Présentation de la philosophie et du programme

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Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2015-2016
Cours Olivier Verdun
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PRÉSENTATION DE LA PHILOSOPHIE ET DU PROGRAMME
I) LES OBJECTIFS DE LA PHILO EN TERMINALE
L'enseignement de la philosophie en classes terminales a pour objectif de favoriser l'accès de
chaque élève à l'exercice réfléchi du jugement, et de lui offrir une culture philosophique
initiale. Ces deux finalités sont substantiellement unies.
La culture philosophique à acquérir durant l'année de terminale repose elle-même sur la
formation scolaire antérieure, dont l'enseignement de la philosophie mobilise de nombreux
éléments, notamment pour la maîtrise de l'expression et de l'argumentation, la culture littéraire et
artistique, les savoirs scientifiques et la connaissance de l'histoire.
Ouvert aux acquis des autres disciplines, cet enseignement vise dans l'ensemble de ses
démarches à développer chez les élèves l'aptitude à l'analyse, le goût des notions exactes et le
sens de la responsabilité intellectuelle. Il contribue ainsi à former des esprits autonomes, avertis
de la complexité du réel et capables de mettre en œuvre une conscience critique du monde
contemporain.
II) LE PROGRAMME DE TERMINALE
« Dans toutes les séries, la liste des notions s’articule à partir de cinq champs de problèmes,
eux-mêmes désignés par des notions, isolées ou couplées, qui orientent les directions
fondamentales de la recherche. » Le programme se compose d'une liste de notions et d'une liste
d'auteurs. Qu’est-ce qu’une notion ?
Il s'agit d'un mot ordinaire de la langue («le sujet», «la conscience», «l'art»), mais qui s'est
chargé de sens au point de désigner ce qu'on appelle vulgairement une «idée», c’est-à-dire un
champ ou un aspect essentiel de la Réalité : « l'existence », « la Technique », « la Beauté »… A
distinguer du concept qui est une idée générale dont la définition est modifiée, voire créée de
toutes pièces par un auteur en fonction d’un problème et d’un cadre argumentatif déterminés.
Philosopher, c'est d'abord clarifier, ordonner, hiérarchiser le sens des mots, de manière à
construire, à partir d'une notion commune, un ou plusieurs concepts philosophiques. Pour ce faire,
la recherche de l'étymologie d'un mot peut être fort utile en ce qu'elle donne souvent des éléments
de compréhension de la notion. Définir, c'est aussi délimiter, distinguer une notion des mots qui
lui sont associés ou opposés. Interroger la pertinence d'une distinction peut être une manière
habile de faire apparaître un problème.
La 1ère partie du programme des séries générales s'intitule "le Sujet" : le Sujet n'est pas autre
chose que l'Homme en tant que personne ou individu. Il s'agit de savoir ce qui définit ou ce qui
détermine un être humain, non pas en tant qu'être social, d'abord en tant qu'être individuel.
Puis vient la "Culture" : on passe ici de la personne individuelle au genre humain dans son
ensemble, car la culture n'est jamais individuelle mais transmission collective, elle appartient à
l'humanité tout entière. Mais dans ces 2 premières parties, la forme de l'interrogation reste la
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même, elle est de l'ordre d'un "qu'est-ce que", on cherche à définir avant tout les caractéristique de
l'humain. Question kantienne « Qu’est-ce que l’homme ? ».
Arrive ensuite "La Raison et le Réel" : le problème à formuler est ici celui de la
connaissance, autrement dit « Que pouvons-nous connaître ? » ; la Vérité étant précisément
l'objet même de la connaissance, le but ultime, puisque savoir quelque chose revient à savoir que
cette chose est vraie. La partie de la philosophie qui traite cet ensemble de problèmes se nomme
« l'épistémologie » (de "épistémè" en grec, le savoir), ou encore la « philosophie des sciences »,
même si la notion de Vérité renvoie à d'autres problèmes qui n'ont rien de scientifiques : le devoir
de dire la vérité, par exemple, est un problème moral.
La "Politique" est la 4e partie. La politique est le domaine de l'action collective, de la
« pratique » (de "praxis" = action en grec), et non celui de la recherche théorique de la vérité
(problème des sciences, 3e partie) ou celui de la détermination de l'essence de l'homme (1ère et 2e
parties). La philosophie s'intéresse donc à l'être social de l'homme et aux principes qui
pourraient rendre cette existence sociale meilleure et plus juste.
Enfin le programme se clôt avec la "Morale", elle aussi « pratique » puisqu'il s'agit de
déterminer les règles pouvant guider les personnes à agir en vue de la meilleure existence
possible, ce qu'on appelle ordinairement « le Bonheur ».
Le programme forme donc une sorte de boucle qui va de l'homme en tant qu'être individuel
(une "Conscience") à l'homme en tant que personne morale agissant parmi ses semblables.
Où l’on voit que cinq figures de l'Homme se succèdent : l'individu, l'humanité, le savant, le
citoyen, la personne. Si le thème central de la philosophie est l'Homme, le problème d'ensemble
se précise. On pourrait l'énoncer ainsi : « Qu'est-ce que l'Homme, en tant qu'être cultivé, individu
membre d'une communauté, doit connaître et faire pour mener une existence digne et heureuse ? »
Le programme introduit la notion de repères : « L’étude méthodique des notions est précisée et
enrichie par des repères auxquels le professeur fait référence dans la conduite de son
enseignement. » Il s'agit d'une liste, non limitative, de distinctions conceptuelles opératoires, qui
peuvent être impliquées dans des chapitres divers. Ce ne sont pas des "thèmes" mais des
« concepts opératoires » souvent présentés deux par deux sous forme d'oppositions (par exemple
"absolu/relatif", ou "théorie/pratique"). Il n'est pas question de leur consacrer un cours
spécialement, on nous demande seulement de les souligner, de les définir et surtout de savoir les
utiliser au fur et à mesure de l'évolution du cours. En voici la liste complète :
« Absolu/relatif - Abstrait/concret - En acte/en puissance - Analyse/synthèse - Cause/fin Contingent/nécessaire/possible - Croire/savoir - Essentiel/accidentel - Expliquer/comprendre - En
fait/en droit - Formel/matériel - Genre/espèce/individu - Idéal/réel - Identité/égalité/différence Intuitif/discursif - Légal/légitime - Médiat/immédiat - Objectif/subjectif - Obligation/contrainte Origine/fondement - Persuader/convaincre - Ressemblance/analogie - Principe/conséquence - En
théorie/en pratique - Transcendant/immanent - Universel/général/particulier/singulier »
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III) LA PHILOSOPHIE, QU'EST-CE QUE C'EST ?
Cette présentation rapide de l'enseignement de la philosophie en terminale va maintenant nous
permettre d'expliquer sommairement ce qu'est la philosophie. Nous nous contenterons ici de
dégager les grandes lignes du projet philosophique. Nous nous mettrons ensuite directement au
travail, la meilleure façon de définir la philosophie étant d'en faire. Pour ce faire, je vous propose
de répondre à ce petit questionnaire qui nous aidera à cerner la question " qu'est-ce que la
philosophie ? "
1)
Questionnaire distribué aux élèves
1.
2.
Connaissez-vous l'origine du mot " philosophie " ?
Quand on dit de quelqu'un qu'il est " philosophe " ou qu'il faut agir avec " philosophie ", que
veut-on signifier ?
3.
Avez-vous entendu parler de certains philosophes ou lu des ouvrages philosophiques ? Si oui,
lesquels ?
4.
Voici 14 questions. Distinguez les questions de portée philosophique de celles qui, à votre
avis, ne le sont pas et justifiez votre choix. Ecrire une définition provisoire du questionnement
philosophique et rédiger quatre questions uniquement philosophiques, chacune portant sur un
thème différent.
1. Quels sont les mécanismes de la mémoire ?
2. Pourquoi le TGV va-t-il plus vite que le train corail ?
3. Y a-t-il des usages légitimes de la violence ?
4. L’art est-il utile ?
5. Quelles sont les libertés fixées par la Déclaration des droits de l’homme ?
6. Qu’est-ce qu’un ordinateur ?
7. Faut-il défendre l’ordre à tout prix ?
8. Etre libre est-ce faire ce qui nous plaît ?
9. Peut-on donner son sang une fois par semaine sans être affaibli ?
10. Dieu existe-t-il ?
11. D’après Freud, à quel âge l’enfant passe-t-il par une période de latence ?
12. Existe-t-il des êtres doués de pensée ailleurs que sur la Terre ?
13. Comment s’effectue le dépistage du cancer du foie ?
14. Pensez-vous, comme le dit J.-P. Sartre, que « l'enfer, c'est les autres » ?
2) La signification du mot " philosophie "
La philosophie est pour la plupart d’entre nous une discipline fort étrange et obscure. Si l'on
se tourne du côté du sens commun, le mot "philosophie" reçoit différents usages, comme le
suggèrent un certain nombre d'expressions familières :
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* « prendre les choses avec philosophie » : garder son calme, sa sérénité au milieu des tracas de la
vie quotidienne; la philosophie : une sorte de sagesse entendue comme art de s'accommoder des
événements que l'on ne peut pas changer, un idéal de maîtrise de soi;
* « la philosophie d'un homme d'Etat, d'un programme » : les principes généraux d'un plan
d'action, d'un programme politique, d'une loi;
* « la philosophie bouddhiste » : la vision du monde qui se dégage plus ou moins explicitement
d'un comportement, d'une croyance, d'une doctrine.
Philosophie veut dire en grec ‘’amour de la sagesse’’. Le mot philosophie aurait été introduit
par Pythagore (VI e siècle avant notre ère) parce qu'il était plus modeste, moins ambitieux que
celui de sagesse. La philosophie se caractérise donc, en premier lieu, par son aspiration à la
connaissance, au savoir, à la sagesse. Mais quel type de connaissances et en vue de quoi ?
En premier lieu, remarquons qu'il est rare qu’on demande à une discipline enseignée dans le
secondaire de se définir, sans doute parce qu’elle possède un air de familiarité. Il ne serait peutêtre pas évident de définir les mathématiques à quelqu’un qui n’en aurait jamais fait ; et pourtant,
on fait des maths sans s’interroger sur ce que l’on fait : soit on réussit et c’est valorisant, soit on
échoue et on est nul en math ; mais l’objet des mathématiques n’est pas une question
apparemment pertinente.
Il n’en est pas de même de la philosophie puisque cette matière apparaît pour la première fois
en terminale (spécificité française). On s’interroge légitimement sur son objet. Or la question "
qu'est-ce que la philosophie ? " est déjà elle-même une question philosophique, comme la
question : “ qu’est-ce que les mathématiques ? ” est philosophique.
En effet, quand un mathématicien se demande ce qu’il fait, sur quel type d’objet il travaille, il
se pose des questions qui excèdent les mathématiques, auxquelles il ne peut être répondu par des
théorèmes. Une expérience de chimie est un exemple du travail du chimiste, mais elle ne peut
satisfaire à la question : " qu'est-ce que la chimie ?". Sur ces questions, ou sur les réponses qu’il
convient d’y apporter, tous les mathématiciens ne seront pas d’accord; alors même qu’ils font les
mêmes mathématiques, ils n’auront pas nécessairement la même conception des maths.
Quelles sont alors les caractéristiques du questionnement philosophique ? Pour répondre à cette
question, examinons le petit exercice qui vous a été proposé.
3) Le questionnement philosophique
Correction du questionnaire :
Exemple de quatre questions philosophiques : la mort rend-elle la vie absurde ? Peut-on
concevoir des sociétés sans violence ? Qu’est-ce qu’être maître de soi ? La passion est-elle
toujours un esclavage ?
Les caractéristiques du questionnement philosophique : ce sont des questions qui suscitent
des prises de position, qui demandent un jugement personnel, qui concernent tout le monde.
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La définition du questionnement philosophique : le questionnement philosophique, qui a
une forme générale et abstraite, porte sur toutes les dimensions de l’existence humaine. Il
s’adresse à tout homme. Il remet en cause les idées toutes faites, les réponses faciles et
définitives : il les interroge sur leur sens (signification et orientation-implication). Il fait appel à
l’esprit critique mais exige aussi d’être attentif aux idées qui ne sont pas les nôtres. Il implique
des débats où chacun doit chercher des arguments raisonnés et cohérents entre eux. Il débouche
sur des réponses personnelles qui un jour seront encore interrogées.
Nous apercevons ainsi que, contrairement à d'autres disciplines, la philosophie n’est pas une
affaire de spécialiste : chacun philosophe dès qu’il s’interroge sur les fondements d’un savoir ou
d’un concept. Si je me demande : « au fait, qu’est-ce que c’est qu’être libre ? », ou bien : « qu’estce que c’est que la justice », ou encore : « comment pourrait-on définir la vérité ? », et que je
dépasse la simple question pour m’aventurer vers un questionnement organisé en vue d’une
réponse, je fais alors de la philosophie.
Cela nous indique déjà un des caractères particuliers à la philosophie : le retour sur soi, la
rationalité critique qui consistent, par l'exercice du doute méthodique, du dialogue raisonné, à
dégager, au-delà des préjugés et des opinions, le fondement et la raison d'être de ces opinions. La
philosophie réfléchit ainsi sur l’ensemble de nos savoirs (ex: savoir scientifique), de nos
pouvoirs (ex: pouvoir technique), sur les fins (buts de l’action) et sur le problème des valeurs
(“qu’est-ce que la justice, la beauté, la vérité…?”) dans une perspective d’universalité (au-delà
de la multiplicité changeante des opinions, des idéologies, des conceptions du monde).
Penser par soi-même, s'interroger, aller au fondement des choses, se débarrasser des préjugés et
des illusions certes, mais pour quoi faire ? Ne vaut-il pas mieux le confort des certitudes toutes
faites, des préjugés, de l'ignorance ? La philosophie n’est- elle pas finalement « une prise de tête »
qui nous éloignerait de la vraie vie en nous encombrant l'esprit de questions fumeuses et
déprimantes ? Pourquoi finalement faire de la philosophie en général et plus particulièrement en
terminale ?
4) Pourquoi faire de la philosophie ?
Le soupçon d'inutilité pèse en permanence sur la philosophie. A la question de savoir si la
philosophie est utile, voire nécessaire, le philosophe Aristote tenait le raisonnement suivant :

ou bien il faut philosopher ou bien il ne faut pas philosopher;

or, s'il ne faut pas philosopher, encore faut-il le démontrer, donc philosopher ;

conséquence : prouverait-on l'inutilité de la philosophie qu'on philosopherait encore.
Démontrer l'inutilité de la philosophie, comme démontrer l'inutilité du langage ou l'inexistence
de la vérité, c'est contredire l'énoncé par l'énonciation. De sorte qu'on n'échappe pas plus à la
philosophie qu'on n'échappe au langage ou à la vérité, sauf peut-être par la violence, la mauvaise
foi ou le silence.
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Philosopher, c’est penser par soi-même ; mais nul n’y parvient valablement qu’en s’appuyant
d’abord sur la pensée des autres, et spécialement des grands auteurs. On pense mieux, plus fort,
plus profond, on ira plus loin et plus vite avec les grands auteurs. La philosophie n’est pas
seulement une aventure ; elle est aussi un travail, qui ne pas sans efforts, sans lectures, sans
outils. C’est ce travail que nous essaierons de mener ensemble cette année.
La philosophie n’est pas une science, ni même une connaissance ; ce n’est pas un savoir de
plus : c’est une réflexion sur les savoirs disponibles, mais aussi sur les pouvoirs (ex: pouvoir
technique, pouvoir politique), les fins (buts de l’action), le problème des valeurs (“qu’est-ce que
la justice, la beauté, la vérité…?”), et ce dans une perspective d’universalité (au-delà de la
multiplicité changeante des opinions, des idéologies, des conceptions du monde.
La philosophie est questionnement radical, création et utilisation de concepts, réflexivité
(retour sur soi de l’esprit, pensée de la pensée), recherche de la plus grande cohérence possible.
La philosophie est aussi, et peut-être d’abord, critique des illusions, des préjugés, des
idéologies. Toute philosophie est donc un combat. Son arme ? La raison. Ses ennemis ? La
bêtise, le fanatisme, l’obscurantisme ou la philosophie des autres. Ses alliés ? Les sciences. Son
objet ? Le réel, avec l’homme dedans.
Voilà pourquoi, comme le notait le philosophe Alain, la fonction de penser ne se délègue
point : c’est à nous de penser et il faut le faire par soi-même, ce qui est difficile. Il y a sans
doute autant de philosophies qu’il y a de philosophes, bien qu’il arrive que des philosophes
s’accordent (il y a des maîtres, des disciples, etc.). Cela signifie que si n’importe qui peut faire
des maths ou des sciences à votre place, personne ne peut philosopher à votre place.
Alors que notre tendance naturelle est d’accepter une paisible situation où l’autre pense
pour nous, en notre lieu et place, penser, participer à la réflexion philosophique, c’est inventer
quelque chose de neuf, réapprendre à voir lucidement les choses ; c’est parvenir à une
réflexion adulte, apprendre à se servir de son entendement, sans la direction d’autrui, ce qui
exige courage et travail.
Kant a montré, en effet, dans un petit texte intitulé Qu'est-ce que les Lumières ?, que la
servitude consiste à remettre, en autrui, la charge de diriger nos pensées, à refuser d’assumer
soi-même ses propres opinions et jugements. Kant appelle minorité la subordination de
l’usage de l’entendement à la direction d’autrui. La cause de cette minorité volontaire est la
paresse et la lâcheté, le confort de l’aliénation. La paresse est la propension au repos sans
travail préalable ; la lâcheté est la pusillanimité sans honneur. La minorité exprime la manière
dont le sujet se considère lui-même : elle a son fondement dans une déconsidération de soi,
une mésestime de soi. Les tuteurs, les tyrans, les gourous multiples cultivent cette mésestime
de soi, infantilisent les sujets et entretiennent, par conséquent, l’état pathologique dans lequel
ils se trouvent.
Kant définit alors les Lumières comme la sortie hors de la minorité volontaire, c’est-à-dire
comme un processus d’élévation, d’arrachement progressif à un état de dépendance. La maxime
des Lumières est de penser par soi-même en toutes circonstances, de chercher en soi-même,
dans sa propre raison, la pierre de touche de la vérité. La vertu du courage est donc la condition de
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l’usage de l’entendement, de sorte que la raison, le savoir visent avant tout la formation de la
personne, comme sujet responsable.
Cela signifie que la motivation qui nous conduit à aimer la philosophie, c'est le goût de
la liberté vraie. La fausse liberté, c'est la prétendue spontanéité de celui qui " fait ce qui lui
plaît " et qui en fait ne fait que suivre son troupeau. Etre l'auteur réel de ses actes, ne plus se
laisser abuser par les préjugés ambiants, voilà la motivation principale du philosophe
comme de l'apprenti philosophe.
Un philosophe du XX° siècle, du nom de Jankélévitch, disait lors d'une émission télévisée
(Apostrophe) : “on peut très bien vivre sans philosopher, mais on vit moins bien". On peut très
bien vivre, et non pas seulement survivre, sans philosophie, c'est-à-dire connaître des moments
de bonheur intense, mais on les vivra forcément moins intensément que si on philosophe aussi
sur ces moments. Pourquoi ?
D'abord parce que cela permet de les faire durer davantage.
Ensuite parce qu'en prenant conscience de la nature et des causes de ces moments, on les
revit plus pleinement.
D'autre part, comprendre plus profondément la nature d'un état, de ses tenants et
aboutissants, c'est se rendre capable d'une perception plus subtile, d'une sensibilité accrue lors
de nouvelles expériences heureuses.
Enfin, comprendre les causes réelles d'un état de bonheur réel, c'est être capable de devenir
la cause de son bonheur, par la compréhension de celui-ci, au lieu d'attendre passivement que
le bonheur vienne de l'extérieur.
En somme, philosopher est une façon de vivre plus accomplie, voire plus intense. Si le
bonheur ne s'apprend sans doute pas, la lucidité qui le rend possible se cultive. Le
questionnement philosophique n'est donc pas une fin en soi; il relève d'une exigence de
lucidité dont la fonction consiste à débarrasser la vie des faux-semblants pour mieux vivre,
d'une façon plus accomplie, plus humaine et peut-être plus intense.
A quoi peut donc servir la philosophie ? A vivre mieux, d’une vie plus raisonnable, plus lucide,
plus riche, plus libre, plus heureuse…Permettre à chacun de mieux conduire son existence,
d’accéder à une ‘’vie bonne’’, réussie.
On comprend alors mieux pourquoi, en son acception étymologique, la philosophie est définie
comme l'amour de la sagesse. La sagesse, en son sens originel, n’est rien d’autre que la méthode
du bonheur, methodos signifiant le chemin. Le philosophe est donc celui qui tente de découvrir et
d’élaborer une sagesse, c’est-à-dire un savoir indiquant les vrais moyens de parvenir au bonheur.
La sagesse, c’est le bonheur dans la vérité, le bonheur sans illusions, sans mensonges. Il s'agit
donc d'apprendre à penser mieux pour vivre mieux, c'est-à-dire de façon plus active, plus
heureuse, plus lucide, plus libre. La philosophie ne mériterait pas une seule heure de peine si elle
ne nous aidait pas à être heureux et libre. Le bonheur et la liberté sont le but, la philosophie est le
chemin permettant d’atteindre ce but.
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C’est la raison pour laquelle le philosophe Epicure définit la philosophie de cette façon : « la
philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie
heureuse ». Autrement dit, la philosophie est une pratique discursive, qui a « la vie pour objet, la
raison pour moyen, et le bonheur pour but » (André Comte-Sponville, L’amour la solitude).
Qu'est alors un philosophe ? Le philosophe est celui qui se sert de sa raison pour réfléchir sur la
vie, pour se libérer de ses illusions et pour être heureux. Philosopher, c’est penser sa vie et vivre
sa pensée.
Faisons néanmoins remarquer que si le bonheur est le but de la philosophie, il n’en est ni le
chemin, ni la norme : on peut être heureux sans philosopher et l’on peut philosopher sans être
heureux (il y a des philosophes malheureux). La norme de la philosophie est la vérité : ce n’est
pas parce qu’une idée me rend heureux que je dois la penser, mais si je dois penser une idée c’est
uniquement parce qu’elle me semble vraie. La vérité, pour le philosophe, l’emporte toujours
sur le bonheur : mieux vaut une vraie tristesse qu’une fausse joie. Définissons alors la sagesse
comme vérité heureuse : une vérité n’est pas vraie parce que heureuse mais heureuse parce que
vraie. La philosophie n’est qu’amour de la sagesse, amour à la fois de la vérité et du bonheur. Où
l’on voit que nous sommes loin de la sagesse : la plupart du temps les vérités nous sont
indifférentes ou nous font mal.
5) L'actualité de la philosophie
Aujourd’hui la philosophie semble susciter un regain d’intérêt : publications « grand public » ;
mode du café philosophique ; médecins et juristes qui se tournent vers la philosophie pour
élucider les questions d’éthique que le génie génétique a mises à l’ordre du jour; astrophysiciens
et biochimistes qui redécouvrent des questions d’origine (celle de l’univers, de la vie) et qui en
perçoivent l’ascendance et la portée philosophiques…
Il n’est nulle pensée, nulle action, en effet, qui ne sollicite l’interrogation philosophique et
ne tienne par quelque biais au tout de la pensée. Qui plus est, la philosophie est susceptible de
trouver son emploi dans l’élucidation de questions actuelles et brûlantes. Les philosophes ont
toujours peu ou prou contribué à transformer le monde, en un sens ou un autre, et notre
civilisation a été modelée en profondeur par l’esprit philosophique. Chacun est en quête de justice,
d’un chemin du bonheur et d’un sens à donner à son existence. Les sciences, fussent- elles
humaines, et pour nécessaires et intéressantes qu’elles soient, ne peuvent nous apporter de vraies
réponses : leur objet est le réel, non l’idéal ou le Bien ; elles disent ce qui est et ce que l’on
peut faire, mais non ce que l’on doit faire.
L’idéal de la philosophie est, en définitive, dans les sociétés laïques et démocratiques, de servir
à vivre ensemble, de la meilleure façon, selon deux formes essentielles.
1. D’abord dans le débat rationnel, sans lequel il n’y a pas de démocratie. En effet, la démocratie,
comme la philosophie, est fondée sur un pari : que chaque homme soit une partie du pouvoir
souverain, que chaque citoyen soit un gouvernant en puissance. Cela suppose que chaque homme
soit informé et capable de bien juger, en connaissance de cause. Pour que la démocratie soit
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effective, il faut que les citoyens soient instruits et comprennent les grands enjeux moraux et
politiques. C’est à cet objectif que répond l’instauration d’un enseignement philosophique en fin
d’études secondaires.
2. D’autre part, si la philosophie peut servir à vivre ensemble dans le débat rationnel, elle le peut
aussi dans l’amitié, sans laquelle il n’y a pas de bonheur. Il s’agit, par conséquent, de conquérir
l’amitié avec soi-même – la paix, le bonheur, la sérénité -, l’amitié avec autrui, l’amitié avec la
Cité et, enfin, avec le monde.
IV) L'ORGANISATION DU COURS ET LES EXERCICES
Qu’est-ce qu’un cours de philosophie ?
Il faut distinguer 3 aspects dans l'organisation du travail : les leçons, les travaux dirigés, les
devoirs.
La leçon est d'abord le travail du professeur, mais évidemment elle doit être travaillée (apprise)
ensuite par l'élève.
Les devoirs sont les travaux propres aux élèves : on entend par là ces exercices fondamentaux
de "type bac" que sont la dissertation et l'explication de texte, mais évidemment ils doivent
ensuite être corrigés par le professeur.
Or l'apprentissage de la réflexion philosophique suppose une phase intermédiaire d'assistance
et d'apprentissage, de collaboration étroite entre le professeur et les élèves, sous la forme
d'exercices variés appelés communément « travaux dirigés ».
1) Le cours ou leçon
Le cours de philosophe n'est pas tout à fait un cours comme les autres. Étant donné que sa
finalité n'est pas seulement la transmission de contenus, mais aussi l'apprentissage d'une réflexion
vivante et pertinente, il ne se réduit pas à un exposé neutre de type "encyclopédique". Il n'est pas
inversement une libre discussion "de comptoir", un débat collectif informe ou encore un "délire
personnel". Le cours de philo est certes "personnel", davantage que tout autre peut-être, mais il
devient collectif dès lors qu'il est partagé par un public (les élèves en l'occurrence). De plus il est
évidemment structuré.
La leçon n'est guère différente, dans son principe, de la dissertation, sauf qu'elle apporte un
certain nombre d'informations et de références destinées à faciliter la compréhension : la leçon
traite un problème, en rapport avec une ou plusieurs notions du programme, qui doit être
identifié dans une introduction et traité dans un développement en plusieurs parties. D'abord elle
est chapeautée par un titre sous forme de question. Puis l'introduction s'efforce de faire apparaître
un problème, c'est-à-dire tout l'enjeu et l'ampleur philosophique de la question. Pour cela il faut
s'interroger, et montrer que certaines affirmations communes – supposées évidentes – ne vont
justement pas de soi.
Au niveau du développement de la leçon, pour chaque question, nous menons simultanément
un double travail qui explique l'organisation en parties : à la fois nous consacrons chacune des
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parties à un aspect du problème, et nous réalisons que cet aspect des choses, lorsqu'il est pris
comme mesure ou comme unique repère, correspond à un certain point de vue, à certaines thèses
bien précises sur la question. Dans une deuxième partie, nous changerons de point de vue tout
simplement parce que nous nous concentrerons sur un autre aspect, une autre définition de la
notion. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que nous ayons le sentiment d'avoir fait le "tour de la question"
et d'être en mesure d'y apporter une réponse, mais cette fois "en connaissance de cause", de façon
réfléchie et argumentée. Ce sera l'objet de la conclusion : récapituler notre parcours, et répondre
de manière précise mais nuancée.
Un cours de philosophie, comme une dissertation, consiste donc à conceptualiser,
problématiser et argumenter.
En pratique, pour vous élèves, apprendre un cours revient à l’écouter attentivement, à le
prendre en notes, à l’écrire, à le discuter éventuellement, à le lire et relire, à savoir le restituer la
fois suivante, voire à engager de nouveau la discussion à son endroit.
2) Les devoirs
On distingue les devoir surveillés (DS) et les devoirs à la maison (DM). Qu'est-ce qui distingue
un DS (en 4 h) d'un DM ? Outre le coefficient (3 pour les DM, 4 pour les DS, y compris le "bac
blanc"), c'est essentiellement une différence dans la gestion du temps et dans le rapport aux
documents utilisables, ou "sources". Le premier point – comment utiliser les 4 heures du DS –
sera examiné en détail dans la leçon de méthodologie.
Pour les DM, vous disposez de 15 à 20 jours environ pour faire le travail. On commencera par
l’explication de texte et on procèdera par alternance : le premier devoir sera une explication de
texte, le deuxième une dissertation, le troisième une explication de texte, le quatrième un devoir
surveillé en 4 heures (dissertation). Au deuxième trimestre, on inversera l’ordre : dissertation,
texte, dissertation, devoir surveillé (texte). En Terminale L, le rythme est de 4 devoirs par
trimestre, trois à la maison et un en temps limité, au lycée, sous surveillance. Rédiger un devoir à
la maison, c'est l'occasion de s'informer, de lire, d'utiliser le cours et les textes plus
confortablement.
Pour le travail à la maison, il est tentant de surfer sur internet, justement pour accéder à divers
documents, voire à des corrigés. Si vous trouvez sur internet un corrigé de votre devoir, ou une
leçon directement en rapport, vous l'utilisez comme une source d'inspiration, mais vous vous
interdisez absolument de recopier telle quelle la moindre phrase, ce qui constituerait une sorte
de plagiat et de tricherie qui seraient immédiatement sanctionnés ; il est impossible de confondre
pour un correcteur le "style" courant d'un élève et celui d'un professeur auteur de corrigés.
D'autre part, s'il est facile de copier-coller à partir d'internet, il est encore plus facile
aujourd'hui, grâce aux moteurs de recherche, de vérifier en quelques secondes l'existence d'une
fraude : le professeur utilise lui aussi internet ! Enfin, beaucoup de corrigés proposés sur internet
sont mauvais et rédigés par des étudiants. Donc recopier un corrigé entièrement ou partiellement
rédigé ne garantit pas qu’on aura une bonne note, ni même la moyenne.
Tout devoir non rendu est sanctionné par un 0 et par un point en moins par jour de
retard. Les devoirs doivent être rédigés à la main et non à l’ordinateur. L’utilisation, en
classe, des ordinateurs et évidemment des téléphones portables est interdite.
Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2015-2016
Cours Olivier Verdun
Outre les 4 devoirs de type bac (dissertation et explication de texte), il y aura d’autres notes qui
seront intégrées à la moyenne trimestrielle et coefficientées différemment:
 une note de participation orale (coef 2) évaluant l’investissement en classe à l’oral ; au
début ou à la fin de chaque cours, je demande systématiquement à un élève de faire une
synthèse de ce qui a été vu dans le cours précédent ou pendant la séance ;
 des notes portant sur les exercices qui sont donnés tout au long de l’année (coef 1) :
questions portant sur les textes, exercices de méthodologie, etc. ; 3 ou 4 exercices sont
ramassés au hasard puis notés ; un élève qui n’a pas fait le travail demandé sera donc
sanctionné par un zéro ;
 deux notes par trimestre de contrôle des connaissances, c’est-à-dire d’apprentissage des
cours (coef 2) ; pour ne pas empiéter sur l’emploi du temps, ces devoirs auront lieu au
lycée, sous surveillance, en deux heures, à raison de deux par trimestre, en sus du devoir
surveillé trimestriel ;
 des fiches de lecture de textes philosophiques : 7 dans l’année (coef 2) ; cf. programme de
TL.
 les classeurs seront régulièrement contrôlés (au début, une fois par semaine).
Au total, vous devriez avoir une dizaine de notes par trimestre, ce qui vous permettra de
compenser quelque peu les éventuelles mauvaises notes que vous pourriez avoir avec les devoirs
de type bac. Cela va représenter, pour vous et pour moi, une charge de travail conséquente à la
hauteur de l’horaire hebdomadaire (8 heures) et du coefficient de la matière au baccalauréat : 7. Il
va sans dire que c’est en adoptant un rythme de travail régulier que l’on peut mettre toutes les
chances de réussite de son côté. Il s’agit également de prendre de bonnes habitudes de travail pour
l’enseignement supérieur auquel vous vous destinez probablement.
3) Le baccalauréat
Le bac consiste en un écrit (au choix : deux sujets de dissertation et un commentaire) et un
oral de rattrapage (second groupe d'épreuves du baccalauréat) pour les élèves qui, au premier
groupe d’épreuves, obtienne entre 8 et 10 ; cet oral porte sur l’explication d’un passage d’une des
deux œuvres de lecture suivie.
Difficulté majeure de cette année de philosophie : l’épreuve n’est pas un test de connaissance,
ni une simple récitation du cours, des idées du professeur, encore moins un défilé de mode où
seraient convoqués les grands auteurs sans autre lien entre eux qu'additif. C’est un véritable travail
de réflexion philosophique.
L'épreuve orale. L'épreuve orale « de rattrapage" » (épreuves dites du second groupe) au
baccalauréat consiste exclusivement, pour la philosophie, en une explication de texte. L'épreuve
dure 20 minutes après une préparation de la même durée. Dans les séries générales, ce texte est
extrait d'une œuvre choisie par le professeur parmi les auteurs du programme, ce qui doit donner
lieu à une préparation spécifique : un cours d'introduction sur l'auteur et l'œuvre, et un nombre
d'heures non négligeable consacrées à la lecture et à l'explication des passages les plus importants.
En terminale L, deux œuvres sont obligatoires. Nous en étudierons 3, dont une plus
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sommairement : le Traité théologico-politique de Spinoza (chapitre la politique), l’Apologie de
Raymond Sebond de Montaigne (chapitre la raison et le réel), la Lettre à Ménécée d’Epicure
(chapitre la morale). Ces œuvres devront être achetées rapidement puisque la première, celle e
Rousseau, sera étudiée dans le courant du premier trimestre.
V) LE MATÉRIEL
1 classeur pour les cours (notions) avec des intercalaires séparant les notions et les principaux
chapitres (le sujet, la culture, etc.). Y mettre les cours proprement dits, les textes étudiés en classe,
les notes concernant les œuvres au programme étudiées dans le cadre des notions, etc.
1 classeur pour les exercices (méthodologie, etc.), les devoirs, les corrigés des devoirs. Noter
à chaque fois à quelle notion au programme et à quelle partie du cours l’exercice se rapporte.
1 répertoire pour le vocabulaire et les repères au programme (indispensable). Je vérifierai de
temps en temps que ce répertoire est utilisé soigneusement.
1 dictionnaire de philo (Pratique de la philosophie de A à Z, Hatier, sous la direction
d’Elisabeth Hansen-Love), les œuvres au programme (2), le manuel de Gérard Chomienne, Lire
les philosophes, Hachette Education, ISBN 2-01-135357-2. Un abonnement à Philosophie
magazine. Evidemment un dictionnaire (Le Robert), Bescherelle « Grammaire », « Conjugaison »,
« Orthographe ».
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