58 Jean-Jacques BIGNON Rev. sci. Bourgogne-Nature 5-2007, 56-65
sède au premier stade de sa vie larvaire de longues soies qui lui
permettent d’être plus facilement transporté par le vent. Les Adeles
(Lepidoptera) se laissent portées par les antennes alors que ce sont
les pattes et les cerques qui jouent ce rôle chez les Ephémères.
Dans le cadre d’évènements exceptionnels comme les crues, la
macrofaune benthique d’une rivière à courant rapide peut être
transportée brutalement de l’amont vers l’aval. Quant aux insectes
terrestres emportés par le vent, qui chutent à la surface de l’eau, ils
dérivent vers les berges au gré des courants et des vents de surface.
Si les imagos (la forme la plus visible) représentent la masse la
plus importante du plancton, les œufs et les petites larves peuvent
aussi être emportés par les vents.
Cette dissémination par le vent et par l’eau conduit à deux effets
écologiques importants : celui d’apporter la ressource trophique
aux peuplements d’insectes autochtones et celui de permettre à
certaines espèces d’envahir des milieux nouveaux et d’élargir ainsi
leur aire de répartition géographique.
Nous nous rendons bien compte qu’un observateur face à un bio-
tope est assez démuni dans la définition de l’image d’un peuple-
ment d’insectes. Nous devrions savoir séparer les espèces autoch-
tones des espèces allochtones.
Les relations intra et interspécifiques
Les êtres vivants se développent ensemble en s’imposant, à des
degrés divers, des niveaux de relation diversifiés pour le partage de
la ressource trophique dans l’espace et dans le temps. Chaque
espèce est représentée par une expansion limitée et par une popu-
lation dont l’effectif varie au cours du temps. Que ce soit dans une
population ou dans un peuplement, les individus interagissent dans
des formes de vie complexes et diversifiées.
Parmi les relations intraspécifiques, les individus forment des
colonies ou des sociétés organisées et structurées par un système
de communication parfois très sophistiqué dans la construction de
l’unité sociale. Les individus peuvent être abondant localement
(cas des Apoïdes et des Vespides).
Parmi les relations interspécifiques, si on excepte l’amensalisme,
le mutualisme et la symbiose, les relations entre individus sont soit
bénéfiques, soit maléfiques. Les individus entrent en concurrence
pour l’habitat et en compétition pour les ressources.
Au moment où l’on parle tant de biodiversité, le parasitisme est
un modèle particulier de relation interspécifique qu’il nous semble
important de prendre en compte, tellement les formes parasitaires
et les cycles de développement sont nombreux. Le parasitisme qui
touche les insectes fait appel à quatre cycles parasitaires (cycle à
un, deux, trois ou quatre hôtes) dont on distingue, pour chacun
d’eux, les ectoparasites, les mésoparasites, les endoparasites et les
parasitoïdes (insectes entomophages qui appartiennent essentiel-
lement aux Hyménoptères et aux Diptères). La stratégie parasitaire
repose sur trois stades : l’infection qui suit la rencontre hôte-para-
site, le maintien en vie du parasite et la reproduction avant la dis-
persion. Cette stratégie fait intervenir chez le parasite des adapta-
tions spécifiques complexes comme la reproduction asexuée,
l’adaptation aux conditions de vie (aquatique, anoxique, saline),
aux transformations morphologiques du corps, à l’exploitation du
système de communication intraspécifique de l’hôte, aux effets
inhibiteurs… Cette coévolution oblige les uns et les autres à modi-
fier en permanence les processus pour mieux profiter ou pour
mieux se défendre.
Très abondants, ces parasitoïdes à biologie complexe participent
donc de manière active à l’équilibre biologique, une sorte de dyna-
mique des écosystèmes. Les parasitoïdes représentent 8,5 % des
espèces recensées dans le monde et les
estimations les porteraient à 800 000
espèces.
Une autre originalité de certaines
espèces parasites est d’effectuer leur
cycle de développement sur un hôte
végétal. Les curieuses déformations
végétales ou galles sont souvent
l’oeuvre d’insectes. Les galles se mani-
festent par l’hypertrophie des tissus du
végétal due à des modifications du
métabolisme enzymatique provoquées
par des Coléoptères, des
Hyménoptères, des Diptères, des
Lépidoptères, des Hémiptères, des
Orthoptères, des Névroptères… Plus de
2 000 espèces d’insectes sont zoocéci-
dogènes.
La coévolution des insectes-parasi-
toïdes ou insectes-plantes, traduit une
diversité de formes adaptatives com-
plexes qui demandent certainement de
les intégrer dans la biologie de la
conservation et précisément dans la
description des peuplements d’in-
sectes.
Autres critères
d’appréciation
Nous rappelons, pour mémoire au
gestionnaire, que d’autres aspects de la
vie des animaux existent et que cela
devrait l’éclairer dans la tâche qui lui
est confiée en prenant le recul néces-
saire dans son approche du milieu
naturel avant toute intervention, s’il
souhaite répondre positivement à la
protection de la diversité biologique.
Les conditions mêmes de vie de cer-
taines espèces grégaires ou indivi-
duelles à faible déplacement (larves et
imagos) rendent difficile l’échantillon-
nage. Les espèces à faible déplace-
ment, peu visibles, demandent un effort
particulier d’observation et une bonne
connaissance de leur biologie. Leur
présence est bien sûr plus difficile à
mettre en évidence.
Dans les biotopes soumis aux phéno-
mènes climatiques drastiques (vent
fort, neige persistante) ou bien à l’alti-
tude, la morphologie et l’anatomie des
adultes peuvent être complètement
modifiées jusqu’à la perte totale de
l’aptitude au vol comme a pu le mon-
trer BRUNHES (1984) chez les
Limoniidae et les Tipulidae (Diptera
Nematocera) des tourbières
d’Auvergne ou les femelles montrent
une forte réduction alaire et un déve-
loppement important des ovaires. Un
autre exemple, au Cap Blanc Nez
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