1
Année 2013/2014 Semestre 1
Institut des Sciences et Pratiques d’Education et de Formation
Master de l’Enseignement Scolaire, de la Formation et de la Culture
Anthropologie de la diversité et Education
Stéphane Pawloff
Propos introductifs
A propos de l’anthropologie
(dans ses rapports avec la notion de diversité
en jeu dans les pratiques éducatives)
2
En guise d’introduction à notre cours de M2 Pro intitulé Anthropologie de la
diversiet éducation, et puisque je ne pourrai pas être présent lors du premier cours
du 18 septembre, je vous propose de revenir textuellement sur quelques bases qui
vont nous permettre de définir notre champ et notre angle de réflexion (des bases
dont nous pourrons discuter lors de notre cours du 25 septembre 2013).
Le titre du cours est assez explicite dans le fond : il s’agit de porter un regard
anthropologique sur la problématique de la diversité pour repérer et tenter de
comprendre les affinités de cette problématique avec les pratiques « éducatives ».
Ce faisant, nous nous efforcerons de suivre un fil spécifique dans ce travail de
réflexion anthropologique sur l’éducation, celui des savoirs pratiques professionnels
dans les métiers de l’éducation – « éducation » étant entendue ici au sens large mais
jy reviendrai.
L’objectif de ce cours est ainsi clairement de soutenir chez chaque praticien de
l’éducation la prise en compte, mais aussi les « savoirs y faire » avec la
problématique de la diversité dans sa propre pratique professionnelle.
Pour ce faire, il s’agit de préciser un certain nombre de points :
- Celui de l’angle disciplinaire de référence : l’angle anthropologique
- Celui du critère de problématisation : la notion de diversité
- Celui enfin des pratiques concernées : les pratiques d’éducation
Avant de nous retrouver la semaine du 25 septembre, je vous propose donc de
prendre pied dans ce cours en découvrant pour certains ou en redécouvrant pour
d’autres ce qu’est la discipline nommée anthropologie pour apercevoir dune part ses
profondes affinités avec les questions d’ordre éducatif et dautre part sa pertinence
heuristique pour penser la problématique de la diversité (en vue de savoir la
pratiquer)1.
Je vous propose ici d’envisager brièvement et successivement plusieurs
points :
- La définition, l’objet et la visée de l’anthropologie
- les 5 domaines que l’on peut repérer dans la discipline anthropologique
- les concepts de société et de culture comme fondements de l’anthropologie
dite « sociale et culturelle »
Chemin faisant, nous essayerons de repérer en quoi léducation et par extension
les pratiques éducatives seraient un objet privilégié de l’anthropologie, voire une
dimension interne à toute anthropologie.
1 Vous trouverez dans la bibliographie du cours que je vous remettrai le 25 septembre des références à mêmes de
situer et de compléter les apports du cours lui-même.
3
L’anthropos-logos
Etymologiquement, l’anthropologie, c’est le savoir logos (et par extension
« la science ») sur l’homme anthropos.
Pour faire l’histoire de ce savoir ce que nous ne ferons pas ici -, il s’agirait
autant de faire l’histoire des réflexions que nous, êtres humains, faisons sur l’être
humain, sur les êtres humains, au sein de notre propre culture occidentale, au moins
depuis la Grèce Antique (mais également au sein de toute culture humaine), que de
faire l’histoire de la constitution de lanthropologie comme discipline à visée
scientifique. Nous pourrions ainsi apercevoir comment toute définition de lêtre
humain dépend profondément de la conception que l’on a de l’être humain en
général et des êtres humains en particulier. Nous apercevrions également que dans
toutes les cultures du monde, la conception quune culture se fait des êtres humains
est en étroite inter-dépendance avec la conception quelle a de ce qui n’est pas
considéré comme humain. L’anthropologie comme regard ou point de vue
spécifique nous invite ainsi à prendre en considération les représentations que les
êtres humains ont des êtres humains mais aussi des êtres non humains ou de ce
qui en lhomme pourrait nêtre pas humain. Représentations qui varient dans l’histoire
de chaque culture et dans les rapports entre cultures, sur fond de quelques
invariants que nous nous efforcerons de repérer. Mais l’anthropologie nous conduit
également ou peut-être dabord à ne pas tenir compte seulement des
« représentations » - qui relèvent d’abord du monde la pensée mais des pratiques
et des actes réels qui relèvent plutôt du monde de l’action.
L’anthropologue François Laplantine propose la définition suivante de
l’anthropologie : c’est ainsi « l’étude de l’homme tout entier », et « l’étude de
l’homme dans toutes les sociétés, sous toutes les latitudes, dans tous ses
états et à toutes les époques »2.
Le projet savant anthropologique ainsi défini est donc d’une ampleur
considérable. Comme nous allons le voir avec les différents domaines de
l’anthropologie, il s’enracine d’abord dans la prise de conscience de l’apparition de
l’espèce humaine dans une histoire « naturelle », celle de l’apparition des espèces
vivantes animales sur la Terre.
Il est d’ailleurs tout à fait singulier que cette histoire « naturelle » de l’homme
ait amené à une définition scientifique de l’être humain en tant qu’homo sapiens
sapiens être doué de savoir, et précisément de savoir réflexif3. Nous voyons
d’ors et déjà comment l’anthropologie intéresse l’éducation4 et l’éducateur qui passe
son temps à transmettre, inculquer, diriger des savoirs de toutes sortes - des savoirs
faire aux savoirs être.
2 François Laplantine, L’anthropologie, Editions Seghers, 1987, p.16.
3 finir scientifiquement - ainsi l’être humain par la référence à un type de savoir, le savoir réflexif doit
continuer à nous interroger pour en tirer les conséquences, comme nous y invite Nicolas Adell dans son ouvrage
Anthropologie des savoirs.
4 Nous verrons plus tard la finition que je vous propose du terme d’éducation ou plutôt des « phénomènes
d’éducation » dans ce cours.
4
Toute anthropologie et toute l’anthropologie depuis son apparition comme
discipline disons au milieu du XIX° siècle pour l’anthropologie définie en tant
qu’étude de l’être humain comme être social et culturel est traversée par deux
questions récurrentes et insistantes :
- qu’est-ce qu’un être humain ?
- comment est-on et/ou devient-on humain ?
Or le devenir humain est au cœur de l’objet des pratiques d’éducation si l’on
s’en tient à la double étymologie du terme, educere conduire vers et educare
prendre soin de. Puisque l’être humain nait deux fois en quelque sorte : bio-
physiologiquement d’abord, au moment de l’expulsion du ventre maternel (après le
développement in utéro) ; subjectivement ensuite, par l’éducation, premier moteur
des différentes étapes de socialisation.
Nous voyons en quoi l’anthropologie dans sa définition générique concerne
« intimement » ce que l’on nomme « éducation ».
Mais également ce que l’on peut nommer « diversité », comme nous allons le
voir, puisque si l’anthropologie entendue comme anthropos-logos insiste d’abord sur
l’Homme en tant qu’espèce spécifique et unifiée, l’anthropologie comme ethno-logos
(ethnologie) mais me comme socio-logos (sociologie) insiste sur la diversité et la
pluralité des manières de transmettre une culture et de faire socié (culture et
société dont je vous propose une définition un peu plus loin) ; des manières
également de produire et de transmettre des savoirs.
5
Les cinq domaines de l’anthropologie
Pour préciser le champ d’étude, de problématisation et de recherche de la
discipline anthropologie, il est possible de suivre le découpage proposé par
l’anthropologue François Laplantine en « cinq domaines principaux »5. Chacun de
ces domaines est défini par un certain abord des êtres et des phénomènes humains,
privilégiant une dimension ou une autre de l’homme et des hommes. Nous allons voir
comment l’anthropologie définie dans son acception la plus large se situe en fait à
l’intersection des dites sciences de la nature - l’homme est envisagé comme
individu vivant animal issu d’une évolution - et des dites sciences de la culture ou
sciences de l’homme l’homme est envisagé comme sujet d’un milieu et d’une
histoire sociales et culturelles.
L’anthropologie biologique
« L’anthropologie biologique », historiquement la première à s’être constitué sous
l’appellation d’anthropologie, « (désignée autrefois sous le nom d’anthropologie
physique) est l’étude des variations des caractères biologiques de l’homme dans
l’espace et dans le temps »6.
Si ce domaine de l’anthropologie ne sera que peu mobilisé dans le cadre de ce
cours, l’anthropologie biologique nous renseigne néanmoins sur les conditions
biologiques principalement neuro-génétiques qui rendent possibles, voire
nécessaires, la diversification des êtres humains et des cultures humaines. Pour le
dire d’une formule lapidaire, l’être humain est biologiquement « déterminé à ne pas
l’être » (c’est la théorie de l’ouverture du programme génétique qui nous l’apprend) :
il naît prématuré et dépendant longtemps de son environnement, de son milieu, et
d’abord de ses parents et de sa famille, de ceux qui prennent soin de lui et le
conduisent dans l’existence (cette caractéristique est connue sous le terme de
néoténie) ; enfin, l’être humain apprend et devient ce qu’il est au fil des expériences
qu’il fait du monde, expériences qui le marquent et le transforment en profondeur,
comme fondamentalement ouvert (les avancées récentes sur la plasticité cérébrale
et sur les possibilités de transformation tout au long de l’existence sont très explicites
à ce propos).
En un mot, l’être humain est biologiquement ouvert à la dimension inédite des
événements, à la diversité des expériences de vie et des rencontres sociales et
culturelles.
Enfin, si l’anthropologie biologique intéresse l’éducation, c’est aussi parce qu’elle
fournit à la pensée éducative et mon de l’éducation (notamment « nationale ») une
partie de ses théories, de ses conceptions et de ses représentations, d’ailleurs plus
ou moins réelles, ou plus ou moins imaginaires. Et de ces théories et représentations
sont déduites des pratiques éducatives et des modalités pédagogiques. Mieux vaut-il
quant me ne pas être totalement ignorant à la fois des avancées réelles sur la
biologie du développement de l’enfant et des débats-combats idéologiques
auxquelles les différentes théories biologiques de l’être humain peuvent donner lieu
dans la sphère éducative (le cas complexe de l’autisme est à ce titre assez
paradigmatique à ce jour).
5 François Laplantine, op. cit., p. 17.
6
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !