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Noesis
13 | 2008
Quine, Whitehead, et leurs contemporains
Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique
quantique
Sébastien Poinat
Éditeur
Centre de recherche d'histoire des idées
Édition électronique
URL : http://noesis.revues.org/1628
ISSN : 1773-0228
Édition imprimée
Date de publication : 15 mars 2008
Pagination : 175-191
ISBN : 2-914561-46-6
ISSN : 1275-7691
Référence électronique
Sébastien Poinat, « Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique », Noesis [En ligne],
13 | 2008, mis en ligne le 15 décembre 2009, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://
noesis.revues.org/1628
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© Tous droits réservés
Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique
Whitehead et les pères fondateurs de la
mécanique quantique
Sébastien Poinat
Introduction
1
Le contraste est frappant entre les textes de Whitehead traitant de la théorie de la
relativité et ceux consacrés à la mécanique quantique1 : autant les premiers sont longs et
nombreux, autant les seconds sont rares et, en général, assez brefs. Dans Procès et Réalité,
le texte majeur de Whitehead, on ne trouve que quelques allusions aux phénomènes
quantiques ; il en va de même des autres ouvrages de Whitehead où les remarques sur la
mécanique quantique sont finalement assez marginales. La seule exception concerne La
Science et le monde moderne, où un chapitre d’une dizaine de pages est consacré à la
mécanique quantique. En revanche, Whitehead mène, à plusieurs reprises, des discussions
très serrées de la théorie de la relativité, notamment dans Le Concept de nature et dans La
Science et le monde moderne. De même, Whitehead évoque très souvent le nom d’Einstein, à
propos de ses travaux sur la relativité, alors que ceux de Bohr, de Heisenberg, ou de
Schrödinger n’apparaissent pas dans les ouvrages qu’on vient de citer. Cette absence de
mention explicite est d’autant plus remarquable que Whitehead écrit ses principaux
ouvrages de philosophie au moment même où la mécanique quantique est en train de
naître, c’est-à-dire dans les années 1920–1930.
2
Toutefois, en suivant les éléments de réflexion donnés par Whitehead à propos de la
mécanique quantique, il est possible de tisser des liens avec la nouvelle physique et les
scientifiques qui l’ont bâtie. Ces derniers ont en effet été amenés à réfléchir sur des
questions que l’on retrouve dans la philosophie de Whitehead : quels sont les composants
ultimes de la nature ? Quel est le rapport entre les ondes et les corpuscules ? Qu’est-ce
que la réalité ? La mécanique quantique est en effet une théorie physique mais la
signification profonde des formules qu’elle contient est si délicate à saisir qu’elle nous
oblige à repenser ces grandes questions de métaphysique et d’épistémologie.
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1
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3
Ce que nous nous proposons de faire ici, c’est justement d’expliciter ces liens, de
construire les éléments d’un débat qui n’eut malheureusement pas lieu directement. Pour
cela, nous suivrons progressivement les éléments de réflexion donnés par Whitehead sur
la mécanique quantique ; nous pourrons ainsi les confronter aux analyses des pères
fondateurs de la mécanique quantique, et voir comment Whitehead se situe dans les
débats qui les occupèrent au début du XXe siècle. Insistons sur ce point : il ne s’agira pas
ici de faire de nouveaux rapprochements entre la philosophie de Whitehead et la
mécanique quantique en général, mais de situer Whitehead par rapport aux physiciens de
son époque qui fondèrent la théorie quantique.
1. Les phénomènes quantiques et la physique
classique
4
Pour Whitehead, la mécanique quantique porte le dernier coup à la théorie matérialiste
de la nature. Dans La Science et le monde moderne, Whitehead la compare à la théorie des
épicycles :
La doctrine physique de l’atome est maintenant dans un état qui suggère fortement
celui de l’astronomie des épicycles avant Copernic2.
Autrement dit : il y a urgence à abandonner définitivement la doctrine matérialiste
héritée du XVIIe siècle.
5
Ici, la doctrine physique de l’atome renvoie à ce que Whitehead appelle le
« matérialisme » et qui est l’œuvre des grands physiciens du XVIIe siècle. Whitehead
formule plusieurs objections au matérialisme, en s’appuyant notamment sur les
développements de la science (en particulier ceux de la biologie et de la psychologie).
Dans cette perspective, la mécanique quantique apparaît comme la confirmation de
l’inaptitude du matérialisme à décrire la nature. Plus précisément, les phénomènes
quantiques sont incompréhensibles, selon Whitehead, dès lors qu’on conserve le schéma
d’explication mécaniste qui est celui du matérialisme.
6
Whitehead prend soin de détailler ce problème : au début du XXe siècle, la physique
connaît fondamentalement deux types d’entité : les ondes (électromagnétiques
principalement) et les corpuscules (les atomes, ou les composants des atomes). Le
matérialisme vise alors à expliquer tous les phénomènes à partir des mouvements de ces
deux sortes d’entités. Or, ce schéma d’explication se heurte aux phénomènes quantiques.
Selon Whitehead, il en est un, en particulier, qui montre de façon définitive que la
conception matérialiste du monde est dépassée : il s’agit de la quantification des
phénomènes. C’est ce phénomène qui fut à l’origine de la révolution quantique ; il est
apparu en 1900, alors que Max Planck s’intéressait au problème du rayonnement du corps
noir. Les physiciens constataient en effet que de nombreux phénomènes, lorsqu’on les
observe à l’échelle atomique, présentent des phénomènes de discontinuités. Autrement
dit, il faut quantifier les grandeurs de la physique atomique ; c’est ce que s’employa à faire
la nouvelle théorie physique en cours d’élaboration : la théorie quantique.
7
Cette quantification concerne principalement deux grandeurs : l’énergie et la fréquence
de la lumière émise par une molécule. En effet, une molécule qui émet de la lumière
n’émet pas cette lumière de façon continue mais par paquets, ou quanta de lumière (les
photons). L’énergie ne peut donc pas croître ou décroître de façon continue : il y a des
sauts. De même, les fréquences d’émission ne forment pas un ensemble continu ; la
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molécule qui émet ne peut pas émettre cette lumière à n’importe quelle fréquence : seules
quelques fréquences sont autorisées.
8
Cette question est intéressante pour Whitehead parce que les discontinuités sont
inexplicables dès lors qu’on conçoit la molécule (ou l’atome) comme de la matière en
mouvement. En effet, on ne voit pas comment le mouvement des éléments de matière qui
la composent (les particules telles que l’électron ou le proton) pourrait produire des
discontinuités dans le rayonnement lumineux qui est émis. Il faudrait que le mouvement
lui-même présentât des discontinuités. Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Quelle raison
pourrait être à la base d’une quantification des grandeurs caractéristiques du mouvement
(la vitesse, la direction, etc.) ? Pour faire comprendre cette situation, Whitehead utilise
l’image suivante :
La difficulté avec la théorie quantique est que, d’après cette hypothèse, on doit se
représenter l’atome comme ne fournissant qu’un nombre limité de tracés bien
définis, qui sont les seuls chemins le long desquels une vibration peut avoir lieu,
alors que la représentation scientifique classique ne fournit aucun de ces tracés. La
théorie quantique exige des chariots suivant un nombre limité de routes, alors que
la représentation scientifique offre des chevaux galopant dans les prairies 3.
Whitehead considère donc que la conception matérialiste de la matière est incapable
d’expliquer les discontinuités et qu’il faut un changement radical de concepts pour
décrire la matière. De ce point de vue, il se démarque des positions prises par Bohr
jusqu’en 1925, positions qui visent à conserver, autant qu’il est possible, les concepts
hérités de la physique classique4. Ce conservatisme ontologique se manifeste d’abord en
1913, lorsque Bohr propose son modèle de l’atome. Dans ce modèle, on continue de
décrire l’électron comme un corpuscule de matière, en orbite autour du noyau, mais on
ajoute des restrictions : les niveaux d’énergie sont quantifiés et l’électron ne peut occuper
que certains de ces niveaux d’énergie. C’est ce qui explique la discrétisation des
fréquences d’émission. Mais ce modèle apparaît comme une sorte de compromis instable
entre la conception mécaniste héritée de la physique classique et les exigences nouvelles
issues des phénomènes de discontinuité : on n’explique pas vraiment pourquoi les
niveaux d’énergie sont quantifiés et soumis à des restrictions5. Autrement dit, on se
contente d’ajouter un postulat de quantification à une représentation qui demeure
fondamentalement liée à la physique classique. Le modèle est ainsi un compromis assez
insatisfaisant de conservatisme et d’innovation conceptuelle.
9
On retrouve ce conservatisme ontologique dans le principe de correspondance, que Bohr
adopta progressivement à partir de 1920 et jusqu’en 1925 environ. Ce principe préconisait
principalement « d’étendre le plus loin possible l’usage des concepts des théories
classiques de la mécanique et de l’électrodynamique »6. Autrement dit, il s’agissait de
maintenir, autant qu’il était possible, les outils hérités de l’ancienne physique. Le principe
de correspondance servit effectivement de guide, pendant les années de formation de la
mécanique quantique, à Bohr et à la plupart des physiciens qui travaillaient sur la
microphysique, et il permit de résoudre un certain nombre de problèmes7. Mais les
tensions conceptuelles qu’il induisait en raison de son conservatisme ne tardèrent pas à
se faire sentir. Elles rendirent nécessaire de bâtir une théorie fondamentale nouvelle, à
l’aide de concepts nouveaux : la mécanique quantique.
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2. Les vibrations organiques et les ondes de
Schrödinger
10
Autour de l’année 1925, lorsque Whitehead publie La Science et le monde moderne, nous
sommes donc dans une période de crise. Comme nous l’avons dit, la position de
Whitehead consiste à prôner la rupture et le changement radical de système conceptuel
pour décrire les constituants et les processus de la nature.
11
La révolution ontologique proposée par Whitehead est la suivante : il faut considérer que
la nature est peuplée d’organismes, eux-mêmes éventuellement composés d’éléments
plus primitifs de différentes espèces, qu’il appelle des « organismes premiers » (primates).
Ce sont des organismes en raison de la dépendance des parties à l’égard du tout :
Les entités concrètes qui durent sont des organismes, de telle sorte que le plan du
tout influence le caractère même des divers organismes subordonnés qui entrent
dans sa composition8.
Les objets de la physique, notamment les protons du noyau atomique, les électrons, etc.,
sont ainsi des organismes composés d’« organismes premiers ». Ces complexes associatifs
sont plus ou moins stables et c’est cette propriété qui détermine la durée de vie du tout
qu’ils forment :
Nous pouvons imaginer le noyau atomique comme étant composé d’un grand
nombre d’organismes premiers de différentes espèces, et peut-être avec plusieurs
organismes premiers de la même espèce, l’association tout entière favorisant leur
stabilité. On trouve un exemple d’une telle association dans l’association d’un
noyau positif avec un électron négatif pour obtenir un atome neutre 9.
Or, ces « organismes premiers » sont fondamentalement des entités vibratoires. Il faut
comprendre ici que ce qui vibre, ce sont les formes des parties et donc aussi la forme du
tout : elles vibrent au sens où elles sont soumises à des modifications périodiques (ou
approximativement régulières).
12
Le phénomène d’émission de la lumière peut alors s’expliquer de la façon suivante : la
stabilité du complexe qu’est l’atome peut être détruite par un élément extérieur, ce qui
conduit à la perte d’une des particules atomiques qui constituaient le complexe initial.
Cette particule est elle-même constituée d’organismes premiers, d’entités vibratoires,
mais le complexe qu’elle forme n’est plus stable dans son nouvel environnement (c’est-àdire non plus le noyau, mais le milieu extérieur). De ce fait, elle en vient à se dissoudre en
ces différents constituants, à savoir les entités vibratoires, qui vont donner naissance à un
faisceau de lumière :
En physique moderne, des éléments certains indiquent que, pour assurer la
fonction d’organismes corpusculaires au fondement de la physique, nous avons
besoin d’entités vibratoires. De tels corpuscules seraient ainsi ceux détectés lors de
leur expulsion hors du noyau des atomes, et dissous alors en ondes de lumière.
Nous pouvons supposer qu’un tel corpuscule, quand il est isolé, est trop instable
pour perdurer. Il s’ensuit qu’un environnement défavorable, conduisant à de
rapides changements dans son propre système d’espace-temps, c’est-à-dire un
environnement qui le secoue par de violentes accélérations, provoque
l’émiettement des corpuscules et leur dissolution en ondes lumineuses avec une
même période de vibration10.
Enfin, et c’était là le problème que la physique classique ne parvenait pas à résoudre, la
quantification des fréquences d’émission peut être expliquée simplement, en associant
une fréquence à chaque organisme premier :
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Un organisme premier doit être associé à une fréquence déterminée de
déformations organiques et vibratoires, de sorte que, lorsqu’il est mis en pièces, il
se dissout en ondes lumineuses de même fréquence, qui véhiculeront alors toute
son énergie moyenne11.
L’apparition des raies spectrales s’explique ainsi par la fréquence associée à chaque entité
vibratoire primaire : les raies correspondent simplement aux fréquences de ces entités
primaires qui composent les molécules émettant un flux de lumière. Bien sûr, il ne s’agit
ici que de suggestions et Whitehead précise que ce qu’il avance devrait être précisé, en
tenant compte des résultats empiriques enregistrés. Mais pour Whitehead, sa théorie de
l’organisme ouvre des perspectives susceptibles de nous sortir des impasses auxquelles
nous accule la conception matérialiste de la nature12 :
La théorie organique de la nature autorise des possibilités, pour reconsidérer les
lois physiques ultimes, qui ne sont pas ouvertes à la théorie matérialiste concurrent
e13.
Cette révolution ontologique proposée par Whitehead permet de le situer très nettement
dans le débat qui se constitue au milieu des années 1920. Face à la position conservatrice
exprimée par le principe de correspondance de Bohr, une tendance plus radicalement
novatrice s’est constituée. Son défenseur le plus ardent fut Schrödinger : sa « mécanique
ondulatoire » entreprend d’abandonner purement et simplement l’ontologie dualiste
héritée de la physique classique, l’ontologie de corpuscules et d’ondes, et, conformément
à l’hypothèse formulée quelques années auparavant par De Broglie, de considérer la
matière comme étant purement ondulatoire. Les atomes sont ainsi compris comme une
superposition d’ondes, superposition qui est capable de donner un effet corpusculaire
mais qui ne doit pas faire oublier que les composantes de la nature sont en fait
essentiellement ondulatoires. Dans ce débat entre Bohr et Schrödinger, Whitehead est
donc du côté de Schrödinger. Plus encore : Whitehead suggère, à titre d’hypothèse, que
les organismes qui forment l’atome sont en fait des ondes électromagnétiques 14.
Whitehead est donc sur le point, en 1925, de proposer la nouvelle ontologie qui sous-tend
la mécanique ondulatoire que Schrödinger proposa en 1926 ! À notre connaissance, il
n’existe malheureusement pas de textes où Whitehead étudie la mécanique ondulatoire
de Schrödinger. Mais il est clair qu’ils prônent tous les deux une révolution ontologique
et que les modalités de cette rupture sont sensiblement les mêmes.
3. La dualité onde-corpuscule expliquée par la théorie
organique
13
Il est un autre élément qui permet de situer Whitehead dans le débat entre les physiciens
de la mécanique quantique : c’est le traitement qu’il consacre au problème de la dualité
onde-corpuscule. Pour Whitehead, ce problème est l’occasion de montrer que les
nouveaux phénomènes, c’est-à-dire les phénomènes quantiques, exigent définitivement
les changements conceptuels contenus dans sa philosophie. Cette dualité onde-corpuscule
consiste en ceci que, selon la façon dont on observe telles ou telles particules quantiques,
les phénomènes sont de nature tantôt ondulatoire (notamment par leur caractère continu
et le fait qu’ils sont étendus dans l’espace), tantôt corpusculaire (notamment par certains
aspects de discontinuité et de localisation dans un espace confiné). Plus encore : en
général, ce sont les deux aspects qui se manifestent. Par exemple dans l’expérience des
fentes de Young, on observe sur l’écran placé derrière les deux fentes à la fois la figure
d’interférence caractéristique des ondes et la granularité caractéristique des corpuscules.
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14
Quelle est la solution de Whitehead ? Elle s’appuie sur un élément de la théorie de
l’organisme que nous avons rencontré précédemment. En effet, la permanence dans le
temps des entités physiques doit être comprise, selon Whitehead, comme étant celle des
organismes : ceux-ci sont plus ou moins stables, si bien que leurs structures
fonctionnelles, c’est-à-dire leurs formes, perdurent plus ou moins longtemps. Dans Procès
et réalité, les organismes sont des regroupements d’entités actuelles, les nexus. Or, ces
nexus sont susceptibles, progressivement, de changer de forme. C’est là le principe de la
solution proposée par Whitehead au problème de la dualité onde-corpuscule : une entité
physique est un certain nexus qui peut présenter une forme générale tantôt de type
plutôt corpusculaire, tantôt de type nettement ondulatoire. C’est ainsi que l’onde
lumineuse peut, en un sens, commencer par être vue comme une société de corpuscules,
puis finir par retrouver un aspect plutôt ondulatoire, selon que l’ordre qui caractérise le
nexus est corpusculaire ou ondulatoire. L’ordre corpusculaire est appelé « ordre
personnel » par Whitehead, et l’ordre ondulatoire, « ordre social ». Ce qui est intéressant
ici, c’est que ces deux ordres (social et personnel) sont, en un sens, compatibles dans la
mesure où l’ordre social peut se doubler localement d’éléments ayant un ordre personnel.
De la sorte, l’onde de lumière peut être plus ou moins corpusculaire. Whitehead dit ainsi :
Dans les différentes étapes de son parcours, une onde de lumière peut être plus ou
moins corpusculaire. Une série de telles ondes, dans toutes les étapes de son
parcours, implique un ordre social ; mais dans les premières étapes, cet ordre social
prend la forme plus spécifique d’éléments d’ordre personnel faiblement reliés. Cet
ordre personnel dominant disparaît graduellement au cours du temps […]. Les
ondes deviennent alors un nexus avec un ordre social important, mais sans
éléments d’ordre personnel. Ainsi, le train d’ondes commence comme une société
corpusculaire, et finit en société non corpusculaire15.
La dualité était inexplicable à partir de la conception classique : une entité de nature
ondulatoire ne peut pas être aussi une entité de nature corpusculaire. Or, en comprenant
cette dualité comme n’étant pas une dualité de nature, mais seulement une dualité
d’ordre, une dualité de formes, Whitehead peut résoudre ce problème : l’aspect
corpusculaire ou l’aspect ondulatoire n’est pas lié à la nature d’un quelconque substrat
permanent mais seulement à la forme du nexus, forme qui peut changer au cours du
temps. C’est là le principe fondamental de la solution whiteheadienne à ce problème de la
dualité. De cette façon, on explique la dualité d’aspect des particules quantiques et on
réconcilie les théories corpusculaires et ondulatoires de la lumière, théories qui
remontent respectivement à Newton et Huygens. La lumière, comme toute particule
quantique, peut avoir un caractère « plus ou moins corpusculaire » et donc aussi un
caractère plus ou moins ondulatoire.
15
Comment pouvons-nous alors situer Whitehead dans le débat entre physiciens à partir de
ce problème ? Il nous semble que le clivage pertinent est celui du réalisme, c’est-à-dire la
question de savoir si les théories scientifiques sont une description (au moins
approximativement vraie) de la réalité. La solution de Whitehead est évidemment
compatible avec la position réaliste qu’il soutient, notamment en 1920 dans Le Concept de
nature :
Je soutiens la position évidente selon laquelle les lois scientifiques, si elles sont
vraies, sont des énoncés portant sur des entités dont nous prenons connaissance
comme étant dans la nature16.
En revanche, pour Bohr, et pour la plupart des physiciens qui l’entouraient, la mécanique
quantique en général, et le problème de la dualité en particulier, obligent à renoncer au
réalisme. Dans l’interprétation de Bohr, la dualité d’aspects est en effet à l’origine du
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Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique
principe de complémentarité (qui remplace celui de correspondance à partir de 1927).
Celui-ci postule qu’il n’est pas possible de déterminer un seul modèle, ou une seule image,
capable de décrire la nature profonde des particules quantiques. Nous ne pouvons éviter
de faire appel à une pluralité d’images pour décrire l’ensemble des informations dont
nous disposons sur ces particules physiques. En particulier, les images corpusculaires et
ondulatoires sont toutes deux nécessaires pour couvrir cet ensemble d’informations
relatives à l’objet physique. Or, si elles sont nécessaires, elles sont aussi incompatibles car
on ne peut être à la fois une onde et un corpuscule. Elles ont donc valeur de symbole,
c’est-à-dire ici d’image seulement partiellement adéquate et dont la pertinence varie
d’une situation expérimentale à l’autre.
16
On voit ici apparaître la position anti-réaliste adoptée par Bohr et ses collaborateurs, et
dont est solidaire le principe de complémentarité. Pour l’École de Copenhague, les
concepts de la physique quantique ne décrivent pas la réalité objective, la réalité
supposée se tenir devant nous. L’entreprise multi-séculaire d’exploration de la matière a
trouvé une limite avec les phénomènes quantiques parce que les manifestations phénomé
nales de l’objet physique sont irréductiblement perturbées par le sujet (c’est-à-dire par le
physicien et ses instruments de mesure). C’est pourquoi aucune description de la réalité
n’est possible, et qu’il est seulement envisageable d’utiliser plusieurs images, dont aucune
n’est adéquate et qui sont incompatibles. Selon Bohr, c’est donc bien la nouvelle physique
qui impose le renoncement au réalisme :
L’interaction finie entre objet et instrument de mesure […] implique la nécessité de
renoncer définitivement à l’idéal classique […] et une révision radicale de notre
attitude à l’égard du problème de la réalité physique17.
4. La potentialité
17
Malheureusement, ce sont ces problèmes que Whitehead ne discute pas, alors qu’ils
occupèrent tous les pères fondateurs de la mécanique quantique. De façon générale, il ne
traite pas des grandes questions qui sont nées après 1927, c’est-à-dire après l’édification
proprement dite de la mécanique quantique18. En fait, Whitehead ne traite de la
mécanique quantique que comme un point d’appui pour ses propres conceptions, et non
pas comme une source de nouvelles réflexions.
18
En un sens, on peut le regretter pour sa philosophie elle-même car Whitehead aurait pu y
trouver d’autres éléments pouvant nourrir sa réflexion. Nous pensons ici en particulier à
la notion de potentialité qu’on retrouve chez l’un des pères fondateurs de la physique
quantique, Werner Heisenberg. Pour examiner ce point, nous allons nous appuyer sur une
citation extraite d’un texte non publié de 1942. Elle nous permettra de déployer certains
éléments des réflexions générales menées par Heisenberg à partir de la mécanique
quantique, et de les rapprocher des conceptions de Whitehead afin de montrer, comme
nous l’avons dit, que ces dernières correspondent tout à fait à ce que suggère la
mécanique quantique. La citation de Heisenberg est la suivante :
La théorie quantique est cette idéalisation où la réalité apparaît à chaque instant
comme une abondance déterminée de possibilités en vue d’une actualisation
objective19.
Pour comprendre cette phrase, il nous faut d’abord saisir en quel sens Heisenberg parle
de « réalité ». Il ne s’agit pas d’une réalité supposée extérieure à nous, à savoir l’ensemble
des objets physiques par opposition aux sujets. La réalité est pour lui ce que nous
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Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique
expérimentons au sens le plus général (et non pas au sens de l’expérience scientifique),
c’est la réalité empirique, toujours fluctuante, de ce que nous expérimentons :
La réalité se tient d’abord tout autour de nous comme une connexion continue en
fluctuation constante, d’où nous extrayons des processus, des phénomènes et des
lois déterminées grâce à l’intervention de notre pensée20.
Le travail de la science consiste ainsi à extraire certains aspects de la réalité : elle
construit des objets, détermine leurs propriétés, les mesure, et tente de dégager des lois
qui régissent les relations entre eux. Il s’agit bien là d’un travail de construction : les
entités de la science et leurs propriétés sont des idéalisations, des abstractions, par
opposition à la réalité concrète qui n’est pas d’emblée structurée en objets physiques aux
propriétés bien définies et soumis à des lois éternelles.
19
On retrouve ici la conception whiteheadienne de la science : celle-ci procède par des
processus d’abstraction appliqués aux événements réels, elle isole certaines
déterminations afin d’établir les relations qui les régissent. Dans Le Concept de nature,
Whitehead montre ainsi comment on peut passer des événements réels à des idéalisations
quantifiées par la procédure dite d’« abstraction extensive ». Mais, pour Whitehead, la
nature ne doit pas être comprise à partir des abstractions de la science. C’est le contraire :
les entités scientifiques, les propriétés qui leur sont assignées, sont dérivées par
abstraction de la réalité.
20
Dans cette perspective, pourquoi la réalité apparaît-elle comme « une abondance
déterminée de possibilités » ? Heisenberg s’appuie ici sur le principe de superposition qui
est un des principes fondamentaux de la mécanique quantique. Expliquons : dans la
nouvelle physique, on n’a accès qu’à des probabilités de résultats de mesure. En général,
on ne peut pas prédire avec une entière certitude le résultat d’une mesure. Le mieux que
nous puissions prédire, ce sont les probabilités des différentes valeurs que nous pouvons
trouver si nous réalisons effectivement la mesure. Par exemple, on peut chercher à
déterminer la valeur du spin d’une particule quantique — le spin étant une des
caractéristiques fondamentales des entités quantiques. Pour une particule dite de spin ½
notamment, on peut donc trouver deux valeurs possibles avec une égale probabilité : soit
F0
06 , soit – ½ h/2 06 (où h est la constante de Planck). La mesure ne donnera qu’une
+ ½ h/2 F0
seule de ces valeurs mais, avant qu’elle ne soit réalisée, on ne peut faire mieux que de dire
qu’on a une chance sur deux de trouver une valeur positive du spin, et une chance sur
deux de trouver une valeur négative. Cette situation est exprimée par le principe de
superposition qui, pour le dire simplement, stipule que l’état de la particule quantique est
une superposition de deux états, l’un correspondant à une valeur de spin égale à + ½ h
F0
/2 F0
06 , l’autre à une valeur de spin égale à – ½ h/2 06 .
21
On peut alors comprendre la phrase de Heisenberg citée précédemment. Avant l’acte de
mesure, la particule peut être décrite comme une somme de possibilités, chaque
possibilité correspondant à un des états superposés. En revanche, après l’acte de mesure,
c’est-à-dire après la mise en place effective des appareils de mesure, une seule des
possibilités est actualisée : il s’agit bien sûr de la possibilité correspondant à la valeur
effectivement mesurée par les appareils. Les possibilités peuvent ainsi être comprises
comme des puissances de manifestations phénoménales (conditionnées par l’acte de
mesure).
22
Le passage de la possibilité à l’actualité réalise selon Heisenberg une « actualisation
objective ». Elle peut être dite objective en deux sens. D’une part, l’opération de mesure
qui lui donne naissance nous arrache à la particularité de l’expérience vécue : le résultat
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Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique
de mesure est commun à tous les sujets qui réalisent l’acte de mesure, c’est un résultat
désormais public et partagé par tous. L’acte de mesure réalise l’objectivité minimale
nécessaire au travail de la science qui est toujours un travail collectif, le travail de la
communauté scientifique. D’autre part, ce qui s’est actualisé est « objectif » au sens où il
peut être rattaché au système physique étudié. Heisenberg ne dit pas qu’on peut,
purement et simplement, le projeter ontologiquement et dire par exemple : « il y a un
objet physique indépendant devant nous et il a comme propriété d’avoir un spin vertical
égal à + ½ ». Mais, en tout cas, il est possible de considérer que la mesure de spin nous
donne une information à propos du système physique, une information à propos d’un
objet.
23
Par ailleurs, l’expression « abondance déterminée » renvoie à l’idée qu’il y a un grand
nombre d’états superposés. Nous avons pris un exemple simple pour faire comprendre la
situation (une particule de spin ½) mais, en réalité, les états superposés sont toujours
multiples : non seulement, pour une mesure, il y a souvent plus de deux possibilités, mais
surtout chaque type de mesure opérée sur une préparation physique quelconque peut
aboutir à plusieurs résultats. Ainsi, selon qu’on réalise une mesure de quantité de
mouvement, ou une mesure de position, ou une mesure d’énergie, ou une mesure de spin,
et pour chacune selon la direction spatiale que l’on choisit, on trouvera tout un ensemble
de résultats possibles, et donc tout un ensemble d’états superposés. Il y a donc
« abondance ». Toutefois, cette abondance est déterminée dans la mesure où, d’une part,
tous les résultats ne sont pas possibles (certaines valeurs ne peuvent pas être le résultat
de la mesure), et où, d’autre part, il est possible de donner les probabilités associées à
chaque résultat.
24
Ainsi, pour Heisenberg, la mécanique quantique nous fait concevoir la réalité comme
« une abondance de possibilités ». La réalité doit donc être comprise à partir de la notion
de possibilité, de puissance de manifestation phénoménale. Finalement, le résultat
actualisé n’est qu’un des éléments de la réalité, se détachant sur fond de cette
« abondance de possibilités ». Whitehead n’aurait pas été en désaccord avec ce genre
d’affirmation. On sait en effet la place majeure occupée par la notion de potentialité dans
sa philosophie. Les entités actuelles sont ainsi à la fois réalisation de potentialités passées,
et potentialités pour des réalisations futures (ou potentialités pour des actualisations
futures).
25
Une entité actuelle est réalisation de potentialités passées dans la mesure où elle est une
sélection parmi des possibilités. C’est ce que Whitehead appelle la « décision », c’est-àdire le processus par lequel une entité actuelle choisit des potentialités qu’elle va faire
exister et en exclut d’autres. Whitehead écrit ainsi : « Actuality is the decision amid
potentiality »21. Mais lorsque le procès d’apparition de l’entité actuelle atteint ce que
Whitehead appelle la « satisfaction » subjective de cette entité actuelle, celle-ci est à son
tour une potentialité pour d’autres entités actuelles. C’est ce qu’affirme le principe de
relativité :
Il appartient à la nature d’un « être » d’être un potentiel pour tout « devenir » 22.
26
L’entité actuelle peut en effet à son tour être préhendée par d’autres entités actuelles et
participer ainsi à une nouvelle concrescence.
27
La potentialité apparaît ainsi comme le moteur du passage et l’ensemble de ces
concrescences constitue ce que Whitehead reconnaît comme étant le caractère
fondamental du monde, à savoir qu’il est un processus :
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« Comment une entité actuelle devient constitue ce que cette entité actuelle est ; […]
son « être » est constitué par son « devenir ». Tel est le principe du « procès » 23.
L’être se comprend donc fondamentalement à partir de la notion de potentialité et
l’actualité n’est plus que le passage entre des potentialités passées et des potentialités
futures.
28
Plus précisément, il y a deux sortes de potentialité : la potentialité générale et la
potentialité réelle. En effet, l’entité actuelle, au cours de sa concrescence, sélectionne
certaines potentialités que sont les objets éternels. Ce sont eux qui constituent la
potentialité générale, qui n’a d’autres conditions que celles imposées par la logique. Mais
cette sélection, la décision de l’entité actuelle, ne se fait pas in abstracto : elle s’accomplit
relativement au monde « déjà là », à ce qui est donné. Or, ce monde « déjà là » implique
certaines contraintes et limite la potentialité générale des objets éternels. Ce sont ces
limites qui donnent naissance à la potentialité réelle.
29
Dans le vocabulaire de Whitehead, on peut alors comprendre que l’ensemble illimité de
résultats de mesures correspond à la potentialité générale. Mais, pour chaque système
physique, seules certaines valeurs peuvent être obtenues, chacune avec une certaine
probabilité. La potentialité réelle est donc exprimée par l’ensemble des valeurs possibles
contenues dans le vecteur d’état24.
30
Nous venons de voir que, dans l’interprétation de Heisenberg, le processus de mesure
devait se comprendre à partir de la notion de possibilité (ou de potentialités). Mais si l’on
prolonge cette interprétation, c’est toute la mécanique quantique qui doit être vue
comme une théorie portant sur le possible, sur la potentialité. En effet, l’équation
fondamentale de la mécanique quantique est l’équation de Schrödinger, équation qui
décrit l’évolution temporelle du vecteur d’état. Par conséquent, si, comme Heisenberg, on
accepte de voir dans ce vecteur d’état l’expression mathématique des possibilités (des
potentialités réelles, en langage whiteheadien), alors l’équation de Schrödinger et toute la
mécanique quantique peuvent être vues comme la description de l’évolution temporelle
des potentialités réelles qui font la réalité. La mécanique quantique ne porterait donc pas
tant sur la réalité actualisée, présente, que sur ces puissances de manifestation
phénoménale. La lecture de Heisenberg amènerait ainsi à considérer que la mécanique
quantique accomplit le même geste que la philosophie de Whitehead : comprendre
l’actualité à partir de la potentialité.
Conclusion
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À l’issue de cet examen sur les relations — tacites — entre Whitehead et ses
contemporains fondateurs de la mécanique quantique, il apparaît clairement, nous
semble-t-il, que les conditions d’un débat fructueux étaient réunies, et, de ce point de vue,
on peut regretter qu’il n’ait pas eu lieu. Toutefois, il faut aussi reconnaître que les
discussions avec les théoriciens de la mécanique quantique étaient difficiles, voire
impossibles, pour qui n’appartenait pas à l’École de Copenhague. Il n’est guère qu’Einstein
qui ait réellement discuté avec Bohr et ses collaborateurs. Mais Schrödinger, par exemple,
eut le plus grand mal à faire accepter qu’on prenne au sérieux ses propositions et, en
réalité, on peut douter qu’une discussion approfondie eût pu réellement avoir lieu entre
Whitehead et l’École de Copenhague.
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C’est finalement à nous qu’il revient, aujourd’hui, de mener cette discussion, d’expliciter
les liens entre Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique. Comme nous
avons essayé de le montrer, les enjeux philosophiques du débat sont considérables : fautil changer d’ontologie ? Faut-il renoncer au réalisme scientifique ? La réalité doit-elle être
comprise à partir de la catégorie de potentialité, plutôt que celle d’actualité ? Si les
positions de Whitehead permettent de le situer nettement au sein des discussions de
l’époque, elles méritent également d’être réexaminées aujourd’hui. Comme s’emploient à
le montrer un certain nombre d’auteurs, elles peuvent en effet apporter des solutions
opérantes pour nous aider à comprendre les phénomènes quantiques.
NOTES
1. En utilisant l’appellation de « mécanique quantique », nous nous conformons à l’usage au sein
de la communauté scientifique de l’époque et dans les textes de Whitehead lui-même.
2. « The physical doctrine of the atom has got into a state which is strongly suggestive of the epicycles of
astronomy before Copernicus », Science and the Modern World, New York, The New American Library
of World Literature, 1958(éd. orig. New York, Macmillan, 1925), VIII, p. 133.
3. « The difficulty with the quantum theory is that, on this hypothesis, we have to picture the atom as
providing a limited number of definite grooves, which are the sole tracks along which vibration can take
place, whereas the classical scientific picture provides none of these grooves. The quantum theorywants
trolley-cars with a limited number of routes, and the scientific picture provides horses galloping over
prairies ». Ibid., p. 132–133.
4. Ce conservatisme ontologique ne caractérise que les positions prises par Bohr jusque vers
1925–1927. Son attitude à l’égard des problèmes d’ontologie après 1927 est plus complexe ; elle se
caractérise plutôt par une suspension du jugement concernant la question de savoir quels sont
les constituants de la matière.
5. Pour le dire à partir de la métaphore de Whitehead, on passe effectivement des chevaux qui
courent librement dans la prairie à des chariots sur des rails (ce qui permet d’expliquer les
discontinuités de l’émission) mais on ne donne pas la raison de ce passage.
6. N. Bohr, « Lumière et vie », dans Physique atomique et connaissance humaine, trad., introd. et
annot. par C. Chevalley, Paris, Gallimard « Folio », 1991 (1 ère éd. 1933), p. 153.
7. Il permit de résoudre en particulier des problèmes relatifs à la spectrographie.
8. Science and the Modern World, op.cit., V, p. 80.
9. « We can imagine the atomic nucleus as composed of a large number of primates of differing species, and
perhaps with many primates of the same species, the whole association being such as to favour stability. An
example of such an association is afforded by the association of a positive nucleus with negative electrons
to obtain a neutral atom», Science and the Modern World, op.cit., VIII, p. 134.
10. « There are certain indications in modern physics that for the rôle of corpuscular organisms at the base
of the physical field, we require vibratory entities. Such corpuscles would be the corpuscles detected as
expelled from the nuclei of atoms, which then dissolve into waves body of light. We may conjecture that
such a corpuscular body has no great stability of endurance, when in isolation. Accordingly, an
unfavourable environment leading to rapid changes in its proper space-time system, that is to say, an
environnement jolting it into violent accelerations, causes the corpuscles to go to pieces and dissolve into
light-waves of the same period of vibration», ibid., p. 135.
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11. « A primate must be associated with a definite frequency of vibratory organic deformation so that
when it goes to pieces it dissolves into light waves of the same frequency, which then carry off all its
average energy», ibid.
12. Voir aussi le problème de la trajectoire discontinue des électrons, cité par Whitehead dans
Science and the Modern World pour confirmer la pertinence de sa conception organiciste de la
matière.
13. « The organic theory of nature affords possibilities for the reconsideration of ultimate physical laws,
which are not open to the opposed materialistic theory », ibid., p. 136.
14. « It is quite easy (as a particular hypothesis) to imagine stationary vibrations of the electromagnetic
field of definite frequency, and directed radially to and from a centre, which, in accordance with the
accepted electromagnetic laws, would consist of a vibratory spherical nucleus satisfying one set of
conditions and a vibratory external fiel satisfying anoter set of conditions. This is an example of organic
deformation », ibid., p. 135.
15. « In different stages of its career, a wave of light may be more or less corpuscular. A train of such waves
at all stages of its career involves social order ; but in the earlier stages this social order takes the more
special form of loosely related strands of personal order. This dominant personal order gradually vanishes
as the time advances […]. The waves then become a nexus with important social order, but with no strands
of personal order. Thus the train of waves starts as a corpuscular society, and ends as a society which is not
corpuscular », Process and Reality. An Essay in Cosmology, corr. ed. by David Ray Griffin and Donald
W. Sherburne, New York, Free Press, 1979 (1st ed. New York, Free Press Macmillan and
Cambridge, 1929), part I, chap. III, p. 36.
16. Le Concept de nature, trad., introd., annot. par J. Douchement, Paris, Vrin, 2006, p. 83 ; Concept
of Nature, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1920, p. 45–46.
17. N. Bohr, « Discussions avec Einstein sur les problèmes épistémologiques de la physique
atomique », dans Physique atomique et connaissance humaine, trad., introd. et annot. par
C. Chevalley, Paris, Gallimard « Folio », 1991, p. 237.
18. Ces grandes questions tournent en particulier autour du problème de la perturbation de
l’objet par le sujet, du débat qui opposa Einstein et Bohr entre le réalisme et l’anti-réalisme, ou
encore de la question du déterminisme.
19. Werner Heisenberg, Philosophie. Le manuscrit de 1942, trad., introd. et bibliog., par C. Chevalley,
Paris, Seuil « Sources du savoir », 1998, p. 310. Voir aussi : « Les atomes ou les particules
élémentaires […] forment un monde de potentialités ou de possibilités plutôt qu’un monde de
choses ou de faits », dans Physique et philosophie. La science moderne en révolution, trad. par
J. Hadamard, Paris, Albin Michel, 1971, p. 248.
20. Ibid., p. 277.
21. Process and Reality,op. cit, p. 43.
22. Ibid., p. 29.
23. Ibid., p. 34-35.
24. En réalité, comme nous l’avons vu, un système physique doit être décrit, non pas comme une
entité actuelle, mais plutôt comme une société d’entités actuelles. Toutefois, cela ne change pas
fondamentalement la traduction en termes whiteheadiens du processus de mesure en physique
quantique.
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Whitehead et les pères fondateurs de la mécanique quantique
AUTEUR
SÉBASTIEN POINAT
Allocataire-moniteur en philosophie à l’université de Nice – Sophia Antipolis. Après un travail de
Master II sur Karl Popper et la théorie quantique, il prépare une thèse de doctorat sous la
direction d’Ali Benmakhlouf (C.R.H.I.) et de Thierry Paul (D.M.A., E.N.S.-Ulm). Ses recherches
portent sur les réalisations expérimentales récentes en physique quantique et leurs implications
philosophiques. À paraître : « Le corps du physicien dans la constitution du savoir », dans
Bernard Andrieu (éd.), Le Corps du chercheur (juin 2009).
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