Comment aborder la gestion des peuplements d`insectes en France

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ARTICLE
Comment aborder la gestion des peuplements
d’insectes en France ?
Jean-Jacques BIGNON*
Résumé
Dans un souci de préservation de la biodiversité planétaire et à l’instar des autres classes animales et végétales, il a été confié aux
gestionnaires de milieux naturels d’intégrer les insectes dans les plans de gestion. Une tâche difficile qui doit prendre en compte
non seulement la richesse spécifique des insectes mais aussi toutes les relations intra et inter spécifiques, animales et végétales.
Après le rappel des principaux traits biologiques des insectes, l’auteur définit une méthode d’analyse de la structure des peuple-
ments d’insectes, une vision plus large qui cherche à mettre en évidence la diversité d’un système et l’évolution spatio-temporelle
des peuplements. Il relève les limites de la méthode et notamment la pertinence des relevés face aux disséminations des insectes
dans les écosystèmes. La notion globale d’analyse des écosystèmes d’une part et les modalités de gestion d’autre part sont dis-
cutées dans le contexte sociétal dans lequel elles seront mises en place. La recherche d’un outil simple d’évaluation et de mise en
place efficace adapté et concerté dans le cadre du développement durable semble être fondamental pour que les insectes « ordi-
naires » parmi lesquels vit l’Homme tous les jours soient aussi pris en compte dans les aménagements.
Mots-clés : gestion, biodiversité, sociétal, entomologie, stratégie d’échantillonnage, développement durable, spatio-
temporelle, dissémination.
Introduction
Actuellement, les plans de gestion sont élaborés indépendam-
ment pour les plantes, les amphibiens, les reptiles, les oiseaux, les
mammifères et maintenant les insectes. Pour ce qui concerne la
conservation des insectes dans les biotopes français, il convient de
s’interroger sur le choix des critères retenus actuellement par les
gestionnaires d’espaces naturels à entretenir et à savoir si la sélec-
tion de certaines espèces dites « patrimoniales » contribue réelle-
ment au renforcement ou même au seul maintien de la diversité
biologiques. Cet « élitisme entomologique », en négligeant le reste
de l’entomofaune ne conduit-il pas à sous-estimer l’importance
des relations qui s’établissent entre les différents groupes d’in-
sectes et donc à ne pas prendre en compte la véritable diversité
biologique ?
Aussi, les plans de gestion durables ne devraient-ils pas prendre
en considération l’ensemble de l’entomofaune en tenant compte de
la spécificité de ce groupe dont les caractéristiques ne se déclinent
pas forcément comme les autres classes de l’histoire naturelle ?
Dans cette optique, nous nous proposons de définir une méthode
d’analyse des peuplements d’insectes qui permette de dresser une
image la plus représentative possible de leur présence et de leur
rôle dans les différents biotopes étudiés.
La distribution des insectes dans
l’espace et le temps
Lorsque nous devons apporter un diagnostic entomologique
d’une station donnée, le premier travail est de dresser l’inventaire
des espèces, basé sur la présence-absence. Il est évalué au cours
d’une ou plusieurs journées choisies en fonction de la disponibilité
des personnes en charge du diagnostic. Cet inventaire restera bien
souvent la seule image reflétant le peuplement d’insectes de la sta-
tion en omettant d’évaluer la taille des populations, les relations
inter et intraspécifiques, les cycles de développement, etc.
L’objectif d’une étude entomologique sera donc de réunir la faunis-
tique et l’écologie.
Les insectes ne se distribuent pas au hasard dans la nature mais
selon des critères connus (ou encore inconnus d’ailleurs) qui les
différencieront les uns des autres. Ils deviendront par conséquent
des indicateurs biologiques d’un ou plusieurs critères donnés.
Chaque insecte comme tout être vivant
évolue dans l’espace et dans le temps.
La mise en évidence de la structure des
peuplements et le rôle intra et interspé-
cifique joué dans l’écosystème peuvent
être abordés par la distribution des
insectes dans l’espace. Un des critères
non négligeable à évaluer dans les
études est le déplacement et notam-
ment celui de la dissémination passive
des insectes.
La dissémination des
insectes dans le temps
et l’espace
Les déplacements actifs et la dissé-
mination passive représentent l’origine
de la distribution des organismes dans
les écosystèmes.
Les déplacements actifs
Les déplacements actifs résultent
d’une action comportementale de l’in-
secte. La distribution de ces insectes
dans un habitat donné se fait dans des
valeurs limites selon des facteurs abio-
tiques (température, rayonnement, air,
eau, pression, sels, substrats…) ou bio-
tiques (ressource trophique, relation
inter et intra spécifique) et des effets sti-
mulants des facteurs attractifs et répul-
sifs (notions de stimuli et de taxies -
positive ou négative - thermotaxie, pho-
totaxie, rhéotaxie, anémotaxie…).
Beaucoup d’insectes à anémotaxie
négative sont emportés par des vents
soudains et violents puis transportés sur
de grandes distances loin de leurs habi-
tats : pucerons, coccinelles, punaises,
carabes, papillons... Des observations
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des espaces plus restreints comme les vallées où les migrants
(Coleoptera Coccinellidae) recherchent leur quartier d’hiver.
Hormis le fait que ces migrations sont à prendre en compte dans
les études, elles ne représentent qu’un aspect secondaire de la dis-
tribution des insectes dans un biotope donné.
Déplacements passifs ou dissémination passive
Le plancton aérien est formé d’une quinzaine d’ordres d’insectes
(figure 1). Si pour la plupart des ordres, les insectes sont transpor-
tés depuis le niveau de la mer jusqu’à 1 500 m d’altitude, les
Diptères, les Hyménoptères et les Homoptères, qui en forment la
partie essentielle, peuvent s’élever à plus de 4 000 mètres d’alti-
tude.
La distribution spatiale des organismes est grandement influen-
cée par des déplacements d’ordre passif. Cette notion est peu
abordée dans l’interprétation des résultats et son importance ne se
limite pas qu’aux zones ventées des crêtes montagneuses ou des
zones littorales mais aussi aux petites vallées soumises au vent.
Les vents ascendants transportent les insectes vers les sommets.
Les milliards d’ insectes transportés au printemps (hémiptères,
diptères, pucerons) servent de nourriture aux insectes carnassiers
des régions hautes (beaucoup de Carabiques ailés dont les
Nebria). Les transports aériens peuvent s’effectuer sur de très
longues distances, de quelques dizaines de km à plusieurs cen-
taines de km.
Une étude conduite sur le peuplement de diptères des pelouses
calcaricoles du Mont d’Hubert au Cap Blanc Nez dans le Pas-de-
Calais (BIGNON et al., 1999) met en évidence une forte diversité
due en partie à l’action du vent en tant qu’agent de dissémination
des familles d’insectes. L’étude de cette diversité a montré une
forte présence d’insectes complètement étrangers aux biotopes lit-
toraux.
Beaucoup d’insectes ont des appendices adaptés au transport
par le vent. Lymantria monacha (Lepidoptera, Lymantriidae) pos-
personnelles sur les Diptères Syrphidae
ont montré une distribution régulière
des espèces selon les heures de la jour-
née au point que certaines espèces ne
sont visibles que le matin et d’autres
uniquement l’après-midi. Ces pré-
sences distinctes sont corrélées à un
ensemble de variations de critères
simultanés d’ordre physique (carac-
tères microclimatiques de la station…)
et biologique (activité des osmophores
des plantes, transpiration…).
Les migrations sont définies comme
un déplacement régulier entre des lieux
représentant des alternatives dont habi-
tuellement une seule correspond au
lieu de reproduction. Dans un sens plus
large, une migration peut désigner tout
déplacement important d’animaux.
Nous citerons pour mémoire la migra-
tion spectaculaire des papillons connus
sur de grands territoires Vanessa cardui
et Vanessa atalanta (Lepidoptera
Nymphalidae), Agrius convolvuli et
Acherontia atropos (Lepidoptera
Sphingidae), ou encore des libellules
Sympetrum, Crocothemis, (Odonata
Libellulidae), Anax (Odonata
Aeshnidae)… et les migrations moins
connues des diptères Syrphidae,
Stratyomyiidae, Tabanidae sur des ter-
ritoires à l’échelle régionale, dont cer-
taines sont spectaculaires en été et en
automne sur les cols des montagnes.
Les migrations s’effectuent aussi sur
Odonata
Orthoptera
Isoptera
Ephemerida
Psocoidea
Thysanoptera
Neuroptera
Mecoptera
Trichoptera
Lepidoptera
Coleoptera
Hemiptera
Homoptera
Diptera
Hymenoptera
Altitude au-dessus
du niveau de la mer (mètres)
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
0
500
Groupes taxinomiques
Figure 1. Distribution verticale du plancton aérien (d’après GLICK, 1939).
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sède au premier stade de sa vie larvaire de longues soies qui lui
permettent d’être plus facilement transporté par le vent. Les Adeles
(Lepidoptera) se laissent portées par les antennes alors que ce sont
les pattes et les cerques qui jouent ce rôle chez les Ephémères.
Dans le cadre d’évènements exceptionnels comme les crues, la
macrofaune benthique d’une rivière à courant rapide peut être
transportée brutalement de l’amont vers l’aval. Quant aux insectes
terrestres emportés par le vent, qui chutent à la surface de l’eau, ils
dérivent vers les berges au gré des courants et des vents de surface.
Si les imagos (la forme la plus visible) représentent la masse la
plus importante du plancton, les œufs et les petites larves peuvent
aussi être emportés par les vents.
Cette dissémination par le vent et par l’eau conduit à deux effets
écologiques importants : celui d’apporter la ressource trophique
aux peuplements d’insectes autochtones et celui de permettre à
certaines espèces d’envahir des milieux nouveaux et d’élargir ainsi
leur aire de répartition géographique.
Nous nous rendons bien compte qu’un observateur face à un bio-
tope est assez démuni dans la définition de l’image d’un peuple-
ment d’insectes. Nous devrions savoir séparer les espèces autoch-
tones des espèces allochtones.
Les relations intra et interspécifiques
Les êtres vivants se développent ensemble en s’imposant, à des
degrés divers, des niveaux de relation diversifiés pour le partage de
la ressource trophique dans l’espace et dans le temps. Chaque
espèce est représentée par une expansion limitée et par une popu-
lation dont l’effectif varie au cours du temps. Que ce soit dans une
population ou dans un peuplement, les individus interagissent dans
des formes de vie complexes et diversifiées.
Parmi les relations intraspécifiques, les individus forment des
colonies ou des sociétés organisées et structurées par un système
de communication parfois très sophistiqué dans la construction de
l’unité sociale. Les individus peuvent être abondant localement
(cas des Apoïdes et des Vespides).
Parmi les relations interspécifiques, si on excepte l’amensalisme,
le mutualisme et la symbiose, les relations entre individus sont soit
bénéfiques, soit maléfiques. Les individus entrent en concurrence
pour l’habitat et en compétition pour les ressources.
Au moment où l’on parle tant de biodiversité, le parasitisme est
un modèle particulier de relation interspécifique qu’il nous semble
important de prendre en compte, tellement les formes parasitaires
et les cycles de développement sont nombreux. Le parasitisme qui
touche les insectes fait appel à quatre cycles parasitaires (cycle à
un, deux, trois ou quatre hôtes) dont on distingue, pour chacun
d’eux, les ectoparasites, les mésoparasites, les endoparasites et les
parasitoïdes (insectes entomophages qui appartiennent essentiel-
lement aux Hyménoptères et aux Diptères). La stratégie parasitaire
repose sur trois stades : l’infection qui suit la rencontre hôte-para-
site, le maintien en vie du parasite et la reproduction avant la dis-
persion. Cette stratégie fait intervenir chez le parasite des adapta-
tions spécifiques complexes comme la reproduction asexuée,
l’adaptation aux conditions de vie (aquatique, anoxique, saline),
aux transformations morphologiques du corps, à l’exploitation du
système de communication intraspécifique de l’hôte, aux effets
inhibiteurs… Cette coévolution oblige les uns et les autres à modi-
fier en permanence les processus pour mieux profiter ou pour
mieux se défendre.
Très abondants, ces parasitoïdes à biologie complexe participent
donc de manière active à l’équilibre biologique, une sorte de dyna-
mique des écosystèmes. Les parasitoïdes représentent 8,5 % des
espèces recensées dans le monde et les
estimations les porteraient à 800 000
espèces.
Une autre originalité de certaines
espèces parasites est d’effectuer leur
cycle de développement sur un hôte
végétal. Les curieuses déformations
végétales ou galles sont souvent
l’oeuvre d’insectes. Les galles se mani-
festent par l’hypertrophie des tissus du
végétal due à des modifications du
métabolisme enzymatique provoquées
par des Coléoptères, des
Hyménoptères, des Diptères, des
Lépidoptères, des Hémiptères, des
Orthoptères, des Névroptères… Plus de
2 000 espèces d’insectes sont zoocéci-
dogènes.
La coévolution des insectes-parasi-
toïdes ou insectes-plantes, traduit une
diversité de formes adaptatives com-
plexes qui demandent certainement de
les intégrer dans la biologie de la
conservation et précisément dans la
description des peuplements d’in-
sectes.
Autres critères
d’appréciation
Nous rappelons, pour mémoire au
gestionnaire, que d’autres aspects de la
vie des animaux existent et que cela
devrait l’éclairer dans la tâche qui lui
est confiée en prenant le recul néces-
saire dans son approche du milieu
naturel avant toute intervention, s’il
souhaite répondre positivement à la
protection de la diversité biologique.
Les conditions mêmes de vie de cer-
taines espèces grégaires ou indivi-
duelles à faible déplacement (larves et
imagos) rendent difficile l’échantillon-
nage. Les espèces à faible déplace-
ment, peu visibles, demandent un effort
particulier d’observation et une bonne
connaissance de leur biologie. Leur
présence est bien sûr plus difficile à
mettre en évidence.
Dans les biotopes soumis aux phéno-
mènes climatiques drastiques (vent
fort, neige persistante) ou bien à l’alti-
tude, la morphologie et l’anatomie des
adultes peuvent être complètement
modifiées jusqu’à la perte totale de
l’aptitude au vol comme a pu le mon-
trer BRUNHES (1984) chez les
Limoniidae et les Tipulidae (Diptera
Nematocera) des tourbières
d’Auvergne ou les femelles montrent
une forte réduction alaire et un déve-
loppement important des ovaires. Un
autre exemple, au Cap Blanc Nez
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taires. La question de l’indigénat des espèces est à retenir. Il paraît
difficile de placer tous les insectes à un même niveau. Un indice
biologique pourrait être attribué aux espèces connues à partir de la
complexité des formes de vie.
Définition de la méthode d’évaluation du
peuplement d’insectes dans les habitats
Lorsqu’un observateur tente d’estimer la diversité d’un peuple-
ment, il ne lui est pas aisé de trouver d’emblée la méthode pour en
dresser la meilleure image possible. Si l’observation visuelle est le
moyen le plus rapide, elle ne lui permet pas d’apporter un résultat
complet tant il est biaisé par plusieurs facteurs humains (acuité
visuelle, audition, réflexes), par le mouvement de fuite des insectes
qu’il provoque en les observant et aussi par sa spécialité puisqu’il
ne saura pas être bon chasseur pour tous les groupes représentés
dans un biotope. Il arrivera néanmoins à dresser un inventaire des
espèces donnant une première idée de l’entomofaune. Mais l’en-
trée « espèce » n’est à mon sens pas suffisante pour en déduire des
recommandations de gestion. Pour éviter de faire de l’élitisme sur
tel ou tel groupe d’insectes, nous avons choisi de mettre en place
une méthode qui échantillonne sans distinction toutes les espèces.
L’optimisation d’une étude entomologique doit nécessairement
passer par une notion d’efficacité car l’étude doit aboutir dans des
délais impartis, avec des moyens limités. Pour répondre à cette
optimisation, la méthode basée sur le compromis a été choisie
pour échantillonner de façon modérée, tant du point de vue quali-
tatif (espèces présentes) que du point de vue quantitatif (abon-
dances respectives).
Le principe repose sur l’échantillonnage des insectes volants et
des insectes marcheurs à partir d’un piège attractif pour les pre-
miers, et d’un piège d’interception pour les seconds.
Les techniques de récolte
L’échantillonnage s’effectue de deux manières différentes. Le
repérage à vue et le piégeage. Dans le premier cas l’aspect quali-
tatif est privilégié alors que dans le second cas les deux aspects
sont confondus. Le repérage à vue donne la première approche des
lieux et permet de choisir les stations où les pièges seront finale-
ment installés.
L’avantage des piégeages est de fonctionner en continu 24h/24.
Ils informent sur la densité et sur l’activité des populations en place.
Les pièges récoltent un grand nombre d’individus répartis dans de
nombreuses familles d’insectes. Cette technique est facile d’utili-
sation et peu coûteuse, ce qui est loin d’être négligeable lorsque
plusieurs répétitions sont à mettre en place ou encore lorsque plu-
sieurs stations doivent être installées simultanément pour la com-
paraison de peuplements d’habitats. La surface des piéges étant
connue, il est aussi possible d’estimer la biomasse. Les pièges uti-
lisés sont le pot Barber (photographie 1) et le piège de Moericke ou
plateau coloré (photographie 2).
Le piège d’interception capture les insectes marcheurs au sol au
hasard de leurs déplacements sans agir sur leur comportement
(photographie 1). Appelé pot Barber (RIVARD, 1962), il consiste
en une petite cuvette sphérique en plastique marginée de 9,5 cm
de diamètre sur 7 cm de profondeur dont le tiers est rempli d’un
liquide conservateur (monoéthylène glycol). Cette petite cuvette
mobile est glissée dans une boîte de conserve fixe, enterrée, à dia-
mètre légèrement supérieur. Un petit toit protége le piège des
intempéries.
Le plateau coloré ou piège de Moericke est un bac carré en plas-
tique de 30 cm de côté (27cm intérieur) d’une hauteur de 10 cm
(BIGNON et al., 1999 ) met en évi-
dence de nombreux cas de réduction
alaire chez des diptères et des hyméno-
ptères.
Enfin, le dynamisme de la végétation,
à l’origine de la disparition ou de l’ap-
parition d’espèces nouvelles d’un lieu
donné par transformation des condi-
tions écologiques et biologiques du
système, ne doit pas être ignoré.
Jusque là, notre discussion n’a por
que sur les adultes et imagos. Jamais,
il n’a été question de larves et pourtant,
elles peuvent être souvent de bien
meilleurs indicateurs de conditions de
milieu que les adultes. En de bien rares
cas, les larves sont prises en compte
dans les études, de la microfaune des
sols, des parasites des cultures, des
indices biologiques... L’étude des
larves est largement plus difficile et leur
biologie est bien moins connue. Les
échantillonnages sont fastidieux, moins
usités et les identifications délicates. Et
pourtant, l’interprétation est beaucoup
plus pertinente lorsque la vie des larves
et des adultes est connue.
D’autres sujets pourraient être abor-
dés, comme la diversité des modes de
reproduction, la longévité larvaire, le
stade biologique par lequel certaines
espèces passent la mauvaise saison
(depuis l’œuf jusqu’à l’adulte).
En conclusion, nous nous aperce-
vons que les critères que nous venons
de citer remettent en cause le fonde-
ment basé sur la seule protection de
quelques espèces et montrent à quel
point la diversité ignorée des espèces
parasites est importante. En revanche,
la dissémination passive peut induire
des biais dans la présence d’insectes en
les comptabilisant à tort dans les inven-
Photographie 1. Le piège d’interception ou le
pot Barber.
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recouvert d’une peinture jaune de référence SIGMA formule
Chinolith Base 3058 + 606-7. Le domaine spectral de diffusion se
situe entre 400 et 700 nanomètres. Le maximum d’efficacité de
capture a été obtenu par la couleur jaune (ROTH, 1964). Les pla-
teaux sont remplis au 3/4 d’eau additionnée de quelques gouttes
de Teepol (une substance indispensable pour supprimer la tension
superficielle de l’eau afin d’assurer la noyade immédiate de l’in-
secte).
La stratégie d’échantillonnage
Le plan d’échantillonnage met en évidence la
variation de trois facteurs : la distribution spatiale,
temporelle (n relevés selon un pas d’échantillonnage
d’une semaine) et les stades de maturité des peuple-
ments par station (juvénile, intermédiaire, mature).
Choix du dispositif de piégeage
Les pots Barber sont disposés au sol pour capturer
les « marcheurs ». Les plateaux colorés sont disposés
au sol et à un mètre de hauteur pour échantillonner
les individus « volants ». Le principe est de capturer
les individus à deux niveaux de la strate de végéta-
tion et d’intégrer les variations de hauteur de la strate
herbacée.
Une unité de piégeage comprend plusieurs pièges
par station (répétition). Un tel dispositif est mis en
place afin de comparer la variabilité intrastationnelle
à la variabilité interstationnelle, et de tester ainsi l’ho-
mogénéité par station, de manière à savoir si la dif-
férence constatée entre deux ensembles d’échan-
tillons comparés est réellement due à une différence
écologique ou à un effet aléatoire (FRONTIER,
1983). Une analyse fine du peuplement demanderait
donc de placer 3 à 5 répétitions, c’est-à-dire 5 pièges
espacés de plus de 3 mètres (pour éviter l’effet
piège). Mais dans le but de garder la notion de ren-
dement (optimisation), nous retenons deux répéti-
tions par station pour l’échantillonnage aussi bien
pour les pots Barber que pour les plateaux colorés,
soit 2 dispositifs de piégeage par unité (figure 2, pho-
tographie 1).
Le choix des stations
Les stations sont choisies en fonction
de l’objectif de l’étude et après une
observation méticuleuse du biotope.
L’opérateur recherche des stations
homogènes aux surfaces suffisamment
grandes pour assurer plusieurs répéti-
tions. Un relevé floristique et une des-
cription phytosociologique de la végé-
tation sont vivement recommandés.
Périodicité des relevés et
époque de piégeage
La périodicité des relevés dépend de
l’objectif de l’étude, de la disponibilité
du récolteur, des conditions clima-
tiques… Elle doit permettre d’effectuer
d’éventuels cumuls de données sur plu-
sieurs semaines afin de travailler à dif-
férentes échelles d’observation tempo-
relle (BRUNEL, 1987). Comme les
insectes doivent être récoltés dans de
bonnes conditions, le relevé hebdoma-
daire convient assez bien sauf dans le
cas de fortes températures où les pla-
teaux colorés s’assèchent très vite. Il
est prudent alors d’intervenir deux fois
par semaine. Le relevé des pièges doit
se faire à date fixe pour obtenir des
Photographie 2. Le piège attractif, le piège de Moericke ou plateau coloré, au
sol et à 1 m.
Figure 2. Principe d’installation d’une unité d’échantillon-
nage : piège de Mœricke.
Photographie 3. Plateaux colorés installés à 1m de hauteur
et mis en défens par une clôture dans une prairie pâturée.
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