Comment aborder la gestion des peuplements d`insectes en France

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ARTICLE
Comment aborder la gestion des peuplements
d’insectes en France ?
Jean-Jacques BIGNON*
Résumé
Dans un souci de préservation de la biodiversité planétaire et à l’instar des autres classes animales et végétales, il a été confié aux
gestionnaires de milieux naturels d’intégrer les insectes dans les plans de gestion. Une tâche difficile qui doit prendre en compte
non seulement la richesse spécifique des insectes mais aussi toutes les relations intra et inter spécifiques, animales et végétales.
Après le rappel des principaux traits biologiques des insectes, l’auteur définit une méthode d’analyse de la structure des peuplements d’insectes, une vision plus large qui cherche à mettre en évidence la diversité d’un système et l’évolution spatio-temporelle
des peuplements. Il relève les limites de la méthode et notamment la pertinence des relevés face aux disséminations des insectes
dans les écosystèmes. La notion globale d’analyse des écosystèmes d’une part et les modalités de gestion d’autre part sont discutées dans le contexte sociétal dans lequel elles seront mises en place. La recherche d’un outil simple d’évaluation et de mise en
place efficace adapté et concerté dans le cadre du développement durable semble être fondamental pour que les insectes « ordinaires » parmi lesquels vit l’Homme tous les jours soient aussi pris en compte dans les aménagements.
Mots-clés : gestion, biodiversité, sociétal, entomologie, stratégie d’échantillonnage, développement durable, spatiotemporelle, dissémination.
Introduction
Actuellement, les plans de gestion sont élaborés indépendamment pour les plantes, les amphibiens, les reptiles, les oiseaux, les
mammifères et maintenant les insectes. Pour ce qui concerne la
conservation des insectes dans les biotopes français, il convient de
s’interroger sur le choix des critères retenus actuellement par les
gestionnaires d’espaces naturels à entretenir et à savoir si la sélection de certaines espèces dites « patrimoniales » contribue réellement au renforcement ou même au seul maintien de la diversité
biologiques. Cet « élitisme entomologique », en négligeant le reste
de l’entomofaune ne conduit-il pas à sous-estimer l’importance
des relations qui s’établissent entre les différents groupes d’insectes et donc à ne pas prendre en compte la véritable diversité
biologique ?
Aussi, les plans de gestion durables ne devraient-ils pas prendre
en considération l’ensemble de l’entomofaune en tenant compte de
la spécificité de ce groupe dont les caractéristiques ne se déclinent
pas forcément comme les autres classes de l’histoire naturelle ?
Dans cette optique, nous nous proposons de définir une méthode
d’analyse des peuplements d’insectes qui permette de dresser une
image la plus représentative possible de leur présence et de leur
rôle dans les différents biotopes étudiés.
Chaque insecte comme tout être vivant
évolue dans l’espace et dans le temps.
La mise en évidence de la structure des
peuplements et le rôle intra et interspécifique joué dans l’écosystème peuvent
être abordés par la distribution des
insectes dans l’espace. Un des critères
non négligeable à évaluer dans les
études est le déplacement et notamment celui de la dissémination passive
des insectes.
La dissémination des
insectes dans le temps
et l’espace
Les déplacements actifs et la dissémination passive représentent l’origine
de la distribution des organismes dans
les écosystèmes.
Les déplacements actifs
Les insectes ne se distribuent pas au hasard dans la nature mais
selon des critères connus (ou encore inconnus d’ailleurs) qui les
différencieront les uns des autres. Ils deviendront par conséquent
des indicateurs biologiques d’un ou plusieurs critères donnés.
Les déplacements actifs résultent
d’une action comportementale de l’insecte. La distribution de ces insectes
dans un habitat donné se fait dans des
valeurs limites selon des facteurs abiotiques (température, rayonnement, air,
eau, pression, sels, substrats…) ou biotiques (ressource trophique, relation
inter et intra spécifique) et des effets stimulants des facteurs attractifs et répulsifs (notions de stimuli et de taxies positive ou négative - thermotaxie, phototaxie, rhéotaxie, anémotaxie…).
Beaucoup d’insectes à anémotaxie
négative sont emportés par des vents
soudains et violents puis transportés sur
de grandes distances loin de leurs habitats : pucerons, coccinelles, punaises,
carabes, papillons... Des observations
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La distribution des insectes dans
l’espace et le temps
Lorsque nous devons apporter un diagnostic entomologique
d’une station donnée, le premier travail est de dresser l’inventaire
des espèces, basé sur la présence-absence. Il est évalué au cours
d’une ou plusieurs journées choisies en fonction de la disponibilité
des personnes en charge du diagnostic. Cet inventaire restera bien
souvent la seule image reflétant le peuplement d’insectes de la station en omettant d’évaluer la taille des populations, les relations
inter et intraspécifiques, les cycles de développement, etc.
L’objectif d’une étude entomologique sera donc de réunir la faunistique et l’écologie.
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4500
Altitude au-dessus
du niveau de la mer (mètres)
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
Hymenoptera
Diptera
Homoptera
Hemiptera
Coleoptera
Lepidoptera
Trichoptera
Mecoptera
Neuroptera
Thysanoptera
Psocoidea
Ephemerida
Isoptera
Orthoptera
Odonata
0
Groupes taxinomiques
Figure 1. Distribution verticale du plancton aérien (d’après GLICK, 1939).
personnelles sur les Diptères Syrphidae
ont montré une distribution régulière
des espèces selon les heures de la journée au point que certaines espèces ne
sont visibles que le matin et d’autres
uniquement l’après-midi. Ces présences distinctes sont corrélées à un
ensemble de variations de critères
simultanés d’ordre physique (caractères microclimatiques de la station…)
et biologique (activité des osmophores
des plantes, transpiration…).
Les migrations sont définies comme
un déplacement régulier entre des lieux
représentant des alternatives dont habituellement une seule correspond au
lieu de reproduction. Dans un sens plus
large, une migration peut désigner tout
déplacement important d’animaux.
Nous citerons pour mémoire la migration spectaculaire des papillons connus
sur de grands territoires Vanessa cardui
et Vanessa atalanta (Lepidoptera
Nymphalidae), Agrius convolvuli et
Acherontia atropos (Lepidoptera
Sphingidae), ou encore des libellules
Sympetrum, Crocothemis, (Odonata
Libellulidae),
Anax
(Odonata
Aeshnidae)… et les migrations moins
connues des diptères Syrphidae,
Stratyomyiidae, Tabanidae sur des territoires à l’échelle régionale, dont certaines sont spectaculaires en été et en
automne sur les cols des montagnes.
Les migrations s’effectuent aussi sur
des espaces plus restreints comme les vallées où les migrants
(Coleoptera Coccinellidae) recherchent leur quartier d’hiver.
Hormis le fait que ces migrations sont à prendre en compte dans
les études, elles ne représentent qu’un aspect secondaire de la distribution des insectes dans un biotope donné.
Déplacements passifs ou dissémination passive
Le plancton aérien est formé d’une quinzaine d’ordres d’insectes
(figure 1). Si pour la plupart des ordres, les insectes sont transportés depuis le niveau de la mer jusqu’à 1 500 m d’altitude, les
Diptères, les Hyménoptères et les Homoptères, qui en forment la
partie essentielle, peuvent s’élever à plus de 4 000 mètres d’altitude.
La distribution spatiale des organismes est grandement influencée par des déplacements d’ordre passif. Cette notion est peu
abordée dans l’interprétation des résultats et son importance ne se
limite pas qu’aux zones ventées des crêtes montagneuses ou des
zones littorales mais aussi aux petites vallées soumises au vent.
Les vents ascendants transportent les insectes vers les sommets.
Les milliards d’ insectes transportés au printemps (hémiptères,
diptères, pucerons) servent de nourriture aux insectes carnassiers
des régions hautes (beaucoup de Carabiques ailés dont les
Nebria). Les transports aériens peuvent s’effectuer sur de très
longues distances, de quelques dizaines de km à plusieurs centaines de km.
Une étude conduite sur le peuplement de diptères des pelouses
calcaricoles du Mont d’Hubert au Cap Blanc Nez dans le Pas-deCalais (BIGNON et al., 1999) met en évidence une forte diversité
due en partie à l’action du vent en tant qu’agent de dissémination
des familles d’insectes. L’étude de cette diversité a montré une
forte présence d’insectes complètement étrangers aux biotopes littoraux.
Beaucoup d’insectes ont des appendices adaptés au transport
par le vent. Lymantria monacha (Lepidoptera, Lymantriidae) pos-
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sède au premier stade de sa vie larvaire de longues soies qui lui
permettent d’être plus facilement transporté par le vent. Les Adeles
(Lepidoptera) se laissent portées par les antennes alors que ce sont
les pattes et les cerques qui jouent ce rôle chez les Ephémères.
Dans le cadre d’évènements exceptionnels comme les crues, la
macrofaune benthique d’une rivière à courant rapide peut être
transportée brutalement de l’amont vers l’aval. Quant aux insectes
terrestres emportés par le vent, qui chutent à la surface de l’eau, ils
dérivent vers les berges au gré des courants et des vents de surface.
Si les imagos (la forme la plus visible) représentent la masse la
plus importante du plancton, les œufs et les petites larves peuvent
aussi être emportés par les vents.
Cette dissémination par le vent et par l’eau conduit à deux effets
écologiques importants : celui d’apporter la ressource trophique
aux peuplements d’insectes autochtones et celui de permettre à
certaines espèces d’envahir des milieux nouveaux et d’élargir ainsi
leur aire de répartition géographique.
Nous nous rendons bien compte qu’un observateur face à un biotope est assez démuni dans la définition de l’image d’un peuplement d’insectes. Nous devrions savoir séparer les espèces autochtones des espèces allochtones.
Les relations intra et interspécifiques
Les êtres vivants se développent ensemble en s’imposant, à des
degrés divers, des niveaux de relation diversifiés pour le partage de
la ressource trophique dans l’espace et dans le temps. Chaque
espèce est représentée par une expansion limitée et par une population dont l’effectif varie au cours du temps. Que ce soit dans une
population ou dans un peuplement, les individus interagissent dans
des formes de vie complexes et diversifiées.
Parmi les relations intraspécifiques, les individus forment des
colonies ou des sociétés organisées et structurées par un système
de communication parfois très sophistiqué dans la construction de
l’unité sociale. Les individus peuvent être abondant localement
(cas des Apoïdes et des Vespides).
Parmi les relations interspécifiques, si on excepte l’amensalisme,
le mutualisme et la symbiose, les relations entre individus sont soit
bénéfiques, soit maléfiques. Les individus entrent en concurrence
pour l’habitat et en compétition pour les ressources.
Au moment où l’on parle tant de biodiversité, le parasitisme est
un modèle particulier de relation interspécifique qu’il nous semble
important de prendre en compte, tellement les formes parasitaires
et les cycles de développement sont nombreux. Le parasitisme qui
touche les insectes fait appel à quatre cycles parasitaires (cycle à
un, deux, trois ou quatre hôtes) dont on distingue, pour chacun
d’eux, les ectoparasites, les mésoparasites, les endoparasites et les
parasitoïdes (insectes entomophages qui appartiennent essentiellement aux Hyménoptères et aux Diptères). La stratégie parasitaire
repose sur trois stades : l’infection qui suit la rencontre hôte-parasite, le maintien en vie du parasite et la reproduction avant la dispersion. Cette stratégie fait intervenir chez le parasite des adaptations spécifiques complexes comme la reproduction asexuée,
l’adaptation aux conditions de vie (aquatique, anoxique, saline),
aux transformations morphologiques du corps, à l’exploitation du
système de communication intraspécifique de l’hôte, aux effets
inhibiteurs… Cette coévolution oblige les uns et les autres à modifier en permanence les processus pour mieux profiter ou pour
mieux se défendre.
espèces recensées dans le monde et les
estimations les porteraient à 800 000
espèces.
Une autre originalité de certaines
espèces parasites est d’effectuer leur
cycle de développement sur un hôte
végétal. Les curieuses déformations
végétales ou galles sont souvent
l’oeuvre d’insectes. Les galles se manifestent par l’hypertrophie des tissus du
végétal due à des modifications du
métabolisme enzymatique provoquées
par
des
Coléoptères,
des
Hyménoptères, des Diptères, des
Lépidoptères, des Hémiptères, des
Orthoptères, des Névroptères… Plus de
2 000 espèces d’insectes sont zoocécidogènes.
La coévolution des insectes-parasitoïdes ou insectes-plantes, traduit une
diversité de formes adaptatives complexes qui demandent certainement de
les intégrer dans la biologie de la
conservation et précisément dans la
description des peuplements d’insectes.
Autres critères
d’appréciation
Nous rappelons, pour mémoire au
gestionnaire, que d’autres aspects de la
vie des animaux existent et que cela
devrait l’éclairer dans la tâche qui lui
est confiée en prenant le recul nécessaire dans son approche du milieu
naturel avant toute intervention, s’il
souhaite répondre positivement à la
protection de la diversité biologique.
Les conditions mêmes de vie de certaines espèces grégaires ou individuelles à faible déplacement (larves et
imagos) rendent difficile l’échantillonnage. Les espèces à faible déplacement, peu visibles, demandent un effort
particulier d’observation et une bonne
connaissance de leur biologie. Leur
présence est bien sûr plus difficile à
mettre en évidence.
Très abondants, ces parasitoïdes à biologie complexe participent
donc de manière active à l’équilibre biologique, une sorte de dynamique des écosystèmes. Les parasitoïdes représentent 8,5 % des
Dans les biotopes soumis aux phénomènes climatiques drastiques (vent
fort, neige persistante) ou bien à l’altitude, la morphologie et l’anatomie des
adultes peuvent être complètement
modifiées jusqu’à la perte totale de
l’aptitude au vol comme a pu le montrer BRUNHES (1984) chez les
Limoniidae et les Tipulidae (Diptera
Nematocera)
des
tourbières
d’Auvergne ou les femelles montrent
une forte réduction alaire et un développement important des ovaires. Un
autre exemple, au Cap Blanc Nez
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(BIGNON et al., 1999 ) met en évidence de nombreux cas de réduction
alaire chez des diptères et des hyménoptères.
Enfin, le dynamisme de la végétation,
à l’origine de la disparition ou de l’apparition d’espèces nouvelles d’un lieu
donné par transformation des conditions écologiques et biologiques du
système, ne doit pas être ignoré.
Jusque là, notre discussion n’a porté
que sur les adultes et imagos. Jamais,
il n’a été question de larves et pourtant,
elles peuvent être souvent de bien
meilleurs indicateurs de conditions de
milieu que les adultes. En de bien rares
cas, les larves sont prises en compte
dans les études, de la microfaune des
sols, des parasites des cultures, des
indices biologiques... L’étude des
larves est largement plus difficile et leur
biologie est bien moins connue. Les
échantillonnages sont fastidieux, moins
usités et les identifications délicates. Et
pourtant, l’interprétation est beaucoup
plus pertinente lorsque la vie des larves
et des adultes est connue.
D’autres sujets pourraient être abordés, comme la diversité des modes de
reproduction, la longévité larvaire, le
stade biologique par lequel certaines
espèces passent la mauvaise saison
(depuis l’œuf jusqu’à l’adulte).
En conclusion, nous nous apercevons que les critères que nous venons
de citer remettent en cause le fondement basé sur la seule protection de
quelques espèces et montrent à quel
point la diversité ignorée des espèces
parasites est importante. En revanche,
la dissémination passive peut induire
des biais dans la présence d’insectes en
les comptabilisant à tort dans les inven-
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taires. La question de l’indigénat des espèces est à retenir. Il paraît
difficile de placer tous les insectes à un même niveau. Un indice
biologique pourrait être attribué aux espèces connues à partir de la
complexité des formes de vie.
Définition de la méthode d’évaluation du
peuplement d’insectes dans les habitats
Lorsqu’un observateur tente d’estimer la diversité d’un peuplement, il ne lui est pas aisé de trouver d’emblée la méthode pour en
dresser la meilleure image possible. Si l’observation visuelle est le
moyen le plus rapide, elle ne lui permet pas d’apporter un résultat
complet tant il est biaisé par plusieurs facteurs humains (acuité
visuelle, audition, réflexes), par le mouvement de fuite des insectes
qu’il provoque en les observant et aussi par sa spécialité puisqu’il
ne saura pas être bon chasseur pour tous les groupes représentés
dans un biotope. Il arrivera néanmoins à dresser un inventaire des
espèces donnant une première idée de l’entomofaune. Mais l’entrée « espèce » n’est à mon sens pas suffisante pour en déduire des
recommandations de gestion. Pour éviter de faire de l’élitisme sur
tel ou tel groupe d’insectes, nous avons choisi de mettre en place
une méthode qui échantillonne sans distinction toutes les espèces.
L’optimisation d’une étude entomologique doit nécessairement
passer par une notion d’efficacité car l’étude doit aboutir dans des
délais impartis, avec des moyens limités. Pour répondre à cette
optimisation, la méthode basée sur le compromis a été choisie
pour échantillonner de façon modérée, tant du point de vue qualitatif (espèces présentes) que du point de vue quantitatif (abondances respectives).
Le principe repose sur l’échantillonnage des insectes volants et
des insectes marcheurs à partir d’un piège attractif pour les premiers, et d’un piège d’interception pour les seconds.
Les techniques de récolte
L’échantillonnage s’effectue de deux manières différentes. Le
repérage à vue et le piégeage. Dans le premier cas l’aspect qualitatif est privilégié alors que dans le second cas les deux aspects
sont confondus. Le repérage à vue donne la première approche des
lieux et permet de choisir les stations où les pièges seront finalement installés.
L’avantage des piégeages est de fonctionner en continu 24h/24.
Ils informent sur la densité et sur l’activité des populations en place.
Les pièges récoltent un grand nombre d’individus répartis dans de
nombreuses familles d’insectes. Cette technique est facile d’utilisation et peu coûteuse, ce qui est loin d’être négligeable lorsque
plusieurs répétitions sont à mettre en place ou encore lorsque plusieurs stations doivent être installées simultanément pour la comparaison de peuplements d’habitats. La surface des piéges étant
connue, il est aussi possible d’estimer la biomasse. Les pièges utilisés sont le pot Barber (photographie 1) et le piège de Moericke ou
plateau coloré (photographie 2).
Le piège d’interception capture les insectes marcheurs au sol au
hasard de leurs déplacements sans agir sur leur comportement
(photographie 1). Appelé pot Barber (RIVARD, 1962), il consiste
en une petite cuvette sphérique en plastique marginée de 9,5 cm
de diamètre sur 7 cm de profondeur dont le tiers est rempli d’un
liquide conservateur (monoéthylène glycol). Cette petite cuvette
mobile est glissée dans une boîte de conserve fixe, enterrée, à diamètre légèrement supérieur. Un petit toit protége le piège des
intempéries.
Photographie 1. Le piège d’interception ou le
pot Barber.
Le plateau coloré ou piège de Moericke est un bac carré en plastique de 30 cm de côté (27cm intérieur) d’une hauteur de 10 cm
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Le choix des stations
Les stations sont choisies en fonction
de l’objectif de l’étude et après une
observation méticuleuse du biotope.
L’opérateur recherche des stations
homogènes aux surfaces suffisamment
grandes pour assurer plusieurs répétitions. Un relevé floristique et une description phytosociologique de la végétation sont vivement recommandés.
Périodicité des relevés et
époque de piégeage
Photographie 2. Le piège attractif, le piège de Moericke ou plateau coloré, au
sol et à 1 m.
recouvert d’une peinture jaune de référence SIGMA formule
Chinolith Base 3058 + 606-7. Le domaine spectral de diffusion se
situe entre 400 et 700 nanomètres. Le maximum d’efficacité de
capture a été obtenu par la couleur jaune (ROTH, 1964). Les plateaux sont remplis au 3/4 d’eau additionnée de quelques gouttes
de Teepol (une substance indispensable pour supprimer la tension
superficielle de l’eau afin d’assurer la noyade immédiate de l’insecte).
La périodicité des relevés dépend de
l’objectif de l’étude, de la disponibilité
du récolteur, des conditions climatiques… Elle doit permettre d’effectuer
d’éventuels cumuls de données sur plusieurs semaines afin de travailler à différentes échelles d’observation temporelle (BRUNEL, 1987). Comme les
insectes doivent être récoltés dans de
bonnes conditions, le relevé hebdomadaire convient assez bien sauf dans le
cas de fortes températures où les plateaux colorés s’assèchent très vite. Il
est prudent alors d’intervenir deux fois
par semaine. Le relevé des pièges doit
se faire à date fixe pour obtenir des
La stratégie d’échantillonnage
Le plan d’échantillonnage met en évidence la
variation de trois facteurs : la distribution spatiale,
temporelle (n relevés selon un pas d’échantillonnage
d’une semaine) et les stades de maturité des peuplements par station (juvénile, intermédiaire, mature).
Choix du dispositif de piégeage
Les pots Barber sont disposés au sol pour capturer
les « marcheurs ». Les plateaux colorés sont disposés
au sol et à un mètre de hauteur pour échantillonner
les individus « volants ». Le principe est de capturer
les individus à deux niveaux de la strate de végétation et d’intégrer les variations de hauteur de la strate
herbacée.
Une unité de piégeage comprend plusieurs pièges
par station (répétition). Un tel dispositif est mis en
place afin de comparer la variabilité intrastationnelle
à la variabilité interstationnelle, et de tester ainsi l’homogénéité par station, de manière à savoir si la différence constatée entre deux ensembles d’échantillons comparés est réellement due à une différence
écologique ou à un effet aléatoire (FRONTIER,
1983). Une analyse fine du peuplement demanderait
donc de placer 3 à 5 répétitions, c’est-à-dire 5 pièges
espacés de plus de 3 mètres (pour éviter l’effet
piège). Mais dans le but de garder la notion de rendement (optimisation), nous retenons deux répétitions par station pour l’échantillonnage aussi bien
pour les pots Barber que pour les plateaux colorés,
soit 2 dispositifs de piégeage par unité (figure 2, photographie 1).
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Figure 2. Principe d’installation d’une unité d’échantillonnage : piège de Mœricke.
Photographie 3. Plateaux colorés installés à 1m de hauteur
et mis en défens par une clôture dans une prairie pâturée.
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La quantité d’individus par échantillon peut varier de l’unité à plusieurs centaines voire des milliers d’individus selon la saison, le
type d’habitat et la météorologie de la semaine.
Les individus de chaque échantillon, après avoir été triés et
comptabilisés sont conservés dans des boîtes ou des tubes remplis
d’alcool. Les insectes sont référencés pour apporter toute latitude
à d’éventuels retours aux échantillons dans le cas d’une vérification
ou encore pour la reprise de l’identification à l’espèce d’une famille
qui avec un effectif suffisant montrerait une particularité quelconque.
La difficulté d’identification
Photographie 4. Exemple de la représentativité comparée des familles selon trois modes
de gestion d’un biotope : témoin fauche et
pâture.
Nous avons choisi d’identifier toutes les familles d’insectes.
Contrairement aux botanistes, les entomologistes sont souvent
spécialistes d’une seule famille voire de quelques-unes. Sans l’intervention d’un spécialiste par famille, il est impossible d’appréhender toutes les espèces dans une durée compatible avec le délai
des études.
Une détermination à la famille (court terme) est choisie pour le
calcul de la diversité. Nous avons suivi FRONTIER et al. (2004)
dans le calcul des indices de diversité à partir de la famille. Bien
souvent une unité taxinomique supérieure à l’espèce correspond à
une certaine homogénéité écologique et éthologique « Il y a en
général plus de différences entre les biologies d’espèces de familles
différentes qu’entre espèces d’une même famille ». De surcroît,
l’avantage majeur est le nombre restreint de familles (par rapport
aux espèces) à analyser et leur relative rapidité d’identification.
Une détermination à l’espèce (moyen terme) peut être réalisée
lorsqu’une famille a présenté un intérêt comme une forte richesse
spécifique. Dans ce cas, les espèces sont identifiées et les données
sont traitées par la statistique de la même manière que pour les
familles.
Limite de la méthode d’échantillonnage par pièges
colorés
Photographie 5. Fiche de tri.
échantillons comparables. Ces relevés
peuvent être réalisés par des étudiants
ou par des techniciens en charge des
terrains d’étude. Une petite formation
préalable est nécessaire car de la
rigueur de la récolte dépendra la pertinence des résultats.
L’attractivité des surfaces colorées a été démontrée depuis longtemps (MOERICKE, 1955). L’efficacité maximale de capture pour
la couleur jaune a été révélée par les expérimentations de ROTH
(1963) qui obtint, sur 20 310 insectes capturés dans une luzernière
au moyen de 5 couleurs, 55 % du total des espèces. L’efficacité
maximale de capture par les plateaux colorés s’effectue donc avec
le jaune. Ces pièges font intervenir trois types d’attraction : le chromatotropisme, l’hydrotropisme, et la polarisation horizontale de la
lumière.
Le tri des échantillons
D’autres critères, dépendant de l’agencement et de la présentation des pièges, interviennent dans le pouvoir attractif des pièges :
l’influence de la hauteur de piégeage ; la forme et la dimension des
pièges sur les captures ; le nombre de pièges jaunes sur une même
station et leur interdistance et les facteurs abiotiques et biotiques
sur le taux de piégeage. Il a été constaté par BRUNEL (1971) que
pour certaines espèces phytophages (Diptera Psilidae), les fluctuations de capture sont largement influencées par la nature du
biotope et par la plante hôte. Pour d’autres espèces, il est nécessaire de connaître les phases comportementales pour interpréter
l’efficacité de capture (BAILLOT & TREHEN, 1974).
De retour au laboratoire, chaque
échantillon est trié dans une boîte de
Pétri (photographie 4) sous loupe
binoculaire. Les individus sont comptés et identifiés à la famille. Les résultats sont reportés sur une fiche de tri
(photographie 5).
L’utilisation des pièges permet de comparer les peuplements de
biotopes identiques ou différents. Les biais engendrés par les
pièges restent les mêmes d’un biotope à l’autre si bien que tous les
résultats sont comparables. Face à toutes ces limites, le piège universel est loin d’être mis au point. Rechercher la structure exacte
du peuplement d’insectes d’un biotope donné est illusoire sachant
que la composition floristique, la structure de végétation et le
Le piégeage peut s’effectuer durant
toute l’année. En hiver, l’effectif des
captures est plus faible mais les
espèces hivernales sont toujours intéressantes car elles sont généralement
peu étudiées.
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Ordres
Diptères
Hyménoptères
Hémiptères-Homoptères
Coléoptères
Lépidoptères
Orthoptères
Autres ordres
Total
Familles
3021
531
474
118
66
55
54
4319
Tableau I, figure 3. Répartition quantitative
des insectes récoltés sur une station.
Tableau II. Fiche élaborée des effectifs des familles de trois stations.
microclimat d’une station au cours des
saisons et les biologies des insectes ne
permettent pas d’étudier tous les critères en même temps.
La méthode exige de savoir identifier
toutes les familles. Si elles sont moins
nombreuses que les espèces, la difficulté d’identification reste malgré tout
importante.
Les résultats
Figure 4. Exemple de la représentativité comparée des familles selon trois
modes de gestion d’un biotope.
Les résultats sont regroupés sous
forme de tableaux (tableaux I et II) et de
graphiques (figures 3 et 4). Ils mettent
en évidence le nombre d’insectes récoltés dans chacun des ordres et donnent
les effectifs des familles. Pour que les
résultats apportent une information
correcte, les effectifs de classe
(familles ou espèces) doivent être suffisamment importants pour éviter les
erreurs statistiques. Pour des raisons
diverses, tous les échantillons ne pourront être traités. C’est la raison pour
laquelle nous plaçons aussi des répétitions dans les unités d’échantillonnage.
La période d’échantillonnage peut être
allongée. C’est au moment du tri et de
la mise en forme des résultats que les
échantillons sont choisis.
Les chiffres en rouge montrent l’effectif le plus important observé des
trois stations.
Figure 5. Phénologie des Diptères Sciaridae durant une période choisie et
sur trois stations.
L’échantillonnage au cours d’une
longue période montre le moment de
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Figure 6. Schéma de la déformation des DRF
le long d’une succession écologique.
l’émergence des espèces et fait apparaître des différences d’effectifs selon
les stations (figure 5).
Interprétation
des résultats
La méthode statistique utilisée pour
interpréter les résultats repose sur l’estimation de la diversité biologique,
terme d’autant plus d’actualité que sa
conservation est à l’ordre du jour de
tous les programmes environnementaux.
La diversité biologique est évaluée
par le calcul de l’indice de diversité (H’)
(SHANNON & WEAVER, 1949) et par
la régularité (R) (PIELOU, 1975).
L’indice de diversité de ShannonWeaver traduit le nombre de taxons
représentés dans l’échantillon et la
répartition plus ou moins équitable des
effectifs au sein de ces taxons.
La formule de l’indice de SHANNONWEAVER est la suivante :
i=S
H’ = -* pi * Log2 pi
i=1
S = nombre de taxons (ici les familles)
pi = Fréquence relative du ie taxon
H’ est exprimé en bits / individu, le bit
étant une unité d’information
On peut déterminer aussi :
- l’indice maximal de diversité :
H’max = Log2S
- la Régularité :
R = H’/H’max
Le calcul d’un indice de diversité est
souvent perçu comme une approche
trop synthétique de l’estimation de la
structure du peuplement, et la distribu-
Figure 7. Exemple d’application des Diagrammes rangs fréquences appliquée à la comparaison des structures de peuplements de trois stations.
tion des valeurs dans la formule du calcul de l’indice de diversité
est trop dissymétrique, donnant un poids trop important aux
espèces rares. Divers auteurs ont donc proposé des représentations graphiques de la diversité d’une communauté appelées diagramme rang-fréquence (DRF) (figures II et III). S’il est aujourd’hui
admis que le système bilogarithmique proposé par FRONTIER
(1976) fournit les courbes les plus aisément interprétables, la
construction de ces diagrammes relève du même principe que
celui du calcul de l’indice de diversité.
Les taxons recensés dans un échantillon sont classés à partir de
leurs effectifs spécifiques dans un ordre décroissant de leurs fréquences. Ces fréquences exprimées en ‰ sont ensuite portées en
ordonnées sur un graphique bidimensionnel, et le rang de ces
espèces, depuis les plus nombreuses jusqu’aux plus rares, en abscisses.
La succession écologique d’un peuplement peut s’exprimer par
quatre diagrammes : début de succession (1), stade intermédiaire
(1’), maturité du système (2) ou fin de succession (3). Le stade 1,
diagramme à concavité dirigée vers le haut, traduit la dominance
d’une ou de quelques espèces. La diversité et la régularité sont
faibles, caractérisant une situation de phase pionnière de colonisation ou encore de perturbation de l’écosystème. Le stade (2), diagramme convexe, avec des fréquences voisines pour les espèces
de premiers rangs, c’est-à-dire les plus nombreuses, traduit une
valeur très élevée de la diversité et de la régularité et donc l’existence d’une communauté mature. Le stade intermédiaire (1’)
montre un diagramme relativement rectiligne avec une légère
convexité vers le haut. Ce cas de figure s’observe également en fin
d’évolution de la biocénose (3).
Comment aborder la gestion des peuplements d’insectes en France ?
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Tableau III. Succession des 5 familles structurantes de diptères de deux modes de gestion comparés au témoin.
L’allure des courbes ainsi obtenues caractérise les stades d’évolution d’un écosystème au cours d’une succession écologique. La
localisation des espèces les plus abondantes sur le diagramme permet de suivre leurs variations donc l’importance respective dans
l’espace ou dans le temps (figure 7).
Le tableau VI montre une représentation rapide de la différence
des successions des familles. Les successions ne sont pas identiques d’une station à une autre, ni du niveau du sol à 1 m de hauteur. Nous créons ainsi des éléments de réflexion qui demandent de
puiser dans la biologie des espèces pour interpréter ces différences
de successions et peut-être entrevoir des pistes pour des recommandations de gestion.
Intérêts de la méthode
La méthode d’estimation de la diversité des insectes donne une
vision globale du système étudié : ses caractéristiques, son comportement et son évolution.
Elle permet :
1. d’étudier aussi bien les espèces que les familles d’insectes ;
2. de dresser l’inventaire des familles et des espèces ;
3. de déterminer les successions des espèces au cours du temps et
selon la hauteur de végétation ;
4. d’établir le spectre phénologique des familles et des espèces ;
5. d’assurer un échantillonnage continu des insectes. Cette continuité permet de relever des espèces, pas nécessairement rares,
mais difficiles à observer ;
6. de découvrir facilement des espèces nouvelles pour la science
et/ou pour la France ;
7. de relever l’adaptation morphologique des individus à la suite de
conditions particulières du biotope ;
8. de choisir des périodes d’intervention de gestion conservatoire ;
9. de mettre en évidence des biologies nouvelles d’espèces peu
connues ;
10. de comparer des habitats ou des structures de peuplement en
appliquant la même méthode dans des biotopes différents ;
11. de montrer les fluctuations périodiques, les phénologies, les
successions de familles ou d’espèces d’insectes (stades pionniers,
juvéniles, matures)
12. d’installer facilement une unité d’échantillonnage pour des suivis de la biodiversité ;
13. de comparer l’impact des modes de gestion sur n’importe quel
système naturel ou modifié.
D’une manière générale, ces études écologiques produisent des
connaissances.
Les inconvénients de la méthode
Malgré ses nombreux intérêts, la méthode présente aussi
quelques inconvénients dont :
1. la nécessité d’avoir un niveau élevé d’identification de toutes les
familles pour l’entomologiste ;
2. un investissement spécifique assez long dans le temps (de l’installation des unités d’échantillonnages au tri) ;
3. un échantillonnage relatif basé sur le spectre d’attraction des
familles d’insectes à partir d’un piège qui ne capture pas toutes les
familles d’insectes ;
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4. une image de la structure du peuplement pas suffisamment précise en raison d’une pertinence limitée ;
5. la demande de récolteurs sur place
avec une rigueur de récolte pas toujours comprise ;
6. l’étude d’un habitat qui ne cesse
d’évoluer au cours des saisons et qui
n’est jamais véritablement le même
d’une année à l’autre, ce qui rend
encore plus difficile les comparaisons.
La gestion des insectes
dans le développement
durable de notre
société
Les gestionnaires demandent souvent
d’apporter des recommandations de
gestion des insectes. Cette gestion des
insectes ne peut à mon sens passer que
par des niveaux d’évaluation globale
pour la simple raison que les entomologistes sont loin de disposer du recul
nécessaire et de maîtriser les biologies
des insectes. Comment faire pour que
les recommandations d’une gestion
spécifique pour telle ou telle espèce ne
nuisent pas à d’autres espèces évoluant
dans un même biotope ?
La gestion par la guilde (les coprophages, les xylophages, les phytophages)… c’est-à-dire un ensemble
d’espèces taxonomiquement apparentées et qui exploite localement un
même type de ressources me semblerait être une voie à étudier. Cette idée
est déjà en partie mise en pratique pour
les espèces saproxylophages, par
exemple.
En s’assurant de rétablir les
connexions entre habitats « modifiés »
d’un paysage végétal, la petite échelle
est probablement la solution la plus
judicieuse pour les insectes. Il suffirait
d’intégrer dans tous les projets qui sont
actuellement débattus en environnement, le critère insecte mais entendu
dans un contexte écologique, global et
non au niveau spécifique.
La restauration des corridors biologiques, en accord avec l’aménagement
du territoire, est une mesure locale qui
peut avoir comme résultante un impact
national voire européen. C’est en
créant de grands espaces contiguës
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que la diversité biologique peut être
maintenue. Il faut des espaces relativement importants pour les échanges
entre populations.
Une action indirecte alarmante de
notre société sur le milieu naturel
concerne la réduction insidieuse de surface naturelle au profit du bâti. À titre
d’exemple, en replaçant le contexte de
la conservation des insectes dans le
contexte sociétal, JANCOVICI (2005)
met en évidence à partir des résultats de
l’IFEN que les surfaces artificialisées
augmentent régulièrement chaque
année. Entre 1992 et 2000, les surfaces
artificialisées (sols bâtis + sols artificiels
non bâtis + routes et parkings) ont progressé de 13 % (38 014 à 43 000 km2),
soit 6,94 % de l’occupation total des sols
du territoire en 1992 et 7,85 % en 2000
(tableau IV). Ce taux de croissance
actuel des surfaces artificialisées nous
laisse 160 ans de consommation foncière pour occuper toute la surface du
territoire. En gelant 50 % des surfaces
agricoles et forestières, il nous reste
juste un siècle au rythme actuel. Cela
montre à quelle vitesse l’Homme est
capable de modifier le territoire. La
consommation de l’espace est la première cause indirecte de la baisse de la
diversité biologique. Elle ne concerne
pas uniquement les insectes mais l’ensemble des êtres vivants.
Le poste d’un interlocuteur scientifique à l’interface des deux
professions : chercheur et gestionnaire
me paraît indispensable. Un véritable
métier d’intermédiaire qui serait à
l’écoute du chercheur et du gestionnaire, comme cela existe entre l’expérimentateur et le technicien. Un double
rôle où le premier serait de synthétiser
les connaissances récentes de la
recherche et le second de créer les
outils nécessaires sur les conseils des
deux parties.
Dans la quête d’un nouvel outil, les
gestionnaires devront penser de
manière globale dans leur stratégie de
la conservation des biotopes et de la
biodiversité. Les entomologistes doivent s’unir pour réaliser de nouveaux
outils d’aide à la gestion des milieux
naturels sur le fondement des bases
écologiques.
Tableau IV. Évolution de l’occupation du sol français de 1992 à 2000
(d’après IFEN).
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Photographie 3. Plateaux colorés installés à 1m de hauteur et mis en défens
par une clôture dans une prairie pâturée.
Figure 4. Exemple de la représentativité comparée des familles selon trois
modes de gestion d’un biotope : témoin fauche et pâture.
Le critère spatio-temporel et la prise
en compte de toutes les familles d’un
peuplement d’insectes permettent
d’estimer la véritable diversité biologique d’un système et non pas la
richesse spécifique comme cela est si
souvent fait aujourd’hui
Comment aborder la gestion des peuplements d’insectes en France ?
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