VISITE SPIRITUELLE ET GUSTATIVE DU MONDE
Une forme théâtrale multiple, empreinte de
burlesque
Ma préoccupation constante a été : comment
faire du théâtre avec quelque chose qui, à priori,
relève plus de la conférence. Et petit à petit, au
fil des répétitions, la scène s’est transformée en
un espace de conte, de sketch, même de cinéma
(avec un court extrait des 10 commandements de
Cécil B. DeMille, durant lequel les pains matsot de
Pessah se transforment en popcorn), ou encore
de liturgie, avec la Semaine Sainte. Le burlesque
est très présent. Car ce spectacle raconte aussi
que la « passion de croire » n’est pas tout à faire
étrangère à la passion de jouer et à l’état amoureux,
et que croire n’est pas chose sans sensualité.
Passion amoureuse, fantaisie imaginative du jeu,
et élan mystique sont frères et sœurs : ils ont en
commun le besoin de croire, et le ravissement
-.ou la béatitude.-, qui côtoient intrinsèquement le
burlesque.
Impliquer le public, convoquer les sens
J’avais envie de faire participer le public. Ainsi, je questionne les spectateurs, je leur fais agiter des
crécelles au nom d’Aman, le méchant, et pousser des cris de joie au nom de Mardochée, le gentil,
durant l’évocation de la fête de Pourim ; ou encore j’inspecte la salle avec une lampe de poche pour
voir s’ils n’ont pas laissé des miettes de ce qu’ils ont mangé avant de venir... Il me paraissait surtout
très important de faire participer les sens, car la nourriture est par nature sensuelle. J’avais envie que
les spectateurs sortent du spectacle en ayant envie de manger : c’est pourquoi je tiens à leur offrir la
chorba. Ainsi, j’ai voulu jouer avec l’odeur, le goût, mais aussi avec l’écoute, grâce à la musique qui
est très présente, des chants du muezzin, et du son des cloches, aux chants de Yossele Rosenblatt,
cantor ashkénaze des années 30, au violoncelle de Sonia Wieder Atherton, ou encore à une chanson
extrêmement contemporaine de Daniel Darc, « Sois sanctifié ».
De sept à quatre-vingt-dix-sept ans !
C’est un spectacle très ludique, où les enfants sont tenus en haleine. Ils sont par ailleurs très sensibles
à la notion du « sacré », comme à la symbolique des choses ou des récits. Ils aiment apprendre le
sens des fêtes qu’ils traversent tout au long de l’année, et par là-même, de ce qu’ils mangent.
© Pierre Hecker