24
Il faut également être capable de détecter le mouvement
résiduel du système mécanique avec une très grande sen-
sibilité, pour espérer «voir »lerésonateur dans son état
fondamental. Les progrès récents montrent qu’on sait
aujourd’hui utiliser l’action mécanique de la pression de
radiation pour refroidir un résonateur de manière très
efficace ;par ailleurs les mesures optiques sont mainte-
nant capables de détecter des déplacements associés àces
très basses températures qui sont un milliard de fois plus
petits que la taille d’un atome.
Si le couplage optomécanique permet de manipuler
l’état du résonateur mécanique, il agit également sur la
lumière. La pression de radiation intervient ainsi dans
les mesures optiques ultrasensibles, puisqu’elle vient
perturber la position des éléments optiques. Cette action
en retour sur le dispositif de mesure est un processus
fondamental dans la théorie de la mesure en mécanique
quantique, dont la mise en évidence expérimentale est un
deuxième enjeu important des recherches actuelles en
optomécanique.
Voir l’attomètre, et au-delà
Observer comment la pression de radiation agit
sur un objet nécessite l’utilisation d’un système méca-
nique capable de se déplacer suffisamment en réponse
àune aussi petite force. Chaque photon, en se réfléchis-
sant sur l’objet, échange avec lui une impulsion 2 k
k=2 /
πλ
est le vecteur d’onde ( lest la longueur d’onde
de la lumière). Cela conduit àune force de pression de
Combiner des micro-résonateurs mécaniques avec des cavités optiques de grande finesse permet d’atteindre
un régime où les propriétés du système sont gouvernées par la pression de radiation exercée par la lumière
sur le résonateur.Cecouplage optomécanique est responsable de limites quantiques dans les dispositifs
de mesure interférométrique ultrasensibles tels que les détecteurs d’ondes gravitationnelles, mais aussi
de processus de refroidissement laser extrêmement efficaces qui pourraient permettre de refroidir
un micro-miroir jusqu’à son état quantique fondamental.
Vers l’optomécanique
quantique
Article proposé par :
Tristan Briant, Pierre-François Cohadon et Antoine Heidmann, [email protected]
Laboratoire Kastler Brossel, UMR 8552, CNRS /ENS /UPMC /Collège de France, Paris
Toute surface exposée àunrayonnement électro-
magnétique subit une pression de radiation liée au
transfert d’impulsion des photons lors de leur
réflexion sur la surface. Cette pression est extrêmement
faible, de l’ordre de quelques micro-pascals seulement
pour la pression exercée par la lumière du soleil sur terre.
Si certains de ses effets sont connus depuis longtemps –
elle est par exemple responsable de l’orientation opposée
au soleil des queues de poussières neutres des comètes –
ce n’est qu’au début du vingtième siècle qu’elle apuêtre
mise en évidence dans une expérience de laboratoire.
Aujourd’hui, elle est couramment utilisée pour agir sur
des objets microscopiques :elle est en particulier très effi-
cace pour refroidir et piéger des atomes ou des molécules.
Il est tentant de chercher àutiliser le même type de
mécanisme de refroidissement laser pour agir sur des
objets plus gros, et ainsi coupler le mouvement d’objets
macroscopiques àlalumière. Ce domaine de recherche
connaîtunessor très important depuis quelques années,
et de nouveaux effets de la pression de radiation sont
ainsi mis en évidence sur des objets de toute taille, depuis
les miroirs suspendus de plusieurs kilogrammes des
antennes gravitationnelles, jusqu’à des résonateurs méca-
niques de taille micrométrique, voire nanométrique.
L’un des objectifs de ces recherches consiste àrefroi-
dir un résonateur mécanique jusqu’à ce qu’il atteigne
son état fondamental, et ainsi observer le comportement
quantique d’un système mécanique macroscopique. Cela
nécessite d’atteindre des températures extrêmement
basses, de l’ordre de quelques dizaines de micro-kelvins
pour un résonateur oscillant àune fréquence de 1MHz.
Vers l’optomécanique quantique
25
un dispositif pendulaire, soit parce qu’il est déposé sur un
résonateur mécanique, on peut espérer coupler efficace-
ment son mouvement àlapression de radiation.
Utiliser une cavité de grande finesse est aussi l’une des
méthodes les plus sensibles pour sonder les déplacements
du miroir.Pour une cavité composée d’un miroir d’entrée
avec une transmission non nulle et un miroir arrière tota-
lement réfléchissant et mobile (voir figure 1), la phase du
champ réfléchi est très sensible au mouvement du miroir
puisqu’elle varie de 2plorsqu’on passe de part et d’autre
d’une résonance optique, c’est-à-dire pour un déplace-
ment de l’ordre de
λ
/F.Lasensibilité est maximale à
résonance où un déplacement dxdu miroir entraîne une
variation
δϕ δλ
!Fx/
de la phase du faisceau réfléchi.
Le déplacement du miroir est donc amplifié par la
finesse Fde la cavité, ce qui permet de détecter des mou-
vements qui correspondent àune très petite fraction de
la longueur d’onde optique. Dans nos expériences, nous
utilisons des cavités présentant des finesses supérieures
à100 000 et la mesure de la phase du faisceau réfléchi
radiation FkI
adr=2 proportionnelle au flux de photons
I(t)arrivant sur l’objet. Pour un faisceau laser de 1W,le
flux de photon moyen Iest de l’ordre de 1018 photons/s,
ce qui donne une force de recul moyenne de l’ordre de
quelques nanonewtons seulement. Le caractère aléatoire
du flux de photons se traduit de plus par des fluctuations
quantiques de la pression de radiation qui sont encore
plus petites, avec une amplitude spectrale de bruit de
l’ordre de 1aN/ Hz.
Voir les conséquences de forces aussi petites est toute-
fois rendu possible grâce àl’utilisation de cavités optiques,
et certains effets de la pression de radiation ont ainsi
été mis en évidence avec des résonateurs de toute taille
(voir encadré 1). Dans une cavité, les photons parcourent
de nombreux allers et retours et transfèrent àchaque
fois leur impulsion aux miroirs de la cavité. La force à
laquelle sont soumis les miroirs est ainsi multipliée par
la finesse Fde la cavité, égale au nombre moyen d’allers
et retours des photons dans la cavité. Si l’un des miroirs
est susceptible de bouger,soit parce qu’il est suspendu à
Encadré 1 Des résonateurs optomécaniques de toute taille
De nombreux dispositifs ont per-
mis de mettre en évidence des effets
optomécaniques. La figure E1 présente
quelques exemples de tels dispositifs, par
taille décroissante. Surles trois photos
du haut, on trouve des miroirs suspen-
dus dont le mouvement d’ensemble est
couplé àlalumière :ils’agit des miroirs
du détecteur d’ondes gravitationnelles
Ligo, et d’un miroir suspendu de taille
centimétrique (N. Mavalvala, MIT). Les
trois photos suivantes montrent des dis-
positifs de taille micrométrique où les
déplacements sont dus àdes modes de
vibration interne :miroir déposé sur un
micro-levier d’AFM (D. Bouwmeester,
UC Santa Barbara) ou sur un micro-
pont (M. Aspelmeyer,Univ.Vienne), et
un micro-tore (T.J. Kippenberg, MPQ
Garching). Les résonateurs des trois pho-
tos du bas ont des dimensions encore
plus petites, avec une membrane d’épais-
seur nanométrique (J. Harris, Yale), des
cavités suspendues àcristaux photo-
niques (O. Painter,Caltech) et une micro-
poutre couplée àune cavité micro-onde
(K. Schwab, Cornell).
Nous utilisons au laboratoire Kastler
Brossel les dispositifs représentés sur la
figure E2,depuis les modes internes d’un
miroir de taille centimétrique (à gauche)
jusqu’à une membrane àcristaux pho-
toniques d’épaisseur nanométrique (à
droite), en passant par des ponts et des
piliers de taille micrométrique.
Figure E1 – Exemple de dispositifs optomécaniques.
Figure E2 – Dispositifs développés au laboratoire Kastler Brossel.
«Dossier laser »
26
est uniquement limitée par le bruit quantique de la
lumière, c’est-à-dire par le bruit de photon (voir Images de
la Physique 2002). Nous parvenons ainsi àune sensibilité
correspondant àune amplitude spectrale de déplacement
du miroir de l’ordre de 10 /
20mHz
,soit le centième
d’un attomètre pour un temps de mesure d’une seconde.
Aune aussi petite échelle, nous observons essentiel-
lement l’agitation thermique du miroir mobile, qui se
traduit par un spectre de bruit émaillé des résonances
associées aux modes de vibration du miroir,comme
le montre la figure 2 dans le cas discuté ici d’un miroir
déposé sur un micro-résonateur en forme de pont. Pour
chaque mode, le bruit thermique aune dépendance spec-
trale Lorentzienne, comme on peut le voir sur l’insert de
la figure 2.Onpeut déterminer àpartir de ce spectre les
caractéristiques du mode mécanique :pour le mode consi-
déré qui correspond àune déformation transverse du pont,
on trouve une fréquence de résonance ΩmkHz/2 814
π
!,
une masse M!200µg,etunfacteur de qualité méca-
nique Q!10 000 .
Chaque mode de vibration est équivalent àunoscilla-
teur harmonique. L’équilibre thermodynamique àlatem-
pérature ambiante Tcorrespond àunnombre moyen de
phonons nkT
T
B
/8106
#Ωm!,etlemouvement
Brownien résultant est caractérisé par une dispersion de
position ΔxkTM
TB
=
/10
214
Ω
mm!,très supérieure à
la sensibilité de notre mesure optique.
Les déplacements observés àtempérature ambiante
sont donc dominés par le bruit thermique, mais on peut
se demander ce que l’on obtiendrait en refroidissant le
résonateur jusqu’à une température quasi-nulle. Si on
réduit le nombre de phonons jusqu’à une valeur proche de
zéro, on amène le mode de vibration dans son état quan-
tique fondamental. Comme pour tout oscillateur harmo-
nique, ce dernier est caractérisé par une énergie non nulle
E0=/2 Ω
m
et par des fluctuations résiduelles de position
dont la dispersion s’écrit ΔΩxM
017
=/210#
mm!
.
Même si ces fluctuations quantiques de position sont
très petites, et même d’autant plus petites que le résona-
teur est massif, la sensibilité de notre mesure optique est
d’ores et déjà suffisante pour les voir.
Refroidissement laser
Il faut toutefois atteindre l’état fondamental du réso-
nateur,etcela nécessite de réduire sa température jusqu’à
ce que le nombre moyen nTde phonons soit petit devant
1: m
kT
B"#Ω.Cette condition dépend de la pulsation
mécanique Wmdu mode de vibration, et elle est d’autant
plus facile àsatisfaire que cette pulsation est élevée. C’est
ainsi que A.N. Cleland et J.M. Martinis àSanta Barbara
ont pu atteindre récemment l’état fondamental d’un nano-
résonateur piézoélectrique oscillant àlafréquence de
6GHz, en le plaçant dans un cryostat àune température
de 25 mK :lenombre moyen de phonons était alors réduit
ànT!007, seulement.
Atteindre le même régime quantique avec des disposi-
tifs optomécaniques est plus délicat, principalement pour
deux raisons. Tout d’abord, pour que le résonateur puisse
convenablement réfléchir la lumière dans la cavité, il faut
en général que sa surface soit plus grande que la taille du
faisceau lumineux. La plupart des micro-résonateurs ont
ainsi des dimensions de quelques dizaines de microns,
pour lesquelles il est difficile d’atteindre des fréquences de
résonance supérieures à10MHz. D’autre part, la bande
passante de la cavité est d’autant plus étroite que la finesse
est élevée ;elle est donc inversement proportionnelle au
temps de stockage des photons
τ
cav =2/F×Lc
,oùLest
la longueur de la cavité et cla vitesse de la lumière. La
cavité agit donc comme un filtre passe-bas de fréquence
de coupure 1/tcav et le champ réfléchi est d’autant moins
Figure 2–Spectre de bruit thermique observé àtempérature ambiante avec
un micro-pont en silicium de 1mm×1mmet60mmd’épaisseur (photo de
droite). Chaque résonance correspond àunmode de vibration de la poutre,
comme celui représenté àdroite.
Figure 1–Une cavité àmiroir mobile constitue un système modèle pour
l’étude du couplage optomécanique. La sensibilité de la phase du faisceau
réfléchi vis-à-vis des déplacements du miroir est maximale àrésonance (point
de fonctionnement bleu), tandis que le refroidissement laser est obtenu
lorsque la cavité est désaccordée (point de fonctionnement vert).
Vers l’optomécanique quantique
27
sensible aux déplacements du miroir àfréquence élevée
que la cavité est de grande finesse.
Pour une fréquence de résonance de quelques méga-
hertz, le résonateur n’est dans son état fondamental qu’à
une température très basse, inférieure à100 mK, inacces-
sible par des moyens cryogéniques usuels. Il est alors néces-
saire de combiner la cryogénie avec d’autres méthodes de
refroidissement. Une approche qui paraîtaujourd’hui très
prometteuse consiste àtirer parti du couplage optoméca-
nique lui-même pour réaliser un refroidissement équi-
valent àcelui qui permet d’atteindre des températures
extrêmement basses avec des atomes ou des ions. Il s’agit
de profiter de la dépendance en fréquence de la résonance
optique de la cavité (décrite par un pic d’Airy) pour extraire
de l’énergie du système mécanique et la transférer vers les
photons réfléchis par la cavité (voir encadré 2).
En pratique, le refroidissement est mis en œuvre à
l’aide d’une cavité àmiroir mobile que l’on désaccorde par
rapport àlarésonance, par exemple en modifiant légère-
ment sa longueur.Dans ces conditions, le point de fonc-
tionnement ne se situe plus au sommet du pic d’Airy mais
sur le flanc du pic (point vert sur la figure 1). Tout mou-
vement du miroir induit alors une variation de l’intensité
intracavité, et donc de la pression de radiation. Il en résulte
une action en retour de la lumière sur le miroir puisque
la pression de radiation devient proportionnelle au mou-
vement du miroir.Lerésonateur voit sa dynamique pro-
fondément modifiée, ce qui permet de contrôler ses
Figure 3–Spectres de bruit thermique du mode du micro-pont oscillant à
814 kHz, obtenus àtempérature ambiante (courbe noire), et en présence
d’un refroidissement laser de plus en plus efficace (courbes bleues). La
réduction du bruit thermique correspond àunabaissement de la tempéra-
ture du résonateur par un facteur 30.
déplacements et notamment son mouvement Brownien
lorsque les déplacements sont gouvernés par l’agitation
thermique. On peut ainsi obtenir un refroidissement du
résonateur,capable en principe d’abaisser sa température
jusqu’à atteindre son état fondamental.
Nous avons mis en évidence cet effet de refroidisse-
ment àl’aide du résonateur constitué d’un micro-pont,
dont le spectre de bruit thermique adéjà été présenté
sur la figure 2.Lafigure 3 montre le spectre àtempérature
Encadré 2 Refroidissement laser et état fondamental
La réflexion d’un photon sur un miroir mobile peut
conduire àune modification de la fréquence du photon par
un effet similaire àladiffusion Raman inélastique. Le pre-
mier processus (processus Stokes) correspond àune perte
d’énergie du photon par création d’un phonon, alors que le
processus inverse permet d’absorber un phonon et de trans-
férer une énergie Ωmdu résonateur vers le photon (voir la
figure E1). Cesdeux processus élémentaires créent des bandes
latérales aux pulsations
ω
0±Ωmautour de la pulsation
optique w0du faisceau incident. Lorsque le laser est àréso-
nance avec la cavité, aucun processus n’est favorisé et il n’y
apas de transfert d’énergie entre le résonateur et la lumière.
En revanche, lorsque le laser est désaccordé vers le rouge
(figure E2), le processus anti-Stokes est favorisé, induisant une
absorption des phonons et un refroidissement du résonateur.
La température limite atteinte dépend des processus
Stokes résiduels, qui ont pour effet de chauffer le résona-
teur.Dans la situation des bandes latérales résolues où la fré-
quence laser est fortement désaccordée et se situe nettement
en dehors du pic d’Airy,ces processus résiduels deviennent
négligeables et on montre théoriquement que le résonateur
peut atteindre son état quantique fondamental.
Stokes (chauffage)
anti-Stokes (refroidissement)
Figure E1 – Processus élémentaires Stokes et anti-Stokes.
Fréquence
pic d’Airy
de la cavité
anti-Stokes
Laser
Stokes
Figure E2 – Principe du refroidissement laser.
«Dossier laser »
28
Figure 4–Les corrélations optomécaniques sont mesurées en envoyant deux
faisceaux dans la cavité àmiroir mobile, un faisceau signal intense dont les
fluctuations de la pression de radiation déplacent le miroir,etunfaisceau
sonde qui détecte les mouvements résultants.
ambiante du mode résonnant à814 kHz (courbe supé-
rieure), puis les spectres obtenus en désaccordant la cavité
de telle façon que le refroidissement laser soit de plus en
plus efficace (courbes bleues). Il est clair que l’action en
retour de la lumière dans la cavité désaccordée apour effet
de contraindre les mouvements du miroir,l’amplitude du
pic Lorentzien de bruit thermique étant atténuée par un
facteur supérieur à10. La température est reliée àl’aire
du spectre Lorentzien et subit une réduction par un fac-
teur 30. On constate aussi un élargissement du pic qui tra-
duit le fait que la pression de radiation, proportionnelle au
déplacement du miroir,secomporte en fait comme une
force visqueuse qui augmente l’amortissement du résona-
teur.C’est cet amortissement optique supplémentaire qui,
en couplant le résonateur àunbain de photons àtem-
pérature quasi-nulle, assure en fait son refroidissement.
On note également un léger décalage de la fréquence de
résonance :lapression de radiation se comporte en par-
tie comme une force de rappel, responsable d’un effet de
ressort optique additionnel.
Après ces premières expériences, le refroidissement
laser apuêtre mis en évidence avec de nombreux disposi-
tifs optomécaniques (voir encadré 1). Sonefficacité en vue
d’atteindre le régime quantique du résonateur galement
été prouvée, en combinant cryogénie traditionnelle et
refroidissement laser :àl’heure actuelle, plusieurs équipes
ont obtenu un nombre moyen de phonons inférieur à100.
Corrélations optomécaniques
Si le couplage optomécanique permet d’agir sur le
mouvement classique du résonateur,comme nous venons
de le voir avec le refroidissement laser,ilpermet aussi de
coupler au niveau quantique la lumière et le résonateur.
Il est alors possible d’utiliser la lumière pour contrôler
l’état quantique du résonateur,ouvice versa.Onsetrouve
en fait en présence de deux oscillateurs harmoniques, le
mode du champ dans la cavité et le mode de vibration
du résonateur,couplés de manière non linéaire :lapres-
sion de radiation, proportionnelle àl’intensité lumineuse,
déplace le résonateur,tandis que le mouvement de ce
dernier modifie la phase du faisceau réfléchi. Ce type de
couplage est similaire àceux que l’on trouve en optique
quantique, par exemple lorsqu’on place un milieu non
linéaire dans une cavité optique. On peut alors s’intéres-
ser aux mêmes problématiques en optomécanique quan-
tique qu’en optique quantique :ilest en principe possible
de produire des champs dont les fluctuations quantiques
sont comprimées, ou de réaliser des mesures quantiques
non destructives de la lumière, par des moyens purement
optomécaniques. On peut aussi profiter du fait qu’on dis-
pose d’un résonateur mécanique macroscopique pour
réaliser une intrication quantique entre la lumière et le
résonateur,ouencore pour fabriquer une mémoire quan-
tique utilisable pour l’information quantique, où l’infor-
mation est stockée dans le mouvement du résonateur.
Une autre conséquence importante du couplage opto-
mécanique est l’existence de limites quantiques dans les
mesures ultrasensibles, telles que les détections d’onde
gravitationnelle1.Les détecteurs sont basés sur des inter-
féromètres de taille kilométrique dans lesquels l’onde gra-
vitationnelle induit une très faible variation de longueur
apparente des bras. Pour atteindre la sensibilité requise,
une puissance lumineuse très élevée circule dans les
bras ;les miroirs sont alors soumis àune pression de
radiation importante qui va perturber leur position.
Comme nous l’avons vu dans l’introduction, la pression
de radiation est en effet le siège de fluctuations liées àla
nature quantique de la lumière, fluctuations qui tra-
duisent l’arrivée aléatoire des photons sur les miroirs. Le
bruit de position résultant est corrélé aux fluctuations
quantiques d’intensité du faisceau et apparaîtcomme un
bruit supplémentaire dans la mesure. Il s’agit là d’un prin-
cipe fondamental d’action en retour dans la mesure en
mécanique quantique, la mesure perturbant inévitable-
ment le système que l’on cherche àmesurer.
Pour la mise en évidence de ces différents effets, le
point critique consiste àatteindre le régime quantique
du couplage optomécanique, c’est-à-dire à être capable
d’observer les déplacements d’un miroir mobile sous
l’effet des fluctuations quantiques de la pression de radia-
tion. Cesdéplacements sont toutefois très petits :pour
le micro-pont que nous avons déjà présenté, un bruit de
pression de radiation de 1/aHNz
,qui correspond àun
faisceau laser de 1Wincident sur le miroir,induirait un
bruit de position de 210/
21
×mHz
seulement.
Afin de s’assurer que les déplacements observés
découlent bien des fluctuations quantiques de la pression
de radiation, nous cherchons àmettre en évidence les
corrélations entre les fluctuations d’intensité et le mouve-
ment du miroir.Pour cela, on envoie deux faisceaux dans
la cavité, un faisceau signal intense dont on détecte l’in-
tensité réfléchie, et un faisceau sonde de plus faible puis-
sance dont on détecte la phase (voir figure 4). La mesure
1. Voir article dans ce numéro «Virgo et la quête des ondes gravitation-
nelles ».
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