se dérouler sans pépin. Finalement, j’aimerais remercier le support financier ayant soutenu ce projet. En particulier le Conseil de Recherche en Science Naturelle et en Génie (CRSNG), les Fonds Québécois de la Recherche sur la Nature et les Technologies (FQRNT) ainsi que le Regroupement Québécois sur les Matériaux de Pointes (RQMP). vi Table des matières Sommaire ii 1 Introduction 1 2 L’état de l’art des composés RVO3 8 2.1 La structure pérovskite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 2.2 Effet JT et ordre orbital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2.3 3 Configuration magnétique des ions V 3+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 2.3.1 Règle de Hund . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 2.3.2 Superéchange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2.3.3 Règle de Goodenough-Kanamori . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2.4 Diagramme de phase des composés RVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 2.5 Compétition critique entre le couplage JT et les fluctuations quantiques orbitales 20 2.6 Modèle théorique des oxydes RVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.6.1 Hamiltonien spin-orbite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.6.2 Hamiltonien JT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 2.6.3 Hamiltonien des RVO3 et diagramme de phase simulé . . . . . . . . 27 2.7 Compétition critique et coexistence des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 2.8 Effet de la terre rare . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 2.9 Excitations présentes dans les RVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 2.9.1 Magnon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 2.9.2 Orbiton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.9.3 Phonon de densité d’états (PDS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 2.10 Interactions entre les excitations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2.10.1 Couplage phonon-phonon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2.10.2 Couplage orbiton-phonon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Détails expérimentaux 42 3.1 42 Croissance cristalline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii viii Table des matières 3.2 Spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 3.2.1 Montage expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 3.2.2 Raies plasma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 3.2.3 Analyse des spectres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Spectroscopie Infrarouge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 3.3.1 Montage expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 3.4 Montage cryogénique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 3.5 Magnétométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 3.5.1 Montage expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 3.5.2 Calculs complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 3.3 4 Propriétés des phonons Raman dans les RVO3 58 4.1 Travaux Raman sur les RVO3 présentés dans la littérature scientifique . . . . 59 4.2 Identification des phonons Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 4.3 Dépendance en température des excitations Raman dans le YVO3 . . . . . . 71 4.3.1 Comportement en température des phonons . . . . . . . . . . . . . . 73 4.3.2 Comportement en température du multiphonon . . . . . . . . . . . . 78 4.4 4.5 Influence du rayon de la terre rare sur les propriétés du réseau dans les RVO3 82 4.4.1 Comparaison des spectres Raman des RVO3 (R=La, Y, Yb) . . . . . . 82 4.4.2 Coexistence des phases dans les RVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 4.4.3 Évolution en température des excitations Raman . . . . . . . . . . . . 94 Influence du moment magnétique de la terre rare . . . . . . . . . . . . . . . 99 4.5.1 Comparaison des spectres Raman des composés RVO3 (R = Y et Ho)) à 20 K et 40 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 4.5.2 Hystérésis à T N2 dans le HoVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 4.5.3 Coexistence des phases dans le HoVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 4.5.4 Évolution des phonons en fonction de la température dans les RVO3 (R = Ho et Y) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 4.5.5 5 Résumé et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Propriétés de la terre rare dans le HoVO3 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5I 5I 118 → 7 en fonction de la température . . . . . . . 119 Études antérieures sur l’ordre magnétique de la terre rare dans le HoVO3 . . 125 Évolution de l’aimantation et de la susceptibilité magnétique en fonction de la température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Comportement de l’aimantation en fonction d’un champ magnétique externe 129 Propriétés magnétocaloriques du HoVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Évolution des transitions 8 Table des matières ix Conclusion 139 6 140 Conclusion Bibliographie 148 Liste des tableaux 4.1 Phonons Raman détectés dans le composé YVO3 comparés avec les phonons observés et calculés dans le YMnO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Comparaison entre les pics Raman observés par nos mesures dans la configuration a(cc) a et par les mesures d’autres équipes de recherche . . . . . . . . 4.3 66 72 Phonons observés dans les trois composés RVO3 (R= La, Y, Yb) avec la configuration b(cc)b dans la phase orthorhombique et monoclinique . . . . . . . 83 4.4 Paramètres cristallins du YVO3 et du HoVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 4.5 Phonons observés dans les deux composés RVO3 (R= Ho et Y) à 20 K et 80 K dans la configuration b(cc)b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 5.1 Paramètres du fit voigtien utilisé pour reproduire le spectre de transmittance à 4,2 K autour de 5000 cm−1 présenté à la figure 5.1 . . . . . . . . . . . . . . 122 5.2 Propriétés magnétocaloriques de certains matériaux étudiés dans la littérature136 x Table des gures 1.1 Schéma de la multiferroicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Changement de polarisation induit par un champ magnétique externe dans 2 le TbMnO3 et le TbMn2 O5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1.3 Principe de la réfrigération magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.1 Structure pérovskite cubique et orthorhombique . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.2 Orbitales 3d et levée de dégénérescence par effet Jahn-Teller . . . . . . . . . 10 2.3 Structure et configuration orbitale C-OO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.4 Structure et configuration orbitale G-OO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.5 Schématisation du superéchange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2.6 Configuration C-OO/G-SO et G-OO/C-SO dans les composés RVO3 . . . . 14 2.7 Chaleur specifique en fonction de la température dans les RVO3 . . . . . . . 15 2.8 Intensité du pic de Bragg interdit (401) en fonction de la température . . . . 16 2.9 Aimantation totale en fonction de la température selon les trois axes cristallins 16 2.10 Diagramme de phase des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare . . . . 17 2.11 Diagramme de phase des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare . . . . 17 2.12 Évolution de la susceptibilité magnétique et de l’inverse de la conductivité thermique dans le LaVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 2.13 Énergie libre en fonction de T/J dans la phase C-SO et G-SO . . . . . . . . . 26 2.14 Schéma de la rotation des octaèdres induite par la distorsion JT . . . . . . . 27 2.15 Diagramme de phase théorique en fonction du rayon de la terre rare comparé avec les données expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 2.16 Observation de la coexistence des phases G-OO/C-SO et C-OO/G-SO par diffraction des rayons X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 2.17 Diagramme de phase des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare qui inclut la coexistence des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 2.18 Diffraction des rayons X en fonction de 2θ dans le DyVO3 . . . . . . . . . . . 34 xi xii Table des figures 2.19 Constante délectrique du HoVO3 en fonction de la température (ZFC) et sous l’effet d’un champ magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 2.20 Schéma d’un magnon dans une chaîne ferromagnétique . . . . . . . . . . . . 36 2.21 Schéma d’un orbiton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 3.1 Montage micro Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 3.2 Raies plasma dans un spectre Raman du YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 3.3 Schéma de l’interféromètre 46 3.4 Régions énergétiques effectives des différents détecteurs, lames séparatrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . et sources pouvant être utilisés dans l’interféromètre . . . . . . . . . . . . . . 48 3.5 Schéma du magnétomètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 3.6 Principe de l’effet magnétocalorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 4.1 Spectre Raman du YVO3 en fonction de la température présenté par Sugai et al. 60 4.2 Spectre Raman du YVO3 mesuré à 4,2 K avec différentes longueurs d’onde excitatrices et différentes configurations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 62 Spectres Raman des RVO3 (R = Y , Nd et La) dans la phase monoclinique C-OO/G-SO obtenus dans la configuration b(cc)b avec différentes raies excitatrices, soit la raie de 632,8 nm et celle de 514,5 nm . . . . . . . . . . . . . . 4.4 Modes de vibration observés dans une structure pérovskite orthorhombique de symétrie Pbnm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5 73 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (O) en fonction de la température dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9 69 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) en fonction de la température dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.8 67 Spectres Raman de la face ab du YVO3 en fonction de la température mesurés sans analyseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.7 65 Spectres Raman de la face ac du YVO3 en fonction de la température pour la configuration b(cc)b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6 63 74 Intensité normalisée du mode Ag (O) en fonction de la température dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 4.10 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) en fonction de la température dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 4.11 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) en fonction de la température du multiphonon dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 4.12 Spectres Raman du YVO3 dans la région basse énergie et haute énergie . . . 80 4.13 Évolution en température de l’intensité normalisée du multiphonon dans le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Table des figures xiii 4.14 Poids spectral du mode Jahn-Teller et de ses satellites pour trois valeurs du couplage électron-phonon g/ω0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 4.15 Comparaison des spectres Raman des RVO3 (R = La,Y, Yb) dans la configuration b(cc)b à 80 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 4.16 Spectres Raman des RVO3 (R = Yb, Y et La) dans la région basse énergie et haute énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 4.17 Spectres Raman du YVO3 dans la région basse énergie et haute énergie . . . 87 4.18 Spectres Raman en configuration b(cc)b dans le YVO3 sur trois régions cristallines démontrant que la phase monoclinique peut survivre localement à 5K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 4.19 Spectre Raman du YVO3 et du LaVO3 dans la configuration b(cc)b à différentes températures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 4.20 Évolution de l’intensité normalisée du mode Ag (O) de la phase monoclinique et du multiphonon 2-MP dans le YVO3 et le LaVO3 . . . . . . . . . . . . . . . 91 4.21 Aimantation spontanée en fonction de la température dans le LaVO3 . . . . 93 4.22 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du phonon Ag (O) en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . . . . . . . . . . . . . 95 4.23 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du phonon Ag (O) en fonction de la température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 4.24 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du multiphonon 2-MP en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . . . . . . . 97 4.25 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du multiphonon 2-MP en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . . . . . . . . . . . . . 98 4.26 Spectre Raman du YVO3 et du HoVO3 à 20 K dans la phase orthorhombique C-OO/G-SO et à 80 K dans la phase monoclinique G-OO/C-SO . . . . . . . 102 4.27 Mesures d’aimantation du HoVO3 en réchauffant et en refroidissant sous l’application d’un champ magnétique de 1 T selon l’axe c . . . . . . . . . . . 103 4.28 Constante diélectrique selon l’axe c en fonction de la température et mesurée à une fréquence de 10 KHz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 4.29 Spectres Raman du HoVO3 en diminuant la température sous T N2 . . . . . . 105 4.30 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (O) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 4.31 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (O) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 4.32 Évolution en température de l’intensité normalisée du mode Ag (O) dans le HoVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Table des figures xiv 4.33 Constante diélectrique selon l’axe a et c en fonction de la température mesurée à 13 GHz pour le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 4.34 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (2) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 4.35 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 4.36 Évolution en température de la variation de la fréquence (∆ω) et de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) sous T N2 pour le YVO3 et le HoVO3 . . . . 110 4.37 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (1) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 4.38 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 4.39 Évolution en température de la variation de la fréquence (∆ω) et de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) sous T N2 pour le YVO3 et le HoVO3 . . . . 112 4.40 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du multiphonon (2-MP) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . 114 4.41 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du multiphonon (2-MP) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 4.42 Mesures de réflectance dans le HoVO3 sous divers champs magnétiques à 2 K116 4.43 Spectres Raman du HoVO3 dans la configuration a(cc) a sous divers champs magnétique à 2 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 5.1 Spectre de transmittance à 4,2 K autour de 5000 cm−1 . . . . . . . . . . . . . 119 5.2 Évolution en température de l’énergie des transitions 1, 6 et 10 en dessous de 15 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 5.3 Évolution en température de la largeur à mi-hauteur des transitions 1, 6 et 10 en dessous de 15 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 5.4 Spectre de transmittance du HoVO3 en fonction de la température . . . . . . 121 5.5 Spectre de transmittance du HoVO3 au-dessus et en dessous de T N2 . . . . . 121 5.6 Ordre magnétique de l’holmium à faible température . . . . . . . . . . . . . 125 5.7 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 avec un champ magnétique de 0,1 T appliqué selon l’axe a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 5.8 Évolution en température de l’aimantation le long des axes b et c . . . . . . . 127 5.9 Inverse de la susceptibilité magnétique en fonction de la température . . . . 127 5.10 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 sous différents champs magnétiques appliqués selon l’axe b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 xv Table des figures 5.11 Réponse de l’aimantation du HoVO3 sous différents champs magnétiques pour une température fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 0 5.12 Tracés d’Arrott à T et T ∗ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 5.13 Évolution en température de la variation d’entropie magnétique sous divers champs magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 5.14 Évolution de −∆S en fonction du champ magnétique aux trois températures 0 critiques, soient T , T ∗ et T N2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 5.15 Comparaison entre les valeurs RC rapportées dans certains manganites et celle mesurée dans le HoVO3 sous un champ magnétique de 7 T . . . . . . . 134 5.16 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 et du HoMnO3 obtenue avec un champ de 7 T. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 5.17 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 et du HoMnO3 obtenue avec un champ de 7 T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Chapitre 1 Introduction Le début de ce chapitre décrit l’histoire de la recherche sur la multiferroïcité, puis dépeint l’importance des manganites dans ces études. Cette approche historique ouvre sur les motivations épistémologiques et pratiques justifiant les études sur des composés RVO3 en introduisant, entre autres la réfrigération magnétique. Cette section se conclut par une présentation de la structure de ce manuscrit. Eet magnétoélectrique : Développements passés L’idée de l’effet magnétoélectrique, qui propose que la polarisation électrique d’un matériau puisse être induite par un champ magnétique appliqué ou inversement, que son moment magnétique soit créé avec un champ électrique, fut lancée pour la première fois vers la fin du 19e siècle par Pierre Curie [3]. Ce n’est cependant qu’à la fin des années 1950, que cette réflexion attisa la curiosité de la communauté scientifique. En 1959, Landau et Lifshitz soulignèrent l’existence hypothétique d’une classe de matériaux permettant de coupler linéairement un champ magnétique à un champ électrique [4]. Les travaux théoriques de Dzyaloshinskii firent écho à cette remarque, rapidement suivis par l’observation directe de ce couplage [5] [6]. Ces travaux amenèrent les scientifiques à se questionner davantage sur l’effet magnétoélectrique. C’est ainsi qu’émerga l’idée qu’un système puisse présenter simultanément deux ordres ferroïques différents (ferroélectrique et ferromagnétique) en absence de champ électrique ou magnétique externe (voir figure 1.1). Les matériaux possédant cette caractéristique sont baptisés officiellement, «multiferroïque» par Schmid en 1994 et cette définition 1 2 F ig ur e 1.1 a) Selon la définition initiale proposée par Schmid, un composé multiferroïque présente simultanément deux ordres ferroïques (ferroélectrique et ferromagnétique) [1] b) Historique du nombre de publications par année contenant le mot multiferroïque [2] est maintenant élargie afin d’inclure d’autres types d’ordre comme les ordres antiferromagnétiques [7]. Malgré quelques avancées conceptuelles, la recherche sur le couplage magnétoélectrique resta néanmoins un champ stérile de découvertes pendant plus de 40 ans. Ce n’est qu’au début des années 2000 que d’importantes percées se réalisèrent, tant sur le front théorique qu’expérimental. Ces développements inspirèrent la communauté scientifique, comme en témoigne la figure 1.1 b) illustrant l’explosion d’articles abordant directement ou indirectement la multiferroïcité. On peut mentionner notamment des travaux théoriques expliquant les obstacles à la réalisation de la multiferroïcité dans la nature ou en laboratoire [8] [9]. L’élaboration d’une technique de croissance permettant la création de couches minces de BiFeO3 fut une pierre angulaire dans l’étude du couplage magnétoélectrique [10]. En effet, ce matériau, normalement aux propriétés multiferroïques modestes, présente un couplage magnétoélectrique considérablement amplifié lorsque qu’il se trouve sous la forme d’une couche mince. Puis la découverte, qui attaqua les fondements mêmes du concept de la multiferroïcité, fut l’observation de ce phénomène dans les manganites. 3 F ig ur e 1.2 a) Polarisation du TbMnO3 selon les axes cristallins a et c en fonction de la température et pour différents champs magnétiques appliqués selon l’axe b [11]. b) Polarisation du TbMn2 O5 selon l’axe cristallin b en fonction de la température pour différents champs magnétiques appliqués selon l’axe a [12]. Les deux mesures ont été effectuées en montant en température et l’échantillon a été initialement refroidi sans être soumis à des champs magnétiques externes (ZFC). Eet magnétoélectrique : L'avènement des manganites La multiferroïcité découverte dans le composé TbMnO3 et dans le composé TbMn2 O5 révolutionna le domaine pour trois principales raisons [11] [12]. La première est que la multiferroïcité présente dans ces deux manganites est distincte de la multiferroïcité observée antérieurement, puique l’ordre ferroélectrique est induit par l’ordre magnétique. Ce phénomène força une révision conceptuelle de la multiferroïcité. La deuxième raison est que les comportements observés du couplage magnétoélectrique avec la température et le champ magnétique dans les deux composés sont radicalement différents l’un de l’autre. Par exemple, l’application d’un champ magnétique supérieur à 4 T selon l’axe c dans le TbMnO3 change la direction de sa polarisation de 90◦ (figure 1.2 a) alors qu’un champ magnétique appliqué selon l’axe a supérieur à 2 T dans le TbMn2 O5 inverse sa polarisation (figure 1.2 b) [11] [12]. Ceci réflète un effet magnétoélectrique diversifié et complexe dans les matériaux présentant ce type de multiferroïcité. Finalement, il faut souligner que l’origine magnétique de la polarisation rend celle-ci beaucoup plus sensible aux champs magnétiques appliqués que la polarisation retrouvée dans les multiferroïques conventionnels. Cette susceptibilité supérieure aux stimuli externes ouvre la voie à plusieurs applications technologiques. 4 F ig ur e 1.3 Principe de la réfrigération magnétique. (1) Le composé est déplacé vers un aimant permanent. (2) Lorsque le matériau est soumis au champ magnétique, il émet de la chaleur. (3) Le composé est extrait de l’aimant permanent. (4) La diminution du champ magnétique résultant du déplacement du matériau provoque son refroidissement. Eet magnétoélectrique : Perspectives Actuellement, les études sur l’effet magnétoélectrique sont orientées sur deux problématiques. La première direction consiste en l’application des composés multiferroïques dans les technologies telles que les composants électroniques. En effet, des composés présentant deux états ferroïques pourraient être utilisés pour concevoir des portes logiques à quatre états, ce qui se démarque donc des portes logiques conventionnelles à deux états. Ces matériaux pourraient aussi être utilisés pour l’élaboration de composants présentant la rémanence de la mémoire magnétique typique et la vitesse de lecture et d’écriture de la mémoire vive. Une des plus récentes pistes explorées est l’utilisation des systèmes multiferroïques dans les appareils de réfrigération magnétique(voir figure 1.3) [13] [14] [15] [16]. En plus d’excellentes capacités pour la réfrigération magnétique, les manganites présentent une excellente résistance à la corrosion, une grande résistance électrique (ce qui diminue les pertes d’énergies) de faibles hystérésis et une grande stabilité mécanique. Ces avantages leur confèrent une niche dans la réfrigération magnétique à basse température où ils pourraient être préférés aux matériaux intermétalliques normalement utilisés dans la réfrigération magnétique. La deuxième orientation de ce domaine de recherche réside dans l’étude la très grande 5 diversité des mécanismes physiques générant la multiferroïcité. Après la découverte initiale de la multiferroïcité dans le TbMnO3 et le TbMn2 O5 , la multiferroïcité fut recherchée activement dans les composés voisins (RMnO3 et RMn2 O5 ) [17]. La multiferroïcité fut en outre étudiée dans des manganites existant sous différentes symétries cristallines. Le phénomène est observé, par exemple, dans la symétrie hexagonale présente dans certains manganites comme le HoMnO3 et le YbMnO3 [18]. Encouragé par les révélations fructueuses issues des travaux sur les manganites, le domaine de recherche a élargi une fois de plus ses frontières en explorant d’autres oxydes de métaux de transitions. En effet, les manganites sont des systèmes qualifiés e g puisque les propriétés électroniques des cations Mn3+ proviennent des électrons occupant les orbitales e g . Or, la substitution de l’atome de manganèse pour un autre métal de transition peut, en changeant le nombre total d’électrons occupant les orbitales 3d de ce dernier, changer radicalement les propriétés physiques d’un composé. Ce raisonnement motive l’étude du couplage magnétoélectrique dans d’autres oxydes de métaux de transition tels que les vanadates, qui présentent une physique animée par les électrons occupant les orbitales t2g . Ce type de systèmes se démarque des manganites par un effet JT plus faible, permettant à certaines interactions électroniques d’être plus déterminantes dans les propriétés physiques. Organisation de la thèse Ce travail portant sur les composés RVO3 est une extension des études antérieures sur le couplage magnétoélectrique se manifestant dans les manganites. Plus précisément, les cristaux étudiés sont le YbVO3 , le YVO3 , le HoVO3 et le LaVO3 . Les vanadates se démarquent des manganites par la manifestation d’une compétition critique entre la distorsion JT et l’interaction de superéchange. Il sera démontré que le rayon ionique et le moment magnétique de la terre rare jouent un rôle critique dans les propriétés physiques de ces matériaux. Parmi les phénomènes issus de cette compétition critique se trouvent l’émergence de la coexistence de deux phases orbitales et magnétiques distinctes. On retrouve également la présence d’un couplage important entre les moments magnétiques de la terre rare et le réseau cristallin. L’importance stratégique de ce couplage dans les technologies est mise en évidence par des mesures des propriétés magnétocaloriques du HoVO3 , qui démontrent que les RVO3 ayant un moment magnétique grand sont d’excellents candidats pour la conception de systèmes de réfrigération magnétique. 6 Ce manuscrit est divisé en quatre chapitres, excluant cette courte introduction et la conclusion. Le premier chapitre révise l’état de l’art des composés RVO3 en introduisant divers concepts tels que l’effet JT, les ordres orbitaux et la compétition entre l’effet JT et les fluctuations orbitales. On passe ensuite vers un modèle théorique décrivant les oxydes vanadates et reflétant l’importance du rayon de la terre rare dans la configuration orbitale et magnétique adoptée par les V3+ . Le modèle est ensuite confronté à des observations expérimentales telles que la manifestation de la coexistence de phases dans certains RVO3 et l’effet de l’ordre magnétique de la terre rare sur la configuration orbitale et magnétique. Le deuxième chapitre décrit l’arsenal expérimental utilisé dans ce travail. La méthode de croissance cristallographique derrière l’origine des composés étudiés est tout d’abord décrite. Des précisions sur le montage optique Raman, le montage optique infrarouge et le magnétomètre sont ensuite amenées. Les relations mathématiques unissant les mesures d’aimantation d’un composé et ses propriétés magnétocaloriques sont finalement expliquées. Le troisième chapitre explore les propriétés microscopiques de la structure cristalline des RVO3 par la technique de spectroscopie Raman. En premier lieu, on présente les deux principales études Raman déjà réalisées dans les RVO3 et on discute de leur interprétation et de leurs résultats. Ensuite, on expose notre assignation des excitations Raman en présentant des spectres du YVO3 mesurés dans différentes configurations et à différentes températures. Cette assignation est par la suite comparée avec les deux études présentées au début de cette section. Une fois les excitations Raman identifiées, on analyse l’influence du rayon de la terre rare sur le réseau en comparant entre eux les spectres du YbVO3 , du LaVO3 et du YVO3 . On observe entre autres l’influence des divers ordres orbitaux et magnétiques sur les phonons en plus de la coexistence de phases réflètant la compétition critique entre l’effet JT et les fluctuations orbitales. Le chapitre se ferme par une étude de l’influence du moment magnétique de la terre rare sur les RVO3 , étude présentée en introduisant les spectres Raman du HoVO3 et en les comparant avec ceux du YVO3 . Celle-ci met en évidence plusieurs anomalies trahissant un couplage 4 f -phonon dans les RVO3 . Le quatrième chapitre poursuit l’enquête sur le couplage 4 f -phonon se manifestant dans le HoVO3 par une étude combinant la spectroscopie infrarouge et la magnétométrie. Le montage optique infrarouge est configuré afin de sonder les transitions 4 f -4 f dans l’holmium en fonction de la température. Les anomalies autour de 10 K, attribuables à l’ordre magnétique de la terre rare, sont ténues et il faut faire appel à une étude quintessenciée, utilisant un modèle voigtien, pour être capable de les discerner. Les changements les plus 7 visibles se manifestent à la transition des vanadiums à plus haute température, suggérant ainsi un couplage entre la terre rare et son environnement. De plus, l’activation de certaines bandes, bandes identifiées comme des vibroniques, soutient l’hypothèse d’un lien étroit entre la terre rare et la maille cristalline. Ce chapitre se termine en présentant une étude des propriétés magnétiques du HoVO3 en fonction de la température et d’un champ magnétique appliqué. En plus de révéler plusieurs transitions magnétiques associées à l’ordre des Ho3+ , les mesures magnétiques sont sensibles à la transition structurale à plus haute température. Cette sensibilité des mesures magnétiques trahit un couplage important entre les moments magnétiques du Ho3+ et le réseau. Les propriétés magnétocaloriques sont ensuites extraites des mesures d’aimantation. L’évolution de la variation d’entropie donne davantage d’information sur l’ordre magnétique du Ho3+ en plus de démontrer que le couplage 4 f -phonon augmente considérablement la capacité de réfrigération magnétique. Chapitre 2 L'état de l'art des composés RVO3 2.1 La structure pérovskite À la température ambiante, les oxydes de vanadium étudiés possèdent une structure pérovskite orthorhombique avec la stoechiométrie RVO3 (R = Terre rare). Cette structure est décrite comme un réseau d’octaèdres composés d’atomes d’oxygène. Les atomes de vanadium et de la terre rare sont respectivement localisés au centre et à l’extérieur de ces octaèdres. Une structure pérovskite idéale possède une structure cubique (groupe d’espace Pm3m) telle qu’illustrée à la figure 2.1 a). Cependant, la dimension des atomes est incompatible avec cette structure et contraint ainsi la géométrie cristalline à s’adapter. Il en résulte alors une distorsion qui transforme le réseau cubique en structure orthorhombique (groupe d’espace √ Pbnm) avec les paramètres cristallins a ≈ b ≈ c/ 2 ( figure 2.1 b)). Cette déformation, dépendante des rayons de la terre rare r R , du vanadium rV et de l’oxygène rO , peut être quantifiée par le facteur de tolérance t R , défini par Goldschmidt [21] et représenté par l’équation ( r R + rO ) tR = √ . 2 ( r V + rO ) (2.1) Cette valeur indique aussi l’écart entre la structure du composé et la structure pérovskite idéale (t = 1). Sachant que le rayon ionique du vanadium et le rayon de Van der Waals des 8 9 F ig ur e 2.1 a) Représentation d’une structure pérovskite idéale [19]. b) Structure pérovskite orthorhombique des RVO3 [20] oxygènes sont respectivement de 78 pm et 140 pm, on peut conclure que le LaVO3 (t La ≈ 0, 9 avec r La ≈ 139 pm) est plus proche de la structure cubique que le YVO3 (tY ≈ 0, 84 avec rY ≈ 118 pm ),le HoVO3 (t Ho ≈ 0, 84 avec r Ho ≈ 118 pm ) et le YbVO3 (tYb ≈ 0, 82 avec rYb ≈ 115 pm ). Le facteur de tolérance joue un rôle déterminant dans les propriétés physiques d’un composé en modulant l’angle formé par les liens V-O-V. Cet impact peut même être structural car un facteur de tolérance plus petit que 0,862 rend la structure orthorhombique des manganites instable[22]. Il en résulte par exemple que le LaMnO3 possède une structure orthorhombique alors que celle du YbMnO3 est hexagonale. Contrairement aux manganites, la différence entre le facteur t R du YbVO3 et celui du LaVO3 ne provoque pas de changement de la symétrie cristalline à la température ambiante. Cependant, cette différence influence grandement les propriétés physiques des oxydes RVO3 à basse température. Lorsque le facteur de tolérance diminue en dessous de l’unité, les liaisons V-O se compriment et les liaisons R-O s’étirent. Cette tendance se traduit par une légère rotation des extrémités des octaèdres qui génère alors la structure orthorhombique. Le flambage des octaèdres résultant augmente les dimensions de la maille élémentaire en plus de diminuer l’angle V-O-V en dessous de 180◦ [23]. Ce changement d’angle modifie les interactions entre les électrons, ce qui se reflète ultimement par des changements dramatiques dans les ordres orbitaux et magnétiques émergeant à basse température. 10 F ig ur e 2.2 a) Densité d’états des électrons 3d. b) Levée de dégénérescence des niveaux 3d causée par le champ cristallin cubique (CCC) et l’effet Jahn-Teller (JT) 2.2 Eet JT et ordre orbital Les métaux de transitions possèdent initialement cinq niveaux électroniques 3d dégénérés illustrés à la figure 2.2 a). En présence d’un champ cristallin cubique, ces niveaux se séparent en un état triplet t2g et un état doublet e g (figure 2.2 b)). La configuration structurale, où deux liaisons V-O-V de différentes longueurs alternent selon un axe cristallin, résulte en une énergie de l’état triplet inférieure à l’énergie de l’état doublet. Deux phénomènes peuvent mener à une levée de dégénérescence de l’état triplet. Le premier effet est le couplage spin-orbite associé généralement à une transition magnétique[25] ; celui-ci joue un rôle mineur dans l’émergence de l’ordre orbital dans les RVO3 . C’est plutôt le deuxième phénomène, soit l’effet JT, qui est la force principale derrière cette levée de dégénérescence. Proposé en 1937 par Hermann Arthur Jahn et Edward Teller, le théorème Jahn-Teller stipule que toute molécule non linéaire possédant un niveau électronique fondamental dégénéré subira une distorsion géométrique levant cette dégénérescence [26]. Le phénomène diminue l’énergie totale du système en réduisant l’énergie électronique (levée de dégénérescence) au prix d’une augmentation de l’énergie élastique (distorsion géométrique). Cette déformation structurale induit une baisse de symétrie et génère une configuration d’orbitales occupées spécifique. Seulement deux électrons occupent les états électroniques 3d dans les composés RVO3 . 11 F ig ur e 2.3 Configuration des octaèdres d’oxygène associée à l’ordre orbital C-OO. [24] F ig ur e 2.4 Configuration des octaèdres d’oxygène associée à l’ordre orbital G-OO. [24] 12 Par conséquent, sous l’effet de la distorsion JT, un électron occupe le niveau d xy , tandis que le second occupe soit le niveau dyz soit le niveau d xz . Cette occupation des états dyz et d xz alterne dans le plan ab et a pour conséquence l’alternance de liens courts V-O et de liens longs dans ce plan (figure 2.3 ). Ainsi, le lien long V-O est causé par la répulsion coulombienne induite par le recouvrement de l’orbital 2p de l’oxygène et de l’orbitale occupée dyz ou d xz . L’empilement des plans ab selon l’axe c permet d’obtenir deux structures cristallines différentes. Dans la première structure, la position des oxygènes ne change pas selon l’axe c et la symétrie de la structure est orthorhombique (groupe d’espace Pbnm). Cette structure est associée à l’ordre orbital désigné par C-OO (C-type Orbital Ordering) et est illustrée dans la figure 2.3. La deuxième structure cristalline possible et son ordre orbital associé sont illustrés à la figure 2.4. L’ordre orbital désigné par G-OO (G-type Orbital Ordering) se distingue de l’ordre orbital C-OO par l’alternance de l’orbitale occupée dyz ou d xz selon tous les axes cristallins. Il en résulte que la position des oxygènes alterne selon l’axe c et que la symétrie du composé est monoclinique (groupe d’espace P21 /a). Le choix des orbitales occupées par le deuxième électron, en plus de déterminer la structure cristalline, joue un rôle important dans la configuration des moments magnétiques du vanadium trivalent V3+ . 2.3 Conguration magnétique des ions V3+ 2.3.1 Règle de Hund Les règles de Hund sont un ensemble de règles qui établissent la répartition des électrons dans les orbitales. Celles-ci sont valides dans un régime où le champ cristallin est faible par rapport à l’interaction coulombienne entre les électrons du même atome et l’interaction spinorbite ~L · ~S. La première règle, favorisée par le couplage spin-orbite, stipule que les électrons se répartissent de manière à maximiser le spin ~S. Il est donc défavorable énergétiquement pour deux électrons d’un V3+ d’occuper la même orbitale 3d. Ainsi, l’électron occupant l’orbitale dyz ou d xz aura un spin parallèle à l’électron occupant l’orbitale d xy . Les deux autres règles sont moins importantes pour la description du spin des V3+ , mais à titre indicatif, la deuxième règle est que les électrons se répartissent de façon à maximiser le moment cinétique total ~L. La troisième règle est que si la couche externe électronique est à moitié pleine ou moins, le moment cinétique ~J doit être minimisé. Dans le cas contraire, il est favorable énergétiquement de maximiser ~J. 13 F ig ur e 2.5 Schématisation du superéchange 2.3.2 Superéchange La présence d’un atome d’oxygène entre deux atomes magnétiques voisins diminue le facteur de recouvrement électronique entre ces atomes et affaiblit ainsi l’interaction d’échange direct. Dans ces conditions, l’interaction de superéchange, qui est l’interaction entre deux cations plus proches voisins médiée par un anion non magnétique (l’oxygène), devient importante dans la description de leur interdépendance. La figure 2.5 schématise cette interaction où deux électrons sur deux sites V3+ voisins séparés par un oxygène peuvent s’intervertir. Puisque cette interaction dépend de la position relative de l’oxygène par rapport aux deux ions V3+ (notamment de l’angle du lien V-O-V), la force de cette interaction est reliée à la taille de la terre rare, qui génère la distorsion des octaèdres d’oxygène. Cette interaction est aussi fortement influencée par le choix des orbitales t2g occupées puisque celui-ci change radicalement le recouvrement électronique entre les orbitales 2p et les orbitales t2g . Les propriétés de cette interaction en fonction des orbitales occupées sont décrites par les règles de Goodenough-Kanamori. 2.3.3 Règle de Goodenough-Kanamori Les règles de Goodenough-Kanamori sont une série de règles empiriques, proposées dans les années 1950 par John B. Goodenough et Junjiro Kanamori, qui décrivent le lien entre le superéchange et l’occupation des orbitales[27][28]. Elles stipulent que le caractère du superéchange est antiferromagnétique avec une interaction forte si le transfert virtuel de l’électron se fait entre deux orbitales à demi-remplies. Si ce transfert virtuel s’effectue entre une orbitale à demi-remplie et une orbitale vide, le superéchange favorise alors une configuration ferromagnétique avec une interaction faible. 14 F ig ur e 2.6 Configuration C-OO/G-SO et G-OO/C-SO dans les composés RVO3 [24] En suivant ces deux règles, on peut établir l’ordre magnétique (ou Spin ordering, SO) émergeant de la configuration orbitale. En premier lieu, l’orbitale d xy est, indifféremment de l’ordre orbital établi, à demi-remplie. Puisque la densité d’états occupant l’état d xy est confinée dans le plan ab, il en résulte que le superéchange entre deux V3+ voisins dans le même plan favorise toujours une configuration antiferromagnétique dans ce plan. Cette orbitale joue toutefois un rôle mineur dans le superéchange le long de l’axe c en comparaison des orbitales dyz et d xz . Il en résulte que cette interaction est très sensible à l’ordre orbital adopté par les V3+ . Dans le cas où l’orbitale occupée reste la même le long de l’axe c ( C-OO), les spins V3+ sont alignés antiferromagnétiquement le long de cet axe. Les moments magnétiques des V3+ sont alors antiferromagnétiques indépendamment de la direction (G-SO). Si, au contraire, l’orbitale occupée le long de l’axe c est en alternance d xz et dyz (GOO), on retrouve une interaction ferromagnétique faible selon cet axe[28]. La configuration magnétique des spins V3+ est alors antiferromagnétique dans le plan ab et ferromagnétique entre les plans (C-SO). En résumé, la très grande dépendance de l’interaction de superéchange à la configuration orbitale permet d’associer un ordre magnétique spécifique à celle-ci. Ainsi, les ordres G-OO/C-SO et C-OO/G-SO sont les deux configurations possibles des V3+ à basse température(voir figure 2.6). 15 F ig ur e 2.7 Chaleur spécifique en fonction de la température dans les RVO3 (R = La, Ce, Pr, Nd, Sm, Gd, Tb, Dy, Y, Er, Yb et Lu) [29]. Les triangles indiquent les transitions et leur couleur indiquent leur nature (noir : transition orbitale ; blanc : transition magnétique). Les configurations orbitales et magnétiques se manifestant dans les RVO3 sont également illustrées. 2.4 Diagramme de phase des composés RVO3 Les oxydes RVO3 sont des composés où se manifestent, à diverses températures, les deux ordres orbitaux (G-OO/C-OO) et magnétiques (C-SO/G-SO) présentés précédemment. La première tentative visant à tracer le diagramme de phase de cette famille de composés remonte à 2003 avec le travail expérimental de Miyasaka et al. sur les RVO3 (R = La, Ce, Pr, Nd, Sm, Gd, Tb, Dy, Y, Er, Yb et Lu) [29]. La figure 2.7 montre l’évolution en température de la chaleur spécifique de ces composés. En commençant par le YVO3 et en diminuant en température, on peut observer trois anomalies distinctes. L’anomalie à plus haute température, identifiée par un triangle noir, est à la fois une transition structurale et une transition orbitale. Pour la suite de ce travail, cette température critique sera définie comme Too . La transition structurale est causée par la distorsion JT qui, en plus de générer la configuration orbitale G-OO, change la structure initialement 16 F ig ur e 2.8 Intensité du pic de Bragg interdit (401) en fonction de la température obtenue par la diffraction des rayons X provenant d’une source synchrotron. L’encart montre les tâches de diffractions du YVO3 à 175 K. Les réflexions (h 0 1) avec h + 1 6= 2n, interdites pour un cristal de symétrie Pbnm, sont visibles [24]. F ig ur e 2.9 a) Comportement en température de l’aimantation totale selon les trois axes cristallins dans le YVO3 . Un champ magnétique de 1 T est appliqué en diminuant la température (FC) [30]. b) Intensité des pics de Bragg obtenus dans le YVO3 par la diffraction des neutrons polarisés [31]. 17 F ig ur e 2.10 Diagramme de phase des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare. Les points bleus, les carrés rouges et les triangles verts représentent respectivement les températures critiques Too , T N1 et T N2 identifiées avec des mesures de chaleur spécifique [32]. F ig ur e 2.11 Évolution en température des paramètres cristallographiques et de l’intensité d’un pic magnétique de Bragg, pic associé à l’ordre magnétique C-SO, dans le LaVO3 [33] 18 orthorhombique (groupe de symétrie Pbnm) en une structure monoclinique (groupe de symétrie P21 /a ). Ce changement est corrélé avec l’apparition d’un pic de Bragg, interdit dans la symétrie Pbnm mais compatible avec la symétrie P21 /a, observé par diffraction des rayons X dans le YVO3 (voir figure 2.8). Cette modification demeure toutefois très subtile (angle monoclinique α ≈ 89,95◦ ) et à peine visible par les mesures cristallographiques [24]. La dernière anomalie, à plus basse température et identifiée par le triangle noir, représente une seconde transition structurale accompagnée d’une transition orbitale et magnétique. Cette température caractéristique est définie pour le reste de cette thèse comme T N2 . La disparition soudaine du pic de Bragg interdit (401) à plus basse température (voir figure 2.8) indique un retour à la phase orthorhombique accompagné d’un réarrangement des orbitales (G-OO → C-OO). Le profil du pic de la chaleur spécifique à T N2 , indique également que la nature de la transition structurale est de premier ordre. La nature magnétique de cette transition se réflète par la présence d’une anomalie coïncidant avec T N2 , observée dans les mesures d’aimantation totale selon les trois axes cristallins en fonction de la température et du champ magnétique appliqué (voir figure 2.9 a)). Cette anomalie est caractérisée par un saut indiquant une transition magnétique également de premier ordre. L’augmentation soudaine de l’aimantation autour de 114 K coïncide avec l’anomalie de la chaleur spécifique identifiée par un triangle ouvert. Cette température critique sera baptisée pour le reste du manuscrit par le terme T N1 . L’aimantation non nulle observée dans une configuration antiferromagnétique provient du fait que les spins ne sont pas parfaitement antiparallèles et que par conséquent, il existe une très faible composante ferromagnétique. L’absence de changement structural détecté par les mesures cristallographiques suggère que cette transition est purement magnétique. La nature de la phase magnétique, présente dans la plage de température 114 > T > 77 K et T < 77 K, peut être identifiée par la figure de diffraction obtenue avec des neutrons polarisés. La figure 2.9 b) montre l’intensité de la diffraction à 56 K, 87 K et 126 K dans le YVO3 en fonction de 2θ. À 126 K, on peut observer des pics de Bragg non magnétiques désignés par la lettre N. À 87 K, deux nouveaux pics de diffraction (0 1 0) et (1 0 0) de nature magnétique sont observés et identifiés par la lettre M. L’activation de ces réflexions de Bragg indique la présence d’un ordre antiferromagnétique de type C. En dessous de la transition T N2 , ces deux pics de diffraction disparaissent et les réflexions (0 1 1) et (1 0 1) sont renforcées en plus d’avoir maintenant un caractère magnétique (d’où l’indice N+M). Ce changement marque le réarrangement des moments magnétiques V3+ de l’ordre C-SO à l’ordre G-SO. La température T ∗ identifiée par Ren et al. dans la figure 2.9 a) n’est pas corrélée avec une 19 anomalie de la chaleur spécifique [30]. Elle n’en demeure pas moins remarquable puisque T ∗ correspond à une inversion de l’aimantation totale induite par la température, ce qui est un phénomène exceptionnel dans la nature. Ce changement trahit une forte compétition entre différentes interactions et a été initialement attribué à la combinaison de l’interaction Dzyaloshinskii-Moriya 1 et de l’anisotropie magnétique locale 2 [30]. Les recherches les plus récentes sur ce sujet suggèrent que les impuretés dans les RVO3 , même en infime quantité, peuvent jouer un rôle majeur dans les propriétés microscopiques et macroscopiques du cristal [34] [35] [36]. Le diagramme de phase tracé avec les mesures de chaleur spécifique et des mesures complémentaires obtenues par Fujioka et al. dans le Prx La1− x VO3 (x = 0, 0,2 , 0,6 , 0,73 , 0,8 et 1) est illustré à la figure 2.10 [32]. Too augmente d’environ 35 K de Lu (Too ≈ 175 K ) à Gd (Too ≈ 210 K) pour ensuite diminuer jusqu’à ≈ 140 K dans le LaVO3 . T N1 grandit constamment de T N1 ≈ 100 K (LuVO3 ) pour saturer autour de 140 K (PrVO3 ). Finalement, on remarque que T N2 forme un dôme déformé de 1,14 Ȧ (LuVO3 ) à 1,2 Ȧ (DyVO3 ) avec une température maximale approximative de 85 K dans le LuVO3 . On peut expliquer la hausse de T N1 par l’augmentation du facteur de tolérance vers l’unité. La distorsion des octaèdres devient alors moindre et les angles V-O-V retournent graduellement à 180◦ . C’est à cette valeur que le superéchange, et par conséquent la température critique magnétique, deviennent maximaux. Un détail important qui doit être souligné est que, pour un rayon de la terre rare suffisamment élevé, la température de Néel surpasse la température critique où l’ordre orbital émerge. Cette inversion des températures critiques est visible à la figure 2.11 qui illustre l’évolution en température des paramètres cristallographiques et de l’intensité d’un pic de Bragg magnétique, pic associé à l’ordre des spins C-SO dans le LaVO3 . En refroidissant entre T N1 et Too , on observe un processus magnétostrictif qui n’implique pas de diminution de symétrie. L’intensité nulle du pic de Bragg magnétique ne signifie pas nécessairement qu’il y a absence d’ordre des spins des V3+ mais plutôt que cet ordre n’est pas identifié comme l’arrangement magnétique C-SO. Sous Too , on assiste à une transition structurale de premier ordre accompagnée par l’apparition soudaine de l’ordre magnétique C-SO. Si ces résultats démontrent clairement que l’ordre monoclinique G-OO/C-SO est établi à basse température, la physique régnant entre T N1 et Too reste ambiguë. Les propriétés magnétiques et de transport suggèrent l’existence des ordres magnétique et orbital dans cette plage de température. Le premier scénario pris en 1. Interaction magnétique proportionnelle à ~Si × ~S j 2. Interaction magnétique proportionnelle à ~Si · ~Si 20 F ig ur e 2.12 Évolution de la susceptibilité magnétique (courbe bleue) et de l’inverse de la conductivité thermique dans le LaVO3 (triangles rouges). Le comportement en température de l’inverse de la conductivité thermique du LaGaO3 (courbe brune), composé ne présentant aucun spin, de porteur de charges et d’effet JahnTeller, est considéré comme le comportement normal provenant de la conductivité thermique des phonons [33]. considération suppose l’existence d’un ordre orbital où seul l’état d xy est occupé de manière ordonnée alors que le deuxième scénario suggère plutôt que l’ordre orthorhombique COO/G-SO se manifeste dans cette gamme de température. Même si certaines observations indirectes favorisent le deuxième scénario, cette phase mystérieuse continue à échapper aux regards scrupuleux des expérimentateurs et sa vrai nature reste une question ouverte. En plus de T N1 et Too qui présentent certaines nuances compliquant la description du diagramme de phase des RVO3 , il faut prendre en considération le dôme T N2 qui apporte son propre lot de complexité. Son origine est le fruit d’un délicat équilibre entre deux interactions importantes : la distorsion JT et les fluctuations quantiques orbitales. 2.5 Compétition critique entre le couplage JT et les uctuations quantiques orbitales Le débat qui suscite le plus de remous dans la communauté scientifique s’intéressant aux vanadates est le rapport de force entre la distorsion JT et les fluctuations quantiques orbitales provenant de l’arrangement orbital alterné d xz et dyz . Alors que la communauté s’accorde pour affirmer que l’effet JT domine dans la phase C-OO/G-SO, la faible dimensionnalité 21 effective de l’ordre orbital G-OO/C-SO 3 , combinée avec le nombre restreint d’orbitales d accessibles, ont amené plusieurs chercheurs à émettrent l’hypothèse que les fluctuations quantiques orbitales étaient importantes et jouaient un rôle significatif dans les RVO3 . Les fluctuations orbitales quantiques sont en principe éliminées dans la limite où le couplage JT domine et où la levée de dégénérescence des niveaux 3d est complète. Cependant, dans la limite où l’effet JT est négligeable devant les fluctuations orbitales, celles-ci peuvent causer la dimérisation du réseau selon l’axe c et créer ainsi un état orbital équivalent à l’état Peierls. Cette hypothèse fut initialement soutenue par des mesures de diffraction des neutrons polarisés dans le YVO3 [37]. Dans cette étude, la force de l’interaction ferromagnétique le long de l’axe c, observée par la courbe de dispersion des magnons, est nettement plus intense que les interactions dominantes antiferromagnétiques dans le plan ab. Or sans cette dimérisation, ce phénomène viole les lois de Goodenough-Kanamori, qui prédisent que l’interaction de superéchange ferromagnétique est plus faible que les interactions antiferromagnétiques [38]. De plus, la symétrie de cet état dimérisé est également cohérente avec la symétrie Pb11 rapportée par la spectroscopie infrarouge dans le composé YVO3 [20]. Sur le front théorique, la question a été creusée plus en profondeur et plusieurs travaux basés sur l’hamiltonien du superéchange supportent l’existence d’un état orbital Peierls dans les RVO3 [39] [40] [41] [42]. Il est toutefois curieux que malgré tous ces travaux, les meilleures mesures cristallographiques n’aient toujours pas permis d’observer directement le phénomène de dimérisation dans les RVO3 . Cela peut cependant être causé par la mauvaise résolution des mesures de diffraction (la section efficace des neutrons sur le vanadium est très faible) par rapport à la faible amplitude du bris du centre d’inversion et par la présence importante des fluctuations thermiques et quantiques [37] [43]. Ces fluctuations se manifestent également dans le comportement de la conductivité thermique des vanadates, comportement anormal qui rappelle celui observé dans des composés amorphes [44][33]. La figure 2.12 illustre à titre d’exemple l’inverse de la conductivité thermique (κ −1 ) en fonction de la température dans le LaVO3 et le compare avec le comportement de κ −1 observé dans le LaGaO3 . Ce dernier composé ne présente pas de spin, de porteurs de charge et d’effet Jahn-Teller de tel sorte que sa conductivité thermique provient uniquement des phonons[33]. La différence la plus frappante est la différence de signe entre la pente de κ −1 mesurée dans le LaVO3 et le LaGaO3 au-dessus de 200 K. Le caractère orbital de cette anomalie est confirmé par le 3. La faible dimensionnalité est intrinsèque aux états électroniques t2g , dont les interactions sont incompatibles dans un système tridimensionnel. Plus de précisions sur cette caractéristique sont fournies à la section 2.6.1, qui traite de l’hamiltonien spin-orbite. 22 comportement de la conductivité qui retrouve graduellement en diminuant la température son caractère cristallin lorsque l’ordre orbital émerge à Too . Le scénario proposé par les auteurs est celui où les fluctuations orbitales perturbent la périodicité des liens V-O et génère ainsi de l’anharmonicité qui réduit la contribution des phonons à la conductivité thermique. L’observation de cette anomalie, attribuable aux fluctuations, renforce ainsi le scénario qui utilise le superéchange pour expliquer les phases orbitales et magnétiques [42]. Malgré de nombreux travaux expérimentaux et théoriques appuyant l’hypothèse que la phase G-OO/C-SO est générée principalement par le superéchange, plusieurs résultats récents soulignent le rôle important du couplage JT dans ce régime. Des calculs numériques minimisent l’impact du superéchange et démontrent que le couplage JT peut à lui seul générer cette configuration orbitale [45] [46]. Ces études ab initio ont réussi à reproduire la courbe de dispersion des magnons observée par Ulrich et al. en considérant des plans VO2 différents alternés [46] [37]. Ainsi, la différence entre l’interaction magnétique selon l’axe c et l’interaction magnétique dans le plan ab, initialement attribuée à la dimérisation, peut être expliquée par une distorsion JT différente entre les deux plans. Ce scénario implique que l’effet JT lève la dégénérescence des orbitales t2g et que les fluctuations quantiques sont ainsi supprimées. Ces calculs, avec d’autres résultats expérimentaux et théoriques, motivent l’utilisation d’un modèle qui inclut un couplage JT significatif [24] [47] [48]. Pour mélanger un peu plus les cartes, des mesures optiques ont rapporté un couplage JT trop faible pour être cohérentes avec le scénario où le champ cristallin élimine totalement les fluctuations quantiques [39]. En revanche, de récentes mesures d’ellipsométrie suggèrent que le couplage JT élimine complètement les fluctuations orbitales [49]. D’autres résultats expérimentaux sont moins catégoriques pour ce qui est de distinguer entre le scénario JT dominant et le scénario superéchange dominant [50] [51] [43] [52] [53]. Par exemple, les mesures de diffraction inélastique des rayons X ne peuvent être expliquées avec une théorie faisant intervenir seulement le superéchange ou seulement le champ cristallin [50]. Les mesures de Blake et al. réalisées avec la diffraction des rayons X et la diffraction des neutrons sur le HoVO3 suggèrent l’existence de fluctuations faibles, mais se manifestant même dans la phase C-OO/G-SO [43]. En considérant ces travaux expérimentaux et théoriques, un modèle des RVO3 doit être capable de concilier à la fois l’interaction du superéchange et ces fluctuations avec le réseau cristallin, tout comme son effet JT. 23 2.6 Modèle théorique des oxydes RVO3 Un modèle des RVO3 doit être capable de faire émerger les deux configurations G-OO/CSO et C-OO/G-SO en plus d’être capable de reproduire le diagramme de phase présenté à la figure 2.10. L’hamiltonien spin-orbite est le moteur derrière ces deux ordres, mais la présence d’un hamiltonien simulant la distorsion JT est essentielle pour stabiliser la phase C-OO/G-SO à basse température et pour simuler Too et T N1 . 2.6.1 Hamiltonien spin-orbite L’information sur le magnétisme et sa relation avec l’ordre orbital (voir les règles de Goodenough-Kanamori) peut être intégrée dans l’hamiltonien d’interaction spin-orbite. En supposant un réseau décrit par trois axes cristallins γ = a, b, c, le terme en question s’écrit HSO = J ∑ ∑ n o ~Si · ~S j + 1 Ĵ γ + K̂ γ , ij ij (2.2) γ hiji||γ où J = 4t2 /U ≥ 0. t correspond au terme de saut permettant la transition entre deux des trois orbitales t2g et U est le terme de répulsion coulombienne. Ce terme doit décrire un système régi par la transition virtuelle d2i d2j → d3i d1j → d2i d2j dans un lien chimique hiji. L’état excité d3i peut être un état à spin élevé 4 A2 , où tous les spins occupant le site i sont parallèles, ou un des trois états à spin faible 2 E, 2 T1 et 2 T2 , où un des spins du site est antiparallèle aux deux autres [42]. Par conséquent, il faut introduire les opérateurs Ĵij,γ et K̂ij,γ qui sont respectivement Ĵij,γ 1 1 1 1 z z = (1 + 2ηR) ~τi,γ · ~τj,γ + ni,γ n j,γ − ηr ~τi,γ~τj,γ + ni,γ n j,γ − ηR ni,γ + n j,γ 2 4 4 2 (2.3) et K̂ij,γ 1 1 1 z z = ηR ~τi,γ · ~τj,γ + ni,γ n j,γ + ηr ~τi,γ~τj,γ + ni,γ n j,γ − (1 + ηR) ni,γ + n j,γ . 4 4 4 (2.4) 24 Les coefficients R = 1/ (1 − 3η ) et r = 1/ (1 + 2η ) proviennent de la structure en multiplet des états excités t32g via η = JH /U. JH est le terme de saut entre deux niveaux du même atome et représente ainsi l’énergie nécessaire pournmener aux règles de Hund. Les deux o y x , τ , τz termes contiennent également les opérateurs τγ = τi,γ i,γ i,γ , qui sont les matrices de Pauli 4 et qui représentent un pseudospin, indiquant quelle orbitale active selon la direction γ est occupée. γ L’opérateur ni décrit le nombre d’électrons occupant les orbitales actives d’un site atomique i et est directement relié à τ par une transformation de Schwinger. z τi,γ + † τi,γ = ai,γ bi,γ (2.5) − † τi,γ = bi,γ ai,γ 1 ni,γ,a − ni,γ,b = 2 ni,c = ni,γ,a + ni,γ,b (2.6) (2.7) (2.8) (2.9) † a † où ni,γ,a = ai,γ i,γ et ni,γ,b = bi,γ bi,γ sont les bosons de Schwinger. Puisque le moment des V3+ mesuré est proche de la valeur ~S = 1, il est raisonnable de supposer JH → 0, ce qui correspond au cas où le spin est complètement polarisé. Dans cette limite, l’hamiltonien s’exprime ainsi : HSO 1 1 ~ ~ = J ∑ ∑ Si · S j + 1 ~τi,γ · ~τj,γ + ni,γ n j,γ . 2 γ hiji||γ 4 (2.10) On remarque immédiatement que le terme décrivant la corrélation des orbitales normalise l’interaction d’échange et peut même changer son signe, en accord avec les lois de Goodenough-Kanamori. De plus, il révèle le caractère anisotrope du système puisqu’il y a trois orbitales et que seulement deux peuvent être actives dans une direction. Il en résulte que ~τi,γ · ~τj,γ 6= 0 selon un axe frustrera la corrélation orbitale selon les autres directions. Le caractère unidimensionnel de cette interaction nous pousse donc à décrire le moment cinétique orbital de manière quantique, contrairement au moment magnétique décrit ici 4. τx = 0 1 1 0 τy = 0 −i i 0 τz = 1 0 0 −1 25 de manière classique. En utilisant la notation de Schwinger décrite dans l’équation (2.9), l’hamiltonien (2.10) devient HSO = 1 † † J ∑ ∑ ~Si · ~S j + 1 ni,γ,a n j,γ,a + ni,γ,b n j,γ,b + ai,γ bi,γ b†j,γ a j,γ + a†j,γ b j,γ bi,γ ai,γ , 4 γ hiji||γ (2.11) † b b† a † † où ni,γ,a n j,γ,a + ni,γ,b n j,γ,b décrit l’arrangement des orbitales et ai,γ i,γ j,γ j,γ + a j,γ b j,γ bi,γ ai,γ est associé à leurs fluctuations. Toujours uniquement selon l’axe c, l’état fondamental de cet hamiltonien est retrouvé lorsque les spins sont ordonnés de manière ferromagnétique et √1 2 (| ↑, ↓ i − | ↓, ↑ i). On peut vérifier que dans cette condition, seule la contribution du terme associé aux fluctuations orbitales est non c nulle. L’énergie totale correspond alors à − J/2 avec ~τi · ~τj = −3/4. Puisque les corrélations orbitales sont absentes dans le plan ab et qu’un électron occupe inconditionnellement l’orbitale d xy (nic = n jc = 1), l’interaction dans le plan est antiferromagnétique. qu’un seul électron occupe l’état singulet Cette première pièce du casse-tête permet donc d’expliquer l’émergence de la phase C-SO dans la phase G-OO avec l’aide des fluctuations orbitales quantiques. Afin de stabiliser la phase C-OO/G-SO, il faut compléter cet hamiltonien avec un terme qui simule l’effet du réseau sur les orbitales. 2.6.2 Hamiltonien JT L’hamiltonien spin-orbite néglige complètement l’effet du réseau cristallin sur la densité d’états électroniques. Afin de pallier à cette lacune, nous introduisons un hamiltonien qui simule l’interaction des orbitales avec le réseau, H JT = Vc ∑ hiji||c z z τi,c τj,c + Vab ∑ z z τi,c τj,c , (2.12) hiji⊥c où Vc < 0 et Vab > 0 sont respectivement des termes représentant l’amplitude de couplage entre deux états orbitaux actifs dans le plan ab et selon l’axe c médiés par le réseau. Le premier terme somme les interactions entre un site i et ses plus proches voisins le long de l’axe c alors que le deuxième terme somme les interactions entre un site i et ses plus proches voisins dans le plan ab. Dans la limite où Vab et Vc sont très grand par rapport à J, on 26 F ig ur e 2.13 Énergie libre en fonction de T/J pour la phase G-SO avec V = 0, 65J (ligne continue) et pour la phase C-SO avec η = 0,05, 0,10 et 0,15 [42] peut vérifier que la configuration orbitale de type C correspondant à deux des états triplets (| ↑, ↑ i et | ↓, ↓ i) est favorable énergétiquement par rapport à l’ordre orbital G-OO. Or dans ces états électroniques, la contribution orbitale dans l’hamiltonien spin-orbite est positive. Il en résulte que l’énergie provenant de HSO est minimisée si les moments magnétiques sont antiparallèles. On retrouve donc la configuration C-OO/G-SO se manifestant en dessous de T N2 . Dans les RVO3 , l’ordre de grandeur de J , Vab et Vc est similaire. Il en découle que H JT , qui représente l’interaction entre deux orbitales d’atomes voisins modulée par la distorsion JT, entre alors en compétition avec les fluctuations issues de HSO , qui sont décrites dans la section précédente [54] [55] [56]. Cette compétition démarque les systèmes t2g des systèmes e g , où l’effet JT et le superéchange sont compatibles et coopèrent pour générer l’ordre orbital [25] [57] [58]. Pour des valeurs Vc et Vab positives, la levée de dégénérescence des orbitales causée par le couplage JT diminue l’énergie de la phase G-OO (EG ) sans toutefois modifier significativement l’énergie de la phase C-OO. Cette différence se manifeste dans le comportement en température (T/J) de l’énergie libre F = h H i − TS des deux phases illustrée à la figure 2.13. Le calcul de l’énergie libre a été effectué pour V = 0, 65J dans la phase orbitale C-OO/G-SO et pour différentes valeurs η (0,05, 0,10 et 0,15) dans la phase G-OO/C-SO. En augmentant en température, la transition T N2 correspond au point où 27 F ig ur e 2.14 Schéma de la rotation des octaèdres induite par la distorsion JT [53] F ig ur e 2.15 Diagramme de phase théorique en fonction de la terre rare (lignes pleines rouge et bleue) comparé avec les données expérimentales (points noir et blanc). Les lignes tiretées représentent le diagramme de phase calculé avec le paramètre ge f f = 0 [53]. l’entropie associée aux fluctuations orbitales est suffisamment importante pour provoquer la réorientation des ordres magnétique et orbital. 2.6.3 Hamiltonien des RVO3 et diagramme de phase simulé Afin de pouvoir simuler les températures critiques des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare, il faut enrichir davantage l’hamiltonien en ajoutant une dépendance au facteur de tolérance t. Il faut donc, en premier lieu, apporter des précisions sur la distorsion causée par la dimension de la terre rare. On suppose donc que cet effet est similaire à ce qui est observé dans le GdFeO3 . Plus précisément, il provoque une rotation des octaèdres d’oxygène d’un angle ±θ autour de l’axe b et une rotation d’un angle ±φ autour de l’axe c (figure 2.14). Ce déplacement atomique réduit l’angle V-O-V de 2 θ ou 2 φ le long de l’axe c et du plan ab, en 28 plus de créer une distorsion orthorhombique u = (b − a)/a. L’hamiltonien de superéchange est pratiquement insensible à la distorsion JT et l’ordre magnétique est affecté principalement par l’influence du réseau sur les orbitales [53]. Il ne reste donc que l’hamiltonien JT présenté précédemment qui puisse dépendre du rayon de la terre rare. Cette relation se manifeste à travers la constante de couplage Vab et Vc , qui est directement reliée au réseau cristallin. Des simulations numériques effectuées avec le modèle des RVO3 présenté ici révèle que le terme d’interaction selon l’axe c, Vc , est peu sensible à l’angle θ. En revanche, une dépendance significative à cet angle est observable pour l’interaction Vab . En combinant un modèle avec des charges ponctuelles avec les données cristallographiques observées dans les RVO3 , il est possible de représenter la dépendance de Vab en fonction de l’angle θ avec cette relation [53] : Vab (θ ) = Jνab sin3 θcosθ, (2.13) où νab est un paramètre ajustable normalisé par rapport à J. Le terme JT ne suffit pas pour reproduire la dépendance en θ des températures critiques. Cela motive l’introduction d’un terme qui induit la brisure de symétrie de l’occupation des orbitales z HBS = Ez (θ ) ∑ ei Ri Q τi,c . ~ ~ (2.14) i Ce terme simule l’effet de la distorsion JT sur le champ cristallin et est très similaire à ~ ~ ~ = (π, π, 0) l’hamiltonien Zeeman. Le champ effectif ei Ri Q est modulé avec le vecteur d’onde Q et le vecteur ~Ri , le vecteur position dans le réseau. Il en résulte un champ qui favorise l’ordre orbital C-OO en levant la dégénérescence des orbitales dyz et d xz . La dépendance de Ez (θ ) est donnée par [53] Ez (θ ) = Jνz sin3 θcosθ, (2.15) où νz est un paramètre ajustable normalisé par rapport à J. En se rappelant qu’une diminution du rayon de la terre rare se traduit par une augmentation des angles de rotations θ des octaèdres d’oxygène, on peut reproduire théoriquement les températures critiques (Too et T N1 ) des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare. Le diagramme de phase représenté 29 par des lignes tiretées sur la figure 2.15 est calculé avec les termes (2.2), (2.12) et (2.14). On remarque immédiatement une divergence entre les températures critiques simulées et les températures critiques mesurées, divergence qui augmente avec θ. Il faut donc ajouter un autre terme, qui nuit à l’ordre orbital et à l’ordre magnétique et qui est d’un ordre supérieur en θ à Ez (θ ) et Vab (θ ). Ce dernier terme, noté Hu respecte ces exigences et représente le couplage des orbitales à la distorsion orthorhombique u. Si les termes proportionnels à Ez , Vab et Vc représentent la diminution d’énergie résultant de la levée de dégénérescence des orbitales actives, celui-ci représente l’énergie élastique gagnée dans le processus. Cet hamiltonien s’écrit comme suit : 1 Hu ≡ − gu ∑ τix,c + NK [u − u0 (θ )] , 2 i (2.16) où g ≥ 0 est la constante de couplage, u = (b − a)/a , K une constante de rappel et N le nombre d’ions V3+ . Le premier terme de l’équation (2.16) agit en opposition au troisième terme de l’équation (2.2), puisqu’il favorise un des deux états représentés respectivement (| yz i + | xz i) et √12 (| yz i − | xz i) indiquant quelle orbitale est occupée. Comme u est une variable classique, on peut minimiser l’énergie de l’hamiltonien Hu pour obtenir l’état d’équilibre de la distorsion structurale : par les combinaisons linéaires √1 2 u (θ; T ) = u0 (θ ) + ( g/K ) hτ x,c iT . (2.17) Le premier terme est une contribution propre à la structure tandis que le deuxième terme représente l’impact des orbitales sur la structure. La sensibilité à θ des deux coefficients ainsi que la faible dépendance en T de hc τ x i nous permet de définir une constante de couplage effective geff geff (θ ) ≡ gu (θ ) = Jνg sin5 θcosθ, (2.18) où νg est un paramètre ajustable normalisé par rapport à J. Le modèle complet des RVO3 est donc décrit par l’hamiltonien 30 H = HSO + Vc (θ ) ∑ hiji||c z z τi,c τj,c + Vab (θ ) ∑ hiji⊥c z z z τi,c τj,c + Ez (θ ) ∑ ei Ri Q τi,c + Hu . ~ ~ (2.19) i Le diagramme de phase tracé avec l’aide du modèle (trait bleu pour Too et trait rouge pour T N1 ) est comparé avec quelques résultats expérimentaux à la figure 2.15. La méthode utilisée pour simuler ce modèle est une combinaison de la théorie du champ moyen par amas et de la théorie du champ moyen. Les paramètres spécifiques utilisés sont décrits dans la référence [53]. Il est intéressant de souligner que l’utilisation de la théorie du champ moyen par amas pour les liens chimiques parallèles à l’axe c est nécessaire pour générer la phase magnétique C-SO [59]. Cela reflète l’importance des fluctuations orbitales dans l’émergence de cet ordre magnétique [42]. À plus basse température et pour une distorsion JT suffisamment grande, le couplage entre le réseau et l’ordre orbital permet l’émergence de la phase C-OO/G-SO. Cet hamiltonien présente donc le portrait d’un système où le riche diagramme de phase est coloré par le conflit entre l’effet JT et les fluctuations orbitales. La physique des RVO3 n’est toutefois pas totalement reproduite avec ce modèle puisque l’influence du moment magnétique de la terre rare n’est pas comprise dans l’hamiltonien. De plus, le modèle échoue à reproduire un des phénomènes physiques le plus intriguants dans les RVO3 : la coexistence des phases C-OO/G-SO et G-OO/C-SO. Une attention particulière sera portée sur ces deux phénomènes afin d’aider la théorie actuelle à palier ces lacunes. 2.7 Compétition critique et coexistence des phases Une conséquence de cette compétition critique entre l’effet JT et les fluctuations quantiques est la grande susceptibilité des propriétés physiques des RVO3 à la présence de défauts. Cette remarque a été détaillée par Tung et al., où une aimantation, évoluant palier par palier sous la variation d’un champ magnétique externe, est observée à faible température dans le PrVO3 [36]. Un tel phénomène peut être associé à une inversion en chaîne de domaines magnétiques et à la présence de champs aléatoires cohérents avec le modèle du superéchange [61]. Cette explication a été étendue afin d’expliquer le comportement anormal du magnétisme dans les composés RVO3 , soit l’inversion de l’aimantation en fonction de la température [36]. Ce scénario, qui attribue aux défauts le comportement de l’aimantation, est une alternative à l’explication de Ren et al. Cette dernière impute cette inversion, visible 31 F ig ur e 2.16 Diagramme de diffraction des rayons X pour trois phases successives observées dans le SmVO3 avec a) T >TOO : Phase orthorhombique, b) TN2 <T <TOO : Phase monoclinique, c) T <TN2 : Phases orthorhombique et monoclinique. Le pic 132 dans la phase orthorhombique et monoclinique sont visibles à 5 K [52]. 32 F ig ur e 2.17 Diagramme de phase des RVO3 en fonction du rayon de la terre rare. Diagramme obtenu par des mesures cristallographiques et qui inclut la coexistence des phases [60]. notamment dans le YVO3 , à la compétition entre l’interaction Dzyaloshinskii-Moriya et l’anisotropie magnétique de l’ion [30]. La compétition critique entre les interactions associées aux deux phases s’exprime également par une différence d’énergie relativement faible entre ces deux états. Il en résulte la possibilité que les deux configurations orbitales puissent coexister et ce, même à très faible température [62] [63]. L’explication typique de la coexistence de phase est que les contraintes provenant de l’interface entre les deux phases peuvent stabiliser ce régime. Cette métaphase provoquée par les contraintes d’interface a été déjà observée dans d’autres pérovskites comme le La2− x Srx CuO4 [64], le Ca2 FeRuO6 [65] et dans certains manganites [66]. La première observation de la coexistence des phases dans les vanadates a été effectuée dans le SmVO3 à l’aide de la diffraction des rayons X [52]. Cette observation survient en dessous de la température T N1 et se manifeste par l’apparition d’un pic supplémentaire, identifié (132) par les indices de Miller, dans le diagramme de diffraction des rayons X (voir figure 2.16). Le rayon ionique de l’ion Sm3+ est relativement près du rayon ionique nécessaire pour générer le dôme C-OO/G-SO. La présence de contraintes causées par le superéchange lorsque l’ordre magnétique se manifeste donne au système l’énergie nécessaire pour faire émerger localement la phase orthorhombique et la stabiliser. À basse température, 33 la configuration orbitale et magnétique du SmVO3 est donc une texture à pois de phase C-OO sur un fond de phase G-OO. Suite à cette découverte, la recherche sur la coexistence des phases s’est étendue à l’ensemble des composés RVO3 [60]. Les résultats de cette étude démontrent que la phase C-OO/G-SO s’établit complètement à faible température dans les composés avec une terre rare suffisamment petite (YVO3 , HoVO3 et le YbVO3 ) alors qu’elle laisse entièrement place à la configuration G-OO/C-SO dans les composés avec une terre rare suffisament grande (CeVO3 , PrVO3 et LaVO3 ). Les mesures de diffraction des rayons X détectent donc la coexistence des deux phases uniquement chez les composés RVO3 avec un rayon ionique de la terre rare intermédiaire (R = Sm, Eu, Gd et Tb) et le diagramme de phase introduit dans la section 2.4 (voir figure 2.10) doit ainsi être revisée (voir figure 2.17). Cette coexistence reflète un équilibre tellement précaire que des interactions normalement négligeables deviennent significatives. Cette idée permet de mieux comprendre la forme irrégulière du dôme G-OO/C-SO dans le diagramme de phase des RVO3 en considérant cette fois le moment magnétique de la terre rare. 2.8 Eet de la terre rare Le moment magnétique de la terre rare est reconnu pour augmenter la sensibilité des manganites multiferroïques aux champs magnétiques appliqués [68] [12] [69] [69] [70]. Ainsi, l’arrangement des états électroniques 4 f peut provoquer des changements radicaux à l’ordre magnétique des manganèses, ce qui entraîne un changement des paramètres physiques macroscopiques, par exemple la polarisation électrique. La maîtrise du couplage entre les niveaux électroniques 4 f et les orbitales 3d est ainsi une avenue pleine de promesses pour la création de matériaux fonctionnels quantiques présentant un effet magnétoélectrique. La forte compétition régnant dans la famille RVO3 rend celle-ci très sensible aux moments magnétiques des terres rares. Cette susceptibilité se manifeste par la présence de plusieurs irrégularités du dôme C-OO/G-SO (voir figure 2.10). En premier lieu, on remarque que le YbVO3 et le ErVO3 , qui possèdent un moment magnétique 4 f , ont une température critique T N2 inférieure à celle du LuVO3 et du YVO3 , qui ne possèdent pas d’électrons occupant les niveaux 4 f . La deuxième anomalie se présente dans le DyVO3 sous la forme d’une troisième 34 F ig ur e 2.18 Refléxion observée par diffraction des rayons X à diverses températures et sous l’effet de divers champs magnétiques dans le DyVO3 en poudre. Le pic le plus à droite est caractéristique de la phase monoclinique tandis que le pic de gauche est exclusif à la phase orthorhombique [67]. F ig ur e 2.19 Constante délectrique du HoVO3 en fonction de la température (ZFC) et sous l’effet d’un champ magnétique appliqué a) selon l’axe a et b) selon l’axe c. La courbe en rouge représente une série de mesure réalisée en configuration FC. [32] 35 température de transition se caractérisant par un faible retour de la phase monoclinique. Cette phase se manifeste par la faible présence de pics de diffraction des rayons X spécifiques à la phase monoclinique (voir figure 2.18). Cette configuration orbitale et magnétique est favorisée par l’alignement des moments magnétiques du Dy3+ survenant à 12 K et elle peut être éliminée en appliquant un champ magnétique suffisamment fort pour détruire l’ordre magnétique de ceux-ci [67]. La dernière observation n’étant pas présentée dans le diagramme de phase 2.10 est la différence entre les T N2 observées dans le YVO3 et dans le HoVO3 . Puisque le Y3+ et le Ho3+ ont des dimensions similaires, le modèle des RVO3 prédit des températures de transition similaires entre les deux composés. Or au contraire, une différence de ≈ 40 K est observée entre T N2 dans le YVO3 (T N2 ≈ 77 K) et T N2 dans le HoVO3 (T N2 ≈ 35 K). De plus, on observe également un comportement en température hystérétique de la constante diélectrique qui est beaucoup plus prononcé dans le HoVO3 que dans le YVO3 . Plus précisément, cette hystérésis est présente de 11 K à 35 K dans le HoVO3 alors que celle-ci est confinée sur une plage de température de 1 K dans le YVO3 [32] [71]. Une telle différence dans l’évolution en température de la constante diélectrique est indicative d’un couplage entre la terre rare et le vanadium. L’application d’un champ magnétique révèle certaines excentricités de ce composé en perturbant l’ordre magnétique de la terre rare. Par exemple, l’hystérésis à T N2 disparaît totalement sous l’effet d’un champ magnétique parallèle à l’axe c supérieur à 1 T. Ce comportement revient en force lorsqu’un champ supérieur à 12 T est appliqué. On remarque également une augmentation de T N2 en haussant le champ magnétique parallèle à l’axe a [32]. Les mécanismes derrière la relation entre les moments magnétiques de la terre rare et le reste du système sont encore mal compris. Les mesures expérimentales réalisées dans le DyVO3 suggèrent l’existence d’une interaction d’échange 4 f − 3d favorisant la phase C-OO/G-SO par rapport à l’autre configuration orbitale possible [32] [51] [67]. Le cas du HoVO3 est plus complexe et l’interaction d’échange ne suffit pas, à elle seule, pour décrire l’évolution des phases en fonction de la température et du champ magnétique appliqué. Le comportement de T N2 en fonction d’un champ magnétique appliqué selon l’axe a favorise un scénario impliquant une interaction d’échange [32]. Ceci est également cohérent avec l’observation d’un moment magnétique Ho3+ partiellement polarisé à une température nettement supérieure (≈ 35 K) à la transition de phase de la terre rare (≈ 10 K) [51]. Cependant, l’évolution de T N2 avec le champ magnétique ne peut être expliquée par cette interaction. Un possible effet magnétostrictif causé par les ions Ho3+ a été proposé afin d’expliquer l’influence de la terre rare [32]. 36 F ig ur e 2.20 Schéma d’un magnon dans une chaîne ferromagnétique [73]. Ces scénarios demeurent toutefois très hypothétiques puisque la question a été très peu approfondie dans la littérature scientifique. Les quelques travaux expérimentaux à ce sujet démontrent néanmoins que l’influence de la terre rare génère d’intéressantes propriétés physiques méritant d’être étudiées plus en détail, tant pour des raisons épistémologiques que pratiques. 2.9 Excitations présentes dans les RVO3 Un concept fondamental de la physique de la matière condensée est que lorsqu’un composé subit une brisure spontanée de symétrie, de nouveaux modes d’excitation collectifs émergent [72]. La présence d’un ordre orbital, magnétique et structuraux interdépendants rendent les composés RVO3 particulièrement fertiles en excitations de nature magnétique, orbitonique et phononique. Cette section se veut un survol des principaux types d’excitations exotiques retrouvés dans cette famille de composé et discutés dans cette thèse. 2.9.1 Magnon Le magnon est une excitation collective émergeant d’un ordre magnétique présent dans un réseau cristallin. Celui-ci peut également être décrit comme une onde spin quantifiée (voir figure 2.20), possédant une quantité définie d’énergie et de quantité de mouvement. Pour des raisons de symétrie, les magnons sont normalement invisible par la spectroscopie Raman, mais certains processus, où deux magnons se combinent (multimagnon), permettent à ces excitations magnétiques de devenir actives par la diffusion Raman [74] [75]. 37 F ig ur e 2.21 Schéma d’un orbiton dans le LaMnO3 . En haut, le système est dans l’état fondamental. En bas, la présence d’un orbiton se traduit par une modulation du nuage électronique. Le vecteur d’onde de l’orbiton est défini comme étant (0,0,6π/a) où a est la distance entre l’ion Mn et son plus proche voisin [76]. 2.9.2 Orbiton Les orbitons sont des excitations collectives provenant de la modulation du nuage électronique dans un milieu où il existe un ordre orbital (voir figure 2.21). Le débat sur l’observation d’orbitons dans les spectres Raman débute historiquement avec l’article de Saitoh et al. [76] rapportant l’observation d’excitations de nature orbitale à haute énergie ( 900 cm−1 à 1400 cm−1 ) dans les spectres Raman du LaMnO3 . Celle-ci est décrite par l’auteur comme la modulation dynamique de l’ordre orbital présent dans le cristal. Cette interpretation est depuis sujet à beaucoup de critiques et plusieurs explications alternatives ont été élaborées pour expliquer l’origine de ces excitations. En contraste avec la description de Saitoh et al., où cette modulation électronique est trop rapide pour que le réseau soit perturbé, Pereibenos et al. proposent que les électrons 3d sont fortement localisés et couplés à la maille cristalline [76] [77]. Il en résulte que les excitations observées en Raman proviennent d’excitons de Frenkel engendreant des multiphonons et que leur origine est purement phononique. Le troisième scénario est à mi-chemin entre les deux autres explications en admettant le caractère orbitonique tout en supposant un certain couplage avec le réseau d’atomes. Ce portrait, dressé par Van den Brink et al., suppose un mécanisme où les orbitons se couplent aux phonons PDS [78]. 38 Malgré certains arguments appuyant le premier ou le deuxième modèle, il semble que le troisième modèle représente davantage la réalité [79]. Tout d’abord, les pics Raman de haute énergie se répètent à des intervalles correspondant à des multiples de l’énergie du mode JT, observation qui soutient l’hypothèse d’un lien entre ces deux excitations [80] [81] [79]. L’origine phononique de l’excitation qualifiée d’orbiton par Saitoh et al. est donc confirmée par le lien qu’elle partage avec le PDS. Les travaux d’Iliev et al. apportent davantage de précisions sur ces excitations en les décrivant comme des combinaisons de phonons provenant du bord de la zone de Brillouin [82]. 2.9.3 Phonon de densité d'états (PDS) Le PDS, excitation Raman caractérisée par une énergie relativement élevée ( 700 cm−1 ), a été amplement étudié dans les manganites [83] [82] [81]. Il est également présent dans le YVO3 où il joue un rôle important dans le couplage entre l’ordre orbital et le réseau cristallin. Les travaux d’Iliev et al. concluent que cette excitation est associée à la présence de défauts et que celle-ci semble échapper aux règles de sélection. Plus précisément, le PDS provient d’une densité d’états partielle de phonons causée par des distorsions JT non-uniformes dans le milieu cristallin [83]. Cette idée est vérifiable avec l’aide du calcul d’intensité Raman réduite d’un cristal désordonné . L’intensité Raman réduite est définie ainsi : I 0 (ω ) = I (ω )ω . [n(ω, T ) + 1] (2.20) Avec I (ω ) l’intensité Raman, ω la fréquence angulaire et n(ω, T ) le facteur d’occupation de Bose-Einstein. L’intensité Raman dépend alors uniquement de la densité d’états totale de phonons. La densité d’états totale de phonons utilisée est en réalité la convolution de la densité d’états avec une fonction d’élargissement S(γ,ω 0 − ω) de forme lorentzienne ρs (ω ) = Z ∞ −∞ S(γ, ω 0 − ω )ρ(ω 0 )dω 0 . (2.21) Cette modification de la densité d’états a pour but de considérer le temps de vie des phonons (1/γ). Il en résulte que la densité d’états prend une forme évasée, qui reproduit le comportement du PDS dans les manganites orthorhombiques [83]. Une attention particulière sera 39 portée sur le mode PDS visible dans les spectres Raman du YVO3 puisque qu’il existe un couplage entre ce mode de vibration et les orbitons. 2.10 Interactions entre les excitations Les excitations présentent dans les RVO3 , en plus de coexister, s’influencent réciproquement via les nombreux mécanismes de couplage entre le réseau, l’ordre orbital et l’ordre magnétique. Cette section revise brièvement deux modèles utilisées pour analyser les spectres Raman, soient le modèle anharmonique et l’hamiltonien couplant les phonons aux orbitons. 2.10.1 Couplage phonon-phonon Les phonons Raman peuvent interagir avec les phonons acoustiques via les processus anharmoniques. Une telle interaction peut mener à la décomposition d’un phonon Raman en deux phonons acoustiques possédant une quantité de mouvement opposée et la moitié de l’énergie du phonon Raman initial ou l’inverse, à la création d’un phonon Raman par ces deux mêmes phonons acoustiques [84]. Cet interaction contribue à l’énergie totale ((∆ωα )) et à la largeur à mi-hauteur ((γα )) d’un phonon α. Cette contribution s’écrit (∆ωα ) anh = − A[1 + 2 ] ex − 1 (2.22) et (γα ) anh = − B[ ex 2 ] −1 (2.23) avec x= h̄ω0 . 2k B T (2.24) Où ω0 correspond à la fréquence du mode à température nulle et les deux paramètres ajustables A et B sont représentatifs du couplage phonon-phonon. 40 2.10.2 Couplage orbiton-phonon En plus de coexister, les excitations, présentent dans les RVO3 , interagissent entre elles grâce au couplage reliant le réseau à l’ordre orbital et à l’ordre magnétique. Le couplage entre l’ordre orbital et le réseau est un des sujets importants abordés dans cette thèse et nécessite une brève introduction au modèle utilisé pour analyser nos résultats. Le modèle utilisé a été présenté dans les travaux de Van den Brink portant sur le LaMnO3 [78]. En premier lieu, on considère un électron dans les orbitales eg pour chaque atome de manganèse. Ces orbitales sont deux fois dégénérées. L’électron peut être dans n’importe quelle combinaison linéaire de l’état orbital x2 − y2 et 3z2 − r2 . L’interaction entre les orbitales voisines se fait par le super-échange. L’interaction électron-phonon couple l’électron avec les phonons Jahn-Teller. L’hamiltonien décrivant ce système prend cette forme : H = Horb + He− p + H ph (2.25) avec 0 Horb + He0− p = ∑ <ij>Γ JΓ TiΓ TjΓ + 2g∑i τiz Q3i + τix Q2i (2.26) où la sommation des sites voisins hiji se fait le long des axes cristallins a,b et c. Les opérateurs T Γ sont des opérateurs orbitaux pouvant être exprimés avec les matrices de Pauli τ : Tia/b = √ (τiz ± 3τix )/2 et Tic = τiz . Le facteur g est la constante de couplage électron-phonon. L’indice 0 indique qu’on néglige les interactions d’ordre supérieur faisant intervenir plus que deux termes. Q3i et Q2i sont les opérateurs des phonons Jahn-Teller Q2 et Q3 pouvant être décrits de cette manière. + Q2/3i = q2/3i + q2/3i (2.27) + l’opérateur q2/3i est le l’opérateur création du phonon associé au mode 2/3 Jahn-Teller et au site atomique i. q2/3i est l’opérateur destruction associé à ces mêmes phonons. Le troisième terme associé uniquement au phonon s’écrit ainsi : 41 0 + + H ph = ω0 ∑[q3i q3i + q2i q2i ] + ω1 i ∑ QiΓ QΓj (2.28) <ij>Γ où ω0 représente l’énergie d’un phonon local et ω1 représente l’énergie du couplage entre deux phonons situés sur deux sites voisins l’un de l’autre. Les modes Jahn-Teller couplés le long des trois axes s’écrivent ainsi : Qia/b = ( Q3i ± √ 3Q2i )/2 (2.29) et Qic = Q3i (2.30) Les modes d’excitation orbitale sont trouvés avec l’aide d’une transformation de HolsteinPrimakov. L’Hamiltonien résultant de cette transformation révèle un couplage entre les orbitons et les phonons Jahn-Teller. Cela se traduit par la présence d’excitations Raman à haute énergie séparées par une énergie correspondant à l’énergie du mode Jahn-Teller [78]. Les analyses des mesures Raman porteront sur cette importante conclusion. Chapitre 3 Détails expérimentaux Ce chapitre décrit brièvement la technique de croissance utilisée pour obtenir les composés RVO3 étudiés. Il parcourt aussi les techniques expérimentales utilisées dans cette thèse pour caractériser ces composés, soient la spectroscopie Raman et Raman et infrarouge et le magnétomètre. Finalement, il introduit l’effet magnétocalorique (EMC) et les calculs permettant d’extraire les propriétés magnétocaloriques des mesures d’aimantation. 3.1 Croissance cristalline La croissance cristalline des composés RVO3 (R = Yb, Y et Ho) a été effectuée par l’équipe du professeur Palstra associée à l’université de Groningue tandis que le LaVO3 a été produit dans le laboratoire du professeur Balakrishnan de l’université de Warwick [24] [34]. Même si la croissance a été effectuée par deux équipes indépendantes, le protocole de croissance suivi reste très similaire. En premier lieu, une poudre de RVO4 est préparée par un mélange de R2 et de V2 O5 pur à 99.9%. Ce mélange est ensuite soumis à un processus de recuit pendant 48 heures à une température variant légèrement selon la terre rare utilisée (950◦ à 1100◦ ). Une poudre de RVO3 est alors créée en réduisant le RVO4 dans un four à recuit chauffé à 1000◦ dans une atmosphère de H2 . Les monocristaux RVO3 sont finalement produits en compressant cette poudre sous forme de tige qui est par la suite recuite avec un four à image pendant six heures à une température de 1400◦ et dans une atmosphère de Ar. 42 43 F ig ur e 3.1 Montage micro Raman [85] 3.2 Spectroscopie Raman L’intérêt d’utiliser la spectroscopie Raman est qu’elle permet l’observation des phonons optiques. Cette technique expérimentale est un excellent moyen d’obtenir de l’information sur la structure des composés, car l’effet Raman est très sensible à la symétrie cristalline. Ainsi, en combinant cette manipulation avec un système de cryogénie, on peut suivre la dynamique du réseau dans les oxydes RVO3 en fonction de la température. 3.2.1 Montage expérimental Laser et chemin optique Le laser utilisé pour provoquer l’effet Raman est un LABRAM 800HR - Jobin Yvon équipé d’un laser He-Ne (632,8 nm) d’une puissance de 20 mW. La figure 3.1 illustre le trajet optique du montage expérimental utilisé dans ce travail. Le trajet optique s’amorce avec un filtre interférentiel éliminant les raies plasma indésirables et se poursuit à travers un carrousel contenant différents filtres optiques servant à diminuer la puissance du laser incident. La lumière atténuée est ensuite focalisée sur l’échantillon à l’aide d’un objectif de microscope. Cet objectif est branché à une caméra de façon à ce que l’échantillon soit visualisé par celle-ci. Ceci permet une meilleure focalisation du faisceau laser en plus de nous donner la 44 possibilité d’être sélectifs sur les régions cristallines étudiées. Ainsi, il est possible d’obtenir des spectres de grande qualité même sur une surface irrégulière ou encore d’isoler une zone monocristalline d’une surface cristalline mâclée. Les objectifs disponibles pour ces travaux sont les objectifs 10 X et 50 X, qui permettent respectivement d’obtenir un point focal de 15,3 µm et 3,1 µm. La lumière diffusée par l’échantillon repasse dans le microscope puis traverse un filtre à réjection permettant d’atténuer la raie Rayleigh susceptible d’endommager le détecteur. Les caractéristiques de ce filtre permettent d’observer les excitations Raman jusqu’à 150 cm−1 . Un polariseur peut ensuite être inséré afin de sélectionner des phonons d’une certaine symétrie. La lumière se rend ensuite à un spectromètre via une fente de largeur ajustable (100 µm dans notre cas) pour ensuite être focalisée par une lentille ayant une distance focale de 800 mm. La présence de cette lentille est justifiée par la nécessité de paralléliser le faisceau avant son arrivée sur le réseau de 900 traits par mm. Un moteur rotatif déplace le réseau afin de rediriger les photons d’une énergie donnée vers une lentille. Celle-ci focalise la lumière vers une caméra CCD (Charge-Coupled Device) préalablement refroidie à l’azote liquide. Le détecteur CCD possède une matrice de 2000 X 800 pixels d’une taille de 15 µm2 permettant une résolution de 0,5 cm−1 avec les paramètres expérimentaux utilisés lors des mesures présentées dans cette thèse. 3.2.2 Raies plasma La présence des raies plasma est une propriété intrinsèque du laser utilisé. Les longueurs d’onde de ces raies plasma sont présentées dans le graphique 3.2. Puisque ces raies peuvent nuire à l’observation de phonons possédant une énergie voisine, il est parfois préférable d’utiliser un filtre interférentiel éliminant celles-ci. Les raies plasma n’ont toutefois pas été éliminées des spectres Raman du YVO3 et du YbVO3 dans un souci de précision. En effet, il est inévitable que le réseau subisse, durant les mesures, des déplacements indésirables qui ont pour effet de créer un décalage dans les spectres mesurés. Le déplacement du réseau moyen entre deux mesures consécutives est évalué à ≈ 0,3 cm−1 avec une très faible proportion de mesures où le déplacement excède 0,5 cm−1 . Cette erreur est amplifiée suite à une modification de la région énergétique mesurée par le réseau. Connaissant les valeurs précises des raies plasma, il est alors possible de corriger cette erreur afin d’obtenir la véritable énergie des phonons. Il est important de souligner que le laser a été changé durant ce travail. En conséquence, 45 F ig ur e 3.2 Raies plasma dans un spectre Raman du YVO3 les raies plasma sont différentes entre les mesures effectuées sur le YVO3 et le YbVO3 de celles effectuées sur le LaVO3 et le HoVO3 . Puisque le nouveau laser présente des raies plasma plus invasives, le filtre interférentiel a été utilisé pour les mesures accomplies sur le HoVO3 et le LaVO3 afin de remédier à ce problème. 3.2.3 Analyse des spectres L’analyse des excitations Raman s’effectue avec une fonction de Voigt dépendant de quatre paramètres, soient la position, largeur à mi-hauteur, la hauteur et le coefficient de Lorentz. Le coefficient de Lorentz détermine le caractère lorentzien du pic, où un coefficient de 1 correspond à une pure lorentzienne et où un coefficient nul correspond à un pic gaussien. De ce modèle, on peut extraire trois valeurs importantes pour l’analyse physique des composés RVO3 qui sont la position, la largeur à mi-hauteur et la surface sous la courbe. Ces caractéristiques représentent respectivement l’énergie de l’excitation, son temps de vie et sa polarisabilité sous l’effet du laser. 46 F ig ur e 3.3 Schéma de l’interféromètre [86]. 3.3 Spectroscopie Infrarouge La spectroscopie infrarouge est un excellent outil pour sonder les transitions électroniques 4 f survenant dans la terre rare. En plus d’être sensibles aux ordres émergents des moments magnétiques 4 f , ces transitions peuvent donner de l’information sur l’interaction entre ces états électroniques et le réseau cristallin. 3.3.1 Montage expérimental Les mesures par spectroscopie infrarouge ont été effectuées par un interféromètre à transformée de Fourier BOMEM DA3.002 configuré en mode absorption. Celui-ci est composé entre autres d’une source, d’une lame séparatrice et d’un détecteur. Le montage est localisé à l’intérieur d’une enceinte maintenue sous vide par une pompe mécanique afin d’éliminer les particules d’eau qui présentent des bandes d’absorption parasites dans l’infrarouge et qui peuvent endommager l’appareil. 47 Interféromètre L’interféromètre utilisé dans le montage fonctionne selon le principe de Michelson et est schématisé à la figure 3.3. En premier lieu, un faisceau lumineux polychromatique traverse une lame séparatrice inclinée à 45◦ . Une fraction de la lumière est dirigée vers un miroir plan fixe et l’autre vers un miroir mobile. La différence de distance entre le trajet optique lame séparatrice-miroir fixe et lame séparatrice-miroir mobile induit un déphasage entre les photons émanant des deux faisceaux. Ce déphasage créé une interférence lorsque la lumière se recombine par la lame séparatrice. Par la suite, les rayons sont dirigés vers l’échantillon avec l’aide de deux miroirs plans et deux miroirs de focalisation. Le signal lumineux traversant l’échantillon est mesuré par le détecteur en fonction de différentes positions du miroir mobile. L’interférogramme est calculé en soustrayant du signal sa partie incohérente et sa transformée de Fourier. Il en résulte le spectre en fréquence de la transmittance de l’échantillon, spectre qui est ensuite convertie en spectre en énergie. La résolution ∆E d’un interféromètre est exprimée par la relation : ∆E = 1 2∆x , (3.1) où ∆x est le déplacement maximal du miroir mobile. Le déplacement maximal des miroirs permis dans le BOMEM DA3.002 est de 125 cm pour une résolution maximale théorique d’environ 4 × 10−3 cm−1 . Sources, lames séparatrices et détecteurs Il existe plusieurs types de sources, de lames séparatrices et de détecteurs pouvant être utilisés dans l’appareil. La combinaison de ces trois éléments permet au montage de sonder certaines régions spécifiques dans l’infrarouge. Certains types de composants ainsi que leur plage énergétique couverte sont illustrés dans la figure 3.4. Afin d’observer les transitions électroniques 4 f du Ho3+ 5 I8 →5 I7 (≈ 5000 cm−1 ) et 5 I8 →5 I6 (≈ 8500 cm−1 ), on utilise une source de quartz halogène, une lame séparatrice en CaF2 et un détecteur à base de InSb. 48 F ig ur e 3.4 Régions énergétiques effectives des différents détecteurs, lames séparatrices et sources pouvant être utilisés dans l’interféromètre 3.4 Montage cryogénique Afin d’observer l’évolution de la structure en fonction de la température, il est nécessaire d’avoir un système cryogénique assurant un contrôle sur la température de l’échantillon. Tout d’abord, l’échantillon est collé sur un porte-échantillon en cuivre avec de la peinture d’argent. La peinture d’argent permet à la fois de fixer l’échantillon et de maximiser l’échange thermique avec le cuivre. Dans le montage de spectroscopie Raman, le socle est installé dans un cryostat possédant une entrée pour une ligne à transfert. Des capillaires enroulés autour de cette ligne permettent à l’hélium liquide traversant celle-ci de refroidir l’échantillon. Dans l’appareil de spectroscopie infrarouge, le cryostat est connecté en circuit fermé avec un compresseur d’hélium qui assure le refroidissement de l’échantillon. L’hélium est comprimé jusqu’à l’état liquide pour ensuite être laissé évaporer vers le porte-échantillon. La température est déterminée par un élément chauffant installé dans les deux cryostats et contrôlé par un contrôleur PID de marque LakeShore. Les températures accessibles par le montage se situent entre 5,2 K et 300 K dans le montage Raman et entre 6 K et 300 K dans l’appareil de mesure infrarouge. 49 F ig ur e 3.5 Schéma du magnétomètre. Les parties de la figure identifiées par un chiffre sont : (1) une tige à support, (2) un moteur, (3) un électroaimant, (4) des bobines de détection, (5) l’échantillon, (6) bobine d’entrée du SQUID, (7) le SQUID et (8) la tension de sortie du SQUID en fonction du déplacement de l’échantillon. 3.5 Magnétométrie La magnétométrie permet de suivre l’aimantation totale d’un échantillon en fonction de la température et du champ magnétique appliqué. Ce montage est très sensible aux changements des propriétés magnétiques d’un composé. Il peut ainsi identifier efficacement les températures et les champs critiques dans les RVO3 . Le comportement de l’aimantation avec la température et les champs magnétiques peut également révéler certains détails microscopiques sur l’ordre magnétique présent dans les vanadates. 50 3.5.1 Montage expérimental Le montage permettant la mesure de l’aimantation des vanadates en fonction de la température et du champ magnétique appliqué est le MPMS (Magnetic Properties Measurement System) de Quantum Design employant un SQUID (Superconducting QUantum Interference Device) dans le circuit d’amplification du détecteur. La précision de l’appareil peut atteindre 10−6 EMU(ElectroMagnetic Units) et la valeur maximale pouvant être mesurée est 5 EMU. La gamme de température accessible par le montage se situe entre 2 K et 400 K et le système possède une bobine supraconductrice permettant de produire un champ magnétique jusqu’à 7 T. En premier lieu, l’échantillon est pesé et ses axes cristallins sont identifiés par la technique de spectroscopie Raman. Le cristal est ensuite fixé dans une paille à faible susceptibilité magnétique puis inséré dans le cryostat à l’aide d’une tige à support. Afin d’éviter toute fluctuation du champ magnétique provenant de l’électroaimant, l’échantillon est localisé à l’intérieur d’une section écrantée par un circuit supraconducteur. Plusieurs bobines de détection sont présentes autour de la chambre de détection et au centre du champ magnétique produit par l’électroaimant. Celles-ci sont connectées au SQUID avec un fil supraconducteur. La paille est attachée à un dispositif permettant de déplacer l’échantillon à travers la bobine lors d’une mesure. Son moment magnétique total induit alors un très léger courant dans celle-ci et perturbe ainsi le flux la traversant. La variation du flux provoque un changement de courant dans la bobine d’entrée du SQUID et cette variation donne lieu à un changement de tension à sa sortie. Puisque la variation de tension est proportionnelle à l’aimantation totale de l’échantillon, le MPMS peut calculer son aimantation, qui est ensuite normalisée par son poids. 3.5.2 Calculs complémentaires Cette sous-section révise les calculs de base pour obtenir la susceptibilité magnétique χm . Celle-ci introduit également l’EMC et les équations reliant l’aimantation mesurée et les propriétés magnétocaloriques (variation d’entropie, température adiabatique et coefficient de réfrigération). 51 Calcul de la susceptibilité magnétique ~ induite par un champ magnétique externe H ~ Dans le régime linéaire, l’aimantation M est définie par la relation ~ = χm H ~ M (3.2) où χm est la susceptibilité magnétique du composé. De cette relation découle la définition de χm : ∂M H χm = . ∂H H =0 (3.3) Puisque les mesures expérimentales sont des valeurs discrètes, χm est calculée avec l’équation qui suit : χm = M H 00 − M H 0 , H 00 − H 0 (3.4) où H 00 et H 0 (H 00 >H 0 ) sont deux valeurs discrètes du champ appliqué près d’un champ magnétique nul. Il est intéressant de souligner qu’on évite d’utiliser H 0 = 0 puisque la présence d’un champ magnétique faible est nécessaire pour éliminer les domaines magnétiques qui peuvent rendre le comportement en température de l’aimantation totale d’un échantillon très erratique. Eet magnétocalorique L’EMC, décrit en 1917 par Weiss et Piccard, est défini comme un changement de température d’un matériau magnétique soumis à une variation d’un champ magnétique appliqué [88]. L’EMC résulte du changement d’entropie du solide induit par la sensibilité de l’ordre magnétique du système aux champs magnétiques externes. On peut décrire approximativement l’entropie totale d’un composé magnétique comme la somme de l’entropie du réseau SR , de l’entropie magnétique S M et de l’entropie électronique SE . En général, SR et SE sont insensibles aux champs magnétiques. Les moments magnétiques ont cependant tendance à s’aligner sous l’effet de champs magnétiques appliqués, entraînant ainsi une baisse de l’entropie magnétique ∆S M (voir figure 3.6 a)). Dans les conditions adiabatiques où le système est isolé thermiquement, l’entropie totale du composé doit rester constante. 52 F ig ur e 3.6 Principe de l’effet magnétocalorique. Dans le cas a), l’entropie diminue avec l’application d’un champ magnétique externe et la température reste stable. Dans le cas b), l’entropie reste fixe avec l’application d’un champ magnétique externe mais la température décroît [87]. Ainsi, la perte d’entropie ∆S M est compensée par une variation d’entropie du réseau ∆SR et une variation d’entropie électrique ∆SE . ∆SR + ∆SE = −∆S M (3.5) La variation d’entropie du réseau et des électrons induit un changement de température du composé en augmentant ou en diminuant l’intensité des vibrations du réseau selon la variation du champ magnétique appliqué ∆H. Cette modification de la température provoquée par le variation d’entropie est appelée changement de température adiabatique ∆Tad (voir figure 3.6 b) ). Cette valeur est utilisée fréquemment avec la valeur ∆S M pour caractériser les propriétés magnétocaloriques des composés. Calcul de la variation d'entropie magnétique L’énergie libre de Gibbs G, qui décrit les propriétés thermodynamiques d’un matériau magnétique plongé dans un champ magnétique B à une température T et sous une pression P, est définie par G = U − TS + PV − MB (3.6) 53 où U est l’énergie interne du composé, S son entropie et M son aimantation. M, S et le volume V du système sont déterminés en utilisant la différentielle de G exprimée par : dG = dU − TdS − BdM + PdV − SdT − MdB + VdP. (3.7) Selon le premier principe de la thermodynamique : dU = TdS + BdM − PdV (3.8) dG = −SdT − MdB + VdP. (3.9) L’équation 3.7 devient donc En supposant que que P , B et T sont des variables d’états, la différentielle de G peut également être écrite ainsi : dG = ∂G ∂T dT + P,B ∂G ∂B dB + P,T ∂G ∂P dP. (3.10) B,T En comparant les équations 3.9 et 3.10, on conclut que V, S et M correspondent aux dérivées premières de G : V= M= S= ∂G ∂P ∂G ∂B ∂G ∂T (3.11) B,T (3.12) P,T (3.13) P,B 54 La relation de Maxwell est obtenue en dérivant M par rapport à T et en utilisant les équations 3.12 et 3.13. ∂M ∂T P,B ∂ =− ∂T ∂G − ∂B ! P,T ∂ =− ∂B P,B ∂G − ∂T ! = P,B P,T ∂S ∂B (3.14) P,T En intégrant par rapport à B la dernière relation, on obtient ∆S M : ∆S M T, 0 → B 0 = Z B0 ∂M ∂T 0 dB, (3.15) P,B qui est la relation de Maxwell. Selon la dernière équation, ∆S M est proportionnelle à la dérivée de l’aimantation par rapport à la température et à la variation du champ magnétique. L’EMC est donc sensible à la nature des transitions magnétiques présentes dans le composé. Avec des valeurs expérimentales discrètes, la variation d’entropie est estimée par une intégration numérique de l’équation 3.15 : ∆S = ∑ i Mi + 1 − Mi ∆Hi . Ti+1 − Ti (3.16) Ici, Mi+1 et Mi sont respectivement les aimantations aux températures Ti+1 et Ti sous un champ Hi . Calcul de la température adiabatique La chaleur spécifique C p ( T, B) est définie ainsi : Cp = T ∂S ∂T (3.17) . B,P L’entropie peut être exprimée par une intégration par rapport à T de la relation 3.17. S( T, B) = S0 + Z T C p ( T 0 , B) 0 T0 dT 0 . (3.18) 55 S0 est la valeur de l’entropie à 0 K, qui avoisine normalement zéro. En négligeant ce terme, la variation d’entropie peut être calculée à l’aide de la chaleur spécifique en utilisant Z T C p ( T 0 , B ) − C p ( T 0 , 0) S( T, B) = T0 0 dT 0 , (3.19) où C p ( T 0 , B) et C p ( T, 0) représentent respectivement les chaleurs spécifiques à pression constante sous l’effet d’un champ magnétique B et d’un champ magnétique nul. Puisque l’entropie S est une fonction d’état, sa différentielle à pression constante s’écrit ainsi : dS = ∂S ∂T dT + B ∂S ∂B dB. (3.20) T En combinant la relation de Maxwell (équation 3.14), la définition de la chaleur spécifique (équation 3.17) et l’équation 3.20, on obtient : dS = CB T dT + ∂M ∂T dB. (3.21) B Sous un champ magnétique constant, la variation d’entropie est proportionnelle à la chaleur spécifique à champ fixe CB , tandis que le changement d’entropie à température constante ∂M ∂T dépend du coefficient isochamp de l’aimantation α = B dB. Dans des conditions adiabatiques dS = 0, on retrouve la température adiabatique caractérisant l’EMC : ∆Tad ( T, 0 → B) = − Le ratio T Cp Z B 0 T C p ( T, B0 ) ∂M ∂T dB0 (3.22) B0 est généralement indépendant du champ magnétique près de la température critique. Cette approximation est justifiée par la dérivation de ∂ ∂B Cp T ∂ = ∂B ∂S ∂T ∂ = ∂T ∂S ∂B ∂ = ∂T T Cp par rapport à B. ∂M ∂T (3.23) La définition de C p (équation 3.17 ) est utilisée pour la première étape du développement tandis que la relation 3.14 permet d’aboutir à la dernière égalité. À proximité d’une transition 56 de second ordre, ∂M ∂T passe par une valeur maximale et par conséquent, ∂ ∂B Cp T ∼ = 0 . Suite à cette approximation, on utilise la relation 3.15 et l’équation 3.22 pour obtenir : ∆Tad = − T ∆S. Cp (3.24) Cette valeur indique la hausse de température d’un composé magnétique induite par le champ magnétique externe. Il est intéressant de noter que ∆S M et ∆Tad peuvent mal refléter le potentiel d’un matériau pour la réfrigération magnétique. Un matériau présentant une grande valeur ∆S M et/ou ∆Tad peut offrir des performances de réfrigération magnétique médiocres si ∆S M est confinée sur une très petite plage de température. Le facteur important négligé par ces deux valeurs est donc la plage de température sur laquelle varie l’entropie magnétique. C’est pour cette raison qu’il faut introduire le coefficient de réfrigération (RC), qui traduit plus fidèlement l’applicabilité d’un composé à la réfrigération magnétique. Calcul du coecient de réfrigération En incorporant la variation d’entropie et la plage de température sur laquelle la variation d’entropie a lieu, le coefficient de réfrigération reflète la puissance de refroidissement d’un composé dans un réfrigérateur magnétique fonctionnant par cycle AMR (Active Magnetic Regenerator). Le coefficient de réfrigération est donc un bon critère pour déterminer le potentiel d’un composé dans la réfrigération magnétique. Celui-ci est exprimé par l’équation suivante : RC = Z ∞ 0 ∆S( T )dT (3.25) Avec des valeurs discrètes, cette équation peut être approximée ainsi : RC = ∑ ∆Si ∆Ti , (3.26) i où ∆Si est une valeur médiane entre deux valeurs de changement d’entropie mesurées et ∆Ti , le pas en température entre ces deux mesures. Le changement d’entropie magnétique décroît avec la température au-dessus de la température critique de telle sorte que l’intégrant tend vers une valeur nulle à haute température. Ainsi, la borne de l’intégrale à l’infini n’est 57 pas un problème en pratique. La littérature utilise également une autre coefficient, soit la puissance relative de réfrigération RCP (Relative Cooling Power), afin de caractériser l’efficacité d’un composé dans la réfrigération magnétique. Ce coefficient se calcul avec l’équation suivante : RCP = ∆Smax ∆TFW HM , (3.27) où ∆Smax est la valeur maximale de variation d’entropie et ∆TFW HM correspond à la largeur à mi-hauteur du pic ∆Smax . Chapitre 4 Propriétés des phonons Raman dans les RVO3 Cette section a pour but d’étudier la dynamique du réseau dans les oxydes RVO3 . La première partie révise les deux principaux travaux réalisés sur le YVO3 avec la spectroscopie Raman. On poursuit en présentant nos mesures sur ce composé avec notre assignation des excitations détectées. Cette assignation est ensuite comparée avec celles présentées dans la littérature scientifique. On analyse aussi le comportement en température de certaines de ces excitations afin de comprendre l’impact des divers ordres magnétiques et orbitaux sur le réseau cristallin. Une attention particulière est consacrée à l’évolution en intensité du multiphonon qui reflète un couplage entre les orbitales et le réseau. Puis cette étude élargit ses horizons en comparant le YVO3 avec deux autres composés RVO3 , soient le YbVO3 et le LaVO3 , qui présentent un régime où la distorsion JT est respectivement élevée et faible. Cette comparaison révèle entre autres la présence de la coexistence des phases, indicatif d’un couplage complexe unissant l’ordre orbital au réseau et reflétant un équilibre délicat de plusieurs interactions en opposition. Le reste du chapitre s’attaque à l’influence du moment magnétique de la terre rare en comparant les excitations Raman observées dans le HoVO3 avec celles détectées dans le YVO3 . 58 59 4.1 Travaux Raman sur les RVO3 présentés dans la littérature scientique L’assignation des excitations Raman actives dans les systèmes fortement corrélés peut s’avérer une tâche ardue, car les processus Raman peuvent, en plus d’impliquer le mouvement des atomes, faire intervenir les excitations purement électroniques ou magnétiques. La controverse entourant l’identification d’une excitation particulière, observée dans le LaMnO3 et assignée à un orbiton (voir annexe 2.9.2) par Saitoh et al. 1 , reflète très bien le caractère litigieux de l’entreprise [76] [80][82]. Il faut également mentionner l’existence du phonon de densité d’états 2 , qui échappe aux règles de sélection et qui peut ainsi brouiller les pistes. Tous ces ingrédients sont réunis dans les RVO3 pour faire de l’ensemble des excitations Raman un système dédalesque. Cette complexité explique certaines assignations contradictoires présentées par les deux précédents travaux présentés plus bas [89] [90]. Même si notre identification Raman est indépendante de ces deux études, il est nécessaire de les présenter afin de bien définir notre assignation par rapport à ce qui a été présenté dans la littérature scientifique. Étude Raman réalisée par Sugai et al. [89] La figure 4.1 montre l’évolution en fonction de la température du spectre Raman du YVO3 mesuré avec une raie laser de 514,5 nm dans deux configurations différentes 3 . La première configuration est réalisée sur une surface bc avec une raie excitatrice polarisée linéairement selon l’axe b et un polariseur filtrant la lumière diffusée qui n’est pas polarisée selon cet axe cristallin (a(bb) a). La deuxième configuration est, quant à elle, réalisée sur une surface ac avec une lumière incidente polarisée linéairement selon l’axe a et un polariseur éliminant la lumière diffusée polarisée selon ce même axe (b(ca)b) [89]. Une polariseur aligné parallèle à la polarisation du laser incident permet d’observer les phonons de symétrie Ag alors qu’un polariseur perpendiculaire à la lumière incidente permet d’observer les modes B1g , B2g et B3g selon la face cristalline observée. Une structure orthorhombique de symétrie Pnma présente sept modes Ag , cinq modes B1g , sept modes B2g et cinq modes B3g . Dans la phase monoclinique, les phonons B2g deviennent Ag alors que les modes B1g et B3g deviennent Bg . Dans cette optique, les phonons visibles à la température ambiante sont naturellement assignés à des phonons de symétrie Ag et B2g , 1. voir annexe ? ? 2. voir annexe 2.9.3 √ √ 3. Sugai et al. définissent les axes comme a ≈ b/ 2 ≈ c alors qu’on définît les axes comme a ≈ b ≈ c/ 2. Cette nouvelle définition des axes cristallins change la terminologie du groupe de symétrie qui devient Pnma et les phonons B1g deviennent B2g . 60 F ig ur e 4.1 Spectres Raman du YVO3 mesurés dans les configurations a(bb) a et b(ca)b et avec un laser 514,5 nm. Les phonons sont assignés Ag et B2g selon leur symétrie et les excitations électroniques sont identifiées par M, 2M, O, et 2O qui correspondent respectivement à un magnon, un multimagnon, un orbiton et un multiorbiton [89]. 61 selon la configuration à laquelle ces excitations sont visibles, puisqu’aucun ordre magnétique ou orbital se manifeste à cette température. Lorsque la température descend en dessous de Too , T N1 et T N2 , on observe l’apparition et la disparition de certaines excitations. Le premier comportement atypique du spectre est l’émergence de nouvelles excitations sous T N1 = 114 K qui n’est pas corrélée à une diminution du groupe de symétrie du réseau, car celle-ci survient à Too = 200 K. La deuxième anomalie observée est le nombre anormalement élevé d’excitations visibles à basse température lorsque la structure retourne à la symétrie orthorhombique. En effet, une hausse du groupe de symétrie structurale se traduit normalement par une diminution du nombre d’excitations visibles dans une configuration spécifique. Une interprétation des spectres Raman régis seulement par le réseau est donc impossible, sauf si la symétrie cristalline est inférieure à la symétrie identifiée par les mesures cristallographiques. Cette hypothèse est cependant rapidement écartée par Sugai et al. puisque selon eux, les énergies des phonons infrarouges observées pas Tsektov et al. ne sont pas égales aux énergies des phonons détectés en Raman [20]. Il faut donc faire intervenir l’ordre orbital et l’ordre magnétique dans l’interprétation de ces spectres. C’est avec ce raisonnement que les auteurs identifient pratiquement tous les phonons émergents comme des excitations purement électroniques ou magnétiques. Pour être plus spécifique, les excitations désignées M et 2M sont respectivement des magnons et un multimagnon tandis que les excitations désignées O et 2O sont respectivement des orbitons et des multiorbitons 4 . Finalement, le scénario de Sugai et al. néglige complètement les changements de symétrie du réseau pour expliquer l’émergence des nouvelles excitations. Celles-ci possèdent une origine purement électronique ou magnétique et leur interprétation décrit le YVO3 sous l’influence des fluctuations orbitales détaillées par le modèle spin-orbite [42]. Ces fluctuations demeurent toutefois insuffisantes pour générer l’état dimérisé prédit par cette même théorie. Il est également intéressant de constater que l’intensité de certaines excitations est très sensible à la longueur d’onde de la raie laser excitatrice utilisée lors des mesures. Miyasaka et al. corrèlent la dépendance en intensité de certaines de ces excitations à des mesures de conductivité optique afin d’obtenir une interprétation différente de Sugai et al. [89][90]. Étude Raman sur les RVO3 (R= Y, Nd et La) réalisée par Miyasaka et al. [90] La figure 4.2 b) montre le spectre Raman du YVO3 à 4,2 K dans la phase orthorhombique G-OO/C-SO mesuré dans les configurations 5 b(cc)b , b( aa)b et c( ab)c avec différentes raies 4. Les magnons et les multimagnons sont des excitations de spins émergeants de l’ordre magnétique. Le terme multi est utilisé pour décrire une combinaison de plusieurs excitations. 5. L’étude présenté ici utilise une notation x, y et z correspondant dans l’ordre aux axes cristallographiques a, b et c. 62 F ig ur e 4.2 a) Processus Raman menant à la création d’un multimagnon. De gauche à droite, on observe l’état fondamental correspondant à l’ordre orbital et magnétique dans la phase C-OO/G-SO. Le deuxième diagramme représente un état excité virtuel, où un des électrons occupant le niveau dyz transfert sur le site voisin. L’état excité peut relaxer en une combinaison de deux états possibles, où seul l’ordre magnétique ne correspond pas à la configuration magnétique initiale. b ) Spectres Raman du YVO3 mesurés à 4,2 K avec différentes longueurs d’onde excitatrices, soient 1,96, 2,41 et 2,71 eV et différentes configurations, soient b(cc)b , b( aa)b et c( ab)c. Les excitations marquées avec l’aide d’un triangle bleu sont identifiées comme des multimagnons par les auteurs. En encart, on retrouve les spectres de la conductivité optique du YVO3 à 10 K mesurée selon l’axe c et selon le plan ab [90]. 63 F ig ur e 4.3 a) Processus Raman menant à la création d’un multiorbiton. De gauche à droite, on observe l’état fondamental correspondant à l’ordre orbital et magnétique dans la phase G-OO/C-SO. Le deuxième diagramme représente un état excité virtuel, où un des électrons occupant le niveau d xz transfert sur la même orbital inoccupée du site voisin. L’état excité peut relaxer dans un état, où l’occupation des d xz / dyz est interchangée b) Spectres Raman des RVO3 (R = Y , Nd et La) dans la phase monoclinique C-OO/G-SO obtenus dans la configuration y(zz)y avec différentes raies excitatrices, soient celle de 632,8 nm et celle de 514,5 nm. Les excitations marquées avec l’aide d’un triangle bleu sont identifiées comme des multiorbitons par les auteurs. En encart, on retrouve les spectres de la conductivité optique de ces composés mesurée le long de l’axe c dans la phase monoclinique [90]. 64 excitatrices, soient 1,96 eV (632,8 nm), 2,41 eV (514,5 nm) et 2,71 eV (457,9 nm). Le spectre de la conductivité optique obtenu le long de l’axe c et dans le plan ab à 10 K est visible en encart. Le spectre mesuré selon l’axe c révèle un pic d’absorption autour de 2,41 eV, pic qui est assigné à la transition dyz -dyz ou d xz -d xz médiée par la liaison électronique π avec les orbitales 2py ou 2p x entre deux ions V3+ voisins [39]. Selon Miyasaka et al., l’excitation à 400 cm−1 (49,6 meV) est associée à cette transition électronique puisqu’elle entre en résonance sous l’effet de la raie excitatrice de 514,5 nm. Les états finaux découlant de cet état intermédiaire peuvent constituer un retour à l’état initial avec et sans inversion de spin(voir figure 4.2 a)). Ainsi, l’excitation à 400 cm−1 (49,6 meV) est identifiée comme un multimagnon, contrairement à l’étude de Sugai et al. qui identifie cette excitation comme un multiorbiton. Pour des raisons similaires, l’excitation à 460 cm−1 (57 meV) est assignée comme un multimagnon, cette fois en accord avec l’interprétation de Sugai et al.. La figure 4.3 b) montre le spectre Raman des RVO3 (R = Y , Nd et La) dans la phase monoclinique C-OO/G-SO obtenu avec la configuration b(cc)b sous différentes raies excitatrices, soient la raie 632,8 nm et celle de 514,5 nm. L’encart montre le spectre de conductivité optique le long de l’axe c pour la phase monoclinique de ces trois composés. On remarque en premier lieu que les excitations rapprochées de 360 cm−1 (44,6 meV) et 500 cm−1 (62,0 meV) dans le RVO3 entrent en résonance avec la longueur d’onde 632,8 nm qui est elle-même près d’un pic de conductivité optique. Cette corrélation suggère que ces excitations font intervenir comme transition intermédiaire une transition électronique. La nature de cette transition, illustrée à la figure 4.3 a), implique que ces excitations sont des multiorbitons, en contraste avec l’étude de Sugai et al. qui désigne ces pics comme un orbiton et le phonon JT. Une autre observation soutenant l’hypothèse que ces excitations sont de nature électronique est que leurs énergies semblent très peu varier entre les différents composés. La faible sensibilité de ce mode à la distorsion JT, qui est associée à la dimension de la terre rare, motive donc l’auteur à conclure que ces excitations ne sont pas de nature phononique. Les deux études s’accordent donc sur le fait que la physique du réseau à elle seule ne peut expliquer le comportement en température des spectres Raman des RVO3 et qu’il faut, par conséquent, considérer les ordres orbitaux et magnétiques. Les deux auteurs s’entendent également sur le caractère important des fluctuations quantiques dans les RVO3 , où certaines excitations observées sont de nature électronique. La divergence survient dans l’assignation des excitations à 400 cm−1 , 470 cm−1 et 510 cm−1 qui sont assignées respectivement par Sugai et al. comme un orbiton, un phonon et le mode JT tandis qu’ils sont plutôt identifiés par Miyasaka et al. comme un multimagnon, le mode JT et un multiorbiton. Une autre différence 65 F ig ur e 4.4 Modes de vibration observés dans une structure pérovskite orthorhombique de symétrie Pbnm [91]. remarquable est le nombre anormalement élevé d’excitations observées par Sugai et al. qui ne sont pas rapportées par Miyasaka et al. 4.2 Identication des phonons Raman Le fil d’Ariane permettant l’assignation des excitations Raman visibles dans nos spectres est constitué de calculs dynamiques du réseau tressés à des mesures Raman réalisées dans le YMnO3 orthorhombique 6 [92]. La figure 4.4 illustre certains de ces modes qui sont essentiellement des déformations en phase ou en antiphase des octaèdres d’oxygène. Les notations Ag (R x,y ) ou B1g (R x,y ) et Ag (O) ou B1g (O) sont utilisées pour décrire les modes qui impliquent respectivement les terres rares et les oxygènes apicaux. Les indices x et y se réfèrent à des directions perpendiculaires l’une de l’autre dans le plan ab [92]. L’identification des excitations Raman visibles dans le YVO3 s’effectue en comparant leurs énergies avec celles observées dans le YMnO3 . √ √ 6. Iliev et al. définissent les axes comme a ≈ b/ 2 ≈ c alors qu’on définît les axes comme a ≈ b ≈ c/ 2. Cette nouvelle définition des axes cristallins change la terminologie du groupe de symétrie qui devient alors Pnma et les phonons B1g deviennent B2g . 66 Symétrie désignation YVO3 ( cm−1 ) YMnO3 mesuré ( cm−1 ) YMnO3 calculé ( cm−1 ) Ag Ag (Ry ) non accessible 151 104 Ag (R x ) 248 188 147 Ag (2) 275 288 223 Ag (O) 330 323 304 Ag (4) 400 (β) 396 407 Ag (3) 430 497 466 Ag (1) 470 518 524 B1g (R x ) non accessible 151 137 B1g (Ry ) 217 220 162 B1g (4) 310 317 285 B1g (O) 370(α) 341 393 B1g (3) 490 481 470 B1g (2) 510 537 583 B1g (1) 680 616 617 B1g Ta b le 4.1 Phonons Raman détectés dans le composé YVO3 (à la plus faible température observable) comparés avec les phonons observés à la température ambiante et calculés dans le YMnO3 . Les énergies des excitations observées par Iliev et al. sont obtenus avec l’aide d’un lissage des spectres Raman mesurés [92]. 67 F ig ur e 4.5 Spectres Raman de la face ac du YVO3 en fonction de la température pour la configuration b(cc)b et réalisés avec un laser de 632,8 nm. L’encart montre la présence d’une excitation autour de 1400 cm−1 à 80 K désignée comme un multiphonon. Identication des phonons visibles du YVO3 dans la conguration b(cc)b La figure 4.5 montre l’évolution avec la température du spectre Raman du YVO3 dans la configuration b(cc)b. L’étude du groupe de symétrie Pbnm orthorhombique révèle l’existence de sept modes Ag actifs dans cette configuration. Les excitations visibles, avec un maximum proche de 275 cm−1 , 330 cm−1 , 430 cm−1 et 470 cm−1 , sont des phonons qu’on peut assigner respectivement aux modes Ag (2), Ag (O), Ag (3) et Ag (1) puisqu’ils sont visibles à la température ambiante, où aucun ordre orbital ou magnétique n’est présent. La forte sensibilité de l’intensité Raman à l’orientation du polariseur indique que les règles de sélections des phonons Raman sont respectées et que le cristal est d’excellente qualité à l’échelle des régions observées. Ce dernier point est également confirmé par une largeur à mi-hauteur des phonons Raman très faible à 5 K, qui est comparable à ceux observés dans des cristaux de bonne qualité comme les manganites étudiés dans les travaux de Vermette et de Mansouri [86] [93]. On remarque également une très faible bande autour de 700 cm−1 qui reste à être identifiée. En regardant l’identification des phonons accomplie dans le YMnO3 (voir le tableau 4.1), on remarque que les deux excitations Ag (Rx ) et Ag (Ry ) 68 impliquent principalement le mouvement de la terre rare. Puisque la fréquence d’un mode ω est inversement proportionnelle à la racine carrée de la masse effective m des atomes 1 engagés dans le mouvement vibrationnel ω ∝ √m et que la masse de la terre rare est plus grande que celle du vanadium et de l’oxygène, on déduit que l’énergie de ces excitations doit être inférieure à celle ne faisant pas intervenir cet atome. Il reste donc seulement le mode Ag (4) à assigner à une excitation Raman dans la région autour de 500 cm−1 . En diminuant la température en dessous de Too = 200 K, on remarque une augmentation de la polarisabilité des phonons et de la bande à 700 cm−1 . Cette bande se résout en deux excitations uniques (680 cm−1 et 700 cm−1 ) et on remarque qu’un pic émerge discrètement autour de 510 cm−1 au voisinage du mode Ag (5). La symétrie du YVO3 diminue (orthorhombique Pbnm → monoclinique P21 /a) en dessous de Too . Or dans la nouvelle symétrie, les phonons B1g deviennent Ag et les phonons B2g et B3g se changent en mode Bg . L’activation de ces nouvelles excitations peut donc être expliquée par leur symétrie B1g dans la structure orthorhombique (510 cm−1 → B1g (2) et 680 cm−1 → B1g (1)). En regardant les résultats présentés par Iliev et al. (voir tableau 4.1), on remarque une seule excitation B1g au-dessus de 600 cm−1 [92]. Par conséquent, il est improbable que cette excitation soit un phonon identifié dans le YMnO3 . En revanche, il existe une excitation à haute énergie observée dans de nombreux pérovskites qui est identifiée comme un phonon de densité d’états (PDS :Phonon Density of States) [83]. L’excitation à 700 cm−1 est donc identifiée comme le PDS qui est étroitement associé au désordre dans les pérovskites. On remarque également en encart la présence de deux excitations autour de 1210 cm−1 et 1400 cm−1 attribuées à des multiphonons (2-MP). Le multiphonon le plus intense peut être assigné comme une combinaison du PDS avec lui-même ou la combinaison du phonon JT avec le mode B1g (1) alors que l’énergie de l’autre excitation correspond à la somme du PDS avec le phonon B1g (2). D’autres résultats présentés plus loin dans cette section apporteront quelques précisions sur le lien entre le multiphonon et le PDS. Lorsqu’on descend en bas de T N1 = 114 K, les moments magnétiques du vanadium s’alignent dans une configuration antiferromagnétique C-SO. Malgré l’absence de diminution du groupe de symétrie, on assiste à l’activation d’une excitation à 370 cm−1 . La corrélation entre l’activation du pic et l’établissement de l’ordre C-SO implique que l’excitation est couplée au moment magnétique du vanadium. Cela demeure toutefois insuffisant pour conclure que cette excitation n’est pas un phonon. En effet, Suzuki et al. a démontré avec un modèle théorique que l’ordre magnétique pouvait changer considérablement l’intensité d’un phonon Raman [94]. Cette théorie est soutenue entre autres par les études Raman sur 69 F ig ur e 4.6 Spectres Raman de la face ab du YVO3 en fonction de la température mesurés sans analyseur et réalisés avec un laser de 632,8 nm. des matériaux magnétiques où l’ordre magnétique active des excitations phononiques [95]. La nature exacte de l’excitation reste nébuleuse et pour les besoins de la cause, celle-ci sera appellé α pour le moment. En diminuant la température sous T N2 , les ordres orbitaux et magnétiques se réarrangent sous la configuration C-OO/G-SO pendant que la structure retrouve la symétrie orthorhombique Pbnm. Les excitations autour de 510 cm−1 et 680 cm−1 sont pratiquement éteintes, en accord avec le comportement typique d’un phonon B1g . On assiste également à la disparition de l’excitation α et du PDS tandis que deux nouvelles excitations apparaissent soudainement près de 400 cm−1 et 248 cm−1 . Une comparaison rapide avec les résultats sur le YMnO3 suggère fortement que les excitations à 248 cm−1 et 400 cm−1 sont respectivement le mode Ag (4) et le mode Ag (Ry ). Leur activation soudaine en dessous de T N2 suggère une étroite relation avec les ordres orbitaux et magnétiques qui pourrait être similaire au mécanisme derrière l’activation du phonon α. Identication des phonons visibles dans la face ab du YVO3 La figure 4.6 montre l’évolution du spectre Raman du YVO3 en fonction de la température sur la face ab. Cette configuration permet l’observation des phonons Ag , dont certains ont été identifiés précédemment dans la configuration b(cc)b. À la température ambiante, 70 cinq excitations sont visibles à 217 cm−1 , 310 cm−1 , 330 cm−1 , 430 cm−1 et 490 cm−1 . Le pic à plus faible énergie peut être associé au mode collectif B1g (Rx ) tandis que les excitations à 330 cm−1 et 430 cm−1 sont deux phonons Ag visibles dans la configuration b(cc)b. Les deux excitations restantes, soient le 310 cm−1 et le 490 cm−1 , sont assignées respectivement aux modes B1g (3) et B1g (4). On remarque également deux structures de faible intensité autour de 275 cm−1 et 700 cm−1 qui deviennent activées lorsque l’ordre C-OO s’établit en dessous de Too . Ces excitations sont celles qui ont été identifiées antérieurement comme les modes Ag (2) , B1g (2) et le PDS. Suite aux réarrangements orbitaux, structuraux et magnétiques en dessous de T N2 , on assiste à une importante renormalisation d’intensité des excitations Raman. Entre autres, le mode B1g (3), qui était à peine visible à haute température, se retrouve soudainement hautement polarisé et facilement distinguable. Ce même phénomène permet l’observation de deux nouvelles excitations à 360 cm−1 et 520 cm−1 qui sont associées respectivement à l’excitation α et au mode B1g (2). Il est intéressant de souligner que l’excitation B1g (O) n’est toujours pas assignée et que son énergie dans le YMnO3 est très similaire à l’énergie du pic α. Cela nous incite donc à identifier l’excitation α comme étant le mode B1g (O). La nouvelle configuration G-OO/C-SO est également corrélée à l’apparition d’une large bande aux environs de 500 cm−1 . Or, les études de diffraction des neutrons révèlent que l’interaction d’échange dans cet arrangement magnétique a une énergie de 5,7 ± 3 meV [37]. Ceci implique l’existence d’un multimagnon tel que décrit par Massey et al. autour de 500 cm−1 pouvant être directement assigné à cette large bande [74]. Comparaison entre notre assignation des excitations Raman et celles réalisées dans la littérature scientique Le tableau 4.2 compare notre identification des phonons à celles présentées dans la littérature scientifique [89] [90]. Les spectres de Miyasaka et al. mesurés avec la raie excitatrice 632,8 nm sont cohérents avec nos résultats. Puisque la théorie des groupes est suffisante pour décrire nos spectres Raman, nous attribuons à toutes les excitations visibles dans nos spectres une nature phononique. En contraste avec cette sobre interprétation, Miyasaka et al. attribue une nature magnétique ou orbitale à certaines excitations plus sensibles à l’énergie de la raie excitatrice. Il faut remarquer que notre interprétation prend quand même en considération les ordres orbitaux et magnétiques qui influencent considérablement les modes de vibration atomique et qui expliquent le comportement atypique de l’intensité de 71 certaines excitations. Donc, si l’histoire de Miyasaka et al. est celle d’excitations orbitales et magnétiques fortement couplées au réseau, le scénario proposé ici est celui de phonons intimement liés aux ordres orbitaux et magnétiques émergents. Les travaux de Sugai et al. sont plus difficilement comparables avec nos spectres puisqu’ils observent un plus grand nombre d’excitations que nous. Cela est dû à la plus grande plage d’énergie couverte (50 cm−1 à 2000 cm−1 ) et à la raie excitatrice de 514,5 nm utilisée qui semble activer davantage d’excitations Raman. Malgré cela, la théorie des groupes actuelle ne peut expliquer le nombre d’excitations actives détectées dans cette étude en considérant un groupe de symétrie Pbnm. Même si le travail de Sugai et al. écarte la possibilité que la symétrie soit plus faible que Pbnm, des résultats plus récents obtenus par cristallographie suggèrent le contraire. Plus précisément, les résultats de Blake et al. semblent impliquer que la symétrie serait en fait Pb11, ce qui correspond à une structure monoclinique avec une brisure du centre d’inversion [43]. Contrairement à Sugai et al., qui n’observent pas de corrélation entre les phonons infrarouges mesurés par Tsvetkov et al. et les phonons Raman, on observe une correspondance entre le phonon localisé autour 360 cm−1 et l’excitation α activée sous T N1 (≈ 370 cm−1 ) [20]. On peut également mentionner les travaux de Zhang et al. rapportant l’émergence d’un état ferroélectrique sous T N1 dans le DyVO3 [96]. Or un tel phénomène est normalement associé à une brisure du centre d’inversion dans le réseau cristallin. L’hypothèse que la symétrie soit plus faible est donc fondée sur certaines observations et mérite d’être prise en considération. Notre interprétation phononique du spectre Raman des RVO3 est robuste devant cette nouvelle possibilité et seuls quelques détails microscopiques sur les modes Raman pourraient être inexacts. Heureusement, les principaux résultats présentés dans cette thèse demeurent tout de même valides. 4.3 Dépendance en température des excitations Raman dans le YVO3 Le comportement en température des excitations les mieux résolues peut être analysé afin d’observer l’influence des divers ordres orbitaux et magnétiques sur le réseau. Les excitations qui sont étudiées ici sont les excitations Ag (2), Ag (O), Ag (1) et le multiphonon. Le modèle utilisé pour caractériser l’évolution en température de la variation d’énergie ((∆ωα )) et de la largeur de la mi-hauteur ((γα )) d’un mode α est le modèle anharmonique décrit à la section 2.10.1 [84]. Pour la présentation des résultats, nous utilisons un code de couleur similaire à celui utilisé dans le diagramme de phase illustré à la figure 2.10 pour indiquer les phases magnétique et orbitale présentes à une température donnée. Ainsi, la couleur verte indique que la phase C-OO/G-SO orthorhombique est établie tandis que la 72 Excitations Raman ( cm−1 ) Notre interprétation Interprétation de Sugai et al. Interprétation de Miyasaka et al. 91 non accessible (n.a) Magnon n.a. 120 n.a. Multimagnon n.a. 143 n.a. Phonon n.a. 152 n.a. Phonon n.a. 181 n.a. Phonon n.a. 217 Phonon Phonon n.a. 248 Phonon Orbiton n.a. 275 Phonon Phonon Phonon 310 Phonon Phonon Phonon 330 Phonon Phonon Phonon 370 Phonon Orbiton Multiorbiton 400 Phonon Multiorbiton Multimagnon 430 Phonon Phonon Phonon 470 Phonon Phonon Phonon JT 490 Phonon Phonon Multiorbiton 510 Phonon Phonon JT Phonon 528 - Phonon - 680 Phonon Multiorbiton Phonon 700 Phonon JT Phonon Phonon 1390 Multiphonon Multiphonon n.a. Ta b le 4.2 Comparaison entre les excitations observées à la plus faible température possible par nos mesures Raman et celles observées par d’autres équipes de recherche [89] [90]. 73 F ig ur e 4.7 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) en fonction de la température dans le YVO3 .L’évolution en température de γ et de ω simulée avec le modèle anharmonique est représentée par les lignes rouges. couleur lilas indique plutôt que le composé est dans la phase G-OO/C-SO monoclinique. La couleur turquoise est associée uniquement à la phase G-OO monoclinique présente à des températures plus élevées. 4.3.1 Comportement en température des phonons Comportement en température du mode Ag (2) Selon la figure 4.4, le mode Ag (2) est la rotation des octaèdres d’oxygène qui implique seulement les oxygènes basaux. La figure 4.7 montre son énergie et sa largeur à mi-hauteur en fonction de la température. Le comportement en température de la fréquence du phonon est cohérent avec le modèle anharmonique représenté par la ligne rouge au-dessus de 100 K. En revanche, le paramètre γ évolue de manière anormale avec un paramètre ω0 très loin de la valeur attendue près de 280 cm−1 . Ce paramètre anormalement élevé indique que le modèle anharmonique échoue à reproduire le comportement en température et qu’un autre facteur, soit les fluctuations orbitales, contribue à γ. On remarque une anomalie en descendant en bas de 100 K, où le mode de vibration se ramollit. Cette déviation peut être corrélée à l’apparition de l’ordre antiferromagnétique des V3+ dans le plan ab survenant à 74 F ig ur e 4.8 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (O) en fonction de la température dans le YVO3 . L’évolution en température de γ et de ω simulée avec le modèle anharmonique est représentée par les lignes rouges. T N1 si on suppose que le chauffage induit par le laser est d’environ 10 K. Ce comportement du réseau en présence d’un ordre magnétique est également observé chez les manganites et il est expliqué par le couplage spin-phonon 7 [80] [97]. En parallèle, on observe une légère diminution du paramètre γ, soit ∆γ ≈ 2 cm−1 , ce qui confirme l’impact du nouvel ordre magnétique avec le réseau. L’énergie de cette excitation est relativement peu sensible à la transition survenant à T N2 , en déclinant seulement de 1 cm−1 sous cette température. Le pas en température n’est pas suffisamment élevé pour établir si ce ramollissement est causé par la transition de premier ordre ou bien par la contribution spin-phonon se manifestant sous T N1 . En revanche, le réarrangement orbital, magnétique et structural survenant sous T N2 se manifeste par une diminution importante de la largeur à mi-hauteur du phonon, en éliminant la contribution des fluctuations orbitales à γ. Cette observation est cohérente avec les mesures cristallographiques et de conductivité thermique qui témoignent que le YVO3 perd son caractère amorphe sous T N2 , suite à l’élimination des fluctuations orbitales générant de l’anharmonicité [24] [44] [98]. 75 F ig ur e 4.9 Intensité normalisée du mode Ag (O) en fonction de la température dans le YVO3 . Comportement en température du mode Ag (O) Selon Iliev et al., le mode de vibration Ag (O) est identifié comme le mouvement collectif des oxygènes apicaux dans le plan ab [92]. L’évolution de l’énergie du phonon Ag (O) au-delà de T N2 , illustré à la figure 4.8, suit un comportement similaire à l’énergie du mode Ag (2). De la température ambiante en diminuant jusqu’à 100 K, le phonon se durcit en accord avec le modèle anharmonique pour ensuite se ramollir. Le comportement anharmonique s’applique moins bien au paramètre γ, qui change de régime significativement autour de 190 K. En effet, on remarque que γ augmente de manière importante avec la hausse de la température pour ensuite augmenter très lentement au-dessus de 190 K, avec une valeur légèrement supérieure à 12 cm−1 . Cette valeur est légèrement supérieure à celle du même mode dans le YMnO3 (≈ 9 cm−1 à 300 K), disparité qui pourrait être causée par la contribution des fluctuations orbitales à la largeur à mi-hauteur. Le modèle anharmonique a été appliqué sur la plage de température allant de 100 K à 190 K afin de caractériser l’évolution en température de γ. Comme dans le Ag (2), on obtient un paramètre ω0 très en dessous de la valeur attendue qui est de 340 cm−1 (ω0 ≈ 170). Cette valeur anormale trahit l’influence des fluctuations orbitales sur ce phonon. Le point d’inflexion autour de 190 K indique que le couplage orbital-réseau joue un rôle important sur la dépendance en température du temps de vie du phonon en modulant l’anharmonicité du composé. Cette caractéristique pourrait être D E 7. Contribution à l’énergie d’un phonon proportionnelle à ~Si · ~S j . Le travail de Vermette détaille avec élégance le développement mathématique menant à ce résultat [85]. 76 le résultat d’une contribution des fluctuations orbitales ayant le profil d’un pic centré autour de Too . Malheureusement, aucune mesure n’a été effectuée au delà de 300 K et le scénario proposé reste une hypothèse qui méritera certainement notre attention dans le futur. Le ramollissement autour de T N1 mérite également notre attention. En supposant que l’atome d’oxygène apical médie l’interaction ferromagnétique selon l’axe c, il peut sembler difficile de concilier ce ramollissement avec le modèle de Granado, qui prédit plutôt un durcissement en présence d’un ordre ferromagnétique [97]. Afin de résoudre cette contradiction, il faut se rappeler que selon l’axe c, la corrélation orbitale ~τi · ~τj dans l’hamiltonien spin-orbite (voir section 2.6.1) change le signe de l’interaction magnétique dans l’ordre G-OO et, par conséquent, le signe du changement de fréquence causé par le couplage spin-phonon. La transition à T N1 se reflète aussi légèrement dans le paramètre γ par un léger écart par rapport au modèle anharmonique. La transition survenant à T N2 se manifeste par un durcissement soudain de 337 cm−1 à 344 cm−1 , ce qui est caractéristique d’une transition de premier ordre. En parallèle, γ diminue d’environ 3 cm−1 pour se stabiliser autour de 3,5 cm−1 . La grande sensibilité du phonon Ag (O) par rapport aux autres modes étudiés à la transition à T N2 implique qu’il est soumis davantage aux interactions selon l’axe c puisque la réorientation orbitale et magnétique s’effectue selon cet axe. Cela est cohérent avec notre assignation de ce mode à Ag (O), qui implique uniquement les oxygènes apicaux médiant l’interaction entre les ions V3+ le long de l’axe c. On remarque également un comportement particulier de l’intensité qui semble être partagé par les autres phonons visibles dans le YVO3 . Cette tendance est illustrée à la figure 4.9, où l’intensité du phonon Ag (O) semble diminuer soudainement pour ensuite augmenter en suivant une loi s’approchant de ( T − Tc )1/2 . La chute d’intensité sous Too n’est pas très bien expliquée et pourrait être causée par un léger changement de la région cristalline mesurée causée par les changements structuraux survenant à Too . La hausse d’intensité demeure toutefois significative et la température où s’amorce cette hausse d’intensité, même si elle est légèrement inférieure à Too , nous permet d’associer le phénomène à l’ordre orbital G-OO. Cette augmentation de l’intensité est directement reliée à l’ordre orbital qui se couple aux fluctuations du réseau. La théorie de Landau prédit ce type de comportement, où l’intensité de la diffusion Raman augmente seulement en dessous de la température critique si la longueur de corrélation rc de cet ordre est beaucoup plus grande que la longueur d’onde ~q du phonon [99] qrc 1. (4.1) 77 F ig ur e 4.10 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) en fonction de la température dans le YVO3 . Or, sachant que l’énergie de la raie excitatrice est 632,8 nm et que la quantité de mouvement transmise au phonon représente approximativement deux fois la quantité de mouvement de la lumière, on déduit que l’ordre de grandeur du vecteur d’onde du phonon est de 107 cm−1 . Ainsi, l’inégalité 4.1 indique que la longueur de corrélation de l’ordre orbital est supérieure à 1000 Ȧ, en accord avec ce qui est rapporté dans une étude cristallographique [24]. On observe également une divergence similaire à Too autour de T N1 , où l’intensité semble décroître pour ensuite augmenter en refroidissant vers T N2 . Le pas relativement élevé des mesures par rapport à la plage de température où l’intensité augmente limite cependant la description du comportement en température de l’intensité. Finalement, la transition à T N2 est accompagnée d’une certaine variation de l’intensité. Celle-ci demeure toutefois très difficile à quantifier dans le YVO3 dû à la rémanence de la phase monoclinique à très basse température qui sera abordée dans la section 4.4.2. Comportement en température du mode Ag (1) Le mode Ag (1) est un mode qui implique seulement les oxygènes basaux, tel que représenté à la figure 4.4. Son comportement en fonction de la température se démarque des deux excitations présentées précédemment, comme on peut le voir à la figure 4.10. En premier lieu, on remarque que sa fréquence débute par une augmentation légère en dessous de 190 K pour atteindre un maximum autour de 160 K et redescendre jusqu’à T N2 . Si le paramètre 78 γ change de régime autour de 190 K, il reste en revanche insensible à 160 K. Ce comportement révèle l’influence de plusieurs interactions opposées ayant une dépendance différente en température. Ce phénomène est retrouvé également dans les mesures magnétiques où l’aimantation totale du YVO3 change de signe près de 90 K (voir figure 2.9) et reflète un équilibre complexe incluant l’hamiltonien spin-orbite, l’hamiltonien JT et l’hamiltonien Hu , qui caractérise les RVO3 [30]. On observe également, au voisinage de 120 K, une anomalie caractérisée par une élévation de la fréquence et du facteur γ, augmentation qui est associée à l’ordre magnétique se manifestant à T N1 . Cela indique une contribution de l’hamiltonien spin-orbite à l’énergie du phonon. La transition à T N2 est corrélée à un saut en énergie de 5 cm−1 suivi d’un surdurcissement en diminuant la température vers 5 K. Contrairement aux deux autres phonons étudiés, son paramètre γ ne présente pas de saut au-delà de l’incertitude des mesures. En revanche, il présente une diminution considérable d’environs 20 cm−1 de la température ambiante à 5 K. Cette grande variation de la largeur à mi-hauteur à si basse température échappe au modèle anharmonique et ne peut être expliquée que par un couplage important entre ce phonon et les niveaux électroniques 3d. 4.3.2 Comportement en température du multiphonon La dernière excitation étudiée est celle localisée autour de 1400 cm−1 . Celle-ci, designée 2-MP, est décrite comme la combinaison de l’excitation PDS avec elle-même ou à l’excitation du PDS avec le B1g (1). On analyse le comportement en température de la fréquence du mode, sa largeur à mi-hauteur puis son intensité. Le comportement atypique de l’intensité en fonction de la température trahit la présence d’un couplage orbital-phonon. Comportement en température de l'énergie et de la largeur à mi-hauteur du multiphonon Le comportement en température de l’énergie et de γ est illustré à la figure 4.11. On distingue ici clairement une transition entre deux régimes distincts autour de Too qui se manifeste dans l’énergie et dans sa largeur à mi-hauteur. Plus précisément, on observe un surdurcissement de ce mode accompagné d’une diminution du paramètre γ en descendant sous Too . Le modèle anharmonique a été appliqué au-dessus de Too avec des paramètres raisonnables pour l’énergie mais pas pour γ (ω0 = 1613 cm−1 ). Ceci démontre que le modèle anharmonique, même à haute température, échoue à reproduire la physique du multiphonon et suggère ainsi que d’autres interactions qui ne sont pas de type phonon-phonon puissent entrer en jeu. On assiste également à une augmentation de γ en diminuant la température sous T N1 , ce qui révèle un lien entre le couplage spin-phonon et cette excitation. Finalement, 79 F ig ur e 4.11 Énergie (ω) et largeur à mi-hauteur (γ) en fonction de la température du multiphonon dans le YVO3 . L’évolution en température de γ et de ω simulée avec le modèle anharmonique est représentée par les lignes rouges. il est intéressant de souligner que l’énergie et la largeur à mi-hauteur de l’excitation ne semblent pas être affectées par la transition à T N2 . Comportement en température de l'intensité du multiphonon Le graphique 4.12 montre le spectre Raman du YVO3 sur la face ab à deux températures, soient 100 K et 200 K. La plage d’énergie des spectres Raman est élargie jusqu’à 1600 cm−1 afin de comparer son intensité avec celles du PDS et des excitations de premier ordre. La présence de cette excitation à une température supérieure à l’émergence des ordres orbitaux et magnétiques confirme que cette excitation a une nature phononique. Cette assignation est soutenue par la faible excitation visible en encart autour de 2100 cm−1 qui est désignée comme un multiphonon correspondant à la combinaison de deux PDS avec le phonon B1g (1) ou à la combinaison de trois PDS. On remarque également autour de 1900 cm−1 une excitation dont l’énergie est la somme du double de l’énergie du PDS et de l’énergie du mode B1g (2). Le comportement en température de l’intensité des multiphonons est sensible à l’anharmonicité du milieu, qui est associée aux fluctuations thermiques du système. Par conséquent, le processus des multiphonons devrait se dépolariser en diminuant la température. Or la 80 F ig ur e 4.12 Spectres Raman du YVO3 sur la face ab à 100 K et à 200 K. La région autour de 1400 cm−1 présente une excitation relativement intense par rapport aux phonons observés, excitation qui est identifiée comme un multiphonon (2-MP). L’encart montre une autre excitation plus faible autour de 2100 cm−1 assignée au multiphonon 3-MP. F ig ur e 4.13 Évolution en température de l’intensité normalisée du multiphonon dans le YVO3 . 81 F ig ur e 4.14 Poids spectral du mode Jahn-Teller et de ses satellites pour trois valeurs du couplage électron-phonon g/ω0 [78]. figure 4.13, qui illustre l’évolution en température de l’intensité normalisée du multiphonon, démontre le contraire. Plus précisément, leur intensité commence à augmenter de manière significative légèrement sous Too . Cette augmentation d’intensité corrélée avec l’apparition de l’ordre orbital se manifeste également dans le 3-MP, comme on peut le voir qualitativement dans l’encart de la figure 4.12. Cette tendance anormale qui coïncide avec l’émergence de la phase G-OO suggère que l’anharmonicité est augmentée par les corrélations électroniques. Ce résultat est cohérent avec les mesures cristallographiques et de conductivité thermique révélant le caractère amorphe du réseau dans cette gamme de température [24] [22] [44] [98]. En contrepartie, le phénomène n’est pas exclusif aux RVO3 puisqu’il est également observé dans des systèmes e g comme les manganites [80] [92]. Or, les manganites sont des systèmes où l’effet JT est extrêmement fort relativement au RVO3 . Ceci se manifeste par une température critique Too beaucoup plus élevée chez les manganites (Too ≥ 600 K) que chez les vanadates (Too ≤ 220 K). Le phénomène semble donc être associé à l’ordre orbital lui-même plutôt qu’à l’importance du champ cristallin. L’augmentation de la polarisabilité d’un multiphonon causée par un ordre orbital établi dans les systèmes e g est ainsi décrite par une théorie couplant le réseau à l’ordre orbital [78] [100]. Celle-ci prédit la présence de plusieurs excitations satellites séparées par une énergie ω0 correspondant à l’énergie du mode couplé. Ce modèle implique ainsi un couplage entre les phonons et les orbitons entraînant une renormalisation 82 des excitations de premier ordre par rapport aux excitations d’ordre¸s supérieurs (les excitations satellites). La figure 4.14 illustre cette renormalisation avec trois différentes valeurs de couplage électron-phonon g, couplage introduit dans l’hamiltonien couplant les phonons aux orbitons (voir section 2.10.2) . Le fait que l’intensité des processus de troisième ordre est moins grande que celles des processus de premier et de deuxième ordre permet d’estimer la constante de couplage électron-phonon à une valeur inférieure à 0.25ω0 ≈ 175cm−1 en considérant que ω0 correspond à l’énergie du PDS (700 cm−1 ). Ce résultat fait contraste avec le mécanisme Frank-Condon dans la limite localisée où le couplage électron-phonon est très grand [101]. Dans une telle limite, le poids spectral des excitations d’ordre n suit la loi de puissance gn . Les résultats de Sugai et al. indiquent que le multiphonon est polarisé spécifiquement par la phase monoclinique. Plus précisément, on assiste à une quasi-extinction de cette excitation sous T N2 . Cette observation fait contraste avec nos résultats, puisque même si une diminution de l’intensité est constatée dans nos mesures, le multiphonon demeure très intense relativement à ce qui a été rapporté dans la littérature. De plus, comme l’intensité des excitations de premier ordre, l’intensité du multiphonon sous T N2 est très sensible à la région cristalline sondée. Cette observation est reliée à l’existence de la phase monoclinique à très basse température, discutée en détails à la section 4.4.2. 4.4 Inuence du rayon de la terre rare sur les propriétés du réseau dans les RVO3 4.4.1 Comparaison des spectres Raman des RVO3 (R=La, Y, Yb) Une observation superficielle des phonons suffit pour constater d’importants changements corrélés aux divers ordres orbitaux et magnétiques émergents. Il a été signalé, notamment avec le modèle de Horsch, que ces ordres sont sensibles au rayon de la terre rare [53]. Ceci motive l’étude des phonons en fonction de la température dans trois composés RVO3 présentant un rayon de terre rare élevé (LaVO3 ), un rayon faible-intermédiaire (YVO3 ) et un rayon très faible (YbVO3 ). Pour la suite de la discussion, on suppose que le moment magnétique très faible du Yb3+ combiné avec le couplage JT important permet de négliger l’impact de ces moments magnétiques sur le réseau. 83 Phase structurale désignation LaVO3 ( cm−1 ) YVO3 ( cm−1 ) YbVO3 ( cm−1 ) Monoclinique Ag (2) 272 280 270 Ag (O) 297 340 345 B1g (O) 350 370 - Ag (3) 431 430 440 Ag (1) 492 475 482 B1g (2) 512 507 514 B1g (1) 698 682 670 PDS 721 702 692 2-MP ≈ 1400 ≈ 1400 ≈ 1400 Ag (Ry ) n.a. 151 137 Ag (2) 217 220 162 Ag (O) 310 317 285 Ag (4) 360 341 393 Ag (3) 490 481 470 Ag (1) 510 537 583 Orthorhombique Ta b le 4.3 Phonons observés dans les trois composés RVO3 (R= La, Y, Yb) avec la configuration b(cc)b dans la phase orthorhombique (T= 5 K) et monoclinique (T= 80 K). 84 F ig ur e 4.15 Comparaison des spectres Raman des RVO3 (R = La,Y, Yb) dans la configuration b(cc)b à 80 K. Cette température correspond à l’établissement de la phase monoclinique G-OO/C-SO. Selon le diagramme de phase illustré à la figure 2.10, l’ordre orbital C-OO et la distorsion JT surviennent en-dessous de Too ≈ 170 K dans le YbVO3 et l’ordre magnétique G-SO se manifeste à une température T N1 plus basse (T N1 =104 K) que celle rapportée dans le YVO3 ( T N1 =114 K). La seconde transition orbitale, magnétique et structurale est rapportée autour de T N2 ≈ 65 K. Le LaVO3 se trouve à l’autre extrême du diagramme de phase, soit dans la région où la distorsion JT est moindre. Il en découle une plus faible température critique Too qui est très proche de T N1 ≈ 140 K. Plusieurs études décrivent le LaVO3 comme un système dominé par les fluctuations orbitales et par conséquent, il en résulte une absence de la phase orthorhombique à basse température [33] [42] [90]. Spectre Raman de la phase monoclinique G-OO/C-SO dans la conguration b(cc)b La figure 4.15 et le tableau 4.3 comparent le spectre Raman des trois composés à 80 K. Selon le diagramme de phase illustré à la figure 2.10, la phase monoclinique avec la configuration G-OO/C-SO est établie à cette température dans les trois matériaux. L’intensité des spectres Raman dans le YVO3 et le YbVO3 a été renormalisée en bas de ≈ 360 cm−1 afin de bien voir toutes les excitations actives. On retrouve essentiellement dans les deux autres 85 F ig ur e 4.16 Spectres Raman des RVO3 (R = Yb, Y et La) dans la configuration b(cc)b à 100 K et à 200 K. La région autour de 1400 cm−1 présente une excitation relativement intense par rapport aux phonons observés, excitation qui est identifiée comme un multiphonon (2-MP). L’encart montre une autre excitation plus faible autour de 2100 cm−1 assignée au multiphonon 3-MP. composés tous les modes identifiés dans le YVO3 , sauf l’excitation α qui semble absente dans le YbVO3 (l’anomalie identifiée par * est un artefact causé par la renormalisation de la région du spectre en dessous de ≈ 360 cm−1 ). Il n’est toutefois pas exclu que cette excitation soit écrantée par l’excitation Ag (O), qui est très intense relativement aux autres excitations. À faible distorsion JT, les deux modes Ag (2) et Ag (O) sont en dessous de 300 cm−1 . Lorsqu’on diminue le rayon de la terre rare, le mode Ag (2) reste relativement stable en énergie par rapport au mode Ag (O), qui augmente jusqu’à une valeur de 350 cm−1 . Une autre tendance remarquable est que le ratio d’intensité entre le phonon Ag (2) et Ag (O) augmente considérablement avec l’augmentation du rayon de la terre rare. Cette grande variabilité dans la polarisabilité des phonons en fonction de la terre rare démontre la sensibilité de l’intensité de ces excitations face aux changements structuraux. Cette observation est cohérente avec l’activation ou l’extinction soudaine de certaines excitations lors de la transition structurale, magnétique et orbitale à T N2 . La position des excitations Ag (3) et B1g (2) demeure peu influencée par le changement de 86 la terre rare alors que l’excitation B1g (O) et le mode Ag (1) varient respectivement d’environ 20 cm−1 et 17 cm−1 entre les composés YVO3 et LaVO3 . Leur intensité relative est également considérablement affectée par la substitution de la terre rare. Par exemple, l’excitation Ag (1) est plus intense que les deux excitations voisines Ag (3) et B1g (2) pour le YVO3 et le YbVO3 alors que ce n’est plus vrai dans le LaVO3 . Finalement on remarque que leur largeur à mi-hauteur sont particulièrement grandes et que l’excitation Ag (3) a un profil extrêmement asymétrique. Les travaux de Miyasaka attribuent ce profil singulier à un effet Fano causé par le couplage entre ce phonon et les fluctuations orbitales [90]. Des observations similaires peuvent être soulignées pour les excitations B1g (1) et le PDS. Toutes ces excitations diminuent en énergie lorsque la distorsion JT augmente. En contraste avec les excitations autour de 500 cm−1 , la largeur à mi-hauteur ne change pas considérablement entre les matériaux. En revanche l’intensité du PDS dans le LaVO3 est plus intense relativement aux phonons que dans le YbVO3 et le YVO3 . Cette observation est cohérente avec la présence plus importante des fluctuations orbitales dans le LaVO3 que dans le YVO3 et le YbVO3 puisque le PDS est intimement associé aux désordres dans le cristal provenant des fluctuations orbitales [90]. La figure 4.16 et son encart révèlent que la présence du multiphonon 2-MP et 3-MP visibles dans la configuration b(bb)b. Ceci démontre que ces excitations sont des caractéristiques partagées par tous les RVO3 . On remarque en revanche que le multiphonon dans le composé LaVO3 est moins intense par rapport aux excitations de premier ordre. Cela est indicateur d’un couplage électron-phonon plus faible causé par l’effet JT moins important dans ce composé. Cette observation est cohérente avec l’hamiltonien total des RVO3 (équation 2.19), où la valeur des coefficients Ez , ge f f et Vab qui médient l’interaction entre le réseau et l’ordre orbital augmente avec la distorsion JT. Comparaison des spectres Raman des composés RVO3 (R = Y et Yb)) à 5 K La figure 4.17 et le tableau 4.3 comparent le spectre Raman des composés à 5 K dans la configuration b(cc)b. À cette température, la phase orthorhombique G-OO/C-SO se manifeste dans le YVO3 et le YbVO3 . Le mode Ag (Ry ), à peine visible dans le YVO3 , est davantage résolu dans le YbVO3 . L’excitation Ag (4) est facilement observable dans les deux composés, contrairement à l’excitation B1g (O) dans la phase monoclinique. La différence la plus remarquable entre les deux composés est le mode Ag (1), qui est facilement résolu dans le YVO3 , mais qui se présente sous la forme d’une large bande dans le YbVO3 . Cette bande regroupe 87 F ig ur e 4.17 Comparaison des spectres Raman des RVO3 (R = La,Y, Yb) dans la configuration b(cc)b à 5 K. Cette température correspond à l’établissement de la phase monoclinique C-OO/G-SO. L’encart montre la présence d’un pic annoté * proche du phonon Ag (O). les excitations Ag (3) et Ag (1), qui étaient déjà faibles dans la phase monoclinique. On remarque également des excitations supplémentaires dans le YVO3 à 370 cm−1 , 510 cm−1 et à 700 cm−1 . De plus, on observe une seconde excitation identifiée par * proche du phonon Ag (O) qui est mieux résolue dans l’encart. Cette observation, avec la rémanence du multiphonon dans la phase orthorhombique qui devrait, selon la littérature, disparaître sous T N2 , représentent la prémisse d’un important résultat présenté dans cette thèse. 4.4.2 Coexistence des phases dans les RVO3 Coexistence des phases dans le YVO3 Afin de comprendre la présence de ces excitations additionnelles, une étude élargie sur la surface de l’échantillon a été réalisée. La figure 4.18 montre le spectre Raman à basse température dans la configuration b(cc)b obtenu dans trois régions cristallines différentes à 5 K. La région au-dessus de 350 cm−1 a été amplifiée dans les spectres de la région 1 et de la région 3 afin de bien faire ressortir les excitations B1g (O) et Ag (4). Or, il se trouve que ces deux excitations sont exclusives à l’une des deux configurations orbitales et magnétiques. 88 F ig ur e 4.18 Spectres Raman en configuration b(cc)b dans le YVO3 sur trois régions cristallines démontrant que la phase monoclinique peut survivre localement à 5 K. L’excitation étiquettée par l’indice X est le mode Ag (O) dans la phase monoclinique Plus précisément, B1g (O) est visible uniquement dans la phase monoclinique où les ordres orbital et magnétique G-OO/C-SO sont établis tandis que le mode Ag (4) est exclusivement actif dans la phase orthorhombique en présence de la configuration C-OO/G-SO. La faible présence de l’excitation B1g (O) dans les spectres de la région 1 reflète la présence de la phase monoclinique en dessous de T N2 . Lorsqu’on mesure une autre région, l’excitation B1g (O) ainsi que l’excitation identifiée par un * augmentent en intensité tandis que l’intensité de l’excitation Ag (O) diminue dans la même proportion que celle de l’excitation Ag (4). Le spectre de la région 3 peut être directement associé à la phase monoclinique observée dans les spectres présentés précédemment. On conclut donc que la phase monoclinique peut subsister à très basse température localement 8 et que l’excitation identifiée par un * est le phonon Ag (O) dans cet état. Ceci explique également la présence d’un reliquat du B1g (2), du B1g (1), du PDS et du multiphonon observables sous T N2 dans le spectre du YVO3 . Le phénomène de la coexistence avait déjà été observé à très basse température dans les RVO3 (R= Sm, Nd, Dy) par la diffraction des rayons X. Le mécanisme physique décrivant le phénomène de coexistence est une combinaison des contraintes d’échange et de la distorsion JT [60]. En contraste avec cette interprétation, le caractère localisé de la phase monoclinique 8. Les régions monocliniques semblent être confinées sur des surfaces de l’ordre d’une dizaine de µm2 89 parasite suggère que des défauts puissent changer les contraintes locales suffisamment pour favoriser la configuration orbitale et magnétique G-OO/C-SO. Une étude des propriétés magnétiques réalisée par Tung et al. avait déjà suggéré que les défauts, même en faible densité, jouaient un rôle important dans le magnétisme de ces composés [36] [34]. Notre travail propose que le fragile équilibre entre les interactions régissant les deux phases orbitales et magnétiques favorise un environnement où les défauts peuvent affecter radicalement les propriétés structurales et orbitales locales. De telles perturbations peuvent modifier microscopiquement la configuration magnétique des ions V3+ et ainsi jouer un rôle dans les propriétés magnétiques macroscopiques des composés RVO3 . Même si le caractère local des phases ne fait plus de doute, il reste légitime de se questionner sur l’influence potentielle de la raie excitatrice sur la coexistence des phases. À titre informatif, toutes les mesures ont été effectuées avec un atténuateur D1 minimisant l’importance du chauffage induit par le laser. Celui-ci est d’ailleurs estimé à l’aide du comportement en température des phonons (voir section 4.3.1) autour de 10 K. Ainsi, cette coexistence ne peut pas être expliquée par un chauffage local de la région, qui devrait être supérieur à 80 K pour pouvoir générer la phase monoclinique. En revanche, l’augmentation de la puissance du laser semble avoir un effet. Par exemple, des régions initialement orthorhombiques se sont converties de manière définitive en région monoclinique sous l’effet d’un laser à pleine puissance (∼4 mW). Des mesures diélectriques réalisées dans le YVO3 exclue la présence d’un effet d’irreversibilité de la transition de premier ordre à T N2 pour expliquer ce phénomène [71]. Une autre caractéristique étonnante de cet effet laser est son caractère très anisotrope. Toutes les mesures Raman effectuées sous T N2 sur la face bc ont révélé, jusqu’à un certain degré, un restant de la phase monoclinique, alors que la face ab est pratiquement épurée de celle-ci, indépendamment de l’intensité du laser utilisée. Cette anisotropie est également observée dans les spectres de conductivité optique mesurés par Miyasaka et al. présentés à la figure 4.2. On y remarque la présence le long de l’axe c d’un pic intense se manifestant autour de 2 eV, pic attribué à des transitions électroniques 3d. Cela suggère que la raie excitatrice peut induire la phase monoclinique par effet photonique. Cette hypothèse est cohérente avec d’autres études sur les RVO3 démontrant que l’ordre orbital peut être perturbé par effet photonique [102] [103] [104]. Cette piste s’écarte cependant du sentier suivi dans le cadre de cette thèse, mais elle sera explorée davantage dans le futur. Bref, la coexistence des phases se manifestant dans le YVO3 est locale et témoigne du fragile équilibre entre les deux phases orbitales et magnétiques. La présence d’un effet photonique favorisant plutôt une phase doit être considérée. D’un point de vue expérimental, 90 F ig ur e 4.19 Spectre Raman du YVO3 et du LaVO3 dans la configuration b(cc)b à différentes températures. L’excitation Ag (O) dans la phase monoclinique est identifiée par la courbe rouge tandis que l’excitation Ag (O) dans la phase orthorhombique est identifiée par la courbe bleue. on démontre que la spectroscopie Raman est un excellent outil pour sonder la coexistence de phases dans les RVO3 en utilisant la résolution des deux excitations Ag (O) ainsi que les phonons Ag (4) et B2g (O). Cette particularité permet de mettre en lumière le profil asymétrique des excitations Raman dans le LaVO3 . Coexistence des phases dans le LaVO3 La figure 4.19 compare le mode Ag (O) observé dans la région cristalline 2 du YVO3 et dans le LaVO3 à différentes températures. Une comparaison du phonon Ag (O) à 5 K dans le YVO3 et le LaVO3 révèle que le profil asymétrique de l’excitation Ag (O) dans le LaVO3 est causé par la présence de deux pics d’intensités inégales. Cette observation mène à l’hypothèse suivante : la phase orthorhombique du LaVO3 survit en dessous de T N1 et coexiste avec la phase monoclinique. Ainsi, le profil asymétrique des excitations Raman n’est pas uniquement causé par le couplage électron-phonon, mais également par la présence de dédoublement des phonons issu de la coexistence des phases. En contraste avec le YVO3 , le ratio des excitations semble être indépendant de la région cristalline analysée. Ainsi, si la phase monoclinique est stabilisée par des défauts locaux dans le YVO3 , la coexistence des phases dans le LaVO3 semble plutôt être intrinsèque. 91 F ig ur e 4.20 Évolution de l’intensité normalisée du mode Ag (O) de la phase monoclinique et du multiphonon 2-MP dans le YVO3 et le LaVO3 . L’évolution en température de la phase monoclinique du YVO3 illustrée qualitativement dans la figure 4.19 et quantitativement dans la figure 4.20 révèle que la phase monoclinique reste relativement stable et que seule la phase orthorhombique se renforce en dessous de T N2 . Ceci est cohérent avec le scénario des contraintes locales qui permettent à la phase monoclinique de subsister sous T N2 et qui devraient peu changer à basse température. En revanche, la métaphase présente dans le LaVO3 semble beaucoup plus compliquée. On remarque en effet que l’intensité des pics se comporte de manière non-monotone entre Too et 5 K. Plus précisément, le pic le plus faible énergétiquement augmente avec la diminution de la température jusqu’à environ T X ≈ 60 K pour ensuite diminuer vers 5 K. Cela suggère que les mécanismes derrière la coexistence des phases sont plus complexes dans le LaVO3 que dans le YVO3 . En parallèle, le multiphonon suit une tendance similaire avec un maximum d’intensité autour de T X . En se rappelant que l’intensité du multiphonon est polarisée par la phase G-OO, on peut conclure que cette structure est due au phonon Ag (O) dans la phase monoclinique. Cette désignation est cohérente avec le fait que la transition de la structure orthorhombique vers la structure monoclinique est une transition de premier ordre dans le LaVO3 . Ainsi, le phonon Ag (O) dans la phase monoclinique devrait présenter un saut en énergie par rapport au même mode dans la phase orthorhombique. On peut maintenant se questionner sur l’effet de la raie excitatrice sur nos mesures. Toutes 92 les mesures présentées ici ont été effectuées avec un atténuateur à D1 afin de diminuer le plus possible l’impact du laser sur nos mesures. En augmentant la puissance de la raie laser, on observe une diminution de la qualité du signal, se manifestant par une moins bonne résolution des phonons attribuables à un effet laser. Cet impact semble dépendre de la longueur d’onde utilisée puisque des mesures effectuées avec la raie 514,5 nm à pleine puissance ne présentaient pas ce problème. En regardant le spectre de conductivité selon l’axe c présenté dans l’encart de la figure 4.3, on remarque la présence d’un pic attribué à des transitions 3d autour de 2 eV dans le LaVO3 . Cela suggère que cet effet laser pourrait être associé à ces mêmes transitions. L’utilisation d’un atténuateur supérieur à D1 n’a pas permis d’observer un gain significatif dans la qualité de notre signal. Il reste cependant difficile de déterminer à quel point on a limité cet effet avec notre configuration expérimentale. De plus, la faible qualité du signal à haute puissance laser nous empêche d’infirmer ou de confirmer un lien entre la puissance du laser et la coexistence des phases comme on l’a fait dans le cas du YVO3 . On est donc confronté à deux scénarios : soit la coexistence des phases reste induite par le laser malgré nos précautions, soit la coexistence est inhérente au LaVO3 . Même si l’effet photonique sur les RVO3 est rapporté dans la littérature scientifique, la deuxième possibilité reste soutenue par certaines études publiées [102] [103] [104]. Coexistence des phases dans la littérature Deux scénarios ont été proposés pour décrire le comportement des propriétés magnétiques et de transport du LaVO3 entre T N1 et Too , bien que la nature de cette phase demeure obscure. Le premier scénario propose qu’un seul électron occupe de manière ordonnée l’orbitale d xy dans cette plage de température alors que le deuxième scénario suggère que c’est plutôt la phase C-OO/G-SO qui se manifeste dans cet intervalle. La confirmation que la phase C-OO/G-SO existe dans le LaVO3 combinée avec le comportement des phases dans le YVO3 , où la transition de premier ordre peut être incomplète, supportent le deuxième scénario. Les mesures de transport révèlent également que l’inverse de la conductivité thermique des phonons est anormalement élevée et que celle-ci redevient conventionnelle en bas de ≈ 65 K [33]. Cette température coïncide avec notre température T X identifiée autour de 50 K, si on se rappelle que le chauffage induit par le laser est d’environ 10 K. Cela indique que cette coexistence des phases a un impact sur les mesures «macroscopiques» , telles que les mesures de transport ou les mesures d’aimantation. Il faut donc prendre en considération ce phénomène lors de l’interprétation de ces résultats expérimentaux. L’aimantation spontanée MS mesurée en fonction de la température dans le LaVO3 par 93 F ig ur e 4.21 Aimantation spontanée en fonction de la température dans le LaVO3 . Les séries de points rouges et de points bleus ont été mesurées sur deux échantillons différents dans la configuration FC [105]. Sakurai et al. et dépeinte à la figure 4.21 montre plusieurs anomalies magnétiques présentes à Tg , T f , Tt et TM [105]. En contraste avec le diagramme de phases affiché à la figure 2.10 qui montre une seule température de transition, ce résultat démontre un magnétisme très riche en dessous de T N1 . On observe entre autres une inversion de MS qui rappelle l’inversion de l’aimantation rapportée dans le YVO3 (voir figure 2.9 a)) en plus de voir une chute soudaine de MS à Tg = 50 K, chute qui est corrélée avec la température caractéristique T X . Il est intéressant de souligner que la chute de MS à Tg est similaire à celle qui à lieu à Tt = 138 K. Ceci suggère que les deux chutes partagent une origine similaire qui pourrait être, elle aussi, associée au rééquilibre de la coexistence des phases se manifestant dans le LaVO3 . Une autre étude cristallographique sur le Yx La1− x VO3 démontre que la substitution de l’atome d’yttrium par l’atome de lanthane diminue Too [106]. Au-delà de x ≈ 0, 23, Too se stabilise et la longueur de corrélation de la phase C-OO/G-SO diminue drastiquement, de telle sorte qu’elle subsiste seulement localement. Ce travail limite la substitution de l’yttrium par le lanthane à x = 0, 3 et l’existence d’une phase C-OO/G-SO pour une valeur x plus grande n’est pas confirmée. Cependant, notre travail suggère que cette métaphase existe jusqu’à x = 1. 94 Le diagramme de phases de la famille RVO3 , au départ bien défini (voir figure 2.10), est devenu plus nuancé avec l’introduction de la coexistence des phases dans les RVO3 avec un rayon de terre rare intermédiaire (voir figure 2.17). Notre travail propose que la coexistence des phases puisse s’étendre pour des terres rares de grands rayon ioniques en plus de s’étendre à des terres rares de faibles rayons. Ainsi, même si la coexistence n’a pas été observée directement dans nos mesures Raman sur le YbVO3 , il n’est pas exclu que les contraintes locales, via un mécanisme de coexistence similaire à ce qui est observé dans le YVO3 , puissent maintenir la phase monoclinique à très faible température. Les anomalies détectées à T X dans certaines mesures sur le LaVO3 indiquent que cette coexistence peut jouer un rôle important dans les mesures expérimentales macroscopiques et qu’il faut, par conséquent, la considérer pour obtenir un portrait fidèle de la physique dans les RVO3 . Perspectives futures La coexistence observée ici se présente exclusivement à basse température, mais deux études cristallographiques démontrent que la phase monoclinique G-OO existe au-delà de Too à l’échelle locale dans les RVO3 (R = Y,Ho) [106] [43]. Selon cette étude, ces régions monoclinique seraient les centres de nucléation de la phase monoclinique à longue portée se manifestant sous Too , ce qui indiquerait que les fluctuations orbitales ne sont pas à l’origine de cet état. Une étude Raman en fonction de la température de ces régions monocliniques pourrait apporter certaines réponses sur les fondements de la phase G-OO/C-SO. Ce phénomène témoigne de l’équilibre précaire entre les différentes interactions régnant dans les RVO3 . Or, ce type de système est typiquement très sensible à des stimuli externes comme les champs magnétiques ou la pression. Un effet photonique possible observé dans les RVO3 a été souligné dans cette section, effet qui méritera certainement notre attention dans le futur. 4.4.3 Évolution en température des excitations Raman Les spectres Raman du YbVO3 , YVO3 et du LaVO3 ont été comparés qualitativement et la coexistence des phases a été observée dans le YVO3 et le LaVO3 . Les différences entre les spectres demeurent subtiles et méritent une analyse en température plus approfondie. La présence de la coexistence dans le LaVO3 rend l’étude du comportement en température particulièrement difficile et, par conséquent, seuls le phonon Ag (O) et le multiphonon seront sous notre microscope. 95 F ig ur e 4.22 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du phonon Ag (O) en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . Évolution en température du mode Ag (O) Les figures 4.22 et 4.23 montrent respectivement l’évolution de la fréquence et l’évolution de la largeur à mi-hauteur du phonon Ag (O) en fonction de la température dans les trois composés RVO3 . Sur la plage de température où la coexistence des phases est observée, le phonon suivi dans le LaVO3 est l’excitation associée à la phase monoclinique tandis que le phonon analysé dans le YVO3 est celui associé à la phase orthorhombique. À l’opposé du YVO3 , où la fréquence est peu sensible à la transition Too , on observe des anomalies dans le comportement du LaVO3 et du YbVO3 . Dans le YbVO3 , l’anomalie se manifeste par un changement de tendance, où le phonon surdurcit en diminuant la température. Ce type d’anomalie est caractéristique d’un couplage orbital-phonon se manifestant lorsque l’ordre orbital émerge. Le LaVO3 se distingue des deux autres composés par une chute d’environ 5 cm−1 du phonon Ag (O) suite à la transition structurale de premier ordre survenant à Too . L’excitation durcit ensuite à plus basse température près de 5 cm−1 pour ensuite se stabiliser sous 90K. Puisque les ordres magnétique et orbital surviennent presque simultanément, il est impossible de distinguer ces deux contributions à l’énergie du phonon. En parallèle, on remarque que les trois composés partagent une très faible dépendance en T de la largeur à mi-hauteur au-dessus de Too . Le paramètre γ de ces matériaux diminue sous Too alors que l’ordre orbital s’établit. 96 F ig ur e 4.23 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du phonon Ag (O) en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . On observe également en bas de T N1 dans le YbVO3 le même type de ramollissement présent dans le YVO3 qui est caractéristique du couplage spin-phonon, suivi d’un saut en énergie à T N2 . Cette contribution semble être plus grande dans le YbVO3 , ce qui indique que le couplage spin-phonon est plus important dans ce composé. Tout comme dans le YVO3 , γ semble être modifié à la température de Néel dans le YbVO3 . À T N2 , le saut en fréquence dans YbVO3 est plus faible que dans le YVO3 . Contrairement à ce qui est observé dans le YVO3 , le mode du YbVO3 durcit sous T N2 . Ce type d’anomalies à très faible température est typiquement associé au couplage électron-phonon. Le durcissement détecté pourrait donc être causé par le nouvel ordre orbital et magnétique ou par les faibles moments magnétiques du Yb3+ qui s’ordonnent à très faible température. On assiste également à une chute soudaine du paramètre γ d’environ 3 cm−1 corrélée avec la disparition des fluctuations orbitales dans la phase C-OO/G-SO. Le plus grand couplage du réseau aux ordres orbitaux et magnétiques se traduit par une largeur à mi-hauteur plus élevée dans le pic YbVO3 (5 cm−1 ) par rapport au pic YVO3 (3 cm−1 ). Finalement, il est intéressant de remarquer la présence d’une chute de γ dans le LaVO3 aux alentours de 50 K qui peut être corrélée aux maxima d’intensité observés à T X . Cette anomalie est indicative de la présence d’un changement dans les constantes de couplages et suggère la présence d’un 97 F ig ur e 4.24 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du multiphonon 2-MP en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . changement de régime associé au rééquilibre de la coexistence des phases. Évolution en température du multiphonon Les figures 4.24 et 4.25 montrent respectivement l’évolution de la fréquence et l’évolution de la largeur à mi-hauteur du multiphonon 2-MP en fonction de la température dans les trois composés RVO3 . La plus remarquable différence entre le comportement du multiphonon dans un régime où la distorsion JT est plus élevée (YVO3 et YbVO3 ) et un milieu où l’effet JT est faible (LaVO3 ) s’observe à Too . Tel qu’il a été remarqué dans le phonon Ag (O), la fréquence du multiphonon chute dans le LaVO3 pour continuer à diminuer jusqu’à 5 K tandis que son énergie se met à augmenter plus rapidement sous l’effet de l’ordre orbital dans les deux autres composés. On assiste également à une modification du comportement de γ, qui diminue plus rapidement sous Too . Finalement, on remarque que si leur fréquence est très similaire, la largeur à mi-hauteur du multiphonon dans le LaVO3 est beaucoup plus grande que dans les deux autres matériaux. La fréquence de cette excitation semble se stabiliser et son paramètre γ semble diminuer 98 F ig ur e 4.25 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du multiphonon 2-MP en fonction de la température pour le YbVO3 , le YVO3 et le LaVO3 . rapidement pour devenir presque constant en dessous de T N1 . On peut donc également supposer que le multiphonon est couplé à l’ordre magnétique. En regardant l’évolution du multiphonon rémanent sous T N2 , on remarque que celui présent dans le YbVO3 subit un saut en énergie qui suggère que cette excitation visible est bel et bien dans la phase orthorhombique. Ceci fait contraste avec la même excitation dans le YVO3 , qui continue à augmenter en fréquence sans être affectée par le réarrangement orbital et magnétique. Le comportement de la largeur à mi-hauteur va également dans ce sens avec la présence d’un saut de γ dans le YbVO3 absent dans le YVO3 . Le dernier fait remarquable sur la largeur à mi-hauteur du multiphonon dans le YbVO3 et le YVO3 est que contrairement au phonon Ag (O), celui-ci augmente sous T N2 . Encore une fois, un tel comportement trahit la présence d’un couplage électron-phonon important, fait qui est cohérent avec notre scénario où les multiphonons sont polarisés par l’ordre orbital. En résumé, l’analyse du comportement du phonon Ag (O) et du multiphonon en fonction de la température a été effectuée dans les trois composés afin de détecter les différences attribuables au rayon de la terre rare. Les RVO3 se ressemblent dans leur comportement à haute température, mais sont affectées différemment par les ordres magnétiques et orbitaux se manifestant. Le LaVO3 se distingue le plus des composés RVO3 en présentant une transition de premier ordre à Too qui se traduit par une chute soudaine des caractéristiques des 99 phonons sous cette température. Le phonon et le multiphonon du YbVO3 sont très similaires à leur équivalent dans le YVO3 . Ceux-ci se distinguent surtout par le fait qu’ils semblent être davantage affectés par les configurations orbitales et magnétiques se manifestant à basse température. Finalement, on remarque des changements de fréquence que subit le mode Ag (O) dans le YbVO3 sous T N2 . Cette variation, évaluée à 2 cm−1 , comparée à celle quasiment nulle dans le YVO3 , soulève la possibilité qu’il puisse exister, contrairement à ce qu’on a supposé au départ, une influence des moments magnétiques 4 f sur les phonons à basse température. Ceci motive donc l’introduction du HoVO3 dans notre étude, composé qui présente une distorsion JT très similaire au YVO3 , mais qui se distingue de celui-ci par la présence d’un fort moment magnétique 4 f . 4.5 Inuence du moment magnétique de la terre rare La comparaison entre le YVO3 et le HoVO3 est un excellent moyen de mettre en relief l’impact du moment magnétique 4 f dans la physique présente dans les vanadates. Le YVO3 et le HoVO3 subissent une distorsion JT presque identique découlant d’un rayon R très similaire. Il en résulte que ces deux composés possèdent des mailles cristallines presque identiques. Le tableau 4.4 permet d’apprécier les ressemblances entre les paramètres structuraux du YVO3 et ceux du HoVO3 à la température ambiante tandis que les ressemblances entre les phonons de la phase monoclinique et de la phase orthorhombique à plus basse température sont rapportées dans le tableau 4.5. Pour toutes les températures, on constate que la différence entre ces caractéristiques de la maille cristalline du HoVO3 et du YVO3 est inférieure à 1% . Les plus grandes divergences entre les propriétés cristallines du HoVO3 et du YVO3 se manifestent à plus basse température dans la phase orthorhombique. Ces faibles différences présentes à basse température suggèrent la présence d’un effet magnétostrictif causé par les électrons 4 f . L’essentiel des différences provient donc des moments 4 f présents uniquement dans le HoVO3 et qui se polarisent à plus basse température. Ce facteur a un effet important sur les températures critiques impliquant l’ordre orbital. Par exemple, Too diminue à 188 K sous l’effet de l’holmium alors que T N1 ne varie pas de manière significative. Cet effet sur Too est plus spectaculaire dans le CeVO3 où Too diminue en dessous de 110 K, température inférieure à T N1 [29]. Cet effet n’est pas observé dans le Prx La1− x VO3 qui peut simuler la distorsion JT du CeVO3 sans le moment magnétique de la terre rare [32]. Le spin de l’holmium bouleverse également la physique derrière la transition à T N2 . Plus précisément, la transition monoclinique à orthorhombique se manifeste autour de 40 K en chauffant dans le HoVO3 100 Paramètre cristallin et température/composé HoVO3 YVO3 axe a (Ȧ) 5,2790 5,27839 axe b (Ȧ) 5,6060 5,60608 axe c (Ȧ) 7,5760 7,57421 volume (Ȧ3 ) 224,3 224,129 axe a (Ȧ) 5,2750 5,27243 axe b (Ȧ) 5,6200 5,62058 axe c (Ȧ) 7,5360 7,53254 volume (Ȧ3 ) 223,4 223,220 angle monoclinique β (◦ ) 89,980 89,977 axe a (Ȧ) 5,2745 5,28164 axe b (Ȧ) 5,6200 5,58868 axe c (Ȧ) 7,5420 7,55030 volume (Ȧ3 ) 223,3 222,865 T = 295 K T = 80 K Phase C-OO/G-SO Ta b le 4.4 Paramètres cristallins du YVO3 et du HoVO3 [24] [43]. Les paramètres dans la phase C-OO/G-SO ont été obtenus à 35 K dans le HoVO3 et 65 K dans le YVO3 . 101 alors qu’elle se présente à 77 K dans le YVO3 . De plus, on observe une augmentation de l’hystérésis thermique de l’aimantation et de la constante diélectrique reliée à cette transition. Le HoVO3 possède une température critique T N2 caractérisée par une hystérésis de 10 K alors que celle du YVO3 est près de 1 K [32] [71]. Très peu d’études ont été réalisées sur le HoVO3 avec plusieurs désignations contradictoires, notamment sur la température T N2 . L’état de l’art sur le HoVO3 souffre également d’une carence en étude microscopique et en mesure optique. Cette étude Raman comparant le YVO3 avec le HoVO3 se veut donc une panacée, car elle présente des résultats Raman originaux sur le HoVO3 en plus de fournir des éléments manquants au modèle des RVO3 , modèle encore incomplet puisqu’il n’incorpore pas l’influence du moment magnétique 4 f . Les mesures présentées dans cette section comparent qualitativement les spectres Raman du HoVO3 avec ceux du YVO3 . On vérifie ensuite l’hystérésis à T N2 du HoVO3 en comparant ce résultat avec les températures signalées dans les travaux sur le HoVO3 . On analyse ensuite le comportement en température de certains phonons en fonction de la température en portant une attention particulière à des divergences à faible température pouvant être attribuées aux moments magnétiques 4 f . 4.5.1 Comparaison des spectres Raman des composés RVO3 (R = Y et Ho)) à 20 K et 40 K La figure 4.26 permet de comparer le spectre Raman du YVO3 et celui du HoVO3 dans la phase orthorhombique C-OO/G-SO et dans la phase monoclinique G-OO/C-SO. En accord avec les mesures cristallographiques, on constate que les excitations Raman sont très similaires entre les deux composés [24] [43]. Le tableau 4.5 compare les excitations Raman de ces deux composés dans la phase monoclinique et la phase orthorhombique à basse température. Dans la phase monoclinique, on remarque que les excitations du HoVO3 sont presque toutes moins énergétiques que leur équivalent dans le YVO3 . Seul le mode Ag (O) est supérieur énergétiquement dans le HoVO3 avec une valeur de 337,3 cm−1 à 80 K comparée à 336,5 cm−1 dans le YVO3 à la même température. Les plus grandes différences sont observées entre les excitations de premier ordre les plus énergétiques du HoVO3 et celles du YVO3 alors que les excitations les plus semblables sont celles identifiées comme Ag (1) et B1g (1). Sous T N2 , le mode Ag (1) entre les deux composés se différencie, suggérant ainsi que ce mode est davantage affecté par la polarisation des moments magnétiques 4 f survenant à basse température. La différence entre le mode Ag (O) et Ag (2) reste similaire avec la nuance suivante : le mode Ag (2) semble durcir sous l’effet de la réorientation orbitale et magnétique 102 F ig ur e 4.26 Spectre Raman du YVO3 et du HoVO3 à 20 K dans la phase orthorhombique C-OO/G-SO et à 80 K dans la phase monoclinique G-OO/C-SO. L’encart montre la présence d’un multiphonon visible à la température ambiante et polarisé par l’ordre orbital G-OO/C-SO dans le HoVO3 . Phase orthorhombique (20 K) Phase monoclinique 80 K Phonon HoVO3 ( cm−1 ) YVO3 ( cm−1 ) HoVO3 ( cm−1 ) YVO3 ( cm−1 ) Ag (2) 274,3 278,5 274,2 279,7 Ag (O) 345,3 343,7 337,3 336,5 B1g (O) N.D. N.D. 365,5 369 Ag (4) 398 405 - - Ag (3) 433 425 425 n.a. Ag (1) 458 469 471 471,1 B1g (2) - - 508 509 B1g (1) - - 669 680 PDS - - 683 690 Ta b le 4.5 Phonons observés dans les deux composés RVO3 (R= Ho et Y) à 20 K et 80 K dans la configuration b(cc)b. 103 F ig ur e 4.27 Mesures d’aimantation du HoVO3 en réchauffant et en refroidissant sous l’application d’un champ magnétique de 1 T selon l’axe c. Les spectres Raman en dessous et au-dessus de T N2 sont exposés en encart. dans le HoVO3 alors qu’elle diminue clairement dans le YVO3 . Finalement, dans l’encart de la figure 4.26, on observe la présence du multiphonon visible à la température ambiante qui devient polarisé dans la phase monoclinique. Ceci suggère que ce mécanisme semble être peu affecté par la présence du moment magnétique 4 f . 4.5.2 Hystérésis à T N2 dans le HoVO3 La température critique T N2 mérite une attention particulière puisque les rares études effectuées sur ce composé ne s’entendent pas sur ses caractéristiques. Les études cristallographiques menées par Blake et al. rapportent une température critique T N2 autour de 40 K en chauffant alors qu’elle est évaluée autour de 35 K dans les travaux de Fujioka et al. et Reehuis et al. [32] [51] [43]. Ces deux dernières études rapportent également T N2 en refroidissant à deux températures différentes, soient 23,5 K pour Reehuis et al. et 11 K pour Fujioka et al.. Les mesures présentées dans ce chapitre démontrent que les signatures Raman des phases orthorhombique et monoclinique sont très différentes et que, par conséquent, la spectroscopie Raman est une technique efficace pour sonder l’hystérésis. Afin de diminuer davantage l’incertitude reliée au chauffage, des échantillons de faibles dimensions(≈ 1 mm3 ), permettant de maximiser la thermalisation, ont été mesurés. 104 F ig ur e 4.28 Constante diélectrique selon l’axe c en fonction de la température et mesurée à une fréquence de 10 KHz. Le tracé bleu a été mesuré en refroidissant tandis que la ligne rouge a été observée en réchauffant [32]. La figure 4.27 est un avant-goût du prochain chapitre, car elle illustre l’évolution de l’aimantation du HoVO3 en chauffant puis en refroidissant l’échantillon. Les anomalies observées, se manifestant par une hystérésis, témoignent de la transition magnétique du premier ordre survenant à T N2 . Celles-ci sont ensuite comparées avec le changement structural visible par spectroscopie Raman présenté dans les encarts. Les températures critiques identifiées dans les mesures d’aimantation sont égales à 31,8 K et 43,7 K tandis que celles identifiées par spectroscopie Raman se situent autour de 31,5 K et 42,5 K. Cela confirme que la transition structurale coïncide avec la transition magnétique en supposant un chauffage d’environ 1 K. Ce résultat peut être bien concilié avec les travaux de Blake et al. et Reehuis et al., en supposant que ces mesures aient été affectées par un effet de chauffage, mais il reste incompatible avec la désignation de T N2 à 11 K proposée par Fujioka et al. [43] [51] [32]. La figure 4.28, présentée par Fujioka et al., montre l’évolution en température de la constante diélectrique selon l’axe c pour une fréquence de 10 KHz [32]. La température critique en refroidissant T N2 est identifiée comme la température où la constante diélectrique cesse de diminuer. Or, une étude réalisée dans le HoVO3 avec la diffraction des neutrons rapporte que les atomes d’holmium s’alignent dans cette plage de température [107]. Cela suggère donc que les auteurs aient confondu la température de Néel de la terre rare avec T N2 . Cependant, l’impact des électrons 4 f seuls sur la constante diélectrique devrait être négligeable devant l’ordre orbital des électrons 3d. De plus, les mesures de la constante diélectrique dans le YVO3 démontrent que celle-ci chute soudainement sous T N2 [108] alors que les résultats exposés ici montrent plutôt une constante diélectrique qui diminue continuellement avec la température qui chute jusqu’à T N2 . Afin de concilier ces derniers faits, il faut revoir la coexistence des phases explorée dans le YVO3 . 105 F ig ur e 4.29 Spectres Raman du HoVO3 en diminuant la température sous T N2 . 4.5.3 Coexistence des phases dans le HoVO3 La coexistence des phases se manifeste également dans certaines régions cristallines du HoVO3 , ce qui reflète la présence de contraintes locales favorisant la rémanence de la phase monoclinique. La dépendance en température de la phase parasite dans le HoVO3 diffère toutefois de celle rapportée dans le YVO3 . En effet, alors que les excitations associées à la phase monoclinique du YVO3 restent fortes sous T N2 , celles qui se manifestent dans le HoVO3 s’affaiblissent en diminuant la température (voir figure 4.29). Or, il a été rapporté dans la littérature scientifique que l’ordre magnétique de la terre rare pouvait favoriser une phase orbitale et magnétique spécifique [32] [67]. De plus, les mesures de diffraction des neutrons signalent une polarisation importante du moment magnétique de la terre rare bien au-delà de sa température de Néel. En se rappelant que ces deux composés se distinguent par le moment magnétique de la terre rare, on peut émettre l’hypothèse que la diminution graduelle de la phase monoclinique est causée par les moments magnétiques 4 f . Cette extinction progressive de la phase monoclinique peut expliquer la diminution continuelle de la constante diélectrique observée par Fujioka et al. et permet en plus de comprendre pourquoi il désigne T N2 à 11 K plutôt qu’à 31,8 K tel que détectée dans nos mesures. Cet exemple est un autre cas où la coexistence des phases joue un rôle important dans les propriétés macroscopiques des RVO3 . Finalement, cette observation renforce l’idée que le moment magnétique de la terre rare peut jouer un rôle majeur dans des systèmes 106 F ig ur e 4.30 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (O) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . présentant une forte compétition entre deux phases. Il faut donc introduire une analyse détaillée comparant les phonons Raman du HoVO3 et du YVO3 afin d’évaluer en détails la nature de l’impact des électrons 4 f sur le réseau. 4.5.4 Évolution des phonons en fonction de la température dans les RVO3 (R = Ho et Y) Phonon Ag (O) Les figures 4.30 et 4.31 montrent respectivement la fréquence et la largeur à mi-hauteur du phonon Ag (O) en fonction de la température dans le YVO3 et le HoVO3 . Les comportements de la fréquence et du paramètre γ des deux phonons sont très similaires avec un saut de fréquence presque identique entre le YVO3 et le HoVO3 à T N2 . On observe également à faible température une largeur à mi-hauteur à peu près équivalente, ce qui indique que l’ordre magnétique des états électroniques 4 f est transparent à ce mode. Selon l’assignation décrite au début de ce chapitre, ce résultat suggère que l’oxygène apical ne joue pas de rôle important dans l’interaction entre les moments magnétiques de la terre rare. La grande similitude est aussi cohérente avec le portrait du HoVO3 , dépeint comme un composé possédant une structure cristalline quasiment identique à celle de son composé frère, le YVO3 . 107 F ig ur e 4.31 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (O) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . F ig ur e 4.32 Évolution en température de l’intensité normalisée du mode Ag (O) dans le HoVO3 . 108 F ig ur e 4.33 Constante diélectrique selon l’axe a et c en fonction de la température mesurée à 13 GHz pour le YVO3 [71]. Le comportement en température de l’intensité de ce phonon(voir figure 4.32) est également très similaire à ce qui est observé dans le YVO3 (voir figure 4.9). On observe l’augmentation de l’intensité selon un paramètre d’ordre sous Too suivie par une deuxième hausse d’intensité sous T N1 . Cette hausse d’intensité, mal définie dans le YVO3 dû à la mauvaise résolution en température, est davantage résolue dans le HoVO3 . Elle suit un comportement divergent en 1/( T − TN2 ) distinct de l’évolution de l’intensité sous Too . Cette tendance, survenant au-delà et en dessous de la température critique, est décrite par la théorie de Landau lorsque la longueur d’onde du phonon est supérieure à la longueur de corrélation du paramètre d’ordre impliqué dans la diffusion Raman [99]. Ce comportement indique donc que la longueur de corrélation de l’ordre C-OO/G-SO serait inférieure à 1000 Ȧ. En revanche, le comportement de l’intensité sous T N2 est similaire à ce qui est observé sous Too . Or, une telle tendance impliquerait plutôt que la longueur de corrélation de la phase orthorhombique soit supérieure à 1000 Ȧ. Il est intéressant de souligner qu’une divergence est également visible dans la constante diélectrique dans le YVO3 (voir figure 4.33). Celle-ci débute avec l’apparition de l’ordre magnétique à T N1 et se termine à T N2 . Cette anomalie a été expliquée par un comportement de ralentissement critique et sa similitude avec le comportement divergent observé en 109 F ig ur e 4.34 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (2) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . Raman suggère que ces deux phénomènes sont étroitement associés. D’un autre coté, les mesures cristallographiques soutiennent que la longueur de corrélation des ordres structuraux sous Too et sous T N2 sont à longue portée et entrent donc en contradiction avec la tendance observée sous T N1 . Devant ces faits, on peut émettre l’hypothèse suivante : le comportement divergent n’est pas associé aux fluctuations de la phase C-OO/G-SO mais à des fluctuations issues d’un autre phénomène. Selon le modèle théorique, ces fluctuations seraient des fluctuations orbitales, inhérentes aux systèmes t2g causant l’ordre magnétique C-SO. Phonon Ag (2) Les figures 4.34 et 4.35 comparent respectivement le comportement en température de la fréquence et de la largeur à mi-hauteur entre le phonon Ag (2) du YVO3 et celui du HoVO3 . En l’absence d’ordre magnétique des ions V3+ , les comportements en température de ce mode de vibration dans le YVO3 et le HoVO3 sont presque identiques et c’est seulement sous T N1 que quelques différences se manifestent. Plus précisément, on observe un ramollissement attribué au couplage spin-phonon beaucoup moins prononcé dans le HoVO3 . De plus, l’anomalie de γ se manifeste par un point d’inflexion dans le HoVO3 alors que celle-ci est caractérisée par un saut dans le YVO3 . Les changements qui accompagnent la transition 110 F ig ur e 4.35 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . F ig ur e 4.36 Évolution en température de la variation de la fréquence (∆ω) et de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (2) sous T N2 pour le YVO3 et le HoVO3 . 111 F ig ur e 4.37 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du mode Ag (1) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . à T N2 sont également différents entre les deux composés. Le fréquence du phonon dans le HoVO3 commence à augmenter sous T N2 alors qu’il diminue puis reste stable dans le YVO3 . La chute soudaine du paramètre γ est observée dans les deux composés, mais son amplitude est plus grande dans le YVO3 que dans le HoVO3 . Il en résulte que la largeur à mi-hauteur à basse température est 4 cm−1 dans le YVO3 et 6 cm−1 dans le HoVO3 . L’observation la plus remarquable est que contrairement au mode dans le YVO3 , celui du HoVO3 varie de manière significative sous T N2 . Cette observation est davantage remarquable à la figure 4.36, qui compare le comportement du mode Ag (2) entre les deux composés sous T N2 . La fréquence augmente pour atteindre un maximum autour de T ∗ =11 K et redescendre à 6 K. La largeur à mi-hauteur se comporte de manière similaire en augmentant avec le refroidissement pour saturer autour de T ∗ . Suite à notre interprétation des résultats présentés par Fujioka et al., il est raisonnable d’attribuer cette anomalie à l’ordre magnétique des moments magnétiques 4 f de la terre rare. La description du mode Ag (2), présenté à la figure 4.4, nous permet de conclure également que les moments 4 f sont couplés davantage aux oxygènes apicaux. 112 F ig ur e 4.38 Évolution en température de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . F ig ur e 4.39 Évolution en température de la variation de la fréquence (∆ω) et de la largeur à mi-hauteur (γ) du mode Ag (1) sous T N2 pour le YVO3 et le HoVO3 . 113 Phonon Ag (1) Les figures 4.37 et 4.38 comparent l’évolution en température de la variation de la fréquence et de la largeur à mi-hauteur du mode Ag (1) observé dans les deux composés. Cette excitation, tout comme le mode Ag (2), provient du mouvement des oxygènes basaux [91]. Au-delà de T N1 , le comportement du phonon est presque identique entre les deux composés. Cela est cohérent avec l’idée que les moments magnétiques Ho3+ jouent un rôle minime à haute température. La première différence se manifeste lorsque l’ordre magnétique des V3+ émerge sous T N1 . Le paramètre γ du mode de vibration diminue de moitié (≈ 10 cm−1 ) dans le HoVO3 alors qu’il diminue seulement d’environ 3 cm−1 dans le YVO3 . Cela suggère que le moment magnétique 4 f puisse laisser ses traces sur le réseau au-dessus de T N2 . Puisque cette différence survient à une température près de T N1 , on peut émettre l’hypothèse que cet impact se fait par l’intermédiaire de l’ordre magnétique du V3+ . En revanche, la fréquence est peu sensible au moment magnétique de la terre rare. Curieusement, la fréquence dans le HoVO3 atteint un minimum autour de 90 K pour ensuite durcir de 1 cm−1 jusqu’à T N2 . Le plateau observé dans le YVO3 à cette température suggère que cette tendance est partagée dans le YVO3 . Cette température coïncide avec l’inversion d’aimantation observée par Ren et al. dans le YVO3 et présentée à la figure 2.9 a). On peut donc affirmer que l’anomalie dans le comportement magnétique des RVO3 est corrélée à un changement structural dans les atomes basaux. On remarque également une différence prononcée entre le changement subit par le mode Ag (1) à la transition orbitale, magnétique et structurale survenant à T N2 . Le phonon chute d’environ 5 cm−1 dans le YVO3 alors qu’il diminue soudainement de 11 cm−1 dans le HoVO3 . Le paramètre γ subit un saut d’approximativement 25 cm−1 dans le HoVO3 alors qu’il ne varie presque pas dans le YVO3 . Ces différences témoignent une fois de plus d’un couplage entre le réseau et les états électroniques 4 f . Le dernier point intéressant à souligner est la présence d’une anomalie, cette fois caractérisée par un creux, dans la fréquence et la largeur à mi-hauteur du phonon dans le HoVO3 . Cet artefact est présenté dans la figure 4.39 qui compare l’évolution des caractéristiques du phonon Ag (1) dans le YVO3 avec celui dans le HoVO3 . Puisque cette anomalie est invisible dans le YVO3 , il est raisonnable d’associer ce phénomène à l’ordre magnétique de l’holmium qui émerge dans cette plage de température. Ces anomalies, exclusivement visibles dans les modes impliquant les oxygènes basaux du HoVO3 , permettent de proposer le scénario suivant : les moments magnétiques de l’holmium sont couplés aux réseaux via les oxygènes basaux. Sachant que l’ordre orbital et magnétique des V3+ est sensible à des perturbations telles que des contraintes locales causées par des défauts, on peut détailler notre hypothèse en suggérant la présence d’un couplage médié 114 F ig ur e 4.40 Évolution de la variation de la fréquence (∆ω) du multiphonon (2-MP) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . par les oxygènes basaux entre les moments magnétiques 4 f et les états électroniques 3d. Multiphonon On peut constater l’impact du moment magnétique de la terre rare sur le comportement du multiphonon en fonction de la température dans les figures 4.40 et 4.41. On retrouve dans les deux composés un multiphonon autour de 1400 cm−1 qui se polarise sous Too et qui diminue ensuite en intensité sous T N2 . Les mesures du HoVO3 se distinguent de celles faites dans le YVO3 par l’absence de la coexistence de phase. Il en résulte que l’extinction du multiphonon est plus importante dans le HoVO3 que dans le YVO3 . L’évolution en température de la fréquence au-dessus de T N2 est très similaire entre les deux composés et seul le saut visible à T N2 , exclusif au HoVO3 , distingue ce composé du YVO3 . Cette différence provient du fait que le phonon mesuré dans le YVO3 est celui appartenant à la phase monoclinique. Le paramètre γ évalué dans le multiphonon du YVO3 est plus élevé que dans le HoVO3 . Alors que ce trait évolue à peine dans le YVO3 , cette caractéristique diminue considérablement dans le HoVO3 . De Too en refroidissant jusqu’à T N2 , on observe une diminution de la largeur à mi-hauteur de 20 cm−1 . γ subit ensuite un saut de 30 cm−1 lorsque la structure redevient orthorhombique sous T N2 . Le comportement de la largeur à mi-hauteur possède une similarité frappante avec le phonon Ag (1). Ceci confirme le caractère phononique de cette excitation en plus de suggérer que le multiphonon et le mode Ag (1) partagent des 115 F ig ur e 4.41 Évolution de la largeur à mi-hauteur (γ) du multiphonon (2-MP) en fonction de la température pour le HoVO3 et le YVO3 . mécanismes de couplage avec les ordres orbitaux et magnétiques similaires. 4.5.5 Résumé et perspectives La famille des RVO3 est caractérisée par l’existence de deux états fondamentaux possibles très proches énergétiquement. Il en résulte que le moment 4 f à l’échelle locale peut agir comme un champ perturbatif suffisamment grand pour favoriser une configuration orbitale et magnétique par rapport à une autre. Le caractère non-trivial de ce couplage reste encore peu compris, mais l’étude Raman présentée ici permet d’établir partiellement les fondations d’une théorie incorporant les moments magnétiques 4 f . Les anomalies Raman soutiennent l’existence d’un effet magnétostrictif entre les moments 4 f et les atomes d’oxygène basaux. Des mesures préliminaires de spectroscopie Raman et de réflectance dans l’infrarouge lointain ont été réalisées sous champ magnétique à 2 K afin de mettre en valeur cet effet magnétostrictif. La figure 4.42 présente la réflectance sous divers champs magnétiques appliqués selon l’axe c. La plage d’énergie sondée correspond à celle des phonons et les changements dans la réflectivité, indiqués par un *, reflètent les variations d’énergie des phonons causées par la magnétostriction. Telles qu’illustrées à la figure 4.43, les mesures Raman ont détecté la coexistence des phases sur certaines régions cristallines. Le 116 F ig ur e 4.42 Mesures de réflectance (~k||c) dans le HoVO3 sous divers champs magnétiques ~ ||c) à 2 K. Le symbole * et les lignes servent de repère pour suivre l’effet de la (H magnétostriction sur la réflectance. F ig ur e 4.43 Spectres Raman du HoVO3 réalisés dans la configuration a(cc) a avec une raie ~ || a) à 2 K. La coexistence excitatrice de 514 nm sous divers champs magnétique ( H des phases se manifeste par le dédoublement de l’excitation Ag (O). 117 champ magnétique appliqué selon l’axe a atténue l’intensité du phonon Ag (O) dans la phase monoclinique sans affecter le même mode dans la phase orthorhombique. Cela indique qu’un champ magnétique le long de l’axe a défavorise la phase G-OO/C-SO rémanente sous T N2 . Le même protocole réalisé avec le YVO3 pourrait nous permettre de discriminer l’influence du spin du vanadium par rapport à celui de la terre rare. Or, cette vérification pourrait éclaircir le rôle du magnétisme de la terre rare sur les configurations orbitales et magnétiques du vanadium en confirmant ou infirmant la magnétostriction causée par l’holmium. Ces mesures préliminaires démontrent le potentiel d’une étude des phonons réalisés par spectroscopie Raman et infrarouge dans les RVO3 et sera une motivation pour de futurs travaux expérimentaux abordant cette problématique. Il a également été démontré dans cette section que l’effet magnétostrictif influence le comportement en température des phonons. Ces anomalies débutent à T N1 , ce qui suggère un lien indirect avec l’ordre magnétique des V3+ . Le comportement différent de certains phonons en dessous de T N2 renforce cette idée. À plus basse température, on observe un artefact autour de 11 K se manifestant comme un pic ou ventre, selon le mode étudié. Même s’il a été avancé que l’ordre magnétique du holmium se manifeste dans cette plage de température, la température exacte où survient cet ordre n’est pas bien identifiée dans la littérature scientifique. Il faut donc introduire une étude magnétique afin de bien comprendre le comportement en température des moments magnétiques 4 f . Chapitre 5 Propriétés électroniques, magnétiques et magnétocaloriques de la terre rare dans le HoVO3 Une étude de l’évolution en température de l’aimantation du HoVO3 et de sa réponse à un champ magnétique externe, combiné avec une analyse du spectre infrarouge des transitions 4 f -4 f , est le chemin utilisé dans ce travail pour mieux comprendre l’interaction entre la terre rare et son environnement dans le HoVO3 . Le chapitre est divisé en deux parties, une présentant les mesures obtenues par la spectroscopie infrarouge et la seconde exposant des résultats expérimentaux réalisés par le magnétomètre. Les mesures infrarouges révèlent la présence d’excitations de nature phononique indicatives d’un couplage entre les électrons 4 f et le réseau. Ce couplage a pour résultat de changer considérablement le spectre infrarouge suite à la transition à T N2 . La deuxième section a pour but de mettre en valeur certaines caractéristiques dans les spins reflétant une contribution du réseau et de l’ordre orbital des vanadiums. Par exemple, la détermination de la température exacte où se manifeste l’ordre magnétique de l’holmium pourra confirmer l’origine magnétique de certaines anomalies visibles dans le comportement en température de certains phonons. L’analyse de l’aimantation présente également d’autres caractéristiques qui, même si elles ne peuvent être associées directement avec nos mesures Raman, trahissent la présence d’un couplage entre les moments magnétiques et la maille cristalline. On effectue ensuite divers calculs afin d’obtenir davantage d’informations sur les ordres magnétiques de la terre rare. Les calculs des propriétés magnétocaloriques sont 118 119 F ig ur e 5.1 Spectre de transmittance à 4,2 K autour de 5000 cm−1 pour ~k k ~c (en noir). Le fit voigtien (en rouge et bleu), dont chaque pic est identifié, est également illustré. Les chiffres indiquent l’assignation choisie des pics. utilisés afin de mieux caractériser les ordres. De plus, certaines propriétés suggèrent la présence de la coexistence des phases magnétiques sous T N2 . Finalement, les propriétés magnétocaloriques du HoVO3 sont comparées avec celles d’autres composés utilisés dans la réfrigération pour démontrer que ce composé possède une niche dans cette technologie. 5.1 Évolution des transitions 5 I8 → 5 I7 en fonction de la température La figure 5.1 présente un spectre de transmission (~k ||c) de la lumière dans la gamme d’énergie située entre 5000 cm−1 et 5450 cm−1 à 4,2 K. La structure observée correspond aux excitations 5 I8 → 5 I7 avec leurs modèles voigtiens, modèles dont les paramètres sont exposés au tableau 5.1. Le nombre élevé de pics est dû à la grande quantité d’états électroniques impliqués dans la transition 5 I8 → 5 I7 . Plus précisément, l’état fondamental est constitué de 17 niveaux électroniques alors que le niveau excité 5 I7 en possède 15. Ce nombre d’excitations demeure toutefois moins élevé que le nombre de transitions rapporté par la même mesure 120 F ig ur e 5.2 Évolution en température de l’énergie des transitions 1, 6 et 10. F ig ur e 5.3 Évolution en température de la largeur à mi-hauteur des transitions 1, 6 et 10 en dessous de 15 K. 121 F ig ur e 5.4 Spectre de transmittance du HoVO3 en fonction de la température. Les transitions identifiées par * sont des vibroniques résultant du couplage 4 f -phonon. Cette série de mesures a été effectuée en refroidissant à 4,2 K puis en réchauffant graduellement le cristal. F ig ur e 5.5 Spectre de transmittance du HoVO3 au-dessus et en dessous de T N2 . Cette série de mesures a été réalisée en refroidissant l’échantillon. Les différences causées par la transition ont été annotées d’un * ou d’un X et la ligne en tirets sert de guide pour comparer les deux spectres. 122 CF Énergie ( cm−1 ) Largeur à mi-hauteur ( cm−1 ) Intensité relative 1 5107,4 3,2 0,126 2 5115,8 4,2 0,123 3 5119,9 8,7 0,309 4 5178,6 7,4 0,363 5 5187,3 6,1 0,201 6 5217,1 6,6 0,327 7 5225,4 9,0 0,430 8 5239,9 7,7 0,356 9 5258,5 18,1 0.901 10 5276,8 7,5 0,250 11 5288,5 12,6 0,453 12 5293,9 2,9 0,028 13 5302,8 10,2 0,438 14 5312,7 5,0 0,119 15 5326,0 14,3 1 16 5389,6 21,9 0,118 Ta b le 5.1 Paramètres du fit voigtien utilisé pour reproduire le spectre de transmittance à 4,2 K autour de 5000 cm−1 présenté à la figure 5.1 123 sur le HoMnO3 hexagonal [93]. Ceci est attribuable surtout à la symétrie plus restreinte du champ cristallin du HoMnO3 et à la présence de deux sites non-équivalents de la terre rare, caractéristiques qui ne sont pas observées dans le HoVO3 . On remarque que le poids spectral est concentré dans la région entre 5210 cm−1 et 5350 cm−1 avec la présence d’au moins 10 pics d’absorption. En diminuant en énergie, on retrouve respectivement autour de 5180 cm−1 et 5110 cm−1 les structures constituées des pics 3 et 4 et 1, 2 et 3 . La bande d’absorption 16, bande en toute apparence constituée de plusieurs transitions, est située autour de 5390 cm−1 . Une étude plus attentive des caractéristiques des transitions révèle une riche diversité dans leur comportement en fonction de la température. La figure 5.2 illustre trois tendances typiques de l’énergie de ces transitions observées dans le HoVO3 . On remarque que certaines excitations durcissent de manière monotone alors que d’autres ramollissent. Dans les deux cas, un point d’inflexion est visible entre 10 K et 12,5 K, point d’inflexion qui peut être corrélé avec les anomalies observées en Raman. Le pic 10 est remarquable puisqu’il présente un ramollissement qui débute en refroidissant sous 12,5 K, comportement similaire au ramollissement de certains phonons Raman. Ce type de tendance suggère un effet «Zeeman» sur certains niveaux électroniques causé par le champ moléculaire moyen associé à l’ordre ferromagnétique émergeant. La largeur à mi-hauteur γ de chacune de ces excitations décroît presque toujours en fonction de la température, tel qu’illustré à la figure 5.3. La transition 6 se distingue des deux autres par un γ qui augmente légèrement en refroidissant sous 25 K pour ensuite diminuer en refroidissant sous 15 K. On peut distinguer dans la transition 10 un point d’inflexion qui est corrélé avec les anomalies en fréquences visibles à la figure 5.2. La figure 5.4 montre les spectres de transmittance du HoVO3 autour de 5000 cm−1 pour diverses températures. On remarque, en réchauffant au-delà de 15 K, des modifications dans les spectres mesurés. Ces changements se manifestent par l’apparition de nouvelles excitations, annotées dans la figure 5.4 par un *, situées en dessous de 5100 cm−1 . En contraste avec les autres pics, assignés comme des transitions 4 f qui demeurent stable sous 35 K, ces bandes d’absorption ont comme propriété de se renforcer en augmentant la température. Ces bandes «chaudes» et leur origine ont été amplement étudiées dans le HoMnO3 [109][93]. Loshkareva et al. ont initialement détaillé ces excitations comme une transition électronique 4 f -4 f faisant intervenir un état électronique fondamental non peuplé thermiquement [109]. De plus récents travaux, combinant des mesures de spectroscopie infrarouge et de spectroscopie par luminescence, se sont distancés de cette explication en attribuant plutôt ces excitations à des vibroniques[93]. Or la présence de telles excitations épouse parfaitement la conclusion établie à la fin de la section 4.5, conclusion qui introduit l’hypothèse d’un 124 couplage entre les états électroniques 4 f et le réseau cristallin. Le changement le plus remarquable visible à la figure 5.4 se déroule à la température de transition T N2 , où certaines excitations sous 5100 cm−1 apparaissent soudainement suite aux changements de phase dans le composé. Afin de nous assurer que ces changements sont bien associés à T N2 , nous présentons à la figure 5.5 les spectres de transmittance réalisés au-dessus et sous T N2 en refroidissant l’échantillon. Le signal obtenu, supérieur à la série de mesures présentée précédemment, a comme heureux résultat de mieux résoudre le spectre de transmittance et par conséquent, nous permet de mieux distinguer les changements causés par cette transition de phase. Les changements observés se produisent cette fois entre 30 K et 25 K, ce qui indique clairement que ces anomalies sont directement reliées aux changements orbitaux, magnétiques et structuraux survenant à T N2 1 . Les bandes annotées d’un * sont vraisemblablement des vibroniques puisque leur intensité augmente avec la température. L’anomalie identifiée par un X, au contraire, montre une transition qui émerge sous T N2 . Toutes ces différences trahissent un couplage suffisamment important entre les états électroniques 4 f et le réseau pour que la transition survenant à T N2 puisse modifier considérablement les états électroniques 4 f . En résumé, les mesures de transmittance sondant les transitions 5 I8 → 5 I7 détectent des anomalies dans les caractéristiques de certaines excitations autour de 12,5 K, ce qui soutient l’hypothèse de l’émergence d’une phase magnétique de la terre rare autour de cette température. La présence de pics qu’on identifie comme des vibroniques, processus où un phonon Raman se combine avec une excitation 5 I8 → 5 I7 , soutient l’hypothèse d’un couplage entre les électrons 4 f et la maille cristalline. Le scénario des vibroniques est supporté par des travaux combinant des mesures de luminescence et des mesures en champ magnétique dans le HoMnO3 [93]. Même si les manganites et les vanadates partagent plusieurs similarités, ils n’en demeurent pas moins deux familles de composés distinctes. Ainsi, une future étude similaire sur le HoVO3 sera nécessaire pour consolider cette hypothèse. Finalement, une anomalie importante autour de T N2 suggère que la transition de phase survenant à cette température affecte de manière significative les états électroniques de la terre rare. Plusieurs études passées ont discuté directement ou indirectement de l’impact de la terre rare sur les RVO3 ( voir section 2.8) et nous motive ainsi à étudier le magnétisme de l’holmium afin de soutenir les travaux en infrarouge présentés ici. 1. Le chauffage induit par la source lumineuse est estimée à une valeur inférieure à 5 K. 125 F ig ur e 5.6 a) Évolution en température de l’intensité d’un pic de Bragg magnétique associé à l’ordre magnétique de l’holmium dans le HoVO3 [107]. b) Ordre magnétique de l’holmium [51]. 5.2 Études antérieures sur l'ordre magnétique de la terre rare dans le HoVO3 Afin de mieux interpréter les mesures d’aimantation et de susceptibilité magnétique présentées ensuite, on rappelle ici les principaux résultats sur le magnétisme de l’holmium dans le HoVO3 . Les travaux de Bombik et al., de Blake et al. et de Fukioka et al. 2 rapportent une transition de l’ordre magnétique du holmium autour de 10 K [32] [43] [107]. L’émergence de cet ordre se manifeste dans l’évolution de l’intensité en fonction de la température de certains pics de Bragg magnétiques (voir figure 5.6 a)). Un consensus existe concernant certaines composantes de la configuration magnétique de la terre rare à basse température. Plus exactement, on distingue une composante ferromagnétique le long de l’axe a et antiferromagnétique selon l’axe b, tel qu’illustré à la figure 5.6 b) [51] [107] [43]. La nature de la composante selon l’axe c demeure controversée avec Reehuis et al. qui identifient une composante antiferromagnétique qui n’est pas rapportée par Bombik et al.. Le moment magnétique du holmium polarisé est également sujet à une interprétation conflictuelle entre ces deux groupes. Alors que Bombik et al. observent que le moment magnétique sature à 9,4 µ B , Reehuis et al. obtiennent une valeur de saturation de 6,9 µ B . Reehuis et al. rejoignent Fujioka et al. en soutenant la présence d’un couplage entre le Ho3+ et le V3+ . Ce couplage se manifeste entre autres par une polarisation des moments magnétiques anormalement élevée à des températures supérieures à 20 K. Armés de ces précieuses informations, on peut enfin s’attaquer à l’interprétation des mesures d’aimantation. 2. Fujioka et al. ont confondu cette transition avec celle survenant à T N2 , tel qu’expliqué dans la section 4.5.3. 126 F ig ur e 5.7 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 avec un champ magnétique de 0,1 T appliqué selon l’axe b. La ligne rouge a été mesurée dans la configuration ZFC alors que la ligne bleue a été mesurée dans la configuration FC. Trois anomalies dans la dérivé de l’aimantation par rapport à la température sont visibles en encart à T 0 , T ∗ et T N2 . 5.3 Évolution de l'aimantation et de la susceptibilité magnétique en fonction de la température La figure 5.7 présente le comportement de l’aimantation en fonction de la température selon l’axe cristallin b avec l’application d’un champ magnétique de 0,1 T. La courbe rouge a été mesurée dans la configuration ZFC (Zero Field Cooling) tandis que la courbe bleue a été mesurée dans la configuration FC (Field Cooling). L’analyse qui suit suppose que l’effet de ce champ magnétique reste négligeable et ne perturbe pas l’ordre magnétique lui-même. On remarque que les anomalies à T N1 et T N2 restent très faibles par rapport à l’aimantation totale. De plus, on n’observe pas le mécanisme d’inversion de spin rapporté dans le YVO3 [30]. La dérivée en fonction de la température dM/dT permet de mieux voir ces anomalies magnétiques. On distingue un creux à T N2 qui peut être associé aux changements orbitaux, magnétiques et structuraux. Nos mesures d’aimantation se distinguent encore une fois des résultats sur le YVO3 par l’absence de saut discontinu de l’aimantation. On peut donc introduire la première approximation faisant prémisse à notre analyse : l’aimantation observée est essentiellement celle de l’holmium. Cela nous suggère également que cette anomalie est bien celle des Ho3+ en réponse aux changements survenant à T N2 . La deuxième 127 F ig ur e 5.8 Évolution en température de l’aimantation le long des axes b et c. Les mesures sont réalisées dans la configuration FC avec un champ appliqué de 0,1 T. F ig ur e 5.9 Inverse de la susceptibilité magnétique en fonction de la température. Les ligne bleu et rouge extrapolent respectivement la température de Curie-Weiss au-dessus de T N1 et sous T N2 . 128 observation est la présence d’une chute d’aimantation continue débutant autour de 10 K et se poursuivant jusqu’à 2 K. La dérivée dM/dT permet d’identifier deux températures 0 caractéristiques à cette tendance, soient T ∗ = 15 K et T = 4 K (voir figure 5.7 dans l’encart). La première température peut être directement reliée à la température caractéristique où des anomalies dans les phonons Raman ont été rapportées. Cette observation est également en accord avec la littérature scientifique qui rapporte une température critique autour de 0 10K [32] [43] [107]. La transition survenant à T a toutefois échappé à l’attention des études magnétiques passées réalisées dans ce composé et sa nature reste inconnue. La figure 5.8 compare l’évolution en température de l’aimantation entre l’axe b et l’axe c dans le HoVO3 . Ces deux mesures ont été réalisées dans la configuration FC sous un champ magnétique de 0,1 T. On n’y remarque pratiquement aucune différence dans le comportement et seule la valeur de l’aimantation, plus faible dans le plan que selon l’axe c, différencie la courbe d’aimantation entre ces deux axes. Le comportement en température de l’aimantation selon les deux axes est similaire au comportement en température de l’aimantation selon l’axe b rapporté par Fujioka et al. [32]. La figure 5.9 présente le comportement de la susceptibilité magnétique en fonction de la température. La droite bleu est utilisée afin d’extrapoler la température de CurieWeiss grâce à la susceptibilité jusqu’à 200 K. On obtient une température caractéristique autour de 15 K, ce qui est situé dans la plage de température où la terre rare s’ordonne magnétiquement. Cette observation combinée avec l’absence de saut visible à T N2 confirme la prémisse de notre analyse qui considère la contribution directe des V3+ comme négligeable. La température de Weiss obtenue indique également qu’à haute température, les moments magnétiques 4 f s’alignent ferromagnétiquement. Cette remarque est en contradiction avec la chute soudaine d’aimantation suggérant plutôt l’émergence d’un ordre antiferromagnétique selon l’axe a. Un premier changement de tendance est visible sous T N1 , où la courbe devient moins linéaire. Ceci est indicatif d’un couplage entre le Ho3+ et V3+ . Sous T N2 , on assiste à un changement brusque de tendance caractérisé par la droite rouge. De 40 K jusqu’à 15 K, on obtient un comportement décrit par la loi de Curie-Weiss avec une température caractéristique inférieure à -25 K. Le signe négatif indique que suite à la transition à T N2 , l’interaction des moments magnétiques de l’holmium devient antiferromagnétique. Ces résultats réflètent la complexité des interactions générant l’ordre magnétique de la terre rare. 0 Afin de mieux comprendre la nature des transitions à T et T ∗ , il faut introduire un nouvel élément dans notre étude : le champ magnétique. 129 F ig ur e 5.10 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 sous différents champs magnétiques appliqués selon l’axe b. 5.4 Comportement de l'aimantation en fonction d'un champ magnétique externe Le champ utilisé dans les mesures présentées précédemment, d’une valeur de 0,1 T, permet d’éliminer les domaines et de polariser suffisamment les moments magnétiques 4 f pour qu’ils se distinguent du moment magnétique des V3+ . Les mesures présentées dans cette section sont effectuées sous divers champs magnétiques pouvant atteindre une valeur maximale de 7 T. Celles-ci ont pour but de sonder la réponse de l’ordre magnétique de l’holmium sous l’effet d’un champ magnétique externe. Le graphique 5.10 montre le comportement de l’aimantation en fonction de la température pour différents champs magnétiques. En augmentant le champ magnétique, la chute d’aimantation disparaît graduellement pour saturer à une valeur maximale autour de 200 A·m2 /kg, ce qui correspond à 9,45 µ B 3 . Ce résultat, en contradiction avec ce qui a été rapporté par Reehuis et al.(≈6 µ B ), rejoint la conclusion des travaux publiés par Bombik et al. qui mesurent une aimantation maximale de 9,40 µ B [51] [107]. La saturation des moments magnétiques à leur valeur maximale n’est pas un phénomène systématique dans les pérovs3. La masse molaire du HoVO3 est 264 u correspondant à 4, 38 × 10−25 kg et la de Bohr valeur du magnéton est 9, 27 × 10−24 A·M2 . L’aimantation de saturation est donc 200 · 4, 38 × 10−25 / 9, 27 × 10−24 ≈ 9, 45 µ B 130 F ig ur e 5.11 Réponse de l’aimantation du HoVO3 sous différents champs magnétiques pour une température fixe. La courbe en rouge a été mesurée à 2 K alors que les courbes en noir ont été mesurées de 4 K à 80 K par incrément de 4 K. 0 F ig ur e 5.12 Tracés d’Arrot à T = 4K et T ∗ = 15K. 131 kites. Par exemple, le spin de l’holmium dans certaines matrices cristallines des manganites sature à des valeurs inférieures. Un des facteurs pouvant diminuer la valeur de saturation de la terre rare est l’intensité du champ cristallin. En effet, on se rappelle que les règles de Hund s’appliquent dans un cas idéal où les états électroniques ne sont pas sujets au champ cristallin. Dans la limite où le potentiel coulombien généré par ce champ est trop intense, il devient favorable de minimiser le volume de la densité d’états électroniques et ainsi, d’occuper le moins d’orbitales possible. Il en résulte un état où le spin total est nul ou égal à 1/2, dépendamment de la parité du nombre d’électrons occupant le niveau électronique. De plus, un fort couplage entre un champ cristallin intense et les niveaux 4 f présente souvent une anisotropie magnétique appréciable. En contraste avec nos résultats rapportant une très faible anisotropie magnétique, des études sur certains manganites multiferroïques observent une anisotropie remarquable [14] [110]. Finalement, tous ces éléments décrivent le HoVO3 comme un système ayant un champ cristallin plus faible que dans les manganites. La figure 5.11 représente la variation de l’aimantation en fonction du champ magnétique pour une température fixe. Elle permet de mieux visualiser la transition induite par le champ magnétique à faible température rapportée à la figure 5.10. Les courbes mesurées à 2 K et à 4 K présentent une aimantation nulle à faible champ qui commence à augmenter rapidement près de 1 T pour finalement saturer vers 2 T. Ce type de comportement est caractéristique d’une transition antiferromagnétique à ferromagnétique avec un champ critique Hc autour de 1,1 T. Le tracé d’Arrott (courbe M/H en fonction de M2 ) calculé avec les courbes iso0 thermes et présenté à la figure 5.12 permet de déterminer l’origine des transitions à T et T ∗ . Selon le critère de Banerjee, le signe de la pente de H/M par rapport à M2 dépend de la nature de la transition [111]. Plus précisément, un signe négatif implique une transition de premier ordre tandis que le contraire est associé plutôt à une transition de deuxième 0 ordre. Ceci permet d’affirmer que la transition à T est de premier ordre alors que la transition à T ∗ est de deuxième ordre. Le portrait du magnétisme de l’holmium selon l’axe b peut donc être décrit comme un système antiferromagnétique à très faible température 0 qui devient spontanément ferromagnétique au-dessus de T pour finir paramagnétique en chauffant au-delà de T ∗ . Le moment magnétique Ho3+ dans le régime paramagnétique reste considérablement polarisé sous T N2 par la contribution de l’ordre magnétique du vanadium. La présence d’une transition de premier ordre antiferromagnétique à ferromagnétique échappe au schéma contenu dans la théorie du champ moyen «classique». Plusieurs auteurs ont présenté des variantes de ce modèle afin de reproduire ce phénomène [112] [113] [114] [115] [116]. Par exemple, Pratt introduit un hamiltonien incorporant une interaction antiferromagné- 132 tique médiée par les électrons de conduction et une interaction ferromagnétique issue d’un processus d’échange direct. Le HoVO3 étant un isolant de Mott à basse température, il est peu probable que ce mécanisme soit exactement la cause de ce phénomène. L’hypothèse d’un couplage direct ~SV · ~S Ho est, quant à elle, rejetée pour des raisons de symétries [107] [32]. En contrepartie, il est intéressant de noter que le champ critique identifié dans nos mesures coïncide avec celui rapporté par Fujioka et al. [32]. Cette transition coïncide avec des anomalies dans l’hystérésis de la constante diélectrique à T N2 , qui est associée directement aux ordres orbitaux. Plus précisément, cette transition correspond à un champ où l’hystérésis à T N2 est complètement éliminée. On peut alors établir un lien direct entre l’ordre magnétique de l’holmium et l’ordre orbital du vanadium. La phase ferromagnétique favorise une phase orbitale ou l’autre, selon la température à laquelle le champ magnétique externe est fixé au-dessus de Hc . Cela implique que l’ordre magnétique joue un rôle au-delà de T N2 bien avant qu’il ne devienne un ordre à longue portée. En contraste avec la phase ferromagnétique, celle antiferromagnétique se modifie avec l’ordre orbital présent, créant ainsi l’hystérésis observée. Cette observation suggère néanmoins la présence d’un couplage entre la configuration du vanadium et l’ordre magnétique de l’holmium. Les mesures Raman présentées dans la section précédente soutiennent la présence d’un effet magnétostrictif causé par le magnétisme de la terre rare. Or ce phénomène peut, sous certaines conditions, provoquer une transition antiferromagnétique-ferromagnétique [116]. Le modèle présenté à la section 2.6.3 décrit les RVO3 comme une famille de composés caractérisée par la présence d’une compétition entre plusieurs interactions. Le HoVO3 est situé près de la frontière du dôme T N2 où, une faible variation des contraintes locales peut permettre à certaines régions cristallines de demeurer monocliniques, tel qu’il a été discuté dans la section 2.6.3. Cet effet magnétostrictif est suffisant pour perturber la configuration du vanadium et agit comme un couplage effectif entre la terre rare et le métal de transition. Ce phénomène s’est manifesté de manière spectaculaire à plusieurs reprises lors de ce travail en détruisant certains échantillons de HoVO3 qui étaient sous l’effet d’un champ magnétique. Cela nous mène maintenant à la question suivante : si les ordres orbitaux peuvent coexister et que l’holmium est couplé à cet ordre, est-ce qu’il existe deux ordres magnétiques de la terre rare coexistant sous T N2 ? S’il a été discuté précédemment que la coexistence des phases ait pu jouer un rôle suffisamment important sur la constante diélectrique pour fausser l’identification de T N2 de Fujioka et al., il n’est pas exclu qu’elle ait pu déjouer l’analyse des autres travaux sur le HoVO3 [32]. On se rappelle que Reehuis et al. observent une valeur de 133 F ig ur e 5.13 Évolution en température de la variation d’entropie magnétique sous divers champs magnétiques dans le HoVO3 . saturation de l’holmium significativement plus faible que celle observée dans nos mesures et celles de Bombik et al. [51]. Une autre curiosité méritant notre attention est le fait que Bombik et al. n’observent pas de réorientation des spins du vanadium à T N2 [107]. Ces incohérences nous mènent à considérer sérieusement l’hypothèse qu’il puisse exister des mécanismes menant à la coexistence des phases de la terre rare. 5.5 Propriétés magnétocaloriques du HoVO3 La figure 5.13 illustre l’évolution de la variation d’entropie magnétique (−∆S) 4 en fonction de la température pour différents champs magnétiques. L’utilisation de la relation de Maxwell (voir équation 3.15) pour calculer la variation d’entropie est validée par l’absence d’hystérésis magnétique observée à faible température. Pour une variation du champ magnétique inférieur à 3 T (0-3 T), on remarque une variation −∆S négative dans la région faible température. Le phénomène observé correspond à un effet magnétocalorique négatif, effet où le composé se refroidit sous l’effet d’un champ magnétique. Cette variation est reliée à la disparition de la phase antiferromagnétique, phase magnétique correspondant à l’état 4. Curieusement, la littérature définit la variation d’entropie comme étant égale à −∆S. Ce travail se conforme à cette notation particulière et dans la section qui suit, il faut sous-entendre le signe négatif devant ∆S. Ainsi, si j’écris que la variation d’entropie augmente, elle diminue en réalité et vice-versa... 134 F ig ur e 5.14 Évolution de −∆S en fonction du champ magnétique aux trois températures 0 critiques, soient T , T ∗ et T N2 . F ig ur e 5.15 Comparaison entre les valeurs RC rapportées dans certains manganites et celle mesurée dans le HoVO3 sous un champ magnétique de 7 T [16] [117] [118] [119]. 135 F ig ur e 5.16 Évolution en température de l’aimantation du HoVO3 et du HoMnO3 obtenue avec un champ de 7 T. F ig ur e 5.17 Évolution en température de la variation d’entropie du HoVO3 et du HoMnO3 obtenue avec un champ de 7 T appliqué le long de l’axe facile. 136 Composés/champs magnétiques Tmax (K) ∆Smax (J/Kg K) Tad (K) RC (J/Kg) Gd / 5 T 300 10 11,4 600 HoVO3 axe b/ 7 T 15 17,9 23,5 620 HoMnO3 axe c/ 7 T [120] ≈ 10 13,1 6,5 382 HoMn2 O5 axe b / 7 T 10 13,1 N.D. 334 HoPdIn / 7 T [121] 23 17,7 7 635 ErMn2 Si2 / 5 T [122] 4,5 25,2 12,9 635 ErRuSi / 5 T [123] 8 21,2 N.D. 416 DySb / 7 T [124] 11 20,6 N.D. 144 TmGa / 5 T [125] 15 20,6 5 149 TmCuAl / 5 T [126] ≈7 24,3 9,4 371,7 EuSe / 5 T [127] ≈5 37,5 N.D. 581 TbGa / 7 T [128] 25/113 10,8/8,1 N.D. 900 Ta b le 5.2 Propriétés magnétocaloriques de certains matériaux étudiés dans la littérature fondamental, au profit de la phase ferromagnétique. La plage de champ où s’effectue ce changement suggère la présence d’une phase métamagnétique autour de 1,5 T où coexistent l’ordre ferromagnétique et l’ordre antiferromagnétique. Le comportement de la variation 0 d’entropie en fonction du champ magnétique à T est illustré à la figure 5.14. En augmentant le champ de 0 T à 1,5 T, on observe une hausse de la variation d’entropie. La phase ferromagnétique émerge de l’ordre antiferromagnétique et gagne en volume. Autour de 1,5 T, on retrouve cette phase métamagnétique où les ordres ferromagnétique et antiferromagnétique coexistent en proportions égales. À plus haut champ, la phase ferromagnétique continue de croître aux dépens de la phase antiferromagnétique. La variation d’entropie se remet à augmenter pour retrouver une valeur négative lorsque la phase antiferromagnétique a complètement disparu. À un champ supérieur à 3 T, on retrouve une valeur −∆S qui augmente très légèrement, tendance indiquant que le système s’est stabilisé dans le régime ferromagnétique. Les deux autres caractéristiques de la courbe −∆S en fonction de la température sont le pic localisé autour de T ∗ , correspondant à la diminution d’entropie associée à la transition de paramagnétique à ferromagnétique, et un deuxième pic autour de T N2 où survient le 137 changement orbital, magnétique et structural. Les valeurs maximales de variation d’entropie autour de 15 K sont évaluées autour de 15 J/(kg K) et 18 J/(kg K), sous l’effet de variations de champs magnétique appliqué respectifs de 5 T et 7 T. Ces valeurs sont similaires à la variation d’entropie rapportée chez les manganites RMnO3 (R = Tb, Ho, Dy) et beaucoup plus grande que celle du TmMnO3 [16] [117] [118] [119]. L’évolution de −∆S en fonction du champ magnétique à ces deux températures se distingue subtilement. Alors que −∆S à T 0 augmente en H 2 au moins jusqu’à 7 T, −∆S à T ∗ commence lentement à saturer au-dessus de 3 T. Il en résulte que −∆S autour de T N2 rejoint lentement la valeur de −∆S à T ∗ . Ceci joue un rôle critique dans la capacité de réfrigération magnétique de ce composé. Il est intéressant de souligner que les oxydes RVO3 possèdent une très faible chaleur spécifique à faible température [24] [29] [129] [67]. Dans le DyVO3 par exemple, qui présente un moment magnétique 4 f considérable, on rapporte une chaleur spécifique en dessous de 3,2 J/(mole K) sous 10 K [67]. La large valeur de variation d’entropie combinée avec une faible chaleur spécifique sont les ingrédients essentiels pour obtenir une température adiabatique ∆Tad élevée (voir section 3.5.2). En utilisant la chaleur spécifique du YVO3 , on peut estimer sa valeur, qui est exceptionnellement élevée dans cette gamme de température. En effet, nous obtenons une valeur ∆Tad atteignant respectivement 15,5 K et 23,5 K sous des champs magnétiques de 5 T et 7 T. Or, ces valeurs sont significativement plus élevées que la température adiabatique observée dans le Dy0.25 Et0.75 Al2 , composé faisant figure de composé modèle dans les matériaux magnétiques réfrigérants à basse température. Sa température adiabatique s’élève seulement à 11 K sous un champ magnétique de 7,5 T [130]. Les valeurs affichées ici restent néanmoins approximatives puisqu’aucune mesure de la chaleur spécifique du HoVO3 , réalisée sous et sans champs magnétiques, n’a été publiée jusqu’à ce jour dans la littérature scientifique. Nous explorons davantage les propriétés magnétocaloriques et le potentiel du HoVO3 en calculant sa capacité de réfrigération (RC) grâce à l’équation 3.26 et en le comparant avec le RC rapporté dans certains manganites dans la littérature scientifique. Ces valeurs, obtenues avec une variation de champ de 7 T, sont présentées dans la figure 5.15. Pour un champ atteignant une valeur de 5 T, on obtient un RC égal à 400 J/kg tandis qu’on obtient un RC de 620 J/kg sous un champ de 7 T. Ces valeurs surpassent les valeurs RC rapportées dans les manganites dans la même plage de température [16] [117] [118] [119]. La puissance relative de réfrigération (RCP) du HoVO3 calculée grâce à l’équation 3.27 s’élève à 534 J/kg et 800 J/kg, sous un champ respectivement égal à 5 T et 7 T. À titre comparatif, la valeur RC obtenue dans le HoMnO3 vaut seulement 382 J/kg sous 7 T. Le RC de l’holmium est 138 donc augmenté de plus de 62 % de sa valeur dans le HoMnO3 , changement qui démontre l’importance de l’environnement de l’holmium sur les capacités de réfrigération magnétique des oxydes le contenant. La figure 5.16 compare l’évolution en température de l’aimantation du HoVO3 et du HoMnO3 sous un champ magnétique de 7 T. Tel que discuté précédemment, le champ cristallin plus fort dans les manganites empêche le spin de l’holmium de se polariser complètement à faible température. Ceci est la raison pour laquelle le spin de l’holmium plafonne seulement à 165 Am2 /kg, ce qui correspond à 8 µ B , alors qu’il sature à 9,4 µ B dans le HoVO3 . Cependant, cette différence de polarisabilité de l’holmium ne garantit pas une variation d’entropie plus élevée, tel qu’on peut le constater à la figure 5.17, figure illustrant la variation d’entropie en fonction de la température de ces deux composés sous un champ magnétique de 7 T. On remarque en effet que le pic de variation d’entropie à faible température est plus grand dans le HoMnO3 que dans le HoVO3 . Ce n’est donc pas la transition de l’ordre paramagnétique à l’ordre ferromagnétique qui permet au HoVO3 de se démarquer devant ses cousins les manganites. L’élément en question est visible à T N2 , température où survient la transition structurale en plus de la réorientation des orbitales et des spins du vanadium. Le pic de variation d’entropie résultant de ce changement contribue significativement à l’élargissement du pic de variation d’entropie et améliore considérablement le RC du HoVO3 . La valeur RC du HoVO3 est comparable, sinon supérieure, au RC des meilleurs matériaux intermétalliques (voir tableau 5.2). En plus d’excellentes propriétés magnétocaloriques, le HoVO3 présente des caractéristiques recherchées dans les technologies de la réfrigération magnétique, telles qu’une bonne résistance à la corrosion et à l’oxydation. Mentionnons également que ce composé est un isolant de Mott à basse température, lui conférant une grande résistivité limitant les pertes d’énergie par les courants de Foucault. Tous ces traits favorables permettent à ce composé de figurer dans le domaine de la réfrigération magnétique parmi les meilleurs composés découverts jusqu’à maintenant. Ce résultat démontre que l’exploitation du couplage entre les spins de la terre rare et les électrons du métal de transition, qui présente une température critique plus élevée que celle de la terre rare, est une stratégie prometteuse pour la découverte d’oxydes présentant un RC exceptionnel. Ceci motive non seulement l’étude des propriétés magnétocaloriques d’autres vanadates, tels que le ErVO3 , le DyVO3 et le TbVO3 , mais également d’autres matériaux présentant une physique similaire. Conclusion 139 Chapitre 6 Conclusion Les RVO3 forment une famille de matériaux fort complexe où deux phases orbitales, magnétiques et structurales sont en compétition. La première section survole la littérature scientifique sur cette famille de composés afin de mettre en contexte le rôle critique de cette compétition dans les résultats expérimentaux. Cette section prépare le terrain pour le troisième chapitre qui est le coeur de cette thèse. La deuxième partie est un bref intermède où l’arsenal expérimental utilisé pour produire les résultats présentés dans cette thèse est visité. Des précisions sur le montage optique Raman, le montage optique infrarouge et le magnétomètre accompagnées de détails sur la technique de croissance cristalline y sont apportées. Le tout est accompagné de calculs permettant d’extraire les propriétés magnétocaloriques des mesures d’aimantation afin d’évaluer le potentiel d’un composé pour la réfrigération magnétique. Armés d’un montage optique exceptionnel, nous nous attaquons à la problématique de cette compétition en sondant la dynamique du réseau dans les RVO3 à travers son riche diagramme de phase des températures critiques en fonction du rayon de la terre rare. En plus d’apporter des mesures Raman de haute qualité inédites dans les RVO3 (R=Y,Ho,Yb et La), nous présentons une analyse quantitative permettant de mieux comprendre l’effet des ordres orbitaux et magnétiques sur le réseau dans ce composé. Ces efforts nous permettent d’établir un lien entre la polarisabilité anormale des multiphonons et le couplage entre le réseau et les orbitales. Cette idée, présentée dans la littérature scientifique, montre que certains mécanismes physiques sont partagés entre les vanadates et les manganites [131]. Notre travail donne un deuxième regard sur la coexistence des phases, initialement étudiée par 140 141 diffraction des rayons X, en la mettant en lumière dans le LaVO3 et le YVO3 , deux matériaux où ce phénomène n’avait jamais été observé directement. Ces résultats publiés proposent de réviser le diagramme de phase des RVO3 dans la région à faible et à grand rayon de la terre rare [132]. Finalement ce chapitre souligne l’influence de la terre rare dans les RVO3 en comparant les spectres Raman du YVO3 et du HoVO3 . En plus d’observer une anomalie dans certains phonons autour de 11 K dans le HoVO3 , nous observons plusieurs différences à plus haute température qui sont attribuées au couplage entre les moments magnétiques de la terre rare et le réseau. Ce travail trouvera en temps et lieu sa place dans la littérature scientifique, où il pourra servir de matière première pour l’élaboration d’une théorie plus complète des RVO3 incorporant le couplage entre les états électroniques 3d et 4 f . La section entière se veut une fresque décrivant les RVO3 comme un système dans un équilibre précaire, système où des forces normalement négligeables (par exemple des défauts) peuvent devenir critiques dans la détermination de son état fondamental et influencer considérablement sa physique. Le dernier chapitre est une étude des propriétés électroniques et magnétiques de la terre rare dans le HoVO3 . Une étude réalisée par spectroscopie infrarouge en configuration transmittance ouvre ce chapitre en sondant les transitions électroniques 5 I8 → 5 I7 à diverses températures. Une analyse détaillée révèle des changements autour de 12 K, discrets mais significatifs, qui sont attribuables à l’ordre magnétique de la terre rare se manifestant dans cette gamme de température. Le résultat le plus important est la transformation significative et soudaine du spectre de transmittance à T N2 , transformation qui reflète la présence d’un couplage considérable entre la terre rare et son environnement. Ce scénario est également appuyé par la présence d’excitations identifiées comme des vibroniques et dont l’origine provient d’un couplage entre les états électroniques de la terre rare et le réseau cristallin. Le seul travail abordant les états électroniques 4 f de l’holmium est celui réalisé par Benckiser et al. qui en discute très superficiellement. Puisque leur travail n’est pas spécifiquement axé sur ces états électroniques, leurs résultats, constitués de spectres de conductivité optique, ont une résolution thermique et énergétique médiocre. Cette étude constitue donc une brève excursion en terra incognita en établissant les bases qui serviront de fondement pour des études plus détaillées. On poursuit le chapitre en présentant une étude des moments magnétiques de la terre rare dans le HoVO3 en fonction de la température. On y observe entre autres une anomalie à T ∗ corrélée à celle présente dans certains phonons observés en Raman. Cette corrélation confirme la présence d’un effet magnétrostrictif induit par l’ordre magnétique de l’holmium 142 à T ∗ . Ce travail clarifie davantage le magnétisme de la terre rare en détectant entre autres une température critique autour de 4 K qui n’est pas rapportée dans la littérature. Les calculs d’effets magnétocaloriques présentés ici et dans la littérature démontrent que le HoVO3 , via l’interaction complexe entre la terre rare et le réseau mise en valeur par la diffraction Raman, est un bon candidat pour la conception d’appareils de réfrigération magnétique à faible température [118]. Cette thèse dépasse donc le cadre de la recherche fondamentale en proposant des applications concrètes aux composés étudiés. La présente thèse, en plus d’apporter ces contributions à la littérature scientifique, a préparé le terrain en posant certaines idées et hypothèses qui feront l’objet d’études plus détaillées dans le futur. Il a été démontré dans cette thèse que la spectroscopie Raman est un excellent outil pour sonder la coexistence des phases. Ainsi, la coexistence des phases dans les vanadates pourra être élargie à d’autres RVO3 comme le DyVO3 et le SmVO3 afin de mieux comprendre les mécanismes derrière ce phénomène. L’ajout de champs magnétiques à ces mesures pourra également nous permettre de mieux saisir l’effet du moment magnétique de la terre rare sur cet état. L’étude des propriétés magnétocaloriques des oxydes multiferroïques est également un champ relativement inexploré qui méritera certainement notre attention dans le futur. Ces idées ont d’ailleurs déjà mené ou mèneront à des résultats intéressants [110] [133]. Tous ces travaux futurs seront susceptibles d’apporter de nouveaux éléments qui permettront de mettre en lumière davantage les vanadates, famille de composés qui présente encore plusieurs aspects sombres qui échappent toujours à notre compréhension. Bibliographie [1] D. Khomskii. Physics 2(20) (2009). [2] B. Lorenz. Condensed Matter Physics Volume 49(7073) (2013). [3] P. Curie. J. Phys. (Paris) Colloq. 3(393) (1894). [4] L.D. Landau et E.M. Lifshitz. Electrodynamics of continuous media. Moscow, (1959). [5] I.E. Dzyaloshiskii. Sov. Phys. JETP 10(3), 628 (1960). [6] D.N. Astrov. JETP 11, 708 (1960). [7] H. Schmid. Ferroelectrics 162, 317 (1994). [8] N.A. Hill. J. Phys. Chem. B 104(29), 6694 (2000). [9] D.I. Khomskii. Bull. Am. Phys. Soc. C 21.002 (2001). [10] J. Wang, J.B. Neaton, H. Zheng, V. Nagarajan, S. B. Ogale, B. Liu, D. Viehland, V. Vaithyanathan, D.G. Schlom, U.V. Waghmare, N.A. 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